Language of document : ECLI:EU:T:2013:478

ARRÊT DU TRIBUNAL (chambre des pourvois)

16 septembre 2013 (*)

« Pourvoi – Fonction publique – Personnel de la BEI – Assurance maladie – Refus de prise en charge de frais médicaux – Demande de désignation d’un médecin indépendant – Délai raisonnable – Rejet d’une demande d’engager une procédure de conciliation – Demande d’annulation – Demande de remboursement de frais médicaux – Litispendance »

Dans l’affaire T‑418/11 P,

ayant pour objet un pourvoi formé contre l’arrêt du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (première chambre) du 28 juin 2011, De Nicola/BEI (F‑49/10, non encore publié au Recueil), et tendant à l’annulation de cet arrêt,

Carlo De Nicola, demeurant à Strassen (Luxembourg), représenté par Me L. Isola, avocat,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant

Banque européenne d’investissement (BEI), représentée initialement par M. T. Gilliams et Mme F. Martin, puis par MM. Gilliams et G. Nuvoli, en qualité d’agents, assistés de Me A. Dal Ferro, avocat,

partie défenderesse en première instance,

LE TRIBUNAL (chambre des pourvois),

composé de MM. M. Jaeger, président, J. Azizi (rapporteur) et S. Papasavvas, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 12 mars 2013,

rend le présent

Arrêt

1        Par son pourvoi introduit au titre de l’article 9 de l’annexe I du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, le requérant, M. Carlo De Nicola, demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (première chambre) du 28 juin 2011, De Nicola/BEI (F‑49/10, non encore publié au Recueil, ci-après l’« arrêt attaqué »), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant, d’une part, à l’annulation de la décision de la Banque européenne d’investissement (BEI) de ne pas ouvrir une procédure de conciliation concernant le remboursement de certains frais médicaux et, d’autre part, à la condamnation de la BEI à lui rembourser lesdits frais médicaux, majorés d’intérêts.

 Faits à l’origine du litige, procédure en première instance et arrêt attaqué

2        Les faits à l’origine du litige sont énoncés aux points 8 à 37 de l’arrêt attaqué de la manière suivante.

« 8      Le requérant est membre du personnel de la Banque depuis 1992.

9      Depuis 2003, il souffre de problèmes de dos.

10      En 2007, ses douleurs s’étant aggravées, le requérant a subi des examens par résonance magnétique, qui ont mis en évidence une aggravation diffuse de la pathologie diagnostiquée en 2003. Le requérant a alors consulté en Italie le docteur P., spécialisé en chirurgie générale et chirurgie d’urgence. Ce praticien, consulté notamment par des sportifs de renommée internationale, utilise une thérapie innovante fondée sur l’emploi d’un laser à haute énergie. Le requérant a bénéficié de cette thérapie, lors de séances chez le docteur P., les 29, 30 et 31 octobre 2007, ainsi que les 21, 22 et 23 novembre 2007. Selon une facture datée du 23 novembre 2007, ces séances lui ont coûté 3 000 euros.

11      À une date non précisée dans le dossier, le requérant a demandé le remboursement de ces frais médicaux (ci-après la ‘demande de remboursement’).

12      Avant de procéder au remboursement, la caisse d’assurance maladie a sollicité l’avis du médecin-conseil de la Banque (ci-après le ‘médecin-conseil’).

13      Par courriel du 22 janvier 2008, Mme V., chargée du dossier auprès de la caisse de maladie, a indiqué au requérant que le docteur M., médecin-conseil, avait besoin d’un rapport médical et d’une copie du protocole des radios qui avaient été effectuées, pour se prononcer sur la demande de remboursement.

14      Le requérant a transmis à Mme V., dans un premier temps, les résultats des examens par résonance magnétique qu’il avait subis puis, le 29 janvier 2008, un certificat médical du docteur P., daté du 29 octobre 2007.

15      Par courriel du 27 février 2008, Mme V. a fait savoir au requérant que le médecin-conseil, venu le jour précédent à la caisse de maladie, avait confirmé que le traitement dont avait bénéficié l’intéressé n’était ‘pas validé scientifiquement pour le moment’ et que, par suite, il n’était pas possible d’accueillir la demande de remboursement.

16      Par courriels du même jour, le requérant a demandé des éclaircissements sur les termes ‘non validé scientifiquement’ et sollicité une copie de l’avis du médecin-conseil.

17      Par courriel du même jour, Mme V. a répondu au requérant qu’elle n’avait pas le droit de lui donner copie de cet avis, en précisant : ‘[…] c’est un papier interne. [Le médecin-conseil] a juste écrit ce que je vous ai transmis.’

18      Par courriel du 5 mars 2008, le requérant s’est à nouveau adressé à Mme V., en soulignant que le docteur P. lui avait expliqué que sa thérapie reposait sur des bases scientifiques sérieuses et qu’elle était conforme aux directives européennes. Le requérant demandait à Mme V. la possibilité d’avoir un entretien avec le médecin-conseil.

19      Par courriel du même jour, Mme V. a proposé au requérant un rendez-vous avec le médecin-conseil le 11 mars 2008.

20      Le 6 mars 2008, au cours d’une réunion du comité des médecins-conseils des institutions de l’Union, le médecin-conseil a évoqué la demande de remboursement du requérant. Ce comité a partagé l’avis du médecin-conseil.

21      Le 11 mars 2008, le requérant a eu un entretien avec le médecin-conseil. Au cours de cet entretien, le requérant a indiqué au médecin-conseil avoir retiré un énorme bénéfice de la thérapie au laser, et a remis à ce praticien des documents illustrant la compétence reconnue et la notoriété internationale du docteur P., notamment un livre de celui-ci consacré à cette thérapie ainsi qu’une série de références d’autres publications pertinentes, certaines provenant de l’association allemande d’ostéopathie.

22      Le 8 avril 2008, le requérant a trouvé ce livre sur son bureau, sans aucune information ni message d’accompagnement. Par courriel du même jour, il a informé Mme V. que le livre qu’il avait donné au médecin-conseil lui avait été restitué et a demandé si son traitement lui serait remboursé.

23      Par courriel également du 8 avril 2008, Mme V. a répondu au requérant: ‘La dernière fois, [le médecin-conseil] m’a dit non.’

24      Le requérant ayant souhaité obtenir des explications sur le sens des termes ‘la dernière fois’, Mme V. a, par courriel du même jour, indiqué au requérant qu’il fallait entendre par ces mots : ‘lorsqu[e le médecin-conseil] m’a dit que je pouvais vous restituer le livre.’

25      Par courriel également daté du 8 avril 2008, adressé à M. C., chef d’unité de la caisse maladie et en copie à Mme V., le requérant a contesté le rejet de sa demande de remboursement, en insistant notamment sur la validité scientifique et la reconnaissance légale de la thérapie du docteur P.

26      Par courriel de ce même 8 avril 2008, M. C. a rejeté la demande de remboursement en indiquant notamment au requérant : ‘À la direction des ressources humaines, nous faisons toute confiance au médecin-conseil et nous ne pouvons pas contredire ses décisions. Si vous le souhaitez, je peux demander au médecin-conseil de clarifier les motifs de sa décision.’

27      Par courriel du 9 avril 2008, le requérant a répondu à M. C. qu’il souhaitait obtenir des éclaircissements de la part du médecin-conseil et qu’il espérait que ce dernier ou M. C. examineraient de manière plus approfondie sa demande de remboursement.

28      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 5 juin 2008, enregistrée sous la référence F‑55/08, principalement dirigée contre le refus de le promouvoir et relative à des faits de harcèlement moral dont il aurait été victime, [le requérant] a conclu également à l’annulation de la décision de rejet de sa demande de remboursement.

29      Dans le mémoire en défense qu’elle a présenté le 20 octobre 2008 dans l’affaire F‑55/08, la Banque, en ce qui concerne les conclusions dirigées contre cette décision de rejet, a objecté que le requérant, avant de saisir le Tribunal, n’a pas suivi la procédure interne de contestation prévue dans un tel cas. Cette procédure, mentionnée au point III de l’annexe II des dispositions internes en matière d’assurance maladie, prévoirait notamment, en cas de désaccord entre le médecin traitant du membre du personnel concerné et le médecin-conseil, la désignation d’un troisième médecin par l’ordre des médecins, à la demande de la Banque.

30      Par courriel du 5 mai 2009, le requérant, en se référant à l’objection soulevée par la Banque dans son mémoire en défense dans l’affaire F‑55/08, a demandé à M. G., directeur des ressources humaines au sein de la Banque, que l’avis d’un troisième médecin soit sollicité (ci-après la ‘demande de désignation d’un troisième médecin’). Le requérant précisait dans son courriel qu’il engageait cette démarche sans préjudice de son droit à contester le bien-fondé de l’objection soulevée par la Banque, devant le Tribunal ou, en cas de pourvoi, devant le Tribunal de première instance des Communautés européennes.

31      Par courriel du 5 mai 2009, M. G. a répondu au requérant que sa demande avait été transmise à Mme A., en charge de l’assurance maladie.

32      Le 30 novembre 2009, le Tribunal a rendu son arrêt dans l’affaire F‑55/08 (De Nicola/BEI, ci-après l’‘arrêt du 30 novembre 2009’, faisant l’objet d’un pourvoi pendant devant le Tribunal de l’Union européenne, affaire T‑37/10 P). Le recours du requérant a été rejeté. En ce qui concerne la décision de rejet de la demande de remboursement, le Tribunal a jugé que cette décision n’était pas entachée d’insuffisance de motivation et que le requérant, faute d’avoir contesté le refus de remboursement selon les modalités prévues par les dispositions internes en matière d’assurance maladie, n’était pas fondé à remettre en cause directement devant le juge l’avis du médecin-conseil.

33      Par courriel du 25 février 2010, le requérant a demandé à M. G. et Mme A. quelle était la situation concernant sa demande de remboursement.

34      Par courriel du 24 mars 2010 (ci-après la ‘décision de rejet de la demande de désignation d’un troisième médecin’), Mme A. a indiqué au requérant, d’abord qu’elle n’avait pas réagi plus tôt à la demande de désignation d’un troisième médecin afin de ne pas interférer dans un litige qui était porté devant le Tribunal, ensuite, que la demande de remboursement avait déjà été rejetée par décision du 26 février 2008, confirmée lors d’une réunion tenue le 11 mars 2008, et que le requérant n’avait pas demandé avant le 5 mai 2009 la désignation d’un troisième médecin, enfin, que la réclamation du requérant était manifestement tardive et, dès lors, irrecevable. Mme A. précisait que la réglementation de la Banque ne fixait aucun délai pour introduire une telle réclamation mais que, dans le silence des textes, le Tribunal de l’Union européenne avait jugé qu’un délai de trois mois devait être considéré comme raisonnable, délai que le requérant n’avait, en l’espèce, pas respecté.

35      Par courriel du même jour, le requérant a répondu à Mme A. qu’il prenait acte du refus de la Banque, en soulignant notamment que, selon lui, une décision de rejet de la demande de remboursement n’avait pas été clairement prise en 2008 par la Banque et que sa réclamation avait été présentée dans un délai raisonnable.

36      Par lettre du 27 avril 2010, le requérant a demandé au président de la Banque d’ouvrir une procédure de conciliation, conformément à l’article 41 du règlement du personnel (ci-après la ‘demande de conciliation’). Dans cette lettre, il se plaignait de ce que la direction des ressources humaines avait, en dépit de sa demande du 5 mai 2009, refusé d’engager la procédure interne relative aux différends à caractère médical et, en conséquence, rejeté sa demande de remboursement.

37      Par lettre du 7 mai 2010 (ci-après la ‘décision de rejet de la demande de conciliation’), qui aurait été communiquée au requérant par courriel du 11 mai 2010, M. G. a rejeté la demande d’ouverture d’une procédure de conciliation. Dans cette lettre, il était indiqué au requérant que sa demande du 5 mai 2009 tendant à la désignation d’un troisième médecin était manifestement tardive et donc irrecevable, et que la réponse du 24 mars 2010 de la direction des ressources humaines était un acte confirmatif, qui ne faisait pas grief au requérant et avait pour seul objet d’expliquer à ce dernier l’erreur procédurale qu’il avait commise en ne demandant pas, en 2008, la désignation d’un troisième médecin. M. G. précisait, à la fin de cette lettre, que la demande de conciliation aurait dû être adressée au président de la Banque dans un délai de trois mois après la décision négative adoptée sur la base de l’avis d’un troisième médecin. Cette dernière décision n’étant pas intervenue, la demande de conciliation ne serait pas recevable. »

3        Par requête déposée au greffe du Tribunal de la fonction publique le 24 juin 2010, le requérant a demandé, notamment, d’une part, l’annulation de la décision de la BEI du 7 mai 2010 rejetant comme irrecevable sa demande, au titre de l’article 41 du règlement du personnel de la BEI, tendant à ce que soit engagée une procédure de conciliation afin d’obtenir le remboursement de frais médicaux encourus pour un traitement par laser et, d’autre part, la condamnation de la BEI à lui rembourser la somme de 3 000 euros, majorée d’intérêts, au titre de ces frais.

4        Par l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a rejeté le recours dans son intégralité et a décidé que chaque partie supporte ses propres dépens.

5        Dans ses observations liminaires sur l’objet du recours, le Tribunal de la fonction publique a considéré ce qui suit (points 40 à 45 de l’arrêt attaqué) :

« 40      À titre liminaire, le Tribunal estime nécessaire de préciser la portée des conclusions du requérant, afin de déterminer l’objet du recours.

41      Le requérant demande expressément l’annulation de la décision de rejet de la demande de conciliation, par laquelle il contestait la décision de rejet de la demande de désignation d’un troisième médecin.

42      Or, d’une part, il a déjà été jugé par le Tribunal de l’Union européenne, par analogie avec la procédure administrative de réclamation instituée par l’article 90 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le ‘statut’), que des conclusions dirigées contre la prise de position d’un comité d’appel institué au sein de la Banque en matière d’évaluation des membres du personnel avaient pour effet de saisir le juge des rapports d’évaluation contre lesquels un tel recours administratif a été introduit (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal de première instance du 23 février 2001, De Nicola/BEI, T‑7/98, T‑208/98 et T‑109/99, point 132, ci-après l’‘arrêt du 23 février 2001’). Le Tribunal a jugé, dans le même sens, que des conclusions visant la décision d’un comité de recours compétent pour statuer sur des contestations dirigées contre des rapports d’appréciation et des décisions en matière de promotion avaient pour effet de saisir le juge de ces rapports et de ces décisions (arrêt [du Tribunal de la fonction publique] du 30 novembre 2009, [De Nicola/BEI, F‑55/08, non encore publié au Recueil,] points 84 à 86[, ci-après l’‘arrêt du 30 novembre 2009’]).

43      D’autre part, il ressort des termes de la décision de rejet de la demande de conciliation que celle-ci est fondée sur les mêmes motifs que la décision de rejet de la demande de désignation d’un troisième médecin. En outre, elle se termine par deux paragraphes dans lesquels son auteur considère que la demande de conciliation est irrecevable (voir point 37 du présent arrêt). La décision de rejet de la demande de conciliation, par son objet même, a ainsi fait obstacle à un réexamen de la demande de désignation d’un troisième médecin, sur laquelle aurait dû porter la procédure de conciliation, si celle-ci avait été ouverte. La décision de rejet de la demande de conciliation ne constitue donc pas une prise de position de la Banque qui se substituerait à la décision de rejet de la demande de désignation d’un troisième médecin.

44      Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que les conclusions dirigées contre le rejet de la demande de conciliation ont pour effet de saisir le Tribunal de conclusions visant la décision de rejet de la demande de désignation d’un troisième médecin.

45      Les conclusions en annulation présentées par le requérant doivent donc être analysées comme tendant seulement à l’annulation de la décision de rejet de la demande de désignation d’un troisième médecin. »

6        Ensuite, le Tribunal de la fonction publique a accueilli certaines fins de non-recevoir soulevées par la BEI, tirées de ce que le recours se heurterait à une exception de litispendance et n’aurait pas été précédé de la procédure médicale interne. À cet égard, il a jugé, notamment, ce qui suit (points 52 à 58 de l’arrêt attaqué) :

« 52      Ces fins de non-recevoir doivent être accueillies, mais seulement en ce qui concerne le deuxième chef de conclusions du requérant, tendant à la condamnation de la Banque à lui rembourser la somme de 3 000 euros, exposée pour le traitement au laser administré en 2007.

53      Par ce chef de conclusions, le requérant demande en effet que lui soit reconnu un droit au remboursement de ces frais, dans les mêmes conditions et par les mêmes moyens – tirés de ce que la thérapie du docteur P. serait validée scientifiquement et pleinement reconnue – que dans le cadre de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 30 novembre 2009, lequel fait l’objet d’un pourvoi pendant devant le Tribunal de l’Union européenne. Ce chef de conclusions oppose ainsi les mêmes parties et a le même objet que dans cette dernière affaire. L’exception de litispendance est ainsi soulevée à juste titre par la Banque.

54      En outre, le Tribunal n’est pas davantage en mesure que dans l’affaire F‑55/08 d’examiner le bien-fondé de ce chef de conclusions, la procédure destinée à demander l’intervention d’un troisième médecin n’ayant pas été conduite avant l’introduction du recours. Si le requérant prétend que c’est illégalement que la Banque a refusé de donner suite à sa demande de désignation d’un troisième médecin et qu’il a ainsi été dans l’impossibilité de se conformer à cette obligation procédurale préalablement à la saisine du juge, cette argumentation sera abordée par le Tribunal lors de l’examen des conclusions dirigées contre la décision de rejet de ladite demande.

55      Le chef de conclusions par lequel le requérant sollicite la condamnation de la Banque au remboursement des frais de sa thérapie au laser doit donc être rejeté comme irrecevable.

56      En revanche, les conclusions en annulation dirigées contre la décision de rejet de la demande de désignation d’un troisième médecin, adoptée après l’arrêt du 30 novembre 2009, soulèvent un litige distinct de celui soumis au Tribunal dans l’affaire F‑55/08. Elles ne peuvent donc se voir opposer une exception de litispendance.

57      En outre, la fin de non-recevoir selon laquelle le recours n’a pas été précédé de la procédure interne en matière d’assurance maladie est, par définition, inopérante à l’encontre de telles conclusions, par lesquelles le requérant conteste précisément la légalité de la décision de refus d’ouverture de cette procédure.

58      Il résulte de ce qui précède que le recours n’est recevable qu’en tant qu’il porte sur la légalité de la décision de rejet de la demande de désignation d’un troisième médecin. »

7        Le Tribunal de la fonction publique a finalement rejeté les conclusions tendant à l’annulation de la décision de rejet de la demande de désignation d’un troisième médecin en raison de sa tardiveté, en s’appuyant sur les motifs suivants (points 61 à 83 l’arrêt attaqué) :

« 61      Dans le présent litige, la question qu’il revient au Tribunal de trancher est celle de savoir si la demande de désignation d’un troisième médecin a été ou non présentée tardivement.

62      Il est constant qu’aucune règle interne de la Banque ne fixe le délai dans lequel une telle demande doit être introduite.

63      La Banque fait néanmoins valoir à juste titre que, pour être recevable à contester un acte lui faisant grief, un membre de son personnel doit agir dans un délai de trois mois.

64      Il a en effet été jugé que, dans les litiges entre la Banque et ses employés, litiges qui s’apparentent, par nature, aux litiges entre les institutions de l’Union et leurs fonctionnaires ou agents, il convenait, dans le silence du règlement du personnel, tout en tenant compte de la nature spécifique du régime applicable aux membres du personnel de la Banque, de s’inspirer des règles du statut et d’en faire une application par analogie (voir, en ce sens, arrêt du 23 février 2001, points 100 et 101).

65      Le Tribunal de première instance et le Tribunal ont ainsi considéré que, dans ces litiges, le délai pour introduire une demande de conciliation auprès de la Banque ou saisir un comité de recours interne en matière de promotion ou encore former un recours juridictionnel devait être fixé, en s’inspirant des articles 90 et 91 du statut, à un délai de trois mois (arrêt du 23 février 2001, point 107 ; ordonnance du Tribunal du 4 février 2011, Arango Jaramillo e.a./BEI, F‑34/10, point 14 ; arrêt du Tribunal du 8 mars 2011, De Nicola/BEI, F‑59/09, point 137). Dans la même perspective, le Tribunal a jugé qu’il convenait d’appliquer par analogie aux recours des membres du personnel de la Banque la règle résultant de l’article 91, paragraphe 1, du statut, selon laquelle le juge ne dispose d’aucun titre de compétence si le recours dont il est saisi n’est pas dirigé contre un acte que l’administration aurait adopté pour rejeter les prétentions du requérant (arrêt du 30 novembre 2009, point 239).

66      Dans ces arrêts, le juge a estimé, sur le fondement de l’article 41 du règlement du personnel, que les voies de contestation aménagées au sein de la Banque au profit des membres de son personnel et le droit de recours ouvert à ces derniers devant la Cour de justice avaient la même finalité que les procédures de réclamation et de recours prévues aux articles 90 et 91 du statut et que, en conséquence, l’application par analogie d’un délai de trois mois pouvait, comme pour les fonctionnaires et autres agents de l’Union, représenter une juste conciliation entre, d’une part, le droit à une protection juridictionnelle effective, qui suppose que l’intéressé dispose d’un délai suffisant pour évaluer la légalité de l’acte lui faisant grief et préparer, le cas échéant, sa requête, et, d’autre part, l’exigence de la sécurité juridique qui veut que, après l’écoulement d’un certain délai, les actes administratifs deviennent définitifs (voir, en ce sens, notamment, arrêt du 23 février 2001, points 98 et 99).

67      Il est vrai que la procédure en cause en l’espèce, par laquelle un membre du personnel peut, en sollicitant la désignation d’un troisième médecin, contester l’avis du médecin-conseil, n’a pas la même nature que les procédures mentionnées aux points précédents. Elle est en effet analogue dans ses modalités et finalités aux procédures de contestation prévues en matière médicale pour les fonctionnaires et autres agents de l’Union, procédures qui précèdent l’adoption de l’acte faisant grief fixant définitivement la position de l’autorité compétente et qui est seul susceptible d’être contesté par une réclamation puis par un recours.

68      Toutefois, cette circonstance n’est pas de nature à justifier une solution différente de celle retenue pour les procédures de contestation mentionnées précédemment.

69      En effet, d’abord, il a déjà été jugé que, même dans le cadre d’une procédure interne de contestation devant un comité de recours en matière de promotion, destinée à provoquer un réexamen du dossier par la Banque et donner naissance à une décision susceptible de faire l’objet d’une demande de conciliation, un délai de trois mois était applicable par analogie (arrêt De Nicola/BEI, F‑59/09, précité, point 140). La jurisprudence, sans aller jusqu’à dégager, comme le prétend la Banque, un principe général selon lequel un délai serait raisonnable s’il ne dépasse pas trois mois, n’a donc pas limité l’application par analogie du délai de trois mois à la seule procédure de conciliation.

70      Ensuite, il y a lieu de relever que la procédure de contestation en matière d’assurance maladie prévue au sein de la Banque est, ainsi qu’il a été jugé dans l’arrêt du 30 novembre 2009, un préalable à la saisine du juge. Elle s’apparente, sur ce point, davantage à la procédure de réclamation prévue à l’article 90, paragraphe 2, du statut qu’à la procédure de conciliation, laquelle n’a qu’un caractère facultatif.

71      Enfin, il serait dommageable à l’exigence de sécurité juridique que, dans le silence des textes, le délai dans lequel les actes de la Banque doivent être contestés varie en fonction de la nature des procédures en cause, notamment de leur plus ou moins grande analogie avec la procédure de réclamation prévue, pour les fonctionnaires et les autres agents de l’Union, par l’article 90, paragraphe 2, du statut.

72      Il y a donc lieu de considérer, à l’aune du raisonnement qui précède, notamment de l’exigence de sécurité juridique, que la demande de désignation d’un troisième médecin par le membre du personnel concerné doit être introduite dans un délai de trois mois. Le requérant n’est pas fondé à soutenir à cet égard que le rejet de sa demande de désignation d’un troisième médecin serait un simple acte de gestion qui n’émanerait pas de la Banque en qualité d’autorité publique et n’impliquerait donc pas l’application des règles du droit administratif, en particulier le délai de trois mois. En effet, de telles considérations n’ont jamais été retenues comme pertinentes par la Cour, laquelle a clairement jugé que les litiges entre la Banque et ses employés s’apparentent, par nature, aux litiges entre les institutions de l’Union et leurs fonctionnaires ou agents.

73      En l’espèce, il est constant que le requérant a introduit sa demande de désignation d’un troisième médecin le 5 mai 2009. Or, le requérant avait été clairement informé du rejet définitif de sa demande de remboursement par un courriel du 8 avril 2008. Il est donc manifeste que la demande de désignation n’a pas été présentée dans le délai exigé de trois mois.

74      Néanmoins, le Tribunal estime nécessaire d’examiner si le retard avec lequel le requérant a présenté sa demande pourrait être imputable, dans une mesure déterminante, à l’attitude de la Banque, ce qui permettrait de considérer que cette demande n’est, dans les circonstances de l’espèce, pas tardive. À l’audience, en effet, en faisant valoir qu’il n’avait pas eu connaissance des règles de la procédure médicale de recours en raison de son éviction prolongée de la Banque, le requérant a semblé invoquer la notion d’erreur excusable.

75      À cet égard, il convient de rappeler que la notion d’erreur excusable doit être interprétée de façon restrictive et ne peut viser que des circonstances exceptionnelles où, notamment, les institutions ont adopté un comportement de nature, à lui seul ou dans une mesure déterminante, à provoquer une confusion admissible dans l’esprit d’un justiciable de bonne foi et faisant preuve de toute la diligence requise d’une personne normalement avertie (arrêts de la Cour du 15 décembre 1994, Bayer/Commission, C‑195/91 P, point 26 ; et du 15 mai 2003, Pitsiorlas/Conseil et BCE, C‑193/01 P, point 24 ; arrêt du Tribunal de première instance du 11 novembre 2008, Speiser/Parlement, T‑390/07 P, point 33).

76      En l’espèce, il n’est pas exclu que la motivation de la décision de rejet de la demande de remboursement, telle qu’elle figure dans le courriel susmentionné du 8 avril 2008, ait pu induire le requérant en erreur sur les modalités de contestation de cette décision. Il semble en effet ressortir de cette motivation que M. C., auteur de ladite décision, estimait qu’il lui était en tout état de cause impossible de revenir sur l’avis du médecin-conseil. En outre, il n’était fait nulle mention, dans cette décision, de la possibilité, pour le requérant, de demander la désignation d’un troisième médecin.

77      Toutefois, plusieurs éléments permettent d’établir que le retard avec lequel le requérant a formé sa demande de désignation d’un troisième médecin n’est pas imputable à la Banque.

78      D’une part, il n’existe aucune ambiguïté dans le libellé du point III de l’annexe II des dispositions internes en matière d’assurance maladie, lequel dispose clairement qu’en cas de désaccord entre le médecin-conseil et le médecin traitant de l’assuré, il appartient à l’intéressé de demander à la Banque d’engager la procédure de désignation d’un troisième médecin. Le requérant ne saurait tirer valablement argument de son éviction de la Banque, qui a pris fin en 2005, pour justifier sa méconnaissance, en 2008, de ces dispositions.

79      D’autre part, même s’il est assez regrettable, au regard du devoir de sollicitude et du principe de bonne administration, dans un litige tel que celui de l’espèce, que les services compétents n’informent pas pleinement l’assuré de ses droits et paraissent méconnaître eux-mêmes l’existence d’une procédure de contestation des avis du médecin-conseil, aucun texte n’oblige la Banque à notifier les voies et délais de recours prévus contre un de ses actes faisant grief au membre de son personnel qui en est le destinataire.

80      En tout état de cause, à compter de la signification qui lui a été faite, à la fin de l’année 2008, du mémoire en défense dans l’affaire F‑55/08, dans lequel la Banque rappelait le caractère obligatoire de la procédure de contestation des avis du médecin-conseil, le requérant ne pouvait valablement soutenir qu’il n’avait pas connaissance d’une telle procédure. Or, ce n’est que le 5 mai 2009, qu’il a présenté sa demande de désignation d’un troisième médecin. Contrairement à ce que fait valoir le requérant, l’introduction de son recours, le 5 juin 2008, dans l’affaire F‑55/08, n’a pu avoir pour effet de suspendre le délai dans lequel la désignation d’un troisième médecin devait être demandée. Le requérant n’a d’ailleurs pas attendu la clôture de l’instance dans cette affaire pour présenter sa demande à cette fin, le 5 mai 2009.

81      Il résulte de tout ce qui précède que la Banque a, à bon droit, considéré que ladite demande était tardive et qu’elle devait, pour ce motif, être rejetée.

82      Dès lors, les conclusions en annulation dirigées contre la décision de rejet de la demande de désignation d’un troisième médecin doivent être rejetées.

83      En conséquence, le recours doit être rejeté dans son intégralité. »

 Sur le pourvoi

 Procédure et conclusions des parties

8        Par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 3 août 2011, le requérant a formé le présent pourvoi.

9        Le 21 octobre 2011, la BEI a déposé le mémoire en réponse.

10      Par lettre motivée déposée au greffe du Tribunal le 12 décembre 2011, le requérant a demandé, en vertu de l’article 146 du règlement de procédure du Tribunal, à être entendu dans le cadre de la phase orale de la procédure.

11      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (chambre des pourvois) a fait droit à la demande du requérant et a ouvert la procédure orale.

12      Par lettre du 26 novembre 2012, au titre de mesure d’organisation de la procédure en vertu de l’article 64 du règlement de procédure, le Tribunal a invité les parties à se prononcer, à l’audience, sur les conséquences qu’il convenait de tirer, pour la solution du présent litige, de l’arrêt du Tribunal du 27 avril 2012, De Nicola/BEI, T‑37/10 P, non encore publié au Recueil (ci-après l’« arrêt du 27 avril 2012 »).

13      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal à l’audience du 12 mars 2013.

14      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        « réformer » l’arrêt attaqué ;

–        faire droit aux conclusions de la requête introductive de première instance ;

–        condamner la BEI aux dépens des deux instances.

15      La BEI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le pourvoi comme irrecevable et/ou non fondé ;

–        condamner le requérant aux dépens de la présente instance.

 En droit

 Résumé des moyens de pourvoi

16      Le requérant invoque essentiellement quatre moyens. Premièrement, le requérant reproche au Tribunal de la fonction publique d’avoir commis une erreur de droit en jugeant tardive sa demande de désignation d’un troisième médecin pour donner un avis sur sa demande de remboursement des frais médicaux encourus pour un traitement par laser. Deuxièmement, le requérant fait grief au Tribunal de la fonction publique d’avoir illégalement omis de se prononcer sur sa demande d’annulation de la décision de refus d’ouvrir la procédure de conciliation au titre de l’article 41 du règlement du personnel de la BEI. Troisièmement, le requérant reproche au Tribunal de la fonction publique d’avoir omis de se prononcer sur le refus implicite de la BEI de lui verser la somme de 3 000 euros au titre de remboursement de frais médicaux. Quatrièmement, le requérant fait grief au Tribunal de la fonction publique d’avoir rejeté à tort comme irrecevable sa demande de condamnation au remboursement des frais médicaux pour cause de litispendance.

 Sur le premier moyen, tiré d’une erreur de droit prétendument commise par le Tribunal de la fonction publique en ayant jugé tardive la demande de désignation d’un troisième médecin

17      Par son premier moyen, le requérant soutient, en substance, que le Tribunal de la fonction publique a jugé à tort que sa demande de désignation d’un troisième médecin était tardive et donc irrecevable.

18      En premier lieu, il estime que le début du délai pour demander la désignation d’un troisième médecin aurait dû être calculé à partir de la décision de rejet de sa demande du 24 mars 2010.

19      En deuxième lieu, selon le requérant, en l’absence de compétence déléguée, ni Mme V. ni M. C. n’avaient adopté une telle décision ou n’avaient le pouvoir d’en adopter une à son égard. En se limitant à communiquer au requérant l’avis du médecin-conseil, Mme V. n’aurait donc pas adopté une décision de refus. Dès lors, la décision de rejet de la demande de désignation d’un troisième médecin serait la première et la seule à avoir clairement refusé le remboursement des frais médicaux en cause.

20      En troisième lieu, le requérant fait valoir que l’avis du médecin-conseil n’est qu’un « avis » ou « acte interne », qui, en tant que tel, à la différence de la décision de rejet de la demande de désignation d’un troisième médecin, ne fait pas grief et ne peut être attaqué isolément.

21      En quatrième lieu, l’absence de délai aurait permis à Mme A. de ne répondre que le 24 mars 2010 à la demande du requérant du 5 mai 2009. Le requérant aurait été certain, d’une part, que la BEI n’avait pas encore adopté de décision de rejet et, d’autre part, que l’inaction injustifiée et persistante du médecin-conseil l’autorisait à interpréter ce silence comme un refus arbitraire de contacter son médecin traitant pour tenter de parvenir à un accord, permettant ainsi au requérant de demander la désignation d’un troisième médecin. Selon le requérant, à défaut d’accord entre le médecin-conseil et le médecin traitant et de motivation suffisante de la prétendue décision de rejet de la demande de remboursement des frais médicaux, le délai dans lequel la désignation du troisième médecin doit être demandée n’aurait jamais commencé à courir. Au contraire, en vertu de son devoir de traiter avec diligence les demandes qui lui sont adressées par les membres de son personnel, la BEI aurait dû interpeller le médecin-conseil ou communiquer au requérant le rejet de sa demande de remboursement.

22      En cinquième lieu, le requérant conteste avoir été dûment informé par la BEI de la procédure à suivre par le mémoire en défense présenté dans l’affaire F‑55/08. En outre, il fait valoir, en substance, que, à la suite de sa réintégration dans son poste au sein de la BEI, aucun membre de la direction des ressources humaines ne lui aurait communiqué les nouvelles procédures internes adoptées pendant son absence, même pas à l’occasion du rejet de sa demande de remboursement litigieuse. Enfin, le requérant estime que, même dans le cadre du droit administratif, des droits patrimoniaux ne sont pas soumis à des délais de forclusion.

23      En sixième lieu, en substance, le requérant conteste l’analogie opérée par le Tribunal de la fonction publique par rapport aux règles du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut des fonctionnaires »), c’est-à-dire un régime de droit public, pour compléter la réglementation interne de la BEI. Cette dernière reposerait sur un régime de droit privé et ne prévoirait précisément pas de délai de forclusion pour contester un acte faisant grief à un membre de son personnel.

24      Le requérant conclut des considérations qui précèdent que, en l’absence d’acte attaquable intervenu avant la décision de rejet de la demande de désignation d’un troisième médecin, du 24 mars 2010, et fût-ce en raison de son erreur excusable, il a formé son recours en temps utile.

25      La BEI rétorque, en substance, que le courriel de M. C. adressé au requérant, du 8 avril 2008, constituait un acte faisant grief en tant qu’il rejetait, de manière définitive, sa demande de remboursement des frais médicaux, ce que le Tribunal de la fonction publique aurait reconnu au point 73 de l’arrêt attaqué. En effet, les actes faisant grief à un agent et pouvant faire l’objet d’un recours en annulation sont ceux qui produisent des effets juridiques obligatoires, de nature à affecter ses intérêts, en modifiant de façon caractérisée sa situation juridique. Ce serait donc à partir du 8 avril 2008 que le délai raisonnable de trois mois pour engager la procédure de contestation et pour demander la désignation d’un troisième médecin devait être calculé. Dès lors, le Tribunal de la fonction publique n’aurait pas commis d’erreur de droit concernant le calcul du délai raisonnable.

26      Même à considérer que la BEI n’ait pas répondu explicitement à la demande du requérant en lui refusant le remboursement des frais médicaux, celui-ci n’aurait pas pu attendre de façon illimitée une telle réponse pour pouvoir demander la désignation d’un troisième médecin. Dans une telle hypothèse, le silence de l’institution aurait valu refus que le requérant aurait eu le droit d’attaquer devant le juge de l’Union européenne dans un délai raisonnable de trois mois, tel que reconnu par une jurisprudence établie, qu’il n’aurait pas respecté dans le cas d’espèce. En effet, selon la BEI, le requérant a demandé le remboursement des frais médicaux avant le 22 janvier 2008 (point 13 de l’arrêt attaqué) et connaissait certainement, dès le mois de décembre 2008, à la suite de la signification du mémoire en défense de la BEI dans l’affaire F‑55/08, les détails de la procédure de désignation d’un troisième médecin (points 29 et 80 de l’arrêt attaqué). À l’audience, la BEI a précisé que, bien qu’une application par analogie de l’article 91 du statut des fonctionnaires au cas d’espèce ne soit pas possible, le requérant n’a pas respecté un délai raisonnable pour demander la désignation d’un troisième médecin.

27      La BEI en conclut que le présent moyen doit être rejeté comme irrecevable.

28      Le Tribunal rappelle que, dans le cadre du présent moyen, le requérant reproche au Tribunal de la fonction publique, en substance, d’avoir fait une application erronée du principe du délai raisonnable pour déclarer sa demande de désignation d’un troisième médecin – sous couvert de la demande d’ouvrir la procédure de conciliation au titre de l’article 41 du règlement du personnel – tardive et, partant, rejeter ses conclusions en annulation.

29      S’agissant du principe du délai raisonnable, il y a lieu de rappeler que, dans son arrêt du 28 février 2013, Réexamen Arango Jaramillo e.a./BEI (C‑334/12 RX-II, non encore publié au Recueil, points 25 à 46), sur lequel les parties avaient l’occasion de se prononcer à l’audience, la Cour a jugé, en substance, que, lorsque la durée d’une procédure n’est pas fixée par une disposition du droit de l’Union, le caractère « raisonnable » du délai pris par l’institution pour adopter l’acte en cause devait être apprécié en fonction de l’ensemble des circonstances propres à chaque affaire et, notamment, de l’enjeu du litige pour l’intéressé, de la complexité de l’affaire et du comportement des parties en présence. Ainsi, le caractère raisonnable d’un délai ne saurait être fixé par référence à une limite maximale précise, déterminée de manière abstraite, mais doit être apprécié dans chaque cas d’espèce en fonction des circonstances de la cause. Par ailleurs, eu égard à l’impératif de cohérence, il convient d’appliquer la notion de « délai raisonnable » de la même manière lorsqu’elle concerne un recours ou une demande dont aucune disposition du droit de l’Union n’a prévu le délai dans lequel ce recours ou cette demande doivent être introduits. Dans les deux cas, le juge de l’Union est tenu de prendre en considération les circonstances propres de l’espèce.

30      S’agissant plus précisément de l’application de l’article 41 du règlement du personnel de la BEI, la Cour a considéré, au point 39 dudit arrêt, que cette disposition ne fixait pas un délai de recours, mais se limitait à énoncer la compétence du juge de l’Union pour statuer sur les litiges entre la BEI et ses agents, de sorte que ce dernier se trouve, dans le silence dudit règlement, dans l’obligation d’appliquer la notion de délai raisonnable. Elle a précisé que cette notion, qui suppose de prendre en compte toutes les circonstances du cas d’espèce, ne pouvait donc être entendue comme un délai de forclusion spécifique et que, partant, le délai de trois mois prévu à l’article 91, paragraphe 3, du statut des fonctionnaires ne pouvait s’appliquer par analogie en tant que délai de forclusion aux agents de la BEI lorsqu’ils introduisent un recours en annulation à l’encontre d’un acte émanant de cette dernière qui leur fait grief.

31      En outre, eu égard au principe de protection juridictionnelle effective, en tant que principe général du droit de l’Union aujourd’hui exprimé à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (JO 2010, C 83, p. 389), la Cour a jugé, en substance, aux points 40 à 45 de son arrêt, que, dans un cas où le délai de recours des agents de la BEI contre les actes leur faisant grief n’a pas été fixé préalablement par une règle du droit de l’Union ni limité conformément à l’article 52, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux, il est constant que les agents concernés, eu égard à la jurisprudence de la Cour relative à l’application de la notion de « délai raisonnable », sont en droit de s’attendre non pas à ce que le juge de l’Union oppose un délai préfix de forclusion à leur recours, mais à ce qu’il se borne à appliquer les critères reconnus par cette jurisprudence pour juger de la recevabilité de celui-ci. Or, selon la Cour, une dénaturation de la notion de délai raisonnable par l’imposition d’un tel délai préfix placerait lesdits agents dans l’impossibilité de défendre leurs droits au moyen d’un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux.

32      À l’audience, en réponse à des questions orales du Tribunal, la BEI a reconnu la pertinence de la jurisprudence précitée et l’applicabilité du principe du délai raisonnable à toute contestation, dans le cadre d’une procédure interne à une institution ou à un organe pour laquelle la réglementation en cause ne prévoit pas de délai spécifique.

33      Force est de constater que tel est également le cas de la procédure spéciale de contestation, applicable au sein de la BEI, engagée à la demande de l’assuré, en cas de désaccord entre le médecin-conseil et le médecin traitant sur la question de l’éligibilité pour remboursement de certains frais médicaux, telle que visée au point III, second alinéa, de l’annexe II des dispositions internes en matière d’assurance maladie, adoptées, conformément au règlement du personnel, par le comité de direction le 1er janvier 1988. En effet, cette disposition ne prévoit pas de délai de contestation spécifique et se lit comme suit :

« Si la Banque estime que des frais médicaux sont excessifs, non nécessaires, ou dans le cas des exceptions énumérées au point II [concernant les frais pouvant être exclus du remboursement ou non remboursables], elle peut solliciter l’avis de son médecin-conseil, lequel peut consulter le médecin traitant de l’assuré ou un autre médecin désigné par ce dernier.

En cas de désaccord entre les deux médecins et à la demande de l’assuré, la Banque prend sa décision sur la base de l’avis rendu par un troisième médecin désigné, à la demande de la Banque, par l’ordre des médecins. »

34      Or, à cet égard, le Tribunal de la fonction publique a jugé, au point 66 de l’arrêt attaqué, que, compte tenu de la même finalité poursuivie par les procédures de réclamation et de recours prévues aux articles 90 et 91 du statut des fonctionnaires, en l’espèce, l’application par analogie d’un délai de trois mois pouvait, comme pour les fonctionnaires et autres agents de l’Union, représenter une juste conciliation entre, d’une part, le droit à une protection juridictionnelle effective, qui suppose que l’intéressé dispose d’un délai suffisant pour évaluer la légalité de l’acte lui faisant grief et préparer, le cas échéant, sa requête, et, d’autre part, l’exigence de la sécurité juridique, qui veut que, après l’écoulement d’un certain délai, les actes administratifs deviennent définitifs. Selon le Tribunal de la fonction publique, alors même que la procédure spéciale de contestation visée au point 33 ci-dessus n’a pas la même nature que d’autres procédures internes d’appel ou de conciliation, mais est analogue dans ses modalités et finalités aux procédures de contestation prévues en matière médicale pour les fonctionnaires et autres agents de l’Union, procédures qui précèdent l’adoption de l’acte faisant grief fixant définitivement la position de l’autorité compétente et qui est seul susceptible d’être contesté par une réclamation puis par un recours, cette circonstance n’est pas de nature à justifier une solution différente de celle retenue pour les procédures de contestation relevant du statut des fonctionnaires (points 67 et 68 de l’arrêt attaqué). Le Tribunal de la fonction publique a relevé en outre, en substance, que la procédure de contestation en matière d’assurance maladie est un préalable à la saisine du juge de l’Union, dès lors qu’elle s’apparente, sur ce point, davantage à la procédure de réclamation prévue à l’article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires qu’à la procédure de conciliation au titre de l’article 41 du règlement du personnel de la BEI, laquelle n’a qu’un caractère facultatif (point 70 de l’arrêt attaqué). Il a ajouté qu’il serait dommageable à l’exigence de sécurité juridique que, dans le silence des textes, le délai dans lequel les actes de la BEI doivent être contestés varie en fonction de la nature des procédures en cause, notamment de leur plus ou moins grande analogie avec la procédure de réclamation prévue, pour les fonctionnaires et les autres agents de l’Union, par l’article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires (point 71 de l’arrêt attaqué). Il en a finalement conclu que, à l’aune notamment de l’exigence de sécurité juridique, la demande de désignation d’un troisième médecin par le membre du personnel concerné doit être introduite dans un délai de trois mois (point 72 de l’arrêt attaqué).

35      Toutefois, cette reconnaissance par le Tribunal de la fonction publique d’un délai de forclusion strict de trois mois, qui serait applicable à toute contestation au titre du point III, second alinéa, de l’annexe II des dispositions internes en matière d’assurance maladie, écarte d’emblée l’obligation au titre du principe du délai raisonnable de prendre en considération toutes les circonstances de l’espèce. Partant, elle n’est pas compatible avec les principes jurisprudentiels exposés au point 29 ci-dessus et est donc entachée d’une erreur de droit.

36      Il convient de vérifier si, compte tenu des circonstances de l’espèce, le Tribunal de la fonction publique était néanmoins fondé à conclure que le requérant n’avait pas respecté un délai raisonnable pour introduire sa demande de désignation d’un troisième médecin. À cet égard, il importe de relever que le juge de pourvoi est compétent pour vérifier la qualification juridique correcte des faits pertinents, tels que constatés par le juge de première instance, au regard du principe du délai raisonnable, le respect dudit délai étant une question de droit (voir, en ce sens et par analogie, ordonnance du Tribunal du 18 juillet 2011, Marcuccio/Commission, T‑450/10 P, non publiée au Recueil, point 31).

37      Dès lors, il y a lieu d’examiner si le Tribunal de la fonction publique pouvait valablement considérer, aux points 73 à 81 de l’arrêt attaqué, que le requérant avait introduit sa demande de désignation d’un troisième médecin de manière tardive, c’est-à-dire en dehors d’un délai raisonnable.

38      À cet égard, il convient de rappeler que le requérant conteste, en particulier, l’existence d’une décision de rejet définitive de sa demande de remboursement qui aurait pu déclencher le délai raisonnable pour l’introduction de sa demande de désigner un troisième médecin. Selon le requérant, contrairement à l’affirmation du Tribunal de la fonction publique, exposée au point 73 de l’arrêt attaqué, il n’avait pas été clairement informé du rejet définitif de sa demande de remboursement par un courriel du 8 avril 2008. Or, dans ce même point, le Tribunal de la fonction publique a jugé que, compte tenu dudit rejet définitif de la demande de remboursement des frais médicaux, la demande du requérant de voir désigner un troisième médecin, du 5 mai 2009, était manifestement en dehors du « délai exigé de trois mois ».

39      Néanmoins, conformément aux exigences au titre du principe du délai raisonnable, le Tribunal de la fonction publique a examiné si le retard avec lequel le requérant a présenté sa demande était imputable, dans une mesure déterminante, à l’attitude de la BEI, ce qui aurait permis de considérer que cette demande n’était, dans les circonstances de l’espèce, pas tardive (point 74 de l’arrêt attaqué). Ainsi, dans le cadre de son appréciation de la notion d’erreur excusable, le Tribunal de la fonction publique a estimé que, en l’espèce, il n’était pas exclu que la motivation de la décision de rejet de la demande de remboursement, telle qu’elle figurait dans le courriel du 8 avril 2008, ait pu induire le requérant en erreur sur les modalités de contestation de cette décision, qu’il semblait en effet ressortir de cette motivation que M. C., auteur de ladite décision, estimait qu’il lui était en tout état de cause impossible de revenir sur l’avis du médecin-conseil et qu’il n’était fait nulle mention, dans cette décision, de la possibilité, pour le requérant, de demander la désignation d’un troisième médecin (point 76 de l’arrêt attaqué).

40      Le Tribunal de la fonction publique a toutefois conclu que le retard avec lequel le requérant a formé sa demande de désignation d’un troisième médecin n’était pas imputable à la BEI (point 77 de l’arrêt attaqué), puisque, d’une part, le libellé du point III de l’annexe II des dispositions internes en matière d’assurance maladie ne serait pas ambigu quant à la nécessité pour l’assuré de faire la demande en cause (point 78 de l’arrêt attaqué) et, d’autre part, même s’il était assez regrettable, au regard du devoir de sollicitude et du principe de bonne administration, dans un litige tel que celui de l’espèce, que les services compétents n’informent pas pleinement l’assuré de ses droits et paraissent méconnaître eux-mêmes l’existence d’une procédure de contestation des avis du médecin-conseil, aucun texte n’obligeait la BEI à notifier les voies et délais de recours prévus contre un de ses actes faisant grief au membre de son personnel qui en est le destinataire (point 79 de l’arrêt attaqué). Enfin, le Tribunal de la fonction publique a jugé, notamment, que l’introduction par le requérant de son recours, le 5 juin 2008, dans l’affaire F‑55/08, n’a pu avoir pour effet de suspendre le délai dans lequel la désignation d’un troisième médecin devait être demandée (point 80 de l’arrêt attaqué).

41      Cependant, eu égard aux circonstances de l’espèce, telle que constatées par le Tribunal de la fonction publique, celui-ci n’était pas en droit de juger que le requérant n’avait pas réagi dans un délai raisonnable pour introduire sa demande de désignation d’un troisième médecin. En effet, les appréciations rappelées aux points 38 à 40 ci-dessus procèdent d’une méconnaissance de la notion de délai raisonnable, lorsqu’elle est appliquée au cas d’espèce, qui porte sur le début, sur l’interruption ainsi que sur la durée dudit délai.

42      En premier lieu, s’agissant du début du délai raisonnable, le courriel du 8 avril 2008 doit, certes, être considéré comme un acte faisant grief, en ce qu’il rejette « définitivement » la demande de remboursement du requérant (point 73 de l’arrêt attaqué). C’est d’ailleurs de cette manière que le requérant a compris ledit courriel ainsi que les prises de position antérieures de Mme V., raison pour laquelle il les a contestées dans le cadre de l’affaire F‑55/08 (arrêt du Tribunal de la fonction publique du 30 novembre 2009, De Nicola/BEI, F‑55/08, RecFP p. I‑A‑1‑469 et II‑A‑1‑2529, ci-après l’« arrêt du 30 novembre 2009 », points 204 et suivants). Sans préjudice du bien-fondé des motifs avancés à son appui, le libellé de ce courriel ne laisse persister aucun doute à cet égard, M. C. indiquant, notamment, qu’il ne pouvait « pas contredire [l]es décisions [du médecin-conseil] » et se limitant à proposer au requérant de « demander au médecin-conseil de clarifier les motifs de sa décision ». Toutefois, il n’en résulte pas pour autant que cet acte ait déclenché le délai raisonnable pour le dépôt de la demande de désigner un troisième médecin. En effet, les motifs assez vagues avancés dans le courriel du 8 avril 2008 étaient susceptibles de créer à l’égard du requérant une attente légitime à ce que l’administration revienne néanmoins sur sa décision, le cas échéant, à la suite d’une « clarifi[cation d]es motifs de [l]a décision [du médecin-conseil] ». Le requérant a d’ailleurs exprimé cette attente dans son courriel adressé à M. C. du 9 avril 2008. En outre, ainsi que le Tribunal de la fonction publique le constate lui-même au point 76 de l’arrêt attaqué, le courriel du 8 avril 2008 était susceptible d’« induire le requérant en erreur sur les modalités de contestation » pertinentes, puisque M. C. lui a fait uniquement savoir qu’« il lui était en tout état de cause impossible de revenir sur l’avis du médecin-conseil », sans pour autant mentionner « la possibilité, pour le requérant, de demander la désignation d’un troisième médecin ».

43      Par ailleurs, le fait que, dans une telle situation, les services compétents, qui sont pourtant censés être étroitement familiarisés avec les règles applicables, n’attirent pas l’attention de l’assuré, fût-ce par négligence, sur la possibilité qui lui est offerte par le point III, second alinéa, de l’annexe II des dispositions internes en matière d’assurance maladie, à savoir celle de demander la désignation d’un troisième médecin, voire l’induisent activement en erreur, est manifestement contraire au principe de sollicitude (voir à cet égard également point 79 de l’arrêt attaqué). Même si les textes applicables ne prescrivent pas expressément une obligation d’information à cet effet, il n’en demeure pas moins que, compte tenu des circonstances particulières de l’espèce et du principe de sollicitude, qui exige de l’administration de tenir dûment compte des intérêts des membres de son personnel (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 8 mars 2005, D/BEI, T‑275/02, RecFP p. I‑A‑51 et II‑211, points 83 et 84), le manque d’information, voire la désinformation, et le comportement des services compétents décrits ci-dessus ne peuvent avoir pour effet de déclencher un délai dont l’écoulement aurait pour conséquence la perte définitive par l’intéressé d’un droit ou d’un avantage individuel. Dans ces conditions, le Tribunal de la fonction publique n’était pas fondé à constater que le délai raisonnable aurait commencé à courir le 8 avril 2008 au seul motif que le requérant était censé connaître lui-même les règles pertinentes lui permettant de sauvegarder ses droits (voir point 78 de l’arrêt attaqué).

44      En deuxième lieu, s’agissant de l’interruption du délai raisonnable, à supposer même que, en l’espèce, ce délai ait commencé à courir à partir du 8 avril 2008, le Tribunal de la fonction publique n’était pas en droit de considérer que, par le dépôt de son recours dans l’affaire F‑55/08, le 5 juin 2008 (point 28 de l’arrêt attaqué), le requérant n’avait pas interrompu ce délai (voir point 80 de l’arrêt attaqué). À cet égard, il y a lieu de préciser que, dans le cadre de ce recours, le requérant s’est précisément plaint du manque de motivation et de justification du rejet de sa demande de remboursement des frais médicaux (voir arrêt du 30 novembre 2009, point 42 supra, points 204 à 213). Or, cette contestation ne pouvait être comprise par la BEI qu’en ce sens que le requérant insistait sur sa demande de remboursement, raison pour laquelle elle a évoqué, pour la première fois dans son mémoire en défense, déposé le 20 octobre 2008 dans le cadre de cette même affaire, les dispositions procédurales pertinentes régissant la procédure de contestation des avis du médecin-conseil (voir points 29 et 80 de l’arrêt attaqué). En tout état de cause, c’est au plus tôt à partir de la signification de ce mémoire en défense, c’est-à-dire « à la fin de l’année 2008 » (point 80 de l’arrêt attaqué), que le requérant a pris activement connaissance desdites dispositions et que, partant, le délai raisonnable pouvait soit reprendre, soit commencer à courir.

45      En troisième lieu, s’agissant de la durée du délai raisonnable, quoique le requérant eût, certes, pu réagir plus tôt que le 5 mai 2009, date de son courriel contenant sa demande de désignation d’un troisième médecin, l’écoulement d’un délai d’environ cinq mois ne peut pas être considéré comme déraisonnable au regard des circonstances de l’espèce. D’une part, même en acceptant l’argumentation proposée par la BEI, qui est inspirée d’une analogie stricte et erronée par rapport aux articles 90 et 91 du statut des fonctionnaires (voir points 29 à 35 ci-dessus), la décision de rejet implicite due à l’absence de réponse de l’administration ne serait intervenue qu’au terme de quatre mois, délai auquel se seraient rajoutés trois mois pour le dépôt d’un recours. Or, dans ces conditions, le requérant aurait disposé d’un délai d’une durée totale de sept mois pour former son recours devant le Tribunal de la fonction publique. D’autre part, en l’espèce, le respect par le requérant d’un délai raisonnable est surtout appuyé par le fait que, à l’époque des faits à l’origine de la présente affaire, la procédure dans l’affaire F‑55/08 visant, notamment, la légalité du rejet de la demande de remboursement des frais médicaux était toujours en cours et que, du point de vue du requérant, dans l’hypothèse d’une annulation dudit rejet par le Tribunal de la fonction publique, une demande de désigner un troisième médecin aurait perdu son objet et intérêt. Dans ce contexte, est incohérent, voire intrinsèquement contradictoire, le constat exposé au point 80 in fine de l’arrêt attaqué, selon lequel « [l]e requérant n’a d’ailleurs pas attendu la clôture de l’instance dans cette affaire pour présenter sa demande à cette fin, le 5 mai 2009 ». En effet, ce constat semble indiquer que le Tribunal de la fonction publique aurait pu arriver à la conclusion contraire et constater le respect par le requérant d’un délai raisonnable si celui-ci avait fait cette demande seulement après le prononcé de l’arrêt mettant fin à l’instance de l’affaire F‑55/08, c’est-à-dire postérieurement à la date du 30 novembre 2009. En tout état de cause, le requérant, qui était convaincu du bien-fondé de sa contestation dans le cadre de cette même affaire, pouvait raisonnablement attendre le résultat de cette procédure litigieuse avant de demander la désignation d’un troisième médecin.

46      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que, en l’espèce, la demande du requérant de désigner un troisième médecin, au titre du point III, second alinéa, de l’annexe II des dispositions internes en matière d’assurance maladie, n’était pas tardive et que le Tribunal de la fonction publique a commis une erreur de droit, sans qu’il faille se prononcer sur la question de l’existence d’une erreur excusable de la part du requérant (voir point 75 de l’arrêt attaqué).

47      Par conséquent, il convient d’accueillir le premier moyen, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres arguments et griefs soulevés par les parties dans ce contexte.

 Sur le deuxième moyen, tiré de l’omission illégale de se prononcer sur la demande d’annulation de la décision de refus d’ouvrir la procédure de conciliation au titre de l’article 41 du règlement du personnel de la BEI

48      Par le deuxième moyen, le requérant reproche essentiellement au Tribunal de la fonction publique d’avoir illégalement omis de se prononcer sur sa demande d’annulation de la décision de refus d’ouvrir la procédure de conciliation au titre de l’article 41 du règlement du personnel de la BEI. Au soutien de ce moyen, le requérant rappelle, notamment, que, en raison de son caractère facultatif, la conduite de ladite procédure de conciliation n’est pas une condition obligatoire préalable au dépôt d’un recours devant le juge de l’Union, qu’un membre du personnel de la BEI, à la différence d’un fonctionnaire soumis aux règles du statut des fonctionnaires, peut saisir directement. Dans ces conditions, les points 32, 44 et 45 de l’arrêt attaqué seraient viciés.

49      Selon le requérant, en l’absence d’une décision de la commission de conciliation, « le refus d’ouvrir cette procédure vaut pour ce qu’il est effectivement et non pour les motifs indiqués aux points 44 et 45 » de l’arrêt attaqué, de sorte que le juge de l’Union « peut être et a été appelé à juger de la légalité de ce refus considéré en soi et non des illégalités d’une décision inexistante du comité de recours ». Ainsi, lorsqu’un membre du personnel de la BEI présente une demande au titre de l’article 41 de son règlement du personnel, d’une part, il manifesterait son intérêt à aboutir à un règlement amiable du litige et, d’autre part, il interromprait le délai qui lui est imparti pour saisir le juge. Le requérant précise que ledit article vise surtout à assurer la protection de la BEI et à minimiser le coût social des litiges internes, raison pour laquelle la BEI pourrait demander, elle aussi, l’engagement de la procédure de conciliation. Dès lors, le refus de donner suite à une demande de constituer la commission de conciliation et d’ouvrir cette procédure serait illégal et ne pourrait être justifié par l’irrecevabilité d’un éventuel recours juridictionnel ultérieur, d’autant que ladite commission ne doit pas nécessairement trancher en droit.

50      La BEI conteste les arguments du requérant et conclut au rejet du présent moyen.

51      Le Tribunal relève que, par le présent moyen, le requérant reproche, en substance, au Tribunal de la fonction publique de ne pas s’être prononcé sur la décision de refus de la BEI d’ouvrir la procédure de conciliation au titre de l’article 41 de son règlement du personnel, en interprétant ses conclusions en annulation comme « tendant seulement à l’annulation de la décision de rejet de la demande de désignation d’un troisième médecin » (point 45 de l’arrêt attaqué), alors même que ce refus lui ferait grief au-delà de cette décision.

52      Or, étant donné qu’il convient d’accueillir le premier moyen et de juger que le Tribunal de la fonction publique n’était pas en droit de déclarer tardive la demande de désignation d’un troisième médecin (voir points 46 et 47 ci-dessus), le rejet de laquelle constituait le motif unique du requérant pour, d’abord, saisir la commission de conciliation et, ensuite, contester devant le Tribunal de la fonction publique la décision de refus d’ouvrir la procédure de conciliation, contestation que ledit Tribunal a réinterprétée comme tendant seulement à l’annulation de la décision de rejet de la demande de désignation d’un troisième médecin (points 40 à 45 de l’arrêt attaqué), le présent moyen est devenu sans objet et il n’y a plus lieu de se prononcer à cet égard.

 Sur les troisième et quatrième moyens, tirés respectivement du refus implicite illégal d’accorder au requérant le montant de 3 000 euros au titre de remboursement de frais médicaux ainsi que du rejet illégal de la demande de condamnation au remboursement desdits frais comme irrecevable, pour cause de litispendance

53      Dans le cadre du troisième moyen, le requérant avance que le refus de lui accorder le montant de 3 000 euros au titre de remboursement de frais médicaux est manifestement illégal, l’absence de motivation à cet égard constituant déjà, en soi, une indication de l’excès de pouvoir. En outre, le remboursement n’aurait pu légalement être refusé que « dans trois cas », alors que la motivation avancée par le médecin-conseil ne correspondrait à aucun de ces cas. Selon le requérant, en ce que le Tribunal de la fonction publique a renoncé à examiner le bien-fondé de « cette décision », le point 54 de l’arrêt attaqué est également illégal et doit être réformé. En effet, le Tribunal de la fonction publique aurait disposé de tous les éléments nécessaires pour établir, premièrement, si la motivation attribuée au médecin-conseil était adéquate et suffisante, ce qui n’aurait pas été le cas, deuxièmement, si le médecin-conseil pouvait qualifier de « non validé » le traitement au laser prescrit par un médecin italien, troisièmement, que ce traitement est pratiqué notamment par le Servizio Sanitario Nazionale, c’est-à-dire à charge de la collectivité, et, quatrièmement, que, en vertu des règles nationales et de l’Union pertinentes, les lasers sont des appareils médicaux de classe II b.

54      Par son quatrième moyen, s’agissant du rejet comme irrecevable de sa demande de condamnation au remboursement des frais médicaux (points 52 et 53 de l’arrêt attaqué), le requérant soutient, en substance, que l’arrêt attaqué est illégal et doit être réformé, étant donné que l’exception de litispendance n’est pas prévue par le règlement de procédure du Tribunal de la fonction publique. En outre, le juge ne pourrait pas invoquer librement des principes nouveaux, qui, en tout état de cause, devraient être interprétés de manière très restrictive lorsque leur application entraîne la perte d’un droit. Par ailleurs, selon le requérant, les éléments de fait sur lesquels est fondé l’arrêt attaqué, notamment ses points 20 et 21, ne sont pas prouvés, la BEI ayant omis de produire copie de la requête introductive d’instance dans l’affaire F‑55/08 et du pourvoi formé contre l’arrêt du 30 novembre 2009, point 42 supra.

55      La BEI conclut au rejet des troisième et quatrième moyens.

56      Le Tribunal rappelle que, par le troisième moyen, le requérant fait grief au Tribunal de la fonction publique d’avoir omis de se prononcer sur le deuxième chef de conclusions de sa requête de première instance tendant à « condamner la BEI à rembourser au requérant la somme de 3 000 euros, exposée pour le traitement au laser administré en 2007 ». C’est donc à tort que la BEI prétend que ce chef de conclusions n’aurait pas fait partie de l’objet du litige porté devant le Tribunal de la fonction publique.

57      Toutefois, dans la mesure où l’objet du prétendu refus illégal par le Tribunal de la fonction publique d’accorder au requérant le montant de 3 000 euros au titre de remboursement de frais médicaux se confond avec l’objet du quatrième moyen, tiré du rejet illégal de la demande de condamnation au remboursement des frais médicaux comme étant irrecevable, pour cause de litispendance, le troisième moyen n’appelle pas de réponse séparée et doit être apprécié conjointement avec ledit quatrième moyen.

58      À cet égard, force est de constater que, ainsi que le fait valoir la BEI, le Tribunal de la fonction publique était déjà saisi de la question de la légalité du refus du remboursement des frais médicaux en cause dans le cadre de la procédure dans l’affaire F‑55/08 et avait rejeté les moyens et griefs avancés par le requérant à cet égard dans l’arrêt du 30 novembre 2009, point 42 supra (points 211 à 215), qui a été définitivement confirmé sur ce point par l’arrêt du 27 avril 2012, point 12 supra, (points 82 à 91), ce que le requérant n’a pas contesté.

59      Par ailleurs, il convient de rappeler la jurisprudence constante ayant reconnu qu’un recours introduit postérieurement à un autre, qui oppose les mêmes parties, qui est fondé sur les mêmes moyens et qui tend à l’annulation du même acte juridique, doit être rejeté comme irrecevable pour cause de litispendance (arrêts de la Cour du 24 novembre 2005, Italie/Commission, C‑138/03, C‑324/03 et C‑431/03, Rec. p. I‑10043, point 64, et du 9 juin 2011, Diputación Foral de Vizcaya/Commission, C‑465/09 P à C‑470/09 P, non publié au Recueil, point 58), sans qu’il soit besoin que cette exception soit prévue par une règle explicite de droit. Or, en l’espèce, eu égard à l’identité des parties, des moyens et des demandes, à savoir la demande réitérée de remboursement des frais médicaux en cause, ayant déjà fait l’objet des affaires F‑55/08 et T‑37/10 P ainsi que de l’affaire F‑49/10, le Tribunal de la fonction publique était obligé de tenir compte de l’exception de litispendance et de rejeter la nouvelle demande de remboursement comme étant irrecevable. À cet égard, la distinction opérée par le requérant entre les différentes instances juridictionnelles et en fonction du chevauchement dans le temps des procédures litigieuses respectives ne saurait prospérer, dès lors que la substance de l’objet du litige est restée la même dans toutes ces instances et procédures. Enfin, dans la mesure où le Tribunal a confirmé, dans l’arrêt du 27 avril 2012, point 12 supra, sur ce point, l’arrêt du 30 novembre 2009, point 42 supra, le rejet de la demande de condamnation au remboursement des frais médicaux en cause est devenu définitif, parce que passé en force de chose jugée, et n’est plus susceptible d’être remis en cause par le requérant devant le juge de l’Union.

60      Par conséquent, il y a lieu de rejeter les troisième et quatrième moyens comme irrecevables.

61      Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, le pourvoi doit être partiellement accueilli et l’arrêt attaqué être annulé dans la mesure où il est vicié par l’erreur de droit identifiée aux points 28 à 47 ci-dessus.

 Sur le recours introduit en première instance

62      Conformément à l’article 13, paragraphe 1, de l’annexe I du statut de la Cour, lorsque le pourvoi est fondé, le Tribunal annule la décision du Tribunal de la fonction publique et statue lui-même sur le litige. Toutefois, il renvoie l’affaire devant le Tribunal de la fonction publique pour qu’il statue, lorsque le litige n’est pas en état d’être jugé.

63      En l’espèce, le Tribunal dispose des éléments nécessaires pour statuer sur le recours de première instance.

64      Eu égard au fait que le pourvoi n’est accueilli que partiellement et que l’arrêt attaqué n’est annulé que dans la mesure où il est vicié par l’erreur de droit identifiée aux points 28 à 47 ci-dessus, il doit être constaté que les autres appréciations du Tribunal de la fonction publique, non entachées par ladite erreur, sont devenues définitives. Il appartient donc au Tribunal d’examiner uniquement le premier chef de conclusions du recours de première instance ainsi que le moyen tiré du rejet illégal de la demande du requérant visant la désignation d’un troisième médecin comme irrecevable (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du Tribunal du 18 juin 2009, Commission/Traore, T‑572/08 P, RecFP p. I‑B‑1‑39 et II‑B‑1‑223, points 53 à 56).

65      Étant donné qu’il y a lieu de constater que la demande du requérant de voir désigner un troisième médecin a été déposée dans un délai raisonnable (voir points 28 à 47 ci-dessus), le rejet par la BEI de ladite demande par courriel du 24 mars 2010 pour cause de tardiveté, tel que confirmé par la décision de rejet de la demande de conciliation du 7 mai 2010, est entaché d’illégalité et il convient de l’annuler.

66      Par conséquent, il convient d’accueillir le recours de première instance dans la mesure où il tend à l’annulation de la décision de la BEI de rejeter la demande de désignation d’un troisième médecin.

 Sur les dépens

67      Conformément à l’article 148, premier alinéa, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi est fondé et que le Tribunal juge lui-même le litige, il statue sur les dépens.

68      Aux termes de l’article 87, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 144 de ce règlement, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs.

69      En l’espèce, la BEI ayant succombé quant au premier chef de conclusions du recours de première instance et au premier moyen de pourvoi et le requérant ayant succombé quant au deuxième chef de conclusions dudit recours et aux troisième et quatrième moyens de pourvoi, les parties supporteront chacune leurs propres dépens afférents tant à l’instance devant le Tribunal de la fonction publique qu’à la présente instance.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (chambre des pourvois)

déclare et arrête :

1)      L’arrêt du Tribunal de la fonction publique (première chambre) du 28 juin 2011, De Nicola/BEI (F‑49/10), est annulé, dans la mesure où il rejette les conclusions de M. Carlo De Nicola tendant à l’annulation de la décision de la Banque européenne d’investissement (BEI) rejetant sa demande de désignation d’un troisième médecin.

2)      Le pourvoi est rejeté pour le surplus.

3)      La décision de la BEI rejetant pour cause de tardiveté la demande de M. De Nicola de désigner un troisième médecin est annulée.

4)      M. De Nicola et la BEI supporteront leurs propres dépens afférents tant à l’instance devant le Tribunal de la fonction publique qu’à la présente instance.

Jaeger

Azizi

Papasavvas

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 septembre 2013.

Signatures

Table des matières


Faits à l’origine du litige, procédure en première instance et arrêt attaqué

Sur le pourvoi

Procédure et conclusions des parties

En droit

Résumé des moyens de pourvoi

Sur le premier moyen, tiré d’une erreur de droit prétendument commise par le Tribunal de la fonction publique en ayant jugé tardive la demande de désignation d’un troisième médecin

Sur le deuxième moyen, tiré de l’omission illégale de se prononcer sur la demande d’annulation de la décision de refus d’ouvrir la procédure de conciliation au titre de l’article 41 du règlement du personnel de la BEI

Sur les troisième et quatrième moyens, tirés respectivement du refus implicite illégal d’accorder au requérant le montant de 3 000 euros au titre de remboursement de frais médicaux ainsi que du rejet illégal de la demande de condamnation au remboursement desdits frais comme irrecevable, pour cause de litispendance

Sur le recours introduit en première instance

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’italien.