Language of document : ECLI:EU:C:2024:63

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NICHOLAS EMILIOU

présentées le 18 janvier 2024 (1)

Affaire C766/21 P

Parlement européen

contre

AXA Assurances Luxembourg SA,

Bâloise Assurances Luxembourg SA,

La Luxembourgeoise SA,

Nationale-Nederlanden Schadeverzekering Maatschappij NV

« Pourvoi – Article 272 TFUE – Clause compromissoire contenue dans un contrat conclu par l’Union européenne – Article 123 du règlement de procédure du Tribunal – Défendeur défaillant – Arrêt par défaut – Opposition à un arrêt par défaut – Article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne – Articles 172 et 176 du règlement de procédure de la Cour – Mémoire en réponse à un pourvoi – Pourvoi incident – Erreur d’interprétation – Motivation insuffisante et contradictoire »







I.      Introduction

1.        Les textes régissant la procédure devant le juge de l’Union s’apparentent à un chemin de fer. Chaque tracé représente une voie procédurale, tandis que les trains qui circulent sur ces voies symbolisent les affaires portées devant ce juge. Au fur et à mesure qu’une affaire progresse, les règles de procédure servent de signaux ferroviaires, en veillant à ce que l’affaire reste sur la bonne voie jusqu’à sa destination finale.

2.        Néanmoins, à l’instar d’un voyage en train, le parcours juridique d’une affaire peut rencontrer des embranchements. Les pourvois, pourvois incidents et autres mécanismes peuvent entraîner un changement de direction d’une affaire, en offrant un itinéraire alternatif vers sa destination, tout en respectant les règles de procédure établies. À cet égard, de même qu’un train dépend du bon fonctionnement du réseau ferroviaire, les affaires juridiques dépendent de règles procédurales précisément définies afin de garantir leur règlement équitable et approprié.

3.        Ces considérations entrent dans le cadre de la présente affaire.

4.        Par son pourvoi, le Parlement européen demande à la Cour d’annuler partiellement l’arrêt rendu par le Tribunal dans l’affaire Parlement/Axa Assurances Luxembourg e.a. (2), par lequel celui-ci a rejeté, pour l’essentiel, son recours visant à obtenir le remboursement des frais encourus à la suite des dégâts des eaux causés au bâtiment Konrad Adenauer (ci-après le « KAD »), situé à Luxembourg (Luxembourg), au mois de mai 2016.

5.        Dans le même temps, la présente affaire concerne un pourvoi incident, introduit par Nationale-Nederlanden Schadeverzekering Maatschappij NV (ci-après « NN »), l’une des défenderesses en première instance, en vue d’obtenir l’annulation (d’autres parties) de l’arrêt attaqué, dans la mesure où le Tribunal l’a condamnée par défaut à rembourser au Parlement une partie des frais réclamés, majorée des intérêts légaux pour retard de paiement.

6.        À la demande de la Cour, les présentes conclusions porteront essentiellement sur le pourvoi incident introduit par NN. Toutefois, les particularités de la présente affaire offrent à la Cour l’occasion de clarifier certains éléments spécifiques des procédures par défaut, ce qui est d’autant plus important en l’espèce que le Tribunal a, selon moi, commis une erreur de droit dans l’application des règles pertinentes à cet égard. Par conséquent, les présentes conclusions aborderont également ces points.

II.    Le cadre juridique

A.      Le statut de la Cour de justice de l’Union européenne

7.        L’article 41 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne (ci-après le « statut ») dispose :

« Lorsque la partie défenderesse, régulièrement mise en cause, s’abstient de déposer des conclusions écrites, l’arrêt est rendu par défaut à son égard. L’arrêt est susceptible d’opposition dans le délai d’un mois à compter de sa notification. […]. »

8.        Aux termes de l’article 56 du statut :

« Un pourvoi peut être formé devant la Cour de justice, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision attaquée. […]

Ce pourvoi peut être formé par toute partie ayant partiellement ou totalement succombé en ses conclusions. […] »

B.      Le règlement de procédure de la Cour

9.        L’article 172 du règlement de procédure de la Cour de justice (ci‑après le « RPCJ »), intitulé « Parties autorisées à déposer un mémoire en réponse », énonce que « [t]oute partie à l’affaire en cause devant le Tribunal ayant un intérêt à l’accueil ou au rejet du pourvoi peut présenter un mémoire en réponse dans un délai de deux mois à compter de la signification du pourvoi […] ».

10.      L’article 176 du RPCJ concerne les pourvois incidents. Aux termes de son paragraphe 1, « [l]es parties visées à l’article 172 du présent règlement peuvent présenter un pourvoi incident dans le même délai que celui prévu pour la présentation du mémoire en réponse ». À cet égard, conformément à l’article 178, paragraphe 1, du RPCJ, le pourvoi incident tend à l’annulation, totale ou partielle, de la décision du Tribunal.

C.      Le règlement de procédure du Tribunal

11.      L’article 123 du règlement de procédure du Tribunal (ci-après le « RPT »), intitulé « Arrêts par défaut », dispose :

« 1.      Lorsque le Tribunal constate que le défendeur, régulièrement mis en cause, n’a pas répondu à la requête dans les formes ou le délai prescrits […], le requérant peut, dans un délai fixé par le président, demander au Tribunal de lui adjuger ses conclusions.

2.      Le défendeur défaillant n’intervient pas dans la procédure par défaut et aucun acte de procédure ne lui est signifié, à l’exception de la décision mettant fin à l’instance.

3.      Dans l’arrêt par défaut, le Tribunal adjuge au requérant ses conclusions, à moins qu’il ne soit manifestement incompétent pour connaître du recours ou que ce recours soit manifestement irrecevable ou manifestement dépourvu de tout fondement en droit.

[…] »

12.      En vertu de l’article 166 du RPT, le défendeur défaillant peut, conformément à l’article 41 du statut, former opposition à un arrêt par défaut.

III. Les antécédents du litige, la procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

A.      Les antécédents du litige

13.      Les antécédents du litige ont été exposés de manière détaillée dans l’arrêt attaqué (3). Les éléments de fait pertinents aux fins des présentes conclusions peuvent être résumés comme suit.

14.      En 2011, le Parlement a lancé une procédure d’appel d’offres pour conclure une police d’assurance « Tous risques chantier » pour les travaux de rénovation et de construction d’envergure dans le cadre du projet d’extension du KAD à Luxembourg. L’offre présentée par AXA Assurances Luxembourg SA (ci-après « AXA »), Bâloise Assurances Luxembourg SA, La Luxembourgeoise SA et Delta Lloyd Schadeverzekering NV a été retenue. Le 12 décembre 2018, cette dernière société a été absorbée par NN (ci-après, ensemble, les « défenderesses en première instance »).

15.      Le 3 avril 2012, l’Union européenne, représentée par le Parlement, a conclu avec les défenderesses en première instance le contrat « Tous risques chantier » (ci-après le « contrat TRC ») mentionné dans l’offre. Le contrat désignait AXA en tant qu’apériteur (4).

16.      À la suite des précipitations importantes survenues les 27 et 30 mai 2016, les eaux pluviales du chantier KAD se sont écoulées au sous-sol du bâtiment. Les eaux ainsi accumulées n’ont pas pu être évacuées, créant une ambiance humide dans des locaux où étaient déjà installés des équipements techniques. C’est ainsi que ces équipements ont été endommagés.

17.      Le 30 mai 2016, l’entreprise en charge des gros œuvres sur ce chantier a présenté une déclaration de sinistre au vu des circonstances. Par lettre du 15 juillet 2016, AXA, agissant en tant qu’apériteur, a informé le Parlement du fait que, sur la base des informations examinées par ses experts, les circonstances susmentionnées n’étaient pas couvertes par le contrat TRC et a, ainsi, décliné toute responsabilité.

18.      Malgré un échange de correspondance écrite et la tenue d’une réunion, le désaccord entre AXA et le Parlement persiste. Ce dernier a adressé une lettre de mise en demeure aux défenderesses en première instance, fondée sur une estimation provisoire du préjudice.

19.      À la suite de cette première lettre, le Parlement a renouvelé la mise en demeure, le 28 novembre 2018, en indiquant que le préjudice subi s’élevait à 800 624,33 EUR hors taxe sur la valeur ajoutée.

B.      La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

20.      Le 20 juin 2019, le Parlement a introduit un recours au titre de l’article 272 TFUE devant le Tribunal, tendant à ce que les défenderesses en première instance soient condamnées à rembourser les frais liés aux dégâts des eaux causés aux équipements du KAD au mois de mai 2016. À l’appui de son recours, le Parlement a invoqué six moyens.

21.      Le 10 septembre 2019, AXA, Bâloise Assurances Luxembourg et La Luxembourgeoise ont déposé leur mémoire en défense devant le Tribunal.

22.      Ayant été informé que Delta Lloyd Schadeverzekering avait été absorbée par NN, le greffe du Tribunal a notifié la requête à cette dernière par courrier du 13 janvier 2020 et lui a indiqué le délai pour présenter son mémoire en défense.

23.      NN n’a pas déposé de mémoire en défense dans le délai imparti.

24.      Par lettre du 29 juin 2020, le greffe du Tribunal a informé NN que, conformément à l’article 123 du RPT, qui concerne les arrêts par défaut, et sur demande du Parlement, elle ne participerait plus à la procédure par défaut et se verrait signifier uniquement la décision mettant fin à l’instance.

25.      Le 29 septembre 2021, le Tribunal, par les points 2 et 4 du dispositif de l’arrêt attaqué, a rejeté le recours en ce qu’il concernait les défenderesses en première instance, à l’exception de NN. Aux points 1 et 3 du dispositif de l’arrêt, le Tribunal a condamné NN à rembourser au Parlement la somme de 79 653,89 EUR (qui correspond au montant réclamé par le Parlement à NN dans ses conclusions) majorée des intérêts légaux pour retard de paiement, ainsi qu’à supporter les dépens afférents à la procédure par défaut la concernant.

26.      Le 18 novembre 2021, conformément à l’article 41 du statut et à l’article 166 du RPT, NN a formé opposition à l’encontre des points 1 et 3 du dispositif de l’arrêt attaqué. Par décision du 10 janvier 2022, le Tribunal a suspendu la procédure jusqu’à la décision de la Cour statuant sur le présent pourvoi.

IV.    La procédure devant la Cour et les conclusions des parties

27.      Par mémoire du 8 décembre 2021, le Parlement a introduit le présent pourvoi contre l’arrêt attaqué.

28.      Par son pourvoi, le Parlement conclut à ce qu’il plaise à la Cour :

–        annuler les points 2 et 4 du dispositif de l’arrêt attaqué ;

–        renvoyer l’affaire devant le Tribunal ;

–        réserver les dépens, à l’exception de ceux faisant l’objet du point 3 du dispositif de l’arrêt attaqué et

–        à titre subsidiaire, annuler les points 2 et 4 du dispositif de l’arrêt attaqué et faire droit à la demande du Parlement dirigée contre les défenderesses en première instance.

29.      Dans leur mémoire en réponse au pourvoi, les défenderesses en première instance, dont NN, concluent à ce qu’il plaise à la Cour :

–        rejeter le pourvoi du Parlement ;

–        rejeter la demande du Parlement de réserver les dépens ;

–        à titre subsidiaire, dans l’hypothèse où la Cour accueillerait le pourvoi du Parlement, renvoyer l’affaire devant le Tribunal et

–        à titre plus subsidiaire, rejeter les demandes du Parlement à l’encontre d’AXA, de Bâloise Assurances Luxembourg et de La Luxembourgeoise sur la base des arguments qu’elles ont présentés en première instance et, partant, statuer conformément à leurs conclusions.

30.      Par son pourvoi incident, déposé le 6 avril 2022, NN conclut à ce qu’il plaise à la Cour :

–        déclarer le pourvoi incident recevable et

–        annuler les points 1 et 3 du dispositif de l’arrêt attaqué.

31.      Dans son mémoire en réponse au pourvoi incident, le Parlement conclut à ce qu’il plaise à la Cour :

–        déclarer le pourvoi incident irrecevable ;

–        à titre subsidiaire, déclarer le pourvoi incident non fondé et

–        condamner NN aux dépens liés au pourvoi incident.

V.      Analyse

32.      Dans la présente affaire, la Cour a été saisie de deux pourvois, l’un formé par le Parlement et l’autre par NN.

33.      À l’appui du pourvoi principal, le Parlement soulève trois moyens pour contester l’interprétation faite par le Tribunal du terme « inondation » qui apparaît à l’article I.15.1.1 du contrat TRC. À cet égard, le Parlement invoque i) une violation des principes d’interprétation du droit de l’Union, ii) un défaut de motivation et iii) une dénaturation des faits et des éléments de preuve.

34.      À l’appui de son pourvoi incident, NN soulève deux moyens. Premièrement, elle soutient que le Tribunal a méconnu l’article 45, paragraphe 1, sous a), du RPT, qui concerne la manière de déterminer la langue de procédure, en s’abstenant de constater que la requête du Parlement, rédigée en langue française, était manifestement irrecevable concernant NN.

35.      Deuxièmement, et à titre subsidiaire, elle invoque une violation de l’article 123, paragraphe 3, du RPT (qui concerne les mesures à adopter par le Tribunal pour rendre un arrêt par défaut), ainsi qu’un défaut de motivation, dès lors que l’arrêt attaqué a fait droit au recours concernant NN, tout en le rejetant à l’égard des autres défenderesses en première instance, alors que les affirmations du Parlement reposent sur les mêmes arguments en droit et en fait.

36.      Comme indiqué précédemment, à la demande de la Cour, les présentes conclusions porteront principalement sur l’analyse de la recevabilité du second pourvoi, à savoir le pourvoi incident de NN. Toutefois, il convient de souligner que le pourvoi incident de NN ne saurait être considéré isolément, sans tenir dûment compte des circonstances contextuelles plus larges – notamment du fait que NN est une défenderesse défaillante et qu’elle a fait usage de deux mécanismes procéduraux distincts. Il me semble nécessaire d’examiner également ces éléments, même s’ils dépassent quelque peu le cadre du pourvoi incident.

37.      Dans ce contexte, je commencerai mes conclusions par un certain nombre de remarques liminaires, qui concernent la qualité de NN en tant que défenderesse défaillante et – comme je l’ai indiqué au point 26 des présentes conclusions – son opposition à l’arrêt attaqué (ou l’« arrêt par défaut »), telle que formée devant le Tribunal (A). Je me pencherai ensuite sur la recevabilité du mémoire en réponse de NN au pourvoi principal (B). Par la suite, j’examinerai la faculté pour NN de former un pourvoi incident (C). Enfin, je conclurai en mettant l’accent sur certaines questions d’interprétation qui découlent de la formulation de l’article 123, paragraphe 3, du RPT, ainsi que de la manière dont il a été appliqué par le Tribunal dans l’arrêt attaqué (D).

A.      L’arrêt par défaut et l’opposition formée par NN

38.      En vertu de l’article 41 du statut, lu en combinaison avec l’article 123 du RPT, lorsque le défendeur, régulièrement mis en cause, s’abstient de déposer des conclusions écrites dans les formes ou le délai prescrits et que le requérant au litige le demande, le Tribunal peut rendre un arrêt à l’encontre de la partie défaillante.

39.      Dans ces conditions, une telle partie aura la qualité de « défendeur défaillant » (5).

40.      Cela étant, conformément à l’article 41 du statut et à l’article 166 du RPT, le défendeur défaillant peut former une opposition sous forme de requête, devant le Tribunal, en vue de l’annulation de l’arrêt par défaut dans un délai d’un mois à compter de la signification de cet arrêt (6). Dès lors, les textes régissant la procédure devant le juge de l’Union ont expressément prévu une voie procédurale corrective pour toute partie se trouvant en qualité de défendeur défaillant. L’exercice de cette voie procédurale permet à ce défendeur d’obtenir la réouverture du dossier et un réexamen de l’affaire qui a été (provisoirement) tranchée sans que l’autre partie soit entendue.

41.      Le 18 novembre 2021, NN a fait usage de cette voie procédurale en formant opposition à l’arrêt par défaut du Tribunal. Le 10 janvier 2022, ce dernier a toutefois décidé de suspendre la procédure, compte tenu du pourvoi principal introduit par le Parlement contre l’arrêt attaqué.

42.      Par la suite, NN a déposé, le 6 avril 2022, un mémoire en réponse et un pourvoi incident dans le cadre du pourvoi introduit par le Parlement.

43.      Dans ce contexte, le Parlement estime que tant le mémoire en réponse que le pourvoi incident de NN sont irrecevables. Dans les deux sections suivantes, j’aborderai les arguments avancés par le Parlement à cet égard.

B.      Sur la recevabilité du mémoire en réponse de NN au pourvoi principal

44.      En premier lieu, le Parlement soutient que le mémoire en réponse présenté collectivement par les défenderesses en première instance est irrecevable en ce qu’il concerne NN, car cette société n’a pas d’intérêt à ce que le pourvoi soit accueilli ou rejeté.

45.      Le Parlement affirme que son pourvoi ne porte que sur les points 2 et 4 du dispositif de l’arrêt attaqué, par lesquels le Tribunal a rejeté son recours dans la mesure où il était dirigé contre les autres défenderesses en première instance. Par conséquent, le pourvoi principal n’affecterait pas la situation juridique de NN.

46.      Je ne partage pas ce point de vue.

47.      Pour rappel, aux termes de l’article 172 du RPCJ, « toute partie à l’affaire en cause » devant le Tribunal « ayant un intérêt à l’accueil ou au rejet du pourvoi » peut présenter un mémoire en réponse dans un délai de deux mois à compter de la signification du pourvoi.

48.      Ainsi, il ressort du libellé clair de l’article 172 du RPCJ que toute personne ayant eu la qualité formelle de « partie » dans la procédure de première instance peut, en principe, participer à la procédure de pourvoi en présentant un mémoire en réponse au pourvoi formé par une autre partie, à condition qu’elle ait un intérêt à ce que le pourvoi soit accueilli ou rejeté. Par conséquent, outre le délai applicable, la participation dépend du respect de deux conditions cumulatives.

49.      Premièrement, le mémoire en réponse doit être présenté par une « partie à l’affaire en cause ».

50.      Au sens des termes « partie » et « partie principale », définis à l’article premier, paragraphe 2, sous c) et d), du RPT, je comprends que cette expression inclut le ou les requérants et le ou les défendeurs, ainsi que le ou les intervenants, dans l’affaire en cause (7). NN étant défenderesse dans l’arrêt attaqué, elle remplit cette condition.

51.      La qualification de NN en tant que « défendeur défaillant » n’affecte pas sa qualité de « partie ». En fait, NN a conservé son statut de partie défenderesse tout au long de la procédure devant le Tribunal. C’est d’ailleurs pour cette raison que l’arrêt attaqué lui a été signifié (8).

52.      De même, l’article 172 du RPCJ indique clairement que les parties à l’affaire en cause doivent se voir signifier un pourvoi si celui‑ci est formé. La signification à NN du pourvoi du Parlement confirme également clairement que NN est partie à la procédure (9).

53.      Deuxièmement, la partie qui souhaite déposer un mémoire en réponse doit avoir un « intérêt à l’accueil ou au rejet du pourvoi ».

54.      Il est constant que la partie qui souhaite introduire un recours doit être en mesure de démontrer que cette procédure est susceptible, par son résultat, de lui procurer un bénéfice (10). À cet égard, il devrait en être de même pour la partie qui souhaite déposer un mémoire en réponse à un pourvoi, car elle doit également avoir un « intérêt » à l’issue de celui‑ci pour ce faire. Bien que je convienne que ce terme puisse englober un large éventail d’avantages allant au-delà des facteurs strictement juridiques (11), l’issue d’une procédure donnée doit être susceptible d’avoir des conséquences juridiques pour la partie qui l’engage et, à mon avis, également pour ceux qui souhaitent y participer (12).

55.      Comme indiqué précédemment, NN a formé opposition à l’arrêt attaqué, conformément à l’article 41 du statut et à l’article 166 du RPT. Cependant, le Tribunal a suspendu cette procédure jusqu’à l’arrêt de la Cour dans le cadre du pourvoi principal.

56.      Dans son arrêt à intervenir concernant le pourvoi principal, fondé sur les moyens soulevés par le Parlement, la Cour devra examiner si le Tribunal a commis une erreur de raisonnement en rejetant le recours contre les autres défenderesses en première instance.

57.      À cet égard, il convient de souligner que le Parlement a invoqué les mêmes faits et les mêmes arguments juridiques à l’encontre de toutes les parties défenderesses (donc, y compris NN). Il est donc tout à fait évident que l’appréciation par la Cour des arguments avancés par le Parlement à l’appui de son pourvoi déterminera très probablement l’issue du recours de NN actuellement pendant (bien que suspendu) devant le Tribunal. Si la Cour devait infirmer l’arrêt du Tribunal et faire droit aux allégations du Parlement, le sort du recours de NN devant le Tribunal serait sans doute scellé. L’inverse est également vrai : si la Cour rejette le pourvoi du Parlement, les chances de NN d’obtenir l’annulation de l’arrêt rendu par défaut seront fortement accrues.

58.      Par conséquent, il me paraît assez évident que, contrairement aux arguments invoqués par le Parlement, NN a un intérêt juridique important et direct à la solution du présent pourvoi. À ce titre, NN remplit les deux conditions pertinentes mentionnées aux points 49 et 53 des présentes conclusions et peut déposer un mémoire en réponse au présent pourvoi.

59.      Cela étant, j’estime qu’il existe également des raisons de principe pour lesquelles NN, bien que défenderesse défaillante, devrait pouvoir, dans une situation telle que celle en cause dans la présente procédure, présenter un mémoire en réponse au pourvoi principal.

60.      L’introduction du pourvoi principal a conduit le Tribunal à suspendre l’opposition formée par NN à l’arrêt par défaut. À cet égard, la voie de recours initialement ouverte à NN en vertu de l’article 41 du statut et de l’article 166 du RPT a été temporairement suspendue, tandis que la voie de recours utilisée par le Parlement, précisément celle d’un pourvoi, a été privilégiée.

61.      À mon sens, il serait contraire tant au droit à un recours effectif qu’au droit d’être entendu, qu’une partie, même si elle est défenderesse défaillante en première instance, se retrouve prise en piège dans cette situation de vide juridique, dans laquelle elle n’a pas pu utilement utiliser la voie de recours à sa disposition, à savoir l’opposition à l’arrêt par défaut, ni participer à la procédure de pourvoi qui concerne l’affaire même à laquelle elle était – et est toujours – partie.

62.      Le droit d’être entendu constitue un principe général du droit de l’Union. Il relève des droits de la défense, tels qu’ils sont consacrés par des dispositions de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), notamment dans son article 47. De manière générale, ce droit garantit à toutes les parties de pouvoir présenter leurs observations, par écrit ou oralement, au préalable de toute décision susceptible d’affecter défavorablement les intérêts de cette partie (13).

63.      Il incombe donc au Tribunal de veiller à ce que chaque partie dispose d’une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport aux autres parties (14).

64.      Si une partie telle que NN n’est pas en mesure de répondre à un pourvoi, elle ne sera pas à même d’exprimer sa position juridique, ni d’être entendue, sur la base de ses propres arguments juridiques soulevés dans sa défense, que la Cour devra dûment prendre en considération. Dans de telles circonstances, il est assez difficile de voir comment la Cour pourrait assurer l’exercice du droit de NN à être entendue et à disposer d’un recours effectif.

65.      Au vu de ce qui précède, j’estime que le mémoire en réponse présenté collectivement par les défenderesses en première instance est recevable dans son intégralité, y compris en ce qui concerne NN.

C.      Sur la recevabilité du pourvoi incident de NN

66.      En second lieu, le Parlement demande à la Cour de déclarer irrecevable le pourvoi incident de NN au motif que, en tant que défenderesse défaillante, elle ne remplit pas les conditions requises pour exercer cette voie procédurale.

67.      L’appréciation de la recevabilité du pourvoi incident de NN me conduit à me pencher tout d’abord sur les dispositions pertinentes qui sous‑tendent l’utilisation de ce mécanisme juridique. À cette fin, je procèderai à l’examen de l’article 176 du RPCJ sur les pourvois incidents ainsi qu’à l’exposé des raisons pour lesquelles j’estime également que l’article 56 du statut, qui concerne les pourvois, est parfaitement applicable dans ce contexte spécifique (1). Par la suite, je porterai mon attention sur les exigences de cette disposition du statut, pour expliquer ensuite les raisons qui me conduisent à constater que NN n’est pas recevable à former un pourvoi incident dans le cadre de la présente affaire (2). Enfin, je proposerai quelques brèves réflexions sur le système des voies de recours dont dispose le défendeur défaillant, notamment sur le point de savoir si ce dernier peut utiliser plusieurs mécanismes à la fois (3).

1.      Les dispositions pertinentes pour l’introduction d’un pourvoi incident

68.      L’article 176 du RPCJ établit le cadre procédural des pourvois incidents. Conformément à cette disposition, les parties visées à l’article 172 du RPCJ peuvent présenter un pourvoi incident. À cet égard, toute partie à l’affaire en cause devant le Tribunal ayant un intérêt à l’accueil ou au rejet du pourvoi peut être requérante au pourvoi incident.

69.      Dans sa jurisprudence, la Cour a reconnu que toute partie relevant du champ d’application de ces dispositions peut présenter un mémoire en réponse à un pourvoi et former simultanément un pourvoi incident (15). Toutefois, le mémoire en réponse à un pourvoi ne saurait tendre à l’annulation de la décision du Tribunal pour des moyens distincts et autonomes de ceux invoqués dans le pourvoi, de tels moyens ne pouvant être soulevés que dans le cadre d’un pourvoi incident (16). De ce point de vue, le pourvoi incident doit être introduit dans un acte distinct du mémoire en réponse et ne doit contenir que des moyens et des arguments distincts et autonomes de ceux invoqués dans le mémoire en réponse au pourvoi présenté par cette même partie (17).

70.      Dans le contexte de la présente affaire, ainsi qu’il a été précisé précédemment, NN peut être considérée comme une partie habilitée à présenter un mémoire en réponse au pourvoi principal au sens de l’article 172 du RPCJ. Par conséquent, sur la base d’une interprétation littérale du libellé de l’article 176 du RPCJ, NN serait également en droit de former un pourvoi incident conformément aux conditions susmentionnées.

71.      Ces conditions apparaissent, en l’espèce, remplies. En effet, il ressort du dossier que les défenderesses en première instance, dont NN, ont déposé un mémoire en réponse au pourvoi principal le jour même où NN a introduit son pourvoi incident, dans un acte distinct et dans le délai imparti. Ce pourvoi incident tend à l’annulation des points 1 et 3 du dispositif de l’arrêt attaqué. Dès lors, le contenu dudit pourvoi incident est fondé sur des motifs distincts de ceux invoqués dans le pourvoi principal (qui porte sur les points 2 et 4 du dispositif de l’arrêt attaqué) et est distinct et autonome des arguments invoqués dans le mémoire en réponse au pourvoi principal.

72.      À ce sujet, et contrairement à ce que soutient le Parlement, je ne vois aucun inconvénient à ce que le pourvoi incident de NN comporte des arguments différents de ceux soulevés, ni à ce qu’il vise à obtenir une solution distincte de celle recherchée par cette partie, dans le cadre du pourvoi principal (18).

73.      Néanmoins, le respect des exigences formelles des articles 172 et 176 du RPCJ ne représente qu’un obstacle qu’une partie doit surmonter avant de pouvoir former un pourvoi incident avec succès.

74.      L’article 56 du statut énonce les conditions fondamentales qui doivent être remplies pour qu’une partie puisse introduire un pourvoi. À cet égard, son deuxième alinéa prévoit qu’un pourvoi peut être formé par « toute partie ayant partiellement ou totalement succombé en ses conclusions ».

75.      De ce point de vue, une question vient immédiatement à l’esprit : à défaut d’une référence expresse, l’article 56 du statut inclut-il à la fois un « pourvoi » normal et un « pourvoi incident » ?

76.      J’estime que la réponse est assez claire.

77.      Cette disposition fait référence au terme « pourvoi », qui décrit une voie de recours qu’une partie peut utiliser pour contester une décision de justice, ou une partie de celle-ci, en présentant des arguments juridiques tendant à l’annulation, en tout ou partie, de cette décision.

78.      Un « pourvoi incident » est une voie de recours qui sert précisément cet objectif. En réalité, il s’agit d’une voie de recours fondamentalement similaire, à l’exception de la distinction cruciale selon laquelle une partie introduira un pourvoi incident après l’introduction d’un pourvoi principal et, naturellement, s’appuiera sur des arguments de droit et des moyens différents de ceux présentés dans le pourvoi principal. À cet égard, la différence entre un pourvoi et un pourvoi incident réside non pas dans l’essence de ces mécanismes, mais dans leur dimension temporelle ainsi que dans leur caractère autonome ou accessoire.

79.      En effet, un pourvoi doit être formé dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision attaquée (19), alors qu’un pourvoi incident peut être formé même après l’expiration de ce délai. Conformément aux articles 172 et 176 du RPCJ, il peut être présenté « dans le même délai que celui prévu pour la présentation du mémoire en réponse », c’est-à-dire dans un délai de deux mois à compter de la signification du pourvoi à la partie concernée (20).

80.      En outre, si des parties différentes introduisent des pourvois distincts contre une même décision du Tribunal, chacun de ces pourvois aura une « vie indépendante ». Le cas échéant, la Cour pourra joindre (tout ou partie de) ces affaires aux fins de la phase écrite ou orale de la procédure ou de l’arrêt (21). Toutefois, le retrait ou le rejet pour cause d’irrecevabilité de l’un de ces recours n’affecterait nullement la procédure dans le cadre du ou des autres pourvois.

81.      En revanche, le pourvoi incident est une affaire qui se greffe sur une affaire existante. Cela signifie que l’examen du pourvoi incident par la Cour peut dépendre du pourvoi principal. En effet, en vertu de l’article 183 du RPCJ, un pourvoi incident peut être dépourvu d’objet lorsque le requérant au pourvoi principal se désiste de celui-ci ou lorsque le pourvoi principal est déclaré manifestement irrecevable pour certains motifs spécifiques (22).

82.      À la lumière de ce qui précède, le mécanisme du pourvoi incident semble avoir été conçu avant tout pour des raisons d’économie de la procédure, et notamment pour décourager les litiges inutiles et permettre l’examen d’affaires connexes dans le cadre d’une seule et même procédure.

83.      Une fois qu’un arrêt (ou une autre décision susceptible de recours) du Tribunal a été rendu, la ligne de conduite commune pour toute partie mécontente consisterait à introduire rapidement un pourvoi. Il peut toutefois arriver qu’une partie soit mécontente de certains aspects d’une décision tout en étant satisfaite d’autres aspects de celle‑ci. Dans ces cas, il est possible que la partie soit prête à accepter la solution retenue en première instance, pour autant que les autres parties l’acceptent également, de sorte que le litige soit définitivement réglé.

84.      Toutefois, à défaut d’une disposition telle que l’article 176, paragraphe 1, du RPCJ, une approche « attentiste » de la part d’une partie serait risquée, car une autre partie pourrait introduire un pourvoi vers la fin de la période de deux mois, ce qui rendrait difficile pour la première partie de réagir en temps utile. Dans un tel cas de figure, il y aurait un risque accru que des pourvois futiles soient formés, même dans les cas où les parties auraient pu être enclines à s’abstenir d’engager une autre série de procédures juridictionnelles.

85.      Pour les raisons précédemment exposées, je suis parvenu à la conclusion selon laquelle les pourvois incidents et les pourvois principaux ne sont que deux espèces du même genre, celui des pourvois.

86.      Dès lors, la légère divergence dans la terminologie employée dans les règles pertinentes pour chaque type de pourvoi sert simplement à faciliter la distinction entre eux, lorsqu’il est fait référence à ces voies de recours respectives dans le cadre d’une procédure donnée. Cela ne signifie pas pour autant que, dans une situation telle que celle en cause dans la procédure principale, ils devraient être traités différemment.

87.      En effet, il serait contraire à l’objectif visant à garantir une bonne administration de la justice et à l’idée selon laquelle les parties doivent être placées sur un pied d’égalité, si l’article 56 du statut n’était applicable qu’à la partie qui souhaite former un pourvoi, et non à celle qui cherche à former un pourvoi incident à la suite de l’introduction du pourvoi principal.

88.      Par conséquent, je considère que l’article 56 du statut s’applique à toutes les formes de pourvois disponibles en vertu des textes régissant la procédure devant la Cour, ce qui inclut les pourvois incidents.

89.      Partant, si, dans le cadre de la présente affaire, je suis convaincu que NN remplit les conditions des articles 172 et 176 du RPCJ, il convient de déterminer si elle remplit également les conditions de forme prévues à l’article 56 du statut (23).

2.      Les exigences de l’article 56 du statut

90.      Ainsi que je l’ai mentionné au point 74 des présentes conclusions, l’article 56, deuxième alinéa, du statut prévoit qu’un pourvoi peut être formé par « toute partie ayant partiellement ou totalement succombé en ses conclusions ».

91.      Si, dans la grande majorité des cas, il devrait être relativement facile de vérifier le respect de cette condition, il existe des hypothèses dans lesquelles cet exercice n’est pas aussi aisé. Il peut en être ainsi, notamment, parce que les termes « ayant succombé » (24) et « conclusions » (25) ne sont pas dépourvus d’ambiguïté. Une telle ambiguïté s’explique en partie par certaines divergences entre les différentes versions linguistiques des statuts (26).

92.      Toutefois, indépendamment de ces doutes d’interprétation, la thèse selon laquelle un défendeur défaillant ne répond pas à ces critères n’est, à mon avis, guère contestable. Un tel défendeur n’a avancé aucun moyen et n’a donc présenté aucune conclusion (« forme of order ») spécifique. Par conséquent, il est difficile de prétendre qu’une telle partie a « succombé » au sens de l’article 56 du statut.

93.      Pour reprendre la métaphore présentée dans l’introduction des présentes conclusions, pour atteindre la destination du train, il faut d’abord acheter un billet et demander un itinéraire, puis monter à bord dudit train.

94.      Cette position semble s’aligner sur l’approche retenue par la Cour dans son arrêt rendu dans l’affaire Bayer CropScience et Bayer/Commission. Dans cette affaire, tant Bayer CropScience que Bayer ont formé un pourvoi devant la Cour, alors que seule la première société était partie à la procédure devant le Tribunal. Bayer n’ayant pas participé à cette procédure initiale, ni invoqué une quelconque circonstance particulière susceptible éventuellement de lui permettre de former un pourvoi, la Cour a jugé que le pourvoi était irrecevable en tant qu’il avait été introduit au nom de cette société (27).

95.      De même, la Cour est parvenue à une conclusion comparable dans certaines affaires de marques, concernant d’éventuels intervenants dans la procédure de pourvoi. En effet, dans l’hypothèse où la partie ayant formé un pourvoi s’est abstenue de répondre à la requête introductive d’instance, la Cour a constaté qu’une telle partie ne saurait être considérée comme ayant participé à la procédure devant le Tribunal dès lors qu’elle n’avait ni présenté ses propres conclusions ni indiqué qu’elle intervenait au soutien des conclusions des autres parties (28).

96.      Dans cette perspective, et à l’instar des arguments avancés par le Parlement, je considère que le pourvoi incident de NN est irrecevable.

3.      Les considérations procédurales plus larges

97.      Cela dit, même si je parviens à la conclusion susmentionnée à travers le prisme de la présente affaire, le même raisonnement s’applique au cadre procédural plus large régissant les voies de recours devant les juridictions de l’Union.

98.      Les arguments présentés par les différentes parties à la présente procédure révèlent une ambiguïté notable quant à l’utilisation de mécanismes juridiques spécifiques devant le juge de l’Union et quant au moment opportun d’y recourir.

99.      À cet égard, en laissant de côté pour l’instant les circonstances particulières de la présente affaire, il convient d’aborder deux questions qui sont manifestement liées, celles de savoir i) si le défendeur défaillant peut former un pourvoi contre un arrêt par défaut ou s’il est tenu d’utiliser la voie procédurale qui lui permet de former opposition à cet arrêt et, dans ce dernier cas, ii) si un tel défendeur peut suivre les deux voies à la fois ou, comme c’est le cas en l’espèce, introduire une requête en ce sens en même temps qu’un appel incident.

100. À mon avis, la réponse à ces questions est relativement claire.

101. En particulier, le défendeur défaillant ne saurait former un pourvoi contre une décision de première instance parce qu’il est tenu de faire usage de la voie de droit spécifique consistant à former opposition à l’arrêt par défaut. A fortiori, le défendeur défaillant ne saurait faire valoir les deux voies simultanément en introduisant un pourvoi devant la Cour, tout en formant, en même temps, une opposition à l’arrêt par défaut devant le Tribunal.

102. Une telle interprétation semble avoir été confirmée tout récemment par la Cour dans l’arrêt Eulex Kosovo/SC, prononcé le même jour que les présentes conclusions (29).

103. En effet, les deux voies procédurales sont non seulement alternatives et exclusives l’une de l’autre, mais elles sont également non interchangeables.

104. D’une part, pour former un pourvoi, une partie doit remplir les conditions de forme énoncées à l’article 56 du statut, ce qui revient à exiger une participation en première instance. Ainsi, pour les raisons exposées précédemment, le défendeur défaillant ne remplit pas ce critère. Toute tentative de former un pourvoi avec succès semblerait vouée à l’échec.

105. En revanche, si la partie a participé à la procédure de première instance, elle ne saurait, par définition, être qualifiée de défenderesse défaillante. Par conséquent, il n’y aurait pas d’arrêt par défaut contre lequel elle pourrait former opposition.

106. Considérer qu’il en va différemment serait incompatible avec la logique du système des voies de recours de l’Union.

107. En effet, cela reviendrait non seulement à contourner les règles instituant une voie procédurale spécialement conçue pour s’opposer à un arrêt rendu par défaut, mais également à dévaloriser une telle voie, compte tenu des délais différents régissant ces mécanismes et du poids décisif que revêt un arrêt de la Cour dans le cadre d’un pourvoi. De même, cela porterait atteinte à l’essence même des arrêts par défaut, qui servent à encourager la participation active à une procédure juridictionnelle en limitant la participation et les recours dont dispose une partie qui ne s’est pas engagée dans la procédure initiale, bien qu’elle ait été invitée à le faire.

108. En outre, favoriser l’utilisation de deux voies de recours en parallèle permettrait à un défendeur défaillant de se servir deux fois – ou, pour poursuivre la métaphore, de prendre deux trains en même temps. Cela irait à l’encontre du principe de l’égalité des armes entre toutes les parties. Dans cette perspective, comment pourrait-on admettre que la partie qui n’a pas participé en première instance puisse néanmoins exercer une voie de recours devant le Tribunal et une autre devant la Cour, les deux visant en définitive le même résultat ?

109. Enfin, une telle situation pourrait même perturber la bonne administration de la justice et porter atteinte à l’intégrité du cadre procédural en semant la confusion quant à la voie de recours appropriée dans une affaire particulière et en contribuant sans doute à l’escalade des coûts pour toute partie impliquée dans des procédures parallèles, ainsi que pour le juge de l’Union (30).

110. Ces observations valent également pour l’utilisation d’un pourvoi incident.

111. Dans de telles circonstances, les arguments invoqués par le défendeur défaillant à l’appui de son opposition à un arrêt rendu par défaut peuvent présenter une ressemblance avec ceux avancés par ce même défendeur dans le cadre d’un pourvoi incident. Toutefois, il se peut également, ainsi que le démontre le pourvoi incident de NN, que les arguments avancés dans le cadre de celui-ci soient totalement différents.

112. Sur ce point, je ne partage pas la thèse défendue par NN selon laquelle un tel scénario aurait pour effet de rationaliser la procédure en permettant à la Cour de rendre un arrêt définitif, qui résoudrait également définitivement les questions soulevées dans l’opposition formée contre l’arrêt par défaut devant le Tribunal.

113. Au contraire, une telle situation confère involontairement un avantage au défendeur défaillant en lui permettant d’exercer une voie procédurale supplémentaire pour introduire de nouveaux arguments en droit, sans garantir que les arguments initiaux soulevés dans l’opposition à l’arrêt par défaut dans le cadre factuel de l’affaire portée devant le Tribunal seront dûment examinés, même si la Cour juge le pourvoi incident fondé. En effet, dans le cadre d’un pourvoi incident, la Cour est tenue de traiter uniquement des questions de droit.

114. À mon avis, les conséquences qui viennent d’être décrites ne reflètent pas le fonctionnement voulu du système des voies de recours qui a été établi dans les textes régissant la procédure devant le juge de l’Union – un même train ne pouvant pas circuler sur deux voies à la fois.

115. Par conséquent, au vu des considérations qui précèdent, il me semble que la voie procédurale permettant au défendeur défaillant de former opposition à un arrêt par défaut devant le Tribunal est la voie de recours la plus appropriée (ou plus précisément, la seule voie) qu’une telle partie peut exercer dans de telles circonstances.

116. Lorsque le Tribunal est saisi par un défendeur d’une opposition à un arrêt par défaut, l’arrêt initial de première instance ne sera pas considéré comme étant définitif. Concrètement, si cette requête est accueillie, un nouvel arrêt se substituera à l’arrêt par défaut.

117. Inversement, en cas de rejet de cette requête, l’arrêt par défaut continuera de produire ses effets et deviendra, en ce qui concerne la procédure de première instance, définitif. À ce stade, le défendeur défaillant pourra, s’il le souhaite, former un pourvoi dans un délai de deux mois à compter de la notification de cet arrêt. J’estime que cette procédure est conforme au fonctionnement voulu du système des voies de recours prévu par le cadre procédural (31).

118. À la lumière de ce qui précède, je réitère ma conclusion selon laquelle le pourvoi incident de NN doit être déclaré irrecevable. Par conséquent, il n’y a pas lieu pour la Cour de statuer sur les deux moyens soulevés par NN à cet égard.

119. Toutefois, si la Cour ne partageait pas mon analyse précédemment exposée et parvenait ainsi à la conclusion selon laquelle le pourvoi incident de NN est recevable, je considère que, pour les raisons que j’exposerai ci-après, elle devrait constater le bien-fondé de ce pourvoi incident et, partant, annuler l’arrêt attaqué en ce qu’il concerne NN.

D.      Sur l’approche du Tribunal consistant à rendre un arrêt par défaut à l’égard de NN

120. Comme je l’ai mentionné au point 34 des présentes conclusions, NN soulève deux moyens à l’appui de son pourvoi incident. Pour des raisons d’économie de la procédure, je propose à la Cour d’examiner d’abord le second moyen de NN. Ce moyen étant, selon moi, manifestement fondé, il ne sera pas nécessaire que la Cour statue sur le premier moyen de NN.

121. Par son second moyen, NN invoque une violation de l’article 123, paragraphe 3, du RPT, qui concerne les conditions dans lesquelles le Tribunal peut rendre un arrêt par défaut, ainsi qu’un défaut de motivation, dans la mesure où l’arrêt attaqué a accueilli le recours dirigé contre elle tout en rejetant ce recours dirigé contre les autres défenderesses en première instance, alors que les affirmations du Parlement reposent sur les mêmes arguments en droit et en fait.

122. Aux points 45 à 61 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a examiné s’il y avait lieu de faire droit au recours du Parlement tendant à ce qu’il soit statué par défaut à l’encontre de NN, au regard des conditions énoncées à l’article 123, paragraphe 3, du RPT. Cette disposition prévoit que, avant que le Tribunal ne puisse adjuger au requérant ses conclusions, il doit vérifier que i) il est compétent pour connaître du recours dont il est saisi, ii) le recours n’est pas manifestement irrecevable et iii) le recours n’est pas manifestement dépourvu de tout fondement en droit.

123. Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que les conditions de l’article 123, paragraphe 3, du RPT étaient remplies.

124. Après s’être déclaré compétent pour connaître du recours du Parlement et avoir constaté que ce recours n’était pas manifestement irrecevable, le Tribunal s’est penché sur l’examen de la troisième condition susmentionnée. Dans un seul paragraphe, il a relevé ce qui suit :

« […] il ne ressort pas d’une analyse à première vue des arguments du Parlement que le recours serait manifestement dépourvu de tout fondement en droit. En effet, la question de savoir si le sinistre dont il demande l’indemnisation est couvert ou non par le contrat TRC, sans faire l’objet d’une clause d’exclusion découlant dudit contrat, nécessite un examen plus approfondi des termes de ce contrat, lus dans leur contexte et en tenant compte de l’intention des parties » (32).

125. C’est sur cette base que le Tribunal a accueilli le recours formé par le Parlement contre NN. Néanmoins, dans le cadre de l’appréciation du bien-fondé du recours dirigé contre les autres défenderesses en première instance, le Tribunal, après avoir procédé à un examen plus approfondi des arguments du Parlement, a conclu que ces arguments n’étaient pas fondés et a ainsi rejeté cette partie du recours (33).

126. Je constate deux erreurs de droit distinctes dans ces passages de l’arrêt attaqué, à savoir une erreur d’interprétation de l’article 123 du RPT et un défaut de motivation.

127. Premièrement, l’approche du Tribunal procède d’une méconnaissance de l’objet et de la portée du contrôle juridictionnel imposé par l’article 123 du RPT, ainsi que du terme « manifeste » qui y figure.

128. Eu égard aux explications que j’ai fournies dans mes récentes conclusions dans l’affaire Commission/Royaume-Uni (arrêt de la Cour suprême) (34), je tiens à souligner qu’il ressort clairement des règles procédurales de l’Union relatives aux procédures par défaut, ainsi que de la jurisprudence de la Cour, que le défaut de participation du défendeur à la procédure n’entraîne pas automatiquement l’acceptation, par le juge saisi, des prétentions du requérant. En effet, dans le cadre d’une procédure par défaut, l’idée même de faire bénéficier les affirmations du requérant d’une présomption de véracité est tout simplement exclue.

129. Dans le même temps, cependant, le critère d’examen à appliquer par le juge de l’Union est relativement bienveillant à l’égard des allégations du requérant. La Cour n’est pas tenue de se livrer à un examen détaillé des faits invoqués et des arguments juridiques avancés par le requérant ; on ne saurait pas davantage s’attendre à ce qu’elle développe les arguments de fait et de droit que le défendeur aurait pu avancer s’il avait participé à la procédure. En renonçant à exercer son droit de comparaître, le défendeur fait le choix de se priver de la possibilité, entre autres, de présenter des preuves susceptibles de remettre en cause l’exactitude des faits allégués par le requérant ou de soulever des moyens de défense qu’il appartient en principe au défendeur d’avancer et d’étayer (35).

130. En résumé, dans le cadre d’une procédure par défaut devant le Tribunal, il incombe au requérant de prouver que ses allégations apparaissent, « à première vue, non dépourvues de fondement » (36). Cette charge de la preuve est satisfaite lorsque les arguments avancés par le requérant à l’appui de ses allégations apparaissent, sans examen approfondi, plausibles, c’est-à-dire suffisamment raisonnables en droit et en fait et, le cas échéant, étayés par des éléments de preuve appropriés.

131. Pour des raisons d’économie de la procédure, les règles procédurales de l’Union permettent au juge de l’Union d’éviter un examen approfondi des allégations du requérant lorsque le défendeur, bien que la requête lui ait été dûment signifiée, a choisi de ne pas participer à la procédure.

132. En revanche, ces règles ne peuvent pas être interprétées comme impliquant qu’aucun examen ne doit avoir lieu lorsque les arguments avancés par le requérant sont complexes. Il y a évidemment une différence entre un examen léger et aucun examen du tout.

133. Je souhaite insister sur ce point. Le critère de l’article 123, paragraphe 3, du RPT ne permet pas au Tribunal de considérer que le requérant a invoqué un fumus boni juris au seul motif que la question soulevée par le requérant est à ce point complexe (en droit et/ou en fait) qu’elle mérite un examen plus approfondi. La complexité des arguments avancés ne justifie pas l’absence de toute forme d’appréciation juridictionnelle de ces arguments (37).

134. Or, c’est précisément ce qui s’est produit dans la présente affaire en ce qui concerne les allégations formulées par le Parlement à l’encontre de NN. Le point 57 de l’arrêt attaqué indique clairement que le Tribunal n’a procédé à aucun examen important de ces allégations.

135. Il découle de ce qui précède que le Tribunal a commis une erreur de droit dans l’interprétation et l’application de l’article 123 du RPT. Le Tribunal aurait dû, à tout le moins, examiner si, compte tenu des termes du contrat, lus dans leur contexte, l’interprétation dudit contrat présentée par le Parlement était suffisamment plausible pour établir l’existence d’un fumus boni juris.

136. En tout état de cause, il me semble tout aussi évident qu’un argument donné n’est plus plausible si, dans la même décision, le Tribunal statue sur le bien-fondé de cet argument et parvient à la conclusion selon laquelle il est, après un examen plus approfondi, dépourvu de fondement.

137. Comme je l’ai expliqué précédemment, l’article 123 du RPT permet au Tribunal de renoncer à un examen détaillé des affirmations du requérant dans le cadre d’une procédure par défaut. Toutefois, cette disposition ne saurait être interprétée comme imposant au Tribunal de se limiter à un contrôle léger lors de l’appréciation des arguments invoqués à l’encontre d’un défendeur défaillant lorsque, pour une raison ou une autre, ces mêmes arguments devront faire l’objet d’un examen plus approfondi.

138. Il est difficile de discerner la logique qui sous-tend une décision de justice dans laquelle une juridiction estime que les mêmes arguments (tant en fait qu’en droit) ne sont pas manifestement erronés dans une partie de cette décision (en l’espèce, lorsqu’ils sont appréciés par rapport à NN) et les considère ensuite comme étant erronés dans une autre partie de cette décision (en l’espèce, lorsqu’ils sont appréciés par rapport aux autres défenderesses en première instance).

139. L’interprétation que le Tribunal fait de l’article 123 du RPT semble laisser entendre que, dans certains cas, le Tribunal est effectivement tenu d’accueillir un argument tout en sachant que cet argument est erroné et que – pour aggraver les choses – il l’a expressément reconnu dans la même décision.

140. À mon avis, une telle approche ne saurait être considérée comme un exercice approprié et juste de la fonction de juge. En substance, une juridiction condamnerait une partie défaillante au seul motif qu’elle a choisi de ne pas participer à la procédure. Or, comme je l’ai mentionné précédemment, ce n’est pas ce qui est prévu par les règles de l’Union en matière de procédures par défaut. Ces règles imposent toujours au juge de l’Union de procéder à une appréciation de l’affaire, laquelle, même si elle est effectuée sous une forme légère, doit néanmoins respecter les exigences découlant de l’article 47 de la Charte.

141. À cet égard, il ne faut pas perdre de vue que le choix de ne pas participer à la procédure, aussi regrettable qu’il puisse être, est entièrement laissé à la discrétion de chaque partie et est donc légitime (38). Bien entendu, ce choix comporte le risque d’être traité comme un défendeur défaillant, qualité qui peut avoir pour conséquence de faire l’objet d’un arrêt par défaut, ce qui entraîne, ainsi qu’il a été expliqué, un certain nombre de conséquences procédurales, dont certaines sont défavorables au défendeur.

142. Toutefois, ce serait aller trop loin dans la lettre et la finalité des règles de procédure de l’Union et risquerait d’entraîner une conséquence excessivement punitive si une juridiction les interprétait comme lui imposant l’obligation d’entériner automatiquement les arguments du requérant, quelles que soient les circonstances.

143. Mon point de vue semble être corroboré par l’arrêt de la grande chambre de la Cour dans l’affaire Tomkins, dans lequel celle-ci a confirmé la décision du Tribunal de réduire la durée du comportement anticoncurrentiel imputé à une société, sur la base des constatations faites à l’égard d’une autre société, alors que la première société n’avait soulevé aucune allégation quant à la durée de l’infraction (39). La Commission avait reproché au Tribunal d’avoir statué ultra petita. Toutefois, la Cour a rejeté le pourvoi en relevant, en substance, que les deux sociétés (la société mère et la filiale) étaient liées et qu’il ne s’agissait pas de deux comportements infractionnels distincts, mais d’une infraction unique, pour laquelle les deux sociétés pouvaient être tenues pour responsables.

144. Les principes découlant de cet arrêt apparaissent pertinents mutatis mutandis dans la présente affaire. Les défenderesses en première instance sont liées en ce sens qu’elles sont toutes soumises à un seul et même contrat et qu’elles ont été poursuivies collectivement par le Parlement devant le Tribunal pour un prétendu non‑respect de ce contrat. Dans le cadre de la présente procédure, les quatre assureurs se trouvaient dans une situation factuelle et juridique identique ; le Parlement prétendait, sur le fondement des mêmes motifs juridiques, qu’ils étaient solidairement responsables du remboursement des frais liés aux dommages causés par un événement spécifique (c’est-à-dire la prétendue inondation du bâtiment KAD).

145. Comme dans l’arrêt Tomkins, dans lequel le juge de l’Union ne pouvait pas imputer deux durées différentes à un même comportement, selon la société concernée, pour des raisons tenant à leur comportement dans le cadre de la procédure juridictionnelle, le juge, en l’espèce, ne saurait considérer que les mêmes clauses du même contrat ont deux significations différentes, selon la société concernée, pour des raisons tenant à leur comportement dans le cadre de la procédure juridictionnelle.

146. En outre, il ressort de ce qui précède que l’arrêt attaqué est entaché d’un défaut de motivation, en ce que son point 57 est dépourvu de toute appréciation à première vue des arguments avancés par la requérante et qu’il serait contredit par les points 62 à 138 du même arrêt (40).

147. Dans ces conditions, je considère que l’arrêt attaqué est entaché i) d’une erreur d’interprétation de l’article 123 du RPT et ii) d’une motivation insuffisante et contradictoire quant aux raisons pour lesquelles la troisième condition prévue par cette disposition, qui permet au Tribunal d’adjuger au requérant ses conclusions, était remplie.

148. Par conséquent, si la Cour devait considérer le pourvoi incident de NN comme étant recevable, il y aurait lieu, à mon sens, d’annuler les points 1 et 3 du dispositif de l’arrêt attaqué.

VI.    Conclusions

149. Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose à la Cour de :

–        constater que le mémoire en réponse de Nationale-Nederlanden Schadeverzekering Maatschappij NV est recevable ;

–        rejeter le pourvoi incident de Nationale-Nederlanden Schadeverzekering Maatschappij NV comme étant irrecevable.


1      Langue originale : l’anglais.


2      Arrêt du 29 septembre 2021, Parlement/Axa Assurances Luxembourg e.a. (T‑384/19, non publié, EU:T:2021:630 ; ci-après l’« arrêt attaqué »).


3      Voir, en particulier, points 1 à 31.


4      En matière d’assurance, lorsque plusieurs compagnies d’assurance couvrent un risque important, la pratique courante consiste à désigner une compagnie d’assurance en tant qu’apériteur. Cette compagnie joue un rôle de premier plan, bien que tous les assureurs participants partagent collectivement le risque.


5      L’article 41 du statut et l’article 123 du RPT précisent que, pour éviter le risque de faire l’objet d’un arrêt par défaut lorsqu’une requête a été déposée devant le Tribunal, le défendeur qui fait l’objet du recours doit remplir des conditions de forme en présentant un mémoire en défense qui contient notamment les conclusions et les moyens invoqués en réponse à la requête. Pour plus de détails, voir article 81 du RPT, qui énonce les éléments essentiels que le défendeur doit inclure dans son mémoire en défense.


6      Pour plus de détails, voir points 45 à 61 de l’arrêt attaqué.


7      Selon l’article premier, paragraphe 2, sous c), du RGT, les termes « partie » et « parties » désignent « toute partie à l’instance, y compris les intervenants ». Selon l’article premier, paragraphe 2, sous d), dudit règlement, les expressions « partie principale » et « parties principales » désignent « le requérant ou le défendeur ou les deux ».


8      Conformément à l’article 55 du statut.


9      Il ressort du dossier que le pourvoi a été signifié à NN le 26 janvier 2022, conformément à l’article 171, paragraphe 1, du RPCJ.


10      Arrêt du 16 mars 2023, Commission/Jiangsu Seraphim Solar System et Conseil/Jiangsu Seraphim Solar System et Commission (C‑439/20 P et C‑441/20 P, EU:C:2023:211, point 65 et jurisprudence citée).


11      Voir conclusions de l’avocat général Mengozzi dans l’affaire Mory e.a./Commission (C‑33/14 P, EU:C:2015:409, point 28) et de l’avocate générale Kokott dans les affaires jointes Fresh Del Monte Produce/Commission et Commission/Fresh Del Monte Produce (C‑293/13 P et C‑294/13 P, EU:C:2014:2439, points 44 et 45)


12      Voir, par analogie, sur l’idée qu’un recours doit produire des conséquences juridiques, arrêts du 17 septembre 2015, Mory e.a./Commission (C‑33/14 P, EU:C:2015:609, point 55) et du 27 mars 2019, Canadian Solar Emea e.a./Conseil (C‑236/17 P, EU:C:2019:258, point 91).


13      Voir, à cet égard, arrêt du 25 novembre 2020, ACRE/Parlement (T‑107/19, non publié, EU:T:2020:560, point 182 et jurisprudence citée).


14      Voir ordonnance du président de la Cour du 16 juillet 2020, HSBC Holdings e.a./Commission (C‑883/19 P, non publiée, EU:C:2020:601, point 22). À mon avis, une analogie peut être établie entre la présente affaire et la décision du président de la Cour dans cette affaire d’autoriser certaines sociétés à intervenir au soutien des conclusions des sociétés HSBC sur la base de leur intérêt direct et actuelle à l’issue de cette affaire. La décision souligne que si ces entreprises ne sont pas autorisées à intervenir, elles seront privées de la possibilité d’être entendues.


15      Voir, notamment, arrêt récent du 14 septembre 2023, Land Rheinland-Pfalz/Deutsche Lufthansa (C‑466/21 P, EU:C:2023:666, point 50 et jurisprudence citée).


16      Voir arrêt du 3 septembre 2020, Vereniging tot Behoud van Natuurmonumenten in Nederland e.a./Commission (C‑817/18 P, EU:C:2020:637, point 48).


17      Voir arrêts du 14 septembre 2023, Land Rheinland-Pfalz/Deutsche Lufthansa (C‑466/21 P, EU:C:2023:666, point 51) et du 3 septembre 2020, Vereniging tot Behoud van Natuurmonumenten in Nederland e.a./Commission (C‑817/18 P, EU:C:2020:637, point 47).


18      À cet égard, voir jurisprudence à laquelle il est fait référence dans la note en bas de page no 16.


19      Article 56 du statut.


20      L’harmonisation des deux délais (mémoire en réponse et pourvoi incident) vise à assurer à une partie une opportunité équitable de répondre, dans un délai raisonnable, au pourvoi principal de l’autre partie qui lui a été signifié.


21      Article 54 du RPCJ.


22      Cela étant, tout en étant lié, le rejet d’un pourvoi principal n’empêche pas nécessairement la Cour d’examiner le pourvoi incident au fond. Par exemple, dans son arrêt du 20 janvier 2021, Commission/Printeos (C‑301/19 P, EU:C:2021:39), la Cour a rejeté le pourvoi principal dans son intégralité, mais a accueilli le pourvoi incident. Voir également, pour un exemple plus récent, arrêt du 21 décembre 2023, International Skating Union/Commission (C-124/21 P, EU:C:2023:1012). Dans cet arrêt, la Cour a rejeté le pourvoi de l’International Skating Union, mais a accueilli le pourvoi incident des parties défenderesses en première instance, qui demandaient l’annulation partielle de l’arrêt attaqué.


23      En fait, on pourrait soutenir qu’une telle vérification devrait logiquement être effectuée avant d’examiner le respect des dispositions du RPCJ et du RPT. En effet, le statut, qui fait l’objet d’un protocole distinct annexé aux traités de l’Union, revêt une importance particulière en tant que texte inscrit dans le droit primaire (article 281 TFUE). Voir, sur ce point, conclusions de l’avocat général Saugmandsgaard Øe dans l’affaire HF/Parlement (C‑570/18 P, EU:C:2020:44, point 34) et de l’avocate générale Kokott dans les affaires jointes Fresh Del Monte Produce/Commission et Commission/Fresh Del Monte Produce (C‑293/13 P et C‑294/13 P, EU:C:2014:2439, points 50 à 55).


24      Voir, notamment, conclusions de l’avocat général Wathelet dans les affaires jointes Société des produits Nestlé e.a./Mondelez UK Holdings & Services (C‑84/17 P, C‑85/17 P et C‑95/17 P, EU:C:2018:266, points 32 à 41).


25      Voir, notamment, conclusions de l’avocat général Mengozzi dans l’affaire British Airways/Commission (C‑122/16 P, EU:C:2017:406, points 39 à 42).


26      Voir, notamment, conclusions de l’avocat général Mengozzi dans l’affaire British Airways/Commission (C‑122/16 P, EU:C:2017:406, points 39 à 42).


27      Arrêt du 6 mai 2021, Bayer CropScience et Bayer/Commission (C‑499/18 P, EU:C:2021:367, point 43).


28      Voir ordonnances du 12 février 2015, Enercon/Gamesa Eólica (C‑35/14 P, EU:C:2015:158) et du 24 novembre 2015, Sun Mark et Bulldog Energy Drink/OHMI (C‑206/15 P, non publiée, EU:C:2015:773).


29      Arrêt du 18 janvier 2024, Eulex Kosovo/SC (C-785/22 P, points 31 à 34).


30      Arrêt du 18 janvier 2024, Eulex Kosovo/SC (C-785/22 P, points 31 à 34).


31      Dans de telles circonstances, il semble que les exigences formelles énoncées dans les dispositions pertinentes, y compris celles de l’article 56 du statut, soient remplies.


32      Point 57 de l’arrêt attaqué. Ce dernier n’étant disponible qu’en version française, j’ai fourni cette traduction. Souligné par mes soins.


33      Points 62 à 138 de l’arrêt attaqué.


34      Mes conclusions dans l’affaire Commission/Royaume-Uni (Arrêt de la Cour suprême) (C‑516/22, EU:C:2023:857, point 44), faisant également référence aux conclusions de l’avocat général Mischo dans l’affaire Portugal/Commission (C‑365/99, EU:C:2001:184, point 16).


35      Mes conclusions dans l’affaire Commission/Royaume-Uni (Arrêt de la Cour suprême) (C‑516/22, EU:C:2023:857, points 46 et 47).


36      Dans ce contexte, je dois souligner qu’il existe une légère différence dans la formulation des dispositions régissant les procédures par défaut devant les deux juridictions respectives de l’Union. En vertu de l’article 152, paragraphe 3, du RPCJ, la Cour de justice doit examiner « si les conclusions du requérant paraissent fondées », alors que l’article 123, paragraphe 3, du RPT impose au Tribunal de vérifier si le recours est « manifestement dépourvu de tout fondement en droit ». Il me semble que le seuil d’appréciation des arguments des requérants par le Tribunal est quelque peu inférieur à celui de la Cour. Cela s’explique probablement par le fait que la Cour est, au sein du système juridictionnel de l’Union, la juridiction de dernière instance.


37      Voir, par analogie, mes conclusions dans l’affaire BCE/Crédit lyonnais (C‑389/21 P, EU:C:2022:844, points 56 à 58 et 62).


38      Voir, à cet égard, mes conclusions dans l’affaire Commission/Royaume-Uni (Arrêt de la Cour suprême) (C‑516/22, EU:C:2023:857, point 52).


39      Voir, par analogie, arrêt du 22 janvier 2013, Commission/Tomkins (C‑286/11 P, EU:C:2013:29)


40      En effet, si le Tribunal avait décidé d’examiner les affirmations du Parlement dirigées contre les trois autres défenderesses en première instance avant ses allégations dirigées contre NN, le caractère contradictoire de l’arrêt attaqué aurait été encore plus évident. À cet égard, je doute que le Tribunal serait parvenu aux mêmes conclusions à l’égard de NN.