Language of document : ECLI:EU:T:2021:72

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

10 février 2021 (*)

« Marque de l’Union européenne – Demande de marque de l’Union européenne verbale RADIOSHUTTLE – Motif absolu de refus – Absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 – Limitation des produits désignés dans la demande de marque »

Dans l’affaire T‑341/20,

EAB AB, établie à Smålandsstenar (Suède), représentée par Mes J. Norderyd et C. Sundén, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. T. von Schantz et A. Folliard-Monguiral, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’EUIPO du 23 mars 2020 (affaire R 1428/2019‑1), concernant une demande d’enregistrement du signe verbal RADIOSHUTTLE comme marque de l’Union européenne,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de Mme V. Tomljenović, présidente, M. F. Schalin (rapporteur) et Mme P. Škvařilová-Pelzl, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 29 mai 2020,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 29 juillet 2020,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 19 octobre 2018, la requérante, EAB AB, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1).

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal RADIOSHUTTLE.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 7 et 9 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 7 : « Dispositif de gestion de stocks (machine) » ;

–        classe 9 : « Logiciels ».

4        Par décision du 24 mai 2019, l’examinateur a rejeté la demande d’enregistrement, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement 2017/1001.

5        Le 3 juillet 2019, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de l’examinateur. En complément du mémoire exposant les motifs, la requérante a présenté un « ajustement » de la liste des produits comme suit :

–        classe 7 : « Dispositif de gestion de stocks (machine) ; dispositif de gestion de stocks (machine) commandé par logiciel » ;

–        classe 9 : « Logiciels ».

6        Par décision du 23 mars 2020 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’EUIPO a approuvé l’ajustement évoqué au point 5 ci-dessus comme une limitation de la liste des produits faisant l’objet de la demande de marque et a rejeté le recours. Elle a considéré que, puisque la marque demandée se composait de termes anglais, l’appréciation devait être faite sur la base des consommateurs anglophones de l’Union européenne, c’est-à-dire des consommateurs au moins issus du Royaume-Uni, de Malte, d’Irlande, de Finlande, de Suède, du Danemark, d’Allemagne et de Chypre. La chambre de recours a constaté que le public pertinent se composait de professionnels qui accordaient une grande attention aux produits compris dans la classe 7. Le niveau d’attention des consommateurs à l’égard des logiciels compris dans la classe 9 serait susceptible de varier de moyen à élevé selon le prix, la nature et l’utilisation prévue du produit.

7        En ce qui concerne la signification du signe demandé, la chambre de recours a considéré que le mot « radio » pouvait être interprété comme indiquant clairement qu’il s’agissait d’un produit radiocommandé. La caractéristique principale que le mot « radio » communiquerait alors au public pertinent serait que le produit pourrait être commandé à distance, à savoir télécommandé. En revanche, la chambre de recours a estimé qu’il était peu probable que la question de savoir si la commande à distance se faisait précisément par l’utilisation de signaux radio, contrairement à d’autres moyens de transmission de signaux, revêtait une importance déterminante pour les consommateurs de dispositifs de gestion de stocks.

8        Pour la chambre de recours, le fait que les produits soient « commandés par logiciel » n’empêcherait pas que la transmission de données, notamment par des signaux radio, soit également utilisée pour la commande à distance. La commande à distance ne serait pas possible avec un logiciel seul, car la commande d’un dispositif à distance requiert également une certaine forme d’émission de signaux.

9        En outre, la chambre de recours a précisé que les termes « dispositif de gestion de stocks (machine) » ou les termes « dispositif de gestion de stocks (machine) commandé par logiciel » n’excluaient ni la commande par logiciel, ni la commande par radio. Chaque terme couvrirait les dispositifs de gestion de stocks qui utiliseraient des logiciels et des signaux radio pour assurer la commande à distance. Il s’ensuivrait que, même dans l’hypothèse peu probable où un consommateur comprendrait le mot « radio » en ce sens que les produits seraient télécommandés exclusivement par des signaux radio, ce message s’appliquerait néanmoins à une caractéristique de tous les produits relevant de la classe 7.

10      La chambre de recours a également considéré qu’il était bien connu que des dispositifs techniques commandés par logiciel pouvaient utiliser divers moyens de transmission d’informations, ce qui serait évident au regard des téléphones portables d’aujourd’hui, dont le système d’exploitation serait certes un logiciel, mais utiliserait des moyens pour transmettre ou recevoir des informations, comme le Bluetooth, des signaux GPS [Global Positioning System (système de positionnement global par satellite)], l’Internet sans fil, le NFC [Near Field Communication (communication en champ proche)] et d’autres signaux radio.

11      Il s’ensuivrait que le public pertinent percevrait aisément le mot « radio » comme renvoyant à un produit télécommandé par rapport aux dispositifs de gestion de stocks commandés par logiciel et aux dispositifs de gestion de stocks en général.

12      La chambre de recours a constaté que les pages Internet mentionnées par l’examinateur montraient qu’un certain nombre d’acteurs du marché utilisaient les termes « radio shuttle » pour décrire un certain type de dispositifs de gestion de stocks télécommandés. Le fait qu’il existerait éventuellement d’autres termes établis pour désigner ces produits ne serait pas pertinent à cet égard, car cela n’empêcherait pas qu’il puisse exister plus d’un terme établi pour un seul et même produit.

13      D’après la chambre de recours, l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 peut s’appliquer même si la marque demandée ne figure pas dans un dictionnaire. Selon elle, ce qui importe, c’est la façon dont le public pertinent perçoit la marque.

14      Puisque les consommateurs (y compris ceux dont le degré d’attention est élevé) interprètent facilement le message transmis par la marque demandée, à savoir comme l’indication d’un type particulier de dispositifs de gestion de stocks consistant en une navette télécommandée, ils ne devraient pas conclure que les produits associés à ces mots juxtaposés proviennent uniquement d’une entreprise déterminée.

15      Dans le cas des logiciels relevant de la classe 9, le public pertinent devrait percevoir la marque demandée comme l’indication de l’utilisation prévue du logiciel, à savoir que le logiciel est destiné à des dispositifs de gestion de stocks télécommandés.

16      Les références faites par la requérante aux enregistrements aux États-Unis et au Canada ne seraient pas pertinentes pour l’appréciation en l’espèce. Ni l’examinateur, ni la chambre de recours ne seraient liés par des décisions d’enregistrement antérieures. Chaque cas devrait être évalué individuellement sur la base du règlement 2017/1001, tel qu’appliqué par la Cour de justice de l’Union européenne.

 Conclusions des parties

17      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée en ce qui concerne les produits « dispositif de gestion de stocks (machine) » et « dispositif de gestion de stocks (machine) commandé par logiciel » relevant de la classe 7, qu’elle a limités, après l’adoption de la décision attaquée, aux produits « dispositif de gestion de stocks (machine) commandé par logiciel, non radiocommandé », et les « logiciels » relevant de la classe 9 ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

18      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur l’objet du litige

19      Le 11 mai 2020, après notification de la décision attaquée, la requérante a limité sa demande de marque de l’Union européenne en indiquant que les termes « dispositif de gestion de stocks (machine) » et « dispositif de gestion de stocks (machine) commandé par logiciel » compris dans la classe 7 étaient limités à l’expression « dispositif de gestion de stocks (machine) commandé par logiciel, non radiocommandé ». Le 8 juin 2020, l’EUIPO a confirmé la réception de cette modification et la limitation de la liste des produits et des services.

20      L’EUIPO soutient, en substance, que cette modification de la définition des produits désignés par la demande d’enregistrement équivaut à une modification de l’objet du litige et que, ainsi, elle devrait être rejetée comme irrecevable.

21      En principe, une limitation, au sens de l’article 49, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, de la liste des produits ou des services contenus dans une demande de marque de l’Union européenne qui intervient postérieurement à l’adoption de la décision de la chambre de recours attaquée devant le Tribunal ne peut affecter la légalité de ladite décision, qui est la seule contestée devant le Tribunal [voir arrêt du 9 juillet 2008, Reber/OHMI – Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli (Mozart), T‑304/06, EU:T:2008:268, point 25 et jurisprudence citée].

22      Lorsque la restriction de la liste des produits ou des services visés par la partie requérante a pour objet la modification, en tout ou en partie, de la description desdits produits ou services, il ne peut être exclu que cette modification puisse avoir un effet sur l’examen de la marque en question, effectué par les instances de l’EUIPO au cours de la procédure administrative. Dans ces circonstances, admettre cette modification au stade du recours devant le Tribunal équivaudrait à une modification de l’objet du litige en cours d’instance, interdite par l’article 188 du règlement de procédure du Tribunal (voir arrêt du 9 juillet 2008, Mozart, T‑304/06, EU:T:2008:268, point 29 et jurisprudence citée).

23      Dans ces conditions, conformément à la jurisprudence citée au point 22 ci-dessus, il y a lieu de considérer que la restriction résultant de l’ajout des termes “non radiocommandé” équivaut à une modification de l’objet du litige en cours d’instance, de sorte qu’elle ne saurait être prise en compte par le Tribunal.

24      Toutefois, il y a lieu de relever que, par sa limitation du 11 mai 2020, la requérante a également abandonné les termes « dispositif de gestion de stocks (machine) » compris dans la classe 7, qui figuraient comme tels sur la liste des produits et services visés par la demande d’enregistrement. Cette limitation de la demande de marque peut être prise en considération devant le Tribunal. En effet, une déclaration du demandeur de la marque, postérieure à la décision de la chambre de recours, par laquelle celui-ci retire sa demande pour certains des produits initialement visés, peut être interprétée comme une déclaration selon laquelle la décision attaquée n’est contestée que pour autant qu’elle vise le reste des produits concernés, laquelle ne modifie pas l’objet du litige. Ainsi, une telle limitation doit être prise en compte par le Tribunal, dans la mesure où il lui est demandé de ne pas contrôler la légalité de la décision de la chambre de recours, pour autant qu’elle porte sur les produits ou les services retirés de la liste, mais seulement dans la mesure où elle concerne les autres produits ou services, maintenus sur la même liste (voir, en ce sens, arrêt du 9 juillet 2008, Mozart, T‑304/06, EU:T:2008:268, points 27 et 28 et jurisprudence citée).

25      Il s’ensuit que, conformément à la jurisprudence citée au point 24 ci-dessus, et compte tenu des précisions contenues aux points 1 et 8 de la requête, il y a lieu de constater que le recours formé par la requérante devant le Tribunal ne porte pas sur les produits « dispositif de gestion de stocks (machine) », relevant de la classe 7. Partant, les conclusions en annulation que formule la requérante dans son recours doivent être lues comme étant dirigées contre la décision attaquée en ce que celle-ci a rejeté son recours concernant les produits « dispositif de gestion de stocks (machine) commandé par logiciel », relevant de la classe 7, et les « logiciels » relevant de la classe 9.

 Sur le fond

26      La requérante invoque, en substance, deux moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 et, le second, de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), dudit règlement.

27      S’agissant du premier moyen, la requérante fait valoir, notamment, que la chambre de recours a mal interprété la signification de la marque demandée, que l’usage abusif de la marque sur le marché ne peut avoir pour effet d’empêcher son enregistrement et que la chambre de recours n’a pas tenu compte du fait que le public pertinent était un public professionnel faisant preuve d’un degré d’attention élevé. En outre, la requérante fait valoir que la chambre de recours n’a pas suffisamment tenu compte du fait que le terme « radioshuttle » n’apparaissait pas dans des dictionnaires renommés, qu’il existait d’autres termes acceptés pour décrire les dispositifs de gestion de stocks en question ou que la marque avait été enregistrée aux États-Unis et au Canada.

28      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

29      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif. En vertu de l’article 7, paragraphe 2, du même règlement, l’article 7, paragraphe 1, est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de l’Union.

30      Le caractère distinctif d’une marque au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 signifie que cette marque permet d’identifier le produit pour lequel l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit de ceux d’autres entreprises (voir arrêt du 21 janvier 2010, Audi/OHMI, C‑398/08 P, EU:C:2010:29, point 33 et jurisprudence citée).

31      La notion d’intérêt général sous-jacente à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 se confond, à l’évidence, avec la fonction essentielle de la marque qui est de garantir au consommateur ou à l’utilisateur final l’identité d’origine du produit ou du service désigné par la marque, en lui permettant de distinguer sans confusion possible ce produit ou ce service de ceux qui ont une autre provenance (voir, en ce sens, arrêt du 29 avril 2004, Henkel/OHMI, C‑456/01 P et C‑457/01 P, EU:C:2004:258, point 48).

32      C’est à la lumière des principes évoqués ci-dessus qu’il convient d’examiner la légalité de la décision attaquée.

 Sur le public pertinent

33      Le caractère distinctif d’une marque, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent (voir arrêt du 29 avril 2004, Henkel/OHMI, C‑456/01 P et C‑457/01 P, EU:C:2004:258, point 35 et jurisprudence citée).

34      En l’espèce, les produits visés par la marque demandée sont des produits destinés aux professionnels. Par conséquent, le public pertinent est constitué de professionnels présentant un niveau d’attention variant de moyen à élevé comme le soutient la chambre de recours au point 17 de la décision attaquée. La marque demandée se composant de termes anglais, il y a lieu de l’apprécier, comme l’a fait la chambre de recours au point 17 de la décision attaquée, au regard des consommateurs anglophones de l’Union. Cela n’a, au demeurant, pas été contesté par les parties.

35      Il y a, en outre, lieu de rappeler que le fait que le public pertinent est spécialisé ne saurait avoir une influence déterminante sur les critères juridiques utilisés pour l’appréciation du caractère distinctif d’un signe (arrêt du 12 juillet 2012, Smart Technologies/OHMI, C‑311/11 P, EU:C:2012:460, point 48).

36      La jurisprudence citée au point 35 ci-dessus a été rappelée par la chambre de recours au point 18 de la décision attaquée. Toutefois, cela n’implique pas que la chambre de recours a omis de prendre en considération le niveau d’attention du public pertinent comme le soutient la requérante. Au contraire, elle a à juste titre considéré que le degré d’attention était susceptible de varier de moyen à élevé selon le prix, la nature et l’utilisation prévue du produit (points 16 et 17 de la décision attaquée). Elle a également, au point 38 de la décision attaquée, expressément mentionné le degré d’attention élevé de ce public dans sa conclusion selon laquelle l’absence de caractère distinctif de la marque demandée était une conséquence du fait que « les consommateurs (même ceux qui [avaient] un degré d’attention élevé) interpr[étai]ent facilement le message que communiqu[ait] la marque ».

37      Partant, l’argument selon lequel la chambre de recours n’aurait pas prêté attention au niveau d’attention élevé du public pertinent doit être écarté comme non fondé.

 Sur la signification de la marque demandée

38      Selon la requérante, la chambre de recours a commis une erreur dans le sens où elle n’a pas considéré la marque demandée dans son ensemble. Ainsi, la requérante estime que la marque demandée ne suggère pas des caractéristiques en lien avec les produits « dispositif de gestion de stocks (machine) commandé par logiciel, non radiocommandé » relevant de la classe 7 et les « logiciels » relevant de la classe 9, notamment parce que les « logiciels » en tant que tels n’incluent pas la radiocommande. La requérante souligne, à cet égard, en substance, que c’est à tort que la chambre de recours a considéré que le mot « radio » pourrait être interprété comme visant un produit radiocommandé et qu’une commande par logiciel n’empêchait pas une commande par radio. En effet, il conviendrait de distinguer « radiocommandé » de « commandé par logiciel ».

39      Il en irait de même pour le mot « radioshuttle » qui ne présente aucun lien avec les produits en cause si la commande par radio est exclue. Ledit mot ne figurerait par ailleurs dans aucun dictionnaire renommé.

40      La requérante avance qu’aucun des éléments invoqués par la chambre de recours ne démontre que le mot « radioshuttle » est descriptif ou dépourvu de caractère distinctif. Surtout, il ne ressortirait pas de la documentation que le dispositif de gestion de stocks serait radiocommandé. Selon la requérante, ces éléments démontrent tout au plus un usage abusif de la marque demandée sur le marché qui ne peut avoir pour effet d’empêcher son enregistrement.

41      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

42      Afin d’apprécier si une marque est ou non dépourvue de caractère distinctif, il convient de prendre en considération l’impression d’ensemble qu’elle produit. Cela ne saurait toutefois impliquer qu’il n’y ait pas lieu de procéder, dans un premier temps, à un examen successif des différents éléments de présentation utilisés pour cette marque. En effet, il peut être utile, au cours de l’appréciation globale, d’examiner chacun des éléments constitutifs de la marque concernée (voir arrêt du 25 octobre 2007, Develey/OHMI, C‑238/06 P, EU:C:2007:635, point 82 et jurisprudence citée).

43      Il convient, à cet égard, de constater que la chambre de recours a, à juste titre, constaté, au point 22 de la décision attaquée, que la marque demandée était une combinaison des mots anglais « radio », signifiant radio, et « shuttle », signifiant navette.

44      S’agissant du mot « radio », il convient de considérer que la requérante ne conteste pas qu’il puisse signifier « radiocommandé » dans le contexte des produits en cause. De même, aux yeux du public pertinent, il convient de constater, à l’instar de la chambre de recours, que le mot « radio » transmet le message d’une commande à distance ou renvoie au verbe « télécommander » au regard des produits en cause. En effet, contrairement à ce que soutient la requérante, la question de savoir si, sur le plan technique, la commande à distance se fait précisément par l’utilisation de signaux radio, contrairement à d’autres moyens de transmission de signaux, revêt une importance peu déterminante pour les consommateurs de dispositifs de gestion de stocks (point 26 de la décision attaquée).

45      Une lecture de la marque demandée dans son ensemble renforce l’idée qu’il s’agit d’un dispositif télécommandé. C’est donc à juste titre que la chambre de recours a expressément constaté que l’ajout du mot « shuttle » (navette) incitait le public pertinent à percevoir la marque demandée comme indiquant une navette télécommandée (point 31 de la décision attaquée).

46      Il convient, à cet égard, de rejeter l’argument selon lequel la chambre de recours n’a pas « suffisamment tenu compte » du fait que le terme « radioshuttle » ne figurait pas dans un certain nombre de dictionnaires connus. En effet, la chambre de recours a pris ce fait en considération lorsqu’elle a conclu, au point 35 de la décision attaquée, que l’absence d’entrées dans les dictionnaires n’excluait pas l’application de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 et que cela valait en particulier pour les mots composés, pour lesquels toutes les combinaisons étaient difficiles à prévoir. Il convient d’entériner ce constat. Comme le soutient l’EUIPO, il n’est effectivement pas possible de tirer des conclusions de l’absence de la marque dans un ou plusieurs dictionnaires quant à la façon dont le public pertinent percevrait la marque ni quant à la mesure dans laquelle il connaîtrait le mot « radioshuttle ».

47      En ce qui concerne l’utilisation des termes « radio » et « shuttle » sur le marché, il y a lieu de considérer, après un examen du contenu de plusieurs sites Internet cités dans la décision attaquée, que c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que la chambre de recours a pu conclure que lesdits termes étaient utilisés de façon générique pour décrire les produits en cause.

48      Il ressort effectivement des sites Internet en question que les termes « radio » et « shuttle » sont utilisés sur le marché pour décrire un certain type de dispositifs de gestion de stocks télécommandés. En effet, ils décrivent, en substance, le système « radio shuttle » de façon similaire, à savoir un système doté d’un dispositif télécommandé, dans certains cas automatique, et destiné à la manutention de palettes dans des entrepôts. C’est donc à juste titre que la chambre de recours a conclu que le public pertinent connaissait l’offre disponible sur le marché et que différents acteurs désignaient ce type de dispositifs par les termes « radio shuttle ».

49      De même, il ressort du contenu de ces sites Internet que les acteurs sur le marché utilisent les termes « radio shuttle » non pas comme une marque, mais comme une explication du type de produit dont il est question. En plus du fait que ces sites présentent des systèmes « radio shuttle » pour décrire un type de système, certains acteurs ont effectivement ajouté des caractéristiques supplémentaires comme « Tezcon’s T-Shut® » et « ATOX Sherpa » devant les termes « radio shuttle » dans leurs descriptifs de produits. Cela sert, comme le considère à juste titre la chambre de recours, à favoriser la différenciation de leurs produits de ceux de leurs concurrents. En tout état de cause, ainsi que la chambre de recours l’a constaté, cela montre que l’expression « radio shuttle » n’est pas utilisée uniquement pour désigner l’origine commerciale.

 Sur le caractère distinctif de la marque demandée

50      Compte tenu de qui précède, il y a lieu de constater que le public pertinent, tout en ayant un niveau d’attention allant de moyen à élevé, comprend que l’expression « radioshuttle » désigne une navette télécommandée. Il s’ensuit qu’il percevra la marque demandée comme indiquant un type de dispositifs de gestion de stocks inclus dans les produits « dispositif de gestion de stocks (machine) commandé par logiciel » compris dans la classe 7, et non comme indiquant l’origine commerciale de ces produits.

51      Il convient de juger que cela vaut également pour les « logiciels » compris dans la classe 9. En effet, le public pertinent percevra la marque demandée comme une indication de l’utilisation prévue du produit en ce sens que le logiciel en question serait destiné à être utilisé pour les dispositifs de gestion de stocks mentionnés au point 50 ci-dessus. Une telle conclusion ne requiert, comme l’a conclu la chambre de recours, aucun processus de réflexion de longue durée, en particulier pour les logiciels utilisés pour commander des dispositifs de gestion de stocks commandés par logiciel. Partant, la marque demandée ne sera pas non plus susceptible, dans le cas d’un logiciel, de servir d’indication de l’origine commerciale.

52      Il en résulte que la marque demandée est dépourvue de caractère distinctif pour tous les produits en cause et que la chambre de recours a à juste titre refusé son enregistrement sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

53      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les références faites par la requérante à des enregistrements de marques aux États-Unis et au Canada. En effet, le régime des marques de l’Union européenne est un système autonome, constitué d’un ensemble de règles et poursuivant des objectifs qui lui sont spécifiques, son application étant indépendante de tout système national et la légalité des décisions des chambres de recours de l’EUIPO devant être appréciée uniquement sur le fondement de la réglementation de l’Union pertinente (voir arrêt du 17 juillet 2008, L & D/OHMI, C‑488/06 P, EU:C:2008:420, point 58 et jurisprudence citée). Dès lors, l’EUIPO et, le cas échéant, le juge de l’Union ne sont pas liés par une décision intervenue dans un État membre ou dans un pays tiers, admettant le caractère enregistrable de ce même signe en tant que marque nationale [arrêt du 17 janvier 2019, Ecolab USA/EUIPO (SOLIDPOWER), T‑40/18, non publié, EU:T:2019:18, point 47].

54      Partant le premier moyen doit être rejeté comme non fondé.

55      Dès lors qu’il ressort de l’article 7, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 qu’il suffit qu’un des motifs absolus de refus qui y sont énumérés s’applique pour que le signe ne puisse être enregistré comme marque de l’Union européenne, il n’est pas nécessaire d’examiner le bien-fondé du second moyen invoqué par la requérante, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), dudit règlement.

56      Il s’ensuit que le recours doit être rejeté dans sa totalité.

 Sur les dépens

57      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

58      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      EAB AB est condamnée aux dépens.

Tomljenović

Schalin

Škvařilová-Pelzl

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 10 février 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : le suédois.