Language of document : ECLI:EU:T:2013:469

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

16 septembre 2013 (*)

« Concurrence – Ententes – Marchés belge, allemand, français, italien, néerlandais et autrichien des installations sanitaires pour salles de bains – Décision constatant une infraction à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE – Coordination de hausses de prix et échange d’informations commerciales sensibles – Infraction unique »

Dans l’affaire T‑378/10,

Masco Corp., établie à Taylor, Michigan (États-Unis),

Hansgrohe AG, établie à Schiltach (Allemagne),

Hansgrohe Deutschland Vertriebs GmbH, établie à Schiltach,

Hansgrohe Handelsgesellschaft mbH, établie à Wiener Neudorf (Autriche),

Hansgrohe SA/NV, établie à Bruxelles (Belgique),

Hansgrohe BV, établie à Westknollendam (Pays-Bas),

Hansgrohe SARL, établie à Antony (France),

Hansgrohe SRL, établie à Villanova d’Asti (Italie),

Hüppe GmbH, établie à Bad Zwischenahn (Allemagne),

Hüppe Ges.mbH, établie à Laxenburg (Autriche),

Hüppe Belgium SA, établie à Woluwé Saint-Étienne (Belgique),

Hüppe BV, établie à Alblasserdam (Pays-Bas),

représentées par Mes D. Schroeder, S. Heinz, avocats, et M. J. Temple Lang, solicitor,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par MM. F. Castillo de la Torre et F. Ronkes Agerbeek, en qualité d’agents, assistés de M. B. Kennelly, barrister,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation partielle de l’article 1er de la décision C (2010) 4185 final de la Commission, du 23 juin 2010, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/39092 – Installations sanitaires pour salles de bains), pour autant que la Commission y a considéré que les requérantes avaient participé à une infraction unique et complexe dans le secteur des installations sanitaires pour salles de bains,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de Mme I. Pelikánová, président, Mme K. Jürimäe (rapporteur) et M. M. van der Woude, juges,

greffier : M. N. Rosner, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 28 février 2012,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Par la décision C (2010) 4185 final, du 23 juin 2010, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/39092 – Installations sanitaires pour salles de bains,) (ci-après la « décision attaquée »), la Commission européenne a constaté l’existence d’une infraction à l’article 101, paragraphe 1, TFUE et à l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen (EEE) dans le secteur des installations sanitaires pour salles de bains. Cette infraction, à laquelle 17 entreprises auraient participé, se serait déroulée au cours de différentes périodes comprises entre le 16 octobre 1992 et le 9 novembre 2004 et aurait pris la forme d’un ensemble d’accords anticoncurrentiels ou de pratiques concertées sur les territoires de la Belgique, de l’Allemagne, de la France, de l’Italie, des Pays-Bas et de l’Autriche (considérants 2 et 3 et article 1er de la décision attaquée).

2        Plus précisément, la Commission a indiqué, dans la décision attaquée, que l’infraction constatée consistait, premièrement, en la coordination, par lesdits fabricants d’installations sanitaires pour salles de bains, des hausses de prix annuelles et d’autres éléments de tarification, dans le cadre de réunions régulières au sein d’associations nationales professionnelles, deuxièmement, en la fixation ou la coordination des prix à l’occasion d’événements spécifiques tels que l’augmentation du coût des matières premières, l’introduction de l’euro ainsi que l’instauration de péages routiers et, troisièmement, en la divulgation et l’échange d’informations commerciales sensibles. En outre, la Commission a constaté que la fixation des prix dans le secteur des installations sanitaires pour salles de bains suivait un cycle annuel. Dans ce cadre, les fabricants fixaient leurs barèmes de prix, qui restaient généralement en vigueur pendant un an et servaient de base aux relations commerciales avec les grossistes (considérants 152 à 163 de la décision attaquée).

3        Les produits concernés par la décision attaquée sont les installations sanitaires pour salles de bains faisant partie de l’un des trois sous-groupes de produits suivants : les articles de robinetterie, les enceintes de douche et accessoires ainsi que les articles en céramique (ci-après les « trois sous-groupes de produits ») (considérants 5 et 6 de la décision attaquée).

4        Masco Corp., qui est une entreprise américaine, et ses filiales européennes dont, d’une part, Hansgrohe AG, qui fabrique des articles de robinetterie, et, d’autre part, Hüppe GmbH, qui fabrique des enceintes de douche, sont désignées ci-après, prises ensemble, comme étant les « requérantes ». Leur activité porte uniquement sur deux des trois sous-groupes de produits, à savoir les articles de robinetterie et les enceintes de douche et accessoires (considérant 14 de la décision attaquée).

5        Le 15 juillet 2004, les requérantes ont informé la Commission de l’existence d’une entente dans le secteur des installations sanitaires pour salles de bains et ont demandé à bénéficier de l’immunité d’amendes au titre de la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2002, C 45, p. 3, ci‑après la « communication de 2002 sur la coopération ») ou, à défaut, d’une réduction de leur montant. Le 2 mars 2005, la Commission a adopté une décision conditionnelle d’immunité d’amendes au profit des requérantes, conformément au paragraphe 8, sous a), et au paragraphe 15 de la communication de 2002 sur la coopération (considérants 126 à 128 de la décision attaquée).

6        Le 23 juin 2010, la Commission a adopté la décision attaquée.

7        Dans la décision attaquée, la Commission a considéré que les pratiques décrites au point 2 ci-dessus faisaient partie d’un plan global visant à restreindre la concurrence entre les destinataires de ladite décision et présentaient les caractéristiques d’une infraction unique et continue, dont le champ d’application couvrait les trois sous-groupes de produits visés au point 3 ci-dessus et s’étendait au territoire de la Belgique, de l’Allemagne, de la France, de l’Italie, des Pays-Bas et de l’Autriche (considérants 778 et 793 de la décision attaquée) (ci-après l’« infraction constatée »). À cet égard, elle a notamment souligné le fait que lesdites pratiques avaient été conformes à un modèle récurrent qui s’était avéré être le même dans les six États membres couverts par l’enquête de la Commission (considérants 778 et 793 de la décision attaquée). Elle a également relevé l’existence d’associations nationales professionnelles concernant l’ensemble des trois sous-groupes de produits, qu’elle a nommées « organismes de coordination », d’associations nationales professionnelles comprenant des membres dont l’activité avait trait à au moins deux de ces trois sous-groupes de produits, qu’elle a nommées « associations multiproduits », ainsi que des associations spécialisées comprenant des membres dont l’activité portait sur l’un de ces trois sous-groupes de produits (considérants 796 et 798 de la décision attaquée). Enfin, elle a constaté la présence d’un groupe central d’entreprises ayant participé à l’entente dans différents États membres et dans le cadre d’organismes de coordination et d’associations multiproduits (considérants 796 et 797 de la décision attaquée).

8        À l’article 1er de la décision attaquée, la Commission a sanctionné 17 entreprises pour avoir commis une infraction à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE au cours de périodes allant, pour les requérantes, du 16 octobre 1992 jusqu’au 9 novembre 2004.

9        À l’article 2, paragraphe 1, de la décision attaquée, la Commission a indiqué qu’elle n’imposait aucune amende aux requérantes.

 Procédure et conclusions des parties

10      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 7 septembre 2010, les requérantes ont déposé le présent recours.

11      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale.

12      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 28 février 2012.

13      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler partiellement l’article 1er de la décision attaquée, pour autant que la Commission y a conclu qu’elles avaient participé à une infraction unique dans le secteur des installations sanitaires pour salles de bains ;

–        condamner la Commission aux dépens.

14      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le présent recours ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

 En droit

15      À l’appui de leur recours, les requérantes soulèvent un moyen unique, tiré de ce que la Commission a conclu à tort qu’elles avaient participé à une infraction unique dans le secteur des installations sanitaires pour salles de bains.

16      La Commission s’oppose à l’argumentation développée par les requérantes.

17      Il y a lieu de relever que, au soutien de leur unique moyen, les requérantes font valoir, en substance, deux principaux griefs selon lesquels, d’une part, la Commission a commis des erreurs quant aux conditions permettant de conclure à l’existence d’une infraction unique et à la participation d’entreprises à une telle infraction. D’autre part, les éléments factuels devant être pris en considération ne permettraient pas de conclure qu’une infraction unique, à laquelle les requérantes auraient participé, a été commise en l’espèce. Dans ces conditions, le Tribunal estime opportun d’examiner séparément ces deux griefs.

 Sur le premier grief, tiré d’erreurs dans la détermination des conditions d’existence d’une infraction unique et de la participation d’entreprises à une telle infraction

18      Les requérantes font valoir que la Commission a commis une erreur de droit. En effet, les conditions qu’elle a retenues dans la décision attaquée pour constater l’existence d’une infraction unique et la participation d’entreprises à une telle infraction s’écarteraient de celles résultant de sa pratique décisionnelle et dégagées par la jurisprudence. La Commission aurait également, de ce fait, violé les principes de transparence, de sécurité juridique et d’égalité de traitement.

19      La Commission conteste cette argumentation.

20      Il convient de rappeler que l’article 101, paragraphe 1, TFUE interdit les accords et les pratiques concertées entre entreprises qui ont un objet ou un effet anticoncurrentiel et qui sont susceptibles d’affecter le commerce entre États membres.

21      La violation de l’article 101, paragraphe 1, TFUE peut résulter non seulement d’accords ou de pratiques concertées qui sont isolés et doivent être sanctionnés en tant qu’infractions distinctes, mais également d’une série d’actes ou d’un comportement continu, de telle sorte que les composantes de ceux-ci peuvent, à bon droit, être considérées comme étant des éléments constitutifs d’une infraction unique (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, Rec. p. I‑123, point 258, et la jurisprudence citée).

22      S’agissant, en premier lieu, du constat de l’existence d’une infraction unique, il appartient à la Commission d’établir que les accords ou les pratiques concertées en cause, tout en portant sur des biens, des services ou des territoires distincts, s’inscrivent dans un plan d’ensemble mis en œuvre sciemment par les entreprises concernées en vue de la réalisation d’un objectif anticoncurrentiel unique (voir, en ce sens, arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 2 supra, points 258 et 260, et arrêt du Tribunal du 8 juillet 2008, Lafarge/Commission, T‑54/03, non publié au Recueil, point 482).

23      Des liens de complémentarité entre des accords ou des pratiques concertées constituent des indices objectifs de l’existence d’un plan d’ensemble. Il existe de tels liens lorsque lesdits accords ou lesdites pratiques visent à faire face à une ou à plusieurs conséquences du jeu normal de la concurrence et contribuent, par leur interaction, à la réalisation d’un objectif unique anticoncurrentiel. La Commission est tenue d’examiner, à cet égard, tous les éléments factuels susceptibles d’établir ou de remettre en cause ledit plan d’ensemble (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal Lafarge/Commission, point 2 supra, point 482, et du 28 avril 2010, Amann & Söhne et Cousin Filterie/Commission, T‑446/05, Rec. p. II‑1255, point 92, et la jurisprudence citée).

24      S’agissant, en second lieu, du constat de la participation d’une entreprise à une infraction unique, il convient de rappeler qu’il appartient à la Commission d’établir que ladite entreprise entendait contribuer par son propre comportement à l’objectif unique poursuivi par l’ensemble des participants et qu’elle avait connaissance des comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par d’autres entreprises dans la poursuite de ce même objectif, ou qu’elle pouvait raisonnablement les prévoir et qu’elle était prête à en accepter le risque (voir, en ce sens, arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 2 supra, point 83).

25      Une entreprise peut avoir directement participé à l’ensemble des comportements anticoncurrentiels composant une infraction unique, auquel cas la Commission est en droit de lui imputer la responsabilité de l’ensemble de ces comportements et, partant, de ladite infraction dans son ensemble. Une entreprise peut également n’avoir directement participé qu’à une partie des comportements anticoncurrentiels composant une infraction unique, mais avoir eu connaissance de l’ensemble des autres comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par les autres participants à l’entente dans la poursuite des mêmes objectifs, ou avoir pu raisonnablement les prévoir et avoir été prête à en accepter le risque. Dans un tel cas, la Commission est également en droit d’imputer à cette entreprise la responsabilité de l’ensemble des comportements anticoncurrentiels composant une telle infraction et, par suite, de celle-ci dans son ensemble.

26      En revanche, si une entreprise a directement pris part à un ou à plusieurs des comportements anticoncurrentiels composant une infraction unique, mais qu’il n’est pas établi que, par son propre comportement, elle entendait contribuer à l’ensemble des objectifs communs poursuivis par les autres participants à l’entente et qu’elle avait connaissance de l’ensemble des autres comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par lesdits participants dans la poursuite des mêmes objectifs ou qu’elle pouvait raisonnablement les prévoir et était prête à en accepter le risque, la Commission n’est en droit de lui imputer la responsabilité que des seuls comportements auxquels elle a directement participé et des comportements envisagés ou mis en œuvre par les autres participants dans la poursuite des mêmes objectifs que ceux qu’elle poursuivait et dont il est prouvé qu’elle avait connaissance ou pouvait raisonnablement les prévoir et était prête à en accepter le risque.

27      En l’espèce, d’une part, s’agissant des conditions d’existence d’une infraction unique, il y a lieu de constater que la Commission a estimé, au considérant 786 de la décision attaquée, en se fondant sur la jurisprudence, que « la notion d’infraction unique vis[ait] justement une situation dans laquelle plusieurs entreprises [avaie]nt participé à une infraction constituée d’un comportement continu poursuivant un seul but économique visant à fausser la concurrence » et que « l’existence de synergies et la complémentarité entre les différentes pratiques constitu[ai]ent des indices objectifs de l’existence d’un plan global de ce type ».

28      D’autre part, s’agissant du constat de la participation à une infraction unique, la Commission a estimé, au considérant 789 de la décision attaquée, en renvoyant à la jurisprudence, ce qui suit :

« Le simple fait que chaque participant à une entente puisse jouer un rôle adapté à son cas particulier n’exclut pas qu’il soit responsable de l’infraction dans son ensemble, notamment d’actes commis par d’autres participants, mais qui ont le même objectif illégal et le même effet anticoncurrentiel. L’entreprise qui participe au comportement commun illicite par des actes qui favorisent la réalisation de l’objectif commun est également responsable, pour toute la période de sa participation au comportement commun, des actes des autres participants dans le cadre de la même infraction. Tel est en effet le cas lorsqu’il est établi que l’entreprise en question connaissait les comportements illicites des autres participants ou qu’elle pouvait raisonnablement les prévoir et qu’elle était prête à en accepter le risque. »

29      À la lumière des considérations de la Commission exposées aux points 27 et 28 ci-dessus, force est de relever que celle-ci n’a ni commis d’erreur de droit ni violé les principes de transparence, de sécurité juridique et d’égalité de traitement. En effet, les conditions qu’elle a énoncées aux considérants 786 et 789 de la décision attaquée comme devant être remplies pour constater l’existence d’une infraction unique et la participation d’entreprises à une telle infraction sont conformes à celles dégagées par la jurisprudence rappelée aux points 21 à 26 ci-dessus.

30      Les autres arguments avancés par les requérantes à cet égard ne sauraient infirmer le constat exposé au point 29 ci-dessus.

31      Premièrement, l’argument des requérantes selon lequel la Commission fait valoir à tort que la qualification d’infraction unique dépend de la question de savoir si les entreprises ont eu une « intention commune », doit être rejeté comme étant non fondé. D’abord, il ressort du considérant 786 de la décision attaquée, cité au point 27 ci-dessus, que la Commission a explicitement renvoyé à la condition d’existence d’un « plan global », qui est synonyme de l’existence d’un « plan d’ensemble », aux fins de déterminer si des pratiques anticoncurrentielles faisaient partie d’une infraction unique. Ensuite, s’il est vrai que, dans le mémoire en défense, la Commission fait référence à la nécessité qu’il y ait une « intention commune » des entreprises concernées pour qu’une infraction unique puisse être établie, il ressort toutefois sans ambiguïté tant de la duplique que de ses observations à l’audience qu’elle considère qu’une infraction unique n’existe que si les participants poursuivent un plan d’ensemble tel qu’il ressort d’une « intention commune ». Dès lors, ni les appréciations relatives à l’existence d’un plan global formulées par la Commission dans la décision attaquée ni même l’interprétation qu’elle donne desdites appréciations dans ses écritures ne sont erronées.

32      Deuxièmement, s’agissant de l’argument des requérantes selon lequel l’existence d’une infraction unique requiert la réunion de quatre conditions, à savoir, premièrement, l’existence d’un plan global, deuxièmement, un lien de complémentarité entre les accords et les pratiques illicites en cause, troisièmement, l’identité des entreprises participant auxdites pratiques et, quatrièmement, la conscience des entreprises en cause qu’elles participent à l’objectif commun, il doit être rejeté comme étant partiellement non fondé. En effet, comme il ressort de la jurisprudence exposée au point 22 ci-dessus et comme l’ont admis les requérantes en réponse aux questions du Tribunal lors de l’audience, il est vrai que le constat de l’existence d’une infraction unique requiert que soient réunies les première, deuxième et quatrième conditions avancées par les requérantes. En revanche, l’identité des entreprises participant aux pratiques illicites en cause ne constitue qu’un indice parmi d’autres devant être pris en considération par la Commission dans le cadre de la détermination de l’existence d’un plan d’ensemble ou d’infractions séparées (voir, en ce sens, arrêt Amann & Söhne et Cousin Filterie/Commission, point 2 supra, point 99).

33      À la lumière de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le premier grief des requérantes comme étant non fondé.

 Sur le second grief, tiré d’erreurs dans l’appréciation des éléments factuels ayant conduit à la qualification d’infraction unique et au constat de la participation des requérantes à ladite infraction

34      Les requérantes font valoir, en substance, que les circonstances de l’espèce, appréciées dans leur ensemble, ne permettaient pas à la Commission de constater l’existence d’une infraction unique et leur participation à ladite infraction. Elles estiment que la Commission a ignoré en l’espèce une série d’indices objectifs, tels qu’ils ont été identifiés dans sa propre pratique décisionnelle et par la jurisprudence, qui auraient dû la conduire à constater que les pratiques illicites ne faisaient pas partie d’une infraction unique. Ces indices résulteraient notamment de ce que les trois sous-groupes de produits relèvent de marchés de produits distincts, qu’ils ne sont ni connexes ni similaires, qu’aucun des participants n’exerce une activité portant sur chacun des trois sous-groupes de produits, que la très grande majorité desdits participants a pris part à des pratiques illicites ne touchant qu’à un seul des trois sous-groupes de produits, que les périodes couvertes par lesdites pratiques sont distinctes et qu’il n’existe aucun organisme centralisateur ou réseau complexe reliant les associations professionnelles en cause.

35      La Commission s’oppose à cette argumentation.

36      Comme il ressort de la jurisprudence citée au point 23 ci-dessus, c’est au regard de l’ensemble des éléments factuels de chaque espèce qu’il convient de rechercher si les conditions d’existence d’une infraction unique sont remplies. Il importe donc, d’abord, d’exposer l’analyse opérée par la Commission dans la décision attaquée l’ayant conduite à conclure à l’existence d’une infraction unique à laquelle les requérantes avaient participé (voir points 37 à 51 ci-après), avant d’examiner si les requérantes ont rapporté la preuve que la Commission avait commis une erreur d’appréciation à cet égard (voir points 52 à 124 ci-après).

37      Dans un premier temps, il y a lieu de relever que l’analyse ayant conduit la Commission à constater l’existence d’une infraction unique dans le secteur des installations sanitaires pour salles de bains et la participation des requérantes à celle-ci se divise, dans la décision attaquée, en deux parties.

38      En premier lieu, la Commission indique, aux considérants 792 et 793 de la décision attaquée, que les pratiques illicites mises en œuvre par les entreprises en cause établissent l’existence d’une infraction unique.

39      S’agissant des contours de l’infraction unique retenue en l’espèce, la Commission opère, aux considérants 793 à 795 de la décision attaquée, les quatre constatations suivantes. Premièrement, ladite infraction aurait concerné les trois sous-groupes de produits sur le territoire de six États membres au moins, à savoir la Belgique, l’Allemagne, la France, l’Italie, les Pays-Bas et l’Autriche. Deuxièmement, cette infraction aurait duré du 16 octobre 1992, au moins, jusqu’au 9 novembre 2004. Troisièmement, l’infraction constatée aurait consisté en une série d’agissements anticoncurrentiels « qui étaient révélateurs d’une certaine ligne de conduite ayant pour objet commun de restreindre la concurrence sur les prix au sein du secteur des installations sanitaires pour salles de bains ». Quatrièmement, un groupe central de huit entreprises, composé des requérantes et de Grohe Beteiligungs GmbH (ci-après « Grohe »), American Standard Inc. (ci-après « Ideal Standard »), Hansa Metallwerke AG (ci-après « Hansa »), Sanitec Europe Oy (ci-après « Sanitec »), Duscholux GmbH & Co, Duravit AG et Villeroy & Boch AG, aurait participé de manière directe, décisive et continue à l’infraction constatée.

40      S’agissant des éléments spécifiques l’ayant conduite à conclure à l’existence d’une infraction unique en l’espèce, la Commission retient, au considérant 796 de la décision attaquée, dix facteurs qui sont exposés aux points 41 à 51 ci-après.

41      Premièrement, s’agissant des entreprises auteurs de l’infraction unique, le groupe central de huit entreprises aurait participé aux arrangements collusoires dans tout ou partie des six États membres en cause et aurait fait partie d’un organisme de coordination au moins couvrant les trois sous-groupes de produits. Les requérantes, Grohe, Duscholux, Villeroy & Boch, Sanitec et Hansa auraient notamment participé aux réunions des organismes de coordination suivants : l’IndustrieForum Sanitär (ci-après l’« IFS ») en Allemagne, l’Arbeitskreis Sanitär Industrie (ci-après l’« ASI ») en Autriche et le Sanitair Fabrikanten Platform (ci-après la « SFP ») aux Pays-Bas (considérant 796, premier tiret, et considérant 797 de la décision attaquée et note en bas de page no 1077 de ladite décision).

42      Deuxièmement, s’agissant de la coordination des entreprises entre elles, huit associations au total auraient compris des fabricants de deux des trois sous-groupes de produits au moins. Tout d’abord, il aurait existé trois organismes de coordination. Ensuite, il aurait existé des associations multiproduits en Italie, à savoir Euroitalia et Michelangelo, et en Belgique, telles que l’Amicale du sanitaire ainsi que le groupe Home Comfort Team (ci-après le « HCT »). Le HCT aurait tenté d’étendre ses activités aux trois sous-groupes de produits, étant précisé qu’elles portaient alors sur deux d’entre eux. Enfin, il aurait été fréquent que des discussions touchant à plusieurs des trois sous-groupes de produits se déroulent dans le cadre d’associations spécialisées, comme lors de deux réunions des associations d’articles en céramique allemandes Fachverband Sanitär-Keramische Industrie (ci-après le « FSKI ») et Arbeitsgemeinschaft Sanitärarmaturenindustrie (ci-après l’« AGSI »), qui se seraient tenues en 2002 et en 2003, durant lesquelles les participants auraient également discuté de hausses de prix des articles de robinetterie. Par ailleurs, des contacts bilatéraux entre entreprises confirmeraient l’existence de liens étroits entre les trois sous-groupes de produits. Par exemple, un dirigeant de Hansgrohe aurait admis avoir toujours essayé d’obtenir des informations sur les prix de la part de ses concurrents, mais aussi des informations sur l’industrie toute entière, afin de pouvoir prendre ses décisions « de manière plus sûre ». À la lumière de ces réunions et contacts, la Commission considère que les fabricants concernés jugeaient nécessaire, afin d’assurer l’efficacité du mécanisme mis en place ou de constater son inefficacité, dans leur intérêt commercial, de coordonner leurs hausses de prix respectives dans un cadre commun (considérant 796, premier tiret, et considérants 798 à 802 et 813 de la décision attaquée et note en bas de page no 1104 de ladite décision).

43      Troisièmement, s’agissant de la structure et des modalités de distribution des trois sous-groupes de produits, le fonctionnement de l’industrie et, en particulier, le rôle joué par les grossistes du système de distribution à trois niveaux attesteraient de l’existence de liens objectifs entre eux. En effet, les grossistes, qui vendent l’ensemble des trois sous-groupes de produits en cause, constitueraient la clientèle commune aux fabricants des trois sous-groupes en question. Par conséquent, ces fabricants auraient été fortement incités à coordonner leur comportement global et leurs politiques tarifaires à l’égard des grossistes. Les participants aux pratiques collusoires en cause auraient été conscients de participer à des cycles annuels de coordination de prix visant les mêmes clients et suivant généralement un schéma récurrent, afin de pouvoir « répondre plus efficacement dans leurs négociations avec les grossistes » qui se tenaient chaque année. La coordination se serait faite au niveau national, dans la mesure où les grossistes avec lesquels tous les fabricants devaient négocier étaient, la plupart du temps, établis au niveau national (considérant 796, troisième tiret, et considérants 803 à 805 de la décision attaquée).

44      Quatrièmement, s’agissant des mécanismes régissant les pratiques de coordination des hausses de prix, la Commission est parvenue à la conclusion que ces dernières ont été généralement organisées de la même manière et en même temps dans tous les États membres pour les trois sous-groupes de produits. Les fabricants de ces derniers auraient adopté, dans tous les États membres, une pratique commune consistant à échanger systématiquement avec leurs concurrents leurs prévisions de hausses de prix, en pourcentage, pour le cycle de prix à venir, habituellement avant de communiquer ces prix à leurs clients et avant leur entrée en vigueur. Ces pratiques auraient généralement eu lieu dans le cadre de réunions d’associations régulières organisées pendant toute la durée de l’entente et pendant lesquelles les participants communiquaient leurs hausses de prix (considérants 806 à 809 de la décision attaquée).

45      Cinquièmement, s’agissant des pratiques anticoncurrentielles complémentaires à celles consistant en la coordination des hausses de prix, elles auraient consisté en la conclusion soit d’accords en relation avec des événements particuliers, soit en l’échange d’informations commerciales à caractère sensible en même temps et de manière similaire dans le cadre de plusieurs associations situées dans différents États membres. Ces pratiques confirmeraient l’intensité et la stabilité de l’entente. Par exemple, en 2004, les participants se seraient entendus en Belgique, en Allemagne, en France, en Italie et en Autriche pour hausser leurs prix à la suite d’une augmentation du prix des matières premières. En 2002, pour tenir compte de l’introduction de l’euro, les fabricants se seraient entendus sur le calendrier d’introduction des nouveaux barèmes de prix. L’échange d’informations sensibles aurait consisté essentiellement en un échange de données récentes sur les ventes, généralement sous la forme de hausses ou de baisses en pourcentage par rapport à une période de référence antérieure, et, souvent, de prévisions de vente pour les mois à venir. Ces comportements auraient concerné les mêmes membres que les pratiques de fixation de prix et auraient été organisés dans le cadre des mêmes associations (considérants 810 à 813 de la décision attaquée).

46      Sixièmement, s’agissant des liens transfrontaliers, la Commission relève, tout d’abord, que les discussions sur les prix organisées dans un État membre ont, parfois, déclenché également des discussions sur les hausses de prix dans d’autres États membres. Par exemple, l’accord de hausses de prix relatif aux enceintes de douche conclu par l’association spécialisée allemande Arbeitskreis Duschabtrennungen (ci-après l’« ADA ») aurait déclenché une coordination des prix au sein de l’association autrichienne Arbeitskreis Sanitärindustrie (ci-après l’« ASI ») en 2000. Ensuite, les conditions de marché dans les différents États membres auraient été interconnectées. Par exemple, en Autriche, des tentatives d’alignement de prix avec ceux de l’Allemagne auraient été effectuées en 2001. Enfin, les filiales des grandes entreprises ayant participé à l’entente et situées en Allemagne auraient communiqué non seulement les prix concernant l’État membre dont relevait l’association nationale organisant la réunion, mais aussi ceux concernant les autres États membres (considérants 818 à 823 de la décision attaquée).

47      Par ailleurs, l’existence de liens transfrontaliers ainsi que d’une tarification centrale au sein des entreprises actives dans plusieurs États membres s’expliquerait notamment en raison de l’importance des flux commerciaux entre les États membres, comme c’est le cas dans le domaine des articles de robinetterie. Ces importants flux commerciaux confirmeraient que la mise en œuvre des arrangements anticoncurrentiels aurait permis de créer des synergies entre les entreprises en cause (considérants 824 à 833 de la décision attaquée).

48      Septièmement, s’agissant de la tarification centrale au sein des entreprises, la majorité des multinationales impliquée dans l’infraction constatée aurait appliqué des politiques tarifaires centralisées et contrôlées par le siège de chaque groupe. En particulier, les sièges de ces entreprises multinationales auraient été chargés de fixer les prix de départ, en prévoyant également des fourchettes de prix permettant aux filiales nationales d’adapter leurs prix en tenant compte des informations dont elles disposaient sur leurs concurrents au niveau national. Par exemple, au sein de Hansgrohe, le bureau stratégique de tarification situé en Allemagne aurait été chargé de fixer les prix en tenant compte des connaissances du marché et des informations recueillies auprès de ses filiales au sein de l’Union européenne. Les petits fabricants indépendants qui participaient à ces réunions d’associations auraient été influencés par les échanges sur les prix qui s’y déroulaient (considérants 834 à 844 de la décision attaquée).

49      Huitièmement, s’agissant des liens objectifs existant entre les trois sous-groupes de produits, il s’agirait, pour chaque sous-groupe, de produits d’installations sanitaires pour salles de bains que Hansgrohe définit comme appartenant aux produits « visibles » dans une salle de bains. Les liens objectifs entre ces trois sous-groupes de produits seraient également implicitement reconnus dans la mesure où les réunions d’associations auraient couvert deux ou trois sous-groupes de produits et les fabricants auraient eu une clientèle commune. Par ailleurs, les entreprises en cause auraient reconnu que ces trois sous-groupes de produits étaient complémentaires, ce qui confirmerait l’existence de liens objectifs entre eux (considérants 845 et 846 de la décision attaquée).

50      Neuvièmement, s’agissant de la stabilité du mécanisme de coordination des prix dans le temps, la Commission fait remarquer que les arrangements collusoires en cause se sont poursuivis, en observant le même mécanisme récurrent, même après le départ de certains membres. À cet égard, la Commission indique, à titre d’exemple, que Hansa a mis fin, en 1999, à sa participation à l’association italienne Michelangelo, qui traitait tant d’articles de robinetterie que d’articles en céramique, tout en continuant à participer à l’association Euroitalia, qui traitait d’articles de robinetterie et, dans une moindre mesure, d’articles en céramique (considérants 801 et 847 de la décision attaquée et note en bas de page no 1176 de ladite décision).

51      Dixièmement, s’agissant de la participation, de la mobilité et des responsabilités du personnel exécutif, il existerait plusieurs exemples de représentants qui seraient passés d’une entreprise participant à l’infraction constatée à une autre ou qui auraient assumé des responsabilités pour plusieurs États membres ou bien encore qui auraient participé aux réunions collusoires de plusieurs associations organisées dans plusieurs États membres. Ces facteurs confirmeraient les conclusions de la Commission concernant le caractère multiproduits et la portée géographique étendue de ladite infraction. Par exemple, M. [V.], de Sanitec, aurait été présent aux réunions collusoires de SFP aux Pays-Bas ainsi que lors des réunions collusoires du groupe Vitreous China Group (ci-après « VCG ») en Belgique. Cela lui aurait permis d’informer les autres concurrents des discussions au sein de chaque association. M. [D.] aurait représenté Ideal Standard au sein de l’ASI et aurait participé aux discussions touchant non seulement les articles en céramique, mais également les articles de robinetterie (considérants 848 et 849 de la décision attaquée et notes en bas de page nos 1177 à 1180 de ladite décision).

52      En second lieu, la Commission examine la participation des entreprises visées par la décision attaquée, dont celle des requérantes, à l’infraction unique en cause (considérant 850 de la décision attaquée).

53      Premièrement, selon la Commission, les faits démontrent que les requérantes, Grohe, Ideal Standard, Sanitec, Hansa, Villeroy & Boch, Duscholux et Duravit avaient conscience du comportement collusoire global, dans la mesure où elles savaient ou pouvaient raisonnablement prévoir que l’infraction constatée concernait au moins les trois sous-groupes de produits, compte tenu du fait qu’elles étaient membres d’au moins un organisme de coordination, qu’elles étaient également membres de plusieurs associations multiproduits et qu’elles étaient représentées dans au moins trois États membres et associations spécialisées, par l’intermédiaire desquels elles ont noué des contacts avec d’autres entreprises qui étaient également actives, dans le cadre de l’infraction constatée, dans plusieurs États membres (considérant 852 de la décision attaquée).

54      Deuxièmement, s’agissant des requérantes, de Grohe, d’Ideal Standard et de Sanitec en particulier, elles auraient toutes participé, par l’intermédiaire de leurs filiales nationales, aux réunions collusoires d’associations dans les six États membres en cause. De plus, elles auraient toutes participé aux réunions collusoires d’au moins un organisme de coordination et souvent de plusieurs associations multiproduits. Elles auraient toutes été directement impliquées dans l’infraction constatée en relation avec les trois sous-groupes de produits sur lesquels portait leur activité. La Commission précise que les requérantes étaient membres de l’IFS, de l’ASI ainsi que de la SFP et de Stichting Verwarming en Sanitair (ci-après « SVS »), sise aux Pays-Bas. Ces quatre organismes de coordination auraient donc couvert les trois sous-groupes de produits. Elles auraient été également membres des associations multiproduits Euroitalia, HCT et Amicale du sanitaire, qui auraient donc couvert au moins deux sous-groupes de produits (considérant 853 de la décision attaquée).

55      Dans un second temps, c’est à la lumière des appréciations de la Commission exposées aux points 39 à 54 ci-dessus qu’il convient de rechercher si elle a conclu à bon droit que les pratiques en cause constituaient une infraction unique, ce que les requérantes contestent.

56      À titre préalable, d’une part, il importe de relever que, si les requérantes font valoir, dans le cadre de l’unique moyen qu’elles soulèvent au soutien du présent recours, qu’elles n’ont pas participé à une infraction unique, elles indiquent en revanche, d’une part, ne pas contester les faits qu’elles ont précédemment admis au cours de la procédure administrative et, d’autre part, reconnaître avoir violé l’article 101 TFUE et l’article 53 de l’accord EEE. Dans ces conditions, c’est sur la base des éléments factuels exposés dans la décision attaquée, et que les requérantes ne remettent pas en cause dans le cadre du présent recours, qu’il convient de rechercher si la Commission a considéré à bon droit qu’elles avaient participé à une infraction unique couvrant les trois sous-groupes de produits et pas seulement à deux infractions distinctes relatives aux deux sous-groupes de produits qu’elles fabriquent et commercialisent, à savoir les articles robinetterie et les enceintes de douche.

57      D’autre part, il importe de souligner que, comme la Commission l’a reconnu en substance dans ses observations en réponse aux questions orales du Tribunal lors de l’audience, elle ne dispose d’aucune marge d’appréciation particulière pour déterminer si des pratiques illicites font ou non partie d’une infraction unique. Par ailleurs, il appartient au Tribunal d’exercer un entier contrôle non seulement du respect des normes applicables à l’infraction en cause, mais également des faits conduisant la Commission à conclure ou à écarter la qualification de ladite infraction comme, en l’espèce, celle d’infraction unique.

58      En l’espèce, il y a lieu de juger que les dix éléments factuels retenus par la Commission et qui sont exposés aux points 41 à 51 ci-dessus conduisent, lorsqu’ils sont appréciés dans leur ensemble, à conclure, premièrement, à l’existence d’une infraction unique et, deuxièmement, à la participation des requérantes à ladite infraction.

59      Premièrement, s’agissant du constat de l’existence d’une infraction unique, d’une part, force est de constater que, en substance, la Commission a identifié le plan d’ensemble poursuivi par les entreprises en cause comme étant celui dont l’objectif unique était de permettre aux fabricants des trois sous-groupes de produits en cause, qui sont complémentaires pour la fabrication d’une salle de bains, de coordonner, dans le cadre du même système de distribution à trois niveaux, les hausses de prix qu’ils facturaient aux grossistes qui étaient leurs clients communs. Une telle appréciation découle des constats opérés par la Commission au considérant 793, quatrième tiret, de la décision attaquée, partiellement exposé au point 39 ci-dessus, au considérant 793, troisième tiret, et aux considérants 803 à 805 de la même décision, partiellement exposés au point 43 ci-dessus. Cette appréciation est par ailleurs renforcée par l’analyse de la Commission selon laquelle les pratiques illicites en cause visaient, comme les requérantes l’ont reconnu non seulement durant la procédure administrative (voir considérant 931 de la décision attaquée et note en bas de page no 934 de ladite décision), mais également lors de l’audience, en réponse aux questions du Tribunal, à présenter un front commun face aux grossistes, qui disposaient d’un pouvoir de négociation important, compte tenu de la nécessité de fournir à ces derniers, à la même époque de l’année, les prix qui leur seraient appliqués pour les trois sous-groupes de produits.

60      D’autre part, la Commission a relevé de nombreux liens de complémentarité entre les pratiques illicites en cause, établissant l’existence du plan d’ensemble décrit au point précédent. En effet, constituent des indices objectifs de la mise en œuvre de ce plan d’ensemble, en substance, le fait que, tout d’abord, les pratiques en cause étaient mises en œuvre par un groupe non négligeable et uniforme d’entreprises (voir considérants 796 et 797 de la décision attaquée, exposés au point 41 ci-dessus), dont l’activité portait sur deux des trois sous-groupes de produits (voir considérant 801 de ladite décision, exposé au point 42 ci-dessus) appartenant au même secteur d’activité et qui étaient complémentaires (voir considérant 845 de la décision attaquée, exposé au point 49 ci-dessus). Ensuite, les pratiques anticoncurrentielles mises en œuvre par ce groupe central d’entreprises se déroulaient au sein de plusieurs organismes de coordination et d’association multiproduits communs, avaient pour objet commun d’obtenir des hausses de prix tant de manière annuelle qu’à l’occasion d’événements spécifiques, concernant l’un ou plusieurs des trois sous-groupes de produits (voir considérants 810 à 813 de la décision attaquée, exposés au point 45 ci-dessus) et étaient perçues par les participants comme devant être coordonnées pour que les hausses soient acceptées par leurs clients communs (voir considérant 813 de la décision attaquée, exposé au point 42 ci-dessus). Enfin, lesdites pratiques illicites étaient mises en œuvre selon les mêmes modalités et selon la même fréquence (considérants 806 à 809 de la décision attaquée, exposés au point 44 ci-dessus) par le biais, dans certains cas, des mêmes employés, qui étaient chargés de les mettre en œuvre pour plusieurs sous-groupes de produits sur plusieurs territoires (voir considérants 848 et 849 de la décision attaquée, exposés au point 51 ci-dessus).

61      Deuxièmement, s’agissant de la participation des requérantes à l’infraction unique en cause, la Commission a relevé à bon droit que, dans la mesure où les requérantes avaient été, avec d’autres entreprises sanctionnées dans la décision attaquée, membres d’organismes de coordination et d’associations multiproduits (voir considérant 853 de la décision attaquée, exposé au point 54 ci-dessus), elles devaient être considérées comme, à tout le moins, ayant eu connaissance de l’ensemble des pratiques illicites touchant aux trois sous-groupes de produits, de sorte qu’elles devaient être sanctionnées pour ladite infraction unique.

62      Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que la Commission a conclu à juste titre à l’existence d’une infraction unique et à la participation des requérantes à ladite infraction.

63      C’est à la lumière des considérations exposées aux points 59 à 62 ci-dessus qu’il convient d’examiner successivement les arguments avancés par les requérantes visant à faire valoir, d’une part, que certains éléments factuels que la Commission a manqué de prendre en considération remettent en cause l’existence d’une infraction unique en l’espèce et, d’autre part, que les dix éléments factuels qu’elle a pris en considération ne permettaient pas de conclure à l’existence d’une infraction unique.

 Sur les arguments des requérantes relatifs aux éléments factuels que la Commission a manqué de prendre en considération dans la décision attaquée

64      Les requérantes soulèvent quatre principaux arguments visant à faire valoir que certains éléments factuels que la Commission a manqué de prendre en considération remettent en cause l’existence d’une infraction unique.

65      La Commission s’oppose à ces arguments.

66      Premièrement, les requérantes font observer que les trois sous-groupes de produits diffèrent les uns des autres et qu’ils relèvent de marchés distincts dans la mesure où ils ne sont pas substituables.

67      À cet égard, d’une part, il convient de relever que le fait, sur lequel les parties s’accordent, que les trois sous-groupes de produits relèvent de marchés distincts, n’est pas de nature à exclure l’existence d’une infraction unique. En effet, comme il ressort de la jurisprudence exposée au point 22 ci-dessus, le constat de l’existence d’une infraction unique présuppose, par définition, que les pratiques anticoncurrentielles en cause touchent des produits et des services ou des territoires distincts. D’autre part, en l’espèce, comme la Commission l’a fait observer à juste titre lors de l’audience en réponse aux questions du Tribunal, le fait que les pratiques illicites en cause concernent toutes des produits « visibles », qui sont complémentaires pour la fabrication de salles de bains, constitue un indice objectif que les entreprises en cause avaient un intérêt à coordonner leurs pratiques illicites face à leurs clients communs. À cet égard, il importe de relever que les requérantes n’ont avancé aucun argument visant à contester le constat de la Commission, figurant notamment au considérant 805 de la décision attaquée, selon lequel les fabricants de robinetterie coordonnaient leurs pratiques anticoncurrentielles en vue de défendre conjointement leurs intérêts et « présenter un front commun » face aux grossistes. Il découle de ces constatations que l’argument des requérantes à cet égard doit être rejeté comme étant non fondé.

68      Deuxièmement, les requérantes font valoir qu’aucun des dix-sept destinataires de la décision attaquée ne fabriquait et ne commercialisait de produits relevant des trois sous-groupes et que seuls cinq d’entre eux avaient une activité concernant deux sous-groupes de produits.

69      D’une part, il importe d’abord de souligner, à cet égard, que la Commission n’a pas considéré, dans la décision attaquée, que les dix-sept entreprises qu’elle a sanctionnées faisaient partie de l’infraction unique. En effet, pour certaines des entreprises visées par la décision attaquée, telles que les entreprises italiennes Cisal Rubinetteria SpA, Mamoli Robinetteria SpA, Rubineterrie Teoerema SpA, RAF Rubinetteria SpA et Zucchetti Rubinetteria SpA, la Commission a estimé, au considérant 879 de la décision attaquée, qu’elles ne pouvaient être considérées comme ayant participé à une infraction unique en raison du fait qu’elle ne disposait pas de preuves qu’elles avaient participé à des discussions touchant les trois sous-groupes de produits en dehors de l’Italie. En revanche, dans la décision attaquée, la Commission a établi qu’un groupe central d’entreprises, composé d’au moins cinq entreprises, dont les requérantes, produisait des produits relevant de deux des trois sous-groupes et que lesdites entreprises avaient participé, au sein d’organismes de coordination et d’associations multiproduits, à des pratiques illicites touchant respectivement trois et deux sous-groupes de produits, dans la plupart ou la totalité des six États membres concernés (voir considérants 792, 853 et 854 de la décision attaquée). L’implication de ce groupe central d’entreprises dans les différentes pratiques illicites tend donc à montrer l’existence d’un plan d’ensemble, quand bien même toutes les entreprises en cause ne fabriqueraient pas de produits relevant des trois sous-groupes.

70      D’autre part, pour autant que les requérantes font valoir que la Commission ne peut pas, sauf circonstances exceptionnelles qui ne seraient pas remplies en l’espèce, constater leur participation à une infraction unique en relation avec des sous-groupes de produits lorsqu’elles ne fabriquent pas lesdits produits, un tel argument doit également être écarté. En effet, d’abord, cet argument, qui touche à la question de savoir si une entreprise qui ne fabrique pas d’articles en céramique peut participer à une infraction incluant de tels produits, est sans rapport avec celle de savoir si les conditions de l’existence d’une infraction unique touchant les trois sous-groupes de produits sont réunies. Ensuite, et en toute hypothèse, comme il découle de la jurisprudence exposée au point 25 ci-dessus, une entreprise peut être tenue pour responsable d’une infraction, couvrant en partie des produits qu’elle ne fabrique pas, si elle a connaissance de l’ensemble des comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par les autres participants à l’entente dans la poursuite des mêmes objectifs.

71      Troisièmement, les requérantes soutiennent que le centre de gravité de l’infraction était spécifique à chacun des trois sous-groupes de produits. Selon elles, bien que certains comportements décrits dans la décision attaquée aient concerné plus d’un des trois sous-groupes de produits, le fait que l’infraction en cause couvrait plusieurs desdits sous-groupes était insuffisant pour qu’elle puisse être qualifiée d’infraction unique. À cet égard, elles avancent deux séries d’arguments.

72      Par une première série d’arguments, les requérantes font valoir que tant la coordination annuelle des hausses de prix que l’échange d’informations commerciales sensibles concernaient majoritairement un seul des trois sous-groupes de produits et couvraient uniquement certains des six États membres en cause.

73      Tout d’abord, il y a lieu de constater, à cet égard, que, quand bien même, comme le font valoir les requérantes, une majorité des réunions des associations professionnelles auraient concerné un seul sous-groupe de produits dans un seul État membre, cela ne remettrait pas en cause la constatation selon laquelle les entreprises en question coordonnaient leurs pratiques anticoncurrentielles pour chacun des trois sous-groupes de produits.

74      Ensuite, il y a lieu de relever que, comme le reconnaissent les requérantes dans leurs écritures, des coordinations relatives aux hausses de prix des trois sous-groupes de produits sont intervenues au sein de l’ASI et de SFP ainsi qu’au sein de l’IFS, à tout le moins de manière occasionnelle. Dans ces conditions, le fait que la coordination multiproduits ait été plus faible, voire inexistante pour certains des trois sous-groupes de produits dans d’autres États membres concernés, à savoir la Belgique, la France et l’Italie, ne modifie pas le constat de l’existence d’une telle coordination multiproduits en Allemagne, aux Pays-Bas ou en Autriche.

75      De surcroît, contrairement à ce qu’affirment les requérantes, le fait qu’elles ont admis que les pratiques anticoncurrentielles liées à des événements spécifiques, tels que l’introduction de l’euro, la hausse des matières premières ou l’installation de péages routiers, avaient consisté en des hausses de prix coordonnées démontre l’existence de liens de complémentarité entre les pratiques anticoncurrentielles visant chaque sous-groupe de produits, même si ces pratiques n’étaient que secondaires par rapport aux pratiques régulières de coordination des hausses de prix. Il en va de même des pratiques d’échanges d’informations commerciales sensibles dont les requérantes reconnaissent explicitement qu’elles concernaient plusieurs des trois sous-groupes de produits. Que ces pratiques soient secondaires par rapport à celles de coordination des hausses de prix annuelles est sans influence sur la qualification des pratiques en cause d’« infraction unique ».

76      Enfin, comme le souligne à juste titre la Commission dans ses écritures, le fait que les requérantes ont, comme cela est indiqué au point 5 ci-dessus, déposé une demande d’immunité d’amendes, dans le cadre de la communication de 2002 sur la coopération, pour l’ensemble des produits du secteur « Installations sanitaires pour salles de bains » constitue un élément factuel pertinent aux fins de constater l’existence d’une infraction unique. Contrairement à ce que les requérantes ont soutenu en réponse aux questions du Tribunal lors de l’audience, un tel élément est de nature à montrer, à tout le moins, qu’elles considéraient que les pratiques en cause dans lesquelles elles étaient directement impliquées, portant sur les articles de robinetterie et les enceintes de douche, étaient liées entre elles et faisaient partie d’une seule et même infraction.

77      La première série d’arguments soulevés par les requérantes, exposée au point 72 ci-dessus, doit donc être écartée comme étant non fondée.

78      Par une seconde série d’arguments, les requérantes font valoir que la durée des infractions a varié pour chacun des trois sous-groupes de produits, tant en Belgique qu’en Allemagne, en France et en Italie. Elles font observer qu’il ne saurait exister une infraction unique couvrant les trois sous-groupes de produits ayant commencé en 1994, dès lors que, en Allemagne, l’infraction concernant les articles de robinetterie n’a débuté qu’en 1998 et que celle concernant les articles en céramique n’a débuté qu’en 2000.

79      À cet égard, il convient de relever que, d’une part, la Commission n’a nullement estimé que l’infraction unique avait été commise en relation avec les trois sous-groupes de produits, dans tous les États membres, à compter du 12 octobre 1994, au plus tôt, jusqu’au 9 novembre 2000, mais elle a considéré que l’infraction unique s’était développée et s’était adaptée au fil du temps durant cette période, en fonction des États membres concernés. Un tel constat ressort de l’article 1er de la décision attaquée, dans lequel la Commission a indiqué, de manière précise, les périodes durant lesquelles, et les territoires sur lesquels, les entreprises sanctionnées auraient participé aux différentes pratiques illicites, touchant chacun des trois sous-groupes de produits et faisant partie de l’infraction unique. D’autre part, le fait que les pratiques illicites en cause aient commencé à des dates distinctes, en fonction des États membres et des sous-groupes de produits concernés, ne peut que demeurer sans influence sur le constat qu’il existait de nombreux chevauchements matériels, géographiques et temporels entre les pratiques illicites concernant les produits en cause, ce que, au demeurant, les requérantes ne contestent pas. S’agissant de ces dernières en particulier, il peut ainsi être relevé que, comme la Commission l’a constaté au tableau D de la décision attaquée, elles ont participé à des pratiques illicites en Belgique, en Allemagne, en France et en Autriche, portant sur deux sous-groupes de produits correspondant à leur activité de fabrication, pendant des durées différentes, une partie de la période infractionnelle leur étant cependant commune, entre le 16 octobre 1992 et le 15 juillet 2004.

80      La seconde série d’arguments des requérantes, exposée au point 78 ci-dessus, doit donc être écartée comme étant non fondée.

81      Quatrièmement, les requérantes font valoir que la simple conscience qu’une pratique anticoncurrentielle puisse être en train de se produire, en l’espèce dans l’un des trois sous-groupes de produits correspondant aux produits que les entreprises concernées ne fabriquaient pas, ne devrait pas avoir pour effet de conduire à la requalification de deux infractions distinctes en une infraction unique. En particulier, elles font observer que, même si elles ont pu, à certaines occasions, « subodorer l’éventualité d’une coordination annuelle des prix également dans le secteur des articles en céramique », elles n’avaient pas connaissance des pratiques illicites qui se déroulaient au sein des associations spécialisées couvrant lesdits articles.

82      À cet égard, il convient toutefois de constater que, comme la Commission le fait observer, les requérantes reconnaissent explicitement dans leurs écritures qu’une coordination des hausses de prix avait eu lieu au sein de deux organismes de coordination auxquels elles ont appartenu, à savoir l’ASI et la SFP. Dans ces conditions, la Commission pouvait valablement considérer que les requérantes avaient, à tout le moins, connaissance des pratiques anticoncurrentielles mises en œuvre en relation avec les articles en céramique qu’elles ne fabriquaient pas. Dans ces conditions, c’est conformément à la jurisprudence exposée aux points 24 à 26 ci-dessus que la Commission a tenu les requérantes pour responsables de l’infraction unique en cause.

83      Cet argument doit donc être écarté comme étant non fondé.

84      À la lumière de l’ensemble des constatations opérées aux points 66 à 83 ci-dessus, il y a lieu de conclure qu’aucun des quatre arguments avancés par les requérantes, relatifs à ce qu’elle considère être des indices objectifs de l’existence d’infractions distinctes, qu’ils soient pris en considération isolément ou conjointement, n’est de nature à invalider la conclusion de la Commission selon laquelle il existait une infraction unique à laquelle les requérantes ont participé. L’ensemble de l’argumentation des requérantes à cet égard doit donc être écartée comme étant non fondée.

 Sur les arguments des requérantes relatifs aux éléments factuels que la Commission a erronément pris en considération dans la décision attaquée

85      Les requérantes font valoir qu’aucun des dix indices que la Commission a pris en considération dans la décision attaquée et qui sont rappelés aux points 41 à 51 ci-dessus ne permettait de conclure à l’existence d’une infraction unique.

86      La Commission s’oppose à cette argumentation.

87      Premièrement, les requérantes font valoir que l’appréciation de la Commission, exposée au considérant 797 de la décision attaquée et rappelée au point 41 ci-dessus, selon laquelle il existait un groupe central d’entreprises, ne permettait pas de conclure à l’existence d’une infraction unique, dans la mesure où aucune d’entre elles ne fabriquait de produits relevant des trois sous-groupes et n’avait participé à l’entente dans les six États membres en cause.

88      À cet égard, il suffit de rappeler que, comme cela a été exposé au point 70 ci-dessus, le fait que toutes les entreprises sanctionnées dans la décision attaquée ne fabriquaient pas de produits relevant de la totalité des trois sous-groupes de produits, et ce dans l’ensemble des États membres concernés, n’invalide pas le constat qu’il existait un groupe restreint mais uniforme d’au moins cinq entreprises, qui étaient impliquées dans les mêmes pratiques de coordination de hausses des prix à l’égard de leur clientèle commune, touchant à deux des trois sous-groupes de produits et territoires, au sein d’associations communes établies sur les mêmes territoires. Or, ce facteur montre que, pour une partie au moins des entreprises sanctionnées dans la décision attaquée, les pratiques illicites mises en œuvre faisaient partie d’un plan d’ensemble constituant une infraction unique.

89      Le premier argument des requérantes doit donc être rejeté comme étant non fondé.

90      Deuxièmement, les requérantes font valoir que l’appréciation de la Commission, exposée au considérant 798 de la décision attaquée et rappelée au point 42 ci-dessus, selon laquelle le groupe central d’entreprises a participé aux arrangements collusoires dans tout ou partie des États membres et a fait partie d’un organisme de coordination, est trompeuse. En effet, selon elles, sur les treize associations dont il est fait état dans la décision attaquée, seuls trois organismes de coordination couvraient les trois sous-groupes de produits et seules trois autres associations multiproduits pouvaient être considérées comme couvrant deux des trois sous-groupes de produits. En outre, ces organismes et associations auraient couvert de nombreux sous-groupes de produits autres que les trois sous-groupes de produits.

91      Tout d’abord, il convient de relever que, à supposer même qu’il soit avéré, comme le prétendent les requérantes, qu’il existait uniquement trois organismes de coordination et trois associations multiproduits, et non huit associations couvrant au moins deux des trois sous-groupes de produits, comme la Commission l’a relevé au considérant 796, deuxième tiret, de la décision attaquée, cela n’infirmerait pas le constat que les pratiques illicites en cause étaient mises en œuvre et coordonnées, à tout le moins en partie, dans le cadre des mêmes associations professionnelles.

92      Ensuite, le fait que, comme le font observer les requérantes, certains de ces organismes de coordination et d’associations multiproduits couvraient également des sous-groupes de produits qui ne font pas l’objet de la décision attaquée ne remet pas en cause le constat que ces organismes et associations coordonnaient les pratiques anticoncurrentielles de plusieurs des trois sous-groupes de produits visés par ladite décision.

93      Enfin, l’argument des requérantes selon lequel les pièces figurant dans le dossier de la Commission ne montreraient pas que les entreprises qui faisaient partie des associations spécialisées s’intéressaient à des sous-groupes de produits autres que ceux pour lesquels elles se réunissaient à titre principal est infirmé dans les faits. À cet égard, d’une part, force est de constater que les requérantes n’avancent aucun argument spécifique visant à invalider, par exemple, le constat de la Commission, figurant au considérant 801 de la décision attaquée, selon lequel, en Allemagne, les membres de l’ADA, qui traitait d’enceintes de douche, avaient communiqué aux membres de l’AGSI, qui traitait d’articles de robinetterie, leur intention de hausser leurs prix à l’occasion de l’introduction de l’euro. L’argument que les requérantes invoquent, suivant lequel une telle communication n’est pas pertinente en l’espèce, car elle concerne une communication d’informations à l’occasion d’un événement spécifique, doit être écarté comme étant non fondé. En effet, un tel argument n’infirme pas le constat qu’il existait des communications entre associations relatives à différents sous-groupes de produits. D’autre part, il importe de relever que les requérantes ne contestent pas les constats opérés par ailleurs par la Commission, par exemple au considérant 800 de la décision attaquée, desquels il résulte que les membres d’Euroitalia participaient à des discussions concernant, à titre principal, les articles de robinetterie, mais se tenaient également informés, à titre accessoire, sur les articles en céramique.

94      Partant, il y a lieu de rejeter le deuxième argument des requérantes comme étant non fondé.

95      Troisièmement, s’agissant de l’appréciation de la Commission, exposée au considérant 803 de la décision attaquée et rappelée au point 43 ci-dessus, relative à l’existence d’une structure et de modalités de distribution communes, les requérantes indiquent ne pas contester l’existence d’une base de clients commune et d’un système de distribution commun à trois niveaux. En revanche, elles considèrent que de tels facteurs sont sans pertinence pour établir l’existence d’une infraction unique, dès lors que les trois sous-groupes de produits sont distincts et que les grossistes sont des acheteurs de nombreux autres produits que ceux faisant l’objet de la décision attaquée.

96      À cet égard, il y a lieu de relever que, contrairement à ce qu’affirment les requérantes et comme cela a été constaté au point 60 ci-dessus, le fait que les fabricants de produits relevant des trois sous-groupes, qui sont destinataires de la décision attaquée, ont une clientèle commune, à savoir les grossistes de salles de bains, explique les raisons pour lesquelles il allait de l’intérêt de l’ensemble des entreprises de coordonner leurs hausses de prix pour les équipements sanitaires pour salles de bains.

97      Par ailleurs, les arguments des requérantes fournis en réponse aux questions du Tribunal lors de l’audience, selon lesquels le calendrier des hausses de prix résultait d’un facteur objectif, à savoir que les grossistes devaient établir leur catalogue de prix pour l’année suivante, les grossistes n’étaient jamais opposés à une hausse des prix qu’ils répercutaient, en toute hypothèse, à leurs propres clients, ou encore ils achetaient un plus large éventail de sous-groupes de produits que les trois sous-groupes concernés par la décision attaquée, n’infirment pas l’analyse, rappelée au point précédent, selon laquelle les fabricants dont l’activité relevait des trois sous-groupes de produits considéraient qu’ils avaient un intérêt à coordonner leur comportement dans le cadre des hausses de prix qu’ils facturaient à leur clientèle commune et qui étaient déterminées annuellement.

98      Le troisième argument des requérantes doit donc être rejeté comme étant non fondé.

99      Quatrièmement, s’agissant de la structure et des mécanismes communs aux pratiques anticoncurrentielles, dont il est fait état au considérant 806 de la décision attaquée et dont la teneur est rappelée au point 44 ci-dessus, les requérantes estiment que l’appréciation de la Commission, selon laquelle ils étaient similaires, est en contradiction avec le fait que les dates des pratiques anticoncurrentielles variaient en fonction des trois sous-groupes de produits et des États membres concernés. Par ailleurs, ces similarités résulteraient du système même de distribution à trois niveaux qui aurait conduit les fabricants d’installations sanitaires à faire leurs annonces de hausses de prix durant les mêmes époques de l’année et sous forme de pourcentages de prix.

100    À cet égard, d’une part, il doit être relevé, à l’instar de ce que fait observer la Commission dans ses écritures, que, s’il est exact que les périodes durant lesquelles les pratiques anticoncurrentielles ont eu lieu différaient en fonction des sous-groupes de produits et des territoires concernés, il n’en demeure pas moins qu’il est constant que des pratiques anticoncurrentielles extrêmement similaires ont été adoptées concernant chacun des trois sous-groupes de produits dans chaque État membre s’agissant des hausses de prix annuelles, et ce de manière ininterrompue entre le 16 octobre 1992 et le 9 novembre 2004.

101    D’autre part, les allégations des requérantes, selon lesquelles c’est en raison du système de distribution à trois niveaux que les pratiques anticoncurrentielles étaient similaires, tendent non pas à écarter, mais à confirmer le constat que les fabricants dont l’activité relevait des trois sous-groupes de produits avaient un intérêt commun à coordonner leurs pratiques de hausses de prix.

102    Partant, il convient d’écarter le quatrième argument des requérantes comme étant non fondé.

103    Cinquièmement, s’agissant de l’appréciation de la Commission exposée au considérant 810 de la décision attaquée et rappelée au point 45 ci-dessus, les requérantes font valoir que la similitude des pratiques illicites liées à des événements spécifiques n’est pas pertinente, dès lors qu’elles ne seraient que d’ordre secondaire, qu’elles n’auraient jamais concerné les six États membres visés dans la décision attaquée et qu’elles n’auraient pas toujours couvert les trois sous-groupes de produits.

104    À cet égard, d’une part, il y a lieu de relever que les requérantes ne contestent pas les appréciations de la Commission, figurant notamment au considérant 811 de la décision attaquée, selon lesquelles les fabricants ont coordonné leurs prix en 2004 dans cinq États membres, après que le prix des matières premières eut connu une hausse. D’autre part, les requérantes ne remettent pas non plus en cause le constat, fourni à titre d’exemple par la Commission dans la note en bas de page no 1104 de la décision attaquée, de l’échange d’informations relatives aux ventes d’enceintes de douche et d’articles de robinetterie, intervenu au cours d’une rencontre qui s’est tenue le 17 janvier 2003 entre des producteurs d’articles en céramique. Dès lors, ces constatations de la Commission tendent à confirmer, et non pas à exclure, qu’il existait, à tout le moins en 2003 et en 2004, une coordination des entreprises en cause dans les différents États membres concernant les trois sous-groupes de produits en cause, y compris à l’occasion d’événements spécifiques.

105    Il y a donc lieu de rejeter le cinquième argument des requérantes comme étant non fondé.

106    Sixièmement, les requérantes font valoir que les appréciations portées par la Commission quant aux liens transfrontaliers entre les pratiques illicites en cause, exposées au considérant 818 de la décision attaquée et rappelées au point 46 ci-dessus, ne sont pas pertinentes pour établir la portée de l’infraction en tant qu’elle concernait les trois sous-groupes de produits.

107    À cet égard, il convient de constater que, comme le font valoir à juste titre les requérantes, l’existence de liens transfrontaliers entre les pratiques illicites en cause ne permet pas d’établir en soi que l’infraction constatée couvrait les trois sous-groupes de produits. En revanche, l’existence de ces liens transfrontaliers tend à confirmer qu’il était nécessaire que les pratiques illicites en cause fussent mises en œuvre de manière coordonnée dans les différents États membres dans lesquels les fabricants, dont l’activité relevait des trois sous-groupes de produits, exerçaient cette dernière.

108    Dès lors, il y a lieu de relever, d’une part, que, si l’existence de liens transfrontaliers ne constitue pas en soi un indice objectif de l’existence d’un plan d’ensemble, elle tend toutefois à établir, en l’espèce, à la lumière des autres éléments objectifs relevés par la Commission, que la mise en œuvre des pratiques illicites en cause devait être coordonnée dans sa dimension territoriale. D’autre part, et en toute hypothèse, un tel facteur n’invalide pas les constats opérés par ailleurs par la Commission pour constater l’existence d’un plan d’ensemble.

109    Dans ces conditions, le sixième argument des requérantes doit donc être écarté comme étant non fondé.

110    Septièmement, s’agissant de l’appréciation de la Commission, exposée aux considérants 818 et 824 de la décision attaquée et rappelée au point 48 ci-dessus, relative à l’existence, d’une part, de flux commerciaux entre les États membres et, d’autre part, de tarifications centrales au sein des entreprises multinationales, les requérantes estiment que ces appréciations sont sans intérêt sur l’analyse de l’existence d’une infraction concernant une pluralité de produits.

111    Force est de constater que, comme le font valoir à juste titre les requérantes, aucun des deux facteurs mentionnés au point précédent n’est, en soi, suffisant pour conclure à l’existence d’une infraction unique plutôt qu’à celle d’infractions distinctes.

112    Toutefois, il est vrai, d’une part, que la tarification centrale permettait aux grandes entreprises multinationales, actives dans un ou plusieurs des trois sous-groupes de produits qui étaient représentés au sein des associations multiproduits (dont ASI, IFS, Michelangelo ou la SFP), de tenir compte des informations reçues lors des réunions d’associations multiproduits pour fixer leur prix au niveau central, pour toutes les zones géographiques et pour tous les sous-groupes de produits dont relevait leur activité de fabrication. D’autre part, il est également vrai que l’existence de flux commerciaux entre les États membres montre que les pratiques illicites en cause avaient une dimension géographique pluriétatique.

113    Dès lors, les deux facteurs examinés au point précédent tendent à confirmer, à la lumière des indices relevés par la Commission et énumérés aux points 41 à 45 ci-dessus, que les entreprises en cause avaient un intérêt à coordonner leurs hausses de prix. Par ailleurs, force est de constater, en toute hypothèse, que ces deux facteurs ne permettent pas d’invalider les autres appréciations de la Commission sur lesquelles celle-ci s’est fondée pour conclure à l’existence d’une infraction unique.

114    Partant, le septième argument des requérantes doit être rejeté comme étant non fondé.

115    Huitièmement, s’agissant de l’appréciation de la Commission relative aux liens objectifs entre les trois sous-groupes de produits, exposée au considérant 845 de la décision attaquée et rappelée au point 49 ci-dessus, les requérantes soutiennent que le fait qu’ils soient considérés comme étant tous des sous-groupes de produits « visibles » est sans influence sur la qualification d’infraction unique. En effet, de nombreux sous-groupes de produits de salles de bains « visibles » autres que ceux visés dans la décision attaquée n’auraient pas fait l’objet de pratiques collusoires. En outre, l’expression « produits visibles » serait dépourvue de signification économique identifiable.

116    À cet égard, il convient de rappeler que, comme cela a déjà été relevé au point 96 ci-dessus, le constat que les trois sous-groupes de produits sont vendus aux mêmes clients dans le cadre du même circuit de distribution constitue un facteur pertinent pour apprécier l’existence de liens de complémentarité entre les pratiques anticoncurrentielles en cause. Comme indiqué au point 97 ci-dessus, le fait que la décision attaquée ne concerne qu’une partie des « produits visibles » de salles de bains que sont les articles de robinetterie, les enceintes de douche et les articles en céramique est sans influence sur la conclusion que, pour ces trois sous-groupes de produits au moins, il existait des liens objectifs de complémentarité expliquant que les entreprises en cause coordonnent les hausses de prix qu’elles mettaient en œuvre.

117    Partant, le huitième argument des requérantes doit être rejeté comme étant non fondé.

118    Neuvièmement, les requérantes font valoir que les neuvième et dixième éléments, qui sont exposés aux considérants 847 et 848 de la décision attaquée et rappelés aux points 50 et 51 ci-dessus, ne permettaient pas de conclure à l’existence d’une infraction unique.

119    À cet égard, d’une part, s’agissant de l’appréciation relative à la stabilité du mécanisme de coordination dans le temps, exposée au considérant 847 de la décision attaquée et rappelée au point 50 ci-dessus, il convient de constater que, comme le font valoir à juste titre les requérantes, le fait que les arrangements collusoires se sont maintenus dans le temps, en dépit de la circonstance que certaines entreprises mettaient fin à leur participation auxdits arrangements, ne permet pas d’établir, en soi, que les pratiques illicites en cause constituaient une infraction unique plutôt que des infractions séparées.

120    Néanmoins, ce facteur confirme, en l’espèce, compte tenu des autres constats opérés par la Commission, l’existence, dans le secteur des salles de bains, d’un plan d’ensemble visant à fausser la concurrence qui a perduré, indépendamment de la circonstance que certaines entreprises abandonnaient leur participation à ladite infraction unique.

121    D’autre part, s’agissant du fait, exposé au considérant 848 de la décision attaquée et rappelé au point 52 ci-dessus, que de nombreux employés changeaient d’entreprise en restant dans le même secteur d’activité, qu’ils exerçaient leurs activités professionnelles en rapport avec plusieurs sous-groupes de produits et qu’ils représentaient leur entreprise respective au sein de plusieurs associations dans le cadre desquelles des pratiques illicites avaient lieu, il convient de relever que le facteur selon lequel les employés changeaient d’entreprise en restant dans le même secteur d’activité ne montre pas, en soi, que les pratiques en cause constituaient une infraction unique et non des infractions séparées.

122    Néanmoins, ce facteur ainsi que le fait que de mêmes employés mettaient en œuvre les pratiques illicites touchant à plusieurs sous-groupes de produits, dans le cadre de plusieurs associations au sein desquelles des activités illicites avaient lieu, tendent à montrer, à la lumière des autres éléments relevés par la Commission et examinés ci-dessus, que les conditions de mise en œuvre d’un plan d’ensemble visant à fausser la concurrence dans l’ensemble du secteur des installations sanitaires pour salles de bains s’en trouvaient facilitées.

123    En toute hypothèse, les deux facteurs rappelés au point 118 ci-dessus ne sont pas de nature à invalider le constat d’infraction unique retenu par la Commission.

124    Dans ces conditions, le neuvième argument des requérantes doit être rejeté comme étant non fondé.

125    Il ressort donc de l’analyse exposée aux points 87 à 124 ci-dessus que la Commission n’a pas commis d’erreur d’appréciation en concluant, à la lumière des éléments factuels appréciés dans leur ensemble, que les pratiques illicites en cause faisaient partie d’une infraction unique.

126    Dans ces conditions, le moyen unique soulevé par les requérantes et, partant, le présent recours doivent être rejetés comme étant non fondés.

 Sur les dépens

127    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Masco Corp., Hansgrohe AG, Hansgrohe Deutschland Vertriebs GmbH, Hansgrohe Handelsgesellschaft mbH, Hansgrohe SA/NV, Hansgrohe BV, Hansgrohe SARL, Hansgrohe SRL, Hüppe GmbH, Hüppe Ges.mbH, Hüppe Belgium SA et Hüppe BV sont condamnées à supporter leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.

Pelikánová

Jürimäe

Van der Woude

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 septembre 2013.

Signatures


Table des matières


Antécédents du litige

Procédure et conclusions des parties

En droit

Sur le premier grief, tiré d’erreurs dans la détermination des conditions d’existence d’une infraction unique et de la participation d’entreprises à une telle infraction

Sur le second grief, tiré d’erreurs dans l’appréciation des éléments factuels ayant conduit à la qualification d’infraction unique et au constat de la participation des requérantes à ladite infraction

Sur les arguments des requérantes relatifs aux éléments factuels que la Commission a manqué de prendre en considération dans la décision attaquée

Sur les arguments des requérantes relatifs aux éléments factuels que la Commission a erronément pris en considération dans la décision attaquée

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’anglais.