Language of document : ECLI:EU:T:2019:490

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

9 juillet 2019 (*)

« Rapprochement des législations – Règlement (UE) no 305/2011 – Règlement (UE) no 1025/2012 – Produits de construction – Normes harmonisées EN 13341:2005 + A1:2011 et EN 12285-2:2005 – Obligation de motivation »

Dans l’affaire T‑53/18,

République fédérale d’Allemagne, représentée initialement par MM. T. Henze et J. Möller, puis par M. Möller, en qualité d’agents, assistés de Mes M. Winkelmüller, F. van Schewick et M. Kottmann, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. C. Hermes et A. Sipos, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation, premièrement, de la décision (UE) 2017/1995 de la Commission, du 6 novembre 2017, visant à conserver, dans le Journal officiel de l’Union européenne, la référence de la norme harmonisée EN 13341:2005 + A1:2011 – Réservoirs statiques en thermoplastiques destinés au stockage non enterré de fioul domestique de chauffage, de pétrole lampant et de gazole, conformément au règlement (UE) no 305/2011 du Parlement européen et du Conseil (JO 2017, L 288, p. 36), et, deuxièmement, de la décision (UE) 2017/1996 de la Commission, du 6 novembre 2017, visant à conserver, dans le Journal officiel de l’Union européenne, la référence de la norme harmonisée EN 12285-2:2005 – Réservoirs en acier fabriqués en atelier, conformément au règlement (UE) no 305/2011 du Parlement européen et du Conseil (JO 2017, L 288, p. 39),

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de Mme I. Pelikánová, président, MM. V. Valančius (rapporteur) et U. Öberg, juges,

greffier : M. L. Ramette, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 28 mars 2019,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 26 février 1999, la Commission européenne a donné au Comité européen de normalisation (CEN) un mandat portant la référence M/131 pour l’élaboration de normes harmonisées pour des tuyaux, réservoirs et accessoires de tuyauterie n’entrant pas en contact avec de l’eau destinée à la consommation humaine. Ces normes devaient inclure une série de caractéristiques essentielles, comme la résistance mécanique et la stabilité, la résistance à l’écrasement, la capacité portante et l’étanchéité.

2        En 2004, le CEN a adopté la norme harmonisée EN 12285-2:2005 relative aux réservoirs en acier. Concernant la caractéristique de performance « résistance mécanique et stabilité » évoquée dans le mandat M/131, celle-ci est traitée dans les tableaux de la section ZA., lesquels prévoient que les produits doivent respecter, pour l’épaisseur des parois, les exigences de la clause 4.3.6.1 et du tableau 3 de la norme harmonisée. Cette clause et ce tableau indiquent les épaisseurs minimales de parois qui doivent être respectées par les réservoirs en cause.

3        En 2005 et en 2010, le CEN a adopté la norme harmonisée EN 13341:2005 + A1:2011 relative aux réservoirs statiques en thermoplastiques. Cette norme contenait des méthodes et des critères d’évaluation de la performance pour une série de caractéristiques essentielles. Concernant la caractéristique de performance « résistance mécanique et stabilité » évoquée dans le mandat M/131, celle-ci est traitée dans les tableaux de la section ZA.1 de l’annexe ZA, lesquels prévoient que les produits doivent respecter les exigences des tableaux 4 à 6 de la norme harmonisée concernant l’épaisseur des parois. Ces tableaux 4 à 6 indiquent les épaisseurs minimales de parois qui doivent être respectées par les réservoirs en cause.

4        Les normes harmonisées ne contiennent pas d’exigences ou de méthodes d’évaluation particulières dans l’hypothèse où ces réservoirs seraient utilisés dans des zones sismiques ou inondables. De même, elles ne contiennent pas d’exigences relatives à un ancrage dans le sol des réservoirs destinés à la construction.

5        Il en va de même s’agissant des caractéristiques de performance « résistance à l’écrasement » et « capacité portante » pour lesquelles lesdites normes harmonisées ne comportent aucune méthode ou critère d’évaluation desdites performances.

6        Le 21 août 2015, conformément à l’article 18 du règlement (UE) no 305/2011 du Parlement européen et du Conseil, du 9 mars 2011, établissant des conditions harmonisées de commercialisation pour les produits de construction et abrogeant la directive 89/106/CEE du Conseil (JO 2011, L 88, p. 5), la République fédérale d’Allemagne a soulevé des objections formelles auprès de la Commission à l’encontre des normes harmonisées EN 13341:2005 + A1:2011 et EN 12285-2:2005.

7        La République fédérale d’Allemagne a estimé que les deux normes litigieuses ne satisfaisaient pas entièrement au mandat M/131 donné par la Commission et que les caractéristiques essentielles des produits de construction n’avaient pas été établies conformément à l’article 3, paragraphe 2, du règlement no 305/2011. Elle a indiqué que ces deux normes violaient l’article 17, paragraphe 3, du règlement no 305/2011 ainsi que le mandat M/131 dès lors qu’elles ne contenaient pas des méthodes de détermination des performances en ce qui concerne la résistance mécanique et la stabilité, la résistance à l’écrasement et la capacité portante et, notamment, en cas d’utilisation desdits produits dans des zones sismiques ou inondables.

8        Par la suite, la République fédérale d’Allemagne a demandé, concernant les normes harmonisées EN 13341:2005 + A1:2011 et EN 12285-2:2005, que, dans l’attente de méthodes de vérification harmonisées sur la résistance mécanique et la stabilité, la résistance à l’écrasement et la capacité portante en cas d’utilisation dans des zones sismiques ou inondables, les références des normes soient publiées avec restriction au Journal officiel de l’Union européenne ou, à titre subsidiaire, qu’elles soient retirées du Journal officiel de l’Union européenne pour les réservoirs statiques en thermoplastiques et les réservoirs en acier fabriqués en atelier.

9        Après consultation du comité permanent de la construction institué à l’article 64 du règlement no 305/2011, la Commission a saisi le comité établi à l’article 22 du règlement (UE) no 1025/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, relatif à la normalisation européenne, modifiant les directives 89/686/CEE et 93/15/CEE du Conseil ainsi que les directives 94/9/CE, 94/25/CE, 95/16/CE, 97/23/CE, 98/24/CE, 2004/22/CE, 2007/23/CE, 2009/23/CE et 2009/105/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la décision 87/95/CEE du Conseil et la décision no 1673/2006/CE du Conseil (JO 2012, L 316, p. 12). Ce dernier comité a rendu un avis sur les objections formelles.

10      Le 6 novembre 2017, la Commission a adopté deux décisions relatives aux objections formelles introduites par la République fédérale d’Allemagne à l’encontre des normes harmonisées EN 13341:2005 + A1:2011 et EN 12285-2:2005, à savoir la décision (UE) 2017/1995 de la Commission, du 6 novembre 2017, visant à conserver, dans le Journal officiel de l’Union européenne, la référence de la norme harmonisée EN 13341:2005 + A1:2011 – Réservoirs statiques en thermoplastiques destinés au stockage non enterré de fioul domestique de chauffage, de pétrole lampant et de gazole, conformément au règlement no 305/2011 (JO 2017, L 288, p. 36), et la décision (UE) 2017/1996 de la Commission, du 6 novembre 2017, visant à conserver, dans le Journal officiel de l’Union européenne, la référence de la norme harmonisée EN 12285-2:2005 – Réservoirs en acier, fabriqués en atelier, conformément au règlement no 305/2011 (JO 2017, L 288, p. 39) (les décisions 2017/1995 et 2017/1996 étant ci-après dénommées ensemble les « décisions attaquées »).

11      L’article 1er de la décision 2017/1995 dispose :

« La référence de la norme harmonisée EN 13341:2005 + A1:2011 “Réservoirs statiques en thermoplastiques destinés au stockage non enterré de fioul domestique de chauffage, de pétrole lampant et de gazole – Réservoirs en polyéthylène moulés par soufflage et par rotation et réservoirs moulés par rotation fabriqués en polyamide 6 polymérisé de manière anionique – Exigences et méthodes d’essai” est conservée dans le Journal officiel de l’Union européenne. »

12      L’article 1er de la décision 2017/1996 dispose :

« La référence de la norme harmonisée EN 12285-2:2005 “Réservoirs en aciers fabriqués en atelier – Partie 2 : Réservoirs horizontaux à simple et double paroi pour le stockage aérien des liquides inflammables et non inflammables polluant l’eau” est conservée dans le Journal officiel de l’Union européenne. »

 Procédure et conclusions des parties

13      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 31 janvier 2018, la République fédérale d’Allemagne a introduit le présent recours.

14      La République fédérale d’Allemagne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les décisions attaquées ;

–        condamner la Commission aux dépens.

15      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la République fédérale d’Allemagne aux dépens.

 En droit

16      Au soutien du recours, la République fédérale d’Allemagne invoque deux moyens, tirés, en substance, le premier, de la violation de l’obligation de motivation et, le second, de la violation de dispositions matérielles du règlement no 305/2011.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation

17      Par le premier moyen, la République fédérale d’Allemagne soutient, en substance, que les décisions attaquées violent l’obligation de motivation prévue à l’article 296, deuxième alinéa, TFUE.

18      Premièrement, la République fédérale d’Allemagne fait valoir que les motifs et le contexte des décisions attaquées ne font pas clairement apparaître si la Commission considère que les normes harmonisées en cause respectent les exigences du mandat correspondant ainsi que les exigences fondamentales applicables aux ouvrages ou, au contraire, si cette question est sans pertinence dans le cadre des décisions attaquées.

19      Deuxièmement, la République fédérale d’Allemagne allègue que la position de la Commission telle qu’elle est exprimée dans le mémoire en défense est en contradiction avec le considérant 12 des décisions attaquées. En effet, la Commission y affirmerait que, au sein des comités compétents, personne ne soutenait la demande de la République fédérale d’Allemagne de retrait des références alors que, dans les décisions attaquées, il serait mentionné qu’il avait été « largement admis » qu’il convenait de conserver la référence de la norme en cause dans le Journal officiel de l’Union européenne.

20      Troisièmement, la République fédérale d’Allemagne soutient qu’il ne ressort pas des décisions attaquées que le comité institué à l’article 5 de la directive 98/34/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 juin 1998, prévoyant une procédure d’information dans le domaine des normes et réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l’information (JO 1998, L 204, p. 37), et qui est devenu le comité institué à l’article 22 du règlement no 1025/2012 aurait pris position sur les objections formelles de la République fédérale d’Allemagne, ni dans quel sens. Selon la République fédérale d’Allemagne, il est révélateur que la Commission n’ait pas présenté l’avis du comité institué à l’article 22 du règlement no 1025/2012 ni exposé de considérations plus précises quant à son contenu. Elle estime en outre que ledit comité n’a tout simplement pas procédé à un examen au fond de sa demande principale tendant à inclure une restriction lors de la publication des références au Journal officiel de l’Union européenne.

21      La Commission conteste les arguments de la République fédérale d’Allemagne.

22      À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la motivation exigée à l’article 296, deuxième alinéa, TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure adoptée et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (voir arrêt du 6 mars 2003, Interporc/Commission, C‑41/00 P, EU:C:2003:125, point 55 et jurisprudence citée).

23      Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 6 mars 2003, Interporc/Commission, C‑41/00 P, EU:C:2003:125, point 55 et jurisprudence citée).

24      En outre, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’obligation de motivation constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé des motifs, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux (voir arrêt du 22 mai 2012, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑17/09, non publié, EU:T:2012:243, point 40 et jurisprudence citée).

25      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner le premier moyen invoqué par la République fédérale d’Allemagne, tiré de la violation de l’obligation de motivation.

26      Premièrement, s’agissant de l’argument de la République fédérale d’Allemagne selon lequel la Commission n’aurait pas exprimé une position claire et précise sur la nécessité de vérifier si les normes harmonisées en cause respectaient les exigences du mandat correspondant ainsi que les exigences fondamentales applicables aux ouvrages, il y a lieu de relever qu’il concerne le bien-fondé des motifs des décisions attaquées et non le respect de l’obligation de motivation par lesdites décisions.

27      Dès lors, cet argument sera examiné dans le cadre du second moyen.

28      Deuxièmement, s’agissant de l’argument de la République fédérale d’Allemagne selon lequel il existerait une contradiction entre l’affirmation de la Commission selon laquelle, au sein des comités compétents, personne ne soutenait la demande de la République fédérale d’Allemagne de retrait des références alors que, dans les décisions attaquées, il serait mentionné qu’il avait été « largement admis » qu’il convenait de conserver la référence de la norme en cause dans le Journal officiel de l’Union européenne, force est de constater que cet argument est dénué de pertinence dans le cadre de l’examen du moyen tiré de la violation de l’obligation de motivation.

29      Partant, cet argument ne peut qu’être écarté.

30      Troisièmement, s’agissant de l’argument de la République fédérale d’Allemagne selon lequel il ne ressort pas des décisions attaquées que le comité institué à l’article 22 du règlement no 1025/2012 aurait pris position sur les objections formelles de la République fédérale d’Allemagne et que la Commission n’aurait pas « présenté » l’avis dudit comité dans les décisions attaquées, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 18, paragraphe 1, du règlement no 305/2011, lorsqu’un État membre ou la Commission estime qu’une norme harmonisée ne satisfait pas entièrement aux exigences du mandat correspondant, la Commission saisit, après consultation du comité permanent de la construction, le comité institué à l’article 5 de la directive 98/34, qui est devenu le comité institué à l’article 22 du règlement no 1025/2012, lequel rend son avis.

31      Par ailleurs, il y a lieu de relever que l’article 18, paragraphe 2, du règlement no 305/2011 dispose que, en fonction de l’avis dudit comité, la Commission décide de publier, de ne pas publier, de publier partiellement, de conserver, de conserver partiellement les références à la norme harmonisée concernée dans le Journal officiel de l’Union européenne ou de les retirer de celui-ci.

32      Il résulte de ces dispositions que, si la Commission a l’obligation, après consultation du comité permanent de construction, de saisir pour avis le comité institué à l’article 22 du règlement no 1025/2012, elle n’est nullement tenue de présenter le contenu de cet avis ni de l’exposer dans les décisions attaquées.

33      Dès lors, cet argument ne peut qu’être écarté.

34      Partant, il y a lieu d’écarter le premier moyen dans son intégralité comme non fondé.

 Sur le second moyen, tiré de la violation de dispositions matérielles du règlement no 305/2011

35      Par le second moyen, la République fédérale d’Allemagne soutient, en substance, que les décisions attaquées violent des dispositions matérielles du règlement no 305/2011. Le second moyen se décompose en quatre branches.

36      Premièrement, la République fédérale d’Allemagne estime que les décisions attaquées violent l’article 17, paragraphe 5, premier et deuxième alinéas, du règlement no 305/2011 en ce que la Commission n’a pas évalué la conformité des normes harmonisées en cause avec le mandat correspondant. Selon la République fédérale d’Allemagne, les normes harmonisées en cause ne contiennent pas les méthodes et critères d’évaluation des performances des caractéristiques essentielles que sont la résistance mécanique et la stabilité, la résistance à l’écrasement et la capacité portante, et notamment en cas d’utilisation des réservoirs dans des zones sismiques ou inondables.

37      Deuxièmement, la République fédérale d’Allemagne allègue que la Commission a violé l’article 18, paragraphe 2, lu conjointement avec l’article 3, paragraphes 1 et 2, et l’article 17, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement no 305/2011, en omettant de vérifier si les normes harmonisées en cause garantissent le respect des exigences fondamentales applicables aux ouvrages de construction. Elle soutient que lesdites normes sont donc incomplètes concernant les caractéristiques essentielles des produits de construction et que le respect des exigences fondamentales ne saurait être garanti par les normes harmonisées en cause.

38      Troisièmement, la République fédérale d’Allemagne soutient que la Commission a commis une erreur de droit dans l’application de l’article 18, paragraphe 2, du règlement no 305/2011, en rejetant sa première demande d’inscription d’une restriction comme irrecevable. Elle fait valoir, en substance, que la Commission a considéré, à tort, que la République fédérale d’Allemagne visait l’établissement de règles pour l’installation et l’utilisation de produits de construction qui n’auraient rien à voir avec les performances desdits produits et le contenu des normes harmonisées. En particulier et en premier lieu, la République fédérale d’Allemagne souligne que le domaine d’application d’une norme technique fait partie intégrante de cette norme. En deuxième lieu, les méthodes et critères d’évaluation des performances des produits en cause se réfèrent aussi, selon elle, à un certain usage. En troisième lieu, la République fédérale d’Allemagne conteste la position de la Commission selon laquelle le système d’harmonisation du règlement no 305/2011 ne concernerait que la commercialisation de produits en cause et n’affecterait pas leur installation et leur utilisation. En quatrième lieu, la République fédérale d’Allemagne fait valoir que, en cas d’installation des produits concernés dans des zones sismiques ou inondables, les normes harmonisées en cause ne permettent pas d’évaluer les performances desdits produits. En cinquième lieu, selon la République fédérale d’Allemagne, la restriction demandée aurait pu faire l’objet d’une décision sur le fondement de l’article 18, paragraphe 2, du règlement no 305/2011.

39      Quatrièmement, la République fédérale d’Allemagne soutient que la Commission a commis une « erreur d’appréciation » dans l’application de l’article 18, paragraphe 2, du règlement no 305/2011, en rejetant sa demande présentée à titre subsidiaire de retrait des références des normes harmonisées en cause comme non fondée. Selon la République fédérale d’Allemagne, la Commission estime, à tort, que les États membres sont habilités à interdire ou à restreindre l’installation ou l’utilisation des produits de construction en cause dans des zones sismiques ou inondables.

40      La Commission conteste les arguments de la République fédérale d’Allemagne.

41      S’agissant de la première branche du second moyen par laquelle la République fédérale d’Allemagne soutient que la Commission n’a pas examiné la conformité des normes harmonisées en cause avec le mandat M/131 en violation de l’article 17, paragraphe 5, premier et deuxième alinéas, du règlement no 305/2011, cette branche reprend, en substance, l’argument soulevé par la République fédérale d’Allemagne dans le cadre du premier moyen selon lequel la Commission n’aurait pas exprimé une position claire et précise sur la nécessité de vérifier si les normes harmonisées en cause respectaient les exigences du mandat correspondant.

42      Sur ce point, il y a lieu de constater que les normes harmonisées en cause ne correspondent pas entièrement au mandat correspondant et que les caractéristiques de performance telles que la résistance à l’écrasement, la capacité portante et l’étanchéité ne sont pas incluses dans les méthodes et les critères d’évaluation des performances des normes harmonisées en cause.

43      À cet égard, il y a lieu de relever en effet qu’aucun des considérants des décisions attaquées ne mentionne, s’agissant des caractéristiques de performance évoquées ci-dessus, l’absence des méthodes et des critères d’évaluation des performances dans les normes harmonisées en cause, de sorte qu’il n’est pas possible de vérifier si la Commission a examiné la conformité des normes harmonisées en cause avec le mandat correspondant.

44      Cette circonstance ne saurait toutefois avoir en l’espèce pour effet d’entraîner l’annulation des décisions attaquées dès lors que, dans ledit mandat, ne figure aucune indication relative à l’établissement des critères de performance concernant l’installation ou l’utilisation des réservoirs dans des zones sismiques ou inondables.

45      Dès lors, la première branche du second moyen ne peut qu’être écartée.

46      S’agissant de la deuxième branche du second moyen par laquelle la République fédérale d’Allemagne allègue que la Commission n’aurait pas vérifié, en violation de l’article 18, paragraphe 2, et de l’article 17, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement no 305/2011, si les normes harmonisées en cause garantissaient le respect des exigences fondamentales applicables aux ouvrages de construction, il convient de rappeler que, conformément à l’article 17, paragraphe 3, du règlement no 305/2011, les normes harmonisées définissent les méthodes et les critères d’évaluation des performances des produits de construction. Ainsi, elles permettent l’évaluation desdites performances. Or, leur objet n’est pas de garantir le respect des exigences fondamentales applicables aux ouvrages de construction. Ces exigences sont fixées par les États membres, ainsi que cela est confirmé, notamment, par les considérants 1, 4, 12 et 41 du règlement no 305/2011. Dans leurs dispositions relatives aux produits de construction qui assurent le respect des exigences fondamentales, les États membres sont tenus, afin de garantir la libre circulation de ces produits, d’utiliser les normes harmonisées en ce qui concerne l’évaluation de la performance.

47      Il en résulte que, étant donné que les normes harmonisées ont pour objet de permettre l’évaluation des performances des produits de construction, il n’appartient pas à la Commission de vérifier si les normes harmonisées en cause garantissent le respect des exigences fondamentales applicables aux ouvrages de construction en ce qui concerne les caractéristiques essentielles mentionnées dans le mandat M/131, à savoir la résistance à l’écrasement et la stabilité, la capacité portante et l’étanchéité.

48      Dès lors, la deuxième branche du second moyen n’est pas susceptible de prospérer.

49      S’agissant de la troisième branche du second moyen tirée de l’« erreur d’appréciation » qui, selon la République fédérale d’Allemagne, aurait été commise par la Commission en rejetant sa première demande d’inscription d’une restriction dans le champ d’application des références des normes harmonisées en cause, il convient de relever que cette demande n’est pas susceptible de prospérer sur le fondement de l’article 18, paragraphe 2, du règlement no 305/2011, car elle porte sur d’autres questions que le contenu des normes harmonisées en cause et qu’elle tend à ajouter auxdites normes une exigence supplémentaire concernant l’installation ou l’utilisation des réservoirs dans des zones sismiques ou inondables. Or, une telle possibilité d’ajout n’est pas prévue à l’article 18, paragraphe 2, dudit règlement.

50      Premièrement, cette constatation ne saurait être remise en cause par l’argument de la République fédérale d’Allemagne selon lequel la Commission aurait pu ajouter la restriction demandée, d’une part, en limitant la gamme des usages prévus notamment, en cas d’installation ou d’utilisation dans des zones sismiques ou inondables et, d’autre part, en constatant que les caractéristiques essentielles des réservoirs en cause ne sont pas harmonisées en cas d’installation ou d’utilisation dans des zones sismiques ou inondables.

51      Deuxièmement, s’agissant de l’argument de la République fédérale d’Allemagne selon lequel l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 305/2011 interdit aux États membres d’entraver la commercialisation ainsi que l’utilisation de produits de construction portant le marquage CE, il convient de constater que cette disposition, qui vise la commercialisation des produits de construction, englobe aussi leur utilisation, mais uniquement pour les produits de construction qui relèvent des normes harmonisées. Or, l’utilisation des réservoirs dans des zones sismiques ou inondables n’entre pas dans le champ d’application des normes harmonisées en cause.

52      Par ailleurs, s’agissant des « utilisations finales » des produits qui relèvent des normes harmonisées en cause, il y a lieu de souligner que ces utilisations concernent les usages techniques auxquels ces produits peuvent être destinés et non les conditions d’utilisation desdits produits dans des zones spécifiques telles que les zones sismiques ou inondables qui demeurent de la compétence des États membres.

53      En outre, contrairement à ce que soutient la République fédérale d’Allemagne, il n’existe pas de contradiction entre les décisions attaquées et celles contestées dans l’affaire T‑229/17, République fédérale d’Allemagne/Commission où la Commission a exclu de la portée des références des normes harmonisées en cause EN 14342:2013 (Planchers et parquets en bois) et EN 14904:2006 (Sols sportifs) les clauses litigieuses, à savoir celles pour lesquelles il n’existait pas de méthodes ni de critères d’évaluation des performances en ce qui concernait le dégagement d’autres substances dangereuses.

54      En effet, par les décisions (UE) 2017/133 de la Commission, du 25 janvier 2017, sur le maintien au Journal officiel de l’Union européenne, avec une restriction, de la référence de la norme harmonisée EN 14342:2013 « Planchers et parquets en bois – caractéristiques, évaluation de conformité et marquage », conformément au règlement no 305/2011 (JO 2017, L 21, p. 113), et (UE) 2017/145 de la Commission, du 25 janvier 2017, sur le maintien au Journal officiel de l’Union européenne, avec une restriction, de la référence de la norme harmonisée EN 14904:2006 « Sols sportifs – Spécification des sols multi-sports intérieurs », conformément au règlement no 305/2011 (JO 2017, L 22, p. 62), la Commission a exclu de la portée des références des normes harmonisées susmentionnées certaines clauses litigieuses desdites normes harmonisées, ce que permet la procédure d’objection formelle prévue à l’article 18 du règlement no 305/2011, aucun contenu n’ayant été ajouté aux normes en cause.

55      En revanche, il n’est pas possible, ainsi que l’a relevé à juste titre la Commission, d’ajouter dans le cadre de la procédure de l’article 18, paragraphe 2, du règlement no 305/2011, à des normes harmonisées une limitation de l’usage qu’elles ne prévoyaient pas. Une telle modification du contenu des normes harmonisées relève, en vertu de l’article 17, paragraphe 1 du même règlement, de la compétence des organismes de normalisation et non pas de celle de la Commission qui, elle, ne peut agir que dans le cadre de la procédure prévue à l’article 18, paragraphe 2, du règlement no 305/2011.

56      Dès lors, la troisième branche du second moyen doit être écartée.

57      S’agissant, enfin, de la quatrième branche du second moyen, par laquelle la République fédérale d’Allemagne soutient que la Commission aurait commis une « erreur d’appréciation » dans l’application de l’article 18, paragraphe 2, du règlement no 305/2011, en rejetant sa demande présentée à titre subsidiaire de retrait des références des normes harmonisées en cause, il convient de rappeler que, en vertu de cette dernière disposition, la Commission dispose d’un large pouvoir d’appréciation et qu’elle n’est pas tenue, sauf à priver d’effet utile le régime d’harmonisation des normes, de retirer systématiquement du Journal officiel de l’Union européenne les références des normes harmonisées incomplètes ou de conserver partiellement les références desdites normes en adoptant une restriction s’agissant de la commercialisation ou de l’utilisation des produits de construction en cause.

58      Force est de constater en l’espèce que, en considérant que les objections formelles de la République fédérale d’Allemagne quant au caractère prétendument incomplet des normes harmonisées en cause ne pouvaient justifier le retrait complet desdites normes, la Commission qui dispose d’un large pouvoir d’appréciation en la matière en vertu de l’article 18, paragraphe 2, du règlement no 305/2011, n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation dans l’application de cette dernière disposition.

59      Partant, il convient d’écarter le second moyen dans son intégralité comme non fondé.

60      Aucun des moyens invoqués par la République fédérale d’Allemagne n’étant fondé, il y a lieu de rejeter le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

61      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

62      La République fédérale d’Allemagne ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La République fédérale d’Allemagne supportera ses dépens et ceux exposés par la Commission européenne.

Pelikánová

Valančius

Öberg

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 9 juillet 2019.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.