Language of document : ECLI:EU:T:2024:193

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

20 mars 2024 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne verbale PATAPOUF – Marque de l’Union européenne verbale antérieure PATA NEGRA – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑540/23,

Sandhold BV, établie à Leiden (Pays-Bas), représentée par Me A. Spiegeler, avocate,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. M. Eberl, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO ayant été

Grupo de Bodegas Vinartis, SA, établie à Madrid (Espagne),

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de MM. A. Kornezov, président, G. De Baere (rapporteur) et K. Kecsmár, juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Sandhold BV, demande l’annulation partielle de la décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 1er juin 2023 (affaire R 2553/2022‑2) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 1er avril 2021, la requérante a présenté à l’EUIPO une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne pour le signe verbal PATAPOUF.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent, notamment, de la classe 33 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Vin ; boissons alcooliques pré-mélangées ; boissons alcoolisées contenant des fruits ; boissons distillées ; spiritueux ; boissons alcoolisées à l’exception des bières ; boissons énergétiques alcoolisées ; extraits d’alcools forts spiritueux ».

4        Le 15 juillet 2021, l’opposante, Grupo de Bodegas Vinartis, SA, a formé opposition à l’enregistrement de la marque demandée pour tous les produits visés au point 3 ci-dessus.

5        L’opposition était fondée, notamment, sur la marque de l’Union européenne verbale antérieure PATA NEGRA, déposée le 23 juin 1999 et enregistrée le 15 octobre 2002 sous le numéro 1218213, désignant les « boissons alcooliques (à l’exception des bières) », relevant de la classe 33.

6        Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était celui visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1).

7        Par décision du 25 octobre 2022, la division d’opposition a rejeté l’opposition.

8        Le 22 décembre 2022, l’opposante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’opposition.

9        Par la décision attaquée, d’une part, la chambre de recours a considéré qu’il existait un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, pour les « vin ; boissons alcooliques pré-mélangées ; boissons alcoolisées contenant des fruits ; boissons distillées ; spiritueux ; boissons alcoolisées à l’exception des bières ; boissons énergétiques alcoolisées » et, en conséquence, a annulé la décision de la division d’opposition en ce qu’elle avait rejeté l’opposition pour ces produits. D’autre part, elle a rejeté le recours en ce qui concernait les « extraits d’alcools forts spiritueux ».

 Conclusions des parties

10      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

11      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens si une audience de plaidoiries est organisée.

 En droit

12      À l’appui de son recours, la requérante soulève, en substance, un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

 Sur la portée du recours

13      Il y a lieu de relever que, par son premier chef de conclusions, la requérante demande l’annulation de la décision attaquée dans son intégralité.

14      Aux termes de l’article 72, paragraphe 4, du règlement 2017/1001, le recours devant le Tribunal contre une décision d’une chambre de recours de l’EUIPO est ouvert à toute partie à la procédure devant la chambre de recours pour autant que la décision de celle-ci n’a pas fait droit à ses prétentions.

15      Or, il convient de rappeler que la chambre de recours a partiellement rejeté le recours de l’opposante en rejetant l’opposition pour les produits « Extraits d’alcools forts spiritueux ».

16      Dès lors, il y a lieu de considérer que, par son recours, la requérante demande uniquement l’annulation de la décision attaquée en tant qu’elle a accueilli l’opposition pour les « vin ; boissons alcooliques pré-mélangées ; boissons alcoolisées contenant des fruits ; boissons distillées ; spiritueux ; boissons alcoolisées à l’exception des bières ; boissons énergétiques alcoolisées », et que son premier chef de conclusions doit être interprété comme étant une demande d’annulation partielle de la décision attaquée.

 Sur la recevabilité des preuves produites pour la première fois devant le Tribunal

17      L’EUIPO soutient que les documents constituant les annexes A.1 et A.2 de la requête n’ont pas été produits au cours de la procédure devant la chambre de recours et sont donc irrecevables.

18      Un recours porté devant le Tribunal en vertu de l’article 72, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours. Dans le cadre dudit règlement, en application de son article 95, ce contrôle doit se faire au regard du cadre factuel et juridique du litige tel qu’il a été porté devant la chambre de recours [voir arrêt du 1er février 2005, SPAG/OHMI – Dann et Backer (HOOLIGAN), T‑57/03, EU:T:2005:29, point 17 et jurisprudence citée].

19      Dès lors, la fonction du Tribunal n’est pas de réexaminer les circonstances de fait à la lumière des preuves présentées pour la première fois devant lui. En effet, l’admission de ces preuves est contraire à l’article 188 du règlement de procédure du Tribunal, selon lequel les mémoires des parties ne peuvent pas modifier l’objet du litige devant la chambre de recours. Partant, les preuves produites pour la première fois devant le Tribunal doivent être déclarées irrecevables, sans qu’il soit nécessaire de les examiner [voir arrêt du 14 mai 2009, Fiorucci/OHMI – Edwin (ELIO FIORUCCI), T‑165/06, EU:T:2009:157, point 22 et jurisprudence citée].

20      Il suffit de constater que l’annexe A.1 de la requête, reproduisant un graphique relatif aux langues étudiées par les élèves de l’Union européenne, et l’annexe A.2, incluant des captures d’écran de sites Internet vendant du jambon Pata Negra, n’ont pas été produites lors de la procédure devant l’EUIPO. Il s’ensuit que les éléments de preuve produits pour la première fois devant le Tribunal en tant qu’annexes A.1 et A.2 de la requête doivent être déclarés irrecevables.

 Sur le moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001

21      La requérante soulève, en substance, trois griefs, tirés, le premier, d’une erreur commise par la chambre de recours dans la définition du public pertinent, le deuxième, du refus de la chambre de recours de procéder à une comparaison des signes en conflit sur le plan conceptuel et de tenir compte de la notoriété élevée du produit associé à la marque antérieure et, le troisième, d’une appréciation erronée de la similitude des signes en conflit.

22      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

23      Constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].

24      Dans la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que les produits « Vin ; boissons alcooliques pré-mélangées ; boissons alcoolisées contenant des fruits ; boissons distillées ; spiritueux ; boissons alcoolisées à l’exception des bières ; boissons énergétiques alcoolisées » visés par la marque demandée et les produits couverts par la marque antérieure étaient identiques.

25      La requérante ne conteste pas cette appréciation.

26      La chambre de recours a indiqué que, la marque antérieure étant une marque de l’Union européenne, le territoire pertinent pour apprécier le risque de confusion était l’ensemble de l’Union. Elle a considéré que le public pertinent était le grand public faisant preuve d’un niveau d’attention moyen.

27      S’agissant de la comparaison des signes en conflit, la chambre de recours a relevé que la marque antérieure PATA NEGRA n’avait de signification qu’en espagnol et en portugais et que la marque demandée PATAPOUF n’avait de signification qu’en français. Dès lors, elle a considéré que la comparaison des signes devait être effectuée en excluant les parties francophone, hispanophone et lusophone du public pertinent et en prenant en compte la partie du public pour laquelle les marques en conflit n’avaient aucune signification et présentaient un degré normal de caractère distinctif. Elle a estimé que, par conséquent, il n’était pas possible de procéder à une comparaison sur le plan conceptuel.

28      Ensuite, la chambre de recours a indiqué que les signes en conflit coïncidaient par le premier élément « pata » du signe antérieur, qui constituait la partie initiale du signe demandé, et qu’ils différaient par le second élément « negra » du signe antérieur et les lettres finales « p », « o », « u » et « f » du signe demandé. Elle a indiqué que les signes en conflit avaient presque la même longueur, à savoir respectivement huit et neuf lettres. Elle a conclu que les signes en conflit présentaient un degré moyen de similitude sur les plans visuel et phonétique.

29      La chambre de recours a relevé que l’opposante n’avait pas fait valoir que la marque antérieure présentait un caractère distinctif élevé du fait de son usage ou de sa renommée et que cette marque n’avait pas de signification pour les produits en cause du point de vue de la partie du public prise en considération. Elle a considéré que la marque antérieure disposait donc d’un caractère distinctif intrinsèque normal.

30      En conséquence, la chambre de recours a conclu que, pour une partie significative du public pertinent pour laquelle les signes en conflit étaient dépourvus de signification, il existait un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 en ce qui concernait les produits visés au point 24 ci-dessus.

 Sur le premier grief, tiré d’une erreur dans la définition du public pertinent

31      En premier lieu, la requérante fait valoir que, l’opposition étant également fondée sur une marque antérieure espagnole, la chambre de recours ne pouvait exclure la partie hispanophone du public pertinent.

32      À cet égard, il suffit de constater que la chambre de recours a conclu à l’existence d’un risque de confusion et a accueilli l’opposition pour les produits visés au point 24 ci-dessus en prenant en compte la marque antérieure de l’Union européenne invoquée par l’opposante. Il s’ensuit que, s’agissant de ces produits, l’examen de l’opposition au regard de la marque nationale antérieure également invoquée par l’opposante n’était pas nécessaire et que le public visé par cette marque n’est pas pertinent.

33      En deuxième lieu, la requérante fait valoir que la chambre de recours, en considérant qu’une partie du public pertinent ne comprendrait pas la signification des signes en conflit et en excluant les parties francophone, hispanophone et lusophone de ce public, s’est appuyée sur une partie non significative ou non représentative de ce public et que c’est à tort qu’elle n’a pas procédé à la comparaison des signes sur le plan conceptuel.

34      Elle soutient que les parties francophone, hispanophone ou lusophone du public pertinent représentent une partie substantielle de l’Union, étant donné que le français, l’espagnol et le portugais sont les langues officielles de cinq pays de l’Union et que les deux premières sont couramment étudiées par les élèves de l’Union. Selon la requérante, la chambre de recours aurait dû considérer que l’ensemble du public pertinent était capable de comprendre ces langues.

35      Premièrement, il convient de relever que, s’agissant de la connaissance d’une langue, elle ne peut être supposée sur un territoire que pour la langue maternelle s’y rapportant. Des connaissances linguistiques dans une langue étrangère peuvent exceptionnellement être considérées comme un fait notoire, et doivent pour le reste être exposées et démontrées par la partie ayant la charge de la preuve [voir arrêt du 20 octobre 2021, Roller/EUIPO – Flex Equipos de Descanso (DORMILLO), T‑596/20, non publié, EU:T:2021:721, point 82 et jurisprudence citée].

36      Or, l’argument de la requérante n’est pas de nature à établir que le français, l’espagnol et le portugais seraient compris par l’ensemble du grand public de l’Union ni a fortiori à démontrer que celui-ci comprendrait la signification des signes en conflit.

37      Deuxièmement, lorsque la protection de la marque antérieure s’étend à l’ensemble de l’Union, il y a lieu de prendre en compte la perception des marques en conflit par le consommateur des produits en cause sur ce territoire. Toutefois, il convient de rappeler que, pour refuser l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne, il suffit qu’un motif relatif de refus au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 existe dans une partie de l’Union [voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 76 et jurisprudence citée].

38      À cet égard, il convient de rappeler que, dans le cas où, comme en l’espèce, la marque antérieure invoquée à l’appui d’une opposition est une marque de l’Union européenne, l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 n’exige pas, pour que l’enregistrement de la marque demandée soit refusé, que le risque de confusion existe dans tous les États membres et dans toutes les zones linguistiques de l’Union. En effet, le caractère unitaire de la marque de l’Union européenne implique qu’une marque de l’Union européenne antérieure est opposable à toute demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne qui porterait atteinte à la protection de la première marque, ne fût-ce que par rapport à la perception des consommateurs d’une partie du territoire de l’Union [arrêt du 18 septembre 2008, Armacell/OHMI, C‑514/06 P, non publié, EU:C:2008:511, points 56 et 57 ; voir, également, arrêt du 16 janvier 2018, Sun Media/EUIPO – Meta4 Spain (METAPORN), T‑273/16, EU:T:2018:2, point 86 (non publié) et jurisprudence citée].

39      Selon la jurisprudence, le constat d’un risque de confusion pour une partie non négligeable du public pertinent est suffisant pour accueillir une opposition formée contre une demande d’enregistrement [voir arrêt du 7 juin 2023, Brooks England/EUIPO – Brooks Sports (BROOKS ENGLAND), T‑63/22, non publié, EU:T:2023:312, point 76 et jurisprudence citée].

40      Il en ressort que, contrairement à ce que soutient la requérante, il n’est pas nécessaire que le risque de confusion soit constaté dans une partie significative ou représentative de l’Union. Il suffit que la partie du public pertinent prise en compte par la chambre de recours pour apprécier l’existence d’un risque de confusion ne soit pas minime ou négligeable.

41      À cet égard, l’existence d’un risque de confusion pour une partie non négligeable du public pertinent qui ne perçoit pas la différence conceptuelle entre les marques en conflit en raison de son absence de maîtrise d’une certaine langue suffit à ce que l’enregistrement de la marque demandée soit refusé [voir arrêt du 23 septembre 2020, Brillux/EUIPO – Synthesa Chemie (Freude an Farbe), T‑401/19, non publié, EU:T:2020:427, point 27 et jurisprudence citée].

42      Il suffit de constater que la partie du public pertinent prise en compte par la chambre de recours pour laquelle elle a constaté l’existence d’un risque de confusion, à savoir les consommateurs de l’Union qui ne parlaient pas le français, l’espagnol ou le portugais, ne saurait être considérée comme représentant une partie négligeable du public pertinent.

43      Ainsi, l’argument de la requérante selon lequel les parties francophone, hispanophone ou lusophone du public pertinent qui n’ont pas été prises en compte par la chambre de recours représenteraient une partie substantielle de l’Union est inopérant.

44      En troisième lieu, la requérante soutient que, même si la partie du public pertinent prise en compte par la chambre de recours ne comprenait pas le français, l’espagnol et le portugais, de nombreuses langues de l’Union ont une traduction assez proche des termes « pata » et « negra ». Elle fait valoir que, compte tenu de ces ressemblances et des compétences linguistiques du consommateur moyen de l’Union, une partie significative du public pertinent est en mesure de comprendre la signification des termes « pata » et « negra », ce qui permet une comparaison des signes sur le plan conceptuel. Ainsi, le raisonnement de la chambre de recours ne concernerait pas la majeure partie des consommateurs moyens de l’Union, mais seulement une petite partie d’entre eux.

45      D’une part, il y a lieu de relever que la requérante fait valoir que le mot « pata » se traduit en grec par « podi » et en néerlandais par « poot » et que le mot « negra » se traduit en italien par « nera » et en roumain par « negru ». Cependant, aucun de ces exemples ne montre que l’expression « pata negra » aurait une traduction suffisamment proche dans une autre langue de l’Union pour qu’un consommateur qui ne serait ni hispanophone ni lusophone soit en mesure d’en comprendre la signification.

46      D’autre part, comme le relève l’EUIPO, la requérante se limite à mentionner des traductions de l’expression « pata negra » en italien, en grec, en néerlandais et en roumain, sans faire référence aux autres langues de l’Union telles que l’allemand, le polonais, le tchèque, le danois ou le suédois. Cet argument ne permet donc pas, en toute hypothèse, d’établir que la partie du public de l’Union qui ne serait pas en mesure de comprendre la signification de l’expression « pata negra » et pour laquelle la chambre de recours a conclu à l’existence d’un risque de confusion constituerait une partie négligeable du public pertinent.

47      Il ressort de ce qui précède que la requérante n’a pas établi que le public pertinent qui n’est pas francophone, hispanophone ou lusophone serait en mesure de comprendre la signification des signes en conflit ni que la chambre de recours aurait fondé à tort son appréciation du risque de confusion sur la partie du public pertinent pour laquelle les signes en conflit n’ont aucune signification.

48      Or, lorsqu’aucun des signes en conflit n’a de signification, pris dans son ensemble, il doit être constaté que la comparaison sur le plan conceptuel n’est pas possible [voir arrêts du 6 avril 2022, Agora Invest/EUIPO – Transportes Maquinaria y Obras (TRAMOSA), T‑219/21, non publié, EU:T:2022:219, point 117 et jurisprudence citée, et du 12 juillet 2023, Innovaciones Cosmético Farmacéuticas/EUIPO – Benito Oliver (th pharma), T‑27/22, non publié, EU:T:2023:390, point 125 et jurisprudence citée].

49      Dès lors, contrairement à ce que soutient la requérante, étant donné que les signes en conflit n’avaient pas de signification pour la partie du public pertinent au regard de laquelle la chambre de recours a apprécié l’existence du risque de confusion, cette dernière a pu considérer à juste titre que la comparaison des signes en conflit sur le plan conceptuel n’était pas possible.

50      Partant, le premier grief doit être rejeté.

 Sur le deuxième grief, tiré de l’absence de comparaison des signes en conflit sur le plan conceptuel et de l’absence de prise en compte de la notoriété élevée du produit associé à la marque antérieure

51      La requérante fait valoir que la chambre de recours a sous-estimé la renommée élevée de l’appellation « pata negra » constituant la marque antérieure, dont le public sera en mesure de comprendre immédiatement la signification et de la différencier de la marque demandée PATAPOUF. Selon elle, le consommateur associera l’appellation « pata negra » à un type renommé de jambon espagnol de haute qualité ainsi que tout produit portant le signe PATA NEGRA à de la charcuterie espagnole de haute qualité. Elle soutient que la reconnaissance immédiate par le public pertinent de l’appellation « pata negra » comme évoquant du jambon espagnol crée une différence conceptuelle avec le signe demandé de nature à neutraliser les similitudes sur les plans visuel et phonétique.

52      La requérante s’appuie sur la jurisprudence selon laquelle l’appréciation globale du risque de confusion implique que les différences conceptuelles entre deux signes peuvent neutraliser des similitudes visuelles et phonétiques entre eux, pour autant qu’au moins l’un de ces signes a, dans la perspective du public pertinent, une signification claire et déterminée, de telle sorte que ce public est susceptible de la saisir directement (arrêt du 12 janvier 2006, Ruiz-Picasso e.a./OHMI, C‑361/04 P, EU:C:2006:25, point 20 ; voir, également, arrêt du 17 septembre 2020, EUIPO/Messi Cuccittini, C‑449/18 P et C‑474/18 P, non publié, EU:C:2020:722, point 85 et jurisprudence citée).

53      Or, il y a lieu de relever que les conditions énoncées dans cette jurisprudence ne sont pas remplies en l’espèce.

54      D’une part, il y a lieu de rappeler qu’il ressort de l’analyse du premier grief que la chambre de recours s’est appuyée à juste titre sur la partie du public pertinent pour laquelle les signes en conflit n’avaient pas de signification et qu’elle a considéré à bon droit que, dès lors, la comparaison sur le plan conceptuel n’était pas possible.

55      D’autre part, la requérante n’a pas démontré que l’expression « pata negra » aurait une signification claire et déterminée susceptible d’être saisie directement par une partie substantielle du public pertinent.

56      Certes, il ne saurait être exclu, comme le soutient la requérante, qu’une partie du public pertinent puisse reconnaître dans la marque antérieure une appellation pour du jambon ibérique. Toutefois, la requérante n’a apporté aucun élément de nature à démontrer que cette appellation serait connue d’une partie substantielle de ce public.

57      À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’annexe A.2, invoquée par la requérante à l’appui de cette affirmation, a été rejetée comme irrecevable pour les motifs figurants aux points 18 à 20 ci-dessus. En tout état de cause, cette annexe ne contient que sept captures d’écran de sites Internet vendant du jambon ibérique Pata Negra dans six pays de l’Union permettant tout au plus de constater que du jambon est vendu dans certains États membres de l’Union sous l’appellation « pata negra » par un nombre limité d’entreprises. Cette annexe ne saurait donc, en toute hypothèse, établir que l’expression « pata negra » aurait une signification claire et déterminée pour une partie substantielle du public qui ne parle pas l’espagnol ni le portugais.

58      Il s’ensuit que, en l’absence de différences conceptuelles entre les signes en conflit, lesquels n’ont pas de signification claire et déterminée pour le public pertinent, l’argument de la requérante concernant la neutralisation des similitudes sur les plans visuel et phonétique doit être rejeté.

59      Partant, le deuxième grief doit être rejeté.

 Sur le troisième grief, tiré d’une appréciation erronée de la similitude des signes en conflit

60      La requérante fait valoir que les degrés de similitude sur les plans visuel, phonétique et conceptuel sont faibles ou très faibles en raison des différences de terminaison des signes en conflit. Sur le plan visuel, elle soutient que, les signes en conflit n’ayant pas le même nombre de lettres ni de mots, la similitude serait très faible. Sur le plan phonétique, le rythme et la prononciation du signe demandé seraient totalement différents de ceux du signe antérieur et les signes seraient faiblement similaires. Sur le plan conceptuel, les signes en conflit n’auraient pas de signification commune et elle relève que la partie francophone du public pertinent et d’autres parties de ce public comprendraient la signification du mot « patapouf ». La chambre de recours aurait donc conclu à tort à l’existence d’un risque de confusion.

61      Il convient de relever que le signe demandé et le signe antérieur sont constitués respectivement de huit et de neuf lettres, qu’ils ont en commun le groupe de lettres « pata », formant les quatre premières lettres du signe demandé et le premier mot du signe antérieur, et qu’ils diffèrent par leurs terminaisons « pouf » et « negra ».

62      Prenant en compte ces éléments, la chambre de recours a conclu à l’existence d’un degré moyen de similitude sur les plans visuel et phonétique.

63      D’une part, sur le plan visuel, la requérante se contente de rappeler ces différents éléments pour faire valoir qu’il en résulte un très faible degré de similitude, ce qui ne suffit pas à remettre en cause l’appréciation de la chambre de recours.

64      D’autre part, sur le plan phonétique, la requérante ne saurait soutenir que le fait que le signe antérieur comprenne une syllabe de plus et une terminaison différente par rapport au signe demandé aboutirait à une prononciation des signes totalement différente. Il convient de rappeler que le signe antérieur et le signe demandé sont composés respectivement de quatre et de trois syllabes et qu’ils partagent leurs deux premières syllabes « pa » et « ta ». L’argument de la requérante ne permet pas de remettre en cause l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle les signes en conflit sont similaires à un degré moyen.

65      Sur le plan conceptuel, il suffit de rappeler que la chambre de recours a pris en considération la partie du public pertinent pour laquelle les signes en conflit n’avaient pas de signification et qu’une comparaison sur ce plan n’était pas possible.

66      L’affirmation de la requérante selon laquelle d’autres parties du public pertinent que la partie francophone seraient en mesure de comprendre la signification du mot « patapouf » n’est pas étayée.

67      Partant, les arguments de la requérante ne sont pas susceptibles de remettre en cause l’appréciation de la chambre de recours concernant la similitude des signes en conflit.

68      Par conséquent, le troisième grief doit être rejeté.

69      En conclusion, il y a lieu de rappeler que la chambre de recours a relevé que les produits en cause étaient identiques, que le public pertinent était composé du grand public faisant preuve d’un niveau d’attention moyen et que la marque antérieure disposait d’un caractère distinctif normal, ce que la requérante ne conteste pas. De plus, la requérante n’a pas établi que la chambre de recours aurait commis une erreur en considérant, d’une part, que les signes en conflit étaient similaires à un degré moyen sur les plans visuel et phonétique et, d’autre part, que la comparaison sur le plan conceptuel n’était pas possible pour la partie du public pertinent qui ne parlait ni le français, ni l’espagnol, ni le portugais. Il s’ensuit que, concernant les produits en cause, la chambre de recours a conclu à juste titre à l’existence d’un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

70      Il s’ensuit que le moyen unique et, dès lors, le recours doivent être rejetés.

 Sur les dépens

71      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

72      Bien que la requérante ait succombé, l’EUIPO n’a conclu à la condamnation de celle-ci aux dépens qu’en cas d’organisation d’une audience. En l’absence d’organisation d’une audience, il convient de décider que chaque partie supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Chaque partie supportera ses propres dépens.

Kornezov

De Baere

Kecsmár

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 20 mars 2024.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.