Language of document : ECLI:EU:T:2000:230

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

12 octobre 2000 (1)

«Transparence - Accès aux documents - Décision 94/90/CECA, CE, Euratom - Portée de l'exception relative à la protection de l'intérêt public -

Activités d'inspection et d'enquête - Règle de l'auteur - Motivation»

Dans l'affaire T-123/99,

JT's Corporation Ltd, établie à Bromley (Royaume-Uni), représentée par M. M. Cornwell-Kelly, solicitor, ayant élu domicile à Luxembourg auprès du cabinet Wilson Associates, 3, boulevard Royal,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. U. Wölker et X. Lewis, membres du service juridique, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. C. Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d'annulation de la décision de la Commission du 11 mars 1999 refusant à la requérante l'accès à certains documents,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre),

composé de Mme V. Tiili, président, MM. R. M. Moura Ramos et P. Mengozzi, juges,

greffier: Mme B. Pastor, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 29 mars 2000,

rend le présent

Arrêt

Cadre juridique

1.
    Dans l'acte final du traité sur l'Union européenne, les États membres ont incorporé une déclaration (n° 17) relative au droit d'accès à l'information (ci-après la «déclaration n° 17»), qui est rédigée comme suit:

«La conférence estime que la transparence du processus décisionnel renforce le caractère démocratique des institutions ainsi que la confiance du public envers l'administration. En conséquence, la conférence recommande que la Commission soumette au Conseil, au plus tard en 1993, un rapport sur des mesures visant à accroître l'accès du public à l'information dont disposent les institutions.»

    

2.
    Le Conseil et la Commission ont approuvé, le 6 décembre 1993, un code de conduite concernant l'accès du public aux documents du Conseil et de la Commission (JO L 340, p. 41, ci-après le «code de conduite»), visant à fixer les principes régissant l'accès aux documents qu'ils détiennent.

3.
    Pour ce qui la concerne, la Commission a adopté ce code de conduite par la décision 94/90/CECA, CE, Euratom, du 8 février 1994, relative à l'accès du public aux documents de la Commission (JO L 46, p. 58).

4.
    Le code de conduite énonce le principe général suivant:

«Le public aura le plus large accès possible aux documents détenus par la Commission et le Conseil.»

5.
    Il dispose sous la rubrique intitulée «Traitement des demandes initiales», troisième alinéa (ci-après la «règle de l'auteur»):

«Lorsque le document détenu par une institution aura pour auteur une personne physique ou morale, un État membre, une autre institution ou organe communautaire ou tout autre organisme national ou international, la demande devra être adressée directement à l'auteur du document.»

6.
    Les circonstances qui peuvent être invoquées par une institution pour justifier le rejet d'une demande d'accès à des documents sont énumérées sous la rubrique du code de conduite intitulée «Régime des exceptions», dans les termes suivants:

«Les institutions refusent l'accès à tout document dont la divulgation pourrait porter atteinte à:

-    la protection de l'intérêt public (sécurité publique, relations internationales, stabilité monétaire, procédures juridictionnelles, activités d'inspection et d'enquête),

[...]

Elles peuvent aussi le refuser pour assurer la protection de l'intérêt de l'institution relatif au secret de ses délibérations.»

         

7.
    Le 4 mars 1994, la communication 94/C 67/03 de la Commission sur l'amélioration de l'accès aux documents, précisant les conditions d'application de la décision 94/90, a été publiée (JO C 67, p. 5). Il résulte de cette communication que «toute personne peut [...] demander à avoir accès à n'importe quel document de la Commission non publié, y compris les documents préparatoires et autre matériel explicatif». Quant aux exceptions prévues par le code de conduite, lacommunication expose que «[l]a Commission peut considérer que l'accès à un document doit être refusé parce que sa divulgation pourrait porter atteinte à des intérêts publics et privés ou au bon fonctionnement de l'institution [...]». Sur ce point, il est encore indiqué que «[r]ien n'est automatique en ce qui concerne les exceptions, et chaque demande d'accès à un document sera examinée suivant ses propres mérites».

    

8.
    Le règlement (CEE) n° 1468/81 du Conseil, du 19 mai 1981, relatif à l'assistance mutuelle entre les autorités administratives des États membres et à la collaboration entre celles-ci et la Commission en vue d'assurer la bonne application des réglementations douanière ou agricole (JO L 144, p. 1), tel que modifié par le règlement (CEE) n° 945/87 du Conseil, du 30 mars 1987 (JO L 90, p. 3), dispose à son article 15 ter:

«[...] En vue d'atteindre les objectifs du présent règlement, la Commission peut, dans les conditions prévues à l'article 15 bis, procéder à des missions communautaires de coopération administrative et d'enquête dans des pays tiers en coordination et en coopération étroite avec les autorités compétentes des États membres.

[...]»

9.
    L'article 15 quater du même règlement prévoit:

«Les constatations effectuées et les informations obtenues dans le cadre des missions communautaires visées à l'article 15 ter, notamment sous la forme de documents communiqués par les autorités compétentes des pays tiers concernés, sont traitées conformément à l'article 19.

Aux fins de leur utilisation dans le cadre d'actions judiciaires ou de poursuites engagées pour non-respect des réglementations douanière ou agricole, des documents originaux obtenus ou des copies légalisées de ceux-ci sont délivrés par la Commission aux autorités compétentes des États membres, sur demande de ces dernières.»

10.
    L'article 19 du règlement n° 1468/81 est libellé comme suit:

«1. Les renseignements communiqués sous quelque forme que ce soit en application du présent règlement ont un caractère confidentiel. Ils sont couverts par le secret professionnel et bénéficient de la protection accordée par la loi nationale de l'État membre qui les a reçus pour les renseignements de même nature ainsi que par les dispositions correspondantes s'appliquant aux instances communautaires.

Les renseignements visés au premier alinéa ne peuvent notamment être transmis à des personnes autres que celles qui, dans les États membres ou au sein des institutions communautaires, sont par leurs fonctions appelées à les connaître. Ilsne peuvent pas non plus être utilisés à des fins différentes de celles prévues par le présent règlement, à moins que l'autorité qui les a fournis n'y ait expressément consenti et pour autant que les dispositions en vigueur dans l'État membre où l'autorité qui les a reçus a son siège ne s'opposent pas à une telle communication ou utilisation.

2. Le paragraphe 1 ne fait pas obstacle à l'utilisation, dans le cadre d'actions judiciaires ou de poursuites engagées par la suite pour non-respect des réglementations douanière ou agricole, des renseignements obtenus en application du présent règlement.

L'autorité compétente de l'État membre qui a fourni ces renseignements est informée sans délai d'une telle utilisation.»

11.
    Le règlement n° 1468/81 a été abrogé et remplacé par le règlement (CE) n° 515/97 du Conseil, du 13 mars 1997, relatif à l'assistance mutuelle entre les autorités administratives des États membres et à la collaboration entre celles-ci et la Commission en vue d'assurer la bonne application des réglementations douanière et agricole (JO L 82, p. 1), ce dernier étant applicable à partir du 13 mars 1998.

Faits à l'origine du litige

12.
    La requérante est un importateur de textiles provenant notamment du Bangladesh. Elle a reçu, en 1997 et en 1998, plusieurs demandes de versement a posteriori de droits de douane pour un montant total de 661 133,89 livres sterling (GBP). Ces demandes portaient sur certaines importations de biens relevant du chapitre 61 du tarif douanier commun, effectuées au cours des années 1994, 1995 et 1996 .

13.
    Les importations concernées avaient initialement été exonérées de droits de douane sur présentation de certificats d'origine dans le cadre du système de préférences généralisées (ci-après les «formules A SPG»), attestant que les biens provenaient du Bangladesh. Ces formules A SPG ont été, par la suite, déclarées nulles par le gouvernement du Bangladesh.

14.
    La requérante a contesté les demandes de versement a posteriori de droits de douane devant une juridiction du Royaume-Uni. Présumant que certains documents en possession de la Commission permettraient de connaître les raisons de l'annulation des formules A SPG , la requérante a, par lettre du 20 novembre 1998 , demandé à la Commission de lui donner accès à ces documents, à savoir:

-     les rapports de mission de l'Union européenne de 1993 à 1996 concernant le Bangladesh, y compris leurs annexes (catégorie 1);

-    les réponses du gouvernement du Bangladesh (catégorie 2);

-    les décisions de la Commission relatives aux rapports de mission (catégorie 3);

-    la correspondance échangée entre la Commission et le gouvernement du Bangladesh au sujet de l'annulation des formules A SPG (catégorie 4);

-    les rapports ou résumés établis ou reçus par la Commission sur le fonctionnement du système de préférences généralisées pour des produits textiles importés du Bangladesh de 1991 à 1996 (catégorie 5).

15.
    Par lettre du 15 décembre 1998, la Commission a refusé l'accès aux documents précités . La requérante a ensuite confirmé sa demande par lettre du 7 janvier 1999. Par lettre du 18 février 1999, la Commission a fait savoir à la requérante qu'elle traiterait la demande confirmative dans les meilleurs délais et qu'elle prendrait une décision ultérieurement. Enfin, par lettre du 11 mars 1999, la Commission a rejeté la demande confirmative (ci-après la «décision» ou la «décision attaquée») dans les termes suivants:

«[...] En ce qui concerne la première catégorie et une partie de la quatrième catégorie de documents (les rapports de mission et leurs annexes ainsi que la correspondance de la Commission avec le gouvernement du Bangladesh relative à l'annulation des formules A SPG): ces rapports sont couverts par l'exception touchant à la protection de l'intérêt public au motif qu'ils ont trait aux activités d'inspection et d'enquête de la Commission. Cette exception à la règle de l'accès est expressément prévue par le code de conduite concernant l'accès du public aux documents de la Commission et du Conseil, adopté par la Commission le 8 février 1994. Il est, en effet, essentiel pour la Commission de pouvoir conduire ces enquêtes, dont l'objet est d'examiner l'authenticité et la régularité des certificats, tout en respectant le caractère confidentiel de ces procédures. En outre, une coopération sincère et un climat de confiance mutuelle entre la Commission, les États membres concernés - qui ont participé à la mission - et le gouvernement du Bangladesh sont nécessaires afin de garantir le respect de la législation douanière.

De plus, la Commission a bien mené l'enquête au Bangladesh conformément au règlement n° 1468/81 [...] En effet, l'article 15 ter de ce règlement modifié permet à la Commission de procéder à des missions communautaires de coopération administrative et d'enquête dans des pays tiers en coordination et en coopération étroite avec les autorités compétentes des États membres. Les constatations effectuées et les informations obtenues dans le cadre de ces missions communautaires doivent être traitées conformément à l'article 19 du règlement, qui institue des règles de confidentialité strictes régissant l'utilisation et l'échange d'informations dans le cadre des dispositions sur l'assistance mutuelle. En vertu de cet article, il est interdit à la Commission ou aux autorités des États membres de transmettre les renseignements obtenus dans le cadre des enquêtes à des personnes autres que celles qui, dans les États membres ou au sein des institutions communautaires, sont par leurs fonctions appelées à les connaître ou les utiliser.

En ce qui concerne la deuxième catégorie et une partie de la quatrième catégorie de documents (les réponses du gouvernement du Bangladesh au rapport sur ses agences et les lettres de ce gouvernement à la Commission relatives à l'annulation des formules A SPG), le code de conduite susmentionné prévoit que, 'lorsque le document détenu par une institution aura pour auteur une personne physique ou morale, un État membre, une autre institution ou organe communautaire ou tout autre organisme national ou international, la demande devra être adressée directement à l'auteur du document‘. Par conséquent, étant donné que ces lettres ne sont pas des documents de la Commission, je vous suggère de prendre contact directement avec les autorités dont elles proviennent.

En ce qui concerne la troisième catégorie de documents (les décisions de la Commission relatives aux rapports de mission), je peux vous annoncer que, puisqu'aucune 'décision de la Commission‘ n'a été prise au sujet des rapports de mission dont vous avez fait mention, de tels documents n'existent pas.

Quant à la cinquième catégorie de documents (rapports ou résumés recueillis ou reçus par la Commission au sujet de l'application et de la gestion du système de préférences généralisées concernant les biens textiles importés du Bangladesh entre 1991 et 1996), votre demande recouvre un si grand nombre de documents qu'il est totalement irréalisable d'entreprendre un travail qui impliquerait une quantité importante d'archives d'autres directions générales, ainsi que celles de l'UCLAF pour cette période (le volume de la correspondance sur cette question, avec les rapports et les annexes, se chiffre en milliers de documents). Je vous suggère donc de préciser votre demande sur ce point [...]»

Procédure et conclusions des parties

16.
    Par requête déposée au greffe du Tribunal le 21 mai 1999, la requérante a introduit le présent recours.

17.
    La procédure écrite s'est terminée le 15 octobre 1999.

18.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale et, à titre de mesures d'organisation de la procédure, a demandé aux parties de répondre à des questions écrites et de produire certains documents. Les parties ont déféré à ces demandes.

19.
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales du Tribunal lors de l'audience publique qui s'est déroulée le 29 mars 2000.

20.
    La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    annuler la décision attaquée;

-    condamner la Commission aux dépens.

21.
    La défenderesse conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-     rejeter le recours comme irrecevable ou, à titre subsidiaire, comme non fondé, en ce qui concerne le prétendu refus d'autoriser l'accès aux documents de la catégorie 5;

-    rejeter le recours comme irrecevable ou, à titre subsidiaire, comme non fondé, pour défaut d'intérêt dans la mesure où il porte sur le refus d'autoriser l'accès au rapport de mission de novembre-décembre 1996;

-    rejeter le recours comme non fondé pour le surplus;

-    condamner la requérante aux dépens.

Sur la recevabilité

Sur la recevabilité du recours en ce qu'il porte sur les rapports ou résumés établis ou reçus par la Commission sur le fonctionnement du système de préférences généralisées pour des produits textiles importés du Bangladesh de 1991 à 1996

22.
    La défenderesse expose qu'elle n'a pas refusé l'accès aux documents de la catégorie 5, mais qu'elle a seulement invité la requérante à préciser sa demande, ce que celle-ci a omis de faire par la suite.

23.
    La défenderesse conclut qu'elle n'a pas pris de décision pour ce qui concerne cette catégorie de documents. Par conséquent, le présent recours en annulation serait partiellement irrecevable.

24.
    Le Tribunal constate que la demande d'accès de la requérante, notamment aux documents de la catégorie 5, a fait l'objet initialement d'une décision de rejet de la part de la Commission. À cet égard, il convient de rappeler que l'article 2, paragraphe 4, de la décision 94/90 dispose que «[l]e défaut de réponse dans le mois suivant l'introduction d'une demande de révision vaut décision de rejet». En l'espèce, la Commission n'a pas répondu à la demande confirmative dans ce délai d'un mois à compter de la réception de celle-ci. En effet, il ressort du dossier que la Commission, qui a reçu la demande confirmative de la requérante le 18 janvier 1999, s'est limitée à faire savoir à la requérante, par lettre du 18 février 1999, qu'elle traiterait la demande aussi rapidement que possible et qu'elle enverrait sa réponse ultérieurement. Par conséquent, il existait, à l'expiration du délai d'un mois suivant la réception par la Commission de la demande confirmative, une décision de rejet de cette dernière. Toutefois, il y a lieu de considérer que la lettre du 11 mars 1999 a remplacé cette décision de rejet implicite et qu'elle constitue, auregard de cette dernière, une décision comportant un élément nouveau, à savoir le remplacement du refus antérieur de donner accès à la requérante aux documents de la catégorie 5 par une invitation à préciser la demande d'accès à ces documents.

25.
    Il convient de constater ensuite qu'en invitant la requérante à préciser sa demande, en raison du grand nombre de documents concernés, la Commission a explicitement laissé ouvert l'examen de cette partie de la demande d'accès et n'exclut pas, manifestement, la possibilité de donner accès à certains de ces documents (voir, par analogie, ordonnance de la Cour du 28 juin 1993, Donatab e.a./Commission, C-64/93, Rec. p. I-3595, points 13 et 14, et ordonnance du Tribunal du 30 septembre 1999, UPS Europe/Commission, T-182/98, Rec. p. II-2857, points 39 à 45). La position de la Commission quant à l'accès à cette catégorie de documents n'est donc pas définitive.

26.
    Il s'ensuit que le recours est irrecevable dans la mesure où il concerne les documents de la catégorie 5.

Sur la recevabilité du recours en ce qu'il porte sur le rapport de mission de novembre-décembre 1996

Arguments des parties

27.
    La défenderesse fait observer que la requérante dispose déjà de ce document de la «catégorie 1», qui figure d'ailleurs en copie à l'annexe 5 de la requête. Ce document aurait été communiqué à la requérante par les autorités douanières britanniques le 22 juillet 1998, après suppression de certaines informations. Elle souligne, à cet égard, que la requérante n'a spécifié dans aucune de ses lettres qu'elle souhaite avoir accès aux informations supprimées par les autorités britanniques.

28.
    La défenderesse conclut que la requérante n'a pas d'intérêt à obtenir l'accès à ce document.

29.
    La requérante explique qu'elle a reçu un extrait du rapport de mission en question et des copies de la correspondance relative aux négociations entre la Commission et le gouvernement du Bangladesh, mais que certaines informations telles que les «déclarations des sociétés bengalaises», figurant à l'annexe 1 du rapport, ont été supprimées. En outre, les rapports, notes, déclarations, factures, ainsi que la correspondance, recueillis par la mission et annexés au rapport, ne lui auraient pas non plus été communiqués. La requérante fait remarquer également qu'elle a reçu l'extrait dudit rapport de mission le 11 mai 1999, donc après l'adoption de la décision attaquée .

Appréciation du Tribunal

30.
    Force est de constater que la requérante n'a pas eu accès au rapport de mission de novembre-décembre 1996 dans son intégralité. Or, le fait que la requérante a eu accès à une partie d'un des documents visés dans sa demande ne saurait la priver du droit de solliciter la divulgation des autres parties de ce document et des autres documents auxquels elle n'a pas encore obtenu l'accès (arrêt du Tribunal du 7 décembre 1999, Interporc/Commission, T-92/98, Rec. p. II-3521, point 46). Par conséquent, contrairement à ce qu'avance la défenderesse, la requérante a intérêt à obtenir l'annulation du refus de donner accès au rapport de mission de novembre-décembre 1996.

Sur le fond

31.
    La requérante invoque, en substance, deux moyens à l'appui de son recours, tirés de la violation, premièrement, de la décision 94/90 et du règlement n° 1468/81 et, deuxièmement, de l'article 190 du traité CE (devenu article 253 CE).

Sur le premier moyen, tiré d'une violation de la décision 94/90 et du règlement n° 1468/81

32.
    Il convient d'examiner ce moyen en considération des différents documents auxquels l'accès a été demandé.

Rapports de mission et correspondance adressée par la Commission au gouvernement du Bangladesh

- Arguments des parties

33.
    La requérante fait observer que les exceptions prévues en matière d'accès aux documents doivent être interprétées restrictivement, de sorte que l'application du principe général consistant à conférer au public le plus large accès possible aux documents détenus par la Commission ne soit pas tenue en échec. Elle rappelle aussi que cette dernière doit examiner pour chaque document demandé si la divulgation est effectivement de nature à aller à l'encontre de l'un des intérêts protégés.

34.
    Or, en l'espèce, aucun élément ne permettrait d'affirmer que la divulgation des informations demandées peut gêner le travail d'inspection et d'enquête, d'autant plus que ledit travail serait achevé. Par ailleurs, le fait que les documents concernés ont été établis dans le cadre d'une coopération entre la Commission, les États membres et le gouvernement d'un pays tiers ne changerait rien à la nature des informations qui s'y trouvent. Selon la requérante, ces informations se rapportent à des questions de pur fait ayant une incidence sur le droit ou l'absence de droit au bénéfice d'un allégement tarifaire au titre de certaines exportations de biens, lesquelles avaient été initialement certifiées comme pouvant donner droit à cet allégement. La requérante estime que les informations en question ne sont pasconfidentielles ou sensibles par nature. Elles ne concerneraient pas, par exemple, des questions diplomatiques ou de politique générale ou commerciale.

35.
    La requérante rappelle également que, selon l'article 19, paragraphe 2, du règlement n° 1468/81, il ne saurait être fait obstacle à l'utilisation, dans le cadre d'actions judiciaires ou de poursuites engagées par la suite pour non-respect de la réglementation douanière, des renseignements obtenus en application du même règlement. La requérante souligne que les informations demandées à la Commission sont précisément destinées à être utilisées dans le cadre d'une procédure judiciaire. Par conséquent, invoquer la confidentialité de ces informations, comme le fait la Commission, serait contraire à l'article 19, paragraphe 2, du règlement n° 1468/81.

36.
    En outre, le refus d'accès violerait, en l'espèce, le principe du respect des droits de la défense. En effet, les informations auxquelles l'accès est demandé seraient utilisées pour justifier les demandes de versement a posteriori de droits de douane sans que la requérante puisse utilement se défendre en raison du refus qui lui a été opposé par la Commission. Sur ce point, la requérante ajoute qu'au Royaume-Uni c'est à la personne contestant une demande de versement a posteriori de droits de douane qu'il incombe de démontrer que ces droits n'étaient pas dus. La requérante signale, par ailleurs, que la juridiction nationale saisie du litige concernant l'exigibilité des droits de douane n'a pas compétence pour contraindre la Commission à produire des documents.

37.
    La défenderesse fait observer, à titre liminaire, qu'un juge national peut ordonner à la Commission de lui communiquer des documents spécifiques, sauf lorsque cette communication est de nature à entraver le fonctionnement et l'indépendance des Communautés, situation qui peut justifier un refus de l'institution. Par conséquent, la juridiction nationale devant laquelle la requérante a contesté les droits de douane qui lui sont réclamés pourrait demander à la Commission de lui transmettre des documents, dans la mesure où la communication de ceux-ci ne relève pas de l'exception susmentionnée.

38.
    La défenderesse expose ensuite que les documents en question ont été établis dans le cadre des enquêtes menées conformément au règlement n° 1468/81. Ils appartiendraient donc à la catégorie de documents concernant les activités d'inspection et d'enquête qui relèvent de l'exception obligatoire portant sur la protection de l'intérêt public. La défenderesse explique, à cet égard, qu'un climat de confiance mutuelle entre la Commission, les États membres et le gouvernement du Bangladesh est nécessaire pour garantir le respect de la législation douanière communautaire. Les inspections menées à compter de juillet 1996 auraient eu pour but de déterminer si les autorités du Bangladesh avaient délivré des certificats d'origine conformes à la réglementation en vigueur. Or, un climat de bonne coopération serait indispensable dans un tel contexte. Cela serait d'autant plus vraique la Communauté aurait considéré qu'il était dangereux de mener des inspections au Bangladesh de 1995 à mai 1996.

39.
    La défenderesse conteste l'interprétation par la requérante du règlement n° 1468/81 et rappelle que ce dernier énonce un principe de confidentialité des informations obtenues dans le cadre des enquêtes. Elle reconnaît qu'il existe une exception à ce principe concernant les procédures judiciaires, mais soutient que cette exception décharge seulement les autorités compétentes des États membres ou la Commission de leur stricte obligation de respect de la confidentialité de ces informations dès lors que celles-ci sont nécessaires aux autorités dans le cadre d'actions judiciaires. Les justiciables concernés ne pourraient, sur le fondement de cette exception, revendiquer un droit d'accès à ces informations au simple motif qu'une procédure judiciaire est pendante. Ce droit ne serait reconnu au profit desdits justiciables et ne pourrait s'exercer que dans le cadre défini par les législations nationales relatives à la procédure, lorsque les autorités compétentes utilisent ces informations dans une procédure judiciaire.

40.
    La défenderesse fait observer également que son enquête sur les circonstances dans lesquelles les autorités du Bangladesh ont délivré des certificats d'origine n'est pas encore terminée. Et même si tel avait été le cas, la Commission aurait pu légitimement refuser l'accès demandé.

41.
    Enfin, la défenderesse précise que l'autorité administrative nationale, qui est partie à la procédure pendante devant une juridiction britannique, peut communiquer les documents concernés à la requérante en vertu de l'article 19, paragraphe 2, du règlement n° 1468/81. La question de savoir si cette autorité nationale est tenue de les communiquer relèverait du droit interne. En tout état de cause, une éventuelle atteinte aux droits de la défense de la requérante au cours de la procédure judiciaire nationale ne constituerait pas une circonstance de nature à lui conférer au titre de la décision 94/90 des droits plus importants que ceux dont bénéficierait tout autre demandeur.

42.
    Dans sa réplique, la requérante se réfère à l'arrêt du Tribunal du 19 juillet 1999, Hautala/Conseil (T-14/98, Rec. p. II-2489), dans lequel il a été décidé que l'institution auprès de laquelle la demande d'accès est présentée est tenue d'examiner s'il convient d'accorder un accès partiel aux données non couvertes par les exceptions, et que l'intérêt public peut, le cas échéant, être protégé d'une façon adéquate par la suppression, après examen, des passages d'un document qui peuvent porter atteinte à cet intérêt (points 17 et 18 réplique).

43.
    La défenderesse soutient que la référence faite par la requérante à l'arrêt Hautala/Conseil, précité, constitue un moyen nouveau et donc irrecevable au sens de l'article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal. Par ailleurs, ce moyen, que la défenderesse considère comme tiré d'une violation du principe de proportionnalité, serait en tout état de cause non fondé.

- Appréciation du Tribunal

44.
    Il y a lieu de considérer, tout d'abord, que l'argumentation de la défenderesse selon laquelle la référence dans la réplique à l'arrêt Hautala/Conseil, précité, constitue un moyen nouveau et donc irrecevable ne saurait être retenue. En effet, cet arrêt ne fait que clarifier la portée du droit d'accès tel que prévu par le code de conduite, en spécifiant que les exceptions à ce droit doivent être interprétées à la lumière du principe du droit à l'information et du principe de proportionnalité, et qu'il en résulte que l'institution est tenue d'examiner s'il convient d'accorder un accès partiel, c'est-à-dire aux données non couvertes par les exceptions (arrêt Hautala/Conseil, précité, point 87). Par conséquent, la référence à cet arrêt dans la réplique de la requérante s'inscrit dans le moyen, déjà présent dans la requête, tiré d'une violation de la décision 94/90, laquelle comporte en annexe le code de conduite.

45.
    Par ailleurs, en réponse à une question qui lui était posée lors de la procédure orale, la défenderesse a affirmé qu'elle a l'habitude d'examiner, lors du traitement des demandes d'accès, la possibilité d'accorder un accès partiel. Il s'ensuit que la défenderesse ne conteste aucunement la pertinence des principes évoqués dans l'arrêt Hautala/Conseil, précité.

46.
    Toutefois, la décision attaquée ne contient aucune indication révélant un tel examen. Bien au contraire, la motivation de cette décision (voir ci-dessus point 15) fait apparaître que la Commission a raisonné par catégories de documents et non par rapport aux éléments d'information concrets que comportent les documents en question. La Commission s'est en effet limitée à exposer que les rapports de mission «sont couverts par l'exception touchant à la protection de l'intérêt public au motif qu'ils ont trait [à ses] activités d'inspection et d'enquête», précisant seulement qu'il est pour elle «essentiel [...] de pouvoir conduire ces enquêtes, dont l'objet est d'examiner l'authenticité et la régularité des certificats, tout en respectant le caractère confidentiel de ces procédures» et qu'une «coopération sincère et un climat de confiance mutuelle [...] sont nécessaires afin de garantir le respect de la législation douanière». En s'exprimant dans ces termes, la Commission laisse entendre qu'elle n'a pas apprécié concrètement si l'exception touchant à la protection de l'intérêt public s'applique réellement à l'ensemble des informations contenues dans lesdits documents.

47.
    Par ailleurs, l'argumentation de la Commission est infirmée par l'extrait du rapport de mission de novembre-décembre 1996, qui a été transmis à la requérante par les autorités britanniques et que la requérante a annexé à sa requête. Il ressort, en effet, de l'examen dudit extrait qu'une grande partie de l'information qu'il contient est constituée par des descriptions et constatations de faits qui ne portent manifestement pas atteinte aux activités d'inspection et d'enquête et par la même à l'intérêt public (voir arrêt du Tribunal du 6 avril 2000, Kuijer/Conseil, T-188/98, non encore publié au Recueil, point 57).

48.
    Il résulte de ce qui précède que la décision attaquée, dans la mesure où elle concerne les rapports de mission («catégorie 1») et la correspondance adressée par la Commission au gouvernement du Bangladesh («catégorie 4», en partie), est entachée d'erreurs manifestes dans l'application de la décision 94/90 et doit donc être annulée (arrêt Hautala/Conseil, précité, points 87 et 88).

49.
    Cette conclusion n'est infirmée ni par l'argument de la défenderesse lié à la compétence éventuelle de la juridiction nationale saisie du litige entre la requérante et les autorités britanniques de demander à la Commission la production des documents concernés (voir ci-dessus point 37), ni par celui selon lequel le droit d'accès d'une partie à une procédure judiciaire nationale relève du droit interne (voir ci-dessus point 41). Ces arguments manquent de pertinence pour la solution de la présente affaire. En effet, il ressort de la communication 94/C 67/03 que toute personne peut à n'importe quel instant introduire une demande d'accès aux documents détenus par la Commission (voir ci-dessus point 7). Dès qu'une telle demande est introduite, les dispositions de la décision 94/90 s'appliquent et la Commission doit examiner cette demande à la lumière du principe général contenu dans le code de conduite, annexé à la décision précitée, selon lequel le public aura le plus large accès possible aux documents qu'elle détient (voir arrêt de la Cour du 11 janvier 2000, Pays-Bas et van der Wal/Commission, C-174/98 P et C-189/98 P, Rec. p. I-1, points 27 à 29; arrêt Interporc/Commission, précité, points 44 et 45).

50.
    De même, la Commission ne saurait justifier son refus de donner accès aux documents visés par la demande de la requérante sur la base du règlement n° 1468/81 ou du règlement n° 515/97, qui édictent le principe du caractère confidentiel des renseignements obtenus dans le cadre d'enquêtes en matière douanière. En effet, le code de conduite, dont le texte est annexé à la décision 94/90, énonce un droit essentiel, celui de l'accès aux documents. Ce code a été adopté dans le but de rendre la Communauté plus transparente, la transparence du processus décisionnel étant un moyen de renforcer le caractère démocratique des institutions ainsi que la confiance du public envers l'administration (déclaration n° 17). Le règlement n° 1468/81, pour autant qu'il devrait être appliqué en tant que lex specialis, ne saurait être interprété dans un sens contraire à la décision 94/90 dont l'objectif fondamental est de donner aux citoyens la possibilité de contrôler d'une manière plus effective la légalité de l'exercice du pouvoir public (arrêt Interporc/Commission, précité, points 37 à 39 et 43 à 47; arrêts du Tribunal du 19 juillet 1999, Rothmans/Commission, T-188/97, Rec. p. II-2463, point 53, et du 14 octobre 1999, Bavarian Lager/Commission, T-309/97, Rec. p. II-3217, points 36 et 37). Par ailleurs, l'article 19, paragraphe 2, du règlement n° 1468/81 et l'article 45, paragraphe 3, du règlement n° 515/97, applicable à partir du 13 mars 1998, disposent que le caractère confidentiel des renseignements en cause «ne fait pas obstacle à l'utilisation, dans le cadre d'actions judiciaires ou de poursuites engagées par la suite pour non-respect des réglementations douanière ou agricole, des renseignements obtenus en application du présent règlement». Or, comme la requérante l'a souligné à juste titre, sa demande d'accès s'inscrit précisément dans le cadre d'une action judiciaire.

Correspondance adressée par le gouvernement du Bangladesh à la Commission

- Arguments des parties

51.
    La requérante soutient que la règle de l'auteur doit être interprétée en ce sens qu'une demande d'accès ne doit être adressée aux auteurs des documents sollicités que lorsque la Commission n'en possède pas d'originaux ou de copies. Exiger d'un requérant qu'il se procure des documents auprès d'organes ne relevant pas d'un contrôle juridictionnel, alors que ces documents sont en possession de la Commission, reviendrait à contourner la décision 94/90 ainsi que la déclaration n° 17. À cet égard, la requérante fait observer encore que la décision 94/90 doit être appliquée de façon à donner effet à l'intention claire des parties au traité sur l'Union européenne. En outre, si la règle de l'auteur n'était pas interprétée dans le sens proposé par la requérante, elle contreviendrait au principe de proportionnalité, en vertu duquel les mesures adoptées doivent être nécessaires pour atteindre l'objectif de la protection de la confidentialité et de l'intérêt public.

52.
    Selon la défenderesse, l'argumentation de la requérante est contredite par le libellé clair de la règle de l'auteur. Elle expose qu'elle ne pourrait en aucune manière donner accès à des documents établis par des gouvernements de pays tiers au seul motif qu'elle est en possession de ces documents. La décision de divulguer ou non des documents élaborés par des tiers appartiendrait exclusivement à ces derniers, étant donné qu'ils sont les seuls à pouvoir décider s'ils entendent ou non mener une politique de transparence.

- Appréciation du Tribunal

53.
    Il convient de rappeler que la règle de l'auteur peut être appliquée par la Commission dans le traitement d'une demande d'accès tant qu'il n'existe pas de principe de droit de rang supérieur qui lui interdise d'exclure du champ d'application du code de conduite les documents dont elle n'est pas l'auteur. Le fait que la décision 94/90 fait référence à des déclarations de politique générale, à savoir la déclaration n° 17 et les conclusions de plusieurs Conseils européens, ne modifie en rien cette constatation, ces déclarations n'ayant pas valeur de principe de droit de rang supérieur (arrêt Interporc/Commission, précité, points 66, 73 et 74).

54.
    Il résulte de ce qui précède que la Commission a fait une exacte appréciation en considérant qu'elle n'était pas tenue de donner accès aux documents qui lui avaient été adressés par le gouvernement du Bangladesh. Par conséquent, le premier moyen doit être rejeté dans la mesure où il concerne la correspondance adressée par ledit gouvernement à la Commission.

Décisions de la Commission relatives aux rapports de mission

- Arguments des parties

55.
    La requérante conteste l'affirmation de la Commission selon laquelle il n'existe pas de décisions relatives aux rapports de mission. Elle fait observer notamment que, à la suite du rapport de mission de novembre-décembre 1996, plusieurs États membres ont introduit des actions en recouvrement a posteriori de droits de douane, ces actions ayant certainement pour origine une décision de la Commission adoptant les recommandations du rapport. La requérante souligne également qu'il est indiqué à la page 2 de l'annexe 5 du rapport de mission de novembre-décembre 1996 que trois réunions ont eu lieu dans les locaux de la Commission entre des agents de cette institution et des représentants des États membres pour discuter du rapport.

56.
    La défenderesse fait remarquer que la requérante a défini systématiquement les documents demandés comme des «Décisions» de la Commission. Par conséquent, la Commission aurait considéré que la demande portait sur des décisions au sens de l'article 189 du traité CE (devenu article 249 CE). Or, aucune décision de ce type n'aurait été adoptée au sujet des rapports de mission.

57.
    Dans sa réplique, la requérante fait remarquer que la Commission admet, par ses affirmations dans le mémoire en défense, qu'il existe un document. La requérante présume qu'il s'agit de la décision de la Commission sur le rapport de mission de novembre-décembre 1996. Elle rappelle que, si la Commission n'avait pris aucune décision, aucune action en recouvrement a posteriori de droits de douane n'aurait été engagée par les États membres. Selon la requérante, en soulevant la question de savoir s'il s'agit d'une décision au sens de l'article 189 du traité, la Commission évite de justifier son refus de divulguer le procès-verbal de sa décision demandant aux États membres de prendre les mesures nécessaires.

- Appréciation du Tribunal

58.
    Force est de constater que la requérante n'a pas apporté des indices pertinents ou concordants afin d'étayer son affirmation selon laquelle il existe une ou plusieurs décisions prises par la Commission sur les rapports de mission. À cet égard, il y a lieu d'observer que le fait qu'il y a eu des réunions entre agents de la Commission et représentants des États membres au sujet de ces rapports ainsi que des actions nationales de recouvrement a posteriori de droits de douane ne révèle pas nécessairement l'existence d'une décision de la Commission outre les recommandations de celle-ci en fin de rapports de mission. En plus, la requérante n'a pas apporté d'éléments permettant de réfuter l'affirmation de la Commission selon laquelle les autorités des États membres peuvent ou doivent entamer des procédures de recouvrement a posteriori à la suite des recommandations que comportent les rapports de mission, sans qu'une décision de la Commission soit nécessaire ou même possible.

59.
    Il s'ensuit que le premier moyen doit être rejeté dans la mesure où il concerne les prétendues décisions de la Commission relatives aux rapports de mission.

60.
    Il résulte de tout ce qui précède que la décision attaquée doit être annulée dans la mesure où elle concerne les rapports de mission et la correspondance adressée par la Commission au gouvernement du Bangladesh et que le premier moyen doit être rejeté pour le surplus.

Sur le second moyen, tiré d'une violation de l'article 190 du traité

Arguments des parties

61.
    La requérante soutient que la décision attaquée est insuffisamment motivée. En effet, la Commission n'aurait pas examiné pour chaque document demandé si la divulgation est effectivement de nature à aller à l'encontre de l'un des intérêts protégés.

62.
    La défenderesse fait valoir que la motivation de la décision attaquée est exhaustive. En ce qui concerne les rapports de mission et la correspondance adressée par la Commission au gouvernement du Bangladesh, la décision indiquerait clairement que ces documents appartiennent à la catégorie relative aux activités d'inspection et d'enquête, et qu'ils sont de ce fait couverts par l'exception tirée de l'intérêt public. De plus, la décision exposerait les motifs pour lesquels la communication de ces documents au public risquerait de porter atteinte à l'intérêt public. La défenderesse souligne qu'elle ne s'est pas contentée de conclure que les documents relevaient de l'exception liée à l'intérêt public. L'argumentation de la décision attaquée préciserait non seulement pourquoi la catégorie de documents concernée entrait dans le cadre de l'exception mais également pourquoi, dans la pratique, sa diffusion porterait atteinte à l'intérêt public.

Appréciation du Tribunal

63.
    Il ressort d'une jurisprudence constante que l'obligation de motiver les décisions individuelles a pour double objectif de permettre, d'une part, aux intéressés de connaître les justifications de la décision prise afin de défendre leurs droits et, d'autre part, au juge communautaire d'exercer son contrôle sur la légalité de la décision (arrêt de la Cour du 14 février 1990, Delacre e.a./Commission, C-350/88, Rec. p. I-395, point 15; arrêt du Tribunal du 5 mars 1997, WWF UK/Commission, T-105/95, Rec. p. II-313, point 66). La question de savoir si la motivation d'une décision satisfait à ces exigences doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte, ainsi que de l'ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêt de la Cour du 29 février 1996, Commission/Conseil, C-122/94, Rec. p. I-881, point 29; arrêt Kuijer/Conseil, précité, point 36).

64.
    Il ressort, en outre, de la jurisprudence que la Commission est tenue d'examiner pour chaque document auquel l'accès est sollicité si, au regard des informations dont elle dispose, la divulgation est effectivement susceptible de porter atteinte àl'un des aspects de l'intérêt public protégé par le régime des exceptions (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 17 juin 1998, Svenska Journalistförbundet/Conseil, T-174/95, Rec. p. II-2289, point 112; arrêt Kuijer/Conseil, précité, point 37).

65.
    Il s'ensuit que la Commission doit faire apparaître dans la motivation de sa décision qu'elle a procédé à une appréciation concrète des documents en cause (arrêt Kuijer/Conseil, précité, point 38). Or, comme le Tribunal l'a déjà constaté ci-dessus en ce qui concerne les rapports de mission et la correspondance adressée par la Commission au gouvernement du Bangladesh (point 46), une telle appréciation n'apparaît pas dans la décision attaquée. Au contraire, la Commission s'est basée exclusivement sur les caractéristiques générales des catégories de documents demandés.

66.
    Par conséquent, le second moyen est fondé dans la mesure où il porte sur les rapports de mission («catégorie 1») et la correspondance adressée par la Commission au gouvernement du Bangladesh («catégorie 4», en partie).

67.
    En revanche, la motivation de la décision attaquée est suffisante en ce qui concerne les autres documents visés par la demande de la requérante. En ce qui concerne la correspondance adressée par le gouvernement du Bangladesh à la Commission, cette dernière a cité la règle de l'auteur et indiqué à la requérante qu'il lui incombait de demander une copie des documents en cause aux autorités du Bangladesh. La requérante a été, dès lors, en mesure de connaître les justifications de la décision attaquée et le Tribunal d'exercer son contrôle sur la légalité de celle-ci. Par conséquent, la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'une motivation plus spécifique était nécessaire (arrêt Interporc/Commission, précité, point 78). De même, il y a lieu de considérer que, pour ce qui concerne les prétendues décisions relatives aux rapports de mission, la Commission pouvait se limiter à indiquer que de tels documents n'existaient pas, sans avoir l'obligation de spécifier pourquoi de telles décisions n'avaient pas été prises.

68.
    Il ressort de toutes les considérations qui précèdent que la décision attaquée doit être annulée en ce qu'elle refuse l'accès aux rapports de mission de l'Union européenne de 1993 à 1996 concernant le Bangladesh, y compris leurs annexes, et à la correspondance adressée par la Commission au gouvernement du Bangladesh au sujet de l'annulation des formules A SPG, et que le recours doit être rejeté pour le surplus.

Sur les dépens

69.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, ce dernier peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs. En l'espèce, il sera fait une juste appréciation des circonstances de la cause en décidant que la défenderesse supportera ses propres dépens ainsi qu'une moitié deceux exposés par la requérante, laquelle supportera donc une moitié de ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête:

1)    La décision de la Commission du 11 mars 1999, en ce qu'elle refuse à la requérante l'accès aux rapports de mission de l'Union européenne de 1993 à 1996 concernant le Bangladesh, y compris leurs annexes, et à la correspondance adressée par la Commission au gouvernement du Bangladesh au sujet de l'annulation des certificats d'origine dans le cadre du système de préférences généralisées, est annulée.

2)    Le recours est rejeté pour le surplus.

3)    La requérante supportera une moitié de ses propres dépens.

4)    La Commission supportera ses propres dépens ainsi qu'une moitié de ceux exposés par la requérante.

Tiili

Moura Ramos
Mengozzi

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 octobre 2000.

Le greffier

Le président

H. Jung

P. Mengozzi


1: Langue de procédure: l'anglais.