Language of document : ECLI:EU:T:2015:554

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DE LA HUITIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL

25 juin 2015(*)

« Intervention – Confidentialité »

Dans l’affaire T‑451/14,

Fujikura Ltd, établie à Tokyo (Japon), représentée par Me L. Gyselen, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. A. Biolan, C. Giolito et H. van Vliet, en qualité d’agents, assistés de Me M. Johansson, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours en annulation de la décision C(2014) 2139 final de la Commission, du 2 avril 2014, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire AT.39610 – Câbles électriques),

LE PRÉSIDENT DE LA HUITIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents

1        Par la décision C(2014) 2139 final, du 2 avril 2014, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire AT.39610 – Câbles électriques) (ci-après la « décision attaquée »), la Commission a constaté qu’un certain nombre d’entreprises dont, notamment, la requérante, Fujikura Ltd, ainsi que les sociétés Furukawa Electric Co. Ltd, (ci-après « Furukawa ») et Viscas Corporation (ci-après « Viscas »), avaient enfreint l’article 101 TFUE et l’article 53 EEE, en participant à une entente sur le secteur des câbles électriques souterrains et sous-marins à (très) haute tension (article 1er de la décision attaquée).

2        Par ailleurs, dans cette décision, la Commission a infligé, à raison de cette infraction, diverses amendes aux entreprises visées par l’article 1er de cette décision, dont une amende de 8 152 000 euros, à titre individuel, à la requérante, et une amende de 34 992 000 euros, à titre conjoint et solidaire, à la requérante, à Furukawa et à Viscas [article 2, sous o) et p), de la décision attaquée]. En outre, la Commission a ordonné aux entreprises visées par l’article 1er de la décision attaquée, notamment la requérante, Furukawa et Viscas, de mettre immédiatement fin à l’infraction, pour autant qu’elles ne l’aient pas encore fait, ainsi que de s’abstenir de tout acte ou de toute conduite décrite à l’article 1er, et de tout acte ou toute conduite ayant un objet ou un effet similaire ou identique à celui‑ci (article 3 de la décision attaquée). Cette décision a été adressée tant à la requérante qu’à Furukawa et à Viscas (article 4 de la décision attaquée).

3        En effet, il ressort des motifs de la décision attaquée que la Commission a constaté la participation directe à l’infraction constatée tant de la requérante que de Furukawa pendant la période comprise entre le 18 février 1999 et le 30 septembre 2001 (considérant 811 de la décision attaquée), ainsi que la participation directe de Viscas pendant la période entre le 1er octobre 2001 et le 28 janvier 2009 (considérant 815 de la décision attaquée). Par ailleurs, la Commission a considéré, en substance, que la requérante et Furukawa devaient être tenues pour responsables du comportement anticoncurrentiel de Viscas, au motif que, pendant la période considérée, elles avaient exercé conjointement une influence déterminante sur son comportement sur le marché (considérants 816 à 853 de la décision attaquée).

 Procédure

4        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 16 juin 2014, la requérante a introduit un recours tendant, d’une part, à la réduction de l’amende qui lui a été infligée en vertu de l’article 2, sous o), de la décision attaquée, pour sa participation directe à l’entente entre le 18 février 1999 et le 30 septembre 2001, et, d’autre part, à l’annulation de l’article 2, sous p), de la décision attaquée en ce qu’elle la déclare conjointement et solidairement responsable de l’amende infligée à Viscas entre le 1er janvier 2005 et le 28 janvier 2009.

5        La Commission a conclu au rejet du recours et à la condamnation de la requérante aux dépens.

6        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 29 octobre 2014, Viscas a demandé à intervenir dans la présente affaire au soutien des conclusions de la requérante.

7        Par lettre du 11 novembre 2014, la demande d’intervention a été signifiée aux parties conformément à l’article 116, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

8        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 4 décembre 2014, la requérante n’a pas soulevé d’objection à l’égard de cette demande.

9        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 5 décembre 2014, la Commission a demandé, en substance, au Tribunal de rejeter la demande d’intervention de Viscas.

10      Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le même jour, la Commission a demandé, au titre de l’article 116, paragraphe 2, du règlement de procédure, que certaines informations contenues dans l’annexe B.28 de la défense soient exclues du dossier communiqué à Viscas, si son intervention était admise. La Commission produit à cette fin une version non confidentielle des pièces concernées.

 En droit

 Arguments des parties

11      Viscas, soutenue pour l’essentiel par la requérante, fait valoir qu’elle justifie d’un intérêt à la solution du litige soumis au Tribunal dans la présente affaire, au sens de l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour. À cet égard, elle fait observer, en substance, que, dans la décision attaquée, elle a été considérée comme responsable, avec la requérante, d’une infraction unique pour la période comprise entre le 1er octobre 2001 et le 28 janvier 2009 et qu’elle s’est vu infliger à titre conjoint et solidaire avec la requérante, une amende unique pour la période considérée. Par ailleurs, elle relève que, selon la jurisprudence, il est sans pertinence qu’elle dispose également d’un droit de recours distinct à l’encontre de la décision attaquée. Enfin, Viscas soutient que les moyens et les principaux arguments invoqués par la requérante ont des implications directes sur le recours distinct qu’elle a elle-même introduit devant le Tribunal contre la décision attaquée, dans la mesure où ils conforteraient les moyens invoqués à l’appui de ce recours. Notamment, Viscas fait valoir que le moyen de la requérante, tiré de l’erreur que la Commission a commise en incluant dans le calcul du montant de l’amende qui lui a été infligée la valeur des ventes indépendantes des sociétés mères de Viscas en 2004, est susceptible d’influer sur le sort réservé par le Tribunal au moyen analogue qu’elle soulève dans son propre recours. Le moyen de la requérante tiré de la violation du principe de proportionnalité, en ce que le poids limité des entreprises japonaises dans l’infraction n’est pas reflété dans le montant de l’amende qui leur est infligé, serait également, selon Viscas, de nature à étayer le quatrième moyen de son propre recours, tiré de la violation du même principe.

12      La Commission soulève des objections à l’encontre de cette demande en intervention. D’une part, la Commission constate que Viscas a introduit son propre recours en annulation contre la décision attaquée et que, dans ces circonstances, son intervention ne favorise pas l’économie de procédure. D’autre part, elle relève, en substance, que Viscas ne dispose pas d’un droit à intervenir en ce qui concerne les deux premiers moyens invoqués par la requérante, qui ne concernent que la partie de l’amende infligée exclusivement à cette dernière. Enfin, la Commission fait valoir, en substance, que Viscas n’a pas d’intérêt à soutenir le troisième moyen de la requérante. En particulier, elle soutient que, si ce moyen était accueilli par le Tribunal, la requérante ne serait plus solidairement responsable avec Viscas et Furukawa du paiement de l’amende qui leur a été infligée à titre conjoint et solidaire, ce qui ferait encourir un risque financier à Viscas.

 Appréciation du président

13      La demande en intervention a été introduite conformément à l’article 115 du règlement de procédure.

14      En vertu de l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice, applicable à la procédure devant le Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, dudit statut, toute personne justifiant d’un intérêt à la solution d’un litige, à l’exclusion des litiges entre États membres, entre institutions de l’Union, ou entre États membres, d’une part, et institutions de l’Union, d’autre part, a le droit d’intervenir à ce litige. Conformément à la même disposition, les conclusions de la requête en intervention ne peuvent avoir d'autre objet que le soutien des conclusions de l'une des parties.

15      Il résulte d’une jurisprudence constante que la notion d’intérêt à la solution du litige, au sens de ladite disposition, doit se définir au regard de l’objet même du litige et s’entendre comme un intérêt direct et actuel au sort réservé aux conclusions elles-mêmes, et non comme un intérêt par rapport aux moyens ou aux arguments soulevés. En effet, par « solution » du litige, il faut entendre la décision finale demandée au juge saisi, telle qu’elle serait consacrée dans le dispositif de l’arrêt. Il convient, notamment, de vérifier que l’intervenant est touché directement par l’acte attaqué et que son intérêt à la solution du litige est certain (ordonnance du 17 février 2010, Fresh Del Monte Produce/Commission, T‑587/08, EU:T:2010:42, point 25 et jurisprudence citée).

16      Ainsi que le relève, en substance, la Commission au considérant 693 de la décision attaquée, le droit de la concurrence vise les activités des entreprises. La notion d’entreprise comprend toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement. La Cour a également précisé que la notion d’entreprise, placée dans ce contexte, doit être comprise comme désignant une unité économique même si, du point de vue juridique, cette unité économique est constituée de plusieurs personnes physiques ou morales. Lorsqu’une telle entité économique enfreint les règles de la concurrence, il lui incombe, selon le principe de la responsabilité personnelle, de répondre de cette infraction (ordonnance Fresh Del Monte Produce/Commission, point 15 supra, EU:T:2010:42, point 26 et jurisprudence citée).

17      En l’espèce, la Commission a considéré que, pendant la période comprise entre le 18 février 1999 et le 30 septembre 2001, la requérante avait directement participé à l’entente litigieuse et que, pendant la période comprise entre le 1er octobre 2001 et le 28 janvier 2009, date à laquelle l’infraction constatée par la décision attaquée a pris fin, la requérante et Viscas formaient, conjointement avec Furukawa, une unité économique aux fins de l’application des règles de concurrence, puisque Viscas ne déterminait pas de manière autonome son comportement sur le marché mais était une filiale détenue par la requérante et Furukawa. La décision attaquée relève notamment qu’il existe des éléments qui confirment que tant la requérante que Furukawa ont exercé une influence déterminante sur la politique commerciale de Viscas (considérants 815 à 852 de la décision attaquée).

18      Dans le cadre du présent recours, ainsi qu’il ressort du point 4 ci‑dessus, la requérante demande, en particulier, la réduction de l’amende qui lui a été infligée au titre de sa participation à l’infraction pendant la période comprise entre le 18 février 1999 et le 30 septembre 2001.

19      Force est de constater que, dans la décision attaquée, la requérante a été considérée comme responsable d’une infraction unique et continue, tant au titre de sa participation directe pendant la première période visée au point 17 ci-dessus qu’au titre de son influence déterminante sur le comportement de Viscas au titre de la seconde période, également visée au point 17 ci-dessus. Force est également de constater que, en ce qui concerne cette seconde période, la requérante et Viscas ont été considérées, aux fins de l’application de l’article 101 TFUE, comme une seule et même entreprise, de sorte que la requérante n’a été tenue pour responsable de l’infraction au titre de cette seconde période qu’en raison de l’existence d’une unité économique notamment entre elle et Viscas. En outre, au titre de cette seconde période, la requérante et Viscas ont été solidairement condamnées au paiement d’une seule et même amende.

20      Certes, les conclusions de la requérante visées au point 18 ci-dessus ne tendent qu’à la réduction de l’amende qui lui a été infligée au titre de la première période, période à laquelle, l’activité de Viscas n’ayant pas encore débuté, sa participation à l’entente litigieuse ne pouvait être constatée par la Commission.

21      Par ailleurs, il est vrai que, comme le fait valoir en substance la Commission, la seconde des demandes de la requérante tend à l’annulation de l’amende qui lui a été infligée, à titre conjoint et solidaire avec Viscas et Furukawa, uniquement en tant qu’elle est destinataire de cette partie de la décision attaquée. Ainsi, dans son troisième moyen, la requérante se borne à contester sa responsabilité dans la participation de sa filiale Viscas à l’entente litigieuse, pendant la période comprise entre le 1er octobre 2001 et le 28 janvier 2009, mais ne conteste pas le bien-fondé de l’amende en elle-même. Par conséquent, comme la Commission l’a relevé dans ses observations, si le Tribunal devait accueillir cette demande, la requérante ne serait plus tenue, à titre conjoint et solidaire avec Viscas et Furukawa, de payer l’amende en cause, ce que, à l’évidence, Viscas n’a pas intérêt à soutenir, compte tenu du risque financier qu’elle encourrait de ce fait.

22      Cependant, la réduction par le Tribunal de l’amende infligée à la requérante, au titre de la première période, pourrait être de nature à influer sur le sort qu’il est susceptible de réserver aux conclusions présentées par Viscas dans le cadre de son propre recours et qui tendent à la réduction de l’amende qui lui a été infligée au titre de la seconde période.

23      Tel pourrait être le cas si, pour décider une telle réduction, le Tribunal retenait le moyen de la requérante tiré de la violation par la Commission du principe de proportionnalité en raison du poids limité des entreprises japonaises dans l’infraction ou son moyen tiré de la prise en compte erronée par la Commission des ventes indépendantes de la requérante pour le calcul de l’amende, des moyens analogues étant également soulevés par Viscas dans son propre recours.

24      Enfin, contrairement à ce que soutient, en substance, la Commission, la circonstance que Viscas dispose elle-même d’un droit de recours autonome contre la décision attaquée et a, en fait, introduit un tel recours, est sans pertinence aux fins de savoir si elle justifie d’un intérêt à intervenir au présent litige (voir, en ce sens, ordonnance Fresh Del Monte Produce/Commission, point 15 supra, EU:T:2010:42, point 31 et jurisprudence citée).

25      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que l’intérêt à intervenir au présent litige invoqué par Viscas doit être qualifié d’intérêt direct et actuel à la solution du litige au sens de l’article 40, deuxième alinéa, du statut, dans la mesure où elle limite son intervention au soutien des demandes de la requérante tendant à la réduction de l’amende infligée à cette dernière au titre de sa participation directe à l’infraction. Par conséquent, il convient d’accueillir la demande d’intervention (voir, en ce sens, ordonnance Fresh Del Monte Produce/Commission, point 15 supra, EU:T:2010:42, point 32).

26      La communication au Journal officiel de l’Union européenne visée à l’article 24, paragraphe 6, du règlement de procédure ayant été publiée le 28 septembre 2014, la demande d’intervention a été présentée dans le délai prévu à l’article 115, paragraphe 1, du même règlement et les droits de la partie intervenante seront ceux prévus à l’article 116, paragraphes 2 à 4, dudit règlement.

27      La Commission a toutefois demandé que, conformément à l’article 116, paragraphe 2, du règlement de procédure, certains éléments confidentiels de l’annexe B.28 de la défense, soient exclus de la communication à la partie intervenante et a produit, aux fins de cette communication, une version non confidentielle des pièces concernées.

28      À ce stade, la communication à la partie intervenante des actes de procédure signifiés et, le cas échéant, à signifier aux parties doit donc être limitée à une version non confidentielle. Une décision sur le bien-fondé de la demande de confidentialité sera, le cas échéant, prise ultérieurement au vu des objections ou des observations qui pourraient être présentées à ce sujet.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DE LA HUITIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      Viscas Corporation est admise à intervenir dans l’affaire T‑451/14 à l’appui des conclusions de la requérante.

2)      Le greffier communiquera à la partie intervenante une version non confidentielle de chaque acte de procédure signifié aux parties.

3)      Un délai sera fixé à la partie intervenante pour présenter ses observations éventuelles sur la demande de traitement confidentiel. La décision sur le bien-fondé de cette demande est réservée.

4)      Un délai sera fixé à la partie intervenante pour présenter un mémoire en intervention, sans préjudice de la possibilité de le compléter le cas échéant ultérieurement, à la suite de la décision sur le bien-fondé de la demande de traitement confidentiel.

5)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 25 juin 2015.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       D. Gratsias


* Langue de procédure : l'anglais.