Language of document : ECLI:EU:T:2023:166

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

29 mars 2023 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne figurative +music – Marque nationale figurative antérieure + – Motif relatif de refus – Absence de risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 – Caractère distinctif accru de la marque antérieure acquis par l’usage »

Dans l’affaire T‑344/21,

Plusmusic AG, établie à Dietikon (Suisse), représentée par Mes M. Maier et A. Spieß, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. D. Gája, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Groupe Canal +, établi à Issy-les-Moulineaux (France), représenté par Mes M. Georges-Picot et C. Cuny, avocates,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé, lors des délibérations, de M. G. De Baere, président, Mmes G. Steinfatt (rapporteure) et S. Kingston, juges,

greffier : Mme A. Juhász-Tóth, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 31 mai 2022,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Plusmusic AG, demande l’annulation partielle de la décision de la cinquième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 16 avril 2021 (affaire R 1236/2020‑5) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 15 novembre 2017, la requérante a présenté à l’EUIPO une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne pour le signe figuratif suivant :

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3        La marque demandée désignait les produits et services relevant des classes 9, 11, 25, 35, 37, 38, 41 et 42 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondant, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 9 : « Appareils électroniques pour la technique de scènes et de manifestations, en particulier les commandes de moteurs, les équipements de signalisation pour les signaux de commande ou les signaux de fréquence acoustique ; appareils de recherche scientifique et de laboratoire, appareils et simulateurs didactiques ; appareils, instruments et câbles pour l’électricité ; contenu enregistré ; équipements des technologies de l’information, multimédias et photographiques ; aimants, dispositifs d’aimantation et démagnétiseurs ; instruments, indicateurs et contrôleurs de mesure, de détection et de surveillance ; dispositifs de navigation, de guidage, de traçage, de balisage et de cartographie ; dispositifs, amplificateurs et correcteurs optiques ; dispositifs de sûreté, de sécurité, de protection et de signalisation ; dispositifs scientifiques et de laboratoire pour traitements utilisant de l’électricité ; appareils des technologies de l’information ; bases de données informatiques ; logiciel ; antennes en tant qu’appareils de communication ; équipement de mise en réseau d’ordinateurs et de communication de données ; appareils de radiodiffusion ; scanneurs d’image ; imprimantes ; photocopieuses ; périphériques adaptés pour utilisation avec des ordinateurs ; ordinateurs et matériel informatique ; calculatrices ; dispositifs d’affichage, récepteurs de télévision et dispositifs pour les films et les vidéogrammes ; dispositifs de capture et de développement d’images ; composants électriques et électroniques ; appareils et instruments d’accumulation et de stockage de l’électricité ; appareils et instruments de contrôle de l’électricité ; appareils photovoltaïques pour la production d’électricité ; antennes en tant que composants ; circuits électriques et cartes de circuit imprimé ; câbles et fils électriques ; lasers ; lunettes, lunettes de soleil et lentilles de contact ; amplificateurs optiques ; lunettes de soleil ; instruments de mesure, de comptage, d’alignement et de calibrage ; contrôleurs (régulateurs) ; capteurs et détecteurs ; instruments de surveillance ; appareils de commande à distance de l’éclairage ; appareils de commande électriques ; serveurs de fichiers ; interfaces d’ordinateurs ; processeurs vidéo ; mini-projecteurs à faisceau ; écrans à diodes électroluminescentes ; moniteurs à LED ; projecteurs numériques ; projecteurs portables ; télécommandes pour projecteurs ; câbles USB ; câblages électriques ; adaptateurs de câbles ; adaptateurs électriques ; adaptateurs ; prises Jack ; distributeurs d’électricité [électriques] ; trépieds pour appareils photo ; pieds d’appareils photographiques ; supports de rangement pour disques informatiques ; postes de radio ; logiciels de formation ; logiciel pour la commande d’éclairage ; appareils et instruments d’accumulation de l’électricité ; appareils et instruments pour la commutation de l’électricité ; appareils et instruments de transformation de l’électricité ; appareils et instruments de régulation de l’électricité ; appareils et instruments pour la conduction de l’électricité ; appareils de transmission d’images ; appareils de reproduction d’images ; appareils d’enregistrement d’images ; ordinateurs ; équipements de traitement de données ; logiciels ; pièces et accessoires de tous les produits précités, compris dans cette classe » ;

–        classe 11 : « Appareils et installations d’éclairage et pieds pour appareils et installations d’éclairage ; appareils d’éclairage, produits éclairants, appareils d’éclairage à commande électronique, appareils d’éclairage et installations à DEL pour la construction d’installations d’éclairage, de sonorisation, d’images et de scène ; luminaires à LED ; luminaires DEL ; appareils d’éclairage à LED ; lampes de projection ; éclairage et réflecteurs d’éclairage ; lampes électriques ; appareils d’éclairage scénique ; appareils d’éclairage de scène HID (décharge à haute intensité) ; appareils d’éclairage commandés par ordinateur ; spots pour l’éclairage ; unités d’éclairage électrique sur rail ; guirlandes électriques ; projecteurs laser ; diffuseurs [éclairage] ; projecteurs de lumière ; panneaux d’éclairage ; luminaires ; appareils d’éclairage de scène ; installations d’éclairage ; pièces et accessoires de tous les produits précités, compris dans cette classe » ;

–        classe 25 : « Vêtements ; chapellerie ; chaussures ; casquettes de base-ball ; bandanas [foulards] ; casquettes de cycliste ; foulards pour la tête ; casquettes ; bandeaux pour la tête [habillement] ; bonnets en tricot ; tee-shirts imprimés ; gants [habillement] ; chauffe-poignets ; foulards ; pull-overs à capuche ; vestes ; pull-overs ; cache-cols ; tee-shirts ; sweat-shirts ; bas ; baskets ; pièces et accessoires de tous les produits précités, compris dans cette classe » ;

–        classe 35 : « Publicité ; gestion des affaires commerciales ; administration commerciale ; travaux de bureau ; services de publicité, de marketing et de promotion ; services d’aide et de gestion des affaires et services administratifs ; organisation de foires et d’expositions commerciales ; services de relations publiques ; services de présentation et de démonstration de produits ; mise à disposition d’espace, de temps et de supports publicitaires ; services de marketing événementiel ; services de foires à des fins commerciales ou publicitaires ; organisation de salons professionnels à buts commerciaux ou de publicité ; organisation de foires à buts commerciaux ou de publicité ; conduite, préparation et organisation de salons commerciaux et de foires commerciales à des fins commerciales et publicitaires ; services de vente au détail, par correspondance et en gros en relation avec les équipements électroniques pour les techniques de scène et de manifestation, techniques d’éclairage, ainsi que pièces et accessoires pour les techniques de scène et de manifestation, techniques d’éclairage, câbles, connecteurs, dérivateurs, alimentations électriques, accumulateurs, batteries et chargeurs ainsi que transformateurs ; services de vente au détail, par correspondance et en gros en relation avec les accessoires de scène, installations d’éclairage et appareils d’éclairage, composants pour les scènes, socles, valises de transport et de protection, meubles, supports, pieds et fixations, palonniers, matériel et logiciels informatiques, tous les articles en particulier pour les techniques de scène et de manifestation, techniques d’éclairage ; services de vente au détail, par correspondance et en gros en relation avec les produits de nettoyage et d’entretien, vêtements, chaussures, articles de chapellerie, supports d’enregistrement sonores enregistrés, logiciels ; prêt, location et location à bail d’objets en rapport avec la prestation des services précités, compris dans cette classe ; conseils et informations concernant les services précités, compris dans cette classe » ;

–        classe 37 : « Installation d’appareils d’éclairage pour les décors de théâtre ou des studios de télévision ; mise en place de décorations de scène ; installation de dispositifs sonores, visuels et d’éclairage pour l’équipement de scènes ; installation de systèmes d’éclairage ; services de conseils en matière d’installation d’appareils d’éclairage ; réparation ou entretien d’appareils d’éclairage électrique ; mise à disposition d’informations en matière de réparation ou d’entretien d’appareils d’éclairage électrique ; réparation ou entretien d’appareils et de machines électroniques ; installation et réparation d’appareils électriques ; installation de systèmes d’alimentation et d’éclairage électriques ; installation, maintenance et réparation de matériel informatique et d’appareils de télécommunication ; location et entretien de plateformes de travail ; installation d’appareils d’éclairage ; construction et édification de baraques, de scènes et de stands d’exposition ; installation d’équipements audiovisuels ; services de conseils en matière d’installation d’équipements audiovisuels ; édification de constructions temporaires pour événements en extérieur ; construction de stands d’exposition ; prêt, location et location à bail d’objets en rapport avec la prestation des services précités, compris dans cette classe ; conseils et informations concernant les services précités, compris dans cette classe » ;

–        classe 38 : « Services de télécommunications ; services de conseils et d’assistance en matière de communication sans fil et d’équipements de communication sans fil ; communication informatique et accès à Internet ; services d’agences de presse ; transmission numérique de données ; services de téléphonie et de téléphonie mobile ; communication par voie électronique ; fourniture et location d’installations et d’équipement de télécommunication ; fourniture d’accès à des sites Web sur Internet ou tout autre réseau de communication ; fourniture d’accès à des forums Internet ; fourniture d’accès à des utilisateurs aux programmes informatiques sur des réseaux de données ; fourniture d’accès à des contenus multimédias en ligne ; fourniture de forums de discussion [chats] sur Internet ; accès à du contenu, à des sites et à des portails Internet ; prêt, location et location à bail d’objets en rapport avec la prestation des services précités, compris dans cette classe ; conseils et informations concernant les services précités, compris dans cette classe » ;

–        classe 41 : « Éducation ; formation ; activités sportives et culturelles ; jeux d’argent ; organisation de conférences, expositions et compétitions ; offre de cours de formation ; offre de cours de formation ; organisation d’expositions à des fins culturelles ; location d’appareils d’éclairage pour le théâtre ; conseils en matière de planification d’événements spéciaux ; location d’appareils d’éclairage pour le théâtre ; location d’appareils d’éclairage pour les décors de théâtre ou des studios de télévision ; production de spectacles sur scène ; location d’appareils d’éclairage de scène ; location de décors de spectacles ; organisation de représentations scéniques ; prêt, location et location à bail d’objets en rapport avec la prestation des services précités, compris dans cette classe ; conseils et informations concernant les services précités, compris dans cette classe » ;

–        classe 42 : « Services des technologies de l’information ; services de conception ; services scientifiques et technologiques ; développement, programmation et implémentation de logiciels ; développement de matériel informatique ; services de consultation, de conseil et d’information en matière de technologie de l’information ; services d’hébergement et logiciel en tant que service, et location de logiciel ; gestion de projets dans le domaine des technologies de l’information ; location de matériel et d’installations informatiques ; sécurité, protection et restauration des technologies de l’information ; installation, maintenance et réparation de logiciels ; services de conception pour expositions ; conception de systèmes d’éclairage ; conseils et développement techniques dans le domaine de l’ingénierie légère ; conception technique et gestion de projets techniques pour le développement d’équipements d’éclairage ; conduite d’études de projets techniques ; services de gestion de projets d’ingénierie ; planification de projets techniques ; consultation technique en matière d’éclairage ; études technologiques ; services scientifiques et de conception s’y rapportant ; services techniques et de conception s’y rapportant ; services de recherche technique ; services d’analyse industrielle ; recherches industrielles ; conception et développement de logiciels ; conception et développement de matériel informatique ; études de projets (techniques -) ; services de conseils technologiques ; prêt, location et location à bail d’objets en rapport avec la prestation des services précités, compris dans cette classe ; conseils et informations concernant les services précités, compris dans cette classe ».

4        Le 3 janvier 2019, l’intervenant, Groupe Canal +, a formé opposition, au titre de l’article 46 du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1), à l’enregistrement de la marque demandée pour tous les produits et services visés au point 3 ci-dessus.

5        L’opposition était fondée notamment sur la marque française figurative déposée le 16 mars 2009, enregistrée le 21 août 2009 sous le numéro 3636873 et dûment renouvelée, pour des produits et des services relevant des classes 9, 25, 35, 38, 41 et 42, reproduite ci-après :

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6        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 et à l’article 8, paragraphe 5, du même règlement.

7        Par décision du 11 mai 2020, la division d’opposition a rejeté l’opposition dans son intégralité.

8        Le 17 juin 2020, l’intervenant a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de la division d’opposition.

9        Par la décision attaquée, la chambre de recours a partiellement accueilli le recours. Elle a annulé la décision de la division d’opposition et a accueilli l’opposition sur le fondement de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, pour tous les produits et les services visés dans la demande d’enregistrement à l’exception des « services de vente au détail et en gros en relation avec les produits de nettoyage et d’entretien » compris dans la classe 35, qu’elle a considérés comme étant différents des produits et des services désignés par la marque antérieure. S’agissant de ces services, la chambre de recours a également rejeté l’opposition en ce qu’elle était fondée sur l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001.

 Conclusions des parties

10      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler partiellement la décision attaquée, en ce qu’elle a accueilli l’opposition ;

–        condamner l’EUIPO et l’intervenant aux dépens.

11      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens ;

–        à titre subsidiaire,

–        annuler la décision attaquée en ce qu’elle a conclu à l’existence d’un risque de confusion pour les produits et les services compris dans les classes 11, 25, 35, 37 et 42 ;

–        rejeter le recours en ce qu’il est dirigé contre l’appréciation du risque de confusion effectuée dans la décision attaquée en ce qui concerne les produits et les services compris dans les classes 9, 38 et 41 ;

–        le condamner à supporter uniquement ses propres dépens.

12      L’intervenant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens, y compris ceux exposés dans le cadre des procédures devant l’EUIPO.

 En droit

13      La requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, qui s’articule en trois branches, tirées, la première, d’une comparaison erronée des signes sur le plan visuel, la deuxième, d’une appréciation erronée du caractère distinctif de la marque antérieure et, la troisième, d’une appréciation erronée du risque de confusion.

 Sur la deuxième branche du moyen unique, tirée d’une erreur dans l’appréciation du caractère distinctif de la marque antérieure

14      Par la deuxième branche de son moyen unique, la requérante fait valoir que la chambre de recours a violé l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, en estimant que la marque antérieure avait acquis, par son usage, un caractère distinctif très élevé, à tout le moins en ce qui concernait une chaîne de télévision et les services s’y rapportant directement compris dans les classes 38 et 41 ainsi qu’en ce qui concernait les appareils et instruments de sélection et de programmation d’émissions de télévision, et en particulier les décodeurs compris dans la classe 9.

15      L’EUIPO et l’intervenant contestent l’argumentation de la requérante.

16      Dans la décision attaquée, la chambre de recours a conclu que la marque antérieure avait acquis un caractère distinctif élevé par son usage. À cet égard, elle s’est appuyée sur un ensemble d’éléments de preuve produits par l’intervenant démontrant, en substance, que l’usage de la marque antérieure avait été intensif et avait duré plusieurs décennies, l’intervenant ayant produit un nombre considérable d’éléments de preuve, dont des rapports annuels, des articles de magazine, des photos et des captures d’écran, démontrant ses activités dans le secteur de l’audiovisuel sous couvert de la marque antérieure et d’autres marques contenant le signe « + ». Parmi tous ces éléments qui se seraient cumulés, en particulier, le fait que l’intervenant ait compté environ 10 millions d’abonnés dans toute l’Europe, sa principale clientèle se trouvant en France, aurait indiqué l’existence d’un caractère distinctif élevé acquis par un usage intensif de la marque antérieure et d’autres marques contenant le signe « + », dans la mesure où un pourcentage important de la population française aurait reçu nécessairement des services de divertissements télévisés par l’intermédiaire des services de l’intervenant. Pour établir le caractère distinctif élevé de la marque antérieure, la chambre de recours a renvoyé également à plusieurs études de marché menées en 2006, en 2007, en 2014 et en mai 2017, la dernière ayant été réalisée six mois seulement avant la date de dépôt de la marque demandée.

17      Selon la requérante, en premier lieu, les éléments de preuve produits par l’intervenant ne démontrent pas que la marque antérieure est connue par une partie significative du public pertinent. Au contraire, en mai 2017, quelques mois seulement avant le dépôt de la marque demandée, seuls 4 % environ des consommateurs auraient connu la marque antérieure. De plus, la chambre de recours aurait elle‑même reconnu, aux points 141 et 142 de la décision attaquée, que les études de marché menées en 2006 et en 2007 étaient plutôt obsolètes et que les chiffres relatifs à la connaissance du signe « + » n’étaient pas particulièrement élevés. En outre, les échantillons de seulement 200 personnes en 2014, dont 20 qui auraient spontanément associé le signe « + » à l’intervenant, et dont 22, qui auraient associé la marque antérieure, représentant une croix, à l’intervenant, ainsi que de 40 personnes sur un total de 1002 en 2006 et en 2017, qui auraient cité « CANAL+ » dans l’enquête, et, lorsqu’elles étaient interrogées spécifiquement sur une marque, de 10 % des personnes interrogées, ne sauraient être considérés comme suffisants et représentatifs pour démontrer le caractère distinctif élevé de la marque antérieure.

18      Selon la jurisprudence, aux fins de l’appréciation de l’acquisition d’un caractère distinctif élevé par l’usage, il convient de tenir compte de facteurs tels que les qualités intrinsèques de la marque antérieure concernée, y compris le fait qu’elle est ou non dénuée de tout élément descriptif des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, la part de marché détenue par cette marque, l’intensité, l’étendue géographique et la durée de son usage, l’importance des investissements réalisés par l’entreprise pour la promouvoir, la proportion des milieux intéressés qui identifie les produits ou les services comme provenant d’une entreprise déterminée grâce à ladite marque ainsi que les déclarations de chambres de commerce et d’industrie ou d’autres associations professionnelles (voir, par analogie, arrêt du 22 juin 1999, Lloyds Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, EU:C:1999:323, point 23). L’existence d’un caractère distinctif supérieur à la normale ne saurait être établie d’une façon générale, par exemple en recourant à des pourcentages déterminés relatifs au degré de connaissance qu’a le public de la marque en cause dans les milieux concernés. Néanmoins, il y a lieu de reconnaître une certaine interdépendance de la connaissance qu’a le public d’une marque et du caractère distinctif de celle-ci, en ce sens que plus la marque est connue du public ciblé, plus le caractère distinctif de cette marque est renforcé [arrêt du 15 octobre 2020, Decathlon/EUIPO – Athlon Custom Sportswear (athlon custom sportswear), T‑349/19, non publié, EU:T:2020:488, point 69].

19      En effet, comme résumé au point 16 ci-dessus, la chambre de recours a fondé son appréciation de l’usage de la marque antérieure sur un ensemble d’éléments et de preuves, sans se limiter à la seule analyse des études de marché présentées. Elle a tenu compte, d’une part, d’un ensemble de 56 annexes présentées par l’intervenant dans le cadre de la procédure devant l’EUIPO se rapportant à la marque antérieure et, d’autre part, à la demande de la requérante, elle a pris en compte les conclusions énoncées dans une procédure de nullité engagée contre une autre marque, lesquelles étaient fondées sur un nombre considérable de preuves contenues dans 102 annexes. La chambre de recours est parvenue à la conclusion que les documents produits par l’intervenant dressaient un état des lieux cohérent et montraient un usage impressionnant de la marque antérieure. En particulier, elle a constaté que l’intervenant était un acteur majeur dans le secteur de la télévision, surtout en France, et qu’il menait ses activités notamment sous couvert de la marque antérieure.

20      L’argumentation de la requérante relative aux études ne peut pas convaincre. Premièrement, s’agissant de l’affirmation de la requérante selon laquelle la jurisprudence requiert une reconnaissance de la marque par au moins 50 % des consommateurs, il suffit de constater que cette exigence ne résulte nullement de la jurisprudence citée par la requérante dans la requête. S’agissant, notamment de l’arrêt du 17 avril 2008, Ferrero Deutschland/OHMI (C‑108/07, non publié, EU:C:2008:234, point 53), dans lequel la Cour a considéré qu’un degré de notoriété d’une marque de plus de 80 % était suffisant pour conclure à l’existence d’une renommée, il ne signifie pas, comme le soulève à bon droit l’EUIPO, que si ce degré de notoriété avait été considérablement inférieur, celui-ci n’aurait pas été considéré comme correspondant à une partie significative du public pertinent et comme suffisant pour conclure à l’existence d’une renommée. À cet égard, la Cour a constaté qu’il ne saurait être indiqué de façon générale, par exemple en recourant à des pourcentages déterminés relatifs au degré de connaissance de la marque dans les milieux concernés, quand une marque a un caractère distinctif fort (voir arrêt du 22 juin 1999, Lloyds Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, EU:C:1999:323, point 24 et jurisprudence citée).

21      Deuxièmement, la requérante n’a pas étayé son affirmation selon laquelle les enquêtes présentées par l’intervenant ne seraient pas représentatives. Tant l’étude de marché de 2006 (annexe 26 du dossier de la procédure devant l’EUIPO) que celle de 2017 (annexe 27 du dossier de la procédure devant l’EUIPO) étaient fondées sur un échantillon de 1 002 personnes interrogées. La requérante ne remet pas en question la composition desdits échantillons, laquelle est présentée de manière détaillée dans les annexes. Elle ne critique pas non plus la méthodologie utilisée, les participants aux enquêtes ayant, en effet, associé la marque antérieure à l’intervenant, sans que celle-ci fût présentée en relation avec les produits ou services pour lesquels elle était utilisée. S’agissant de la critique de la requérante à l’encontre de l’enquête de 2014 (annexe 24 du dossier de la procédure devant l’EUIPO), il convient d’observer que son échantillon était composé de « 200 répondants âgés de 18 à 69 ans représentatifs de la population française en termes d’âge, de sexe, de PCS [professions et catégories socioprofessionnelles] et de région ». En tout état de cause, l’étude de 2014 ne jouait pas de rôle déterminant. En effet, la chambre de recours, pour sa conclusion au point 142 de la décision attaquée, s’est appuyée sur les seuls chiffres ressortant des autres études avec des échantillons clairement plus grands, notamment la plus récente de 2017, cette dernière montrant, comme le précise à juste titre l’intervenant, que 4 % des personnes interrogées établissaient spontanément le lien entre le signe « + » et la marque antérieure. De surcroît, la chambre de recours a étayé ce résultat, en vue de démontrer l’existence d’une connaissance continue de cette marque, par un renvoi aux études de marché de 2006 et de 2007.

22      Troisièmement, quant à la pertinence des chiffres résultant des études de marché menées en 2006 et en 2007, bien que la chambre de recours les ait qualifiés à juste titre comme étant, en tant que tels, plutôt obsolètes pour établir la renommée de la marque antérieure au moment de la demande d’enregistrement de la marque demandée en 2017, elle a précisé, au point 141 de la décision attaquée, qu’un document établi un certain temps avant ou après la date pertinente de la demande d’enregistrement en cause pouvait contenir des indications utiles compte tenu du fait que la renommée d’une marque s’acquérait généralement de manière progressive, ce que la requérante ne conteste pas. Il convient de rappeler que la durée de l’usage de la marque concernée et son intensité figurent parmi les facteurs qui, selon la jurisprudence citée au point 18 ci-dessus, doivent être pris en compte pour l’appréciation du caractère distinctif acquis par l’usage de la marque antérieure. En effet, l’enquête réalisée en mai 2017, soit six mois avant le dépôt de la marque demandée, a abouti au même résultat que l’étude de marché de décembre 2006, selon laquelle le taux de personnes qui avaient spontanément associé le signe « + » à la marque antérieure était également de 4 %, lorsque la question posée était très générale, ce taux de reconnaissance de la marque antérieure ayant même atteint un niveau de 10 % lorsqu’il avait été demandé aux personnes interrogées, en 2006, de manière plus ciblée, à quelles marques ils pensaient. Même si les chiffres relatifs à la connaissance du signe « + » n’étaient pas particulièrement élevés, la chambre de recours a indiqué que les études de 2006 et de 2007 pouvaient avoir une valeur probante lorsqu’elles étaient combinées avec les études de 2014 et de 2017, en ce qu’elles établissaient une connaissance continue de la marque antérieure par les consommateurs français pertinents.

23      Ainsi, sur le fondement desdites études, en combinaison avec la multitude d’autres preuves produites par l’intervenant dans 102 annexes, la chambre de recours a pu conclure, au point 143 de la décision attaquée, que les éléments de preuve produits démontraient que l’usage de la marque antérieure avait été intensif et avait duré plusieurs décennies.

24      En deuxième lieu, la requérante soutient qu’une grande partie des éléments de preuve produits par l’intervenant ne mentionne pas la marque antérieure. D’autres preuves montreraient l’usage de la marque antérieure, en combinaison avec une autre marque verbale ou figurative de l’intervenant sur les réseaux sociaux. Dès lors, aucune conclusion déterminante ne pourrait être tirée quant au niveau de reconnaissance par les consommateurs de la marque antérieure en tant que marque indépendante et quant à sa fonction d’identification des produits ou des services pour lesquels l’enregistrement aurait été sollicité. En ce qui concerne le boîtier multimédia « Le Cube », les éléments de preuve produits montreraient qu’il serait vendu par l’intervenant sous couvert de la marque combinée + Le Cube, qui aurait fait elle‑même l’objet d’un enregistrement distinct, à savoir celui portant sur la marque de l’Union européenne no 8699291.

25      À cet égard, l’EUIPO indique à bon droit qu’il ressort de la jurisprudence qu’une marque peut posséder un caractère distinctif élevé acquis par l’usage, même si elle a été utilisée en tant qu’élément d’autres signes ou en combinaison avec ceux-ci et sans qu’elle doive nécessairement être utilisée seule en tant que marque autonome [voir, par analogie, arrêts du 7 juillet 2005, Nestlé, C‑353/03, EU:C:2005:432, point 30 ; du 18 avril 2013, Colloseum Holding, C‑12/12, EU:C:2013:253, point 27, et du 10 novembre 2021, VF International/EUIPO – National Geographic Society (NATIONAL GEOGRAPHIC), T‑518/20, non publié, EU:T:2021:784, point 41]. Il suffit que, en conséquence de cet usage, les milieux intéressés perçoivent effectivement le produit ou le service désigné par la seule marque dont l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée (voir, par analogie, arrêt du 7 juillet 2005, Nestlé, C‑353/03, EU:C:2005:432, point 30). En l’espèce, l’intervenant a fourni des preuves que la marque antérieure était utilisée dans le cadre de ses activités dans le secteur de la télévision, soit seule, soit en tant qu’élément d’autres signes ou en combinaison avec ceux-ci. Il a également prouvé que la marque antérieure, lorsqu’elle était utilisée dans le contexte de ses produits et de ses services, serait reconnue, par le public pertinent, comme étant la marque dont il était titulaire. En produisant les études de marché mentionnées aux points 21 et suivants ci-dessus, l’intervenant a fourni des preuves relatives à la reconnaissance de la marque antérieure en tant que telle par le public pertinent. Dans la mesure où la marque antérieure est fréquemment utilisée en combinaison avec d’autres éléments, les marques utilisées contiennent comme élément commun la marque antérieure, de sorte que le chevauchement et le caractère répétitif constatés contribuent à la reconnaissance de l’origine des produits et des services concernés. Il ressort des éléments de preuve que les signes combinés que l’intervenant utilise pour désigner différentes chaînes de télévision qu’il commercialise suivent chacun le même schéma combinant un mot descriptif comme « cinéma », « sports » ou « séries » de couleur blanche et positionné dans un arrière-plan carré plus sombre avec la marque antérieure partiellement superposée au début de l’élément descriptif ou placée à la fin de celui-ci. En outre, la marque antérieure s’avère d’autant plus déterminante pour la reconnaissance de la provenance d’un produit ou d’un service que l’élément qui lui est accolé revêt un caractère descriptif.

26      En troisième lieu, selon la requérante, l’usage de la marque antérieure, en tant que titre d’un magazine, ne démontre pas un caractère distinctif élevé. De même, l’usage de la marque antérieure dans le cadre de quelques boutiques éphémères locales de l’intervenant en 2014 et en 2015 ne saurait démontrer un caractère distinctif élevé en rapport avec les produits et services mentionnés au point 3 ci-dessus au moment du dépôt de la marque demandée.

27      Or, bien qu’il ressorte du point 136 de la décision attaquée que la chambre de recours a pris en compte les éléments de preuve figurant dans les annexes 1 à 56, il convient de noter que les annexes 20, 23, 48 et 49, citées, à cet égard, par la requérante dans la requête, ne sont pas expressément mentionnées, à l’exception d’une seule mention de l’annexe 20 au point 139 de la décision attaquée. Il en résulte qu’il n’y a aucun indice permettant de savoir dans quelle mesure lesdites preuves ont été déterminantes dans l’appréciation du caractère distinctif élevé de la marque antérieure, pour laquelle la chambre de recours s’est appuyée, en conformité avec la jurisprudence citée au point 18 ci-dessus, sur un ensemble d’éléments de preuve présentés par l’intervenant pour démontrer l’usage de la marque antérieure.

28      Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur d’appréciation lorsqu’elle a estimé que la marque antérieure avait acquis un caractère distinctif élevé par l’usage en ce qui concerne les produits et les services relevant des classes 9, 38 et 41. Il convient ainsi d’écarter la deuxième branche du moyen unique.

 Sur la première branche du moyen unique, tirée d’une comparaison erronée des signes en conflit sur le plan visuel

29      Par la première branche du moyen unique, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir commis une erreur en concluant que les signes en conflit présentaient un degré moyen de similitude sur le plan visuel.

30      L’EUIPO et l’intervenant contestent l’argumentation de la requérante.

31      À cet égard, dans la décision attaquée, la chambre de recours a conclu que les signes en conflit étaient similaires à un degré moyen sur le plan visuel. Elle a estimé que les signes en conflit coïncidaient par l’élément figuratif représentant une croix, que la marque antérieure était presque entièrement reproduite dans la marque demandée et que cet élément figuratif apparaissait au début de celle-ci, à savoir dans la partie qui était généralement susceptible de retenir l’attention du consommateur. Elle a considéré que la similitude qui en résultait n’était pas neutralisée par la présence du mot « music » dans la marque demandée.

32      En premier lieu, la requérante fait valoir que la chambre de recours n’aurait pas correctement pondéré les éléments de la marque demandée.

33      Premièrement, il convient de constater que l’argument de la requérante selon lequel il existe une contradiction au point 116 de la décision attaquée résulte d’une lecture erronée de cette décision. Audit point, la chambre de recours n’a pas, comme l’a allégué la requérante, conclu que le signe antérieur jouait un rôle autonome dans la marque demandée. Au contraire, selon ce qu’a indiqué la chambre de recours dans la décision attaquée, il s’est avéré « que, dans le signe [demandé], la représentation de la croix ne jou[ait] pas un rôle autonome et [était] accolée au mot “music” qui la sui[vai]t ». Ce constat n’entre pas en contradiction avec le fait que, selon la jurisprudence, l’élément constituant l’élément unique d’une marque nationale dispose d’un certain caractère distinctif du fait de son enregistrement [voir arrêt du 7 mai 2019, Sona Nutrition/EUIPO – Solgar Holdings (SOLGAR Since 1947 MultiPlus WHOLEFOOD CONCENTRATE MULTIVITAMIN FORMULA) T‑152/18 à T‑155/18, non publié, EU:T:2019:294, point 40 et jurisprudence citée].

34      Deuxièmement, selon la requérante, la chambre de recours a méconnu le fait que l’élément « music » de la marque demandée était, en raison de sa taille, l’élément visuel dominant du signe correspondant, tandis que l’élément « + », plus petit et doté d’un faible caractère distinctif, était globalement négligeable dans l’impression produite par la marque demandée. La chambre de recours aurait également omis de prendre en compte la position relative des différents éléments dans la configuration de cette marque complexe.

35      Or, au point 116 de la décision attaquée, la chambre de recours a pris en compte la position des éléments de la marque demandée. Audit point, elle a précisé que l’élément représentant une croix apparaissait au début du signe correspondant, à savoir dans la partie qui était, selon une jurisprudence constante issue notamment de l’arrêt du 8 juillet 2020, Scorify/EUIPO – Scor (SCORIFY) (T‑328/19, non publié, EU:T:2020:311, point 66 et jurisprudence citée), généralement susceptible de retenir l’attention du consommateur.

36      S’il est vrai que la taille de l’élément « music » est plus grande que celle de l’élément « + », la requérante omet d’expliquer pour quel motif la différence de taille entre les deux éléments de la marque demandée rendrait l’élément « + » négligeable, alors que sa taille n’est pas insignifiante et qu’il est placé au début de la marque demandée.

37      Dans la mesure où la requérante invoque également le faible caractère distinctif de l’élément « + », il convient de noter que la chambre de recours n’a pas ignoré le faible caractère distinctif intrinsèque de cet élément, mais qu’elle a constaté, au point 99 de la décision attaquée, que le signe mathématique « + » ne possédait aucun caractère distinctif significatif. Aux points 115 à 117 de la décision attaquée, la chambre de recours a constaté que, en conformité avec la jurisprudence, l’élément représentant la croix en tant que marque nationale avait néanmoins un certain caractère distinctif et elle a ensuite mis l’accent sur le fait que la croix était entièrement incluse dans la marque demandée et constituait en même temps l’intégralité de la marque antérieure. Par conséquent, la requérante n’a pas démontré que la chambre de recours aurait commis une erreur d’appréciation en concluant que, au vu également de la position de la croix au début du signe, la présence du mot « music » ne saurait neutraliser les similitudes découlant de la présence, dans la marque demandée, de la représentation du seul élément dont était composée la marque antérieure.

38      Troisièmement, la requérante fait valoir que, selon la jurisprudence, lorsqu’une marque est composée d’éléments verbaux et figuratifs, l’élément verbal de la marque en cause est, en principe, plus distinctif que l’élément figuratif de celle-ci. À supposer même qu’un élément verbal doive être considéré comme présentant un caractère purement descriptif, ce caractère ne s’opposerait pas à la reconnaissance du caractère dominant de cet élément aux fins de l’appréciation de la similitude des signes en conflit. Ainsi, le fait que la marque demandée soit dominée sur le plan visuel par le mot porteur de signification « music » neutraliserait toute similitude visuelle potentielle avec la marque antérieure liée à la représentation d’une croix dans la marque demandée.

39      La chambre de recours a constaté au point 108 de la décision attaquée, que le mot « music » était descriptif ou pratiquement dépourvu de caractère distinctif pour les produits et les services qui étaient liés à la musique ou qui pouvaient s’y rapporter, à savoir la quasi-totalité des produits et des services mentionnés au point 3 ci-dessus. La requérante ne remet pas en question cette appréciation.

40      Même s’il est vrai que le caractère descriptif de l’élément verbal concerné ne s’oppose pas nécessairement, comme la requérante le relève correctement, à la reconnaissance de son caractère dominant (arrêt du 19 mars 2015, MEGA Brands International/OHMI, C‑182/14 P, EU:C:2015:187, point 34), il n’en demeure pas moins qu’il y a lieu de prendre en compte, pour la détermination d’un élément dominant d’une marque complexe, les qualités intrinsèques de chacun de ses composants en les comparant à celles des autres composants en cause.

41      Bien qu’il ne soit, dès lors, pas exclu d’emblée que l’élément « music » soit dominant, la requérante n’étaye pas suffisamment son allégation selon laquelle la marque demandée est dominée sur le plan visuel par le mot porteur de signification « music ». L’argument relatif à la différence de taille des deux éléments de la marque demandée n’est pas suffisant, comme expliqué au point 36 ci-dessus. À supposer même que l’élément « music » soit dominant, il n’en demeure pas moins que la comparaison doit porter sur les marques prises dans leur ensemble et que l’élément « + », qui n’est pas négligeable, doit être pris en considération. Ainsi, la requérante n’établit pas que l’élément « music » neutralise la similitude résultant de l’élément commun « + ».

42      En second lieu, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir erronément appliqué des critères différents lors de la comparaison des signes sur les plans visuel et phonétique.

43      À cet égard, elle soutient que la chambre de recours a complètement ignoré le faible caractère distinctif de l’élément « + » lors de la comparaison des signes sur le plan visuel, alors qu’elle n’aurait pas accordé beaucoup d’importance à l’existence du signe « + » dans la marque demandée lors de la comparaison sur le plan phonétique.

44      S’agissant de la faible importance attribuée à l’élément « + » dans l’appréciation phonétique, il convient d’emblée de rappeler que la pondération des éléments d’un signe sur les différents plans de comparaison varie nécessairement selon le mécanisme respectif de perception de ce signe.

45      Premièrement, la chambre de recours a considéré que, pour la majorité du public pertinent, l’élément « + » serait prononcé.

46      Deuxièmement, sur le plan phonétique, la chambre de recours a estimé, au point 125 de la décision attaquée, que, en raison de l’absence de caractère distinctif pertinent du signe « + », ce dernier ne saurait se voir accorder un poids excessif dans le cadre de la comparaison des signes. Aux points 97 à 105 de la décision attaquée, la chambre de recours a déterminé le caractère distinctif intrinsèque du signe « + » du point de vue visuel et l’a également qualifié de faible. Si la chambre de recours n’a pas répété ce constat du caractère distinctif du signe antérieur dans le cadre de la partie de la décision attaquée relative à la comparaison des signes « [s]ur le plan visuel », elle s’est néanmoins fondée implicitement dans cette partie sur ses constats antérieurs et il n’y a pas lieu de prétendre qu’elle a utilisé un critère différent. En effet, au point 111 de la décision attaquée, la chambre de recours a confirmé que le caractère faiblement distinctif d’un élément commun des signes était pertinent aux fins de l’appréciation des similitudes visuelle et phonétique entre ces signes. Ainsi, il n’y a pas d’indice que la chambre de recours aurait appliqué des critères différents pour les différents plans de comparaison, et d’autant moins qu’elle aurait, comme la requérante l’a allégué, complètement ignoré le faible caractère distinctif du signe antérieur lors de la comparaison des signes sur le plan visuel.

47      La chambre de recours a conclu que les marques en conflit étaient similaires à un degré moyen sur le plan visuel et très faiblement similaires sur le plan phonétique. À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’elle a, d’une part, conclu, sur le plan phonétique tout comme sur le plan visuel, à l’existence d’une certaine similitude entre ces marques, à juste titre, du fait que la marque antérieure était reproduite presque à l’identique dans la marque demandée. D’autre part, c’est seulement sur le plan visuel que le signe « + » se présente de manière caractéristique en blanc sur un fond noir, ce qui renforce les éléments de similitude sur le plan visuel. À cet égard, la chambre de recours relève au point 114 de la décision attaquée, dans le contexte de la comparaison des marques en conflit, que les croix présentes dans les marques en conflit montrent les mêmes caractéristiques principales, en ce sens qu’il s’agit d’une croix blanche en gras sur un fond noir. Or, sur le plan phonétique, de telles caractéristiques figuratives font défaut.

48      Au vu de ce qui précède, l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours aurait appliqué différents critères lors de la comparaison sur le plan visuel, d’un côté, et sur le plan phonétique, de l’autre côté, est dénué de fondement.

49      Par conséquent, il y a lieu de rejeter la première branche du moyen unique, tirée d’une comparaison erronée des signes en conflit sur le plan visuel.

 Sur la troisième branche du moyen unique, tirée d’une erreur dans l’appréciation du risque de confusion

50      Par la troisième branche de son moyen unique, la requérante fait valoir que, premièrement, lorsque les marques en conflit partagent, comme en l’espèce, un composant présentant un faible caractère distinctif intrinsèque, l’impact de cet élément de similitude sur l’appréciation globale du risque de confusion est lui-même faible.

51      Deuxièmement, selon la requérante, la chambre de recours a commis une erreur en concluant à l’existence d’un risque de confusion pour les produits et les services visés par la marque demandée relevant des classes 11, 25, 35, 37 et 42, pour lesquels elle n’avait pas considéré que la marque antérieure présentait un caractère distinctif élevé.

52      Troisièmement, la requérante relève une contradiction dans le raisonnement de la chambre de recours en ce qu’elle a conclu, d’une part, à un risque de confusion pour des produits n’ayant que peu de lien avec les activités de l’intervenant, tels que les vêtements, et, d’autre part, à l’absence de lien entre les signes en conflit pour les « services de vente au détail et en gros en relation avec les produits de nettoyage et d’entretien » relevant de la classe 35, nonobstant la renommée de la marque antérieure au sens de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001.

53      Quatrièmement, la requérante conteste l’existence d’un risque de confusion également pour les produits et services relevant des classes 9, 38 et 41, en raison du faible caractère distinctif de la marque antérieure et des faibles similitudes entre les signes en conflit, en particulier compte tenu de leurs différences conceptuelles et du fait que l’élément « music » constitue l’élément dominant de la marque demandée.

54      L’EUIPO fait valoir que la décision attaquée peut être interprétée de deux manières différentes. Selon lui, soit la chambre de recours a considéré qu’il existait un risque de confusion même en tenant compte du faible caractère distinctif intrinsèque de la marque antérieure pour les produits et services compris dans les classes 11, 25, 35, 37 et 42, soit la chambre de recours a commis une erreur en ne distinguant pas, comme le soutient la requérante, les produits et services pour lesquels la marque antérieure possède un caractère distinctif élevé de ceux pour lesquels elle ne possède pas un tel caractère distinctif élevé.

55      L’intervenant conteste les arguments de la requérante. Il soutient que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en ne limitant pas le caractère distinctif élevé de la marque antérieure aux seuls produits et services relevant des classes 9, 38 et 41. Selon la jurisprudence, le risque de confusion serait d’autant plus élevé que le caractère distinctif de la marque antérieure s’avèrerait important. La marque antérieure aurait acquis et maintenu une renommée par l’utilisation intense du large portefeuille de ses marques contenant le signe « + », lequel se retrouverait parfois combiné avec un terme suggestif, comme dans « +FAMILY », « +DECALE », « +SPORT », « +CINEMA » et « +DIGITAL ». L’intervenant déduit de ces faits un risque raisonnable que la marque demandée soit perçue par le public pertinent comme appartenant à une même famille de marques utilisant le signe « + », de sorte qu’il puisse croire que ces marques proviennent de la même entreprise ou d’entreprises connexes.

56      Premièrement, il ressort du point 147 de la décision attaquée que la chambre de recours a pris en compte la jurisprudence selon laquelle, lorsque la marque antérieure et la marque demandée coïncident en raison de la présence d’un élément de caractère distinctif faible au regard des produits en cause, l’appréciation globale du risque de confusion n’aboutit fréquemment pas au constat de l’existence de ce risque. Elle a toutefois rappelé à bon droit, au point 148 de la décision attaquée, que l’appréciation globale du risque de confusion devait se faire en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce, y compris du caractère distinctif de la marque antérieure. L’examen qui a suivi aux points 149 et suivants de la décision attaquée a pris en compte tous ces facteurs, à travers le constat, premièrement, que les marques en conflit montraient un degré moyen de similitude sur le plan visuel et un degré faible de similitude sur les plans phonétique et conceptuel, deuxièmement, que les produits et services visés par la marque demandée et les produits et services visés par la marque antérieure étaient identiques ou, à des degrés divers, similaires, troisièmement, que la marque antérieure était pratiquement entièrement reproduite au début de la marque demandée et, quatrièmement, que la marque antérieure avait un caractère distinctif élevé acquis par l’usage pour ce qui concernait les produits et services relevant des classes 9, 38 et 41 (voir points 14 et suivants ci-dessus). La chambre de recours a également tenu compte du fait que le niveau d’attention d’une partie du public pertinent pouvait être plus élevé pour une partie des produits et des services. Néanmoins, selon elle, ce fait n’était pas suffisant pour exclure que ce public pût croire que les produits et services respectifs provenaient de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement, étant donné que la présence du signe « + » blanc sur un fond noir dans la marque demandée pouvait l’amener à croire que cette dernière désignait une nouvelle ligne de produits et de services, par exemple liés à la musique, provenant de l’intervenant ou d’une société économiquement liée à ce dernier. Partant, au point 152 de la décision attaquée, la chambre de recours a tiré la conclusion qu’il existait un risque de confusion au sens l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 dans l’esprit du public français pertinent pour tous les produits et services considérés comme identiques ou similaires (à des degrés divers).

57      Deuxièmement, il y a lieu de relever que la chambre de recours a, d’un côté, constaté le caractère distinctif élevé de la marque antérieure seulement pour certains produits et services, relevant des classes 9, 38 et 41, et, de l’autre côté, sans opérer une distinction, appliqué ce constat à l’ensemble des produits et des services couverts par la marque antérieure dans le cadre de son appréciation globale du risque de confusion. Il en ressort que, dans la décision attaquée, la chambre de recours n’a pas expliqué les raisons pour lesquelles elle avait tenu compte d’un caractère distinctif élevé acquis par l’usage pour tous les produits et services concernés.

58      L’argument de l’EUIPO selon lequel la décision attaquée peut être interprétée comme concluant à l’existence d’un risque de confusion même en tenant compte du caractère distinctif intrinsèque faible de la marque antérieure pour les produits et services relevant des classes 11, 25, 35, 37 et 42 doit être rejeté. Force est de constater que la décision attaquée ne comporte aucun indice susceptible d’étayer une telle interprétation. À cet égard, il ressort clairement du point 152 de la décision attaquée que la chambre de recours a conclu à l’existence d’un risque de confusion en tenant compte du fait que la marque antérieure possédait un caractère distinctif élevé. Ainsi, la chambre de recours n’a pas apprécié l’existence d’un risque de confusion s’agissant des produits et des services pour lesquels un caractère distinctif élevé acquis par l’usage n’avait pas été constaté.

59      Enfin, il convient de rejeter l’argumentation de l’EUIPO selon laquelle le Tribunal sera appelé à apprécier s’il existe un risque de confusion entre les marques en conflit pour les produits et services pour lesquels la marque antérieure ne possède pas un caractère distinctif élevé.

60      À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’une telle appréciation ne figure pas dans la décision attaquée. Or, d’une part, il n’appartient pas au Tribunal de procéder, dans le cadre de son contrôle de légalité de la décision attaquée, à une appréciation sur laquelle la chambre de recours n’a pas pris position (arrêt du 5 juillet 2011, Edwin/OHMI, C‑263/09 P, EU:C:2011:452, point 72) et, d’autre part, devant le Tribunal, l’EUIPO ne saurait étayer la décision attaquée par des éléments non pris en compte dans celle-ci [voir arrêt du 2 juin 2021, Himmel/EUIPO – Ramirez Monfort (Hispano Suiza), T‑177/20, EU:T:2021:312, point 64 et jurisprudence citée].

61      Enfin, l’argument de l’intervenant selon lequel la marque antérieure possède un caractère distinctif élevé également pour les produits et services pour lesquels la chambre de recours n’a pas spécifiquement établi un tel caractère, n’est pas convaincant. En se référant au point 18 de l’arrêt du 29 septembre 1998, Canon (C‑39/97, EU:C:1998:442), l’intervenant avance que la marque renommée jouit d’une protection plus étendue qui va au-delà du principe de spécialité et que, de ce fait, la reconnaissance de la renommée de la marque antérieure, en ce qu’elle désigne des produits et des services en lien avec les médias, l’audiovisuel et le divertissement, devait conduire à l’établissement d’une protection absolue, indépendamment des produits ou des services en question.

62      Or, il ne ressort aucunement de la jurisprudence citée par l’intervenant que la protection d’une marque dotée d’un caractère distinctif élevé acquis par l’usage pour certains produits et services qu’elle vise doit être étendue à tous les produits et services pour lesquels elle a été enregistrée. En effet, la Cour a uniquement constaté au point 18 de l’arrêt du 29 septembre 1998, Canon (C‑39/97, EU:C:1998:442), que le risque de confusion était d’autant plus élevé que le caractère distinctif de la marque antérieure s’avérait important et que les marques qui avaient un caractère distinctif élevé, soit intrinsèquement, soit en raison de la connaissance de celles-ci sur le marché, jouissaient d’une protection plus étendue que celles dont le caractère distinctif était moindre. De plus, l’approche de l’intervenant n’est pas compatible avec la distinction qu’il convient d’opérer entre la renommée au sens de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001 et le caractère distinctif élevé dans le contexte de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du même règlement. Le caractère distinctif d’une marque, y compris celui acquis par l’usage qui en a été fait, doit toujours être apprécié par rapport aux produits ou services concernés (voir, en ce sens, arrêt du 18 juin 2002, Philips, C‑299/99, EU:C:2002:377, point 59).

63      Partant, en ce qui concerne les produits et services relevant des classes 11, 25, 35, 37 et 42, la chambre de recours a erronément conclu à l’existence d’un risque de confusion sans se livrer à une appréciation globale tenant compte du fait qu’un caractère distinctif élevé acquis par l’usage n’avait pas pu être constaté par rapport à ces produits et ces services.

64      Par ailleurs, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel, même pour les produits et services en cause relevant des classes 9, 38 et 41, une prise en compte de tous les facteurs pertinents aurait dû conduire à la conclusion qu’il n’existait pas de risque de confusion, celui-ci doit être écarté, dès lors que le raisonnement de la chambre de recours dans son appréciation globale, qui a tenu compte de tous les facteurs pertinents (voir point 56 ci-dessus), doit être confirmé en ce qui concerne lesdits produits et services.

65      En outre, dans la mesure où la requérante réitère son argument selon lequel l’élément « music » constitue l’élément dominant de la marque demandée, il suffit de le rejeter pour les raisons exposées aux points 36 et 41 ci-dessus.

66      Par conséquent, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur d’appréciation en parvenant à la conclusion selon laquelle il existait un risque de confusion s’agissant des produits et des services relevant des classes 9, 38 et 41.

67      Il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu d’accueillir partiellement la troisième branche du moyen unique de la requérante et, par conséquent, d’annuler partiellement la décision attaquée, en ce que la chambre de recours a accueilli l’opposition de l’intervenant par rapport aux produits et aux services relevant des classes 11, 25, 35, 37 et 42, et de rejeter le recours pour le surplus.

 Sur les dépens

68      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Par ailleurs, aux termes de l’article 134, paragraphe 3, du règlement de procédure, chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs.

69      En l’espèce, tant la requérante que l’EUIPO et l’intervenant ont, en partie, succombé en leurs conclusions. Dans ces circonstances, il y a lieu de décider que chaque partie supportera ses propres dépens. 

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la chambre de recours de Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 16 avril 2021 (affaire R 1236/2020-5) est annulée dans la mesure où elle conclut à l’existence d’un risque de confusion pour les produits et services compris dans les classes 11, 25, 35, 37 et 42.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      Plusmusic AG, l’EUIPO et Groupe Canal + supporteront leurs propres dépens.

De Baere

Steinfatt

Kingston

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 29 mars 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.