Language of document : ECLI:EU:T:2013:454

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

16 septembre 2013(*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire verbale PROSEPT – Marque nationale verbale antérieure Pursept – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Similitude des signes – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009 – Droits de la défense – Article 75 du règlement n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑284/12,

Oro Clean Chemie AG, établie à Fehraltorf (Suisse), représentée par Me F. Ekey, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. G. Schneider, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Merz Pharma GmbH & Co. KGaA, établie à Francfort-sur-le-Main (Allemagne), représentée par Mes M. Hirsch et C. Mayerhöffer, avocats,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 29 mars 2012 (affaire R 1053/2011‑1), relative à une procédure d’opposition entre Merz Pharma GmbH & Co. KGaA et Oro Clean Chemie AG,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de Mmes I. Pelikánová (rapporteur), président, K. Jürimäe et M. M. van der Woude, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 29 juin 2012,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 3 octobre 2012,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 1er octobre 2012,

vu le mémoire en réplique déposé au greffe du Tribunal le 12 février 2013,

vu le mémoire en duplique de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 2 mai 2013,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai d’un mois à compter de la signification de la clôture de la procédure écrite et ayant dès lors décidé, sur rapport du juge rapporteur et en application de l’article 135 bis du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 13 juillet 2009, la requérante, Oro Clean Chemie AG, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1).

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal PROSEPT.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 5 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent notamment à la description suivante : « Désinfectants ».

4        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 31/2009, du 17 août 2009.

5        Le 9 novembre 2009, l’intervenante, Merz Pharma GmbH & Co. KGaA, a formé opposition, au titre de l’article 41 du règlement n° 207/2009, à l’enregistrement de la marque demandée pour les « désinfectants » visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était fondée sur la marque allemande verbale antérieure Pursept, enregistrée sous le numéro 1045904, désignant les produits relevant de la classe 5 et correspondant, notamment, à la description suivante : « Désinfectants ».

7        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du règlement n° 207/2009.

8        Le 4 avril 2011, la division d’opposition a fait droit à l’opposition sur le fondement de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

9        Le 17 mai 2011, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009, contre la décision de la division d’opposition.

10      Par décision du 29 mars 2012 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours. En particulier, elle a considéré que le public pertinent est constitué par le consommateur moyen allemand, puisque les désinfectants s’adressent aussi bien au public spécialisé ayant une formation médicale qu’au grand public. S’agissant de la comparaison des marques en conflit, la chambre de recours a considéré qu’aucun des éléments desdites marques n’est relégué au second plan et qu’aucun des éléments n’a un caractère distinctif accru, de sorte qu’il ne saurait être présumé que le consommateur divise les marques en différents éléments. Elle a constaté que les marques en conflit présentaient une similitude sur les plans visuel et phonétique et qu’une comparaison conceptuelle n’était pas possible. Enfin, compte tenu des similitudes visuelles et phonétiques constatées et de l’identité des produits litigieux couverts par les deux marques, la chambre de recours a conclu à l’existence d’un risque de confusion.

 Conclusions des parties

11      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

12      L’OHMI et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

13      À l’appui de son recours, la requérante soulève deux moyens, tirés, le premier, d’une violation de l’article 75 et de l’article 76, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009 et, le second, d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 75 et de l’article 76, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009

14      Dans le cadre du premier moyen, la requérante soulève en substance trois griefs tirés, premièrement, de la violation de l’article 76, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009 en ce que la chambre de recours se serait écartée des faits non contestés entre les parties, deuxièmement, de la violation de l’article 76, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009 en ce que la chambre de recours n’aurait pas respecté son obligation de procéder à un examen d’office et, troisièmement, d’une violation de l’article 75 du règlement n° 207/2009 en ce que la chambre de recours n’aurait pas respecté son droit d’être entendue.

15      L’OHMI et l’intervenante réfutent les arguments de la requérante.

 Sur le premier grief, tiré de la violation de l’article 76, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009 en ce que la chambre de recours s’est écartée des faits non contestés entre les parties

16      Dans le cadre du premier grief, la requérante fait valoir que, dans le cadre de la procédure devant la chambre de recours, l’intervenante n’a soulevé aucune objection à l’égard de son affirmation selon laquelle les « désinfectants » ne sont destinés qu’à un public spécialisé dans le domaine médical. Dans ces conditions, la chambre de recours aurait dû construire son raisonnement sur ce fondement. En effet, selon elle, l’article 76, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009 interdit à la chambre de recours de passer outre le cadre factuel non litigieux entre les parties devant elle. À tout le moins, lorsqu’elle a l’intention de s’écarter des faits non contestés, la chambre de recours devrait donner l’occasion aux parties de prendre position à cet égard.

17      Premièrement, il y a lieu de constater que le présent grief procède d’une lecture erronée de l’article 76, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009. Il convient de rappeler, à cet égard, que, s’il ressort de l’article 76, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009 que, dans le cadre de la procédure d’opposition, l’OHMI ne peut procéder à l’examen d’office des faits, cela ne signifie pas pour autant qu’il est obligé de tenir pour établis les points invoqués par une partie qui n’ont pas été remis en cause par l’autre partie à la procédure. Cette disposition ne lie l’OHMI qu’au regard des faits, preuves et observations sur lesquels se fonde sa décision [arrêt du Tribunal du 27 octobre 2005, Éditions Albert René/OHMI – Orange (MOBILIX), T‑336/03, Rec. p. II‑4667, point 34].

18      En l’espèce, la requérante a fait valoir devant la chambre de recours une certaine appréciation des faits que celle-ci n’a pas considéré comme concluante. Or, dans le cadre de son appréciation des faits soumis par les parties, la chambre de recours était libre d’adopter une appréciation des faits différente de celle de la requérante, et ce indépendamment de la question de savoir quelles conclusions il convenait de tirer du silence de l’intervenante quant à la définition du public pertinent. Contrairement à l’avis de la requérante, ce pouvoir de la chambre de recours n’était pas subordonné à la condition qu’il lui soit donné l’occasion de prendre position à cet égard.

19      Deuxièmement et en tout état de cause, il convient de constater que, ainsi que l’intervenante l’a relevé à juste titre, l’allégation de la requérante selon laquelle les « désinfectants » sont destinés exclusivement à des professionnels du secteur médical ne saurait être qualifiée de « fait non contesté » liant la chambre de recours. Tout d’abord, la délimitation du public pertinent n’est pas elle-même un fait mais procède d’une appréciation des faits. En outre, au stade du recours devant la chambre de recours, la procédure visait à contester la décision de la division d’opposition, qui avait déjà constaté que le public visé se composait tant de professionnels du secteur médical que du grand public. Dans ces conditions, le simple fait que l’intervenante n’avait pas contesté expressément l’allégation en cause de la requérante ne saurait suffire pour lier la chambre de recours à cet égard. Au contraire, il lui appartenait d’examiner si, à la lumière des arguments présentés par la requérante, les constatations de la division d’opposition quant au public pertinent pouvaient être maintenues. Le simple fait d’avoir considéré que tel était le cas ne saurait constituer une violation de l’article 76, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009 par la chambre de recours.

20      Il s’ensuit qu’il y a lieu de rejeter le premier grief comme non fondé.

 Sur le deuxième grief, tiré de la violation de l’article 76, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009 en ce que la chambre de recours n’a pas respecté son obligation de procéder à un examen d’office

21      Dans le cadre du deuxième grief, la requérante reproche à la chambre de recours de ne pas avoir analysé comment le consommateur non spécialisé perçoit l’élément « sept » commun aux deux marques.

22      Il suffit, à cet égard, de renvoyer au point 24 de la décision attaquée, dans lequel la chambre de recours a exposé qu’il n’est pas possible de présumer que le consommateur moyen allemand connaît le terme « septicémie », auquel, selon la requérante, renvoie l’élément « sept ». Elle y a également expliqué que les éléments du dossier ne permettaient pas de présumer que ledit élément serait compris par le consommateur moyen allemand, en relation avec des désinfectants, comme abréviation des mots « aseptique » ou « antiseptique ».

23      Force est donc de constater que, contrairement à ce qu’affirme la requérante, la chambre de recours a analysé, en tenant d’ailleurs dûment compte des éléments produits par la requérante, comment le consommateur moyen allemand perçoit l’élément « sept ».

24      Il s’ensuit que le deuxième grief doit être rejeté comme non fondé.

 Sur le troisième grief, tiré d’une violation de l’article 75 du règlement n° 207/2009 en ce que la chambre de recours n’a pas respecté le droit de la requérante d’être entendue

25      Dans le cadre du troisième grief, la requérante fait valoir que la chambre de recours ne lui a pas donné l’occasion de prendre position sur le caractère descriptif de l’élément « sept » commun aux marques en conflit, au regard du public pertinent tel que déterminé par la chambre de recours, violant ainsi son droit d’être entendue. En particulier, la chambre de recours aurait dû lui faire savoir qu’elle ne partageait pas sa conception du public pertinent et lui accorder la possibilité de développer des arguments complémentaires à ce sujet.

26      Il y a lieu de rappeler, à cet égard, que, selon l’article 75, seconde phrase, du règlement n° 207/2009, les décisions de l’OHMI ne peuvent être fondées que sur des motifs sur lesquels les parties ont pu prendre position. Cette disposition consacre, dans le cadre du droit des marques communautaires, le principe général de protection des droits de la défense. En vertu de ce principe général du droit de l’Union, les destinataires des décisions des autorités publiques qui affectent de manière sensible leurs intérêts doivent être mis en mesure de faire connaître utilement leur point de vue. Le droit à être entendu s’étend à tous les éléments de fait ou de droit qui constituent le fondement de l’acte décisionnel, mais non à la position finale que l’administration entend adopter [voir arrêts du Tribunal du 7 février 2007, Kustom Musical Amplification/OHMI (Forme d’une guitare), T‑317/05, Rec. p. II‑427, points 24, 26 et 27, et la jurisprudence citée, et du 23 septembre 2009, Evets/OHMI (DANELECTRO et QWIK TUNE), T‑20/08 et T‑21/08, Rec. p. II‑3515, point 47].

27      En l’espèce, il convient de relever, à l’instar de l’intervenante, que la division d’opposition a constaté, dans sa décision du 4 avril 2011, que le public pertinent se composait tant de professionnels du secteur médical que du grand public. En outre, la division d’opposition a considéré que, « [p]uisque l’élément verbal ‘sept’ n’a pas de signification en allemand, il y [avait] lieu de présumer que les signes ne seront pas scindés artificiellement par le public pertinent mais perçus comme un tout ».

28      La requérante avait d’ailleurs pris conscience de la nécessité de contester la définition du public pertinent effectuée par la division d’opposition, qu’elle estimait jouer en sa défaveur, puisqu’elle a exposé, dans la motivation de son recours devant la chambre de recours, que, « [c]ontrairement à l’avis de la division d’opposition, […], les produits des deux parties ne s’adressent pas ‘au grand public et, pour partie, également à un public médical spécialisé’ mais exclusivement au public médical spécialisé ».

29      Il apparaît donc que non seulement la requérante avait l’occasion de se prononcer sur la définition du public pertinent, mais qu’elle a effectivement fait usage de cette possibilité.

30      Il convient de préciser, à cet égard, que, dans les circonstances de l’espèce, une attitude prudente commandait de contester non seulement la définition du public pertinent, mais également, ne fût-ce qu’à titre subsidiaire, les constatations de la division d’opposition relatives à la perception des marques en conflit par le grand public allemand, pour le cas où la chambre de recours validerait la définition du public pertinent telle qu’adoptée par la division d’opposition. Dans l’hypothèse où la requérante renonçait à invoquer de tels arguments, la chambre de recours n’était pas tenue, au titre du droit d’être entendue, de lui signaler que son argumentation était incomplète, ainsi que l’intervenante le relève à bon droit.

31      Il s’ensuit que le troisième grief doit être rejeté comme non fondé ainsi que le premier moyen dans son ensemble.

 Sur le second moyen, tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009

32      La requérante fait valoir que c’est à tort que la chambre de recours a conclu à l’existence d’un risque de confusion entre les marques en conflit.

33      L’OHMI et l’intervenante réfutent les arguments de la requérante.

34      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure. Par ailleurs, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement n° 207/2009, il convient d’entendre par marques antérieures les marques enregistrées dans un État membre dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque communautaire.

35      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec. p. II‑2821, points 30 à 33, et la jurisprudence citée].

 Sur le public pertinent

36      Selon la jurisprudence, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [voir arrêt du Tribunal du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, Rec. p. II‑449, point 42, et la jurisprudence citée].

37      En l’espèce, la chambre de recours a constaté, au point 15 de la décision attaquée, que les désinfectants s’adressent aussi bien au public spécialisé ayant une formation médicale qu’aux consommateurs généraux, compte tenu de leurs domaines d’utilisation et des voies de commercialisation usuelles, notamment dans les pharmacies ou dans les drogueries.

38      La requérante fait valoir, en substance, que, contrairement à l’avis de la chambre de recours, le public pertinent est exclusivement constitué de professionnels du secteur médical.

39      L’OHMI et l’intervenante réfutent les arguments de la requérante.

40      À cet égard, il convient de constater, en premier lieu, que l’allégation de la requérante selon laquelle les désinfectants s’adressent exclusivement à un public composé de professionnels du secteur médical n’est étayé ni d’arguments ni de preuves.

41      Dans la mesure où, dans la motivation de son recours devant la chambre de recours, la requérante a fait valoir que les produits désinfectants commercialisés tant par elle-même que par l’intervenante ne sont destinés qu’à un public professionnel, il suffit de relever que le public pertinent ne se définit pas par rapport aux produits concrètement commercialisés sous les marques en conflit, mais par rapport à la catégorie générale de produits pour laquelle lesdites marques sont demandées ou enregistrées.

42      En effet, les modalités de commercialisation particulières des produits ou des services désignés par les marques pouvant varier dans le temps et suivant la volonté des titulaires de ces marques, l’analyse prospective du risque de confusion entre deux marques ne saurait dépendre des intentions commerciales, réalisées ou non, et par nature subjectives, des titulaires des marques [arrêt de la Cour du 15 mars 2007, T.I.M.E. ART/OHMI, C‑171/06 P, non publié au Recueil, point 59, et arrêt du Tribunal du 9 septembre 2008, Honda Motor Europe/OHMI – Seat (MAGIC SEAT), T‑363/06, Rec. p. II‑2217, point 63]. Ainsi, est sans pertinence dans ce contexte l’utilisation qu’entend faire la requérante de la marque demandée. En effet, dans le cadre de la procédure d’opposition, l’OHMI peut seulement prendre en compte la liste de produits demandés telle qu’elle découle de la demande de marque concernée, sous réserve des modifications éventuelles de cette dernière [arrêt du Tribunal du 13 avril 2005, Gillette/OHMI – Wilkinson Sword (RIGHT GUARD XTREME sport), T‑286/03, non publié au Recueil, point 33 ; voir également, en ce sens, arrêt du Tribunal du 22 mars 2007, Saint-Gobain Pam/OHMI – Propamsa (PAM PLUVIAL), T‑364/05, Rec. p. II‑757, point 89].

43      Dès lors, dans la mesure où les deux marques en conflit sont demandées ou enregistrées pour des « désinfectants » sans restriction aucune, c’est du consommateur moyen de cette catégorie de produits qu’il convient de tenir compte.

44      Il convient d’ajouter, à cet égard, que la requérante a elle-même produit des éléments susceptibles d’infirmer sa propre allégation, en annexant à sa requête des captures d’écran du site Internet d’une pharmacie en ligne s’adressant, selon elle, au grand public et offrant, sans prescription, un désinfectant à vaporiser et une pommade désinfectante.

45      En second lieu, dans la mesure où la requérante tire argument du libellé du point 33 de la décision attaquée, dans lequel la chambre de recours a constaté que « [l]es différences phonétiques et conceptuelles entre les signes en conflit sont suffisantes pour exclure un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 », il suffit de constater qu’une appréciation de ce passage dans le contexte de la décision dans son ensemble et, en particulier, au regard du point 34 suivant directement, fait apparaître qu’il s’agit là d’une erreur de plume en ce que, notamment, la négation « ne … pas » qui était intentionnée a été omise de la phrase.

46      Il s’ensuit qu’il convient d’entériner l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle le public pertinent est composé tant du grand public que des professionnels du secteur médical.

 Sur la comparaison des signes

47      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt de la Cour du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, Rec. p. I‑4529, point 35, et la jurisprudence citée).

48      En l’espèce, la chambre de recours a considéré que les marques en conflit ne présentaient pas d’éléments dominants sur le plan visuel. S’agissant du caractère distinctif de l’élément « sept » desdites marques, la chambre de recours a considéré qu’il ne pouvait pas être présumé que le grand public allemand en tant que public pertinent connaissait le terme « septicémie » ni qu’il comprenait ledit élément en tant qu’abréviation du mot « aseptique » ou « antiseptique » en relation avec les désinfectants. Elle en a conclu que l’élément « sept » n’était pas perçu par le public pertinent comme descriptif ou dépourvu de caractère distinctif, de sorte qu’il n’y avait pas lieu de le reléguer au second plan lors de la comparaison des marques.

49      S’agissant de la comparaison visuelle, la chambre de recours a considéré que les marques en conflit coïncidaient dans six lettres sur sept et qu’elles avaient des débuts et des fins identiques. En dépit des divergences, à savoir le fait que la lettre « r » se trouve en deuxième position dans la marque demandée et en troisième position dans la marque antérieure ainsi que le fait que l’une contient la voyelle « o » alors que l’autre contient la voyelle « u », l’impression visuelle d’ensemble serait similaire.

50      Sur le plan phonétique, la chambre de recours a considéré que le consommateur allemand divisait les deux marques en deux syllabes dont la seconde est identique dans les deux marques. Dans les premières syllabes, l’accent tomberait sur les voyelles respectives. Malgré le fait que l’ordre des voyelles et de la lettre « r » est inversé dans les premières syllabes des marques en conflit, elle a considéré que ces dernières sont similaires au regard de leur accentuation et de leur longueur.

51      Enfin, s’agissant de la comparaison conceptuelle, la chambre de recours a considéré que, malgré la signification différente identifiable des éléments initiaux « pro » et « pur » des marques en conflit, il ne saurait être présumé que le consommateur, qui perçoit ces marques dans leur ensemble, les associe avec des significations différentes en raison desdits éléments initiaux différents, étant donné que la juxtaposition n’a pas de sens.

52      La requérante fait valoir, en substance, que la chambre de recours aurait dû se limiter à comparer les préfixes « pro » et « pur », en faisant abstraction de l’élément commun « sept », en raison de son caractère descriptif. Par ailleurs, la chambre de recours n’aurait pas justifié sa conclusion selon laquelle les marques présentaient une similitude phonétique.

53      Il convient de rappeler, à cet égard, que, si le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt OHMI/Shaker, précité, point 35, et la jurisprudence citée), il n’en demeure pas moins que, en percevant un signe verbal, il décomposera celui‑ci en des éléments verbaux qui, pour lui, suggèrent une signification concrète ou qui ressemblent à des mots qu’il connaît [arrêts du Tribunal du 6 octobre 2004, Vitakraft-Werke Wührmann/OHMI – Krafft (VITAKRAFT), T‑356/02, Rec. p. II‑3445, point 51, et RESPICUR, précité, point 57].

54      Or, il convient de relever que le grand public allemand est habitué à être confronté à des marques contenant l’élément « sept » et désignant des produits à propriétés désinfectantes, soit dans le domaine médical, soit dans le domaine des produits de nettoyage, ainsi qu’il découle de la liste de 62 marques communautaires contenant l’élément verbal « sept » que la requérante a produite devant la chambre de recours, dont une grande partie désignent de tels produits, sans spécification et visant donc, selon les considérations exposées aux points 41 et 42 ci-dessus, le grand public. À cela s’ajoute le fait qu’une partie du public pertinent est susceptible d’associer ledit élément aux termes « septicémie », « aseptique » ou « antiseptique ».

55      Par conséquent, l’élément « sept » étant susceptible d’être perçu par le public pertinent soit comme étant descriptif des propriétés des produits désignés par les marques en conflit, soit comme étant une composante habituelle de marques désignant de tels produits, il convient de constater, contrairement à la chambre de recours, que cet élément n’a, en soi, qu’un caractère distinctif faible.

56      Cela étant, au vu des circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu non plus d’exclure la prise en considération de l’élément « sept » lors de l’examen de la similitude des signes en cause. En effet, le caractère distinctif faible d’un élément d’une marque n’implique pas nécessairement que ce dernier ne sera pas pris en considération par le public pertinent. Ainsi, il ne saurait être exclu que, en raison, notamment, de sa position dans le signe ou de sa dimension, un tel élément occupe une position autonome dans l’impression globale produite par la marque concernée dans la perception du public pertinent [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 13 décembre 2007, Xentral/OHMI – Pages jaunes (PAGESJAUNES.COM), T‑134/06, Rec. p. II‑5213, point 54, et la jurisprudence citée].

57      Tel est le cas, en l’espèce, de l’élément commun « sept », qui détermine, dans une large mesure, l’impression globale produite par les deux signes en conflit. En effet, cet élément représente une partie importante des marques en cause, puisqu’il est constitué par plus de la moitié de leurs lettres respectives. En outre, les autres groupes de lettres composant les deux marques, à savoir « pro » et « pur », ne constituent pas des éléments susceptibles de caractériser, à eux seuls, les signes en conflit dans la perception du public pertinent.

58      Il s’ensuit que, même si la chambre de recours a attribué à tort un caractère distinctif normal à l’élément « sept », c’est néanmoins à juste titre qu’elle a tenu compte de cet élément dans le cadre de son examen de la similitude des signes.

59      À ce titre, s’agissant de la comparaison visuelle des signes en conflit, il convient de relever que leurs premières lettres, ainsi que les quatre dernières lettres, sont identiques, créant ainsi une forte ressemblance visuelle. Cette ressemblance n’est pas susceptible d’être contrebalancée, dans une mesure significative, par le fait que les deuxièmes et troisièmes lettres des signes en conflit sont différentes – d’autant plus que, par ailleurs, la lettre « r » figure en deuxième position de la marque demandée et en troisième position de la marque antérieure – ni par le caractère faiblement distinctif de l’élément « sept ».

60      Le même constat s’applique en ce qui concerne la similitude phonétique. En effet, outre l’identité de la première lettre et de la seconde syllabe des signes en conflit, la chambre de recours a relevé à bon droit, au point 29 de la décision attaquée, que, même si l’ordre des voyelles est renversé dans la première syllabe et si le public prononce le « r » plus durement dans « pro » que dans « pur », lesdits signes sont similaires au regard de leur accentuation et de leur longueur.

61      S’agissant du grief tiré du fait que la chambre de recours n’aurait pas justifié sa conclusion selon laquelle les marques en conflit présentaient une similitude phonétique, il suffit de relever qu’il découle clairement de l’analyse effectuée par la chambre de recours au point 29 de la décision attaquée qu’elle a considéré que les similitudes des marques au niveau de leur seconde syllabe, de leur accentuation et de leur longueur prenaient le dessus sur leurs différences au niveau de la prononciation de la première syllabe.

62      S’agissant, enfin, de la comparaison conceptuelle, il ressort de l’analyse menée aux points 54 et 55 ci-dessus que l’élément « sept » présente, par rapport aux produits désinfectants, soit un caractère descriptif, soit, à tout le moins, un caractère habituel. Contrairement aux constatations de la chambre de recours, les deux signes font donc clairement référence, dans l’esprit du public pertinent, à des produits désinfectants. Cette référence n’est pas affaiblie par les éléments « pro » et « pur » formant le début des signes en conflit. En effet, s’il est vrai que ces éléments ont une signification identifiable différente, comme la chambre de recours l’a constaté à juste titre, toujours est-il qu’il s’agit de préfixes habituels dans toutes sortes de marques et qui ne sont donc pas susceptibles de contrebalancer le contenu conceptuel clair véhiculé par l’élément « sept ».

63      Il convient donc de constater que, dans leur ensemble, les signes présentent des similitudes tant au niveau visuel qu’aux niveaux phonétique et conceptuel, de sorte qu’il y a lieu de conclure à un degré élevé de similitude.

 Sur le risque de confusion

64      L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [arrêt de la Cour du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, Rec. p. I‑5507, point 17, et arrêt du Tribunal du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, Rec. p. II‑5409, point 74].

65      En l’espèce, la chambre de recours a constaté, en substance, que, compte tenu de l’identité des produits, des similitudes des signes sur les plans visuel et phonétique et du caractère distinctif normal de la marque antérieure, il existe un risque de confusion pour le consommateur moyen.

66      Il convient, en fin de compte, d’entériner cette constatation. En effet, les signes en conflit présentent des similitudes non seulement aux niveaux visuel et phonétique, comme la chambre de recours l’a considéré à juste titre, mais également au niveau conceptuel, circonstance qui est susceptible d’accroître encore le risque de confusion.

67      Dès lors, les erreurs de la chambre de recours sont sans incidence sur la constatation d’une similitude des signes et n’affectent donc pas la légalité de la décision attaquée.

68      Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argument, avancé à titre subsidiaire par la requérante au stade de la réplique, selon lequel, dans l’hypothèse où le public pertinent était le grand public, la chambre de recours aurait dû conclure à un affaiblissement du caractère distinctif de la marque antérieure, au regard des 62 marques antérieures identifiées par elle, désignant des désinfectants et contenant toutes l’élément « sept ».

69      En effet, la reconnaissance d’un caractère faiblement distinctif de la marque antérieure n’empêche pas de constater l’existence d’un risque de confusion en l’espèce. En effet, si le caractère distinctif de la marque antérieure doit être pris en compte pour apprécier le risque de confusion (voir, par analogie, arrêt Canon, précité, point 24), il n’est qu’un élément parmi d’autres intervenant lors de cette appréciation. Ainsi, même en présence d’une marque antérieure à caractère distinctif faible, il peut exister un risque de confusion, notamment, en raison d’une similitude des signes et des produits ou des services visés (voir arrêt PAGESJAUNES.COM, précité, point 70, et la jurisprudence citée).

70      Par conséquent, cet argument doit être rejeté, sans qu’il soit besoin d’examiner si, comme l’intervenante le fait valoir, il est irrecevable en raison de son invocation tardive devant le Tribunal.

71      Il s’ensuit de tout ce qui précède que, malgré le fait que l’examen du second moyen a révélé certaines erreurs de la part de la chambre de recours, il convient de rejeter le recours dans son ensemble comme non fondé.

 Sur les dépens

72      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter les dépens de l’OHMI et de l’intervenante, conformément aux conclusions de ces derniers.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Oro Clean Chemie AG est condamnée aux dépens.

Pelikánová

Jürimäe

Van der Woude

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 septembre 2013.

Signatures

Table des matières


Antécédents du litige

Conclusions des parties

En droit

Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 75 et de l’article 76, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009

Sur le premier grief, tiré de la violation de l’article 76, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009 en ce que la chambre de recours s’est écartée des faits non contestés entre les parties

Sur le deuxième grief, tiré de la violation de l’article 76, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009 en ce que la chambre de recours n’a pas respecté son obligation de procéder à un examen d’office

Sur le troisième grief, tiré d’une violation de l’article 75 du règlement n° 207/2009 en ce que la chambre de recours n’a pas respecté le droit de la requérante d’être entendue

Sur le second moyen, tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009

Sur le public pertinent

Sur la comparaison des signes

Sur le risque de confusion

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’allemand.