Language of document : ECLI:EU:T:2010:152

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

21 avril 2010 (*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire figurative Thai Silk – Marque nationale figurative antérieure représentant un volatile – Recevabilité du recours – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 40/94 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009] »

Dans l’affaire T‑361/08,

Peek & Cloppenburg, établie à Hambourg (Allemagne),

van Graaf GmbH & Co. KG, établie à Vienne (Autriche),

représentées par Mes V. von Bomhard, A. Renck, T. Dolde et J. Pause, avocats,

parties requérantes,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. S. Schäffner, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’intervenant devant le Tribunal, admis à se substituer à l’Office of the Permanent Secretary, The Prime Minister’s Office, Thailand (Thaïlande), l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, étant

The Queen Sirikit Institute of Sericulture, Office of the Permanent Secretary, Ministry of Agriculture and Cooperatives, Thailand (Thaïlande), établi à Bangkok (Thaïlande), représenté par Me A. Kockläuner, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’OHMI du 10 juin 2008 (affaire R 1677/2007‑4), relative à une procédure d’opposition entre Peek & Cloppenburg et l’Office of the Permanent Secretary, The Prime Minister’s Office, Thailand,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de Mme M. E. Martins Ribeiro (rapporteur), président, MM. S. Papasavvas et N. Wahl, juges,

greffier : M. J. Plingers, administrateur,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 29 octobre 2004, l’Office of the Permanent Secretary, The Prime Minister’s Office, Thailand (Thaïlande), a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif reproduit ci-après :

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3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 24 et 25 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 24 : « Soie » ;

–        classe 25 : « Vêtements en soie ».

4        Cette demande a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 24/2005, du 13 juin 2005.

5        Le 7 septembre 2005, l’une des deux parties requérantes dans la présente affaire, à savoir Peek & Cloppenburg, a formé une opposition au titre de l’article 42 du règlement n° 40/94 (devenu article 41 du règlement n° 207/2009) à l’enregistrement de la marque demandée, alléguant un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009].

6        L’opposition était fondée sur l’enregistrement allemand n° 30336340 de la marque figurative suivante :

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7        Cette marque avait été déposée le 18 juillet 2003 et enregistrée le 14 juin 2004 pour les produits et les services suivants relevant des classes 18, 25 et 35:

–        classe 18 : « Articles en cuir, en particulier ceintures, sacs, conteneurs (relevant de la classe 18), et articles de maroquinerie, en particulier porte-monnaie, portefeuilles, étuis pour clés, parapluies » ;

–        classe 25 : « Vêtements (y compris vêtements tricotés et tissés et articles d’habillement en cuir) pour femmes, hommes et enfants, en particulier vêtements d’extérieur, d’intérieur, de loisirs et de sport ; chaussures, y compris bottes et pantoufles, ceintures » ;

–        classe 35 : « Publicité, gestion des affaires commerciales, administration commerciale, travaux de bureau, présentation de produits, distribution d’échantillons à des fins publicitaires, vente aux enchères de produits et de services, étude de marchés ».

8        L’opposition était dirigée contre l’ensemble des produits visés par la marque demandée.

9        Par décision du 15 octobre 2007, la division d’opposition a rejeté l’opposition, au motif que les signes en conflit n’étaient pas similaires et que, en tout état de cause, il n’existait aucun risque de confusion sur le territoire communautaire.

10      Le 26 octobre 2007, Peek & Cloppenburg a formé un recours auprès de l’OHMI contre la décision de la division d’opposition.

11      Le 15 novembre 2007, Peek & Cloppenburg a demandé au Deutsches Patent- und Markenamt (Office allemand des brevets et des marques) le transfert de la marque antérieure à l’autre partie requérante dans la présente affaire, à savoir van Graaf GmbH & Co. KG (ci-après « van Graaf »).

12      Par décision du 10 juin 2008 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours. Cette dernière a confirmé la décision de la division d’opposition en ce que les signes en cause étaient visuellement, phonétiquement et conceptuellement différents, en sorte qu’il n’était pas nécessaire de comparer les produits concernés, puisque l’une des conditions de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 faisait défaut. Elle a précisé que, à supposer même qu’une similitude des signes existe, en raison de leur seule similitude conceptuelle, le résultat ne serait pas modifié quand bien même les produits concernés seraient considérés comme identiques, puisque le public visé ne se méprendrait pas quant à leur origine commerciale.

13      Le 11 août 2008, le Deutsches Patent- und Markenamt a établi un certificat duquel il ressort que van Graaf était le nouveau titulaire de la marque en lieu et place de Peek & Cloppenburg avec effet au 17 novembre 2007.

 Procédure et conclusions des parties

14      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 27 août 2008, les requérantes ont introduit le présent recours.

15      L’OHMI et The Queen Sirikit Institute of Sericulture, Office of the Permanent Secretary, Ministry of Agriculture and Cooperatives, Thailand, ont déposé leur mémoire en réponse au greffe du Tribunal le 16 décembre 2008.

16      Le 16 décembre 2008, dans le cadre de son mémoire en réponse, The Queen Sirikit Institute of Sericulture, Office of the Permanent Secretary, Ministry of Agriculture and Cooperatives, Thailand, a introduit une demande de substitution en vue d’intervenir dans le cadre de la procédure devant le Tribunal en lieu et place de l’Office of the Permanent Secretary, The Prime Minister’s Office, Thailand, et a transmis, le 8 janvier 2009, au greffe du Tribunal, copie du contrat de cession de la marque communautaire Thai Silk.

17      Par lettre enregistrée au greffe du Tribunal le 2 février 2009, l’OHMI a marqué son accord sur cette demande de substitution. Par lettre enregistrée le même jour, les requérantes ont indiqué ne pas avoir d’objection à l’encontre de celle-ci.

18      Par ordonnance du 19 juin 2009, le Tribunal a admis que The Queen Sirikit Institute of Sericulture, Office of the Permanent Secretary, Ministry of Agriculture and Cooperatives, Thailand, se substitue à l’Office of the Permanent Secretary, The Prime Minister’s Office, Thailand, en tant que partie intervenante dans le cadre de la procédure devant le Tribunal.

19      Par décision du 9 juillet 2009, le Tribunal a décidé de rejeter le mémoire en réponse de The Queen Sirikit Institute of Sericulture, Office of the Permanent Secretary, Ministry of Agriculture and Cooperatives, Thailand, comme étant irrecevable, au motif que ce n’est qu’à compter de l’ordonnance du Tribunal du 19 juin 2009 qu’elle est devenue partie intervenante au litige, en sorte que, à la date du dépôt dudit mémoire, soit le 16 décembre 2008, elle était une partie tierce au litige. Le Tribunal a invité la partie intervenante à présenter son argumentation concernant la présente affaire lors de l’audience.

20      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 24 juillet 2009, The Queen Sirikit Institute of Sericulture, Office of the Permanent Secretary, Ministry of Agriculture and Cooperatives, Thailand, a déposé à nouveau son mémoire du 16 décembre 2008 ainsi que ses annexes afin qu’ils soient pris en compte dans le cadre de la présente procédure, ce afin de préserver effectivement son droit d’être entendu.

21      Le président de la huitième chambre du Tribunal a décidé, au vu des circonstances particulières de l’espèce, d’accepter ledit document et de permettre aux autres parties de pouvoir s’y prononcer lors de l’audience.

22      Les requérantes, Peek & Cloppenburg ainsi que van Graaf, concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

23      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours de van Graaf comme irrecevable ;

–        rejeter le recours de Peek & Cloppenburg comme non fondé ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

24      L’intervenant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

25      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal à l’audience du 8 octobre 2009.

 Sur la recevabilité du recours

 Arguments des parties

26      Les requérantes précisent que, pour des raisons procédurales et par précaution, le recours a été introduit par Peek & Cloppenburg, en tant que partie formellement lésée au sens de l’article 63, paragraphe 4, du règlement n° 40/94 (devenu article 65, paragraphe 4, du règlement n° 207/2009), et par van Graaf, en tant que partie matériellement lésée. Elles demandent également à être informées de toute décision éventuelle du Tribunal selon laquelle seule l’une d’entre elles aurait qualité pour agir.

27      L’OHMI, en se fondant sur l’article 63, paragraphe 4, du règlement n° 40/94, relève que Peek & Cloppenburg était partie à la procédure devant la chambre de recours, en sorte qu’elle seule dispose d’un droit de recours. Certes, la marque aurait été cédée à van Graaf et celle-ci se trouverait matériellement lésée par la décision attaquée. Toutefois, c’est la qualité formelle de partie à la procédure de recours qui serait déterminante aux fins de cette disposition. Van Graaf n’ayant jamais été partie à la procédure devant la chambre de recours, elle n’aurait pas de qualité pour agir.

28      Selon l’OHMI, qui se réfère à la jurisprudence du Tribunal, van Graaf pourrait intervenir à la place de Peek & Cloppenburg, en raison de la cession de la marque antérieure, à la condition qu’elle demande à être substituée dans les droits de cette dernière et que le Tribunal autorise cette substitution dans le cadre d’une ordonnance. Or, aucune demande de substitution n’aurait être présentée par van Graaf.

29      L’intervenant prétend que le recours est irrecevable, au motif, d’une part, que Peek & Cloppenburg n’est plus titulaire de la marque avec effet au 17 novembre 2007, en sorte que la décision attaquée ne saurait lui faire grief au sens de l’article 63, paragraphe 4, du règlement n° 40/94, et, d’autre part, que van Graaf n’a pas été partie à la procédure devant la chambre de recours et n’est pas intervenue dans cette procédure même si elle est devenue titulaire de la marque antérieure peu après l’introduction du recours devant la chambre de recours. Aucune des deux requérantes n’aurait donc qualité pour agir.

 Appréciation du Tribunal

30      L’article 63, paragraphe 4, du règlement n° 40/94 dispose que le recours contre une décision d’une chambre de recours est « ouvert à toute partie à la procédure devant la chambre de recours pour autant que la décision de celle-ci n’a pas fait droit à ses prétentions ».

31      À cet égard, il y a lieu de relever que, dans une affaire dans laquelle la cession de marque était intervenue après la décision de la chambre de recours, mais avant l’introduction du recours devant le Tribunal, il a été jugé que, conformément à l’article 63, paragraphe 4, du règlement n° 40/94, les nouveaux titulaires d’une marque antérieure peuvent former un recours devant le Tribunal et doivent être admis en tant que parties à la procédure, dès lors qu’ils ont établi être titulaires du droit invoqué devant l’OHMI [arrêt du Tribunal du 28 juin 2005, Canali Ireland/OHMI – Canal Jean (CANAL JEAN CO. NEW YORK), T‑301/03, Rec. p. II‑2479, point 19].

32      Il convient également d’observer que, dans cette affaire ayant donné lieu à l’arrêt CANAL JEAN CO. NEW YORK, point 31 supra, le nouveau titulaire de la marque ayant produit la preuve de la cession de ladite marque et l’OHMI ayant enregistré cette cession après la procédure devant la chambre de recours, ce nouveau titulaire était devenu la partie à la procédure devant l’OHMI (point 20).

33      En l’espèce, il ressort du dossier que, par lettre du 15 novembre 2007, Peek & Cloppenburg a demandé au Deutsches Patent- und Markenamt la cession de plusieurs marques, dont la marque antérieure, au profit de van Graaf et que le Deutsches Patent- und Markenamt a délivré, le 11 août 2008, au représentant de cette dernière un certificat établissant la cession à son endroit de cette marque avec effet au 17 novembre 2007, en sorte que van Graaf est devenue la partie à la procédure devant l’OHMI au sens de l’article 63, paragraphe 4, du règlement n° 40/94 [voir également, en ce sens, arrêt du Tribunal du 13 décembre 2007, Xentral/OHMI – Pages jaunes (PAGESJAUNES.COM), T‑134/06, Rec. p. II‑5213].

34      Cette conclusion ne saurait être infirmée par le fait que la cession de la marque antérieure a été officiellement enregistrée par le Deutsches Patent- und Markenamt et non par l’OHMI, dès lors que la marque antérieure a été enregistrée en Allemagne et qu’il n’a pas été contesté qu’il y a eu cession de cette marque au profit de van Graaf.

35      Le recours est donc recevable pour ce qui concerne van Graaf.

36      S’agissant d’un seul et même recours, il n’y a pas lieu d’examiner la qualité pour agir de Peek & Cloppenburg (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 24 mars 1993, CIRFS e.a./Commission, C‑313/90, Rec. p. I‑1125, point 31 ; arrêts du Tribunal du 8 juillet 2003, Verband der freien Rohrwerke e.a./Commission, T‑374/00, Rec. p. II‑2275, point 57, et du 9 juillet 2007, Sun Chemical Group e.a./Commission, T‑282/06, Rec. p. II‑2149, point 50).

37      Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le recours doit être déclaré recevable.

 Sur le fond

38      Les requérantes invoquent un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

 Arguments des parties

39      Les requérantes prétendent que les produits visés par la marque demandée relevant de la classe 25 sont identiques à ceux visés par la marque antérieure. En ce qui concerne les produits visés par la marque demandée relevant de la classe 24 et ceux visés par la marque antérieure relevant de la classe 25, il existerait une similitude, puisque les vêtements ainsi que la soie appartiennent à la catégorie des textiles. Par ailleurs, les vêtements servant à l’habillement ainsi que la soie entrant dans leur composition et servant à leur fabrication, ces produits seraient en concurrence. Les canaux de distribution et les lieux de commercialisation seraient également souvent identiques.

40      Les requérantes font valoir que, sur le plan visuel, les signes en cause sont très similaires, car ils sont dominés par l’illustration d’un paon, en sorte que les différences minimes entre lesdits signes dans la représentation des paons et dans les éléments secondaires ne suffiraient pas à entraîner une perception différente de ces signes par le consommateur. Elles prétendent qu’il est irréaliste et totalement incompréhensible, ainsi que l’a fait la chambre de recours, de considérer qu’il est impossible d’« associer les éléments figuratifs respectifs à une espèce animale déterminée ». Elles estiment, au contraire, qu’un consommateur moyen reconnaît dans les signes en cause la représentation d’un paon, lequel n’a aucun caractère descriptif pour les produits relevant des classes 24 et 25, attirant ainsi l’attention dudit consommateur. En outre, les éléments qui différeraient d’un signe à l’autre, à savoir le cadre, la ligne et les couleurs, seraient secondaires au point qu’ils ne détourneraient pas l’attention du consommateur moyen des éléments dominants communs. Par ailleurs, l’expression « thai silk » serait descriptive de la soie et des vêtements à l’égard du consommateur allemand, lequel comprendrait parfaitement sa signification, et n’aurait donc pas d’influence sur la perception de la marque demandée.

41      Selon les requérantes, de nombreux arrêts du Tribunal ont constaté l’existence d’un risque de confusion en raison d’éléments visuels similaires, bien que l’un des signes à comparer contienne en plus un élément verbal, sans que soit pris en considération le caractère distinctif accru de l’autre signe.

42      Les requérantes ajoutent que, sur le plan phonétique, les signes en cause sont soit hautement similaires, soit non comparables et que, sur le plan conceptuel, ils sont soit hautement similaires, soit identiques.

43      Elles concluent que, sur le marché allemand, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public concerné, lequel est constitué des consommateurs normalement informés et raisonnablement attentifs et avisés. En outre, il conviendrait de prendre en considération le fait que, d’une part, le consommateur garde en mémoire une image imparfaite des marques et, d’autre part, la marque antérieure dispose d’un caractère distinctif intrinsèque élevé. La comparaison visuelle des marques serait particulièrement importante eu égard aux produits en cause qui sont généralement vendus dans des magasins en libre-service.

44      L’OHMI et l’intervenant concluent au rejet du moyen.

 Appréciation du Tribunal

45      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, « en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire dans lequel la marque antérieure est protégée ; le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure ».

46      Par ailleurs, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement n° 40/94 [devenu article 8, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement n° 207/2009], il convient d’entendre par marques antérieures les marques enregistrées dans un État membre dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque communautaire.

47      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement [voir arrêt du Tribunal du 10 septembre 2008, Boston Scientific/OHMI – Terumo (CAPIO), T‑325/06, non publié au Recueil, point 70, et la jurisprudence citée ; voir également, par analogie, arrêts de la Cour du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, Rec. p. I‑5507, point 29, et du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, Rec. p. I‑3819, point 17].

48      En outre, le risque de confusion dans l’esprit du public doit être apprécié globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce (voir arrêt CAPIO, point 47 supra, point 71, et la jurisprudence citée ; voir, par analogie, arrêts de la Cour du 11 novembre 1997, SABEL, C‑251/95, Rec. p. I‑6191, point 22, et du 22 juin 2000, Marca Mode, C‑425/98, Rec. p. I‑4861, point 40).

49      Cette appréciation globale implique une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte et, notamment, entre la similitude des marques et celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [arrêt de la Cour du 13 septembre 2007, Il Ponte Finanziaria/OHMI, C‑234/06 P, Rec. p. I‑7333, point 48, et arrêt du Tribunal du 23 octobre 2002, Matratzen Concord/OHMI – Hukla Germany (MATRATZEN), T‑6/01, Rec. p. II‑4335, point 25]. L’interdépendance entre ces facteurs trouve son expression au septième considérant du règlement n° 40/94, selon lequel il y a lieu d’interpréter la notion de similitude en relation avec le risque de confusion, dont l’appréciation dépend de nombreux facteurs, notamment, de la connaissance de la marque sur le marché, de l’association qui peut en être faite avec le signe utilisé ou enregistré, du degré de similitude entre la marque et le signe et entre les produits ou les services désignés (voir arrêt CAPIO, point 47 supra, point 72, et la jurisprudence citée).

50      Par ailleurs, l’appréciation globale doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, des éléments distinctifs et dominants de ceux-ci. En effet, il ressort du libellé de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, aux termes duquel « il existe un risque de confusion dans l’esprit du public », que la perception des marques qu’a le consommateur moyen du type de produit ou de service en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale du risque de confusion. Or, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt CAPIO, point 47 supra, point 73, et la jurisprudence citée ; voir également, par analogie, arrêts SABEL, point 48 supra, point 23, et Lloyd Schuhfabrik Meyer, point 47 supra, point 25).

51      Aux fins de l’appréciation globale du risque de confusion, le consommateur moyen des produits concernés est censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Par ailleurs, il convient de tenir compte du fait que le consommateur moyen n’a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différentes marques, mais doit se fier à l’image imparfaite de celles-ci qu’il a gardée en mémoire. Il y a lieu également de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [arrêts du Tribunal du 23 octobre 2002, Oberhauser/OHMI – Petit Liberto (Fifties), T‑104/01, Rec. p. II‑4359, point 28, et du 30 juin 2004, BMI Bertollo/OHMI – Diesel (DIESELIT), T‑186/02, Rec. p. II‑1887, point 38 ; voir, par analogie, arrêt Lloyd Schuhfabrik Meyer, point 47 supra, point 26].

52      En l’espèce, il ressort du point 16 de la décision attaquée, d’une part, que la chambre de recours a pris en considération le public germanophone, dès lors que la marque antérieure est une marque allemande et, d’autre part, que le public visé auprès duquel le risque de confusion doit être apprécié est celui constitué du consommateur germanophone moyen, censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Cette prémisse, qui n’a d’ailleurs pas été contestée par les requérantes, doit être entérinée.

53      Certes, l’intervenant prétend que le public concerné est un public ayant un degré d’attention élevé.

54      Toutefois, s’agissant de produits tels que ceux de l’espèce qui sont de consommation courante, force est de constater que c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que le public concerné était constitué du consommateur moyen, censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 5 octobre 2005, Bunker & BKR/OHMI – Marine Stock (B.K.R.), T‑423/04, Rec. p. II‑4035, point 54, et la jurisprudence citée].

 Sur la similitude des signes

55      En premier lieu, s’agissant de la comparaison sur le plan visuel, c’est à juste titre que la chambre de recours a constaté, au point 17 de la décision attaquée, que les signes en cause étaient visuellement différents.

56      En effet, il est exact que les deux signes sont composés d’un élément représentant un animal. Ainsi, la marque demandée est composée d’un animal censé représenter de manière stylisée un paon vu de profil dans une position debout dirigée vers la droite, les pattes n’apparaissant pas et la longue queue semblant être revêtue d’ocelles. Cet élément est de couleur bleue et figure au centre d’un cercle également de couleur bleue au-dessous duquel apparaît l’expression « thai silk ». En comparaison, la marque antérieure est composée d’un élément représentant également un volatile, vu de profil dans une position debout dirigée vers la droite, lequel n’est pas immédiatement discernable comme représentant un paon, dans la mesure où la représentation est schématique. Ce volatile dispose d’une crête, de pattes schématiquement dessinées et d’une queue qui semble être revêtue d’écailles. Toutefois, même si une partie du public concerné pouvait percevoir dans cet élément figuratif la représentation d’un paon, celle-ci est tellement éloignée de la représentation stylisée de cet animal dans la marque demandée que ledit public les percevrait visuellement de manière différente.

57      Ainsi que l’a, à juste titre, relevé la chambre de recours au point 21 de la décision attaquée, le simple fait que les deux représentations soient orientées vers la droite ne saurait engendrer une similitude visuelle entre les signes en conflit.

58      En deuxième lieu, en ce qui concerne la comparaison sur le plan phonétique, il convient de rappeler que, au sens strict, la reproduction phonétique d’un signe complexe correspond à celle de tous ses éléments verbaux, indépendamment de leurs spécificités graphiques, qui relèvent plutôt de l’analyse du signe sur le plan visuel [arrêt du Tribunal du 25 mai 2005, Creative Technology/OHMI – Vila Ortiz (PC WORKS), T‑352/02, Rec. p. II‑1745, point 42].

59      À cet égard, ainsi que l’a relevé à juste titre la chambre de recours au point 23 de la décision attaquée, il y a lieu de considérer que les signes en cause sont également différents. En effet, la marque demandée est composée de l’élément verbal « thai silk », qui ne figure pas dans la marque antérieure. Dès lors que le public concerné utilisera cet élément verbal pour se référer à la marque demandée, il n’existe aucune similitude phonétique qui pourrait, le cas échéant, provenir du fait que ledit public identifierait le même animal dans les deux signes. En effet, il ne saurait être envisagé que le public concerné se réfère à la marque demandée en ne prononçant pas l’élément verbal de celle-ci, mais le terme allemand correspondant à l’animal représenté dans l’élément figuratif de celle-ci, au demeurant quelque peu imprécis, puisqu’il ne saurait être exclu que ledit public ne reconnaisse pas directement un paon dans cet élément figuratif.

60      À supposer même que l’élément verbal de la marque demandée puisse être considéré comme descriptif, ainsi que le prétendent les requérantes, il n’empêche que le public concerné, amené à se référer à ladite marque, prononcera exclusivement l’élément verbal de celle-ci et non le terme correspondant à l’animal représenté dans l’élément figuratif de celle-ci, dans la mesure où cette correspondance est, par nature, indirecte ainsi que, en l’occurrence, incertaine s’agissant dudit terme, ce nonobstant la jurisprudence, invoquée par les requérantes, selon laquelle le public ne considère pas un élément descriptif faisant partie d’une marque complexe comme l’élément distinctif et dominant de l’impression d’ensemble produite par celle-ci [voir arrêt du Tribunal du 22 mai 2008, NewSoft Technology/OHMI – Soft (Presto! Bizcard Reader), T‑205/06, non publié au Recueil, point 56, et la jurisprudence citée].

61      En troisième lieu, en ce qui concerne la comparaison sur le plan conceptuel, il est certes exact que, ainsi que l’a relevé la chambre de recours au point 24 de la décision attaquée, pour qu’il y ait similitude, il faudrait que les deux représentations soient directement perçues par le public concerné comme la représentation d’un paon. Il est également vrai qu’une telle hypothèse ne peut être confirmée, dans la mesure où les deux représentations sont visuellement dissemblables.

62      Toutefois, il ne saurait être exclu qu’une partie du public concerné reconnaisse un paon dans les deux éléments figuratifs, ce qui pourrait ainsi conduire à une certaine similitude conceptuelle des signes en conflit. En effet, la marque antérieure, bien que dessinée de manière schématique, reprend certains des attributs du paon, à savoir la crête et la longue queue. Quant à la marque demandée, elle est plus directement proche d’une représentation du paon en raison de la présence des ocelles et de la posture générale.

63      À cet égard, il convient de rappeler que la similitude conceptuelle découle du fait que deux marques utilisent des images qui concordent dans leur contenu sémantique (arrêt SABEL, point 48 supra, point 24). Ainsi, dès lors qu’il serait considéré que le public concerné pourrait être amené à percevoir un paon dans les signes en conflit, ces derniers utilisent des images qui concordent dans leur contenu conceptuel, en ce sens que de telles images suggèrent ou transmettent audit public une idée de beauté ou d’élégance des produits concernés, laquelle est traditionnellement attribuée au paon.

64      Cependant, force est de constater qu’une telle similitude conceptuelle doit être considérée comme faible en raison du fait que c’est de manière indirecte que les signes en conflit suggèrent ou transmettent au public concerné un même contenu conceptuel.

65      Dans cette mesure, il convient de constater que c’est à tort que la chambre de recours a conclu, au point 24 de la décision attaquée, à l’absence de similitude conceptuelle des signes en cause. Force est toutefois de relever que cette constatation ne saurait, à ce stade, avoir pour conséquence l’annulation de la décision attaquée, puisque la chambre de recours a, par ailleurs, au point 29 de la décision attaquée, en considérant l’existence d’une similitude conceptuelle entre les signes en cause, examiné l’existence d’un éventuel risque de confusion.

 Sur la similitude des produits

66      Ainsi qu’il ressort du point 29 de la décision attaquée, les produits visés par la marque antérieure relevant de la classe 25, à savoir les vêtements, incluent ceux visés par la marque communautaire figurative Thai Silk relevant des classes 24 et 25, à savoir, respectivement, la soie et les vêtements en soie.

67      Il s’ensuit que les produits en cause doivent être considérés comme étant identiques, en sorte que l’argument de l’intervenant selon lequel les vêtements et la soie ne seraient pas identiques ne saurait être accueilli.

 Sur le risque de confusion

68      Bien que les produits en cause soient identiques et nonobstant l’existence d’une faible similitude conceptuelle entre les signes en conflit, c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu que l’impression d’ensemble dégagée par les marques en cause n’était pas susceptible de créer un risque de confusion dans l’esprit du public concerné.

69      À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’il ne saurait être exclu que la similitude conceptuelle découlant du fait que deux marques utilisent des images qui concordent dans leur contenu sémantique puisse créer un risque de confusion dans le cas où la marque antérieure possède un caractère distinctif particulier, soit intrinsèquement, soit grâce à la notoriété dont elle jouit auprès du public. Toutefois, dans le cas où la marque ne jouit pas d’une notoriété particulière et consiste en une image présentant peu d’éléments imaginaires, la simple similitude conceptuelle entre les marques ne suffit pas pour créer un risque de confusion (voir arrêt SABEL, point 48 supra, points 24 et 25).

70      Or, force est de constater qu’il ne ressort nullement du dossier ou des arguments des requérantes que la marque antérieure possède un caractère distinctif particulier, soit intrinsèquement, soit en raison d’une prétendue notoriété.

71      Par ailleurs, il convient de relever que, dans l’appréciation globale du risque de confusion, les aspects visuel, phonétique ou conceptuel des signes en conflit n’ont pas toujours le même poids. Il importe d’analyser les conditions objectives dans lesquelles les marques peuvent se présenter sur le marché. L’importance des éléments de similitude ou de différence des signes peut dépendre, notamment, des caractéristiques intrinsèques de ceux-ci ou des conditions de commercialisation des produits ou services que les marques en conflit désignent. Si les produits désignés par les marques en cause sont normalement vendus dans des magasins en libre-service où le consommateur choisit lui-même le produit et doit, dès lors, se fier principalement à l’image de la marque appliquée sur ce produit, une similitude visuelle des signes sera, en règle générale, d’une plus grande importance. Si, en revanche, le produit visé est surtout vendu oralement, il sera normalement attribué plus de poids à une similitude phonétique des signes [arrêt du Tribunal du 6 octobre 2004, New Look/OHMI – Naulover (NLSPORT, NLJEANS, NLACTIVE et NLCollection), T‑117/03 à T‑119/03 et T‑171/03, Rec. p. II‑3471, point 49].

72      Eu égard aux produits concernés et à leur mode de commercialisation, il y a lieu de constater que les similitudes visuelle et phonétique des signes en cause, qui sont, en l’occurrence, les plus importantes, font précisément défaut.

73      Ainsi, les différences visuelles et phonétiques constatées sont de nature à neutraliser la faible similitude conceptuelle. En effet, confronté aux deux signes en cause, il est tout à fait exclu que le public concerné puisse établir un lien entre eux créant un risque de confusion dans son esprit et qui lui ferait croire que les produits concernés proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement entre elles. Par ailleurs, même si les producteurs de vêtements créent parfois plusieurs lignes de produits, il est tout à fait improbable, ainsi que l’a constaté à juste titre la chambre de recours au point 32 de la décision attaquée, que le public concerné, confronté aux deux signes en cause, puisse croire qu’il s’agit de variantes de la même marque ou de sous-marques d’un même fabricant.

74      Dans ces conditions, il convient de rejeter le moyen unique et, partant, le recours.

 Sur les dépens

75      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Peek & Cloppenburg ainsi que van Graaf ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI et de l’intervenant.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Peek & Cloppenburg ainsi que van Graaf GmbH & Co. KG sont condamnées aux dépens.

Martins Ribeiro

Papasavvas

Wahl

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 21 avril 2010.

Signatures


* Langue de procédure : l’allemand.