Language of document : ECLI:EU:T:2018:452

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

12 juillet 2018 (*)

« Concurrence – Ententes – Marché européen des câbles électriques – Décision constatant une infraction à l’article 101 TFUE – Infraction unique et continue – Preuve de l’infraction – Durée de la participation – Calcul du montant de l’amende – Gravité de l’infraction – Compétence de pleine juridiction »

Dans l’affaire T‑451/14,

Fujikura Ltd, établie à Tokyo (Japon), représentée par Me L. Gyselen, avocat,

partie requérante,

soutenue par

Viscas Corp., établie à Tokyo, représentée par Me J.-F. Bellis, avocat,

partie intervenante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. A. Biolan, C. Giolito et H. van Vliet, en qualité d’agents, assistés de Me M. Johansson, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant, d’une part, à l’annulation partielle de la décision C(2014) 2139 final de la Commission, du 2 avril 2014, relative à une procédure d’application de l’article 101 [TFUE] et de l’article 53 de l’accord [EEE] (affaire AT.39610 – Câbles électriques), en ce qu’elle concerne la requérante, et, d’autre part, à la réduction du montant de l’amende infligée à celle-ci,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de M. A. M. Collins, président, Mme M. Kancheva (rapporteur) et M. R. Barents, juges,

greffier : M. L. Grzegorczyk, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 2 mai 2017,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

 Requérante et secteur concerné

1        La requérante, Fujikura Ltd, est une société japonaise active dans le secteur de la fabrication et de la vente de câbles électriques souterrains et sous-marins. À partir du 1er octobre 2001, la requérante a transféré une partie de ses activités dans le secteur des câbles électriques à une entreprise commune dénommée Viscas Corp., détenue à parts égales avec une autre société japonaise du secteur, Furukawa Electric Co. Ltd.

2        Les câbles électriques sous-marins et souterrains sont utilisés, respectivement sous l’eau et sous la terre, pour le transport et la distribution d’électricité. Ils sont classés en trois catégories : basse tension, moyenne tension ainsi que haute et très haute tension. Les câbles électriques à haute et très haute tension sont, dans la majorité des cas, vendus dans le cadre de projets. Ces projets consistent en une combinaison du câble électrique et des équipements, installations et services supplémentaires nécessaires. Les câbles électriques à haute et très haute tension sont vendus dans le monde entier à de grands exploitants de réseaux nationaux et à d’autres entreprises d’électricité, principalement dans le cadre de marchés publics.

 Procédure administrative

3        Par lettre du 17 octobre 2008, la société suédoise ABB AB a fourni à la Commission des communautés européennes une série de déclarations et de documents relatifs à des pratiques commerciales restrictives dans le secteur de la production et de la fourniture de câbles électriques souterrains et sous-marins. Ces déclarations et ces documents ont été produits dans le cadre d’une demande d’immunité au sens de la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2006, C 298, p. 17, ci-après la « communication sur la clémence »).

4        Du 28 janvier au 3 février 2009, à la suite des déclarations d’ABB, la Commission a effectué des inspections dans les locaux de sociétés italiennes, à savoir Prysmian SpA et Prysmian Cavi e Sistemi Energia Srl, ainsi que de sociétés françaises, à savoir Nexans SA et Nexans France SAS.

5        Le 2 février 2009, les sociétés japonaises Sumitomo Electric Industries Ltd, Hitachi Cable Ltd et J-Power Systems Corp. ont introduit une demande conjointe d’immunité d’amende, conformément au paragraphe 14 de la communication sur la clémence, ou, à titre subsidiaire, de réduction de son montant, conformément au paragraphe 27 de cette communication. Elles ont ensuite transmis à la Commission d’autres déclarations orales et d’autres documents.

6        Au cours de l’enquête, la Commission a envoyé plusieurs demandes d’informations, conformément à l’article 18 du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101] et [102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1), et au paragraphe 12 de la communication sur la clémence, à des entreprises du secteur de la production et de la fourniture de câbles électriques souterrains et sous-marins.

7        Le 30 juin 2011, la Commission a ouvert une procédure et adopté une communication des griefs à l’encontre des entités juridiques suivantes : Pirelli & C. SpA, Prysmian Cavi e Sistemi Energia, Prysmian, The Goldman Sachs Group, Inc., Nexans, Nexans France, Sumitomo Electric Industries, Hitachi Cable, J-Power Systems, Furukawa Electric, Viscas, SWCC Showa Holdings Co. Ltd, Mitsubishi Cable Industries Ltd, Exsym Corp., ABB, ABB Ltd, Brugg Kabel AG, Kabelwerke Brugg AG Holding, nkt cables GmbH, NKT Holding A/S, Silec Cable SAS, Grupo General Cable Sistemas SA, Safran SA, General Cable Corp., LS Cable & System Ltd, Taihan Electric Wire Co. Ltd et la requérante.

8        Du 11 au 18 juin 2012, tous les destinataires de la communication des griefs, à l’exception de Furukawa Electric, ont participé à une audience administrative devant la Commission.

9        Par les arrêts du 14 novembre 2012, Nexans France et Nexans/Commission (T‑135/09, EU:T:2012:596), et du 14 novembre 2012, Prysmian et Prysmian Cavi e Sistemi Energia/Commission (T‑140/09, non publié, EU:T:2012:597), le Tribunal a partiellement annulé les décisions d’inspection adressées, d’une part, à Nexans et Nexans France et, d’autre part, à Prysmian et Prysmian Cavi e Sistemi Energia, pour autant qu’elles concernaient des câbles électriques autres que les câbles électriques sous-marins et souterrains à haute tension et le matériel associé à ces autres câbles, et a rejeté les recours pour le surplus. Le 24 janvier 2013, Nexans et Nexans France ont formé un pourvoi à l’encontre du premier de ces arrêts. Par arrêt du 25 juin 2014, Nexans et Nexans France/Commission (C‑37/13 P, EU:C:2014:2030), la Cour a rejeté ce pourvoi.

10      Le 2 avril 2014, la Commission a adopté la décision C(2014) 2139 final, relative à une procédure d’application de l’article 101 [TFUE] et de l’article 53 de l’accord [EEE] (affaire AT.39610 – Câbles électriques) (ci-après la « décision attaquée »).

 Décision attaquée

 Infraction en cause

11      L’article 1er de la décision attaquée dispose que plusieurs entreprises ont participé, au cours des différentes périodes, à une infraction unique et continue à l’article 101 TFUE, dans le « secteur des câbles électriques à (très) haute tension souterrains et/ou sous-marins ». En substance, la Commission a constaté que, à partir de février 1999 et jusqu’à la fin de janvier 2009, les principaux producteurs européens, japonais et sud-coréens de câbles électriques sous-marins et souterrains avaient participé à un réseau de réunions multilatérales et bilatérales et établi des contacts visant à restreindre la concurrence pour des projets de câbles électriques souterrains et sous-marins à (très) haute tension sur des territoires spécifiques, en se répartissant les marchés et les clients et en faussant ainsi le processus concurrentiel normal (considérants 10 à 13 et 66 de ladite décision).

12      Dans la décision attaquée, la Commission a considéré que l’entente revêtait deux configurations principales qui constituaient un ensemble composite. Plus précisément, selon elle, l’entente se composait de deux volets, à savoir :

–        la « configuration A/R de l’entente », qui regroupait les entreprises européennes, généralement appelées « membres R », les entreprises japonaises, désignées en tant que « membres A », et, enfin, les entreprises sud-coréennes, désignées en tant que « membres K ». Ladite configuration permettait de réaliser l’objectif d’attribution de territoires et de clientèles entre producteurs européens, japonais et sud-coréens. Cette attribution se faisait selon un accord sur le « territoire national », en vertu duquel les producteurs japonais et sud-coréens s’abstenaient d’entrer en concurrence pour des projets se déroulant sur le « territoire national » des producteurs européens, tandis que ces derniers s’engageaient à rester en dehors des marchés du Japon et de la Corée du Sud. S’ajoutait à cela l’attribution de projets dans les « territoires d’exportation », à savoir le reste du monde à l’exception notamment des États-Unis, qui, pendant une certaine période, respectait un « quota 60/40 », signifiant que 60 % des projets étaient réservés pour les producteurs européens et les 40 % restants pour les producteurs asiatiques ;

–        la « configuration européenne de l’entente », qui impliquait l’attribution de territoires et de clients par les producteurs européens pour des projets à réaliser à l’intérieur du territoire « national » européen ou attribués à des producteurs européens (voir point 3.3 de la décision attaquée et, en particulier, considérants 73 et 74 de cette décision).

13      La Commission a constaté que les participants à l’entente avaient mis en place des obligations de communication de données afin de permettre le suivi des accords de répartition (considérants 94 à 106 et 111 à 115 de la décision attaquée).

14      En tenant compte du rôle joué par différents participants à l’entente dans la mise en œuvre de celle-ci, la Commission les a classés en trois groupes. Tout d’abord, elle a défini le noyau dur de l’entente, auquel appartenaient, d’une part, les entreprises européennes Nexans France, les entreprises filiales de Pirelli & C., anciennement Pirelli SpA, ayant successivement participé à l’entente et Prysmian Cavi e Sistemi Energia et, d’autre part, les entreprises japonaises Furukawa Electric, la requérante et leur entreprise commune Viscas ainsi que Sumitomo Electric Industries, Hitachi Cable et leur entreprise commune J-Power Systems (considérants 545 à 561 de la décision attaquée). Ensuite, elle a distingué un groupe d’entreprises qui ne faisaient pas partie du noyau dur, mais qui ne pouvaient pas, pour autant, être considérées comme des acteurs marginaux de l’entente, et a classé dans ce groupe ABB, Exsym, Brugg Kabel et l’entité constituée par Sagem SA, Safran et Silec Cable (considérants 562 à 575 de ladite décision). Enfin, elle a considéré que Mitsubishi Cable Industries, SWCC Showa Holdings, LS Cable & System, Taihan Electric Wire et nkt cables étaient des acteurs marginaux de l’entente (considérants 576 à 594 de cette décision).

 Responsabilité de la requérante

15      La responsabilité de la requérante a été retenue en raison de sa participation à l’entente du 18 février 1999 au 28 janvier 2009. Selon la Commission, cette participation a eu un caractère direct pendant une période initiale, allant du 18 février 1999 au 30 septembre 2001, et s’est poursuivie au travers de Viscas, sur laquelle elle exerçait une influence déterminante, du 1er octobre 2001 jusqu’au 28 janvier 2009 (considérants 811 à 853 et 955 de la décision attaquée).

 Amende infligée

16      L’article 2, sous o), de la décision attaquée inflige à la requérante une amende de 8 152 000 euros, au titre de sa participation directe à l’entente. L’article 2, sous p), de la décision attaquée inflige à la requérante, « conjointement et solidairement » avec Viscas et Furukawa Electric, une amende de 34 992 000 euros, au titre de sa participation à l’entente au cours de la période comprise entre le 1er octobre 2001 et le 28 janvier 2009.

17      Aux fins du calcul du montant des amendes, la Commission a appliqué l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1/2003 et la méthodologie exposée dans les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application [dudit article] (JO 2006, C 210, p. 2, ci-après les « lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006 »).

18      En premier lieu, s’agissant du montant de base des amendes, après avoir déterminé la valeur des ventes appropriée, conformément au paragraphe 18 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006 (considérants 963 à 994 de la décision attaquée), la Commission a fixé la proportion de cette valeur des ventes reflétant la gravité de l’infraction, conformément aux paragraphes 22 et 23 desdites lignes directrices. À cet égard, elle a estimé que l’infraction, par sa nature, constituait l’une des restrictions de la concurrence les plus graves, ce qui justifiait un taux de gravité de 15 %. De même, elle a appliqué une majoration de 2 % du coefficient de gravité pour l’ensemble des destinataires en raison de la part de marché cumulée ainsi que de la portée géographique quasi mondiale de l’entente, couvrant notamment l’ensemble du territoire de l’Espace économique européen (EEE). Par ailleurs, elle a considéré, notamment, que le comportement des entreprises européennes était plus préjudiciable à la concurrence que celui des autres entreprises, en ce que, outre leur participation à la « configuration A/R de l’entente », les entreprises européennes avaient partagé entre elles les projets de câbles dans le cadre de la configuration européenne de l’entente. Pour cette raison, elle a fixé la proportion de la valeur des ventes à prendre en considération au titre de la gravité de l’infraction à 19 % pour les entreprises européennes et à 17 % pour les autres entreprises (considérants 997 à 1010 de ladite décision).

19      S’agissant du coefficient multiplicateur relatif à la durée de l’infraction, la Commission a retenu, en ce qui concerne la requérante, un coefficient de 2,58 pour la période comprise entre le 18 février 1999 et le 30 septembre 2001 et un coefficient de 7,25 pour la période comprise entre le 1er octobre 2001 et le 28 janvier 2009. Elle a, en outre, inclus, pour la requérante, dans le montant de base de l’amende un montant additionnel, à savoir le « droit d’entrée », correspondant à 17 % de la valeur des ventes. Ledit montant ainsi déterminé s’élevait à 8 152 000 euros pour sa participation directe à l’entente. Parallèlement, en ce qui concerne Viscas, la Commission a retenu, s’agissant du coefficient multiplicateur relatif à la durée de l’infraction, un coefficient de 7,25 pour la période comprise entre le 1er octobre 2001 et le 28 janvier 2009. Le montant de base de l’amende de Viscas, auquel aucun montant additionnel n’a été ajouté, s’élevait ainsi à 34 992 000 euros (considérants 1011 à 1016 de la décision attaquée).

20      En second lieu, s’agissant des aménagements du montant de base des amendes, la Commission n’a pas constaté de circonstances aggravantes qui pourraient affecter le montant de base de l’amende établi à l’égard de chacun des participants à l’entente, à l’exception d’ABB. En revanche, en ce qui concerne les circonstances atténuantes, elle a décidé de refléter dans le montant de l’amende le rôle joué par différentes entreprises dans la mise en œuvre de l’entente. Ainsi, elle a réduit de 10 % le montant de base de l’amende à infliger pour les acteurs marginaux de l’entente et de 5 % le montant de base de l’amende à infliger pour les entreprises dont l’implication dans l’entente était moyenne. En outre, la Commission a accordé à Mitsubishi Cable Industries et à SWCC Showa Holdings pour la période précédant la création d’Exsym, ainsi qu’à LS Cable & System et à Taihan Electric Wire, une réduction supplémentaire de 1 % pour n’avoir pas eu connaissance de certains aspects de l’infraction unique et continue et pour leur absence de responsabilité dans ceux-ci. En revanche, aucune réduction du montant de base de l’amende n’a été accordée aux entreprises appartenant au noyau dur de l’entente, y compris à la requérante (considérants 1017 à 1020 de la décision attaquée). Par ailleurs, la Commission a accordé, en application des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006, une réduction supplémentaire de 3 % à Mitsubishi Cable Industries en raison de sa coopération effective en dehors du cadre de la communication sur la clémence (considérant 1041 de ladite décision).

21      En outre, la Commission a décidé d’accorder l’immunité des amendes à ABB et de réduire le montant de l’amende imposée à J-Power Systems, à Sumitomo Electric Industries et à Hitachi Cable de 45 % afin de tenir compte de la coopération de ces entreprises dans le cadre de la communication sur la clémence.

 Procédure et conclusions des parties

22      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 16 juin 2014, la requérante a introduit le présent recours.

23      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 29 octobre 2014, Viscas a demandé à intervenir dans le litige au soutien des conclusions de la requérante.

24      Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 5 décembre 2014, la Commission a demandé, au titre de l’article 116, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991, que certaines informations contenues dans une annexe du mémoire en défense soient exclues du dossier communiqué à Viscas, si son intervention était admise. À cette fin, la Commission a produit une version non confidentielle de la pièce concernée.

25      Par ordonnance du 25 juin 2015, le président de la huitième chambre a fait droit à la demande d’intervention de Viscas.

26      L’intervenante a déposé son mémoire en intervention le 18 septembre 2015. Le 28 octobre 2015, la Commission a présenté ses observations sur le mémoire de l’intervenante.

27      Le 28 septembre 2016, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 de son règlement de procédure, le Tribunal a posé une question écrite à la Commission. Celle-ci a déféré à la demande du Tribunal par lettre du 28 octobre 2016.

28      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, en application de l’article 27, paragraphe 5, du règlement de procédure, le juge rapporteur a été affecté à la huitième chambre (nouvelle composition), à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

29      Le 13 février 2017, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, le Tribunal a invité la requérante à prendre position par écrit sur la réponse de la Commission à la question posée par le Tribunal le 28 septembre 2016. La requérante a déféré à la demande du Tribunal par lettre du 28 février 2017.

30      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 2 mai 2017.

31      La requérante, soutenue par Viscas, demande à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        réduire le montant de l’amende qui lui a été infligée en vertu de l’article 2, sous o), de la décision attaquée pour sa participation directe à l’entente entre le 18 février 1999 et le 30 septembre 2001 ;

–        annuler l’article 2, sous p), de la décision attaquée, en ce qu’elle déclare la requérante « conjointement et solidairement » responsable de l’amende infligée à Viscas pour la période comprise entre le 1er janvier 2005 et le 28 janvier 2009 ;

–        condamner la Commission aux dépens.

32      La Commission demande à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

33      Dans son recours, la requérante formule tant des conclusions en annulation de la décision attaquée que des conclusions visant à la réduction du montant de l’amende qui lui a été infligée pour sa participation directe à l’entente.

 Sur les conclusions en annulation

34      Les conclusions en annulation visent à obtenir l’annulation de l’article 2, sous p), de la décision attaquée, par lequel la Commission a infligé à la requérante une amende « conjointement et solidairement » avec Furukawa Electric et Viscas, au titre de sa participation à l’entente du 1er octobre 2001 au 28 janvier 2009.

35      À l’appui de ces conclusions en annulation, la requérante avance un moyen unique. Celui-ci est tiré d’une violation de l’article 101, paragraphe 1, TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE en ce que la Commission n’aurait pas tenu compte du fait que la requérante n’était plus en mesure d’exercer une influence déterminante sur Viscas à compter de janvier 2005.

36      Par ce moyen, la requérante fait valoir que c’est à tort que la Commission l’a tenue pour responsable de l’infraction, en tant que l’une des deux sociétés mères de Viscas, pour la période allant du 1er janvier 2005 au 28 janvier 2009. Selon la requérante, pendant la période concernée, elle n’exerçait plus d’influence déterminante sur le comportement de Viscas.

37      Premièrement, la requérante relève que l’accord initial d’entreprise commune conclu en 2001 avec Furukawa Electric (ci-après l’« AEC 2001 ») a été modifié en 2004 par un nouvel accord (ci-après l’« AEC 2004 »), de sorte que Viscas serait devenue, à partir du 1er janvier 2005, une entreprise commune de plein exercice. À cette fin, les sociétés mères auraient nommé, chacune, deux administrateurs à temps plein qui ne seraient pas des représentants des sociétés mères dans le conseil d’administration de Viscas et n’auraient pas reçu d’instructions de la requérante. Leur seul rôle aurait été d’assurer la transition d’une entreprise commune intégrée aux sociétés mères à une entreprise commune de plein exercice. Les administrateurs à temps partiel, engagés à la fois chez Viscas et chez ses sociétés mères, auraient un rôle mineur dans le conseil d’administration de Viscas et, en outre, ils assumeraient chez la requérante des responsabilités sans rapport avec les câbles électriques. Tous les administrateurs seraient liés par un devoir de loyauté envers Viscas, ce qui les empêcherait de rendre compte aux sociétés mères des actions de celle-ci.

38      Deuxièmement, la requérante fait valoir que l’AEC 2004 a limité l’obligation de rendre compte inscrite dans l’AEC 2001. Selon le nouvel accord, cette obligation se limitait aux rapports mensuels et annuels sur des questions qui relevaient du contrôle exercé par un actionnaire normal et elle aurait perdu tout caractère préalable. En outre, le droit des sociétés mères d’effectuer des inspections chez Viscas aurait été inscrit dans l’AEC 2004 à la demande de Furukawa Electric, et la requérante ne l’aurait jamais utilisé pour contrôler Viscas.

39      Troisièmement, la requérante soutient que le fait qu’une grande partie du personnel de Viscas était constituée par les employés qu’elle a détachés auprès de Viscas n’est en rien l’expression de son influence déterminante sur cette dernière. D’une part, un tel détachement serait une pratique courante au Japon et, d’autre part, les employés détachés de la requérante seraient liés par une obligation de loyauté et de confidentialité envers Viscas pendant toute la période de détachement.

40      Quatrièmement, le fait que, conformément à l’AEC 2004, les sociétés mères étaient tenues de consentir des garanties sur les emprunts de Viscas à la demande de la banque prêteuse ne constituerait pas non plus une preuve de l’exercice effectif d’une influence déterminante sur Viscas. Il s’agirait, en effet, d’une solution habituelle, n’allant pas au-delà de ce que les actionnaires pourraient normalement faire pour sécuriser leurs investissements.

41      Cinquièmement, la requérante explique que sa participation dans le processus qui a conduit à la création d’une entreprise commune de production entre Viscas et Nexans France était motivée par le fait que cette nouvelle entreprise était censée exploiter une usine de la requérante à Futtsu (Japon) et éviter sa fermeture prévue pour 2008. Par conséquent, l’implication de la requérante ne visait pas à exercer une influence déterminante sur Viscas, mais plutôt à l’aider à réaliser des performances permettant de restaurer la valeur de cette usine.

42      Sixièmement, la requérante soutient que tous les éléments qu’elle a soulevés dans le cadre de ses mémoires devant le Tribunal, résumés ci-dessus, confirment que les liens existant entre elle et Viscas étaient moins forts que les liens qui existaient entre les entreprises The Dow Chemical Company et EI du Pont de Nemours and Company, d’une part, et leur entreprise commune DuPont Dow Elastomers LLC, d’autre part, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 26 septembre 2013, EI du Pont de Nemours/Commission (C‑172/12 P, non publié, EU:C:2013:601). En outre, contrairement à ce que le juge de l’Union a constaté dans cette affaire, aucun des employés détachés par la requérante auprès de Viscas et qui ont participé aux activités collusoires pour le compte de Viscas n’aurait participé à l’entente pour le compte de la requérante avant la création de l’entreprise commune.

43      La Commission conteste les arguments de la requérante et conclut au rejet du présent moyen.

44      À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la notion d’entreprise, placée dans un contexte de droit de la concurrence, doit être comprise comme désignant une unité économique du point de vue de l’objet de l’accord en cause même si, du point de vue juridique, cette unité économique est constituée de plusieurs personnes physiques ou morales. Aux fins de l’application des règles de la concurrence, la séparation formelle entre deux sociétés, résultant de leurs personnalités juridiques distinctes, n’est pas déterminante, ce qui importe étant l’unité ou non de leur comportement sur le marché. Il peut donc s’avérer nécessaire de déterminer si deux sociétés, ayant des personnalités juridiques distinctes, forment ou relèvent d’une seule et même entreprise ou entité économique qui déploie un comportement unique sur le marché. L’article 101, paragraphe 1, TFUE s’adresse ainsi à des entités économiques consistant chacune en une organisation unitaire d’éléments personnels, matériels et immatériels poursuivant de façon durable un but économique déterminé, organisation pouvant concourir à la commission d’une infraction visée par cette disposition (voir arrêt du 2 février 2012, EI du Pont de Nemours e.a./Commission, T‑76/08, non publié, EU:T:2012:46, point 58 et jurisprudence citée).

45      Lorsqu’une telle entité économique enfreint les règles de la concurrence, il lui incombe, selon le principe de responsabilité personnelle, de répondre de cette infraction. Toutefois, l’infraction au droit de la concurrence de l’Union doit être imputée sans équivoque à une personne juridique qui sera susceptible de se voir infliger des amendes. Il résulte d’une jurisprudence constante que le comportement d’une filiale peut être imputé à la société mère, notamment lorsque, bien qu’ayant une personnalité juridique distincte, cette filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l’essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère, eu égard, en particulier, aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent ces deux entités juridiques. En effet, il en est ainsi parce que, dans une telle situation, la société mère et sa filiale font partie d’une même unité économique et, partant, forment une seule entreprise au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, ce qui permet à la Commission d’adresser une décision imposant des amendes à la société mère, sans qu’il soit requis d’établir l’implication personnelle de cette dernière dans l’infraction (voir arrêt du 2 février 2012, EI du Pont de Nemours e.a./Commission, T‑76/08, non publié, EU:T:2012:46, point 59 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 19 juillet 2012, Alliance One International et Standard Commercial Tobacco/Commission, C‑628/10 P et C‑14/11 P, EU:C:2012:479, points 42 à 44).

46      Il convient également de noter que, afin de pouvoir imputer le comportement d’une filiale à la société mère, la Commission ne saurait se contenter de constater que la société mère est en mesure d’exercer une influence déterminante sur le comportement de sa filiale, mais doit également vérifier si cette influence a effectivement été exercée (arrêt du 26 septembre 2013, EI du Pont de Nemours/Commission, C‑172/12 P, non publié, EU:C:2013:601, point 44).

47      À cet égard, il incombe à la Commission de démontrer une telle influence déterminante, en prenant en compte l’ensemble des éléments pertinents relatifs aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent la filiale à la société mère, lesquels peuvent varier selon les cas et ne sauraient donc faire l’objet d’une énumération exhaustive (arrêts du 19 juillet 2012, Alliance One International et Standard Commercial Tobacco/Commission, C‑628/10 P et C‑14/11 P, EU:C:2012:479, point 45, et du 26 septembre 2013, EI du Pont de Nemours/Commission, C‑172/12 P, non publié, EU:C:2013:601, point 43).

48      En ce qui concerne ces éléments pertinents, la jurisprudence enseigne qu’il n’est pas indispensable que l’influence déterminante de la société mère découle d’instructions concrètes, de directives ou d’un droit de regard sur la formation des prix, la fabrication, la distribution ou d’autres points essentiels du comportement sur le marché, de telles instructions étant simplement un indice particulièrement évident de l’existence d’une influence déterminante de la société mère sur la politique commerciale de sa filiale. En revanche, l’influence de la société mère sur ses filiales, en ce qui concerne la stratégie d’entreprise, la politique d’entreprise, les projets d’exploitation, les investissements, les capacités, les ressources financières, les ressources humaines et les affaires juridiques, peut avoir indirectement des effets sur le comportement des filiales et de l’ensemble du groupe sur le marché. Le point déterminant est finalement de savoir si la société mère exerce une influence suffisante pour orienter le comportement de la filiale dans une mesure telle que les deux doivent être considérées comme une unité sur le plan économique (voir, en ce sens, arrêt du 2 février 2012, EI du Pont de Nemours e.a./Commission, T‑76/08, non publié, EU:T:2012:46, point 62).

49      C’est au regard de ces principes qu’il convient d’examiner le bien-fondé du présent moyen.

50      La Commission a exposé aux considérants 824 à 852 de la décision attaquée les raisons pour lesquelles elle a considéré que, pendant la période allant du 1er octobre 2001 au 28 janvier 2009, la requérante et Furukawa Electric avaient conjointement exercé une influence déterminante sur Viscas, de sorte qu’elles constituaient, avec cette dernière, une entreprise au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE.

51      Dans ces considérants, d’une part, la Commission a observé que, selon l’AEC 2001, Viscas fonctionnait en tant qu’agent des ventes à l’étranger pour ses sociétés mères, et non en tant que société ayant une présence autonome sur le marché, et qu’elle était donc soumise à l’influence déterminante de ces sociétés. La requérante n’a pas contesté ces observations ni au cours de la procédure devant la Commission, ni dans la présente procédure devant le Tribunal.

52      D’autre part, la Commission a indiqué que l’AEC 2004, entré en vigueur le 1er janvier 2005, avait prévu un élargissement de l’étendue des activités de Viscas, comprenant désormais la fabrication et la vente des câbles à tous les clients des sociétés mères à l’exception des sociétés nationales japonaises autres que les sociétés nationales d’électricité, qui étaient réservées aux sociétés mères (considérant 828 de la décision attaquée). La Commission a également indiqué que l’AEC 2004 avait relâché les relations entre Viscas et ses sociétés mères, sans que, pour autant, ces dernières aient cessé d’exercer une influence déterminante sur la première (considérant 850 de la décision attaquée).

53      À cet égard, en premier lieu, en ce qui concerne les relations juridiques entre Viscas et ses sociétés mères, la Commission a constaté que, selon l’article 7 de l’AEC 2004, chaque société mère avait le pouvoir de nommer la moitié des administrateurs de Viscas. Chacune des sociétés mères était également obligée d’exercer son droit de vote à l’assemblée générale des actionnaires de sorte que les administrateurs nommés par l’autre soient élus (considérants 828 et 829 de la décision attaquée). Il ressort en outre de la décision attaquée que des chevauchements existaient en ce qui concerne les membres du conseil d’administration de Viscas et les organes de ses sociétés mères. Certains membres du conseil d’administration étaient engagés, en effet, par Viscas à temps partiel et exerçaient en même temps les fonctions de cadres supérieurs chez la requérante (considérant 839 de la décision attaquée).

54      La Commission a également fait état de différents mécanismes inscrits dans l’AEC 2004 permettant aux sociétés mères de Viscas de contrôler les décisions stratégiques prises par celle-ci. Premièrement, selon l’article 10 de l’AEC 2004, les résolutions du conseil d’administration concernant certaines questions stratégiques pour Viscas nécessitaient l’accord de fait des administrateurs nommés par la requérante et Furukawa Electric. Il s’agissait, notamment, des résolutions concernant les sujets dont il convenait de rendre compte lors de l’assemblée générale des actionnaires, des résolutions concernant les politiques commerciales fondamentales, l’exécution d’accords importants, les questions de personnel d’encadrement, les investissements de capital, les investissements, les emprunts, les dettes et les garanties d’obligations d’au moins 100 millions de yens japonais (JPY) ou la cession d’actifs à partir de 100 millions de JPY (considérant 833 de la décision attaquée). Deuxièmement, l’AEC 2004 a introduit un mécanisme de notification entre Viscas et ses sociétés mères qui incluait une obligation de faire rapport sur l’apurement des comptes et l’examen des activités, sur le budget annuel, les plans annuels d’investissement en capital, les plans annuels de recherche et de développement et les plans annuels relatifs au personnel. La Commission a indiqué, à cet égard, que la requérante avait confirmé, d’une part, l’existence des rapports fournis par le président de Viscas à ses sociétés mères conformément à l’article 10 de l’AEC 2004 et, d’autre part, avoir donné des instructions à Viscas quant à l’exécution de l’obligation de faire rapport, relatives à la nature des informations qui devaient être transmises, à leurs destinataires et au moment de leur transmission. Il ressort également de la décision attaquée que les administrateurs de Viscas rendaient compte à la requérante et à Furukawa Electric sur une base ad hoc, à leur demande (considérants 835 et 836 de la décision attaquée). Troisièmement, les sociétés mères se sont réservées le droit d’inspecter les activités de Viscas et la situation de ses avoirs chaque fois qu’elles l’estimaient nécessaire (considérant 837 de la décision attaquée). L’AEC 2004 prévoyait également que Viscas était soumise à l’examen par les auditeurs de ses sociétés mères. Si la requérante n’a pas mené d’inspections, elle a confirmé que des réunions entre ses auditeurs et ceux de Viscas avaient eu lieu de façon ponctuelle afin d’obtenir une « vue d’ensemble de haut niveau » des résultats d’exploitation de Viscas, des questions de gestion et des facteurs de risques potentiels (considérant 838 de la décision attaquée).

55      En deuxième lieu, en ce qui concerne les liens organisationnels, mis à part les chevauchements du personnel de Viscas et de celui de ses sociétés mères, mentionnés au point 53 ci-dessus, la Commission a relevé que plusieurs administrateurs, directeurs et autres employés occupant des postes supérieurs chez Viscas n’étaient pas des employés permanents de celle-ci, mais étaient détachés par Furukawa Electric et la requérante pendant toute la période de l’infraction. Certains des directeurs détachés occupaient simultanément des postes de direction au sein des sociétés mères. Les salaires des employés détachés étaient payés par la requérante et Furukawa Electric et les sociétés mères devaient être consultées pour toute mesure disciplinaire concernant ces employés. La Commission a relevé à cet égard que, parmi les employés détachés de la requérante, M. T., au moins, avait participé aux activités de l’entente pour le compte de Viscas. L’AEC 2004 garantissait en outre à Furukawa Electric et à la requérante le droit de déterminer les conditions de travail du personnel de Viscas (considérant 840).

56      En troisième lieu, en ce qui concerne les liens économiques, d’une part, la Commission a indiqué que Viscas dépendait économiquement de ses sociétés mères, dans la mesure où elles garantissaient ses engagements, tant en ce qui concernait la bonne exécution des projets qu’elle réalisait qu’en ce qui concernait sa dette financière (considérant 844 de la décision attaquée). La Commission a indiqué à cet égard que l’intégralité de la dette financière de Viscas entre les exercices 2004 et 2008 était garantie par ses sociétés mères. D’autre part, la Commission a relevé que Viscas dépendait de ses sociétés mères pour son approvisionnement en matières premières et que, à la suite de la cession de leurs installations de fabrication, Furukawa Electric et la requérante étaient devenues clientes de Viscas, qui produisait les câbles électriques qu’elles vendaient par la suite à leurs clients réservés au Japon (voir point 52 ci-dessus) (considérants 845 et 846 de la décision attaquée).

57      Par ailleurs, la Commission a relevé que les négociations qui ont précédé la création de l’entreprise commune de Viscas et de Nexans France corroboraient sa conclusion selon laquelle la requérante et Furukawa Electric exerçaient une influence déterminante sur Viscas. En effet, selon la Commission, lorsque Nexans France a proposé la création d’une entreprise commune avec Viscas, elle a, dans un premier temps, contacté la requérante et Furukawa Electric, qui, initialement, n’ont pas accepté sa proposition. Les négociations qui ont suivi se sont déroulées entre Nexans France, d’une part, et Furukawa Electric, Fujikura et Viscas, d’autre part (considérant 849 de la décision attaquée).

58      Il ressort des éléments invoqués par la Commission, résumés aux points 53 à 57 ci-dessus, que Viscas n’était pas en mesure de déterminer de façon autonome son comportement sur le marché non seulement, comme le soutient la requérante, pendant la période de validité de l’AEC 2001, mais également après l’entrée en vigueur de l’AEC 2004.

59      Ainsi, premièrement, les sociétés mères de Viscas dominaient son conseil d’administration et, grâce aux mécanismes de contrôle instaurés dans l’AEC 2004, elles avaient un droit de regard constant sur la plupart des décisions prises et des politiques menées par Viscas. Elles influençaient tant les décisions stratégiques, telles que la décision d’entamer l’exploitation d’une nouvelle unité de production dans le cadre d’un accord d’entreprise commune entre Viscas et Nexans France, que les décisions relatives à la gestion quotidienne, telles que l’achat des matières premières ou la gestion des ressources humaines.

60      À cet égard, le fait, à le supposer même établi, que, comme le soutient la requérante, les liens juridiques, organisationnels et économiques entre la requérante et Viscas fussent plus lâches que ceux qui reliaient l’entreprise commune DuPont Dow Elastomers et ses sociétés mères EI du Pont de Nemours and Company et The Dow Chemical Company est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée. Il résulte, en effet, de la jurisprudence citée au point 47 ci-dessus que les éléments pertinents pour apprécier les liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent la filiale à la société mère varient selon les cas, ce qui impose leur examen individualisé et circonstancié.

61      Deuxièmement, plusieurs chevauchements des membres du personnel de Viscas, y compris son conseil d’administration, et du personnel de la requérante permettaient d’assurer la communication d’informations entre la requérante et Viscas tout au long de la participation de cette dernière à l’entente.

62      À cet égard, d’une part, il convient de préciser qu’il ressort des notes d’un employé de J-Power Systems relatives à la réunion A/R du 5 septembre 2001 qu’un employé de la requérante, M. T., était présent et qu’il a informé les autres participants que l’entreprise commune créée par Furukawa Electric et la requérante débuterait ses opérations comme prévu le 1er octobre 2001 et qu’elle se dénommerait Viscas. Or, il convient de relever que M. T., qui occupait les fonctions de directeur général de la « 1st International Trade Division, Overseas Marketing and Projects » chez la requérante avant d’occuper les fonctions de directeur général du « Overseas Marketing and Project Department » chez Viscas dès la création de celle-ci, a représenté Viscas lors des réunions de l’entente, ainsi que cela ressort de l’annexe I de la décision attaquée (voir annexe I et annexe II, p. 9, de la décision attaquée).

63      En outre, il convient de relever qu’il ressort de la décision attaquée (voir note en bas de page 1199) que M. T. a participé à la réunion du 5 septembre 2001 afin de réaliser la transition entre la requérante et Viscas, ce que la requérante a d’ailleurs confirmé à l’audience. L’affirmation de la requérante dans la requête selon laquelle M. T. a participé à cette réunion uniquement en sa qualité de futur employé de Viscas, de façon à être « initié », comme l’a précisé la requérante à l’audience, démontre non seulement que M. T. a assuré la transition entre la requérante et Viscas dans le cadre de l’entente, mais également que la requérante avait connaissance du fait qu’un membre de son personnel, détaché par la suite chez Viscas, participait aux réunions de l’entente.

64      D’autre part, il convient de relever que certains employés de la requérante ont été impliqués dans les activités collusoires lors de leur détachement auprès de Viscas avant de réintégrer leurs fonctions chez la requérante au début de l’année 2006.

65      Il ressort en effet de l’annexe II de la décision attaquée, qui recense les personnes concernées par la décision attaquée, qu’au moins deux employés de Viscas impliqués dans l’entente, MM. I. et M., sont retournés chez la requérante en avril 2006.

66      Or, il ressort de la décision attaquée ainsi que des explications fournies par la Commission en réponse à une question écrite du Tribunal quant à la nature et au degré d’implication de ces personnes dans l’entente, non contestées par la requérante, d’une part, que M. M., qui a occupé un poste de direction chez Viscas entre octobre 2001 et mars 2006, avant de retourner chez la requérante en avril 2006, a participé à plusieurs réunions de l’entente entre janvier 2002 et juin 2004. En particulier, il ressort de l’annexe I de la décision attaquée que, pendant la période de son détachement auprès de Viscas, M. M. a participé aux réunions A/R des 30 janvier, 14 novembre 2002, 11 septembre 2003 et 9 juin 2004. Il ressort de cette même annexe que soit M. M., soit M. I., a participé à une réunion A/R le 15 novembre 2002. Il ressort également de l’annexe I de la décision attaquée que, pendant cette période, M. M. a été impliqué dans des contacts concernant l’attribution de projets de câbles électriques dans différents États membres de l’EEE, à savoir au Royaume-Uni, aux Pays-Bas, en Grèce, en Italie et en Norvège. Pour sa part, M. I. a travaillé chez Viscas entre mai 2004 et avril 2006, avant de retourner chez la requérante en avril 2006, son supérieur hiérarchique direct étant M. M.

67      Ces éléments suffisent pour écarter divers arguments par lesquels la requérante soutient que les liens entre son personnel et celui de Viscas ne peuvent pas démontrer qu’elle exerçait une influence déterminante sur celle-ci. Tout d’abord, la participation de M. T. à la réunion A/R du 5 septembre 2001 au nom de la requérante et son transfert ultérieur à Viscas confirment que la situation de la requérante n’a pas à être distinguée des circonstances des affaires ayant donné lieu aux arrêts du 26 septembre 2013, EI du Pont de Nemours/Commission (C‑172/12 P, non publié, EU:C:2013:601), et du 2 février 2012, EI du Pont de Nemours e.a./Commission (T‑76/08, non publié, EU:T:2012:46). Ensuite, le transfert de cet employé confirme l’existence des canaux d’informations entre Viscas et la requérante et rend inopérants les arguments selon lesquels, d’une part, les administrateurs engagés à la fois chez la requérante et chez Viscas n’auraient eu qu’un rôle mineur dans la gestion de Viscas et, d’autre part, lesdits administrateurs étaient tenus par une obligation de confidentialité et de loyauté à l’égard de Viscas, et non envers la requérante. Enfin, comme le relève à juste titre la Commission, le fait que le détachement de travailleurs auprès d’une filiale soit une pratique courante au Japon n’a pas d’importance pour l’appréciation réalisée par la Commission, la question étant de savoir si un tel détachement permettait à la société mère d’exercer une influence déterminante sur le comportement de sa filiale, notamment par l’établissement des canaux d’informations entre les deux sociétés.

68      Troisièmement, dans la décision attaquée, la Commission a fait état des circonstances démontrant une forte dépendance économique de Viscas à l’égard de ses sociétés mères ainsi que du fait que ces trois sociétés étaient perçues comme une unité sur le plan économique.

69      Contrairement à ce que soutient la requérante, le fait que les sociétés mères garantissaient les engagements de Viscas confirme l’existence des liens économiques entre ces trois sociétés et corrobore ainsi la conclusion de la Commission selon laquelle Furukawa Electric et la requérante exerçaient une influence déterminante sur Viscas. De même, la forte implication des sociétés mères dans le processus de création d’une entreprise commune entre Viscas et Nexans France confirme que même leurs concurrents percevaient Viscas, Furukawa Electric et la requérante comme une unité sur le plan économique.

70      Il s’ensuit que c’est à bon droit que la Commission a constaté que, malgré les modifications apportées par l’AEC 2004, la requérante, agissant conjointement avec Furukawa Electric, avait exercé une influence déterminante sur Viscas pendant la période allant du 1er janvier 2005 au 28 janvier 2009. Par conséquent, c’est sans commettre d’erreur que la Commission a considéré que, pendant cette période, la requérante avait participé à l’entente et que, à ce titre, elle lui a infligé, à l’article 2, sous p), de la décision attaquée, une amende dont elle est responsable « conjointement et solidairement » avec Furukawa Electric et Viscas.

71      Il y a donc lieu de rejeter le présent moyen ainsi que, partant, les conclusions en annulation des requérantes.

 Sur les conclusions tendant à la réduction du montant de l’amende infligée à la requérante pour sa participation directe à l’entente

72      Avant d’examiner la demande de la requérante visant à obtenir une réduction du montant de l’amende qui lui a été infligée pour sa participation directe à l’entente, il convient de rappeler que le contrôle de légalité est complété par la compétence de pleine juridiction qui était reconnue au juge de l’Union par l’article 31 du règlement no 1/2003, conformément à l’article 261 TFUE. Cette compétence habilite le juge, au-delà du simple contrôle de légalité de la sanction, à substituer son appréciation à celle de la Commission et, en conséquence, à supprimer, à réduire ou à majorer le montant de l’amende ou l’astreinte infligée. Il importe cependant de souligner que l’exercice de la compétence de pleine juridiction n’équivaut pas à un contrôle d’office et de rappeler que la procédure devant les juridictions de l’Union est contradictoire. À l’exception des moyens d’ordre public que le juge est tenu de soulever d’office, telle l’absence de motivation de la décision attaquée, c’est à la partie requérante qu’il appartient de soulever les moyens à l’encontre de cette dernière et d’apporter des éléments de preuve à l’appui de ces moyens (arrêt du 8 décembre 2011, KME Germany e.a./Commission, C‑389/10 P, EU:C:2011:816, points 130 et 131).

73      Les conclusions tendant à la réduction du montant de l’amende infligée à la requérante pour sa participation directe à l’entente visent à obtenir du Tribunal qu’il réduise le montant de l’amende infligée à la requérante par l’article 2, sous o), de la décision attaquée pour sa participation directe à l’entente du 18 février 1999 au 30 septembre 2001.

74      À l’appui de ces conclusions, la requérante avance deux moyens. Dans le cadre du premier moyen, la requérante fait grief à la Commission d’avoir commis une erreur d’appréciation dans l’application du paragraphe 13 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006 en incluant dans la valeur des ventes qui a servi à déterminer le montant de base de l’amende qui lui a été infligée pour sa participation directe à l’entente du 18 février 1999 au 30 septembre 2001 des ventes réalisées par elle et par Furukawa Electric en 2004. Au soutien du second moyen, la requérante fait grief à la Commission, en substance, d’avoir violé le principe de proportionnalité ainsi que le principe d’égalité de traitement en surestimant le poids relatif des membres japonais et sud-coréens de l’entente par rapport à celui des membres européens de l’entente dans le calcul du montant de l’amende.

75      Avant d’examiner les différents griefs de la requérante, il importe de rappeler les principes qui régissent le calcul du montant de l’amende ainsi que la façon dont la Commission a procédé en l’espèce.

  Sur les principes régissant le calcul du montant de l’amende et sur leur application en l’espèce

76      Selon la jurisprudence, il ressort de l’article 49, paragraphe 3, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne que l’intensité des peines ne doit pas être disproportionnée par rapport à l’infraction poursuivie et que, en vertu de l’article 23, paragraphe 3, du règlement no 1/2003, pour déterminer le montant de l’amende, il y a lieu de prendre en considération la gravité de l’infraction et la durée de celle-ci. Les principes de proportionnalité et d’adéquation de la peine à l’infraction prévoient également que le montant de l’amende infligée doit être proportionnel à la gravité et à la durée de l’infraction (arrêt du 12 décembre 2014, H&R ChemPharm/Commission, T‑551/08, EU:T:2014:1081, point 308 et jurisprudence citée).

77      En particulier, le principe de proportionnalité implique que la Commission doive fixer le montant de l’amende proportionnellement aux éléments pris en compte pour apprécier la gravité de l’infraction et qu’elle doit à ce sujet appliquer ces éléments de façon cohérente et objectivement justifiée (voir arrêt du 12 décembre 2014, H&R ChemPharm/Commission, T‑551/08, EU:T:2014:1081, point 309 et jurisprudence citée).

78      En outre, lors de la détermination du montant de l’amende, selon la jurisprudence, des éléments objectifs tels que le contenu et la durée des comportements anticoncurrentiels, leur nombre et leur intensité, l’étendue du marché affecté et la détérioration subie par l’ordre public économique doivent être pris en compte. L’analyse doit également prendre en considération l’importance relative et la part de marché des entreprises responsables ainsi qu’une éventuelle récidive. Dans un souci de transparence, la Commission a adopté les lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006, dans lesquelles elle indique à quel titre elle prendra en considération telle ou telle circonstance de l’infraction et les conséquences qui pourront en être tirées sur le montant de l’amende (voir arrêt du 12 décembre 2014, H&R ChemPharm/Commission, T‑551/08, EU:T:2014:1081, point 310 et jurisprudence citée).

79      Il ressort des paragraphes 19 à 26 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006 que le montant de base de l’amende se compose d’un montant variable pouvant aller jusqu’à 30 % des ventes concernées d’une entreprise donnée dans l’EEE, déterminé en fonction du degré de gravité de l’infraction et multiplié par le nombre d’années de participation de cette entreprise à l’infraction, et, s’il y a lieu, d’un montant additionnel, à savoir le « droit d’entrée », compris entre 15 et 25 % de la valeur des ventes concernées de cette entreprise, quelle que soit la durée.

80      Selon le paragraphe 13 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006, en vue de déterminer le montant de base de l’amende à infliger, la Commission utilise la valeur des ventes de biens ou de services réalisées par l’entreprise, en relation directe ou indirecte avec l’infraction. À cette fin, la Commission utilise normalement les ventes de l’entreprise réalisées durant la dernière année complète de sa participation à l’infraction.

81      Le paragraphe 18 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006 prévoit toutefois ce qui suit :

« Lorsque l’étendue géographique d’une infraction dépasse le territoire de l’[EEE] (par exemple dans le cas de cartels mondiaux), les ventes concernées de l’entreprise à l’intérieur de l’EEE peuvent ne pas refléter de manière adéquate le poids de chaque entreprise dans l’infraction. Tel peut en particulier être le cas d’accords mondiaux de répartition de marché.

Dans de telles circonstances, en vue de refléter tout à la fois la dimension agrégée des ventes concernées dans l’EEE et le poids relatif de chaque entreprise dans l’infraction, la Commission peut estimer la valeur totale des ventes des biens ou services en relation avec l’infraction dans le secteur géographique (plus vaste que l’EEE) concerné, déterminer la part des ventes de chaque entreprise participant à l’infraction sur ce marché et appliquer cette part aux ventes agrégées de ces mêmes entreprises à l’intérieur de l’EEE. Le résultat sera utilisé à titre de valeur des ventes aux fins de la détermination du montant de base de l’amende. »

82      Le montant de base de l’amende ainsi calculé peut faire l’objet d’aménagements. Il peut ainsi être augmenté s’il existe des circonstances aggravantes, telles que celles prévues au paragraphe 28 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006, ou réduit lorsque la Commission constate l’existence de circonstances atténuantes, telles que celles mentionnées au paragraphe 29 de ces mêmes lignes directrices.

83      La Commission peut également, en vertu du paragraphe 30 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006, augmenter le montant de l’amende à imposer aux entreprises dont le chiffre d’affaires, au-delà des biens et des services auxquels l’infraction se réfère, est particulièrement important afin d’assurer son caractère dissuasif.

84      En toute hypothèse, pour chaque entreprise, le montant total de l’amende ne peut excéder 10 % de son chiffre d’affaires total réalisé au cours de l’exercice social précédent, conformément à l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003.

85      En l’espèce, il ressort de la décision attaquée que, afin de déterminer la valeur des ventes, qui constitue le point de départ du calcul du montant de base de l’amende, la Commission a décidé de se départir de la méthode qui découle du paragraphe 13 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006 et d’appliquer la méthode prévue par le paragraphe 18 desdites lignes directrices au motif que les ventes réalisées par certaines entreprises membres de l’entente à l’intérieur de l’EEE ne reflétaient pas de manière adéquate leur poids dans l’infraction, que le territoire couvert par l’entente était plus vaste que l’EEE et que toutes les parties à l’entente étaient des producteurs de premier plan présents dans le monde entier (considérant 968 de la décision attaquée).

86      Par ailleurs, la Commission a également décidé d’utiliser la valeur des ventes réalisées par les entreprises concernées durant l’année 2004, et non la valeur de celles réalisées durant la dernière année complète de la participation de chacune des entreprises. Pour justifier cette approche, premièrement, la Commission a indiqué que les ventes de câbles électriques réalisées à l’échelle de l’EEE et sur le plan mondial avaient sensiblement augmenté à compter de l’année 2006. Dès lors, les ventes réalisées au cours du dernier exercice complet n’étaient pas suffisamment représentatives de la période infractionnelle, notamment pour les entreprises qui ont cessé toute participation à l’entente après 2006. Selon la Commission, le fait de se fonder sur les ventes réalisées en 2004 permet d’obtenir une estimation plus précise de l’importance économique de l’infraction pendant toute sa durée ainsi que du poids relatif des entreprises concernées dans l’infraction. Deuxièmement, la Commission a précisé que le recours aux ventes de l’année 2004 permettait d’éviter un traitement discriminatoire entre les entreprises qui ont mis fin plus tôt à leur participation directe à l’entente et celles qui l’ont poursuivie. Selon la Commission, il ressort du paragraphe 13 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006 que, dans de telles circonstances, elle peut décider de ne pas se fonder sur les ventes de l’année précédente. La Commission a ajouté que le choix d’une seule année de référence était préférable aux fins de l’application du paragraphe 18 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006. Selon la Commission, la prise en compte d’années de référence différentes pour l’ensemble des participants pouvait compromettre gravement, en l’espèce, la finalité et l’application dudit paragraphe 18 (considérants 965 et 966 de la décision attaquée).

87      En conséquence, conformément à la méthode décrite au paragraphe 18 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006, tout d’abord, la Commission a déterminé la valeur des ventes de câbles électriques sous-marins et la valeur des ventes de câbles électriques souterrains concernés réalisées ensemble par les membres de l’entente en 2004 dans le monde entier à l’exclusion des États-Unis. Ensuite, elle a vérifié quelles étaient les parts de ces ventes réalisées par chacune des entreprises participant à l’entente (considérant 991 et tableau 4 de la décision attaquée). Enfin, elle a appliqué les pourcentages de parts ainsi établis à la valeur des ventes de câbles électriques sous-marins et à la valeur des ventes de câbles électriques souterrains réalisées par les membres de l’entente en 2004 dans l’EEE. À cette dernière étape, afin de tenir compte de l’évolution territoriale de l’EEE, la Commission a décidé d’établir trois valeurs de vente : une première pour l’EEE composé de 18 membres, une deuxième pour l’EEE composé de 28 membres et une troisième pour l’EEE composé de 30 membres (considérants 967 et 990 et tableaux 5 à 7 de la décision attaquée).

88      La Commission a dès lors appliqué à chacune de ces trois valeurs de vente un coefficient correspondant à la gravité de l’infraction. Ce dernier s’élevait à 15 % pour toutes les entreprises ayant pris part à l’entente, auxquels s’ajoutaient 2 % au titre de la part de marché cumulée détenue par ces entreprises et de la portée géographique de l’entente. Les entreprises européennes ayant pris part à la « configuration A/R de l’entente » ainsi qu’à la « configuration européenne de l’entente » se sont vu infliger un coefficient de 2 % supplémentaires. Puis, la Commission a appliqué au chiffre obtenu pour chacune de ces périodes le coefficient multiplicateur correspondant à la durée de l’infraction commise dans l’EEE à 18 membres (du 18 février 1999 au 30 avril 2004), à 28 membres (du 1er mai 2004 au 31 décembre 2006) et à 30 membres (du 1er janvier 2007 au 28 janvier 2009).

89      Pour déterminer le montant de base de l’amende de chaque participant à l’entente, en application du paragraphe 25 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006, la Commission a encore ajouté au chiffre obtenu après application du coefficient multiplicateur le « droit d’entrée », correspondant à une proportion de la valeur des ventes de 17 à 19 %. Ce montant additionnel n’a toutefois pas été appliqué aux entreprises communes.

90      Pour finir, après avoir constaté l’absence de circonstances aggravantes, la Commission a tenu compte, à titre de circonstances atténuantes, de la participation limitée de plusieurs entreprises à l’entente ainsi que, pour certaines, de leur méconnaissance d’aspects particuliers de l’entente, en réduisant le montant total de leur amende de 5 % à 10 %. La Commission n’a constaté aucune circonstance atténuante en ce qui concernait la requérante. Par ailleurs, la Commission n’a pas estimé nécessaire d’augmenter le montant des amendes infligées pour leur conférer un effet dissuasif au sens du paragraphe 30 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006.

91      S’agissant plus particulièrement de la détermination de la valeur des ventes des entreprises japonaises aux fins de l’application du paragraphe 18 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006, premièrement, la Commission a relevé que la participation de ces entreprises à l’entente se divisait en deux périodes, à savoir une première période de participation directe à l’entente de Sumitomo Electric Industries, Hitachi Cable, Furukawa Electric, la requérante, SWCC Showa Holdings et Mitsubishi Cable Industries, et une seconde période pendant laquelle ces sociétés ont participé à l’entente par le biais de leurs entreprises communes respectives, J-Power Systems, Viscas et Exsym. La Commission a considéré que, dès lors que les sociétés mères ont poursuivi leur participation à l’entente par l’intermédiaire de leurs entreprises communes respectives, il serait artificiel d’utiliser une année de référence différente pour établir la valeur des ventes prise en compte aux fins du calcul du montant de l’amende pour la première période et pour la seconde période. La prise en compte d’une année de référence différente conduirait à opérer une discrimination entre des entreprises japonaises et les autres destinataires de la décision attaquée, du seul fait que les entreprises japonaises avaient décidé de constituer des entreprises communes (considérants 977 et 978 de la décision attaquée).

92      Deuxièmement, la Commission a indiqué, en se référant à cet égard aux observations qu’elle a faites dans la communication des griefs, que les ventes à prendre en compte, pour ce qui était des entreprises communes et de leurs sociétés mères, incluaient non seulement les ventes à des tiers réalisées par chaque entreprise commune en 2004, mais aussi les ventes des sociétés mères aux tiers conservés en tant que clients propres pendant la durée de l’entreprise commune. La Commission a relevé, à cet égard, que, au cours de la procédure administrative, la requérante, Furukawa Electric et Viscas avaient soutenu que cette approche allait à l’encontre du paragraphe 13 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006, dans la mesure où les ventes de la requérante et de Furukawa Electric réalisées après la création de Viscas ne seraient ni en relation directe ni en relation indirecte avec l’infraction. La Commission a rejeté leurs arguments en indiquant, au considérant 980 de la décision attaquée, que les ventes qui étaient couvertes par l’entente avant la constitution des entreprises communes avaient par la suite été réparties entre les sociétés mères et les entreprises communes selon des critères clairs fondés sur le type de clientèle et sur la portée géographique. La Commission a ajouté que, en application de l’ « accord sur le territoire national », toutes les ventes réalisées par les sociétés mères après la constitution de leurs entreprises communes étaient également protégées par les accords collusoires du fait de la participation desdites entreprises communes à l’entente.

93      Troisièmement, afin de refléter la puissance économique de chaque société mère et son poids dans l’infraction au cours de la période ayant précédé la constitution des entreprises communes, la Commission a décidé de répartir les ventes réalisées par chaque entreprise commune entre ses sociétés mères proportionnellement aux ventes individuelles réalisées par chacune des sociétés mères au cours de l’exercice complet ayant précédé la constitution de leur entreprise commune (considérants 981 et 982 de la décision attaquée).

 Sur le moyen tiré d’une erreur d’appréciation dans l’application du paragraphe 13 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006

94      La requérante, soutenue par Viscas, fait valoir que la Commission a commis une erreur en incluant dans la valeur des ventes qui a servi à déterminer le montant de base de l’amende, qui lui a été imposée par l’article 2, sous o), de la décision attaquée pour sa participation directe à l’entente du 18 février 1999 au 30 septembre 2001, non seulement les ventes réalisées par Viscas en 2004, mais également celles réalisées cette même année avec les clients réservés par elle et par Furukawa Electric.

95      La requérante affirme en effet que, à partir du 1er octobre 2001, elle ne participait plus directement à l’entente, qu’elle n’était plus tenue de respecter l’accord sur le « territoire national » et que les producteurs européens n’étaient, réciproquement, plus tenus de ne pas approcher ses clients réservés. Il s’ensuivrait que les ventes réalisées par la requérante ainsi que celles réalisées par Furukawa Electric à leurs clients réservés n’étaient plus couvertes par l’entente. Selon la requérante, la Commission ne peut recourir à une fiction selon laquelle elle-même et Furukawa Electric ont continué de participer directement à l’entente pour gonfler artificiellement la valeur des ventes servant à calculer le montant de base de l’amende qui lui a été imposée pour sa participation directe à l’entente.

96      Selon la requérante, si la Commission avait exclu, comme elle aurait dû le faire, les ventes réalisées en 2004 par les sociétés mères des entreprises communes des producteurs japonais, la part de marché mondiale de la requérante aurait été de 7,7 % au lieu de 13,04 % pour les câbles souterrains à haute tension et de 1,47 % au lieu de 6,86 % pour les câbles sous-marins à haute tension. En conséquence, l’amende de la requérante aurait été approximativement de 4 500 000 euros au lieu de 8 150 000 euros.

97      La Commission conteste les arguments de la requérante et de Viscas.

98      À cet égard, il importe de rappeler que, conformément à la jurisprudence, dans le cas où deux sociétés mères détiennent chacune 50 % de l’entreprise commune ayant commis une infraction aux règles du droit de la concurrence, c’est uniquement aux fins de la constatation de la responsabilité pour la participation à l’infraction à ce droit et seulement dans la mesure où la Commission a démontré, sur la base d’un ensemble d’éléments factuels, l’exercice effectif de l’influence déterminante des deux sociétés mères sur l’entreprise commune que ces trois entités peuvent être considérées comme faisant partie d’une unité économique formant ainsi une seule entreprise au sens de l’article 101 TFUE (arrêts du 26 septembre 2013, The Dow Chemical Company/Commission, C‑179/12 P, non publié, EU:C:2013:605, point 58 ; du 27 septembre 2006, Avebe/Commission, T‑314/01, EU:T:2006:266, points 137 et 138, et du 27 septembre 2012, Shell Petroleum e.a./Commission, T‑343/06, EU:T:2012:478, point 45).

99      Or, il résulte de l’analyse du moyen unique avancé à l’appui des conclusions en annulation de ce recours (voir points 36 à 71 ci-dessus) que, pendant toute la période de la participation de Viscas à l’entente, grâce aux liens juridiques, organisationnels et économiques étroits qui l’unissaient à Viscas, la requérante, agissant conjointement avec Furukawa Electric, a exercé une influence déterminante sur Viscas. En effet, d’une part, la requérante ne conteste pas avoir exercé une telle influence au cours de la période de validité de l’AEC 2001, allant du 1er octobre 2001 au 31 décembre 2004. Au contraire, elle admet que, à partir de l’entrée en vigueur de l’AEC 2004, qui a eu lieu le 1er janvier 2005, elle n’exerçait « plus » une telle influence. D’autre part, ainsi qu’il a été constaté dans le cadre de l’examen dudit moyen unique, il y a lieu de rejeter intégralement les arguments de la requérante tendant à démontrer qu’elle n’exerçait pas une influence déterminante sur Viscas pendant la période allant du 1er janvier 2005 au 28 janvier 2009.

100    Ainsi, contrairement à ce que soutient la requérante, qui affirme avoir cessé sa participation à l’entente en cause à partir du 30 septembre 2001, il résulte de l’analyse du moyen unique avancé à l’appui des conclusions en annulation de ce recours que, pendant toute la période allant du 1er octobre 2001 au 28 janvier 2009, la requérante, Furukawa Electric et Viscas faisaient partie, du point de vue de l’objet de cette entente, d’une seule unité économique et, partant, formaient une seule et même entreprise au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, laquelle a déployé un comportement unique sur le marché des câbles électriques sous-marins et souterrains à haute et très haute tension. C’est donc bien cette entreprise qui, pendant la période concernée, a participé à l’infraction unique et continue, en violation de l’article 101, paragraphe 1, TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE.

101    Le fait que, comme le relève la requérante, au considérant 818 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que, à partir de la création de Viscas, la requérante et Furukawa Electric ne participaient pas directement à l’entente n’empêche aucunement la reconnaissance de la responsabilité personnelle de la requérante pour l’infraction en cause. Comme cela ressort de la jurisprudence citée au point 45 ci-dessus, la participation directe de la requérante aux activités collusoires n’est pas nécessaire pour pouvoir la tenir pour responsable d’une violation de l’article 101, paragraphe 1, TFUE. En l’espèce, la requérante a été condamnée personnellement pour une infraction qu’elle est censée avoir commise elle-même en raison des liens économiques et juridiques étroits qui l’unissaient à Viscas et qui lui permettaient de déterminer le comportement de cette dernière sur le marché en cause.

102    Dans une telle situation, il ne saurait être considéré que la Commission ne pouvait, par principe, pas tenir compte des ventes réalisées par la requérante et Furukawa Electric pour calculer la valeur des ventes hypothétiques réalisées par Viscas dans l’EEE en application du paragraphe 18 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006.

103    Il convient en effet de relever que le paragraphe 6 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006 précise que « la combinaison de la valeur des ventes en relation avec l’infraction et de la durée est considérée comme une valeur de remplacement adéquate pour refléter l’importance économique de l’infraction ainsi que le poids relatif de chaque entreprise participant à l’infraction ». Or, conformément au paragraphe 13 desdites lignes directrices, il doit être tenu compte de la valeur des ventes de biens ou de services réalisées par l’entreprise en relation directe ou indirecte avec l’infraction.

104    Il est vrai que, généralement, la Commission tient compte seulement des ventes en relation directe ou indirecte avec l’infraction réalisées par l’entreprise commune aux fins de calculer l’amende à laquelle sont, in fine, condamnées « conjointement et solidairement » les sociétés mères, pour autant qu’il soit démontré qu’elles ont exercé une influence déterminante sur leur filiale.

105    Toutefois, en l’espèce, Furukawa Electric et la requérante n’ont pas transféré à leur filiale la totalité des activités couvertes par l’entente, mais elles ont conservé pour elles-mêmes une partie de ces activités.

106    La Commission a indiqué que, pendant la période allant du 1er octobre 2001 au 31 décembre 2004, Viscas était un agent des ventes à l’étranger agissant pour ses sociétés mères. Il ressort du considérant 825 de la décision attaquée, non contesté par la requérante, que, pendant cette période, la requérante et Furukawa Electric ont transféré à Viscas leurs ventes respectives de câbles électriques sous-marins et souterrains en dehors du Japon à des entreprises non japonaises. Les installations de production et les activités de vente au Japon ainsi qu’à des sociétés japonaises hors du Japon ont été conservées par les sociétés mères. Il ressort du considérant 828 de la décision attaquée que, à la suite des modifications apportées par l’AEC 2004, à partir de 1er janvier 2005, les activités de Viscas englobaient la fabrication et la vente de câbles à tous les clients des sociétés mères à l’exception des sociétés nationales japonaises autres que les sociétés nationales d’électricité, qui étaient réservées aux sociétés mères.

107    Ainsi, les ventes réalisées par la requérante à ses clients réservés couvraient, d’une part, pendant la période de validité de l’AEC 2001, les ventes aux sociétés japonaises effectuées tant à l’intérieur que hors du Japon et, d’autre part, pendant la période de validité de l’AEC 2004, les ventes aux sociétés nationales japonaises autres que les sociétés nationales d’électricité. De plus, ces ventes portaient bien sur les câbles sous-marins et souterrains à haute et très haute tension fabriqués initialement par la requérante et Furukawa Electric puis par Viscas elle-même. Dès lors, durant la période d’activité de l’entreprise commune, les ventes étaient partagées entre les sociétés mères et l’entreprise commune sur la base de critères clairement définis fondés sur les types de clients et la portée géographique (considérant 980 de la décision attaquée).

108    Or, conformément à la jurisprudence, la partie du chiffre d’affaires global provenant de la vente des produits qui font l’objet de l’infraction est la mieux à même de refléter l’importance économique de cette infraction. Ainsi, la Commission pouvait légitimement tenir compte des ventes des sociétés mères, car elles avaient été réalisées sur un marché affecté par l’entente (arrêt du 23 avril 2015, LG Display et LG Display Taiwan/Commission, C‑227/14 P, EU:C:2015:258, points 55 et 56) et étaient par ailleurs des ventes de l’entreprise à laquelle la requérante appartenait (voir, en ce sens, arrêt du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C‑286/13 P, EU:C:2015:184, points 149 et 150).

109    L’argument de la requérante selon lequel ces ventes n’auraient pas été affectées par l’entente dès lors que, à partir du 1er octobre 2001, elle n’était plus liée par les accords collusoires ne saurait prospérer. En effet, comme cela ressort des points 44 à 70 ci-dessus, pendant la période allant du 1er octobre 2001 au 28 janvier 2009, la requérante participait à l’entente dès lors que, au moyen des liens juridiques, organisationnels et économiques étroits qui l’unissaient à Viscas, elle exerçait sur cette dernière une influence déterminante.

110    Les ventes des câbles sous-marins et souterrains à haute et très haute tension réalisées par la requérante au bénéfice de ses clients réservés relevaient donc des accords collusoires, notamment de l’« accord sur les territoires nationaux », lorsqu’il s’agissait des ventes effectuées au Japon, et de l’accord sur les « territoires d’exportation », lorsqu’il s’agissait des ventes hors du Japon. Ces ventes doivent donc être qualifiées de ventes en relation directe ou indirecte avec l’infraction, au sens du paragraphe 13 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006.

111    Par ailleurs, s’agissant de l’argument de Viscas selon lequel, lorsque la Commission utilise les ventes combinées de la requérante, de Furukawa Electric et de Viscas comme base pour le calcul du montant des amendes infligées à chacune d’entre elles, les sociétés mères de Viscas deviennent également responsables d’une amende calculée sur des actions présumées de chacune de ces sociétés, même si ces sociétés n’avaient manifestement pas la capacité d’exercer un contrôle décisif l’une sur l’autre, il convient de relever qu’il résulte d’une lecture erronée de la décision attaquée.

112    En effet, ainsi que cela a été rappelé au point 93 ci-dessus, s’agissant de l’amende infligée aux sociétés mères pour la période précédant la création de leur entreprise commune, la Commission a réparti les ventes réalisées par chaque entreprise commune en 2004 entre ses sociétés mères proportionnellement aux ventes individuelles réalisées par chacune des sociétés mères au cours de l’exercice complet ayant précédé la constitution de leur entreprise commune. Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutient Viscas, l’inclusion des ventes réalisées par Furukawa Electric en 2004 dans la valeur des ventes qui a servi à calculer le montant de base de l’amende de la requérante pour sa participation directe à l’entente n’a pas conduit à imputer à cette dernière la responsabilité de ventes réalisées par une entreprise sur laquelle elle n’était pas en mesure d’exercer un contrôle.

113    Partant, il y a lieu de conclure que, en incluant ces ventes dans la valeur des ventes servant à la détermination du montant de base de l’amende, la Commission n’a pas enfreint le paragraphe 13 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006. Il convient par conséquent de rejeter le présent moyen comme étant non fondé.

 Sur le moyen tiré d’une violation des principes de proportionnalité et d’égalité de traitement dans le calcul du montant de l’amende infligée à la requérante pour sa participation directe à l’entente

114    Dans le cadre de ce moyen, la requérante soutient, en particulier, que l’application du paragraphe 18 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006 a conduit à ce que les amendes imposées aux producteurs européens soient beaucoup moins élevées qu’elles ne l’auraient été si leur calcul avait été fondé sur les ventes réelles réalisées dans l’EEE et, en retour, à ce que les amendes imposées aux producteurs japonais et sud-coréens soient beaucoup plus élevées qu’elles ne l’auraient été si elles avaient été calculées sur la base desdites ventes. En outre, elle fait grief à la Commission de ne pas avoir tenu compte, au stade de l’appréciation de la gravité de l’infraction, de la circonstance que, eu égard aux importantes barrières à l’entrée sur le marché de l’EEE, l’engagement des producteurs japonais et sud-coréens de respecter l’ « accord sur le territoire national » européen n’a eu qu’un effet limité sur la concurrence dans l’EEE.

–       Sur l’application du paragraphe 18 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006 pour déterminer la valeur des ventes

115    Selon la requérante, soutenue par Viscas, l’application de la méthodologie prévue par le paragraphe 18 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006 en l’espèce favorise les entreprises européennes par rapport aux entreprises japonaises.

116    Plus précisément, la requérante et Viscas font valoir que l’application, en l’espèce, de la méthode de calcul de la valeur des ventes décrite au paragraphe 18 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006 produit un effet pervers, puisqu’elle aboutit à ce que les amendes imposées aux fournisseurs européens soient moins élevées qu’elles l’auraient été si la Commission avait appliqué la méthode prévue au paragraphe 13 desdites lignes directrices. Ainsi, en dépit du fait que la Commission a considéré que le comportement des producteurs européens était plus préjudiciable – car ils ont participé aux deux composantes de l’entente –, elle aurait paradoxalement diminué l’amende qui leur a été infligée en reportant les ventes réelles réalisées par les fournisseurs européens sur les producteurs asiatiques afin de déterminer les ventes dans l’EEE théoriques. La Commission aurait ainsi omis de refléter dans le montant de l’amende le poids réel de l’implication de chaque entreprise dans l’entente.

117    Viscas soutient que la manière la plus adaptée pour remédier au traitement inégal dont ont été l’objet les producteurs japonais est d’appliquer au moins 44 % de réduction à la valeur théorique des ventes utilisée pour déterminer l’amende – réduction qui reflète la réduction du montant des amendes dont bénéficient les producteurs européens en conséquence de l’application du paragraphe 18 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006 par rapport à l’amende qui aurait dû leur être imposée si la Commission avait appliqué le paragraphe 13 desdites lignes directrices.

118    La Commission conteste l’argumentation de la requérante et de Viscas.

119    À cet égard, tout d’abord, il y a lieu de considérer que, en l’espèce, la requérante ayant participé à un accord de partage de marché visant, notamment, à réserver l’accès du marché de l’EEE aux producteurs européens, c’est à juste titre que la Commission a estimé qu’il ne serait pas approprié d’appliquer une méthodologie qui se fonde sur ses ventes réelles dans l’EEE. En effet, comme la Commission l’a retenu, cela reviendrait à ne pas sanctionner la requérante à la hauteur de sa participation à l’entente.

120    Ensuite, eu égard à la nature de l’infraction en cause, une méthodologie qui prend en compte les parts du marché mondial est adéquate pour refléter le poids des participants à l’entente dans l’infraction (arrêt du 21 mai 2014, Toshiba/Commission, T‑519/09, non publié, EU:T:2014:263, point 282).

121    Enfin, ainsi que le Tribunal l’a déjà constaté, s’agissant d’un accord de partage de marché entre des entreprises qui se faisaient concurrence à l’échelle mondiale, ce sont les parts du marché mondial qui donnent la représentation la plus adaptée de la capacité desdites entreprises à nuire gravement aux autres opérateurs sur le marché européen et fournissent une indication de leur contribution à l’efficacité de l’entente dans son ensemble ou, à l’inverse, de l’instabilité qui aurait régné au sein de l’entente si elles n’y avaient pas participé (voir, en ce sens, arrêts du 29 avril 2004, Tokai Carbon e.a./Commission, T‑236/01, T‑239/01, T‑244/01 à T‑246/01, T‑251/01 et T‑252/01, EU:T:2004:118, point 198, et du 15 juin 2005, Tokai Carbon e.a./Commission, T‑71/03, T‑74/03, T‑87/03 et T‑91/03, non publié, EU:T:2005:220, point 186).

122    En effet, eu égard au caractère extrêmement nocif d’un accord de répartition de marché, qui constitue une des violations les plus graves de l’article 101 TFUE, il est justifié d’imposer des sanctions suffisamment dissuasives à l’égard de producteurs non européens qui s’engagent à ne pas faire concurrence aux producteurs européens sur leur territoire (arrêt du 21 mai 2014, Toshiba/Commission, T‑519/09, non publié, EU:T:2014:263, point 284).

123    Le caractère approprié de la méthodologie utilisée par la Commission en l’espèce pour calculer le montant des ventes réalisées dans l’EEE attribuées aux différents participants de l’entente ne saurait être remise en cause par l’argumentation de la requérante et de Viscas.

124    En effet, la thèse de la requérante et de Viscas ne consiste pas à contester, comme l’a souligné Viscas à l’audience, la possibilité pour la Commission de faire application de la méthode prévue au paragraphe 18 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006 afin de refléter le poids relatif des participants à une entente lorsque, comme c’était le cas dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 21 mai 2014, Toshiba/Commission (T‑519/09, non publié, EU:T:2014:263), les producteurs européens, d’une part, et les producteurs asiatiques, d’autre part, se sont engagés à ne pas pénétrer sur leurs marchés domestiques respectifs. Elles font toutefois valoir que l’application de cette méthode ne permet pas de refléter correctement le poids relatif des participants à l’entente lorsque, comme en l’espèce, les producteurs européens ne se sont pas contentés de s’abstenir d’entrer sur le marché domestique des producteurs asiatiques, mais se sont également partagé le marché dans l’EEE. Selon la thèse de la requérante, dans une telle hypothèse, l’application du paragraphe 18 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006 conduirait à sous-évaluer le poids des producteurs européens dans l’entente et, partant, à surévaluer le poids des producteurs japonais, ce qui constituerait une violation du principe d’égalité de traitement dans la détermination du montant de l’amende.

125    Or, il convient d’observer que la thèse de la requérante et de Viscas repose sur la prémisse que l’application de la méthodologie prévue par le paragraphe 18 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006 aurait favorisé les producteurs européens en réduisant la part des ventes effectivement réalisées dans l’EEE qui leur ont été attribuée en application du point 13 de ces lignes directrices. Toutefois, force est de constater qu’une telle prémisse est erronée dès lors que, eu égard à la nature de l’infraction, qui consistait, notamment, à restreindre l’accès des producteurs japonais au marché de l’EEE, la part des ventes effectivement réalisées par les producteurs européens dans l’EEE ne pouvait servir de base pour apprécier leur poids dans l’infraction comme le prévoit le paragraphe 13 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006. En effet, l’utilisation de la part des ventes effectivement réalisées par les producteurs européens dans l’EEE aurait conduit, en l’espèce, à surévaluer leur poids dans l’entente et à les sanctionner au-delà de leur participation à celle-ci. Il ne saurait donc être considéré, comme le soutiennent la requérante et Viscas, que l’écart entre le montant des ventes effectivement réalisées par les producteurs européens dans l’EEE et celui qui leur a été attribué en application du paragraphe 18 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006 témoigne d’un avantage qui leur aurait été accordé par la Commission.

126    Partant, il y a lieu de considérer que, contrairement à ce que soutient la requérante, en appliquant la méthodologie prévue par le paragraphe 18 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006 pour déterminer la valeur des ventes à prendre compte pour le calcul de l’amende, la Commission n’a pas violé les principes de proportionnalité et d’égalité de traitement.

–       Sur l’absence de prise en compte de l’existence des barrières à l’entrée sur le marché de l’EEE dans la détermination du montant de base de l’amende

127    La requérante, soutenue par Viscas, fait valoir que, à la différence des faits à l’origine des arrêts du 12 juillet 2011, Hitachi e.a./Commission (T‑112/07, EU:T:2011:342), et du 12 juillet 2011, Toshiba/Commission (T‑113/07, EU:T:2011:343), en l’espèce, eu égard aux barrières importantes à l’entrée sur le marché de l’EEE, l’engagement des producteurs japonais et sud-coréens de respecter l’accord sur le « territoire national » n’était pas susceptible d’avoir un effet sur la concurrence dans l’EEE suffisant pour être considéré comme une condition de l’efficacité de la « configuration européenne de l’entente » et n’aurait pas, en lui-même, permis aux producteurs européens participant à l’entente d’acquérir une position dominante sur le marché dans l’EEE. Selon la requérante, le rôle limité joué par l’accord sur le « territoire national » dans le fonctionnement de la « configuration européenne de l’entente » est confirmé par des déclarations d’ABB et de Nexans France. En conséquence, afin de refléter correctement le poids relatif des producteurs japonais et sud-coréens dans l’infraction, la Commission aurait dû limiter la proportion de la valeur des ventes retenue à leur égard au titre de la gravité de l’infraction à 15 % ou, au plus, à 16 %, conformément à la pratique qu’elle avait adoptée dans plusieurs décisions antérieures concernant des ententes comparables à celle en cause dans la décision attaquée.

128    La Commission conteste cette argumentation.

129    À titre liminaire, il importe de rappeler que, ainsi que cela a été exposé aux points 81 et 87 ci-dessus, en l’espèce, la Commission a utilisé, en application du paragraphe 18 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006, une approche fondée sur les parts du marché mondial de l’entreprise, au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, formée par la requérante, Furukawa Electric et Viscas. Or, il convient de relever que, ainsi que le Tribunal l’a déjà jugé, une approche qui repose sur les parts du marché mondial de la requérante prend en compte, même si ce n’est que de manière agrégée, les éventuelles barrières à l’entrée pouvant exister dans les différents segments géographiques du marché mondial (arrêt du 21 mai 2014, Toshiba/Commission, T‑519/09, non publié, EU:T:2014:263, point 288).

130    Par ailleurs, il y a lieu de relever que la requérante et Viscas ne font pas valoir que les barrières à l’entrée sur le marché de l’EEE étaient insurmontables de sorte qu’elles excluaient toute concurrence potentielle de la part des producteurs japonais et sud-coréens, mais que, compte tenu de l’importance desdites barrières, l’engagement de ces producteurs à respecter l’accord sur le « territoire national » n’a eu qu’un effet limité sur la concurrence dans l’EEE et n’aurait pas, à lui seul, permis aux producteurs européens participant à l’entente de représenter quasiment l’intégralité du marché, ce dont la Commission aurait dû tenir compte au stade de l’appréciation de la gravité de l’infraction.

131    Force est de constater que cette argumentation repose sur une prémisse erronée.

132    En effet, il convient de relever que les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement no 17 et de l’article 65, paragraphe 5, [CA] (JO 1998, C 9, p. 3), applicables dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts du 12 juillet 2011, Hitachi e.a./Commission (T‑112/07, EU:T:2011:342), et du 12 juillet 2011, Toshiba/Commission (T‑113/07, EU:T:2011:343), prévoyaient expressément, au point 1 A, premier alinéa, que la Commission devait, dans le cadre de l’appréciation de la gravité de l’infraction, procéder à un examen de l’impact concret de l’infraction sur le marché lorsqu’il apparaissait que cet impact était mesurable.

133    Or, il ressort du paragraphe 22 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006, applicables aux faits de l’espèce, que, parmi les éléments que la Commission s’est engagée à prendre en considération afin de décider si la proportion de la valeur des ventes réalisées en relation avec l’infraction à retenir aux fins de la détermination du montant de base de l’amende devra être en bas ou en haut de l’échelle allant jusqu’à 30 %, prévue au paragraphe 21 des mêmes lignes directrices, ne figure expressément que le critère de la mise en œuvre de l’infraction (arrêt du 14 mai 2014, Donau Chemie/Commission, T‑406/09, EU:T:2014:254, points 71 et 73).

134    En revanche, les lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006 ne prévoient pas la prise en compte de l’impact concret de l’infraction sur le marché, aux fins de la détermination du montant de base de l’amende. Le point 5 desdites lignes directrices, selon lequel la « durée de l’infraction a nécessairement un impact sur les conséquences potentielles de l’infraction sur le marché », ne saurait conduire à une conclusion différente dès lors qu’il vise seulement à justifier le fait que la proportion de la valeur des ventes retenue conformément aux paragraphes 19 à 23 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006 est, conformément au point 24, multipliée par le nombre d’années de participation à l’infraction (arrêt du 14 mai 2014, Donau Chemie/Commission, T‑406/09, EU:T:2014:254, point 71).

135    Il s’ensuit que, indépendamment de l’importance des barrières à l’entrée sur le marché l’EEE lors de la période au cours de laquelle la requérante a participé à l’infraction, celle-ci ne saurait faire grief à la Commission de ne pas avoir tenu compte de l’effet concret de l’engagement des producteurs japonais et sud-coréens à respecter l’accord sur le « territoire national » au stade de l’appréciation de la gravité de l’infraction.

136    Au demeurant, la requérante reste en défaut de démontrer que le respect de l’accord sur le « territoire national » par les producteurs japonais et sud-coréens n’était pas une condition de l’efficacité de la « configuration européenne de l’entente ».

137    Elle se borne, en effet, à faire valoir que, dans ses déclarations orales effectuées dans le cadre de sa demande d’immunité, ABB n’a pas fait état du caractère déterminant du respect par les producteurs japonais et sud-coréens de l’accord sur le « territoire national » pour l’efficacité de la « configuration européenne de l’entente » et que, lors de l’audience administrative devant la Commission, Nexans France a affirmé qu’il n’existait pas d’accord ferme excluant les producteurs asiatiques de l’EEE et que, pour des raisons techniques, ceux-ci n’étaient pas considérés comme des concurrents sérieux dans l’EEE. Or, ces seules déclarations ne suffisent pas à étayer la thèse de la requérante.

138    Ainsi, d’une part, la circonstance qu’ABB a uniquement fait référence dans ses déclarations à l’accord sur le « territoire national » dans le sens que les producteurs européens ne devaient pas entrer en concurrence pour des projets situés sur le « territoire national » des producteurs japonais et sud-coréens de l’entente ne signifie pas qu’elle ignorait qu’en contrepartie les producteurs japonais et sud-coréens devaient s’abstenir d’entrer en concurrence pour des projets situés sur le « territoire national » des membres européens de l’entente et que cette dernière obligation était sans importance pour l’efficacité de la « configuration européenne de l’entente ».

139    D’autre part, les déclarations de Nexans France lors de l’audience administrative, dont il peut être légitimement estimé qu’elles visaient à masquer l’étendue de l’infraction dont la Commission entendait lui imputer la responsabilité, sont directement contredites par le contenu d’un courriel mentionné au considérant 437 de la décision attaquée. En effet, dans ce courriel, daté du 7 mars 2008, M. J., de Nexans France, écrit à M. I., de Viscas : « Nous avons noté avec surprise l’implication de A (JP) [JPS] via une société appelée Eclipse dans un projet SM [sous-marin] Ormonde (Royaume-Uni) […] Veuillez clarifier ». Il ressort de ce courriel que le coordinateur du côté européen de l’entente indique au coordinateur du côté asiatique qu’il a été surpris d’apprendre qu’une autre entreprise japonaise était entrée en concurrence pour un projet de câbles sous-marins situés sur le « territoire national » européen et lui demande de fournir des explications à cet égard. Cela démontre que les producteurs européens attendaient des producteurs asiatiques qu’ils respectent leur engagement à ne pas entrer en concurrence pour des projets situés sur le « territoire national » européen et qu’ils réagissaient lorsque cela n’était pas le cas. Or, il y a lieu de considérer que les producteurs européens n’auraient pas adopté une telle attitude s’ils estimaient que le respect de l’accord sur le « territoire national » ne revêtait pas une importance particulière pour l’efficacité de la « configuration européenne de l’entente ».

140    En outre, il convient de relever que la requérante ne conteste pas les éléments de preuve sur lesquels la Commission a fondé la constatation, au considérant 534 de la décision attaquée, que la « configuration européenne de l’entente » était subordonnée à la « configuration A/R de l’entente » et lui donnait effet.

141    De la même façon, il convient de rejeter la thèse de la requérante selon laquelle le respect pas les producteurs asiatiques de l’accord sur le « territoire national » n’a pas permis aux producteurs européens d’acquérir une part de marché cumulée très importante dans l’EEE. Il y a lieu de relever qu’une influence sur les parts de marché des producteurs européens n’est pas pertinente pour déterminer la gravité de l’infraction, notamment eu égard au fait que la concurrence potentielle peut exercer une pression technologique et économique sur les producteurs européens sans que cela se traduise sur leurs parts de marché.

142    Il convient également d’écarter l’argument de la requérante tiré de ce que la Commission aurait dans plusieurs décisions antérieures, relatives à des infractions à l’article 101 TFUE comparables à celle en cause dans la décision attaquée, limité la proportion de la valeur des ventes au titre de la gravité de l’infraction à 15 ou 16 %. En effet, à cet égard, premièrement, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la pratique décisionnelle antérieure de la Commission ne sert pas de cadre juridique aux amendes en matière de concurrence et les décisions concernant d’autres affaires ont un caractère indicatif en ce qui concerne l’existence de discriminations (voir arrêt du 11 juillet 2013, Ziegler/Commission, C‑439/11 P, EU:C:2013:513, point 134 et jurisprudence citée).

143    Deuxièmement, il convient de relever que les faits à l’origine des décisions de la Commission invoquées par la requérante diffèrent significativement de ceux qui ont donné lieu à l’adoption de la décision attaquée. Ainsi, il convient de relever que, dans l’affaire qui a donné lieu à la décision de la Commission du 15 octobre 2008 (affaire COMP/39188 – Bananes), dans laquelle la Commission avait retenu un pourcentage de la valeur des ventes de 15 % au titre de la gravité de l’infraction, les pratiques en cause étaient circonscrites à quelques États membres et ne s’étendaient pas à l’ensemble de l’EEE. De la même façon, il a lieu de relever que, dans les affaires qui ont donné lieu aux décisions de la Commission du 19 octobre 2011 (affaire COMP/39.605 – Verre pour tubes cathodiques), du 8 décembre 2010 (COMP/39.309 – Écrans à affichage de cristaux liquides [LCD]), du 30 juin 2010 (affaire COMP/38.344 – Acier de précontrainte), du 19 mai 2010 (affaire COMP/38.511 – DRAMS) et du 7 octobre 2009 (affaire COMP/C.39129 – Transformateurs de puissance), dans lesquelles la Commission a retenu un pourcentage de 16 % au titre de la gravité des infractions, si les infractions s’étendaient à l’ensemble du territoire de l’EEE, la part de marché cumulée détenue par les participants à l’entente dans l’EEE était limitée et n’avait pas justifié l’augmentation dudit pourcentage, contrairement au cas de l’espèce.

144    En outre il convient de rappeler que, ainsi que le Tribunal l’a déjà jugé, la difficulté de déterminer un pourcentage précis dans la fourchette de 0 à 30 % est dans une certaine mesure réduite dans le cas d’accords horizontaux secrets de fixation des prix et de répartition du marché, comme en l’espèce, dans lesquels la proportion des ventes prise en compte sera généralement retenue à un niveau situé en haut de l’échelle, de sorte que, pour les restrictions les plus graves, le taux devrait, à tout le moins, être supérieur à 15 % (voir arrêt du 14 mai 2014, Reagens/Commission, T‑30/10, non publié, EU:T:2014:253, point 220 et jurisprudence citée).

145    Partant, il y a lieu de rejeter comme non fondé le grief de la requérante selon lequel la Commission aurait dû limiter à 15 % la proportion de la valeur des ventes retenue à l’égard des producteurs asiatiques au titre de la gravité de l’infraction afin de tenir compte de façon appropriée de leur poids relatif dans cette dernière.

146    Il s’ensuit que le présent moyen doit être rejeté comme non fondé.

147    Eu égard aux considérations qui précèdent, et en l’absence d’éléments supplémentaires qui seraient de nature à justifier une réduction du montant de l’amende infligée à la requérante pour sa participation directe à l’entente, il y a lieu de rejeter les conclusions de la requérante à cet égard et, partant, le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

148    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux de la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière. L’intervenante supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Fujikura Ltd est condamnée à payer, outre ses propres dépens, ceux de la Commission européenne.

3)      Viscas Corp. supportera ses propres dépens.

Collins

Kancheva

Barents

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 juillet 2018.

Signatures


Table des matières


Antécédents du litige

Requérante et secteur concerné

Procédure administrative

Décision attaquée

Infraction en cause

Responsabilité de la requérante

Amende infligée

Procédure et conclusions des parties

En droit

Sur les conclusions en annulation

Sur les conclusions tendant à la réduction du montant de l’amende infligée à la requérante pour sa participation directe à l’entente

Sur les principes régissant le calcul du montant de l’amende et sur leur application en l’espèce

Sur le moyen tiré d’une erreur d’appréciation dans l’application du paragraphe 13 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006

Sur le moyen tiré d’une violation des principes de proportionnalité et d’égalité de traitement dans le calcul du montant de l’amende infligée à la requérante pour sa participation directe à l’entente

– Sur l’application du paragraphe 18 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006 pour déterminer la valeur des ventes

– Sur l’absence de prise en compte de l’existence des barrières à l’entrée sur le marché de l’EEE dans la détermination du montant de base de l’amende

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’anglais.