Language of document : ECLI:EU:T:2016:721

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

13 décembre 2016 (*)

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes et entités liées à Oussama ben Laden, au réseau Al-Qaida et aux Taliban – Règlement (CE) n° 881/2002 – Gel des fonds et des ressources économiques d’une personne incluse dans une liste établie par un organe des Nations unies – Inclusion du nom de cette personne dans la liste figurant à l’annexe I du règlement n° 881/2002 – Recours en annulation – Délai raisonnable – Obligation de vérifier et de justifier le bien-fondé des motifs invoqués – Contrôle juridictionnel »

Dans l’affaire T‑248/13,

Mohammed Al-Ghabra, demeurant à Londres (Royaume-Uni), représenté par MM. E. Grieves, barrister, et J. Carey, solicitor,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée initialement par MM. M. Konstantinidis, T. Scharf et F. Erlbacher, puis par MM. Konstantinidis et Erlbacher, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, représenté initialement par Mmes S. Behzadi-Spencer et V. Kaye, puis par Mme Kaye, puis par M. S. Brandon, et enfin par Mme C. Crane, en qualité d’agents, assistés de M. T. Eicke, QC,

et par

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. J.-P. Hix et Mme E. Finnegan, en qualité d’agents,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation, d’une part, du règlement (CE) n° 14/2007 de la Commission, du 10 janvier 2007, modifiant pour la soixante-quatorzième fois le règlement (CE) n° 881/2002 du Conseil instituant certaines mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités liées à Oussama ben Laden, au réseau Al-Qaida et aux Taliban, et abrogeant le règlement (CE) n° 467/2001 du Conseil (JO 2007, L 6, p. 6), pour autant qu’il concerne le requérant, et, d’autre part, de la décision Ares (2013) 188023 de la Commission, du 6 mars 2013, confirmant le maintien du nom du requérant sur la liste des personnes et des entités auxquelles s’appliquent les dispositions du règlement (CE) n° 881/2002 du Conseil, du 27 mai 2002, instituant certaines mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités liées à Oussama ben Laden, au réseau Al-Qaida et aux Taliban, et abrogeant le règlement (CE) n° 467/2001 du Conseil interdisant l’exportation de certaines marchandises et de certains services vers l’Afghanistan, renforçant l’interdiction des vols et étendant le gel des fonds et autres ressources financières décidés à l’encontre des Taliban d’Afghanistan (JO 2002, L 139, p. 9),

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de MM. S. Papasavvas, président, E. Bieliūnas et I. S. Forrester (rapporteur), juges,

greffier : Mme S. Spyropoulos, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 17 février 2016,

rend le présent

Arrêt (1)

 Antécédents du litige

1        Le 12 décembre 2006, le nom du requérant, M. Mohammed Al-Ghabra, a été ajouté, à la demande du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, à la liste établie par le comité des sanctions institué par la résolution 1267 (1999) du Conseil de sécurité des Nations unies, du 15 octobre 1999, sur la situation en Afghanistan (ci‑après, respectivement, le « comité des sanctions » et la « liste du comité des sanctions »), en tant que personne liée à l’organisation Al-Qaida.

2        Par le règlement (CE) n° 14/2007 de la Commission, du 10 janvier 2007, modifiant pour la soixante-quatorzième fois le règlement (CE) n° 881/2002 du Conseil instituant certaines mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités liées à Oussama ben Laden, au réseau Al‑Qaida et aux Taliban, et abrogeant le règlement (CE) n° 467/2001 du Conseil (JO 2007, L 6, p. 6, ci-après le « règlement attaqué »), le nom de M. Al-Ghabra a dès lors été ajouté à la liste des personnes et entités dont les fonds et autres ressources économiques doivent être gelés en vertu du règlement (CE) n° 881/2002 du Conseil, du 27 mai 2002, instituant certaines mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités liées à Oussama ben Laden, au réseau Al-Qaida et aux Taliban, et abrogeant le règlement (CE) n° 467/2001 du Conseil interdisant l’exportation de certaines marchandises et de certains services vers l’Afghanistan, renforçant l’interdiction des vols et étendant le gel des fonds et autres ressources financières décidés à l’encontre des Taliban d’Afghanistan (JO 2002, L 139, p. 9) (ci‑après la « liste litigieuse »).

3        Par lettre du 12 juin 2007, le ministère des Affaires étrangères et du Commonwealth du Royaume-Uni (United Kingdom Foreign and Commonwealth Office, ci‑après le « FCO ») a informé le requérant que le Royaume-Uni avait sollicité l’inscription de son nom sur la liste du comité des sanctions. Le FCO a, par ailleurs, fourni au requérant une « copie de la partie du résumé des motifs pouvant être divulguée » ayant motivé cette demande, ajoutant que, « pour des raisons de sécurité nationale et compte tenu du caractère sensible des informations, il serait contraire à l’intérêt général de divulguer l’intégralité du résumé [des motifs] ».

4        Par lettre du 13 février 2009, le requérant s’est adressé à la Commission des Communautés européennes en vue de demander le réexamen de l’inscription de son nom sur la liste litigieuse et de contester la légalité de celle-ci, à la lumière de l’arrêt du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission (C‑402/05 P et C‑415/05 P, ci‑après l’« arrêt Kadi I », EU:C:2008:461).

5        Par lettre du 8 mai 2009, la Commission a indiqué au requérant qu’elle ne disposait pas de l’exposé des motifs ayant présidé à l’inscription de son nom sur la liste du comité des sanctions (ci‑après l’« exposé des motifs ») et a ajouté qu’elle le lui transmettrait dès sa communication par ledit comité.

6        Par lettre du 10 mai 2010, la Commission a notifié au requérant l’exposé des motifs, tel que communiqué par le comité des sanctions et libellé comme suit :

« Mohammed Al-Ghabra […] a été inscrit [sur la liste du comité des sanctions] le 12 décembre 2006, en application des paragraphes 1 et 2 de la résolution 1617 (2005) [du Conseil de sécurité des Nations unies] comme étant associé à Al-Qaida, à Oussama ben Laden ou aux Taliban pour ‘‘participation au financement, à l’organisation, à la facilitation, à la préparation ou à la perpétration d’actes ou d’activités commis par, avec, au nom de ou à l’appui de, Al-Qaida et Harakat ul-Mujahidin (HuM), sous leur nom, pour leur compte ou pour les soutenir’’, ainsi que pour ses activités de ‘‘recrutement pour leur compte’’.

Renseignements complémentaires

Mohammed Al-Ghabra a entretenu des contacts réguliers avec de hauts responsables au sein d’Al-Qaida. En 2002, M. Al-Ghabra a rencontré le directeur des opérations d’Al-Qaida, Faraj Al-Libi.

M. Al-Ghabra a joué un rôle central dans la radicalisation de jeunes musulmans au Royaume-Uni, à la fois par contact direct et par la distribution de contenus à caractère extrémiste. Après avoir radicalisé ces personnes, il les a ralliées à la cause d’Al-Qaida et a souvent favorisé leurs déplacements et, grâce à un réseau étendu de contacts, a fait en sorte qu’ils puissent rejoindre des camps d’entraînement d’Al-Qaida. Certaines de ces personnes ont ensuite pris part à l’organisation, à partir du Royaume-Uni, d’attentats terroristes à l’étranger.

M. Al-Ghabra a également fourni un soutien matériel et logistique à Al-Qaida et à d’autres organisations, dont certaines apportent elles aussi un soutien logistique à Al-Qaida. Il a organisé des déplacements au Pakistan pour permettre aux recrues de rencontrer des hauts responsables d’Al-Qaida et de suivre un entraînement terroriste spécifique. Plusieurs de ces personnes sont retournées au Royaume-Uni pour y mener des activités clandestines pour le compte d’Al-Qaida. En outre, M. Al-Ghabra a apporté son aide directe à des personnes impliquées dans des activités terroristes, au Royaume-Uni et ailleurs, en leur fournissant un soutien financier, logistique et matériel. Il a également facilité le voyage vers l’Irak de personnes installées au Royaume-Uni pour qu’elles puissent combattre et soutenir d’autres combattants.

M. Al-Ghabra a entretenu des liens étroits avec Harakat ul-Mujahidin/HuM […] et a suivi un entraînement terroriste dans un camp du HuM. Le HuM a renvoyé M. Al-Ghabra au Royaume-Uni afin qu’il y collecte des fonds pour son compte.

[…] »

7        Le requérant a adressé ses observations en réponse à la Commission par lettre du 8 juillet 2010, aux fins de réfuter les allégations portées à son endroit dans l’exposé des motifs et de demander la communication des preuves censées les étayer.

8        Par lettre du 10 septembre 2010, la Commission a accusé réception de ce courrier et a annoncé au requérant qu’elle procéderait au réexamen de l’inscription de son nom sur la liste litigieuse. Elle lui a en outre signalé que, en vertu de la résolution 1904 (2009) du Conseil de sécurité des Nations unies, il avait la possibilité d’adresser une demande de radiation de la liste du comité des sanctions au médiateur des Nations unies.

9        Par lettre du 18 janvier 2011, la Commission a transmis au comité des sanctions les observations du requérant du 8 juillet 2010 et lui a demandé des informations complémentaires concernant les motifs de l’inscription du nom du requérant sur la liste dudit comité.

10      Par lettre du 22 mars 2011, le requérant a relancé la Commission.

11      Par lettre du 3 mai 2011, la Commission a indiqué au requérant qu’elle avait entrepris de réexaminer l’inscription de son nom sur la liste litigieuse et l’a averti que ce réexamen prendrait probablement encore plusieurs mois, étant donné qu’elle attendait encore des réponses à ses demandes de précisions. Dans cette même lettre, la Commission a suggéré à nouveau au requérant d’adresser une demande de radiation au médiateur des Nations unies.

12      Par lettre du 28 juin 2011, le requérant a répondu à la Commission en indiquant que le retard pris dans l’examen de l’affaire et l’adoption d’une décision finale était inacceptable, compte tenu des atteintes à sa vie privée. Il a également exigé une explication de ce retard.

13      Par lettre du 26 août 2011, le comité des sanctions a communiqué à la Commission des informations complémentaires concernant les motifs de l’inscription du nom du requérant sur la liste dudit comité.

14      Par lettre du 19 octobre 2011, la Commission a indiqué au requérant que le réexamen de l’inscription de son nom sur la liste litigieuse était toujours en cours. Elle a également fait état de ce que le comité des sanctions lui avait récemment fourni des informations additionnelles « plus spécifiques » en relation avec l’exposé des motifs (ci‑après le « premier complément de motifs »), à savoir ce qui suit :

« Mohammed Al-Ghabra est un extrémiste important, basé au Royaume-Uni, associé à un nombre important d’extrémistes. M. Al-Ghabra est depuis longtemps en contact régulier avec de hauts responsables d’Al-Qaida basés au Pakistan. En 2002, il a rencontré le directeur des opérations d’Al-Qaida, Faraj Al-Libi, un haut commandant d’Al-Qaida qui a été arrêté par les autorités pakistanaises en 2005 et qui est actuellement détenu aux États-Unis. M. Al-Ghabra a séjourné au domicile de M. Al-Libi pendant une semaine. M. Al-Ghabra a également été en contact régulier avec de nombreux extrémistes installés au Royaume-Uni et a pris part à la radicalisation d’individus installés au Royaume-Uni à travers la distribution de contenus extrémistes.

M. Al-Ghabra a entretenu des liens étroits avec le groupe militant du Cachemire Harakat Ul Mujahidin (HuM). On pense que M. Al-Ghabra a suivi un entraînement au djihad dans un camp d’entraînement du HuM à Aza, au Cachemire, en 2002. Pendant son séjour dans ce camp, M. Al-Ghabra a appris le maniement de fusils d’assaut AK-47 et de pistolets. On pense également qu’il avait l’intention de combattre au Cachemire mais qu’il en a été empêché par le HuM, qui avait besoin que des personnes retournent au Royaume-Uni pour y collecter des fonds. Lors de son séjour au Pakistan, M. Al-Ghabra a également rencontré Haroon Rashid Aswat, qui a été arrêté par la suite et expulsé vers le Royaume-Uni pour s’être livré à des activités liées au terrorisme. M. Aswat est actuellement en détention au Royaume-Uni, où il attend son extradition vers les États-Unis pour des faits de terrorisme. Bien que ses avoirs soient gelés, M. Al-Ghabra reste en contact avec des extrémistes et continue à mener des activités extrémistes.

À partir de décembre 2009, M. Al-Ghabra préparait des attentats terroristes contre des entreprises établies au Royaume-Uni, mais il a manqué des ressources nécessaires pour les mener à bien.

[…] »

15      Dans cette même lettre, la Commission a précisé que ces informations étaient communiquées au requérant pour qu’il puisse exprimer son point de vue avant l’adoption d’une décision de réexamen, et qu’il avait jusqu’au 11 novembre 2011 pour ce faire.

16      Par lettre du 10 novembre 2011, le requérant a répondu à la Commission en vue de réfuter les nouveaux éléments d’information retenus contre lui dans le premier complément de motifs, qu’il a considérés, pour la plupart, comme « semblables à ceux mentionnés dans l’exposé des motifs », et de demander des précisions ainsi que la communication des preuves censées les étayer.

17      Par lettre du 17 mai 2012, le comité des sanctions a communiqué à la Commission de nouvelles informations complémentaires concernant les motifs de l’inscription du nom du requérant sur la liste dudit comité.

18      Par lettre du 29 mai 2012, la Commission a indiqué au requérant que le réexamen de l’inscription de son nom sur la liste litigieuse était toujours en cours. Elle a également fait état de ce que le comité des sanctions lui avait récemment fourni de nouvelles informations additionnelles « plus spécifiques » en relation avec l’exposé des motifs (ci‑après le « second complément de motifs »), à savoir ce qui suit :

« En août 2006, M. Al-Ghabra s’est vu remettre un certain nombre d’objets, dont des vidéos glorifiant le martyre, par un individu dont l’identité a été anonymisée par la justice du Royaume-Uni sous les initiales AY, en vue de leur acheminement vers des extrémistes d’Al-Qaida au Pakistan. Ces vidéos de martyrs ont été enregistrées par des individus faisant partie d’un réseau d’extrémistes basés au Royaume-Uni qui préparaient des attaques multiples contre des avions de ligne en partance du Royaume-Uni. Ces faits ont suivi une série de rencontres entre ces deux individus en Afrique du Sud en avril/mai 2006, dont on pense qu’elles avaient pour but d’aborder des questions liées à l’extrémisme islamiste.

AY a été arrêté et inculpé de conspiration d’assassinat et de préparation d’actes de terrorisme, mais il a été acquitté à l’issue de son procès, bien que d’autres membres du réseau aient été reconnus coupables et condamnés à des peines de prison pour une série d’infractions, dont la conspiration d’assassinats, la conspiration d’attentats à la bombe et la préparation d’actes de terrorisme.

À la suite de son acquittement, AY a été soumis à des mesures restrictives imposées par une ordonnance de contrôle judiciaire [“control order”] et demeure soumis à des mesures antiterroristes imposées par le ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni au titre du Terrorism Prevention and Investigation Measures Act 2011 [loi de 2011 relative à la prévention du terrorisme et aux mesures d’enquêtes], en considération de ce qu’il existe des motifs raisonnables de penser qu’il a participé à des activités liées au terrorisme et que ces mesures sont nécessaires pour l’empêcher de se livrer de nouveau à ces activités. »

19      Dans cette même lettre, la Commission a précisé que ces informations étaient communiquées au requérant pour qu’il puisse exprimer son point de vue avant l’adoption d’une décision de réexamen et qu’il avait jusqu’au 15 juin 2012 pour ce faire.

20      Par lettres des 20 juin et 10 juillet 2012, le requérant a répondu à la Commission en vue de réfuter les nouveaux éléments d’information retenus contre lui dans le second complément de motifs, en soulignant, notamment, qu’ils manquaient de force probante. Il a également demandé à la Commission de conclure son réexamen, compte tenu des retards importants.

21      Par décision Ares (2013) 188023, du 6 mars 2013, notifiée aux avocats du requérant le 11 mars 2013 (ci‑après la « décision attaquée »), la Commission a décidé, après réexamen, de maintenir le nom du requérant sur la liste litigieuse.

22      La Commission a indiqué, au point 5 de la décision attaquée, que les éléments d’information contenus dans l’exposé des motifs ainsi que dans les premier et second compléments de motifs constituaient la « totalité des motifs » de cette décision.

23      La Commission a par ailleurs indiqué, au point 7 de la décision attaquée, que, « après avoir pris en considération [les] observations [du requérant], consulté le comité des sanctions et pris en compte les objectifs du gel des fonds et des ressources économiques au titre du règlement n° 881/2002, [elle] restait d’avis que [l’]inscription [de son nom sur la liste litigieuse était] justifiée ». À cet égard, elle a précisé que, « en particulier, dans [ses] observations, [le requérant] n’avait pas fourni de raisons de conclure que les allégations retenues contre [lui] ne seraient pas vraies, ni même aucune information au soutien de [ses] dénégations ».

24      La Commission a encore indiqué, au point 9 de la décision attaquée, que le critère qu’elle avait mis en œuvre, pour ce qui est de la charge de la preuve, était celui formulé par le Groupe d’action financière (GAFI) dans la note interprétative de sa recommandation spéciale n° III sur le financement du terrorisme, à savoir que « l’inscription [du nom d’un individu sur la liste litigieuse] devrait être fondée sur une base ou des motifs raisonnables de soupçonner ou de croire que l’individu […] est un terroriste ou qu’il finance le terrorisme ou une organisation terroriste ».

 Procédure et conclusions des parties

25      Le 23 avril 2013, le requérant a introduit une demande d’aide judiciaire, qui a été enregistrée sous la référence T‑248/13 AJ, en vue d’introduire le présent recours.

26      Par ordonnance du président de la deuxième chambre du Tribunal du 10 octobre 2013, le requérant a été admis au bénéfice de l’aide judiciaire et MM. J. Carey et E. Grieves ont été désignés pour le représenter.

27      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 6 novembre 2013, le requérant a introduit le présent recours.

28      Par ordonnance du président de la troisième chambre du Tribunal du 20 mai 2014, le Royaume-Uni et le Conseil de l’Union européenne ont été admis à intervenir au soutien des conclusions de la Commission.

29      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure du Tribunal, a posé aux parties des questions écrites, en les invitant à y répondre, pour l’une, par écrit avant l’audience et, pour les autres, lors de l’audience.

30      Le 29 janvier 2016, le requérant a introduit une demande d’aide juridictionnelle complémentaire.

31      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions écrites et orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 17 février 2016.

32      Par ordonnance du président de la troisième chambre du Tribunal du 20 avril 2016, il a été fait partiellement droit à la demande d’aide juridictionnelle complémentaire.

33      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler le règlement attaqué, pour autant qu’il le concerne ;

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

34      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable en ce qu’il vise à l’annulation du règlement attaqué ;

–        rejeter le recours comme non fondé pour le surplus ;

–        condamner le requérant aux dépens.

35      Le Royaume-Uni conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable dans la mesure où il tend à l’annulation du règlement attaqué ;

–        rejeter les autres éléments du recours comme non fondés.

36      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de rejeter le recours.

 En droit

 Sur la recevabilité

37      La Commission, soutenue par le Royaume-Uni et par le Conseil, fait valoir que le présent recours en annulation est manifestement tardif et, partant, irrecevable en ce qu’il tend à l’annulation du règlement attaqué, pour autant que celui-ci concerne le requérant.

38      Le requérant s’oppose à cette fin de non-recevoir.

39      Aux termes de l’article 263, sixième alinéa, TFUE, « [l]es recours prévus au présent article doivent être formés dans un délai de deux mois à compter, suivant le cas, de la publication de l’acte, de sa notification au requérant ou, à défaut, du jour où celui-ci en a eu connaissance».

40      En l’espèce, force est de constater que la demande d’annulation du règlement attaqué est manifestement tardive, et ce indépendamment de l’événement à compter duquel le délai de recours a commencé à courir. En effet, d’une part, à supposer que ce délai ait commencé à courir à compter de la publication du règlement attaqué au Journal officiel de l’Union européenne, il suffit de relever que le présent recours en annulation a été introduit plus de six ans après cette date. D’autre part, à supposer que ledit délai de recours ait commencé à courir à compter de la date de la communication qui doit être faite à l’intéressé ou, à défaut, du jour où il en a eu connaissance (voir, en ce sens, arrêt du 23 avril 2013, Gbagbo e.a./Conseil, C‑478/11 P à C‑482/11 P, EU:C:2013:258, points 55 à 59), il convient de constater que le requérant a eu connaissance du règlement attaqué au plus tard à la date du 13 février 2009, qui est celle à laquelle il s’est adressé à la Commission, par l’intermédiaire de ses avocats, en vue de demander le réexamen de l’inscription de son nom sur la liste litigieuse et de contester la légalité de celle-ci, alors qu’il n’a introduit la demande d’aide judiciaire, préalable à l’introduction du présent recours, que le 23 avril 2013.

41      Par ailleurs, le requérant n’a pas établi, ni même allégué, l’existence d’un cas fortuit ou de force majeure au sens de l’article 45 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, qui permettrait de le relever de la déchéance tirée de l’expiration du délai de recours en annulation du règlement attaqué.

42      Le requérant soutient toutefois que le Tribunal est « compétent pour annuler le règlement attaqué » en ce que celui‑ci serait « manifestement illégal » ab initio, aucun motif ne lui ayant été fourni lors de l’inscription initiale de son nom sur la liste litigieuse. Soulignant que les recours devant le Tribunal doivent être effectifs et non illusoires, le requérant estime que, jusqu’à ce que tous les motifs invoqués par la Commission à son endroit lui aient été fournis, il n’était pas en mesure de se défendre ni même de saisir le Tribunal d’un recours en annulation.

43      À cet égard, il y a lieu de rappeler que ni le droit à une protection juridictionnelle effective ni le droit d’être entendu ne sont affectés par l’application stricte des réglementations de l’Union européenne concernant les délais de procédure, laquelle, selon une jurisprudence constante, répond à l’exigence de la sécurité juridique et à la nécessité d’éviter toute discrimination ou tout traitement arbitraire dans l’administration de la justice (voir arrêt du 18 juin 2015, Ipatau/Conseil, C‑535/14 P, EU:C:2015:407, point 14 et jurisprudence citée).

44      De surcroît, rien n’empêchait le requérant d’introduire un recours en annulation du règlement attaqué avant la communication des motifs ayant présidé à l’inscription de son nom sur la liste litigieuse, recours fondé, précisément, sur cette absence de communication.

45      Il découle de ce qui précède que le présent recours doit être rejeté comme irrecevable en ce qu’il est dirigé contre le règlement attaqué, pour autant qu’il concerne le requérant.

 Sur le fond

46      Le requérant invoque, en substance, cinq moyens au soutien de son recours, tirés, le premier, d’une violation du principe du délai raisonnable, le deuxième, d’une violation de l’obligation qui incombait à la Commission d’apprécier utilement par elle-même le point de savoir si le requérant remplissait les critères pertinents aux fins du maintien de son nom sur la liste litigieuse, le troisième, d’une violation des règles relatives à la charge et à l’administration de la preuve, le quatrième, d’erreurs entachant l’exposé des motifs et, le cinquième, d’une violation du principe de proportionnalité.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation du principe du délai raisonnable

47      Le requérant fait valoir que la décision attaquée est entachée d’illégalité, d’une part, en ce que l’exposé des motifs et les premier et second compléments de motifs ne lui ont pas été communiqués dans leur intégralité dans un délai raisonnable après l’adoption du règlement attaqué et, d’autre part, en ce que la décision attaquée n’a pas été adoptée dans un délai raisonnable à compter de la réception de ses observations en réponse à cette communication, empêchant ainsi la saisine du Tribunal dans un tel délai. En particulier, la Commission aurait indûment retardé le processus en communiquant un premier, puis un second, complément de motifs, en violation de la jurisprudence de la Cour selon laquelle c’est l’ensemble des motifs qui doivent être communiqués « aussi rapidement que possible ».

48      La Commission, soutenue par le Conseil, conteste cette argumentation.

49      Pour autant que le requérant fait grief à la Commission de ne pas lui avoir communiqué l’exposé des motifs et les premier et second compléments de motifs, dans leur intégralité, dans un délai raisonnable après l’adoption du règlement attaqué, il est vrai qu’il découle, notamment, des points 348 et 349 de l’arrêt du 3 septembre 2008, Kadi I (C‑402/05 P et C‑415/05 P, EU:C:2008:461), que l’institution de l’Union concernée, en décidant de geler les fonds d’une personne en application du règlement n° 881/2002, est tenue, pour respecter ses droits de la défense, en particulier celui d’être entendu et son droit à un contrôle juridictionnel effectif, de communiquer à l’intéressé les éléments retenus à sa charge ou de lui accorder le droit d’en prendre connaissance dans un délai raisonnable après l’édiction de cette mesure.

50      En l’espèce, toutefois, il a déjà été constaté que le recours en annulation de la décision initiale de gel des fonds du requérant, matérialisée par le règlement attaqué, est irrecevable. La seule décision valablement soumise au contrôle du Tribunal étant une décision de réexamen, adoptée à l’issue d’une procédure engagée par la demande de réexamen du 13 février 2009, la période antérieure à cette dernière date ne saurait être prise en compte aux fins de l’appréciation du caractère raisonnable du délai dans lequel cette dernière décision est intervenue.

51      Quant à la période postérieure au 13 février 2009, il apparaît que la Commission a suivi, en l’espèce, la procédure mise en place à la suite du prononcé de l’arrêt du 3 septembre 2008, Kadi I (C‑402/05 P et C‑415/05 P, EU:C:2008:461), précisément en vue d’instituer une procédure garantissant le respect des droits de la défense des intéressés. Cette procédure a été ultérieurement codifiée, à compter du 26 décembre 2009, par le règlement (UE) n° 1286/2009 du Conseil, du 22 décembre 2009, modifiant le règlement n° 881/2002 (JO 2009, L 346, p. 42). Pour ce qui est des « inscriptions historiques » sur la liste litigieuse, à savoir celles effectuées, telle celle du requérant, avant le 3 septembre 2008, soit avant le prononcé dudit arrêt, la procédure est celle prévue par l’article 7 quater du règlement n° 881/2002, tel que modifié.

52      À titre liminaire, il importe de constater que ni l’article 7 quater du règlement n° 881/2002 ni aucun autre texte du droit de l’Union n’imposent un délai dans lequel doit être adoptée, par l’institution de l’Union compétente, une décision de réexamen de l’inscription du nom d’une personne sur la liste litigieuse.

53      Dans une telle situation, il découle de la jurisprudence de la Cour que le caractère « raisonnable » du délai pris par l’institution pour adopter l’acte en cause doit être apprécié en fonction de l’ensemble des circonstances propres à chaque affaire et, notamment, de l’enjeu du litige pour l’intéressé, de la complexité de l’affaire et du comportement des parties en présence (voir, en ce sens, arrêt du 28 février 2013, Réexamen Arango Jaramillo e.a./BEI, C‑334/12 RX‑II, EU:C:2013:134, point 28 et jurisprudence citée).

54      En l’occurrence, il est certes vrai que la Commission, ainsi qu’elle le fait observer, a communiqué au requérant les motifs successifs de l’inscription de son nom sur la liste litigieuse dès qu’elle les a obtenus du comité des sanctions.

55      Il est vrai également que les circonstances particulières de l’espèce alléguées par la Commission, et notamment i) la nécessité pour les autorités de l’Union de se concerter avec les intervenants internationaux concernés sur les mesures à prendre pour respecter les principes énoncés par la Cour dans l’arrêt du 3 septembre 2008, Kadi I (C‑402/05 P et C‑415/05 P, EU:C:2008:461), ii) la nécessité pour la Commission d’obtenir au préalable l’exposé des motifs du comité des sanctions, iii) la nature et les caractéristiques propres du régime de sanctions internationales en cause en l’espèce, iv) le caractère particulièrement sensible des travaux du comité des sanctions et v) le grand nombre de demandes de réexamen que la Commission a eu à traiter simultanément après le prononcé de l’arrêt du 3 septembre 2008, Kadi I (C‑402/05 P et C‑415/05 P, EU:C:2008:461), expliquent pour partie la relativement longue durée des procédures de réexamen des décisions d’inscription du nom des personnes concernées sur la liste litigieuse, telles qu’elles se sont déroulées à la suite du prononcé de l’arrêt du 3 septembre 2008, Kadi I (C‑402/05 P et C‑415/05 P, EU:C:2008:461).

56      Il n’en demeure pas moins que, en l’espèce, le délai de plus de quatre ans écoulé entre la date de la demande de réexamen du 13 février 2009 et celle d’adoption de la décision attaquée du 6 mars 2013 excède considérablement la durée qui pourrait être considérée comme « normale » pour mener à bien une telle procédure de réexamen, même en tenant compte de toutes les circonstances particulières susmentionnées.

57      À cet égard, il convient d’observer que, dans l’arrêt du 21 mars 2014, Yusef/Commission (T‑306/10, EU:T:2014:141, point 102), le Tribunal a jugé qu’il n’était « pas admissible » que, plus de quatre ans après le prononcé de l’arrêt du 3 septembre 2008, Kadi I (C‑402/05 P et C‑415/05 P, EU:C:2008:461), la Commission ne soit toujours pas en mesure de s’acquitter de son devoir d’examen soigneux et impartial du cas de M. Hani El Sayyed Elsebai Yusef, le cas échéant en « coopération utile » avec le comité des sanctions. Il convient de relever également que, dans l’arrêt du 8 septembre 2015, Ministry of Energy of Iran/Conseil (T‑564/12, EU:T:2015:599, points 71 et 72), qui concernait un autre régime de sanctions internationales, le Tribunal a jugé « manifestement déraisonnable » un délai de réponse aux observations du requérant de plus de quinze mois.

58      Cette appréciation est confirmée par les durées considérablement moindres de la procédure de réexamen du cas d’autres personnes dont le nom a été inscrit sur la liste litigieuse et ayant formé un recours devant le Tribunal, alors même que les circonstances particulières énumérées au point 55 ci-dessus s’appliquaient également dans leur cas. Ainsi, il ressort de l’arrêt du 14 avril 2015, Ayadi/Commission (T‑527/09 RENV, non publié, EU:T:2015:205), que l’exposé des motifs le concernant a été communiqué à M. Chafiq Ayadi le 24 juin 2009, que celui-ci a soumis des observations en réponse le 23 juillet 2009 et que la décision de maintenir son nom, après réexamen, sur la liste litigieuse a été adoptée le 13 octobre 2009. Il ressort également de l’arrêt du 28 octobre 2015, Al-Faqih e.a./Commission (T‑134/11, non publié, sous pourvoi, EU:T:2015:812, point 69), que le réexamen de la situation des requérants concernés a eu lieu en moins de six mois.

59      Il en va d’autant plus ainsi, s’agissant du cas du requérant, que les motifs ayant présidé à l’inscription de son nom sur la liste récapitulative du comité des sanctions, tels qu’ils lui ont été communiqués par la Commission le 10 mai 2010, coïncidaient, en substance, avec ceux qui lui avaient déjà été communiqués par les autorités du Royaume-Uni, en tant qu’éléments ayant motivé la demande d’une telle inscription par cet État membre, dès le 12 juin 2007 (voir point 3 ci-dessus).

60      La Commission et les intervenants n’ont invoqué aucune autre circonstance particulière, propre au cas du requérant, susceptible d’expliquer cette durée anormalement longue de la procédure de réexamen de son cas.

61      Dans ces circonstances, il y a lieu de constater une violation du principe du délai raisonnable.

62      Toutefois, la violation du principe du délai raisonnable ne justifie l’annulation d’une décision prise à l’issue d’une procédure administrative qu’en tant qu’elle emporte également une violation des droits de la défense de l’intéressé. En effet, lorsqu’il n’est pas établi que l’écoulement excessif du temps a affecté la capacité des personnes concernées à se défendre effectivement, le non-respect du principe du délai raisonnable est sans incidence sur la validité de la procédure administrative (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2015, Ministry of Energy of Iran/Conseil, T‑564/12, EU:T:2015:599, points 73 à 77 ; voir également, en ce sens et par analogie, arrêts du 21 septembre 2006, JCB Service/Commission, C‑167/04 P, EU:C:2006:594, points 72 et 73, et du 25 juin 2010, Imperial Chemical Industries/Commission, T‑66/01, Rec, EU:T:2010:255, point 109 et jurisprudence citée).

63      Or, en l’espèce, il n’est pas prouvé, ni même sérieusement allégué, que la capacité du requérant à se défendre de manière effective s’est trouvée concrètement compromise du fait de la durée excessive de la procédure de réexamen. À cet égard, le requérant se borne en effet à exposer des considérations purement hypothétiques dans la réplique, en faisant valoir que, si un exposé des motifs complet ne lui est communiqué que des années après les événements visés, il lui est plus difficile d’élaborer sa défense, étant donné que les éléments à décharge « peuvent » s’avérer indisponibles ou plus difficiles à obtenir, que sa mémoire « va » diminuer avec le temps et que des témoins cruciaux « peuvent » ne plus être disponibles ou en mesure de fournir des éléments de preuve utiles.

64      Quant à l’argument du requérant selon lequel il est résulté du dépassement du délai raisonnable une violation de ses droits de la défense et de son droit à une protection juridictionnelle effective, en ce que, en l’absence d’une décision motivée, il ne pouvait pas introduire de recours devant le Tribunal, il suffit de relever, pour le rejeter, que le traité FUE prévoit, en son article 265, une voie de droit spécifiquement conçue pour parer à l’abstention fautive d’agir d’une institution, sous la forme du recours en carence. À tout moment entre le 13 février 2009 et le 6 mars 2013, le requérant pouvait ainsi inviter la Commission à radier son nom de la liste litigieuse et, en cas d’abstention de celle-ci se prolongeant au-delà du délai de deux mois prévu à l’article 265 TFUE, introduire un recours en carence (voir, en ce sens, arrêt du 21 mars 2014, Yusef/Commission, T‑306/10, EU:T:2014:141, points 62, 63 et 68).

65      Sans préjudice du droit du requérant de demander la réparation du dommage que, le cas échéant, il aurait subi du fait du retard pris par la Commission dans l’exécution de ses obligations, en vertu de l’article 340 TFUE, le requérant ne saurait donc se prévaloir du retard en question pour obtenir l’annulation de la décision attaquée (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 8 septembre 2015, Ministry of Energy of Iran/Conseil, T‑564/12, EU:T:2015:599, point 77).

66      Il résulte de ce qui précède que la violation du principe du délai raisonnable constatée en l’espèce n’est pas susceptible de justifier l’annulation de la décision attaquée et que le premier moyen doit dès lors être rejeté comme inopérant.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’obligation qui incombait à la Commission d’apprécier utilement par elle-même si le requérant remplissait les critères pertinents aux fins du maintien de l’inscription de son nom sur la liste litigieuse

67      Le requérant fait valoir que la décision attaquée est entachée d’illégalité en ce que la Commission a violé l’obligation qui lui incombait d’apprécier utilement par elle-même s’il remplissait les critères pertinents aux fins du maintien de l’inscription de son nom sur la liste litigieuse. Ce moyen s’articule en quatre branches.

–       Sur la première branche du deuxième moyen

68      Par la première branche du deuxième moyen, le requérant reproche à la Commission, en renvoyant au point 8 de la décision attaquée, de ne pas avoir cherché à obtenir du comité des sanctions ni de l’État de désignation les éléments de preuve à l’appui des allégations portées contre lui. Dans ces conditions, la Commission aurait mené un contrôle purement formel et artificiel, en se bornant à reproduire l’exposé des motifs fourni par le comité des sanctions, et la prétendue prise en considération par elle des observations du requérant serait illusoire. Le requérant invoque, en ce sens, les constatations opérées par le Tribunal dans l’arrêt du 21 mars 2014, Yusef/Commission (T‑306/10, EU:T:2014:141, points 103 et 104). Selon lui, la conception qu’a la Commission de son rôle est telle qu’elle ne radierait jamais le nom d’une personne de la liste litigieuse en contradiction avec l’appréciation du comité des sanctions. En reproduisant simplement la liste dudit comité, en refusant d’exiger et d’évaluer de manière critique les éléments l’étayant et en renvoyant ensuite la décision au Tribunal en vue d’une telle évaluation critique, la Commission abdiquerait sa responsabilité principale, laquelle serait d’évaluer, par elle-même, le bien-fondé d’une inscription sur la liste litigieuse.

69      En vue de répondre à l’argumentation du requérant, il convient d’avoir égard à l’ensemble des considérations énoncées par la Cour, aux points 104 à 134 de l’arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi (C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, ci-après l’« arrêt Kadi II », EU:C:2013:518), s’agissant des obligations qui incombent, d’une part, aux autorités compétentes de l’Union, en l’occurrence la Commission, dans le cadre d’une procédure d’inscription ou de maintien, après réexamen, de l’inscription du nom d’une organisation, d’une personne ou d’une entité sur la liste litigieuse, et, d’autre part, au juge de l’Union, dans le cadre de son contrôle juridictionnel de la légalité de la décision administrative prise au terme de ladite procédure.

70      Il ressort de ces considérations que le respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective, de même que, en l’occurrence, le respect du principe de bonne administration, d’une part, exige de l’autorité compétente de l’Union qu’elle communique à la personne concernée l’exposé des motifs fourni par le comité des sanctions sur lequel est fondée la décision d’inscrire ou de maintenir le nom de ladite personne sur la liste litigieuse, qu’elle lui permette de faire connaître utilement ses observations à ce sujet et qu’elle examine, avec soin et impartialité, le bien-fondé des motifs allégués à la lumière des observations formulées et des éventuels éléments de preuve à décharge produits par cette personne (arrêt du 18 juillet 2013, Kadi II, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 135).

71      Le respect desdits droits et dudit principe, d’autre part, implique que, en cas de contestation juridictionnelle, le juge de l’Union contrôle, notamment, le caractère suffisamment précis et concret des motifs invoqués dans l’exposé des motifs fourni par le comité des sanctions ainsi que, le cas échéant, le caractère établi de la matérialité des faits correspondant au motif concerné à la lumière des éléments qui ont été communiqués (arrêt du 18 juillet 2013, Kadi II, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 136).

72      En revanche, le fait, pour l’autorité compétente de l’Union, de ne pas rendre accessibles à la personne concernée et, ultérieurement, au juge de l’Union des informations ou des éléments de preuve, en la seule possession du comité des sanctions ou du membre de l’Organisation des Nations unies (ONU) concerné, afférents à l’exposé des motifs qui sous-tend la décision en cause, ne saurait, en tant que tel, fonder un constat de violation de ces mêmes droits et principe. Toutefois, dans une telle situation, le juge de l’Union, qui est appelé à contrôler le bien-fondé factuel des motifs contenus dans l’exposé fourni par le comité des sanctions en tenant compte des observations et des éléments à décharge éventuellement produits par la personne concernée ainsi que de la réponse de l’autorité compétente de l’Union à ces observations, ne disposera pas d’informations supplémentaires ou d’éléments de preuve. Par conséquent, s’il lui est impossible de constater le bien-fondé de ces motifs, ces derniers ne sauraient servir de fondement à la décision d’inscription attaquée (arrêt du 18 juillet 2013, Kadi II, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 137).

73      Au vu de ces rappels et à la lumière de ces principes, la première branche du deuxième moyen doit être rejetée comme non fondée. En particulier, il ressort du point 107 de l’arrêt du 18 juillet 2013, Kadi II (C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518), que la Commission doit prendre sa décision sur la base de l’exposé des motifs fourni par le comité des sanctions et que, en revanche, il n’est pas prévu, à ce stade, que ledit comité mette spontanément à la disposition de la Commission, aux fins de l’adoption par cette dernière de sa décision, d’autres éléments que cet exposé des motifs. Il ressort, en outre, du point 108 de l’arrêt du 18 juillet 2013, Kadi II (C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518), que la Cour a examiné et validé, ou du moins n’a émis aucune critique envers, la procédure prévue, à cet égard, par l’article 7 quater du règlement n° 881/2002, tel que modifié par le règlement n° 1286/2009, laquelle envisage « exclusivement » la communication à l’intéressé de l’exposé des motifs fourni par le comité des sanctions.

74      Certes, aux points 114 et 115 de l’arrêt du 18 juillet 2013, Kadi II (C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518), la Cour a précisé qu’il incombait à la Commission, au titre de son obligation d’examen diligent et impartial du bien-fondé des motifs allégués, d’évaluer, eu égard notamment au contenu des observations formulées par l’intéressé, la nécessité de solliciter la collaboration du comité des sanctions pour obtenir la communication d’informations ou d’éléments de preuve additionnels.

75      Or, c’est précisément la procédure qui a été suivie en l’espèce, ainsi qu’il ressort des points 2 à 4 de la décision attaquée, la Commission ayant, par ladite décision, décidé de maintenir le nom du requérant sur la liste litigieuse après avoir communiqué ses observations au comité des sanctions, sollicité la collaboration de ce comité à deux reprises pour lui permettre de répondre à ces observations et obtenu, en conséquence, la communication d’informations ou d’éléments de preuve additionnels, sous la forme des premier et second compléments de motifs (voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2013, Kadi II, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 115). Il est constant également que la Commission a communiqué au requérant l’exposé des motifs et les premier et second compléments de motifs fournis par le comité des sanctions, ceux-ci ayant de surcroît donné lieu à de nouveaux échanges d’observations entre le requérant et la Commission.

76      En revanche, la Commission ne saurait être censurée en l’espèce, sur le seul fondement du point 114 de l’arrêt du 18 juillet 2013, Kadi II (C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518), pour ne pas avoir obtenu du comité des sanctions ou de l’État de désignation, au cours de la procédure administrative ayant mené à l’adoption de la décision attaquée, les éléments d’information ou de preuve à l’appui des allégations portées contre le requérant et d’avoir, dès lors, mené un contrôle « purement formel et artificiel » du bien-fondé des motifs allégués, à la lumière des observations formulées par l’intéressé au sujet de l’exposé des motifs.

77      À cet égard, il convient de rappeler que, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 18 juillet 2013, Kadi II (C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518), et contrairement aux faits de l’espèce, la Commission n’avait pas davantage cherché à obtenir du comité des sanctions ou de l’État de désignation le moindre élément d’information ou de preuve susceptible d’étayer les allégations formulées à l’encontre de M. Yassin Abdullah Kadi dans l’exposé des motifs fourni par ledit comité des sanctions. Ce n’est toutefois pas pour ce motif que la Cour a confirmé l’annulation du règlement litigieux, mais au motif que, dans le cadre de son propre contrôle juridictionnel de la légalité de ce règlement, il lui était apparu qu’aucune desdites allégations n’était de nature à justifier l’adoption, au niveau de l’Union, de mesures restrictives à l’encontre de M. Kadi, et ce en raison soit d’une insuffisance de motivation, soit de l’absence au stade juridictionnel d’éléments d’information ou de preuve venant étayer le motif concerné face aux dénégations circonstanciées de l’intéressé [voir l’analyse de ces allégations aux points 151 à 162 et la conclusion générale au point 163 de l’arrêt du 18 juillet 2013, Kadi II (C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518)].

78      Bien au contraire, la Cour a jugé, dans l’arrêt du 18 juillet 2013, Kadi II (C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518), que le Tribunal avait commis une erreur de droit en fondant son constat d’une violation des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective sur l’absence de communication par la Commission à M. Kadi et à lui-même des informations et des éléments de preuve inhérents aux motifs du maintien de l’inscription du nom de l’intéressé sur la liste litigieuse, dès lors que la Commission ne disposait pas de ces informations et éléments de preuve (arrêt du 18 juillet 2013, Kadi II, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, points 138 et 139).

79      Il serait dès lors incompatible avec les principes énoncés par la Cour dans l’arrêt du 18 juillet 2013, Kadi II (C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518), de sanctionner la Commission en l’espèce, au titre d’un prétendu manquement à son obligation d’examen soigneux et impartial du bien-fondé des motifs allégués à l’encontre du requérant, ou bien encore pour avoir échoué à obtenir du comité des sanctions les éléments d’information ou de preuve lui permettant de s’acquitter de ce devoir d’examen soigneux et impartial, alors que, dans les circonstances analogues de l’affaire ayant donné lieu audit arrêt, la Cour n’a retenu aucune violation de ladite obligation ni, plus généralement, des droits de la défense à la charge de la Commission.

80      Par ailleurs, aucun élément du dossier ne permet d’affirmer que la Commission, avant d’adopter la décision attaquée, n’aurait pas examiné, avec soin et impartialité, toutes les informations dont elle disposait, en ce compris les observations du requérant. Comme elle l’a indiqué au point 7 de la décision attaquée, la Commission est restée convaincue que l’inscription du nom du requérant sur la liste litigieuse demeurait justifiée, étant donné notamment que l’intéressé n’avait fourni aucun motif de douter de la véracité des allégations portées contre lui.

81      Quant à l’argument tiré de l’arrêt du 21 mars 2014, Yusef/Commission (T‑306/10, EU:T:2014:141), il doit être rejeté dès lors que les faits et circonstances de cette affaire ne sont pas identiques à ceux de l’espèce. Dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, en effet, il était « constant » (voir point 94 de cet arrêt) qu’aucun des principes et aucune des garanties énoncés par la Cour dans l’arrêt du 18 juillet 2013, Kadi II (C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518), n’avaient bénéficié à l’intéressé jusqu’à l’introduction du recours et que cette situation de carence perdurait encore à la date de la clôture de la phase orale de la procédure (point 100 dudit arrêt). De plus, selon ses affirmations à l’audience (point 103 du même arrêt), la Commission avait persisté à se considérer comme strictement liée par les appréciations du comité des sanctions et comme ne disposant d’aucune marge d’appréciation autonome à cet égard, en contradiction avec les principes énoncés par la Cour dans ses arrêts du 3 septembre 2008, Kadi I (C‑402/05 P et C‑415/05 P, EU:C:2008:461), et du 18 juillet 2013, Kadi II (C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, points 114, 115 et 135). Le Tribunal en a conclu que c’était de manière purement formelle et artificielle que la Commission prétendait remédier, par la mise en œuvre de la procédure de réexamen du cas de M. Yusef, aux illégalités de même nature constatées par la Cour dans son arrêt du 3 septembre 2008, Kadi I (C‑402/05 P et C‑415/05 P, EU:C:2008:461). Au contraire, en l’espèce, la Commission a indiqué à l’audience qu’elle était disposée à se dissocier des appréciations du comité des sanctions si celles-ci lui apparaissaient manifestement erronées ou contredites par les éléments à décharge avancés par l’intéressé.

82      Il découle de l’ensemble de ce qui précède que la première branche du deuxième moyen doit être rejetée comme non fondée.

–       Sur la deuxième branche du deuxième moyen

[omissis]

–       Sur la troisième branche du deuxième moyen

89      Par la troisième branche du deuxième moyen, le requérant reproche à la Commission de ne pas avoir évalué si les allégations retenues contre lui par le comité des sanctions reposaient sur des données obtenues par la torture, alors même qu’il avait fait état de cet élément dans sa lettre du 28 juin 2010. La présomption selon laquelle le comité des sanctions ne se fonde pas sur de telles données, invoquée par la Commission, ne serait pas justifiée. Sur son site Internet, le bureau du médiateur des Nations unies reconnaîtrait d’ailleurs que les services secrets de certains États de désignation peuvent utiliser des informations ainsi entachées. En l’espèce, le requérant considère comme « possible » que des informations le concernant aient pu être obtenues d’individus en détention aux États-Unis ou au Pakistan, à l’encontre desquels des mesures coercitives équivalant à de la torture ont pu être utilisées. Il fait ainsi état de ce que M. Faraj Al-Libi a été capturé au Pakistan le 2 mai 2005 par les services secrets de ce pays, puis transféré aux États-Unis, gardé dans des lieux de détention secrets pendant plus d’un an et enfin transféré à Guantánamo. Or, selon un rapport du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) du 14 février 2007, quatorze personnes détenues à Guantánamo, dont M. Al-Libi, ont décrit des traitements et des techniques d’interrogatoire qui constituent une forme de recours à la torture.

90      La Commission, soutenue par le Royaume-Uni et par le Conseil, conteste cette argumentation.

91      À cet égard, il y a lieu de constater que le requérant n’a avancé, dans sa lettre du 28 juin 2010, aucune allégation précise, ni même aucun motif plausible, selon lesquels certaines informations figurant dans l’exposé des motifs auraient été obtenues par la torture. Tout au plus a-t-il demandé, dans cette lettre, la « confirmation de ce que la Commission européenne a pris les mesures nécessaires lui permettant de s’assurer qu’aucune des informations sur lesquelles elle s’appuie dans l’exposé des motifs n’a été obtenue par la torture ».

92      C’est à juste titre que la Commission considère que, en de pareilles circonstances, il est raisonnable de se fonder sur une présomption selon laquelle le comité des sanctions ne se fonde pas sur des preuves obtenues par la torture. Contrairement à ce que soutient le requérant, la Commission applique ainsi le même critère que celui mis en œuvre par le bureau du médiateur des Nations unies, en cherchant d’abord à savoir s’il existe « suffisamment d’éléments pour prêter foi de façon raisonnable à l’allégation de torture », ainsi que cela ressort de son site Internet.

93      En l’occurrence, aucun élément du dossier ne permet de prêter foi à une telle allégation, s’agissant des éléments retenus contre le requérant. Plus spécifiquement, aucun élément d’information figurant au dossier ne paraît pouvoir être rattaché à M. Faraj Al-Libi ni à aucune autre personne détenue à Guantánamo ou au Pakistan.

94      À cet égard, le Royaume-Uni fait également observer, à bon escient, que la majeure partie des éléments de preuve produits par la Commission reposent sur des décisions judiciaires du Royaume-Uni prononcées par des juges qui, conformément aux recommandations énoncées par la House of Lords (Chambre des Lords, Royaume-Uni) dans sa décision A and others v Secretary of State for the Home Department (No 2) [2006] 2 A.C. 221, étaient tenus d’examiner la question de savoir si des allégations de recours à la torture avaient été formulées devant eux.

95      Il ressort, par ailleurs, du mémoire en défense du FCO devant la High Court of Justice (England & Wales), Queen’s Bench Division (Administrative Court) [Haute Cour de justice (Angleterre et pays de Galles), division du Queen’s Bench (chambre administrative), ci-après la « High Court »], déposé dans le cadre du recours formé par le requérant contre la décision du FCO refusant de donner suite à sa demande tendant à ce que le FCO invite le comité des sanctions à radier son nom de la liste dudit comité, que, au cours de cette procédure, le requérant avait également spéculé sur le point de savoir si certains éléments de preuve retenus à sa charge provenaient de l’interrogatoire de M. Al-Libi par les services de renseignement pakistanais ou américains. Le FCO a indiqué, au cours de cette même procédure, qu’aucune des allégations retenues contre le requérant ne reposait sur le produit d’interrogatoires de détenus. Le requérant s’étant par la suite désisté de ce recours, la High Court n’a pas eu l’occasion de confirmer ce point. En l’absence de tout indice en sens contraire, il n’y a toutefois aucune raison de remettre en cause cette affirmation du FCO.

96      La troisième branche du deuxième moyen apparaît ainsi dénuée de tout fondement.

–       Sur la quatrième branche du deuxième moyen

[omissis]

 Sur le troisième moyen, tiré d’une violation des règles relatives à la charge et au niveau requis de la preuve

100    Le requérant fait valoir que la décision attaquée est entachée d’illégalité en ce que la Commission a violé les règles relatives à la charge et au niveau de preuve requis. Ce moyen s’articule en deux branches.

–       Sur la première branche du troisième moyen

101    Par la première branche du troisième moyen, le requérant fait valoir que, ainsi qu’il ressortirait du point 7 de la décision attaquée, la Commission a inversé la charge de la preuve pour la faire peser sur lui, en méconnaissance de la jurisprudence de la Cour (arrêt du 18 juillet 2013, Kadi II, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 121) selon laquelle c’est à l’autorité compétente de l’Union qu’il appartient, en cas de contestation, d’établir le bien-fondé des motifs retenus à l’encontre de la personne concernée, et non à cette dernière d’apporter la preuve négative de l’absence de bien-fondé desdits motifs.

102    Cette argumentation repose toutefois sur une mauvaise compréhension des obligations qui, selon l’arrêt du 18 juillet 2013, Kadi II (C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518), incombent à la Commission, en termes de charge de la preuve, dans le cadre d’une procédure de réexamen des motifs sur lesquels est fondée la décision d’inscrire ou de maintenir le nom d’une personne déterminée sur la liste litigieuse.

103    Comme la Commission le relève à juste titre, en effet, le « test juridique » à appliquer par elle, au stade administratif du réexamen des décisions d’inscription sur la liste litigieuse, tel qu’il est décrit aux points 111 à 116 de l’arrêt du 18 juillet 2013, Kadi II (C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518), se distingue de celui applicable au stade du contrôle juridictionnel, tel qu’il est décrit aux points 117 à 134 dudit arrêt.

104    Ainsi, si la charge de la preuve incombe incontestablement à la Commission, elle n’a pas à être administrée par celle-ci au stade de la procédure de réexamen, mais seulement au stade ultérieur de la procédure de contrôle juridictionnel de sa décision de maintien après réexamen. Cela ressort clairement du point 121 de l’arrêt du 18 juillet 2013, Kadi II (C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518), qui fait partie des considérations d’ordre général exprimées par la Cour, à partir du point 117 du même arrêt, concernant la « procédure juridictionnelle ».

105    Plus spécifiquement, et ainsi que la Commission le fait également observer, le point de départ du réexamen à effectuer par elle, à la demande d’une personne intéressée, est constitué par les constatations du comité des sanctions, telles qu’énoncées dans son exposé des motifs et qui servent elles-mêmes de fondement à la motivation de l’acte de l’Union. Si cette motivation est suffisamment précise et concrète, c’est sans commettre d’erreur que la Commission estime qu’elle ne peut, en principe, la remettre en question que si l’intéressé fournit des preuves spécifiques et circonstanciées réfutant les constatations en question, sans préjudice de la charge de la preuve qui incombera ultérieurement à la Commission, lors du contrôle juridictionnel de la légalité et du bien-fondé des motifs sur lesquels est fondée la décision d’inscrire ou de maintenir le nom de l’intéressé sur la liste litigieuse.

106    La Commission s’est dûment conformée à ces principes en l’espèce, ainsi qu’il ressort du point 7 de la décision attaquée, dont le début est cité au point 23 ci-dessus. Dans la suite de ce point, la Commission ne s’est d’ailleurs pas bornée à relever que le requérant n’avait fourni aucun motif de douter de la véracité des allégations portées contre lui. Elle s’est notamment livrée à une analyse factuelle approfondie de certaines de ses dénégations, pour conclure à leur manque de pertinence ou de crédibilité.

107    Il s’ensuit que la première branche du troisième moyen est dépourvue de fondement.

–       Sur la seconde branche du troisième moyen

108    Par la seconde branche du troisième moyen, le requérant fait valoir que la référence au niveau de preuve retenu par le GAFI, à savoir celui des « motifs raisonnables de soupçonner ou de croire », au point 9 de la décision attaquée, est dénuée de pertinence et, en tout état de cause, erronée, la Cour ayant exigé, dans son arrêt du 18 juillet 2013, Kadi II (C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518), une « base factuelle suffisamment solide ». Quant au point 149 dudit arrêt, invoqué par la Commission et le Royaume-Uni, le requérant soutient qu’il ne remet pas en cause cette exigence et qu’il ne fixe pas le critère juridique déterminant. Le Royaume-Uni lui-même aurait abandonné le critère des « motifs raisonnables de soupçonner », en faveur du critère plus rigoureux des « motifs raisonnables de croire », lors de l’adoption de la loi de 2011 relative à la prévention du terrorisme et aux mesures d’enquêtes.

109    Dans la réplique, le requérant insiste, par ailleurs, sur la gravité de l’incidence des mesures restrictives sur les intéressés, qui justifierait un niveau de preuve exigeant, pour éviter le risque d’une violation de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») et de l’article 6 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »). Dans ce contexte, le requérant soutient que le niveau de preuve requis est pratiquement impossible à distinguer de celui requis en matière pénale, bien que la procédure en cause n’ait pas un caractère strictement pénal. Il invite le Tribunal à adopter l’approche suivie par la Court of Appeal (England & Wales) [Cour d’appel (Angleterre et Pays de Galles)] dans son arrêt Gough and Another v Chief Constable of Derbyshire [2002] EWCA Civ 351, à propos du cas d’une personne faisant l’objet d’une interdiction de voyager en raison de ses prétendues tendances à s’engager dans la violence liée au football.

110    S’agissant de cette argumentation, les considérations exprimées dans le cadre de l’examen de la première branche dudit moyen s’appliquent, mutatis mutandis. C’est donc uniquement au stade du contrôle juridictionnel de la légalité et du bien-fondé des motifs sur lesquels est fondée une décision d’inscrire ou de maintenir, après réexamen, le nom d’une personne sur la liste litigieuse que se pose la question du niveau de preuve requis.

111    À cet égard, il incombe seulement au Tribunal de s’assurer que la décision attaquée « repose sur une base factuelle suffisamment solide » (arrêt du 18 juillet 2013, Kadi II, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 119), en vérifiant si les faits allégués dans l’exposé des motifs sont « étayés » (arrêt du 18 juillet 2013, Kadi II, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 122) et, dès lors, matériellement « établis » (arrêt du 18 juillet 2013, Kadi II, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 136).

112    Dans ces conditions, la seconde branche du présent moyen peut être rejetée d’emblée comme inopérante, une éventuelle erreur de droit commise par la Commission dans la définition du niveau de preuve requis ou dans sa mise en œuvre n’étant pas susceptible, à elle seule, de justifier l’annulation de la décision attaquée si celle-ci satisfait par ailleurs aux conditions de preuve énoncées au point précédent, ce qu’il incombe au Tribunal de vérifier dans le cadre de l’examen du quatrième moyen.

113    En tout état de cause, la Commission n’a pas commis d’erreur en se référant, au point 9 de la décision attaquée, au critère opérationnel formulé par le GAFI dans la note interprétative de sa recommandation spéciale n° III sur le financement du terrorisme, à savoir que l’inscription du nom d’un individu sur la liste litigieuse et, par conséquent, le gel de ses fonds devraient s’appuyer « sur des motifs raisonnables ou une base raisonnable de soupçonner ou de penser que ces fonds ou ces autres biens pourraient servir au financement d’activités terroristes », dès lors que ce niveau de preuve est conforme aux critères énoncés par la Cour dans l’arrêt du 18 juillet 2013, Kadi II (C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518).

114    Certes, ce critère n’apparaît pas dénué d’ambiguïté, dès lors que « soupçonner » et « penser » sont des opérations mentales distinctes, donnant lieu à des degrés de conviction différents.

115    Force est toutefois de constater que la Cour a validé, dans son arrêt du 18 juillet 2013, Kadi II (C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518), le recours au moins exigeant de ces deux niveaux de preuve possibles, à savoir celui des soupçons, lors de son examen du bien-fondé d’un motif particulier retenu à l’encontre de l’intéressé.

116    La Cour a en effet précisé, au point 149 de l’arrêt du 18 juillet 2013, Kadi II (C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518), que les motifs d’une inscription sur la liste litigieuse pouvaient reposer sur des « soupçons d’implication dans des activités terroristes, sans préjudice de la vérification du bien-fondé de ces soupçons ». À la lumière du point 162 dudit arrêt, il convient d’ajouter que, pour que des soupçons d’implication dans des activités terroristes puissent valablement être retenus contre une personne, il faut que des éléments d’information ou de preuve soient mis en avant pour les étayer, ce qui relève d’une appréciation au cas par cas.

117    Si cette formulation ne remet pas en cause l’exigence d’une « base factuelle suffisamment solide », énoncée en termes généraux au point 119 de l’arrêt du 18 juillet 2013, Kadi II (C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518), il convient d’admettre que cette exigence peut être rencontrée par le recours au critère des « motifs raisonnables de soupçonner », pour autant que ceux-ci soient étayés par des éléments d’information ou de preuve suffisants, puisque la Cour y a recouru aux points 149 et 162 dudit arrêt.

118    Quant à la circonstance que le Royaume-Uni aurait abandonné le critère des « motifs raisonnables de soupçonner », en faveur du critère plus rigoureux des « motifs raisonnables de croire », lors de l’adoption de la loi de 2011 relative à la prévention du terrorisme et aux mesures d’enquêtes, elle est dénuée de toute pertinence. Au contraire, le critère des « motifs raisonnables de soupçonner », pour autant que ceux-ci soient étayés par des éléments d’information ou de preuve suffisants, apparaît adéquat dans des circonstances telles que celles envisagées par le règlement n° 881/2002, par les recommandations du GAFI et par les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité, notamment sa résolution 2161 (2014) du 17 juin 2014, en son paragraphe 11. Tel a également été l’avis de la Court of Appeal (England & Wales) (Cour d’appel) dans l’affaire Youssef v. Secretary of State for Foreign & Commonwealth Affairs [2013] EWCA Civ 1302 [2014] 2 WLR 1082.

119    Au vu des considérations qui précèdent, l’argumentation du requérant selon laquelle le niveau de preuve requis dans des circonstances telles que celles de l’espèce serait pratiquement impossible à distinguer de celui requis en matière pénale, à savoir celui du « au-delà du doute raisonnable », ne peut qu’être rejetée également. Au demeurant, il résulte d’une jurisprudence constante depuis l’arrêt du 3 septembre 2008, Kadi I (C‑402/05 P et C‑415/05 P, EU:C:2008:461), que les mesures restrictives telles que celles en cause en l’espèce n’ont pas un caractère pénal. Or, la nature préventive et non pas répressive des mesures restrictives influe nécessairement sur la nature, le mode et l’intensité de la preuve qui peut être demandée à la Commission (conclusions de l’avocat général Bot dans les affaires Anbouba/Conseil, C‑605/13 P et C‑630/13 P, EU:C:2015:2, point 111).

120    Quant à l’argumentation développée à cet égard dans la réplique, la Commission, soutenue par le Royaume-Uni, rétorque à juste titre que les juridictions anglaises compétentes ont rejeté le critère quasi pénal retenu dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Gough and Another v Chief Constable of Derbyshire [2002] EWCA Civ 351, s’agissant de mesures préventives telles que celle en cause en l’espèce. S’agissant de la mise en œuvre des mesures décidées au niveau des Nations unies, l’approche correcte en droit anglais, telle qu’elle a été établie par la Court of Appeal (England & Wales) (Cour d’appel) dans les affaires Secretary of State for the Home Department v. MB [2006] EWCA Civ 1140, [2007] QB 415 et Youssef v. Secretary of State for Foreign & Commonwealth Affairs [2013] EWCA Civ 1302 [2014] 2 WLR 1082, est fondée sur un test de « suspicion raisonnable » (à savoir l’existence d’éléments de nature à éveiller des soupçons).

121    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le troisième moyen doit être rejeté.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’erreurs entachant l’exposé des motifs

122    Ce moyen a fait l’objet d’ampliations importantes à la suite de la communication d’éléments d’information et de preuve nouveaux en cours d’instance.

123    Dans la requête, le requérant faisait essentiellement valoir que la décision attaquée était entachée d’illégalités de fond en ce que, premièrement, les allégations retenues contre lui n’étaient pas établies ; deuxièmement, certaines allégations n’étaient pas suffisamment précises pour lui permettre de les contester utilement ; troisièmement, certaines allégations étaient si anciennes ou si vagues qu’elles ne présentaient pas de lien rationnel avec les critères pertinents ; et, quatrièmement, certaines allégations étaient contredites par les éléments à décharge.

124    Dans sa défense, la Commission, soutenue par le Royaume-Uni et le Conseil, a fait valoir que les motifs d’inscription sur la liste litigieuse communiqués au requérant étaient suffisamment précis, détaillés, spécifiques et concrets, au sens de la jurisprudence (arrêt du 18 juillet 2013, Kadi II, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, points 116, 130 et 142 à 149), et qu’ils satisfaisaient à l’exigence de motivation (arrêt du 18 juillet 2013, Kadi II, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, points 102 et 116).

125    La Commission s’est par ailleurs référée à certains principes énoncés par la Cour dans l’arrêt du 18 juillet 2013, Kadi II (C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, points 117, 119 à 122), concernant le processus de contrôle juridictionnel de la légalité des décisions d’inscription ou de maintien, après réexamen, du nom d’une personne sur la liste litigieuse, plus particulièrement quant à la vérification, par le juge de l’Union, des allégations factuelles contenues dans l’exposé des motifs sous-tendant de telles décisions.

126    La Commission a ensuite exposé que, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice et compte tenu du recours introduit par le requérant, « [elle avait] décidé de ne pas se limiter à défendre la décision attaquée sur la base des [seuls] éléments de la procédure administrative, mais de s’adresser, dans l’esprit de coopération utile visé à l’article 220, paragraphe 1, TFUE, au comité des sanctions […] ainsi que, conformément au principe de coopération loyale prévu à l’article 4, paragraphe 3, TUE, aux autorités du Royaume-Uni, en tant que membre de l’ONU ayant proposé d’inscrire le nom du requérant sur la liste » du comité des sanctions.

127    En conséquence de ces prises de contact, la Commission a produit, d’une part, en annexe B.4 à la défense, une lettre que lui avait adressée le comité des sanctions le 20 janvier 2014, pour l’informer que, dans le cadre de son réexamen annuel des inscriptions sur sa liste, ce comité avait réexaminé celle du nom du requérant et avait jugé que celle-ci demeurait appropriée.

128    La Commission a produit, d’autre part, en annexe B.5 à la défense, un ensemble d’informations et d’éléments de preuve détaillés, que les autorités du Royaume-Uni lui ont transmis et qu’elle a décidé, en étroite coordination avec ces autorités, de remettre au Tribunal, afin de mettre celui-ci en mesure de s’assurer que la décision attaquée a bien été adoptée sur une base factuelle suffisamment solide, du moins en ce qui concerne certains des motifs de l’inscription sur la liste litigieuse (arrêt du 18 juillet 2013, Kadi II, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 130). Selon le Royaume-Uni, ces éléments comprennent des pièces invoquées à l’appui de sa proposition faite au comité des sanctions d’inscrire et de maintenir le nom du requérant sur la liste dudit comité.

129    Cet ensemble consiste en une déclaration écrite officielle (« first statement », ci-après la « déclaration officielle »), rédigée aux fins de la présente procédure et datée du 18 mars 2014, signée de la main du chef du département de lutte contre le terrorisme du FCO, ainsi qu’un certain nombre de documents destinés à servir de preuves. Ainsi qu’il ressort des points 12 à 14 de la déclaration officielle, celle-ci est fondée sur un avis et une évaluation du Security Service (service de sécurité), qui est le service de renseignement et de sécurité interne du Royaume-Uni, chargé de protéger la sécurité nationale (ci-après le « Security Service »).

130    Dans la réplique, le requérant s’oppose à l’invocation et à la prise en compte par le Tribunal des allégations, des précisions et des éléments de preuve nouveaux produits en annexe B.5 à la défense, lesquels n’auraient pas été invoqués antérieurement à l’adoption de la décision attaquée, ni pris en compte lors de l’adoption de celle-ci. Il fait valoir que, selon les principes énoncés par la Cour dans les arrêts du 3 septembre 2008, Kadi I (C‑402/05 P et C‑415/05 P, EU:C:2008:461), et du 18 juillet 2013, Kadi II (C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 115), l’ensemble de ces éléments additionnels auraient dû être réclamés par la Commission auprès du comité des sanctions ou de l’État membre concerné et lui être communiqués « dès le départ » pour respecter ses droits de la défense et d’accès à une juridiction. Selon lui, la divulgation exhaustive de ces éléments ne dépend pas de l’introduction d’une procédure juridictionnelle, mais doit en tout état de cause la précéder, de façon à garantir l’exercice des droits de la défense.

131    Le requérant soutient, par ailleurs, que, dans l’arrêt du 18 juillet 2013, Kadi II (C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518), la Cour a clairement indiqué qu’elle devrait se faire communiquer tous les éléments confidentiels invoqués et qu’elle-même déciderait alors de ce qui devrait être communiqué à l’intéressé, conformément aux principes énoncés dans l’arrêt du 4 juin 2013, ZZ (C‑300/11, EU:C:2013:36). En l’espèce, le Royaume-Uni chercherait à échapper à toutes les garanties judiciaires du Tribunal, en demandant à celui-ci de s’appuyer sur son propre jugement que les informations fournies sont conformes aux critères énoncés dans ledit arrêt. L’argument selon lequel tout État qui propose une désignation au comité des sanctions devrait ensuite décider quelles informations peuvent être fournies au Tribunal serait fondamentalement erroné.

132    S’agissant, plus particulièrement, des éléments trouvés à son domicile lors d’une perquisition, le requérant rappelle qu’il a été acquitté à l’issue du procès pénal engagé contre lui, en rapport avec ces éléments. Il soutient que, s’il avait su que la Commission entendait retenir ces éléments à sa charge, il aurait pu pareillement tenter d’y répondre. Obtenir des transcriptions ou d’autres pièces du procès en question requerrait un temps et des efforts considérables, alors que le gouvernement du Royaume-Uni possède les transcriptions et éléments à décharge sur la base desquels le jury a acquitté le requérant. Il serait inéquitable, dans ces circonstances, d’escompter du requérant qu’il produise les éléments à décharge au prix de coûts et d’efforts élevés. Le requérant soutient que cet exemple démontre le besoin de divulguer au Tribunal, à la demande de la Commission, les éléments à décharge en possession du Royaume-Uni.

133    Le requérant soutient encore que le Tribunal ne devrait pas s’appuyer sur des constatations défavorables pour lui opérées dans le cadre de procédures judiciaires au Royaume-Uni auxquelles il n’était pas partie et contre lesquelles il n’a dès lors pas pu se défendre. Quant à la circonstance, alléguée par le Royaume-Uni, selon laquelle ces procédures judiciaires ont été menées conformément à l’article 6 de la CEDH et à l’article 47 de la Charte, le requérant rétorque que, si cela est vrai à l’égard des individus concernés, ce ne l’est pas à son égard dès lors qu’il n’était même pas partie à ces procédures.

134    Enfin, pour autant que le Royaume-Uni se réfère à des procédures judiciaires auxquelles il aurait lui-même été partie, notamment contre les conditions imposées par le HM Treasury (ministère des Finances du Royaume-Uni) et contre la décision du FCO de ne pas demander le retrait de son nom de la liste du comité des sanctions, le requérant soutient que ces procédures ne sont pas équivalentes à la présente procédure et qu’elles visent une solution différente.

135    À cet égard, et ainsi que la Cour l’a souligné au point 136 de l’arrêt du 18 juillet 2013, Kadi II (C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518), le respect des droits fondamentaux de la personne concernée, plus particulièrement les droits de la défense et le droit à une protection juridictionnelle effective, implique que, en cas de contestation juridictionnelle, le juge de l’Union contrôle, notamment, le caractère suffisamment précis et concret des motifs invoqués dans l’exposé des motifs fourni par le comité des sanctions ainsi que, le cas échéant, le caractère établi de la matérialité des faits correspondant au motif concerné à la lumière des éléments qui ont été communiqués.

136    En l’espèce, conformément aux exigences établies par la jurisprudence, les indications contenues dans l’exposé des motifs et les premier et second compléments de motifs identifient certaines, à tout le moins, des raisons individuelles, spécifiques et concrètes pour lesquelles les autorités compétentes considèrent que le requérant doit faire l’objet de mesures restrictives (voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2013, Kadi II, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 140).

137    En particulier, les motifs et, surtout, les premier et second compléments de motifs communiqués au requérant ne consistent pas uniquement en de simples affirmations générales, mais contiennent également de nombreux détails et indications précis portant tant sur l’identité des personnes concernées que sur l’époque, le lieu, le contexte et les autres circonstances des agissements concernés.

138    Quant à la question de savoir si la matérialité des faits correspondant à ces motifs peut être considérée comme établie à la lumière des éléments qui ont été communiqués, au sens du point 136 de l’arrêt du 18 juillet 2013, Kadi II (C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518), elle implique de vérifier si ces faits sont « suffisamment étayés » pour permettre de considérer que la décision attaquée repose sur une « base factuelle suffisamment solide » (arrêt du 18 juillet 2013, Kadi II, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 119), étant entendu que les motifs d’une inscription sur la liste litigieuse peuvent reposer sur des « soupçons d’implication dans des activités terroristes, sans préjudice de la vérification du bien-fondé de ces soupçons » (arrêt du 18 juillet 2013, Kadi II, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 149).

139    En l’occurrence, il est vrai que, à la date d’adoption de la décision attaquée, aucun élément d’information ou de preuve n’avait été présenté pour étayer les motifs retenus dans celle-ci contre le requérant.

140    Quant aux nouveaux éléments d’information et de preuve produits en annexe B.5 à la défense, ainsi que leurs appendices correspondants, c’est à bon droit que la Commission répond à l’argumentation du requérant résumée au point 130 ci-dessus que celui-ci confond deux questions différentes, à savoir, d’une part, l’exigence procédurale d’un exposé des motifs suffisamment spécifique et de sa communication à l’intéressé au cours de la procédure administrative (arrêt du 18 juillet 2013, Kadi II, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, points 111 à 116) et, d’autre part, la vérification, à opérer par le juge de l’Union, que l’exposé des motifs ainsi communiqué repose sur une base factuelle solide, après avoir demandé, le cas échéant, à l’autorité compétente de l’Union de produire des informations ou des éléments de preuve, confidentiels ou non, pertinents aux fins d’un tel examen (arrêt du 18 juillet 2013, Kadi II, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, points 117 à 120). Les éléments nouveaux produits en annexe B.5 au mémoire en défense sont précisément destinés à servir cette finalité et il est conforme aux principes énoncés par la Cour dans l’arrêt du 18 juillet 2013, Kadi II (C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518), de les prendre en considération aux fins du contrôle de légalité qu’il incombe au Tribunal d’exercer.

141    Quant à l’argument du requérant selon lequel la Commission ne peut s’appuyer sur de nouveaux éléments d’information ou de preuve auxquels il n’a pas eu la possibilité de répondre, il suffit de relever que le requérant a eu la possibilité de répondre à ces éléments nouveaux dans la réplique ainsi qu’à l’audience.

142    Quant à l’argument du requérant, résumé au point 131 ci-dessus, selon lequel il incomberait au juge de l’Union de se faire communiquer l’ensemble des éléments confidentiels invoqués et de décider lui-même de ce qui doit être communiqué à l’intéressé, il procède d’une lecture manifestement erronée de l’arrêt du 18 juillet 2013, Kadi II (C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518). Au point 122 dudit arrêt, en effet, la Cour a indiqué qu’il n’était pas requis que l’autorité compétente de l’Union produise devant le juge de l’Union l’ensemble des informations et des éléments de preuve inhérents aux motifs allégués dans l’exposé des motifs fournis par le comité des sanctions, étant entendu que, si l’autorité compétente de l’Union est dans l’impossibilité d’accéder à la demande du juge de l’Union (par exemple parce que l’État de désignation ou le comité des sanctions refusent de lui communiquer les informations et éléments de preuve en question), il appartient alors à ce dernier de se fonder sur les seuls éléments qui lui ont été communiqués, avec les conséquences envisagées au point 123 de cet arrêt. Quant aux développements consacrés par la Cour, aux points 125 et suivants dudit arrêt, à la mise en œuvre, par le juge de l’Union, de techniques particulières d’examen d’éléments confidentiels, ils partent de la prémisse, évoquée au point 124 de cet arrêt, selon laquelle de tels éléments lui ont été volontairement communiqués au préalable par l’autorité compétente de l’Union, assortis d’une demande de traitement confidentiel à l’égard de l’intéressé. Au demeurant, même dans une telle éventualité, la Cour a précisé, au point 127 de l’arrêt du 18 juillet 2013, Kadi II (C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518), en renvoyant au point 63 de l’arrêt du 4 juin 2013, ZZ (C‑300/11, EU:C:2013:363), que, si cette autorité s’oppose à la communication de tout ou partie des informations ou éléments communiqués au juge de l’Union sous le couvert d’une demande de confidentialité vis-à-vis de l’intéressé, ledit juge procédera alors à l’examen de la légalité de l’acte attaqué sur la base des seuls éléments qui ont été communiqués.

143    Quant à l’argument du requérant concernant les éléments trouvés à son domicile lors d’une perquisition (voir point 132 ci-dessus), il n’y a pas lieu de le retenir, dès lors que c’est au travers des constatations souverainement opérées par la High Court sur la base de ces éléments que ceux-ci sont pris en considération dans la déclaration officielle. Pour autant que le requérant rappelle qu’il a été acquitté à l’issue du procès pénal engagé contre lui, en rapport avec ces éléments, il suffit de rappeler, en renvoyant à l’appréciation de la seconde branche du troisième moyen, que le niveau de preuve applicable en l’espèce n’est pas celui de la preuve pénale.

144    Quant à l’argument du requérant, résumé au point 133 ci-dessus, selon lequel le Tribunal ne devrait pas tenir compte des constatations opérées par les juridictions du Royaume-Uni dans des procédures auxquelles il n’était pas partie, la Commission fait observer à juste titre que, dans la mesure où les constatations en question contribuent à démontrer l’existence de motifs raisonnables de soupçonner, voire de croire, que le requérant est lié à Al-Qaida, et à étayer ainsi les allégations figurant dans l’exposé des motifs, elles sont pertinentes et peuvent être prises en compte par le Tribunal. C’est à bon droit également que la Commission fait valoir que le Tribunal peut reconnaître une importance particulière à ces constatations, étant donné qu’elles ont été opérées par une juridiction nationale compétente, dans le cadre de procédures judiciaires menées conformément à l’article 6 de la CEDH et à l’article 47 de la Charte.

145    Enfin, s’agissant des procédures judiciaires au Royaume-Uni, invoquées par le Royaume-Uni, auxquelles le requérant était partie, il est sans pertinence aucune que ces procédures ne soient pas équivalentes à la présente procédure et qu’elles aient visé une solution différente, dès lors qu’elles contiennent des éléments de nature à étayer les allégations retenues contre le requérant dans l’exposé des motifs du comité des sanctions.

146    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le Tribunal peut avoir égard à l’ensemble des nouveaux éléments d’information et de preuve joints en annexe B.5 au mémoire en défense.

[omissis]

177    Au terme de cette vue d’ensemble de la déclaration officielle et après avoir soigneusement passé en revue l’ensemble des éléments d’information et de preuve joints en appendices à celle-ci, le Tribunal s’estime convaincu que certains, au moins, des motifs contenus dans l’exposé des motifs et les premier et second compléments de motifs, tels que communiqués par le comité des sanctions, sont suffisamment étayés par lesdits éléments d’information ou de preuve pour apparaître comme reposant sur une base factuelle particulièrement solide, et résistant aux quelques vagues tentatives de réfutation de la part du requérant.

178    Il convient de tenir compte également de l’existence d’autres voies de droit qui étaient à la disposition du requérant, mais que celui-ci a choisi de ne pas exercer.

179    D’une part, le Royaume-Uni a souligné que le requérant n’avait jamais, depuis l’inscription initiale de son nom sur la liste du comité des sanctions, cherché à contacter le bureau du médiateur nommé par le Conseil de sécurité des Nations unies conformément à sa résolution 1904 (2009) en vue d’obtenir de celui-ci le lancement d’une investigation approfondie susceptible d’aboutir à la radiation de son nom de la liste du comité des sanctions, alors même que la résolution 2161 (2014) du Conseil de sécurité (paragraphe 48) invite les États à « pousser les personnes et entités qui envisagent de contester leur inscription sur la [liste du comité des sanctions] en passant par des instances judiciaires nationales ou régionales, ou qui ont déjà entrepris de le faire, à chercher à être radiées de [ladite liste] en présentant une demande dans ce sens au bureau du médiateur ». Il n’existe aucun motif rationnel à une telle abstention, d’autant que le requérant prétend disposer d’arguments en faveur de la radiation de son nom de la liste du comité des sanctions.

180    D’autre part, après avoir formé un recours devant la High Court, le 28 janvier 2013, contre la décision du FCO du 1er novembre 2012 de ne pas présenter en son nom une demande de radiation de l’inscription de son nom sur la liste du comité des sanctions, le requérant s’est désisté de ce recours par une déclaration de consentement (consent order), le 17 octobre 2013 (appendice 4 à la déclaration officielle), après que la High Court avait accepté que le FCO recourût, pour justifier cette décision, à des éléments de preuve confidentiels, accessibles à la seule juridiction et non pas au requérant.

181    Sans que cette stratégie judiciaire puisse être reprochée en tant que telle au requérant, elle ne contribue pas non plus à une éventuelle levée des soupçons qui pèsent légitimement sur lui, au vu des éléments d’information et de preuve examinés ci-dessus.

182    Compte tenu de l’ensemble de ce qui précède, il y a lieu de considérer que, à tout le moins, certains des motifs mentionnés dans l’exposé des motifs et les premier et second compléments de motifs sont suffisamment précis et concrets, qu’ils sont étayés et qu’ils constituent en soi une base suffisante pour soutenir la décision attaquée (arrêt du 18 juillet 2013, Kadi II, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 130).

183    Il s’ensuit que certaines, à tout le moins, des allégations formulées à l’encontre du requérant dans l’exposé des motifs et les premier et second compléments de motifs étaient de nature à justifier l’adoption, au niveau de l’Union, de mesures restrictives à l’encontre de celui-ci.

184    En conséquence, le quatrième moyen doit être rejeté comme non fondé.

 Sur le cinquième moyen, tiré d’une violation du principe de proportionnalité

185    Le requérant fait valoir que la décision attaquée est entachée d’illégalité en ce que la Commission a omis de procéder à un examen de proportionnalité, en mettant en balance ses droits fondamentaux et le risque effectif qu’il est censé représenter actuellement.

186    La Commission, soutenue par le Conseil, conteste cette argumentation et renvoie aux points 360 à 363 de l’arrêt du 3 septembre 2008, Kadi I (C‑402/05 P et C‑415/05 P, EU:C:2008:461).

187    Il ressort en effet de l’arrêt du 3 septembre 2008, Kadi I (C‑402/05 P et C‑415/05 P, EU:C:2008:461), que, au regard d’un objectif d’intérêt général aussi fondamental pour la communauté internationale que la lutte par tous les moyens, conformément à la charte des Nations unies, contre les menaces à l’égard de la paix et de la sécurité internationales que font peser les actes de terrorisme, le gel des fonds, avoirs financiers et autres ressources économiques des personnes identifiées par le Conseil de sécurité ou le comité des sanctions comme étant associées à Oussama ben Laden, au réseau Al-Qaida et aux Taliban ne saurait, en soi, passer pour inadéquat ou disproportionné (voir arrêt du 3 septembre 2008, Kadi I, C‑402/05 P et C‑415/05 P , EU:C:2008:461, point 363 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens et par analogie, arrêt du 15 novembre 2012, Al-Aqsa/Conseil et Pays-Bas/Al-Aqsa, C‑539/10 P et C‑550/10 P, EU:C:2012:711, points 120 à 130). Il convient, toutefois, de s’assurer que, lors de l’adoption de ces mesures, les droits procéduraux des intéressés, et notamment leurs droits de la défense, ont été respectés (voir, en ce sens, arrêt du 3 septembre 2008, Kadi I, C‑402/05 P et C‑415/05 P, EU:C:2008:461, points 367 à 370). Or, en l’espèce, il ressort de l’examen des autres moyens du recours que les droits procéduraux du requérant ont été dûment respectés au cours du processus de réexamen des motifs de l’inscription de son nom sur la liste litigieuse.

188    Pour autant que le requérant fait plus particulièrement grief à la Commission de ne pas avoir procédé elle-même à la mise en balance des restrictions dont il fait l’objet avec ses droits fondamentaux et le risque qu’il est censé représenter, il suffit de constater qu’une telle mise en balance n’est ni prévue par la réglementation applicable ni envisagée par la jurisprudence. Au contraire, la Cour a jugé, au point 107 de son arrêt du 18 juillet 2013, Kadi II (C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518), que, lorsque, dans le cadre des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité, le comité des sanctions a décidé d’inscrire le nom d’une personne sur sa liste récapitulative, l’autorité compétente de l’Union devait, pour donner suite à cette décision au nom des États membres, prendre la décision d’inscrire le nom de celle-ci, ou de maintenir cette inscription, sur la liste litigieuse sur la base de l’exposé des motifs fourni par ledit comité. Dans ce contexte, les seules obligations qui incombent à l’autorité compétente de l’Union sont celles identifiées par la Cour aux points 111 et 112 (respect des droits de la défense), 114 (examen soigneux et impartial du bien-fondé des motifs allégués) et 116 (motivation identifiant les raisons individuelles, spécifiques et concrètes, pour lesquelles les autorités compétentes considèrent que la personne concernée doit faire l’objet de mesures restrictives) de l’arrêt du 18 juillet 2013, Kadi II (C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518). Or, en l’espèce, il ressort également de l’examen des autres moyens du recours que ces obligations ont été dûment respectées au cours du processus de réexamen des motifs de l’inscription du nom du requérant sur la liste litigieuse.

189    S’agissant de la proportionnalité de la décision attaquée au vu du temps écoulé depuis l’inscription du nom du requérant sur la liste litigieuse, il est vrai que les fonds du requérant étaient gelés depuis un peu plus de six ans à la date d’adoption de ladite décision, laquelle fait seule l’objet du contrôle juridictionnel opéré par le Tribunal dans le cadre du présent recours.

190    Toutefois, ainsi qu’il a été exposé ci-dessus, le maintien de l’inscription du nom du requérant sur la liste du comité des sanctions et, en conséquence, sur la liste litigieuse, après réexamen, se fonde non seulement sur l’exposé des motifs initial dudit comité, mais également sur diverses évaluations plus récentes du danger pour la sécurité nationale et internationale que continuait à représenter le requérant, effectuées tant par les instances de l’ONU que par les autorités et juridictions du Royaume-Uni compétentes. C’est ainsi, notamment, que, à la date d’adoption de la décision attaquée, il s’était écoulé moins d’un an et demi depuis que la High Court avait jugé valide l’évaluation du Security Service selon laquelle le requérant demeurait un extrémiste islamiste de premier plan basé au Royaume-Uni et ayant des liens avec un nombre important d’individus extrémistes (voir point 175 ci-dessus).

191    De plus, ainsi qu’il a déjà été exposé au point 181 ci-dessus, le Tribunal considère que, en s’abstenant d’entreprendre une quelconque démarche auprès du médiateur des Nations unies (voir point 179 ci-dessus) et en renonçant à poursuivre son recours devant la High Court (voir point 180 ci-dessus), le requérant adopte une conduite qui ne contribue pas à une éventuelle levée des soupçons qui pèsent légitimement sur lui, au vu des éléments d’information et de preuve examinés ci-dessus.

192    Par ailleurs, le requérant n’a avancé aucun élément d’information ou de preuve concret susceptible de démontrer qu’il ne présente plus une menace pour la sécurité nationale et internationale.

193    Dans ces conditions, la décision attaquée ne saurait être considérée comme disproportionnée au vu du temps écoulé depuis l’inscription du nom du requérant sur la liste litigieuse.

194    Partant, le cinquième moyen doit être rejeté comme non fondé et, avec lui, le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

195    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens de la Commission, conformément aux conclusions de celle-ci.

196    Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté comme irrecevable en ce qu’il tend à l’annulation du règlement (CE) n° 14/2007 de la Commission, du 10 janvier 2007, modifiant pour la soixante-quatorzième fois le règlement (CE) n° 881/2002 du Conseil instituant certaines mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités liées à Oussama ben Laden, au réseau Al-Qaida et aux Taliban, et abrogeant le règlement (CE) n° 467/2001 du Conseil, pour autant qu’il concerne M. Mohammed Al-Ghabra.

2)      Le recours est rejeté comme non fondé pour le surplus.

3)      M. Al-Ghabra est condamné à supporter ses propres dépens ainsi que les dépens exposés par la Commission européenne.

4)      Le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord et le Conseil de l’Union européenne supporteront leurs propres dépens.

Papasavvas

Bieliūnas

Forrester

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 décembre 2016.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.


1      Ne sont reproduits que les points du présent arrêt dont le Tribunal estime la publication utile.