Language of document : ECLI:EU:T:2014:897

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

16 octobre 2014 (*)

« Aides d’État – Électricité – Tarif préférentiel – Décision déclarant l’aide incompatible avec le marché commun et ordonnant sa récupération – Avantage – Obligation de motivation – Montant de l’aide – Aide nouvelle »

Dans l’affaire T‑177/10,

Alcoa Trasformazioni Srl, établie à Portoscuso (Italie), représentée par Mes M. Siragusa, T. Müller-Ibold, F. Salerno, G. Scassellati Sforzolini et G. Rizza, avocats,

partie requérante,

soutenue par

République italienne, représentée par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. S. Fiorentino, avvocato dello Stato,

partie intervenante,

contre

Commission européenne, représentée par M. V. Di Bucci et M. É. Gippini Fournier, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision 2010/460/CE de la Commission, du 19 novembre 2009, relative aux aides d’État C 38/A/04 (ex NN 58/04) et C 36/B/06 (ex NN 38/06), mises à exécution par l’Italie en faveur d’Alcoa Trasformazioni (JO 2010, L 227, p. 62),

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de M. D. Gratsias, président, Mme M. Kancheva et M. C. Wetter (rapporteur), juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 12 décembre 2013,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La requérante, Alcoa Trasformazioni Srl, est une société de droit italien propriétaire de deux usines produisant de l’aluminium primaire, implantées à Portovesme, en Sardaigne (Italie), et à Fusina, en Vénétie (Italie). Ces dernières ont été cédées à la requérante par Alumix SpA dans le cadre de la privatisation de celle-ci.

2        Par sa communication, adressée aux autres États membres et autres intéressés, conformément à l’article [88], paragraphe 2, [CE], concernant une aide d’État du gouvernement italien en faveur d’Alumix, notifiée à la République italienne et publiée le 1er octobre 1996 (JO C 288, p. 4, ci-après la « décision Alumix »), la Commission des Communautés européennes, après avoir examiné différentes mesures octroyées à Alumix lors de sa privatisation, dont l’octroi d’un tarif d’électricité préférentiel consenti par l’Ente nazionale per l’energia elettrica (ENEL), le fournisseur historique d’électricité en Italie, aux usines acquises par la requérante, a considéré, s’agissant dudit tarif, qui était applicable jusqu’au 31 décembre 2005, qu’il ne constituait pas une aide d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE. À cet égard, elle a estimé, notamment, que, « en facturant un tarif pour la production d’aluminium primaire [aux usines acquises par la requérante] qui couvr[ait] [s]es coûts variables et qui contribu[ait] à ses coûts fixes, ENEL se comport[ait] [en opérateur agissant dans des conditions normales de marché] dès lors que ces tarifs permett[ai]ent de fournir de l’électricité à ses clients industriels les plus importants dans des régions où il exist[ait] une surcapacité importante en termes de production électrique ».

3        L’Autorità per l’energia elettrica e il gas (autorité italienne pour l’énergie électrique et le gaz, ci-après l’« AEEG ») a, par la décision nº 204/99, du 29 décembre 1999, transféré aux distributeurs locaux d’électricité la gestion du tarif de celle-ci. La fourniture d’électricité à la requérante a alors été facturée par ENEL, son distributeur local d’électricité, au tarif standard et non plus au tarif visé par l’article 2 du décret ministériel du 19 décembre 1995 (GURI nº 39, du 16 février 1996, p. 8, ci-après le « décret de 1995 »), lequel était applicable, comme cela a été indiqué au point précédent, jusqu’au 31 décembre 2005. Afin de compenser cette différence tarifaire, ENEL accordait à la requérante un remboursement, mentionné sur sa facture d’électricité, financé au moyen d’un prélèvement parafiscal imposé à l’ensemble des consommateurs d’électricité en Italie.

4        Par la décision nº 148/04, du 9 août 2004, l’AEEG a chargé l’organisme public Cassa Conguaglio per il settore elettrico (caisse de péréquation italienne pour le secteur électrique, ci-après la « Caisse de péréquation ») de la gestion du tarif de l’électricité à la place des distributeurs locaux. À ce titre, la Caisse de péréquation effectuait elle-même le remboursement à la requérante de la somme correspondant à la différence entre le montant du tarif qui lui était facturé par ENEL et celui du tarif visé dans le décret de 1995, en ayant recours au même prélèvement parafiscal.

5        Par la suite, ont été adoptés, d’abord, le décret du président du Conseil des ministres du 6 février 2004 (GURI nº 93, du 21 avril 2004, p. 5, ci-après le « décret de 2004 ») et, ensuite, le décret-loi nº 35, du 14 mars 2005 (GURI nº 111, du 14 mai 2005, p. 4), converti en loi, après modification, par la loi nº 80, du 14 mai 2005 (supplément ordinaire à la GURI nº 91, du 14 mai 2005, ci-après la « loi de 2005 »). L’article 1er du décret de 2004 visait à étendre le bénéfice de tarifs d’électricité préférentiels au profit, notamment, de Portovesme Srl et d’Eurallumina SpA. Bien qu’il pût être compris comme étant également destiné à proroger, jusqu’en juin 2007, le tarif préférentiel dont bénéficiait la requérante, il n’a, dans les faits, pas été appliqué à cette dernière, qui est demeurée régie par le décret de 1995 jusqu’à l’entrée en vigueur de l’article 11, paragraphe 11, de la loi de 2005, qui a prorogé, jusqu’au 31 décembre 2010, le tarif préférentiel appliqué aux deux usines de la requérante.

6        Ledit tarif devait faire l’objet d’une révision annuelle par l’AEEG, qui a adopté, le 13 octobre 2005, la décision nº 217/05, en vertu de laquelle, à compter du 1er janvier 2006, l’augmentation du tarif préférentiel serait fonction des augmentations éventuelles des prix enregistrés par les Bourses de Francfort-sur-le-Main (Allemagne) et d’Amsterdam (Pays-Bas), dans la limite de 4 % par an.

7        Ni le décret de 2004 ni l’article 11, paragraphe 11, de la loi de 2005 n’ont été notifiés à la Commission.

8        Par décision notifiée à la République italienne par lettre du 19 juillet 2006, la Commission a ouvert la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE, concernant l’aide d’État C 36/06 (ex NN 38/06) – Tarif d’électricité préférentiel consenti à certaines industries grosses consommatrices d’énergie en Italie (résumé au JO C 214, p. 5, ci-après la « décision du 19 juillet 2006 »).

9        Le 29 novembre 2006, la requérante a saisi le Tribunal d’un recours tendant, à titre principal, à l’annulation de cette décision en tant qu’elle concernait le tarif de fourniture d’électricité consenti à ses deux usines d’aluminium primaire ou, à titre subsidiaire, à son annulation en ce que la Commission y qualifiait ledit tarif d’aide nouvelle illégale.

10      Par arrêt du 25 mars 2009, Alcoa Trasformazioni/Commission (T‑332/06, non publié au Recueil), le Tribunal a rejeté ce recours. Ledit arrêt a été confirmé sur pourvoi par arrêt de la Cour du 21 juillet 2011, Alcoa Trasformazioni/Commission (C‑194/09 P, Rec. p. I‑6311).

11      La procédure formelle d’examen a abouti à l’adoption, le 19 novembre 2009, de la décision 2010/460/CE de la Commission, relative aux aides d’État C 38/A/04 (ex NN 58/04) et C 36/B/06 (ex NN 38/06), mises à exécution par l’Italie en faveur d’Alcoa Trasformazioni (JO 2010, L 227, p. 62, ci-après la « décision attaquée »), dont l’article 1er déclare incompatible avec le marché commun l’aide d’État que la République italienne a illégalement accordée à la requérante à partir du 1er janvier 2006.

12      La Commission a considéré, dans la décision attaquée, comme étant dépourvus de pertinence tant l’analyse qu’elle avait retenue dans la décision Alumix que les calculs fournis par les autorités italiennes et par la requérante afin de démontrer que le tarif préférentiel consenti à celle-ci restait conforme aux critères adoptés dans la décision Alumix. Elle a indiqué que le montant de l’aide à récupérer correspondait à la somme de toutes les indemnités compensatoires versées à la requérante par la Caisse de péréquation.

13      S’agissant de l’usine sise en Vénétie, la Commission a indiqué, à l’article 2 de la décision attaquée, que la récupération de l’aide porterait sur la période comprise entre le 1er janvier 2006 et le 19 novembre 2009, date d’adoption de la décision attaquée. S’agissant de l’usine sise en Sardaigne, la Commission n’a imposé qu’un recouvrement partiel, la récupération à effectuer portant sur la période comprise entre le 1er janvier 2006 et le 18 janvier 2007.

14      Il résulte de l’annexe 1 A de la requête que la décision attaquée a été notifiée le 12 février 2010 à la requérante.

 Procédure et conclusions des parties

15      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 19 avril 2010, la requérante a introduit le présent recours.

16      Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 22 mai 2010, la requérante a introduit une demande en référé, afin d’obtenir le sursis à exécution de la décision attaquée, dans la mesure où elle concerne l’aide C 36/B/2006 (ex NN 38/2006), demande dans le cadre de laquelle elle concluait également à la condamnation de la Commission aux dépens.

17      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 8 juillet 2010, la République italienne a demandé à intervenir dans la présente affaire au soutien des conclusions de la partie requérante.

18      Par ordonnance du président du Tribunal du 9 juillet 2010, Alcoa Trasformazioni/Commission (T‑177/10 R, non publiée au Recueil), la demande en référé a été rejetée et les dépens réservés.

19      Le 4 août 2010, la Commission a déposé au greffe du Tribunal le mémoire en défense.

20      Par ordonnance du 13 septembre 2010, le président de la première chambre du Tribunal a admis l’intervention de la République italienne.

21      Le 26 novembre 2010, la République italienne a déposé au greffe du Tribunal le mémoire en intervention.

22      La réplique, dans sa version régularisée, a été déposée au greffe du Tribunal le 1er décembre 2010.

23      Le 1er février 2011, le greffe du Tribunal a reçu les observations de la requérante sur le mémoire en intervention.

24      La duplique et les observations de la Commission sur le mémoire en intervention ont été déposées au greffe du Tribunal le 1er mars 2011.

25      Par ordonnance du président de la Cour du 14 décembre 2011, Alcoa Trasformazioni/Commission [C‑446/10 P(R), non publiée au Recueil], le pourvoi formé contre l’ordonnance du 9 juillet 2010, Alcoa Trasformazioni/Commission, point 18 supra, a été rejeté.

26      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la sixième chambre, à laquelle l’affaire a, par conséquent, été attribuée. Par la suite, la présente affaire a été confiée à un nouveau juge rapporteur siégeant dans la même chambre.

27      À la suite du renouvellement partiel du Tribunal, le juge rapporteur a été affecté à la huitième chambre, à laquelle la présente affaire a donc été réattribuée.

28      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (huitième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale.

29      La requérante et la Commission ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 12 décembre 2013. Alors même qu’elle n’en avait pas averti le Tribunal, la République italienne, dûment convoquée en sa qualité d’intervenante, ne s’est pas présentée à ladite audience.

30      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée, dans la mesure où elle concerne l’aide C 36/B/06 (ex NN 38/06) ;

–        condamner la Commission aux dépens.

31      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

32      La République italienne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal d’accueillir le recours.

 En droit

33      À l’appui de son recours, la requérante soulève six moyens.

34      Ceux-ci sont tirés, en substance, le premier, de la qualification illégale d’aide d’État en l’absence d’avantage consenti à la requérante, le deuxième, de l’illégalité résultant de la détermination incorrecte du montant de l’aide, pour le cas où le Tribunal retiendrait la qualification d’aide d’État, le troisième, toujours à supposer établie ladite qualification, du caractère erroné de celle d’aide au fonctionnement, s’agissant d’une aide régionale compatible avec le marché commun, et, même en admettant qu’il se fût agi d’une aide au fonctionnement, de l’éligibilité d’une telle aide au titre des lignes directrices concernant les aides d’État à finalité régionale (JO 1998, C 74, p. 9), le quatrième, de la violation du principe de bonne administration et des dispositions du traité relatives aux aides régionales compatibles avec le marché commun, le cinquième, de la méconnaissance du principe de protection de la confiance légitime et, le sixième, d’une violation des formes substantielles.

35      Le Tribunal estime opportun d’examiner tout d’abord le sixième moyen, tiré de la violation des formes substantielles.

 Sur le sixième moyen, tiré de la violation des formes substantielles

36      Il importe, en premier lieu, de se prononcer sur la recevabilité du sixième moyen, contestée par la Commission.

37      Selon la Commission, ledit moyen est si peu développé qu’il ne remplit pas les exigences requises par l’article 44, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal. Il ressort, toutefois, de l’examen de la requête et de la réplique que, bien que ses développements soient fort succincts, la requérante présente un moyen comportant deux branches, clairement identifiables, l’une relative aux conséquences de l’absence alléguée de validité de la décision du 19 juillet 2006 sur la légalité de la décision attaquée (paragraphe 271 de la requête), l’autre relative au défaut de motivation de ladite décision (paragraphe 272 de la requête et paragraphes 73 et 74 de la réplique). Le présent moyen doit donc être jugé recevable.

38      Par conséquent, il convient, en second lieu, d’examiner tour à tour les deux branches du sixième moyen.

 En ce qui concerne la première branche du sixième moyen, relative au vice procédural tenant à l’absence de validité de la décision du 19 juillet 2006

39      La requérante soutenait qu’« [une] décision finale prise en application de l’article 108, paragraphe 2, TFUE ne p[ouvai]t être légalement adoptée que si la décision d’ouverture de l’enquête formelle contradictoire était valide » et que, « dans le cas où la décision d’ouverture serait annulée, cette annulation produirait également des effets sur la décision attaquée, pour laquelle une condition de forme substantielle viendrait à faire défaut ».

40      Toutefois, invitée à se prononcer sur les conséquences à tirer, selon elle, de l’arrêt du 25 mars 2009, Alcoa Trasformazioni/Commission, point 10 supra, confirmé par l’arrêt du 21 juillet 2011, Alcoa Trasformazioni/Commission, point 10 supra, reconnaissant la pleine légalité de la décision du 19 juillet 2006, la requérante a déclaré, lors de l’audience, qu’elle ne maintenait pas la première branche de son sixième moyen, ce dont il a été pris acte au procès-verbal de l’audience.

 En ce qui concerne la seconde branche du sixième moyen, relative à la violation de l’obligation de motivation

41      Par la seconde branche du sixième moyen, la requérante allègue une violation de l’obligation de motivation. Elle affirme, à cet égard, que « la décision [attaquée] est entachée de graves et multiples défauts de motivation sur des points essentiels » (paragraphe 272 de la requête), et renvoie aux « développements des quatre premiers moyens » (même paragraphe de la requête).

42      Il échet, d’emblée, d’écarter la fin de non-recevoir de la Commission relative à la seconde branche du présent moyen, tirée de ce que les arguments de la requérante ne porteraient que sur la pertinence des motifs, et non sur le caractère suffisant ou non de la motivation. D’abord, la question de l’obligation de motivation est abordée aux paragraphes 69 à 74 ainsi que 78 et 79 de la requête, concernant l’absence d’appréciation économique permettant de démontrer l’existence d’un avantage consenti à la requérante.

43      Ensuite et surtout, la réplique est plus précise, qui met en avant, au titre de la violation de l’obligation de motivation, l’absence d’analyse économique permettant de démontrer l’existence d’un avantage consenti à la requérante, de prix du marché, de prise en compte du développement régional et des raisons ayant conduit à écarter le Virtual Power Plant (ci-après le « programme VPP »). Au demeurant, compte tenu de ce qu’un moyen tiré de la violation de l’obligation de motivation est d’ordre public (arrêts de la Cour du 1er juillet 1986, Usinor/Commission, 185/85, Rec. p. 2079, point 19, et du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec. p. I‑1719, point 67), il est recevable même s’il est soulevé pour la première fois dans la réplique [arrêt de la Cour du 20 février 1997, Commission/Daffix, C‑166/95 P, Rec. p. I‑983, points 21 et 25, et arrêt du Tribunal du 6 juillet 2011, i-content/OHMI (BETWIN), T‑258/09, Rec. p. II‑3797, point 47]. C’est à plus forte raison le cas si le moyen, présent dans la requête mais non assorti de précisions suffisantes, est étoffé au stade de la réplique.

44      Par suite, il convient, d’une part, de lire la requête à la lumière de la réplique et, d’autre part, de considérer que la requérante ne reproche pas à la Commission, dans le cadre du sixième moyen, l’absence de prise en considération des éléments susdits, mais l’absence de mention de ces derniers dans la décision attaquée. La recevabilité de la seconde branche du sixième moyen est donc, en tant que telle, établie.

45      Il convient d’examiner, d’abord, le simple renvoi à des moyens de fond auquel il est procédé concernant les deuxième à quatrième moyens et, ensuite, les griefs articulés par la requérante dans la requête (dans le cadre du premier moyen, auquel le sixième moyen fait référence) et complétés dans la réplique.

46      S’agissant du premier cas de figure, l’on rappellera que, selon la jurisprudence, le moyen tiré de la violation de l’article 253 CE, alors applicable, qui vise un défaut ou une insuffisance de motivation, relève de la violation des formes substantielles, au sens de l’article 230 CE (arrêt Commission/Sytraval et Brink’s France, point 43 supra, point 67, et arrêt du Tribunal du 13 janvier 2004, Thermenhotel Stoiser Franz e.a./Commission, T‑158/99, Rec. p. II‑1, point 97). Il en va différemment de griefs qui ne visent pas, à proprement parler, un défaut ou une insuffisance de motivation, mais se confondent, en réalité, avec la critique du bien-fondé de la décision attaquée et donc de la légalité au fond de cet acte (arrêts du Tribunal Thermenhotel Stoiser Franz e.a./Commission, précité, point 97, et du 14 janvier 2009, Kronoply/Commission, T‑162/06, Rec. p. II‑1, point 23). Ceux-ci ne peuvent qu’être rejetés dans le cadre d’un tel moyen (arrêts du Tribunal Thermenhotel Stoiser Franz e.a./Commission, précité, points 97 et 98, et du 27 septembre 2012, Italie/Commission, T‑257/10, point 53).

47      S’agissant du second cas de figure, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 253 CE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle.

48      L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 253 CE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée. En particulier, la Commission n’est pas tenue de prendre position sur tous les arguments invoqués devant elle par les intéressés, mais il lui suffit d’exposer les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision (arrêt de la Cour du 14 février 1990, Delacre e.a./Commission, C‑350/88, Rec. p. I‑395, point 16 ; arrêts du Tribunal du 8 juillet 2004, Technische Glaswerke Ilmenau/Commission, T‑198/01, Rec. p. II‑2717, points 59 et 60, et du 28 mars 2012, Ryanair/Commission, T‑123/09, point 178).

49      C’est au regard des considérations qui précèdent qu’il convient de vérifier si la Commission a suffisamment motivé la décision attaquée concernant, premièrement, l’analyse économique l’ayant amenée à conclure à l’existence d’un avantage consenti à la requérante, deuxièmement, ce que devait être le prix du marché, troisièmement, le fait qu’elle avait examiné si l’aide pouvait être admise au titre du développement régional et, quatrièmement, les raisons l’ayant conduite à écarter le programme VPP.

50      Ainsi, en ce qui concerne, premièrement, l’analyse économique ayant amené la Commission à conclure à l’existence d’un avantage consenti à la requérante, il ressort de l’examen de la décision attaquée que la Commission a d’abord rappelé le contexte économique dans lequel s’était inscrit la décision Alumix (considérants 33 à 38 de la décision attaquée), avant de souligner l’évolution importante ayant ensuite caractérisé le marché de l’électricité italien (considérants 39 à 43 de la décision attaquée), pour consacrer enfin une rubrique entière (point 6.2.1 de la décision attaquée, intitulé « Présence d’un avantage ») à l’analyse du marché dans lequel intervenait la requérante (considérants 145 à 158 de la décision attaquée). Rappelant notamment que la décision Alumix, adoptée dans un contexte monopolistique, ne pouvait être transposée à un marché de l’électricité libéralisé (considérant 150 de la décision attaquée), la Commission a souligné, conformément à l’arrêt du 21 juillet 2011, Alcoa Trasformazioni/Commission, point 10 supra (point 71), qu’il convenait de prendre en considération les « conditions prévalant sur le marché réel » (considérant 146 de la décision attaquée). Elle a également détaillé ce qu’était le particularisme du marché sarde (considérants 155 et 226 à 231 de la décision attaquée).

51      En ce qui concerne, deuxièmement, le prix du marché, la Commission a indiqué que le prix obtenu par la requérante était inférieur à celui dont elle aurait bénéficié aux conditions réelles du marché du fait de l’intervention de l’État italien, car, si elle avait été en mesure de l’obtenir directement auprès d’un des fournisseurs d’électricité des régions concernées, cette intervention n’aurait pas été nécessaire (considérant 145 de la décision attaquée). Elle a exposé, aux considérants 146 à 152 de la décision attaquée, les raisons pour lesquelles elle estimait devoir écarter le calcul du prix du marché effectué par la requérante, précisant, en outre, aux considérants 153 et 154 de la décision attaquée, que ledit calcul était erroné, puisqu’il correspondait aux coûts de production marginaux des centrales répondant à la charge de base, c’est-à-dire les plus économiques. Or, la Commission a souligné que de tels coûts ne pouvaient être obtenus sur le marché que durant les heures creuses, alors que la requérante ne consommait pas de l’électricité uniquement durant ces heures, mais 24 heures sur 24. Elle a, enfin, apporté des précisions concernant le prix du marché en Sardaigne (considérant 230 de la décision attaquée), indiquant que le tarif dont bénéficiait la requérante ne satisfaisait pas aux critères retenus dans la décision Alumix, à supposer même que ces derniers eussent été applicables en l’espèce (considérant 155 de la décision attaquée).

52      En ce qui concerne, troisièmement, l’éligibilité de l’aide au titre du développement régional, la lecture des considérants 60 à 67 de la décision attaquée fait apparaître que, contrairement à ce que soutient la requérante, la Commission a examiné cette possibilité au regard des lignes directrices concernant les aides d’État à finalité régionale (considérant 60 de la décision attaquée), relevant que la Vénétie n’était pas au nombre des régions éligibles (considérant 61 de la décision attaquée), ce qui excluait l’une des usines de la requérante. S’agissant de la seconde usine, implantée en Sardaigne, la Commission a relevé que cette région était éligible jusqu’au 31 décembre 2006 (considérant 62 de la décision attaquée), mais ne le serait plus sur le fondement des lignes directrices concernant les aides d’État à finalité régionale pour la période 2007-2013 (JO 2006, C 54, p. 13), sauf, pour la requérante, à bénéficier de la période transitoire de deux ans prévue « pour l’élimination linéaire des régimes d’aides au fonctionnement existants » (considérant 66 de la décision attaquée). Elle a donc recherché si l’aide était nécessaire (considérant 63 de la décision attaquée) et proportionnelle aux handicaps régionaux (considérant 64 de la décision attaquée), concluant par la négative. Elle a également relevé que l’aide n’était pas dégressive en termes réels (considérant 65 de la décision attaquée), estimant, au total, inopportun « l’introduction de nouvelles aides au fonctionnement pour quelques mois » et d’en prévoir « l’élimination progressive », surtout « au vu des doutes exprimés et du caractère distorsif de l’aide » (considérant 66 de la décision attaquée). Elle a enfin « émis des doutes » concernant la possibilité d’octroyer le tarif consenti à la requérante, « que ce soit en tant qu’aide régionale ou à tout autre titre » (considérant 67 de la décision attaquée).

53      Bien plus, la décision attaquée comporte un passage entier [point 6.5.1, intitulé « Compatibilité avec les lignes directrices concernant les aides d’État à finalité régionale (Sardaigne) »] résumant en une vingtaine de considérants la position de la Commission sur ce sujet (considérants 220 à 240 de la décision attaquée), en particulier concernant la question de la « [c]ontribution au développement régional » (point 6.5.1.2 et considérants 232 à 237 de la décision attaquée).

54      En ce qui concerne, quatrièmement, le programme VPP, la décision attaquée le mentionne également à plusieurs reprises. La Commission en fait état dans la chronologie du litige, indiquant avoir envisagé « l’éventualité d’adopter » ledit programme (considérant 18 de la décision attaquée) et échangé une correspondance avec la République italienne à ce propos (considérants 18 à 20 de la décision attaquée). Il est également fait mention de réunions tenues avec cet État membre (mêmes considérants de la décision attaquée). La décision attaquée comprend surtout un passage consacré à cette question [point 6.5.3, intitulé « Proposition de créer une VPP (Sardaigne) »], subdivisé en deux rubriques, consacrées à la « [d]escription de la VPP italienne » (point 6.5.3.1 de la décision attaquée) et à la « [c]ompatibilité du tarif sur la base de la VPP » (point 6.5.3.2 de la décision attaquée). Ce passage (considérants 246 à 259 de la décision attaquée) présente de façon détaillée le programme VPP et les raisons pour lesquelles la Commission « est parvenue à la conclusion qu’en l’espèce, la VPP n’offr[ait] pas une base suffisante pour justifier de la compatibilité de l’aide, que ce soit pour une période transitoire postérieure à sa mise en œuvre ou a fortiori pour la période précédant cette mise en œuvre » (considérant 253 de la décision attaquée).

55      Par conséquent, sur les quatre points spécialement mis en avant par la requérante, la décision attaquée, loin d’être lacunaire, présente une motivation circonstanciée et argumentée, mettant à même aussi bien la requérante de connaître les justifications de la mesure prise que le juge de l’Union européenne d’exercer son contrôle.

56      Il en résulte que la seconde branche du sixième moyen doit être écartée, ce qui emporte, compte tenu du désistement afférent à la première branche de celui-ci, le rejet dudit moyen.

57      Il importe, à présent, d’examiner le cinquième moyen de la requérante, puisque cet examen conduira le Tribunal à préciser l’exacte portée de la décision Alumix.

 Sur le cinquième moyen, tiré de la méconnaissance du principe de protection de la confiance légitime

58      La requérante soutient que, en adoptant la décision attaquée, la Commission a méconnu le principe de protection de la confiance légitime. Il importe de souligner, ce qu’admet au demeurant la requérante, que certains des arguments qu’elle avance dans le cadre de ce moyen « ont déjà été soumis au Tribunal dans le cadre du recours en annulation de la décision [du 19 juillet 2006] » (paragraphe 225 de la requête) et qu’« [il] n’y a pas fait droit » (même paragraphe de la requête). La requérante demande que ceux-ci soient réexaminés, notamment en raison de la portée plus large desdits arguments et du fait que la décision attaquée n’est pas de même nature que la décision du 19 juillet 2006. C’est donc en tenant compte de la réponse juridictionnelle apportée par le Tribunal puis par la Cour, mais sans s’y limiter, qu’il convient de répondre aux cinq branches du cinquième moyen, portant, premièrement, sur la confiance légitime que pouvaient avoir la République italienne et la requérante dans le caractère existant, et non pas nouveau, de l’aide en cause, en raison de la constance de ses effets pour la requérante, la décision attaquée constituant, de ce fait, une violation de l’article 88 CE (l’article 108 TFUE, invoqué par la requérante, étant inapplicable ratione temporis), deuxièmement, sur la confiance légitime suscitée par le fait que la Commission, informée, selon la requérante, du changement intervenu dans l’état du droit depuis le terme prévu par le décret de 1995, n’avait pas réagi à l’adoption des nouvelles dispositions de droit italien, laissant la requérante supposer que l’aide en cause devait être regardée comme existante, troisièmement, sur le caractère illimité dans le temps de la décision Alumix, quatrièmement, sur la confiance légitime particulière résultant de ce que le tarif issu du décret de 1995 avait été regardé comme ne constituant pas une aide d’État et, cinquièmement, sur le renforcement de la confiance légitime de la requérante par l’attitude de la Commission lors de la procédure formelle d’examen, exprimée, en particulier, dans une lettre du 19 janvier 2007.

59      Avant d’examiner le présent moyen en ses différentes branches, il y a lieu de rappeler ce que recouvre le principe de protection de la confiance légitime et les conditions devant être respectées pour qu’il puisse trouver à s’appliquer.

60      Principe fondamental du droit de l’Union (arrêt de la Cour du 14 octobre 1999, Atlanta/Communauté européenne, C‑104/97 P, Rec. p. I‑6983, point 52), le principe de protection de la confiance légitime permet à tout opérateur économique à l’égard duquel une institution a fait naître des espérances fondées de s’en prévaloir (arrêts de la Cour du 11 mars 1987, Van den Bergh en Jurgens et Van Dijk Foods Products (Lopik)/CEE, 265/85, Rec. p. 1155, point 44, et du 24 mars 2011, ISD Polska e.a./Commission, C‑369/09 P, Rec. p. I‑2011, point 123 ; arrêt du Tribunal du 27 septembre 2012, Producteurs de légumes de France/Commission, T‑328/09, point 18). Toutefois, lorsqu’un opérateur économique prudent et avisé est en mesure de prévoir l’adoption d’une mesure de l’Union de nature à affecter ses intérêts, il ne saurait invoquer le bénéfice de ce principe, lorsque cette mesure est adoptée (arrêt de la Cour du 1er février 1978, Lührs, 78/77, Rec. p. 169, point 6, et arrêt du 25 mars 2009, Alcoa Trasformazioni/Commission, point 10 supra, point 102). Le droit de se prévaloir de la confiance légitime suppose la réunion de trois conditions cumulatives. Premièrement, des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables, doivent avoir été fournies à l’intéressé par l’administration de l’Union. Deuxièmement, ces assurances doivent être de nature à faire naître une attente légitime dans l’esprit de celui auquel elles s’adressent. Troisièmement, les assurances données doivent être conformes aux normes applicables (voir arrêt Producteurs de légumes de France/Commission, précité, point 19, et la jurisprudence citée).

61      S’agissant plus particulièrement de l’applicabilité de ce principe en matière d’aides d’État, il importe de préciser que, compte tenu du rôle fondamental joué par l’obligation de notification pour permettre l’effectivité du contrôle des aides d’État par la Commission, lequel revêt un caractère impératif, les entreprises bénéficiaires d’une aide ne sauraient avoir, en principe, une confiance légitime dans la régularité de ladite aide que si celle-ci a été accordée dans le respect de la procédure prévue à l’article 88 CE et un opérateur économique diligent doit normalement être en mesure de s’assurer que ladite procédure a été respectée. En particulier, lorsqu’une aide est mise à exécution sans notification préalable à la Commission, de sorte qu’elle est illégale conformément à l’article 88, paragraphe 3, CE, le bénéficiaire de l’aide ne peut avoir, à ce moment, une confiance légitime dans la régularité de l’octroi de celle-ci (voir, en ce sens, arrêt Producteurs de légumes de France/Commission, point 60 supra, points 20 et 21, et la jurisprudence citée), sauf existence de circonstances exceptionnelles (arrêt du Tribunal du 30 novembre 2009, France et France Télécom/Commission, T‑427/04 et T‑17/05, Rec. p. II‑4315, point 263).

62      Au vu des considérations qui précèdent, il convient d’examiner successivement les troisième, deuxième, quatrième, première et cinquième branches du présent moyen.

 En ce qui concerne la troisième branche du cinquième moyen, relative au caractère illimité dans le temps de la décision Alumix

63      Puisque, par la décision Alumix, la Commission s’est prononcée sur la conformité au droit communautaire de l’aide instituée par le décret de 1995, dont la validité prenait expressément fin le 31 décembre 2005, sa décision ne pouvait avoir un effet temporel supérieur à celui de la mesure en faisant l’objet. Ainsi que la Commission le rappelle à juste titre dans le mémoire en défense, l’arrêt du 25 mars 2009, Alcoa Trasformazioni/Commission, point 10 supra (points 105 et 106), fait déjà état d’un tel raisonnement. Celui-ci a été conforté par la Cour, cette dernière ayant jugé que les constatations de la Commission dans la décision Alumix ne pouvaient conduire la requérante à croire de manière légitime que les conclusions de cette décision s’étendraient au tarif examiné dans la décision du 19 juillet 2006 (arrêt du 21 juillet 2011, Alcoa Trasformazioni/Commission, point 10 supra, point 134) et que c’était donc à bon droit que le Tribunal avait indiqué que la décision Alumix n’avait pu créer chez la requérante une confiance légitime en la pérennité des conclusions figurant dans cette décision (arrêt du 21 juillet 2011, Alcoa Trasformazioni/Commission, point 10 supra, point 135).

64      Il y a donc lieu d’écarter, pour ces motifs, la troisième branche du cinquième moyen.

 En ce qui concerne la deuxième branche du cinquième moyen, portant sur la confiance légitime suscitée par l’absence de réaction de la Commission depuis l’adoption des nouvelles dispositions de droit italien

65      Il importe de souligner que, si, d’une part, la décision Alumix ne valait que pour la durée de l’aide instituée par le décret de 1995, il n’est, d’autre part, pas permis d’interpréter l’absence de réaction de la Commission comme ayant pu faire naître une confiance légitime chez la requérante.

66      En premier lieu, il convient, en effet, d’observer que le raisonnement de la requérante repose sur une prémisse erronée, puisqu’elle argue que les dispositions litigieuses étaient connues de la Commission, alors qu’il importe ici de déterminer si elles avaient été notifiées à cette institution par la République italienne. Concernant le décret de 2004, il ressort de la décision attaquée (considérants 1 à 3 de ladite décision) que c’est à l’initiative de la Commission, alertée par divers articles de presse, que des informations ont été fournies par cet État membre. Concernant la loi de 2005, il résulte également des pièces du dossier, comme cela a été confirmé à l’audience, que l’article 11, paragraphe 11, de ladite loi, au contraire de l’article 11, paragraphe 12, de celle-ci, n’a pas fait l’objet d’une notification à la Commission, ce qu’avait d’ailleurs déjà jugé la Cour (arrêt du 21 juillet 2011, Alcoa Trasformazioni/Commission, point 10 supra, point 16). Il y a donc lieu de faire application de la jurisprudence rappelée au point 61 ci-dessus selon laquelle le bénéficiaire de l’aide ne peut avoir de confiance légitime dans la régularité de l’octroi de celle-ci lorsqu’elle est mise à exécution sans notification préalable à la Commission.

67      Il est tout aussi vain de soutenir qu’il y a eu inaction de la Commission, puisque les informations en cause lui ont été fournies dans le cadre de procédures diligentées par elle. Dans ces conditions, aucune confiance légitime n’a pu naître de l’inertie de la Commission après notification, ni l’inertie ni la notification n’ayant été établies.

68      En second lieu et en tout état de cause, l’existence d’assurances précises, inconditionnelles et concordantes fait incontestablement défaut en l’espèce.

69      Force est donc d’écarter également la deuxième branche du cinquième moyen.

 En ce qui concerne la quatrième branche du cinquième moyen, relative à la confiance légitime résultant de ce que le tarif issu du décret de 1995 avait été regardé comme ne constituant pas une aide d’État

70      Il résulte de ce qui a été indiqué dans le cadre de l’examen de la troisième branche du cinquième moyen que, limité dans le temps, puisque expirant le 31 décembre 2005, le décret de 1995, qui faisait l’objet de la décision Alumix, ne pouvait être regardé comme ne constituant pas une aide d’État que pour la seule période considérée. Ainsi que l’a jugé la Cour à propos de l’analyse menée sur ce point par le Tribunal (arrêt du 21 juillet 2011, Alcoa Trasformazioni/Commission, point 10 supra, point 135), la requérante ne pouvait avoir une confiance légitime en la pérennité des conclusions figurant dans cette décision.

71      Il convient, en conséquence, d’écarter la quatrième branche du cinquième moyen.

 En ce qui concerne la première branche du cinquième moyen, relative à la confiance légitime née du caractère existant de l’aide en cause en raison de la constance de ses effets vis-à-vis de la requérante

72      Il résulte de la jurisprudence rappelée aux points 60 et 61 ci-dessus qu’un opérateur économique ne peut se prévaloir de la violation du principe de protection de la confiance légitime que s’il a été raisonnablement prudent, avisé et diligent. Dans ces conditions, la requérante devait, d’une part, prendre garde au fait que le tarif préférentiel dont elle bénéficiait en vertu du décret de 1995, par définition dérogatoire par rapport au tarif normal, était prévu pour une durée de dix ans et qu’elle n’était nullement certaine de sa reconduction. D’autre part, elle ne pouvait ignorer le mécanisme de détermination du tarif préférentiel dont elle jouissait initialement, ni, par suite, méconnaître le fait que celui-ci avait connu diverses évolutions au regard desquelles la Commission n’avait pas encore été amenée à prendre position. De surcroît, précisément compte tenu de ces évolutions, il est erroné de faire état des effets constants du tarif préférentiel issu du décret de 1995, celui-ci ayant connu plusieurs infléchissements, en particulier celui tenant à l’actualisation annuelle, plafonnée à 4 %, du tarif, issu de la loi de 2005, telle qu’interprétée par l’AEEG (voir point 6 ci-dessus et considérants 49 et 50 de la décision attaquée).

73      Au vu de l’ensemble de ces éléments, la requérante, en tant qu’opérateur économique raisonnablement prudent, avisé et diligent, ne pouvait fonder une confiance légitime dans le fait que le tarif initial serait pérennisé et considéré comme une aide existante, alors surtout qu’il avait notablement évolué depuis la décision Alumix, et cela quand bien même elle continuait à bénéficier d’un tarif préférentiel.

74      Il convient donc d’écarter la première branche du cinquième moyen.

 En ce qui concerne la cinquième branche du cinquième moyen, tirée du renforcement de la confiance légitime de la requérante par l’attitude de la Commission lors de la procédure formelle d’examen, exprimée, en particulier, dans la lettre du 19 janvier 2007

75      Le fait que la Commission a entamé, par la lettre du 19 janvier 2007, des discussions avec la République italienne (et non avec la requérante) au sujet du programme VPP (considérants 18 à 20 de la décision attaquée), non seulement ne pouvait être que dépourvu d’incidence sur le caractère d’aide existante que la requérante voudrait voir reconnaître aux mesures mises en œuvre par les dispositions de droit italien litigieuses et, partant, sur la confiance légitime qu’elle estimait, à tort, être en droit de fonder sur les conclusions qu’avait formulées la Commission dans la décision Alumix, mais surtout, en tant que ladite lettre constituait l’amorce de pourparlers quant à l’éventualité d’adopter des mesures transitoires, ne pouvait, par définition, contenir des assurances précises, inconditionnelles et concordantes.

76      Il s’ensuit qu’il convient d’écarter la cinquième branche du cinquième moyen et, par conséquent, ce dernier dans son ensemble.

77      Les quatre autres moyens du recours seront examinés dans l’ordre résultant des écritures de la requérante.

 Sur le premier moyen, tiré de la qualification illégale d’aide d’État en l’absence d’avantage consenti à la requérante

78      Le premier moyen, par lequel la requérante invoque une violation de l’article 107 TFUE (en réalité de l’article 87 CE, applicable ratione temporis), comporte différentes subdivisions, la première étant consacrée à l’intensité du contrôle juridictionnel en matière d’aides d’État et à l’obligation de motivation pesant, dans ce domaine, sur la Commission. Quant à ce dernier point, il a été jugé, dans le cadre de l’examen du sixième moyen, pris en sa seconde branche, que la décision attaquée était conforme aux exigences résultant de l’article 253 CE. Pour ce qui est des considérations générales relatives à ce qu’est le contrôle du juge de l’Union en matière d’aides d’État, elles ne sont assorties d’aucun grief concret tenant à l’illégalité de la décision attaquée et il y a donc lieu de les écarter comme étant inopérantes.

79      Le premier moyen se résume, en réalité, à trois arguments : la Commission aurait dû considérer que les critères posés dans la décision Alumix trouvaient à s’appliquer, ce qui l’aurait alors conduite à la même conclusion que dans ladite décision, à savoir l’absence d’aide d’État (points D et E du premier moyen) ; il lui incombait de procéder à une analyse économique, afin de déterminer l’existence éventuelle d’un avantage consenti à la requérante (point B du premier moyen) ; cela aurait, en tout état de cause, impliqué que la Commission adoptât pour cadre de raisonnement un fonctionnement normal du marché (point C du premier moyen).

80      Il importe d’examiner successivement ces trois points.

81      Concernant la critique du fait que la Commission a jugé inapplicables au cas d’espèce les critères posés dans la décision Alumix, il est nécessaire de préciser qu’il s’agit là non pas d’une question de champ d’application temporel de cette dernière, ce à quoi il a été répondu dans le cadre de l’examen du cinquième moyen, mais de la question des modifications économiques et juridiques intervenues depuis lors et rendant impossible la réitération d’une semblable décision. Or, comme l’expose à bon droit la Commission, « il est difficile d’imaginer changement plus substantiel que le passage d’un prix pratiqué par un fournisseur à un tarif subventionné par l’État » (paragraphe 54 du mémoire en défense).

82      Alors que, dans le premier cas, le tarif consenti à la requérante pouvait équivaloir au rabais octroyé par un fournisseur, même en situation de monopole (en l’occurrence ENEL), à l’un de ses plus importants clients (voir, à cet égard, les considérants 36 et 37 de la décision attaquée), les mesures faisant l’objet de la décision attaquée comportent une réduction de prix fixée par les autorités italiennes, financée par un prélèvement parafiscal permettant un remboursement à la requérante de la différence entre le tarif normalement facturé aux entreprises et le tarif préférentiel qui lui avait été reconnu. Or, comme il découle de la nature même du tarif préférentiel alors mis en place que la requérante se faisait rembourser par la Caisse de péréquation au moyen de ressources publiques la différence existant entre le tarif d’électricité facturé aux usines par ENEL et le tarif prévu par le décret de 1995, cette seule constatation suffit à asseoir le constat selon lequel les usines de la requérante ne supportaient pas la totalité des charges qui auraient normalement dû grever leurs budgets (voir, en ce sens, arrêt du 25 mars 2009, Alcoa Trasformazioni/Commission, point 10 supra, point 68, et arrêt du 21 juillet 2011, Alcoa Trasformazioni/Commission, point 10 supra, point 83).

83      C’est donc sans errer en droit que la Commission a estimé que les critères posés dans la décision Alumix ne pouvaient être appliqués à la présente espèce.

84      Concernant le deuxième point, il importe de souligner que, ainsi que cela a été exposé dans le cadre de l’examen du sixième moyen, pris en sa seconde branche, la Commission a fourni de nombreuses indications d’ordre économique tenant à la fois à l’évolution du marché (fin du monopole) et aux caractéristiques propres aux usines des requérantes (analyse du marché de l’électricité sarde, par exemple). Elle s’est donc conformée à l’article 87 CE, qui exige que la Commission établisse qu’un avantage économique a été conféré à l’entreprise aidée (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 6 mars 2003, Westdeutsche Landesbank Girozentrale et Land Nordrhein-Westfalen/Commission, T‑228/99 et T‑233/99, Rec. p. II‑435, points 251 et 257, et du 3 mars 2010, Bundesverband deutscher Banken/Commission, T‑163/05, Rec. p. II‑387, point 98). En revanche, il n’était pas nécessaire que la Commission exposât d’autres arguments, puisque l’existence d’un avantage consenti à la requérante résultait de la simple description du mécanisme mis en place. Les évaluations économiques complexes requises, par exemple, pour l’application du critère de l’investisseur privé en économie de marché ne pouvaient trouver une quelconque utilité en présence d’un mécanisme compensatoire financé par une taxe parafiscale visant à libérer une société du paiement d’une partie des charges d’électricité nécessaires à la production des produits qu’elle commercialise sur le territoire de l’Union. La Commission n’était donc point tenue de procéder à une analyse économique plus fine que celle figurant dans la décision attaquée.

85      Concernant le troisième argument de la requérante, portant sur le fait que la Commission aurait dû raisonner dans le cadre d’un marché normal et non du marché existant, il suffira de rappeler que, ainsi qu’il ressort d’une jurisprudence constante, une aide d’État doit être appréciée en elle-même, et non au regard des objectifs tenant, par exemple, à remédier au caractère imparfaitement concurrentiel d’un marché (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 29 avril 2004, Italie/Commission, C‑372/97, Rec. p. I‑3679, point 67, et la jurisprudence citée).

86      Il y a donc lieu de rejeter le premier moyen comme étant non fondé.

 Sur le deuxième moyen, tiré de l’illégalité résultant de l’absence de détermination du montant de l’aide

87      Il importe ici de rappeler que la Commission, dans la décision attaquée, d’une part, déclare l’aide en cause incompatible avec le marché commun et, d’autre part, ordonne sa récupération partielle. C’est concernant ce dernier aspect que se pose la question de la détermination du montant de l’aide.

88      Selon une jurisprudence constante, aucune disposition du droit de l’Union n’exige que la Commission, lorsqu’elle ordonne la restitution d’une aide déclarée incompatible avec le marché intérieur, fixe le montant exact de l’aide à restituer. Il suffit que la décision de la Commission comporte des indications permettant à son destinataire de déterminer lui-même, sans difficultés excessives, ce montant (arrêts de la Cour du 12 octobre 2000, Espagne/Commission, C‑480/98, Rec. p. I‑8717, point 25, et du 18 octobre 2007, Commission/France, C‑441/06, Rec. p. I‑8887, point 29 ; arrêt du Tribunal du 15 juin 2010, Mediaset/Commission, T‑177/07, Rec. p. II‑2341, point 181).

89      La décision attaquée satisfait à ces exigences, puisque, ainsi que, d’ailleurs, l’indique l’ordonnance du 9 juillet 2010, Alcoa Trasformazioni/Commission, point 18 (point 11), sans préciser le montant exact de l’aide à recouvrer, elle indique la méthode selon laquelle ce montant doit être calculé. Celui-ci équivaut à la différence entre le prix contractuel et le prix préférentiel, ce qui correspond à l’indemnité compensatoire touchée par la requérante durant la période concernée (considérant 285 de la décision attaquée). L’article 1er de la décision attaquée fait expressément référence à ce considérant. L’article 2 de ladite décision précise que ce montant porte intérêts et détermine les modalités de calcul de ces derniers. Il résulte, enfin, de l’examen dudit article que la Commission a renoncé, concernant l’usine établie en Sardaigne, à la récupération de l’aide pour la période comprise entre le 19 janvier 2007 et le 19 novembre 2009.

90      Il convient donc de rejeter le deuxième moyen comme étant dépourvu de fondement.

 Sur le troisième moyen, tiré, à titre principal, de la qualification erronée d’aide au fonctionnement et, à titre subsidiaire, de l’éligibilité d’une telle aide au titre des lignes directrices concernant les aides d’État à finalité régionale

91      Il importe de préciser, dès à présent, le caractère limité du troisième moyen de la requérante, puisque celui-ci ne concerne que l’usine sise en Sardaigne, la Vénétie n’étant pas une région éligible à l’octroi d’aides d’État à finalité régionale sur le fondement de l’article 87, paragraphe 3, sous a), CE. La Commission précise, dans la décision attaquée (considérant 240 de ladite décision) et le mémoire en défense, que la Sardaigne a cessé d’être une région éligible à la fin de l’année 2006. Il en résulte que c’est uniquement en tant que le troisième moyen porte sur l’illégalité de l’aide afférente à la période antérieure à cette date, pour l’usine sarde, qu’il convient d’en examiner les deux branches.

 En ce qui concerne, à titre principal, la qualification erronée d’aide au fonctionnement de l’aide en cause

92      La requérante, dans le cadre de sa contestation de l’analyse de la Commission selon laquelle l’aide en cause était incompatible avec le marché commun, soutient qu’il ne s’agissait pas d’une aide au fonctionnement, exclue, en principe, en tant que telle du champ d’application des lignes directrices concernant les aides d’État à finalité régionale (points 4.15 à 4.17 desdites lignes). Elle se prévaut, notamment, du caractère temporaire de la mesure concernée et de la finalité essentiellement régionale de celle-ci. Toutefois, cet argumentaire ne saurait convaincre. En effet, d’une part, la requérante a bénéficié d’un tarif préférentiel durant quinze ans (depuis l’entrée en vigueur du décret de 1995 jusqu’à la notification de la décision attaquée, et en particulier de son article 4, en vertu duquel la République italienne devait annuler tous les paiements à venir de l’aide en cause). D’autre part, le tarif préférentiel ne concernait pas que la Sardaigne, mais également la Vénétie. En tout état de cause, ainsi que cela ressort d’une jurisprudence constante, sont des aides au fonctionnement les aides qui visent à libérer une entreprise des coûts qu’elle aurait dû normalement supporter dans le cadre de sa gestion courante ou de ses activités normales (arrêts de la Cour du 19 septembre 2000, Allemagne/Commission, C‑156/98, Rec. p. I‑6857, point 30, et du 21 juillet 2011, Freistaat Sachsen et Land Sachsen-Anhalt/Commission, C‑459/10 P, non publié au Recueil, point 34 ; arrêt Kronoply/Commission, précité, point 75). Partant, l’aide en cause, qui permettait à la requérante d’alléger les coûts liés à sa consommation d’électricité, laquelle entre par définition dans le cadre de la gestion courante, était bien une aide au fonctionnement. Il en allait d’autant plus ainsi que, le processus de production de l’aluminium étant particulièrement énergivore (considérant 74 de la décision attaquée), l’achat d’électricité revêtait pour le fonctionnement de la requérante une importance essentielle.

93      La première branche du troisième moyen doit donc être écartée.

 En ce qui concerne, à titre subsidiaire, l’éligibilité de l’aide en cause au titre des lignes directrices concernant les aides d’État à finalité régionale

94      Même s’agissant des aides au fonctionnement, il était possible, à titre exceptionnel, d’autoriser les aides destinées aux régions éligibles sur le fondement de l’article 87, paragraphe 3, sous a), CE, sous réserve qu’elles fussent justifiées par leur contribution au développement régional et leur nature et que leur niveau fût proportionnel aux handicaps qu’elles visaient à pallier. Ces aides devaient être limitées dans le temps et dégressives. La requérante estime, à titre subsidiaire, que la Commission aurait dû admettre, s’agissant de son usine sarde, l’éligibilité de l’aide à ce titre. Cette argumentation ne peut prospérer.

95      Tout d’abord, et ce point suffisait à lui seul à ce que la Commission refusât de considérer l’aide comme éligible au titre des lignes directrices concernant les aides d’État à finalité régionale, l’aide en cause ne présentait pas de caractère dégressif (considérants 65 et 239 de la décision attaquée), malgré le fait que la hausse du tarif était plafonnée à 4 %. Il convient en effet de souligner que l’augmentation plafonnée du montant nominal du tarif préférentiel n’entraîne pas, ipso facto, la diminution du montant compensatoire servi au bénéficiaire dudit tarif, puisque le coût réel de l’électricité pour l’opérateur peut demeurer supérieur à celui qu’il facture audit bénéficiaire en vertu du tarif préférentiel, même majoré de 4 %. Par conséquent, comme l’a indiqué à bon droit la Commission, sans être contredite, le tarif préférentiel n’était dégressif qu’en cas de diminution en termes nets des prix moyens au sein de l’Union, et progressif dans tous les autres cas.

96      Ensuite, la Commission a indiqué, de façon pleinement convaincante, pour quelles raisons l’aide en cause ne contribuait pas de façon durable au développement régional. Ainsi, aux considérants 235 et 236 de la décision attaquée, elle a rappelé que la requérante elle-même avait reconnu l’absence de viabilité du site sarde sans le bénéfice du tarif préférentiel et démontré que, même en tenant compte de l’impact futur sur le prix du marché de la réalisation de nouvelles infrastructures (un gazoduc et un câble sous-marin), le prix obtenu serait comparable à celui pratiqué dans le reste de l’Italie, mais ne pourrait en aucune manière atteindre le prix de 30 euros par mégawatt/heure, « nécessaire pour assurer la rentabilité d’une fonderie » (considérant 235 de la décision attaquée). Ainsi, l’usine de la requérante, loin de devenir, grâce à l’aide en cause, le moteur d’un développement futur de l’île, dépendait elle-même pleinement du tarif préférentiel.

97      Enfin, les lignes directrices concernant les aides d’État à finalité régionale exigeant que l’aide, pour être éligible, soit proportionnelle aux handicaps qu’elle cherche à pallier, la Commission a examiné si le tarif préférentiel correspondait à l’écart observable pour d’autres clients entre la Sardaigne et la péninsule italienne. Or, elle a relevé que le remboursement servi à la requérante était bien plus élevé que tout écart observé par ailleurs (considérant 238 de la décision attaquée). Dans ces conditions, la requérante ne peut valablement soutenir que l’aide en cause était proportionnée et, par suite, éligible.

98      Ces critères n’étant pas satisfaits, c’est à juste titre que la Commission a considéré que cela faisait obstacle à l’éligibilité du tarif préférentiel en Sardaigne au titre des lignes directrices concernant les aides d’État à finalité régionale.

99      Il en résulte que la seconde branche du troisième moyen doit également être écartée et, par suite, le troisième moyen dans son ensemble.

 Sur le quatrième moyen, tiré de la violation du principe de bonne administration et de celle de l’article 107, paragraphe 3, TFUE concernant le programme VPP

100    La requérante considère que, par la lettre du 19 janvier 2007 et, plus largement, par son attitude concernant l’appréciation du programme VPP, la Commission a, de façon grave et manifeste, violé le principe de bonne administration et l’article 107, paragraphe 3, TFUE (en réalité, compte tenu de la date d’adoption de la décision attaquée, l’article 87, paragraphe 3, CE).

101    Il convient, d’abord, de rappeler que, parmi les garanties conférées par l’ordre juridique de l’Union dans les procédures administratives, figure notamment le principe de bonne administration, auquel se rattache l’obligation d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce (arrêt de la Cour du 21 novembre 1991, Technische Universität München, C‑269/90, Rec. p. I‑5469, point 14, et arrêt du Tribunal du 23 septembre 2009, Estonie/Commission, T‑263/07, Rec. p. II‑3463, point 99).

102    Il y a lieu, ensuite, de souligner que la Commission a reconnu, au considérant 281 de la décision attaquée, que la longueur des discussions amorcées en 2007 et portant sur le programme VPP, bien qu’elle s’expliquât dans une large mesure par la réaction tardive de la République italienne, « [était] contraire au principe de bonne administration et a[vait] influencé le comportement du bénéficiaire pendant la suite de l’enquête ».

103    Or, si le Tribunal n’est nullement lié par l’appréciation que la Commission peut avoir de son propre comportement et doit exercer son propre contrôle de la légalité de la décision attaquée, il l’est en revanche, dans le cadre dudit contrôle, tant par le petitum que par l’objet exact de la décision attaquée.

104    Ainsi, en tant que la violation du principe de bonne administration serait constituée par les hésitations de la Commission et son absence de célérité à instruire le programme VPP, concernant l’usine de la requérante sise en Sardaigne, il convient de relever que la Commission a estimé opportun « de ne pas imposer la récupération de l’aide accordée à l’établissement sarde pour la période comprise entre la date du courrier, soit le 19 janvier 2007, et la date de la […] décision [attaquée] » (considérant 282 de la décision attaquée). L’article 2, paragraphe 1, de la décision attaquée reflète cette analyse. Par conséquent, insusceptible d’affecter la légalité de la décision attaquée quant à la question de la compatibilité de l’aide en cause avec le marché commun et dépourvu d’incidence sur le montant de l’aide dont la récupération a été ordonnée par la Commission pour la période postérieure au 18 janvier 2007 concernant l’usine sarde, le moyen tiré de la violation du principe de bonne administration doit être rejeté comme étant, en partie, inopérant.

105    Toutefois, la lecture dudit moyen fait apparaître que la requérante l’inscrit dans une perspective plus large, sous la rubrique intitulée « Conduite de la procédure administrative par la Commission », tirant notamment argument des atermoiements résultant, à l’en croire, du rapprochement des éléments suivants :

–        la teneur de la décision Alumix, dans laquelle la Commission a considéré les mesures mises en œuvre par le décret de 1995 comme ne constituant pas une aide d’État ;

–        l’inertie de la Commission après avoir été informée des modifications de l’aide initiale ;

–        le fait que, s’agissant du décret de 2004, elle a ouvert une enquête à l’égard des nouveaux bénéficiaires du tarif préférentiel, mais non à son égard ;

–        l’adoption de la décision du 19 juillet 2006 ;

–        l’adoption de la décision attaquée, après l’abandon de l’hypothèse que représentait le programme VPP.

106    Ces différents éléments, qu’ils soient envisagés séparément ou dans leur globalité, ne peuvent constituer une violation du principe de bonne administration. En effet, premièrement, il a été rappelé que la décision Alumix ne pouvait permettre à la requérante d’estimer que son champ d’application excéderait les dix ans prévus par le décret de 1995 pour l’octroi du tarif préférentiel dont elle avait bénéficié. Deuxièmement, il ne saurait être fait grief à la Commission de ne pas avoir respecté le principe de bonne administration si cette institution, en raison d’un comportement exclusivement imputable à un tiers, n’a pas été mise à même de bien administrer. Or, il est constant que, en l’espèce, c’est en raison de l’absence de notification du décret de 2004 et de l’article 11, paragraphe 11, de la loi de 2005 par la République italienne, comportement qui constitue une illégalité, que la Commission n’a pu prendre position comme elle aurait dû le faire si la procédure de notification des aides d’État avait été respectée. Au surplus, comme cela a été indiqué aux points 65 à 67 ci-dessus, la Commission n’a pas fait preuve d’inertie après l’adoption de nouvelles dispositions par les autorités italiennes, mais a demandé à ces dernières les informations qu’elle estimait nécessaires. Troisièmement, la décision du 19 juillet 2006 a été jugée légale tant par le Tribunal que par la Cour, y compris en ce qu’elle emportait la scission du volet concernant la requérante de celui concernant les nouveaux bénéficiaires d’un tarif préférentiel désignés par le décret de 2004. Quatrièmement, il vient d’être rappelé au point 104 ci-dessus que, s’agissant du retard causé par l’ouverture de discussions concernant le programme VPP, puis l’abandon de cette hypothèse, la Commission a cru devoir d’elle-même en tenir compte en renonçant à récupérer le montant de l’aide afférente, ce qui ne saurait assurément constituer un acte de mauvaise administration.

107    Enfin, en ce qui concerne la violation alléguée de l’article 87, paragraphe 3, CE tenant à l’omission, par la Commission, de l’évaluation des effets du programme VPP en Sardaigne, il convient de rappeler que la Commission a considéré à bon droit, dans la décision attaquée, que ledit programme n’offrait pas une base suffisante pour justifier de la compatibilité de l’aide, que ce soit pour une période transitoire postérieure à sa mise en œuvre ou a fortiori pour la période précédant cette mise en œuvre (considérant 253 de la décision attaquée). En effet, la Sardaigne ayant cessé d’être une région éligible au titre de cette disposition à la fin de l’année 2006 et les discussions entre la Commission et la République italienne ayant été entamées au début de l’année 2007, l’article 87, paragraphe 3, CE n’a pu être violé en raison du fait que la Commission a renoncé à la prise en compte dudit programme, alors surtout que le principe général posé par l’article 87, paragraphe 1, CE est celui de l’interdiction des aides d’État et que les dérogations à ce principe sont d’interprétation stricte (arrêts de la Cour du 29 avril 2004, Allemagne/Commission, C‑277/00, Rec. p. I‑3925, point 20, et du 23 février 2006, Atzeni e.a., C‑346/03 et C‑529/03, Rec. p. I‑1875, point 79 ; arrêt du Tribunal du 2 décembre 2008, Nuova Agricast et Cofra/Commission, T‑362/05 et T‑363/05, non publié au Recueil, point 80).

108    Il ressort de tout ce qui précède que le quatrième moyen ne peut qu’être rejeté.

109    Partant, aucun des six moyens n’ayant été accueilli, il convient de rejeter l’ensemble du recours.

 Sur les dépens

110    La Commission ayant conclu à la condamnation de la requérante aux dépens et celle-ci ayant succombé, il y a lieu, en application de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, de la condamner aux dépens, y compris ceux afférents à la procédure en référé. Conformément à l’article 87, paragraphe 4, dudit règlement, la République italienne, intervenante au présent litige, supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Alcoa Trasformazioni Srl supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne, y compris ceux relatifs à la procédure en référé.

3)      La République italienne supportera ses propres dépens.

Gratsias

Kancheva

Wetter

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 octobre 2014.

Signatures


* Langue de procédure : l’italien.