Language of document : ECLI:EU:T:2022:606

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (dixième chambre)

5 octobre 2022 (*)(1)

« Marchés publics – Procédure d’appel d’offres – Exclusion de la procédure de passation de marché – Offre anormalement basse – Tentatives d’influencer indûment le processus de prise de décision – Non-respect des règles de communication – Proportionnalité – Obligation de motivation – Détournement de pouvoir – Responsabilité non contractuelle »

Dans l’affaire T‑761/20,

European Dynamics Luxembourg SA, établie à Luxembourg, (Luxembourg), représentée par Mes M. Sfyri et M. Koutrouli, avocates,

partie requérante,

contre

Banque centrale européenne (BCE), représentée par Mme I. Koepfer et M. J. Krumrey, en qualité d’agents, assistés de Me A. Rosenkötter, avocate,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (dixième chambre),

composé, lors des délibérations, de MM. A. Kornezov, président, E. Buttigieg (rapporteur) et G. Hesse, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours, la requérante, European Dynamics Luxembourg SA, demande, d’une part, sur le fondement de l’article 263 TFUE, l’annulation, premièrement, de la décision du comité des marchés publics de la Banque centrale européenne (BCE) du 1er octobre 2020 portant exclusion de ses offres soumises pour les trois lots dans le cadre de l’appel d’offres pour la fourniture de services et la mise en œuvre de travaux pour la livraison d’applications informatiques (ci-après la « décision du 1er octobre 2020 »), deuxièmement, de la décision de l’autorité de surveillance de la BCE du 9 décembre 2020 (ci-après la « décision du 9 décembre 2020 ») et, troisièmement, de toutes les décisions connexes ultérieures de la BCE et, d’autre part, sur le fondement de l’article 268 TFUE, réparation des préjudices qu’elle aurait subis du fait de cette exclusion.

I.      Antécédents du litige

2        Par un avis de marché publié le 20 novembre 2019 au supplément au Journal officiel de l’Union européenne (JO/S S 224), sous la référence 2019/S 224-548540, la BCE a lancé une procédure d’appel d’offres pour la fourniture de services et la mise en œuvre de travaux pour la livraison d’applications informatiques, conformément à l’article 10 de la décision (UE) 2016/245 de la BCE, du 9 février 2016, fixant les règles de passation des marchés (BCE/2016/2) (JO 2016, L 45, p. 15), telle que modifiée (ci-après la « décision BCE/2016/2 »).

3        La procédure d’appel d’offres était divisée en trois lots :

–        lot no 1 : développement et maintenance d’applications métier sur mesure – PRO-004801 ;

–        lot no 2 : développement et maintenance d’applications centrées sur les données – PRO-005110 ;

–        lot no 3 : livraison, intégration et soutien des applications – PRO-005112.

4        L’appel à candidatures prévoyait la sélection de six contractants maximum pour le lot no 1, de quatre pour le lot no 2 et de trois pour le lot no 3. Il contenait des informations sur le processus d’évaluation, les critères de sélection et la méthodologie à appliquer.

5        Le 21 janvier 2020, la requérante a soumis une offre pour chacun des trois lots, en proposant la société A, établie en Allemagne (ci-après « A »), comme principal sous-traitant. A est l’une des filiales du groupe B, dont le siège se situe à Paris (France).

6        Le 25 mai 2020, dans le cadre de l’analyse des offres reçues pour le lot no 3, la BCE a adressé à la requérante une demande d’informations complémentaires concernant le prix paraissant anormalement bas qu’elle proposait. Une demande similaire a également été adressée à la requérante le 30 mai 2020 pour le lot no 1.

7        Le 28 mai 2020, parallèlement à l’ouverture d’enquêtes sur les offres de la requérante paraissant anormalement basses, la BCE a adressé à tous les soumissionnaires présélectionnés pour le lot no 3, dont la requérante faisait partie, une lettre demandant la production de documents établissant l’éligibilité de leurs offres.

8        Par lettres des 8 et 12 juin 2020 concernant respectivement les lots nos 3 et 1, la requérante a répondu aux demandes de renseignements portant sur ses offres de prix, en expliquant notamment avoir recours à une main-d’œuvre qualifiée engagée en Grèce, en Bulgarie et en Pologne, qui est moins chère que celle d’un niveau de qualification similaire établie en Allemagne.

9        Le 4 juillet 2020, la BCE a envoyé à la requérante une seconde lettre concernant son offre relative au lot no 3, laquelle contenait plusieurs questions visant à s’assurer que le prix proposé ne constituait pas une offre anormalement basse.

10      Par lettre du 17 juillet 2020, la requérante a répondu à ces différentes questions en faisant part notamment de son intention d’avoir recours, pour les trois lots, à toutes les ressources humaines de son groupe ou de celui de son sous-traitant principal ainsi que de l’ensemble de leurs filiales.

11      Ce même jour, A a adressé une lettre à la présidente de la BCE pour exprimer son inquiétude quant aux conséquences négatives, notamment pour sa réputation, des enquêtes en cours menées sur les offres paraissant anormalement basses de la requérante.

12      Les 17 et 19 août 2020, la requérante a adressé par courriel au président du comité des marchés publics de la BCE (ci-après le « comité des marchés publics »), chargé de la gestion de l’appel d’offres en cause, deux lettres faisant référence aux trois lots dans lesquelles elle demandait notamment l’ouverture d’une enquête du pouvoir adjudicateur visant à vérifier l’existence d’éventuels conflits d’intérêts et posait plusieurs questions sur un fournisseur en exercice de la BCE qui aurait, selon elle, obtenu « de nombreux marchés d’une valeur de plusieurs millions d’euros ».

13      Le 20 août 2020, le comité des marchés publics a envoyé une lettre à A ainsi qu’à la requérante afin de les informer de son intention d’exclure cette dernière des trois lots de la procédure de passation de marché en cause en raison de l’envoi des trois lettres mentionnées aux points 11 et 12 ci-dessus, lesquelles pouvaient être considérées, tant par leur contenu que par l’identité de leurs destinataires, comme des tentatives d’influencer indûment la prise de décision de la BCE dans la procédure d’appel d’offres et relever ainsi du motif d’exclusion prévu à l’article 30, paragraphe 5, sous g), de la décision BCE/2016/2. Le comité des marchés publics a, par ailleurs, estimé que le fait que la requérante ait délibérément pris directement contact avec des représentants de la BCE, en violation des règles de communication de l’appel d’offres, pouvait permettre de qualifier sa déclaration d’adhésion aux termes et aux conditions de l’appel d’offres émise dans ses formulaires de soumission de fausse déclaration au sens de l’article 30, paragraphe 5, sous f), de la décision BCE/2016/2.

14      Le 26 août 2020, après avoir été invitées par la BCE à présenter leurs éventuelles observations à ce sujet, la requérante et A ont fait valoir, en substance, que, d’une part, l’envoi des lettres mentionnées aux points 11 et 12 ci-dessus ne pouvait être considéré comme une tentative d’influencer indûment la prise de décision de la BCE dans la mesure où celles-ci avaient été envoyées après la clôture définitive de la procédure d’évaluation et, d’autre part, la lettre de A du 17 juillet 2020 avait pour seul objet de clarifier la situation afin de protéger sa réputation des conséquences d’une accusation d’une offre de prix anormalement basse, la gravité des préoccupations étant par ailleurs de nature à justifier sa démarche de porter directement l’affaire devant la présidente de la BCE.

15      Le 10 septembre 2020, la BCE a adressé une nouvelle lettre à la requérante afin de lui indiquer que les explications apportées par cette dernière dans ses lettres visées aux points 8 et 10 ci-dessus semblaient diverger de ses déclarations émises dans ses offres initiales et, dès lors, constituaient un autre exemple possible de fausse déclaration relevant du motif d’exclusion prévu à l’article 30, paragraphe 5, sous f), de la décision BCE/2016/2.

16      Le 21 septembre 2020, la requérante a présenté son point de vue, en soutenant, en substance, que les clarifications apportées ne modifiaient ni ne contredisaient aucune partie de ses offres.

17      Par décision du 1er octobre 2020, le comité des marchés publics a exclu la requérante de l’appel d’offres pour les trois lots au titre, premièrement, de l’article 30, paragraphe 5, sous g), de la décision BCE/2016/2, lu en combinaison avec l’article 26, paragraphe 1, de ladite décision, deuxièmement, de l’article 30, paragraphe 5, sous f), de la décision BCE/2016/2 et, troisièmement, d’une modification de ses offres après leur soumission ou, alternativement, de l’article 33, paragraphe 3, de ladite décision.

18      Le 2 octobre 2020, la requérante a demandé à la BCE la communication d’informations supplémentaires sur les motifs de son exclusion, conformément à l’article 34, paragraphe 3, de la décision BCE/2016/2.

19      Le 12 octobre 2020, la BCE a répondu à la demande d’enquête formulée par la requérante les 17 et 19 août 2020 (voir point 12 ci-dessus) en expliquant que, en raison des principes d’égalité de traitement et de concurrence loyale, elle ne pouvait pas fournir des informations sur les procédures de passation de marché en cours au-delà de celles qui figuraient déjà dans la documentation relative aux appels d’offres concernés.

20      Par lettre du 23 octobre 2020, la BCE a répondu à la demande de la requérante, mentionnée au point 18 ci-dessus, en indiquant qu’elle lui avait déjà communiqué, notamment dans sa précédente lettre du 10 septembre 2020 et dans sa décision du 1er octobre 2020, toutes les informations quant aux motifs de son exclusion de la procédure de passation de marché en cause.

21      Le 7 novembre 2020, la requérante a introduit un recours en vertu de l’article 39 de la décision BCE/2016/2 en demandant à la BCE, notamment, de réexaminer et d’annuler la décision du 1er octobre 2020 (ci-après le « recours interne »).

22      Par décision du 9 décembre 2020, l’autorité de surveillance de la BCE (ci-après l’ « autorité de surveillance ») a rejeté le recours interne de la requérante comme étant non fondé.

23      Le 14 décembre 2020, la requérante a adressé une lettre à la présidente de la BCE notamment afin de l’inviter à mener une enquête sur les irrégularités prétendument commises dans le cadre de la procédure de passation de marché en cause et à suspendre la signature des contrats jusqu’au traitement de toutes ces irrégularités.

II.    Conclusions des parties

24      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision du comité des marchés publics du 1er octobre 2020 ;

–        annuler la décision de l’autorité de surveillance du 9 décembre 2020 ;

–        annuler toutes les décisions connexes ultérieures de la BCE, en particulier « toute décision d’attribution n[e lui] ayant jamais été communiquée » ;

–        condamner la BCE, « en vertu des articles 256, 268 et 340 TFUE », à lui verser la somme de 23,29 millions d’euros à titre de dommages et intérêts pour un manque à gagner, la perte d’une chance et l’atteinte portée à sa réputation ;

–        condamner la BCE aux dépens et aux autres frais exposés dans le cadre du présent recours.

25      La BCE conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

III. En droit

A.      Sur les demandes en annulation

1.      Sur la recevabilité du troisième chef de conclusions

26      La BCE soutient que le recours est irrecevable en ce qu’il vise l’annulation de « toutes les décisions connexes ultérieures de la BCE ». Elle a indiqué, en réponse aux mesures d’organisation de la procédure du Tribunal, que la requérante devait identifier précisément, dans la requête, quel acte elle visait à faire annuler et que, à défaut d’une telle précision, comme en l’espèce, la requête était irrecevable sur le fondement du défaut d’objet.

27      Interrogée également sur ce point dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure du Tribunal, la requérante a fait valoir que, en utilisant l’expression « toutes les décisions connexes ultérieures de la BCE » dans le contexte de la présente procédure, elle visait toutes les décisions qui avaient été prises par la BCE concernant la procédure de marché en cause, en dehors de celles explicitement identifiées dans la requête, qui ne lui avaient pas été notifiées, mais qui affectaient ses intérêts et étaient, nécessairement et par leur nature, associées à la présente instance, « par exemple les décisions d’attribution des procédures d’appel d’offres respectives ».

28      Il convient de rappeler que, conformément à l’article 21 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et à l’article 76, sous d) et e), du règlement de procédure du Tribunal, l’objet du litige et les conclusions de la partie requérante constituent deux indications essentielles devant figurer dans la requête introductive d’instance (ordonnance du 7 mai 2013, TME/Commission, C‑418/12 P, non publiée, EU:C:2013:285, point 32 ; arrêt du 23 mai 2014, European Dynamics Luxembourg/BCE, T‑553/11, non publié, EU:T:2014:275, point 52).

29      Il importe également de rappeler que des conclusions qui tendent à l’annulation de tous les actes connexes ultérieurs à ceux attaqués, y compris ceux dont la partie requérante n’a pas connaissance, sans que ces actes soient identifiés, doivent être déclarées irrecevables comme manquant de précision quant à leur objet [voir, en ce sens, arrêts du 23 mai 2014, European Dynamics Luxembourg/BCE, T‑553/11, non publié, EU:T:2014:275, point 54, et du 7 décembre 2018, GE.CO.P./Commission, T‑280/17, EU:T:2018:889, point 36 (non publié)].

30      En l’espèce, la requérante n’a pas identifié précisément, dans la requête, les décisions de la BCE qui, dans le contexte de la procédure de passation de marché en cause, pourraient être considérées comme des décisions « connexes » ultérieures à celles des 1er octobre et 9 décembre 2020.

31      Ce constat ne saurait être infirmé par le fait qu’il a déjà été jugé, d’une part, que l’identification de l’acte attaqué pouvait résulter implicitement des mentions reprises dans la requête et de l’ensemble de son argumentation et, d’autre part, qu’un recours dirigé formellement contre un acte faisant partie d’un ensemble d’actes formant un tout pourrait être considéré comme dirigé également, pour autant que de besoin, contre les autres (ordonnance du 13 avril 2011, Planet/Commission, T‑320/09, EU:T:2011:172, point 23). En effet, une telle déduction est impossible en l’espèce, aucun élément de la requête ne permettant d’identifier quels actes seraient ainsi visés par la requérante.

32      Il résulte des considérations qui précèdent que le troisième chef de conclusions est irrecevable.

2.      Sur le fond

33      À l’appui de ses demandes en annulation, la requérante invoque trois moyens, tirés, le premier, en substance, d’erreurs manifestes d’appréciation, le deuxième, de l’introduction d’un critère nouveau, vague et inconnu au stade de l’évaluation des offres et, le troisième, d’un détournement de pouvoir.

34      Le premier moyen de la requête, par lequel la requérante reproche à la BCE d’avoir commis plusieurs erreurs manifestes d’appréciation, est divisé en cinq branches. Par la première branche, la requérante soutient que les informations qu’elle a fournies lors de l’enquête relative au caractère anormalement bas des offres n’étaient pas, comme le prétend la BCE, en contradiction avec ses offres de prix. La deuxième branche est quant à elle divisée en trois griefs, tirés de ce que la BCE aurait considéré à tort, premièrement, que les informations prétendument contradictoires contenues dans ses offres initiales constituaient une fausse déclaration grave au sens de l’article 30, paragraphe 5, sous f), de la décision BCE/2016/2, deuxièmement, que la requérante avait modifié ses offres après la soumission de celles-ci et, troisièmement, que, nonobstant les informations précitées, il n’existait pas une assurance raisonnable quant à la conformité de ses offres initiales avec le droit du travail allemand. Par la troisième branche, la requérante nie avoir tenté d’influencer indûment la prise de décision dans la procédure de passation de marché en cause et, partant, soutient que la BCE a commis une erreur manifeste d’appréciation en excluant ses offres au titre de l’article 30, paragraphe 5, sous g), de la décision BCE/2016/2, lu en combinaison avec l’article 26, paragraphe 1, de ladite décision. Par la quatrième branche, elle fait valoir que sa déclaration figurant dans les formulaires de soumission de ses offres, par laquelle elle s’engageait à respecter les modalités de la procédure, y compris les règles de communication de l’appel d’offres, ne constituait pas une fausse déclaration grave. Enfin, par la cinquième branche, la requérante considère que la décision d’exclusion viole à la fois le principe de proportionnalité et l’obligation de motivation de la BCE.

35      Par le deuxième moyen, la requérante reproche à la BCE d’avoir introduit un nouveau critère vague et inconnu au stade de l’évaluation des offres.

36      Par le troisième moyen, la requérante soutient que la BCE aurait commis un détournement de pouvoir au cours de la procédure de passation de marché en cause.

a)      Observations liminaires

37      À titre liminaire, il convient d’examiner si, en l’espèce, il est nécessaire, au vu du contenu et de la portée de la décision du 9 décembre 2020 ainsi qu’au vu des conclusions de la requérante formulées à l’encontre de celle-ci, d’examiner spécifiquement la légalité de ladite décision.

38      À cet égard, il y a lieu de relever que, dans sa décision du 9 décembre 2020, l’autorité de surveillance ne s’est pas bornée à développer ou à étoffer les arguments soulevés par le comité des marchés publics dans sa décision d’exclusion, mais a également répondu aux arguments de la requérante présentés à l’appui du recours interne, et a ainsi écarté des griefs relatifs, notamment, à l’interprétation erronée de l’article 30, paragraphe 5, sous f), de la décision BCE/2016/2, à la violation du principe de proportionnalité et à l’absence d’éléments étayés dans la décision du 1er octobre 2020.

39      Si la décision du 9 décembre 2020 portant rejet du recours interne contient donc une motivation en droit et en fait plus circonstanciée que la décision du 1er octobre 2020, elle n’en a pas moins, en substance, la même portée que celle du 1er octobre 2020 faisant l’objet dudit recours, à savoir l’exclusion de la requérante dans le cadre de la procédure d’appel d’offres mentionnée aux points 2 et suivants ci-dessus.

40      Il résulte de ce qui précède qu’il n’y a pas lieu d’examiner spécifiquement la légalité de la décision du 9 décembre 2020, mais qu’il y a lieu de procéder à l’examen de la légalité de l’exclusion de la requérante en prenant en compte tous les motifs invoqués par les instances compétentes de la BCE pendant la procédure, étant rappelé que, en matière de marchés publics, la motivation d’une décision peut s’effectuer en plusieurs étapes (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 19 mars 2010, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑50/05, EU:T:2010:101, point 133 et jurisprudence citée, et du 22 mai 2012, Sviluppo Globale/Commission, T‑6/10, non publié, EU:T:2012:245, point 29), et doit être appréciée en fonction des éléments d’information dont disposait la partie requérante au moment de l’introduction du recours (arrêts du 25 février 2003, Strabag Benelux/Conseil, T‑183/00, EU:T:2003:36, point 58, et du 25 février 2003, Renco/Conseil, T‑4/01, EU:T:2003:37, point 96).

b)      Sur la troisième branche du premier moyen, tirée de ce que la BCE aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en excluant les offres de la requérante au titre de l’article 30, paragraphe 5, sous g), de la décision BCE/2016/2, lu en combinaison avec l’article 26, paragraphe 1, de ladite décision

41      Le Tribunal estime opportun d’examiner d’emblée la troisième branche du premier moyen, tirée de ce que la BCE aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en excluant les offres de la requérante au titre de l’article 30, paragraphe 5, sous g), de la décision BCE/2016/2, lu en combinaison avec l’article 26, paragraphe 1, de ladite décision.

42      Au soutien de ladite branche, la requérante affirme que la BCE aurait considéré à tort qu’elle avait tenté d’influencer indûment la prise de décision au cours de la procédure de passation de marché en cause.

43      En l’espèce, la BCE a estimé, en substance, dans ses décisions des 1er octobre et 9 décembre 2020, que le motif d’exclusion prévu à l’article 30, paragraphe 5, sous g), de la décision BCE/2016/2, lu en combinaison avec l’article 26, paragraphe 1, de celle-ci, était rempli. En effet, la BCE a considéré que les lettres des 17 et 19 août 2020 adressées par la requérante au président du comité des marchés publics ainsi que la lettre du 17 juillet 2020 envoyée par A à la présidente de la BCE, avec en copie le directeur général des services de la BCE, visaient à influencer indûment la prise de décision dans la procédure de passation de marché en cause, car, d’une part, elles avaient été envoyées en dehors des moyens de communication expressément établis dans les invitations à soumissionner et, d’autre part, leur contenu était perçu comme intimidant et trompeur. Dans ce contexte, la BCE a relevé que l’envoi desdites lettres avait pour objectif d’influer sur l’enquête relative aux offres paraissant anormalement basses et d’obtenir l’attribution du marché en cause.

44      En premier lieu, la requérante soutient que l’article 30, paragraphe 5, sous g), de la décision BCE/2016/2 ne s’applique pas aux communications entre le pouvoir adjudicateur et les soumissionnaires. Elle estime que seul l’article 26, paragraphe 1, de ladite décision doit s’appliquer en l’espèce, mais que le non-respect de cette disposition ne doit toutefois pas constituer un motif d’exclusion. Or, elle relève que, dans la décision du 9 décembre 2020, la BCE a estimé qu’une sanction d’exclusion était applicable en cas de violation de l’article 26, paragraphe 1, de la décision BCE/2016/2, car, d’une part, celle-ci était énoncée dans les invitations à soumissionner relatives aux trois lots et, d’autre part, la requérante n’avait formulé aucune objection à ce propos.

45      Par ailleurs, la requérante souligne que la BCE s’est elle-même régulièrement écartée des règles de communication prévues dans l’appel d’offres. À cet égard, la requérante soutient que la BCE ne peut pas être autorisée à communiquer avec toute personne qu’elle juge appropriée alors qu’elle a elle-même, sous peine d’exclusion, l’obligation de s’adresser à la personne de contact prévue dans les invitations à soumissionner, et ce indépendamment de l’objet de cette communication et du représentant de la BCE avec lequel elle communique.

46      En second lieu, la requérante fait valoir qu’elle n’avait aucun intérêt à influencer à son profit l’issue de la procédure de passation de marché en cause, car elle avait la certitude que l’évaluation des offres était achevée et que, à l’issue de celle-ci, elle aurait été classée première pour l’attribution dudit marché. À cet égard, elle soutient que l’objectif des lettres du 17 juillet ainsi que des 17 et 19 août 2020 était uniquement d’inviter leurs destinataires à s’impliquer dans le déroulement de la procédure afin d’évaluer la légalité de celle-ci.

47      Plus particulièrement, la requérante affirme que la lettre de A du 17 juillet 2020 visait à attirer l’attention de la BCE sur les conséquences d’une accusation prolongée, erronée et très grave de l’utilisation de techniques de dumping frauduleuses sur une société cotée en bourse, et souligne que cette lettre n’a pas été envoyée indûment, car ladite accusation mettait en cause son intégrité et celle de A, mais également leur droit à se voir attribuer un marché public. S’agissant des deux autres lettres des 17 et 19 août 2020, la requérante fait valoir qu’elles visaient à demander l’ouverture d’une enquête pour s’assurer que certains membres de l’équipe d’évaluation des offres ne se trouvaient pas dans une situation de conflit d’intérêts.

48      La BCE conteste les arguments de la requérante.

49      Ainsi qu’il ressort des points 44 à 48 ci-dessus, les parties s’opposent tant en ce qui concerne l’interprétation de l’article 30, paragraphe 5, sous g), de la décision BCE/2016/2 qu’en ce qui concerne l’application en l’espèce dudit article, lu en combinaison avec l’article 26, paragraphe 1, de ladite décision.

50      Il convient dès lors d’examiner successivement ces deux questions.

1)      Sur l’interprétation de l’article 30, paragraphe 5, sous g), de la décision BCE/2016/2

51      L’article 30, paragraphe 5, sous g), de la décision BCE/2016/2 prévoit ce qui suit :

« La BCE peut à tout moment exclure de la participation les candidats ou les soumissionnaires qui : […] g) contactent d’autres candidats ou soumissionnaires aux fins de restreindre la concurrence ou de tenter d’influencer indûment la prise de décision dans la procédure de passation de marché. »

52      Selon la requérante, cette disposition s’applique uniquement aux communications entre des candidats ou soumissionnaires avec d’autres candidats ou soumissionnaires, et non avec la BCE. En revanche, selon cette dernière, ladite disposition est applicable à tous les contacts, y compris à ceux entre les candidats ou soumissionnaires et le pouvoir adjudicateur, qui se rapportent au processus décisionnel de la procédure de passation de marché et visent à l’influencer indûment ainsi qu’à perturber son bon déroulement.

53      Selon une jurisprudence constante, il y a lieu, pour l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (voir arrêt du 7 juin 2005, VEMW e.a., C‑17/03, EU:C:2005:362, point 41 et jurisprudence citée).

54      En premier lieu, s’agissant des termes de l’article 30, paragraphe 5, sous g), de la décision BCE/2016/2, il convient de rappeler que les textes de droit de l’Union sont rédigés en plusieurs langues et que les diverses versions linguistiques font également foi, de sorte qu’une interprétation d’une disposition de droit de l’Union implique une comparaison des versions linguistiques (arrêts du 6 octobre 1982, Cilfit e.a., 283/81, EU:C:1982:335, point 18, et du 6 octobre 2005, Sumitomo Chemical et Sumika Fine Chemicals/Commission, T‑22/02 et T‑23/02, EU:T:2005:349, point 42).

55      À cet égard, il y a lieu de relever que, dans certaines versions linguistiques telles que dans les versions en langues espagnole, tchèque, allemande, grecque, anglaise, portugaise, slovaque et slovène, la syntaxe de la phrase « contactent d’autres candidats ou soumissionnaires aux fins de restreindre la concurrence ou de tenter d’influencer indûment la prise de décision dans la procédure de passation de marché », est structurée en deux temps séparés par la conjonction de coordination « ou », comme suit : « contactent d’autres candidats ou soumissionnaires aux fins de restreindre la concurrence » [première hypothèse] ou « tentent d’influencer indûment la prise de décision dans la procédure de passation de marché » [seconde hypothèse]. La conjugaison du verbe « tenter » au présent de l’indicatif et à la troisième personne du pluriel permet d’exclure son rattachement à la locution prépositive « aux fins de » et suggère donc que le second membre de phrase n’est pas subordonné au premier. Elle indique qu’il s’agit ainsi de deux hypothèses distinctes, la première, placée avant le « ou », relative à la prise de contact avec d’autres candidats ou soumissionnaires afin de restreindre la concurrence, et la seconde, placée après le « ou », relative à la tentative d’influencer indûment la prise de décision dans la procédure de passation de marché.

56      Ces exemples indiquent que l’article 30, paragraphe 5, sous g), de la décision BCE/2016/2 peut être compris dans le sens que la seconde hypothèse prévue n’est pas limitée aux contacts des candidats ou soumissionnaires avec leurs concurrents, mais concerne plus généralement tout moyen visant à influer indûment sur le processus décisionnel. Ainsi, dans ces versions linguistiques, la disposition en cause vise deux hypothèses d’exclusion d’un candidat ou soumissionnaire de la participation à une procédure d’appel d’offres. La première de ces hypothèses est celle d’un candidat ou soumissionnaire qui contacte d’autres candidats ou soumissionnaires aux fins de restreindre la concurrence. La seconde est celle d’un candidat ou soumissionnaire qui tente d’influencer indûment la prise de décision dans la procédure de passation de marché de quelque manière que ce soit.

57      Toutefois, dans d’autres versions linguistiques, la structure syntaxique de la phrase en cause suggère que l’hypothèse d’exclusion ne vise que les candidats ou soumissionnaires qui contactent d’autres candidats ou soumissionnaires aux fins soit de restreindre la concurrence, soit de tenter d’influencer indûment la prise de décision dans la procédure de passation de marché. En effet, dans la version en langue française par exemple, le verbe « tenter » est utilisé à l’infinitif, de sorte qu’il se rapporte à la locution prépositive « aux fins de », au même titre que le verbe « restreindre », lui aussi à l’infinitif (« […] aux fins de restreindre la concurrence ou de tenter d’influencer la prise de décision dans la procédure de passation de marché »). Dans le cas contraire, le verbe « tenter » aurait été conjugué, à l’instar du verbe « contacter », au présent de l’indicatif et à la troisième personne du pluriel, comme suit : « […] ou tentent d’influencer indûment […] ». Les versions en langues bulgare, italienne, néerlandaise et polonaise vont également dans le même sens.

58      Dans la mesure où l’interprétation littérale de l’article 30, paragraphe 5, sous g), de la décision BCE/2016/2 ne semble pas fournir une indication catégorique en raison de l’existence de certaines différences entre les versions linguistiques, il convient de rappeler que, en cas de disparité entre les diverses versions linguistiques d’un texte du droit de l’Union, la disposition en cause doit être interprétée en fonction du contexte et des objectifs de la réglementation dont elle constitue un élément (voir, en ce sens, arrêts du 24 octobre 1996, C‑72/95, Kraaijeveld e.a., EU:C:1996:404, point 28 ; du 24 février 2000, Commission/France, C‑434/97, EU:C:2000:98, point 22, et du 7 décembre 2000, Italie/Commission, C‑482/98, EU:C:2000:672, point 49).

59      En second lieu, s’agissant de l’interprétation téléologique de l’article 30, paragraphe 5, sous g), de la décision BCE/2016/2, il convient de relever que le motif d’exclusion énoncé audit point a pour objectif de garantir l’égalité des chances entre les candidats, conformément aux principes généraux d’égalité d’accès et de traitement, de non-discrimination et de concurrence loyale, lesquels, d’une part, constituent des principes généraux de droit applicables à la BCE lors de la procédure de passation de marchés publics en vertu de l’article 3, paragraphe 1, de ladite décision BCE/2016/2 et, d’autre part, doivent être respectés tout au long de la procédure d’appel d’offres. Or, les principes généraux susmentionnés peuvent être remis en cause non seulement en raison des contacts entre candidats ou soumissionnaires aux fins de restreindre la concurrence, mais aussi lorsqu’un candidat ou soumissionnaire tente, par d’autres moyens, d’influencer indûment la prise de décision dans la procédure de passation du marché public. Interpréter l’article 30, paragraphe 5, sous g), de la décision BCE/2016/2 comme ne visant pas cette dernière hypothèse irait à l’encontre de l’objectif sous-tendant cette disposition.

60      En troisième lieu, en ce qui concerne l’interprétation contextuelle, il convient de constater que le libellé du second membre de phrase de l’article 30, paragraphe 5, sous g), de la décision BCE/2016/2 présente des similitudes avec celui de l’article 57, paragraphe 4, sous i), de la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014, sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE (JO 2014, L 94, p. 65), telle que modifiée, qui dispose que « [l]es pouvoirs adjudicateurs peuvent exclure ou être obligés par les États membres à exclure tout opérateur économique de la participation à une procédure de passation de marché dans l’un des cas suivants : […] i) l’opérateur économique a entrepris d’influer indûment sur le processus décisionnel du pouvoir adjudicateur ou d’obtenir des informations confidentielles susceptibles de lui donner un avantage indu lors de la procédure de passation de marché, ou a fourni par négligence des informations trompeuses susceptibles d’avoir une influence déterminante sur les décisions d’exclusion, de sélection ou d’attribution. […] ». En faisant référence au fait que l’opérateur économique a entrepris d’influer indûment sur le processus décisionnel du pouvoir adjudicateur, le législateur de l’Union n’a pas limité ce motif d’exclusion aux seuls contacts entre les candidats ou soumissionnaires avec d’autres candidats ou soumissionnaires.

61      À cet égard, il convient tout d’abord de rappeler que, selon la jurisprudence, même si les directives concernant la passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services ne régissent que des marchés passés par les entités ou les pouvoirs adjudicateurs des États membres et ne sont pas directement applicables aux marchés publics passés par l’administration de l’Union, les règles ou les principes édictés ou dégagés dans le cadre de ces directives peuvent être invoqués à l’encontre de ladite administration lorsqu’ils n’apparaissent, eux-mêmes, que comme l’expression spécifique de règles fondamentales du traité et de principes généraux du droit qui s’imposent directement à l’administration de l’Union. En effet, dans une communauté de droit, l’application uniforme du droit est une exigence fondamentale, et tout sujet de droit est soumis au principe du respect de la légalité. Ainsi, les institutions sont tenues de respecter les règles du traité et les principes généraux du droit qui leur sont applicables, de la même manière que tout autre sujet de droit (voir arrêt du 10 novembre 2017, Jema Energy/Entreprise commune Fusion for Energy, T‑668/15, non publié, EU:T:2017:796, point 93 et jurisprudence citée).

62      Par ailleurs, les règles ou les principes édictés ou dégagés dans le cadre de ces directives peuvent être invoqués à l’encontre de l’administration de l’Union lorsque, dans l’exercice de son autonomie fonctionnelle et institutionnelle et dans les limites des attributions qui lui sont conférées par le traité FUE, celle-ci a adopté un acte qui renvoie expressément, pour régir les marchés publics qu’elle passe pour son propre compte, à certaines règles ou à certains principes énoncés dans les directives et par l’effet duquel lesdites règles et lesdits principes trouvent à s’appliquer, conformément au principe patere legem quam ipse fecisti. Lorsque l’acte en cause exige une interprétation, il doit être interprété, dans la mesure du possible, dans le sens de l’application uniforme du droit de l’Union et de sa conformité avec les dispositions du traité FUE et les principes généraux du droit (voir arrêt du 10 novembre 2017, Jema Energy/Entreprise commune Fusion for Energy, T‑668/15, non publié, EU:T:2017:796, point 94 et jurisprudence citée).

63      En l’espèce, il convient de relever que l’applicabilité de la directive 2014/24 à la BCE a été explicitement exclue au considérant 3 de la décision BCE/2016/2. Toutefois, le considérant 4 de ladite décision précise que la BCE respecte les principes généraux du droit des marchés publics figurant dans la directive 2014/24 et le règlement (UE, Euratom) no 966/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union et abrogeant le règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 du Conseil (JO 2012, L 298, p. 1), dont certains ont été énoncés au point 59 ci-dessus. En outre, dans la décision BCE/2016/2, il est procédé à de nombreux renvois aux dispositions de la directive 2014/24.

64      Si l’article 30, paragraphe 5, sous g), de la décision BCE/2016/2 ne renvoie certes pas explicitement à l’article 57, paragraphe 4, sous i), de la directive 2014/24, cette dernière disposition constitue cependant une expression des principes généraux du droit des marchés publics, dont notamment celui d’égalité des chances et de traitement entre soumissionnaires, dans la mesure où le motif d’exclusion qu’elle prévoit vise à empêcher toute tentative d’influencer indûment la prise de décision dans la procédure d’appel d’offres de quelque manière que ce soit, en vue d’assurer un traitement égal entre les candidats ou soumissionnaires et de garantir de la sorte l’égalité des chances entre eux (voir, en ce sens, arrêt du 10 novembre 2017, Jema Energy/Entreprise commune Fusion for Energy, T‑668/15, non publié, EU:T:2017:796, point 101 et jurisprudence citée).

65      Il ressort ainsi de l’interprétation téléologique et contextuelle de l’article 30, paragraphe 5, sous g), de la décision BCE/2016/2 que ledit article comprend deux hypothèses d’exclusion distinctes, la seconde ayant vocation à s’appliquer également, contrairement à ce que prétend la requérante, aux communications adressées par les candidats ou soumissionnaires au pouvoir adjudicateur lorsqu’elles ont pour objet de tenter d’influer indûment sur le processus décisionnel lors de la procédure de passation de marché.

66      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que l’article 30, paragraphe 5, sous g), de la décision BCE/2016/2 doit être lu en ce sens que la BCE peut à tout moment exclure de la participation les candidats ou les soumissionnaires qui tentent d’influencer indûment la prise de décision dans la procédure de passation de marché.

67      Il convient à présent d’examiner plus en détail la notion de tentative d’influence indue, laquelle fait également l’objet d’une interprétation différente par les parties.

68      À cet égard, il convient d’observer, tout d’abord, que la décision BCE/2016/2 ne comporte pas de définition de cette notion.

69      Néanmoins, l’utilisation du verbe « tenter » laisse suggérer une portée de cette notion, analogue à celle utilisée à l’article 57, paragraphe 4, sous i), de la directive 2014/24 qui, comme cela est indiqué au point 60 ci-dessus, vise tout opérateur économique qui a « entrepris » d’influer sur le processus décisionnel du pouvoir adjudicateur. En effet, le verbe « tenter », au même titre que celui d’« entreprendre », induit une condition de moyen et non de résultat. Il s’ensuit que le seul fait, pour un candidat ou un soumissionnaire, d’avoir essayé d’influer, par le biais de divers moyens, sur le processus décisionnel, sans pour autant que le résultat escompté ait été atteint, est suffisant pour relever de la portée du second membre de phrase de l’article 30, paragraphe 5, sous g), de la décision BCE/2016/2.

70      Il y a toutefois lieu de souligner que la disposition en cause précise que la tentative d’influencer la prise de décision dans la procédure de passation de marché doit avoir été faite « indûment », c’est-à-dire de manière contraire à la réglementation en vigueur.

71      Enfin, il convient de relever que la tentative d’influence indue doit porter, en vertu de l’article 30, paragraphe 5, sous g), de la décision BCE/2016/2, sur la prise de décision dans la procédure de passation de marché. Le processus décisionnel s’entend comme l’ensemble de la phase durant laquelle le pouvoir adjudicateur procède à l’examen des offres soumises par les différents candidats ou soumissionnaires dans le cadre d’un appel d’offres aux fins de l’élaboration de ses décisions d’exclusion, de sélection ou d’attribution. Ce processus commence donc dès la soumission des offres et comprend toutes les étapes successives jusqu’à l’adoption desdites décisions. En particulier s’inscrivent dans le cadre de ce processus les enquêtes menées par le pouvoir adjudicateur sur les offres de prix paraissant anormalement basses et aux termes desquelles ce dernier peut, en vertu de l’article 33, paragraphe 2, de la décision BCE/2016/2, après examen des renseignements complémentaires fournis par le soumissionnaire, rejeter les offres de celui-ci, notamment lorsque les renseignements fournis ne suffisent pas pour expliquer le bas niveau du prix ou des coûts, ou lorsque l’offre et lesdits renseignements ne permettent pas de garantir suffisamment la bonne exécution du marché. Lesdites enquêtes ne constituent pas des procédures distinctes, mais une étape de l’évaluation des offres.

2)      Application au cas d’espèce

72      Il y a lieu d’examiner, en l’espèce, si c’est à bon droit que la BCE a exclu les offres de la requérante pour les trois lots de la procédure de passation de marché en cause au motif que celle-ci et A avaient tenté, par l’envoi des lettres du 17 juillet et des 17 et 19 août 2020, d’influencer indûment la prise de décision dans ladite procédure au sens du second membre de phrase de l’article 30, paragraphe 5, sous g), de la décision BCE/2016/2.

73      Tout d’abord, il convient d’observer que, dans sa lettre du 17 juillet 2020 adressée à la présidente de la BCE, A a fait état de son inquiétude quant aux conséquences négatives découlant de l’enquête en cours relative au caractère anormalement bas de ses offres sur sa réputation et exprimait l’« espoir » que le « malentendu » relatif au niveau anormalement bas des offres de prix soit dissipé « immédiatement ».

74      Dans sa lettre du 17 août 2020 adressée au président du comité des marchés publics, la requérante a exprimé sa préoccupation quant à l’évaluation de ses offres et a soutenu que les lettres envoyées par la BCE relatives à l’enquête sur les offres anormalement basses semblaient « tenter de créer une base pour exclure de manière déraisonnable [ses] offres de la procédure […] ». En conséquence, elle a demandé au président du comité des marchés publics d’enquêter et de l’assurer que ses offres seraient évaluées de manière équitable. De plus, la requérante a posé différentes questions, notamment sur l’identité des soumissionnaires qui prendraient sa place si elle était exclue, si ces derniers étaient déjà titulaires d’un contrat avec la BCE et s’ils avaient reçu un traitement privilégié de la part de cette dernière. En outre, elle a demandé si la BCE avait été en contact avec la Commission européenne avant le lancement de la procédure d’appel d’offres, si la BCE avait discuté de la requérante avec cette dernière et si elle pouvait lui fournir le procès-verbal de leur discussion. Elle a également questionné la BCE sur le point de savoir « si un agent de la BCE avait contacté des évaluateurs au cours de la procédure de passation de l’appel d’offres en cause, avant ou après la remise des offres, interférant dans l’évaluation des offres, plus particulièrement en ce qui concerne [sa] propre société ». Enfin, elle a sollicité la communication du nom des évaluateurs du comité d’évaluation pour l’appel d’offres de chacun des trois lots et a précisé qu’elle avait l’intention d’agir pour protéger ses intérêts en fonction des réponses données à ses questions.

75      Le 19 août 2020, soit deux jours après l’envoi de sa précédente lettre, la requérante a envoyé une seconde lettre au président du comité des marchés publics afin de l’informer qu’elle avait découvert que la BCE avait attribué de nombreux contrats d’une valeur de plusieurs millions d’euros à une entreprise spécifique. Dans ce contexte, elle lui a demandé de vérifier s’il n’existait pas de conflits d’intérêts entre la personne évaluant les offres au sein de la BCE et cette société. En outre, la requérante sollicitait la communication du nom de la personne qu’elle pouvait contacter au sein de la BCE afin d’examiner cette question.

76      En premier lieu, il convient de constater qu’il ressort notamment des points 28 et 30 de la décision du 9 décembre 2020 que la requérante n’aurait pas respecté les canaux de communication expressément établis par la BCE, en violation de l’article 26, paragraphe 1, de la décision BCE/2016/2 et des points III.1.1, II.1.2 et II.1.5 des invitations à soumissionner relatives aux trois lots.

77      L’article 26, paragraphe 1, de la décision BCE/2016/2 dispose que « pendant la procédure d’appel d’offres, les candidats et soumissionnaires communiquent seulement avec la (les) personne(s) à contacter indiquée(s) par la BCE [ ; l]es moyens de communication sont couramment mis à disposition et non discriminatoires ».

78      En outre, le point III.1.1 des invitations à soumissionner précise que « la personne à contacter pour cette procédure d’appel d’offres est [C] ». De plus, le point II.1.2 desdites invitations prévoit que « les soumissionnaires doivent répondre à toutes les questions concernant la procédure d’appel d’offres via le système d’appel d’offres électronique de la BCE via lequel ils ont également accédé à la présente [invitation à soumissionner ; t]out type de communication relative à la procédure d’appel d’offres doit être effectué via le système d’appel d’offres électronique de la BCE (sous l’onglet « Discussions ») en tant que point de contact unique [ ; l]a BCE n’assume aucune responsabilité pour les demandes qui ne sont pas soumises par écrit ». Enfin, il est mentionné au point II.1.5 des invitations à soumissionner que, « au cours de la procédure d’appel d’offres, les soumissionnaires ne contacteront aucun autre membre du personnel de la BCE ni aucune organisation [ou] personne travaillant pour la BCE au sujet de cette procédure d’appel d’offres […] [ ; t]oute violation de cette règle de communication pourra entraîner l’exclusion du soumissionnaire concerné ».

79      Il convient par ailleurs de préciser que la requérante s’est engagée, au point 8 de sa déclaration d’adhésion aux offres, à ne « pas contact[er] […] d’autres candidats ou soumissionnaires dans le but de restreindre la concurrence, et [de ne] pas essay[er] […] d’influencer indûment le processus de prise de décision dans le cadre de la procédure de passation de marché ».

80      En l’espèce, force est de constater que, comme cela est indiqué aux points 73 à 75 ci-dessus, les lettres du 17 juillet et des 17 et 19 août 2020 n’ont pas été adressées à la personne de contact désignée par la BCE dans les invitations à soumissionner, ce qui n’est d’ailleurs pas contesté par la requérante.

81      À cet égard, tout d’abord, la requérante justifie sa démarche ainsi que celle de A de ne pas s’être adressées à la personne de contact indiquée par la BCE en raison de la prétendue confusion provoquée par les lettres qu’elles avaient reçues de la BCE.

82      D’une part, cette confusion résulterait du fait que la BCE s’est elle-même régulièrement écartée des règles de communication prévues dans l’appel d’offres, en s’adressant par exemple directement, le 20 août 2020, à A, contournant ainsi son obligation de passer uniquement par le point de contact désigné par la requérante. 

83      Cet argument doit être rejeté. En effet, comme l’a relevé à juste titre la BCE au point 31 de sa décision du 9 décembre 2020, l’interdiction de s’adresser à différents points de contact ne s’applique qu’aux soumissionnaires et non à la BCE.

84      D’autre part, la confusion aurait été entretenue par le fait que les lettres adressées par la BCE à la requérante et à A étaient signées par deux agents de la BCE et non uniquement par la personne de contact.

85      Sur ce point, il convient de souligner, ainsi qu’il ressort des points 30 et 31 de la décision du 9 décembre 2020, que l’en-tête de chacune des lettres de la BCE des 25 et 30 mai 2020 ainsi que du 4 juillet 2020 adressées à la requérante, donc antérieurement à l’envoi par cette dernière et A des lettres du 17 juillet et des 17 et 19 août 2020, mentionnait clairement l’identité de la personne de contact.

86      En outre, le fait de ne pas s’être adressé à la personne de contact indiquée par la BCE constituerait, selon la requérante, une réaction à la demande exprimée par la BCE à la fin de sa lettre du 4 juillet 2020 selon laquelle la réponse à apporter à ladite lettre devait être signée par son représentant autorisé, c’est-à-dire le signataire des formulaires de soumission de ses offres, et non par la personne de contact qu’elle avait mentionnée dans lesdits formulaires. À ce propos, la requérante souligne que ce « type d’escalade » est prévu à la section 4 de l’annexe 1.03 des invitations à soumissionner, dont il ressortirait, d’après elle, qu’en cas de problème entre le responsable de l’appel d’offres au sein de la BCE et des soumissionnaires, ces derniers ont la possibilité de soumettre une question à un niveau hiérarchique supérieur, le troisième et dernier niveau étant la direction générale de la BCE. Elle précise, toutefois, que le poste de directeur général étant resté vacant la majeure partie de l’année 2020, A n’avait pas d’autre choix que de contacter directement la présidente de la BCE.

87      Il convient de constater que cet argument n’est pas fondé. En effet, comme le souligne à juste titre la BCE, l’extrait de l’annexe 1.03 des invitations à soumissionner auquel renvoie la requérante se rapporte à la phase d’exécution du marché et est dès lors dénué de pertinence en ce qui concerne la communication entre le pouvoir adjudicateur et les soumissionnaires dans le cadre de la procédure de passation de marché. De plus, il y a lieu d’observer que, d’une part, le dernier paragraphe de la lettre du 4 juillet 2020, dans lequel la BCE informe la requérante que les précisions sollicitées doivent être fournies sous forme de déclaration écrite dûment signée par son représentant autorisé, figure également dans les précédentes lettres de la BCE des 25 et 30 mai 2020 et, d’autre part, le représentant autorisé d’une société n’est pas nécessairement la personne de contact officielle désignée par celle-ci dans le cadre d’une procédure de passation de marché.

88      En second lieu, il ressort clairement du contenu des trois lettres susmentionnées que, comme le précise l’autorité de surveillance au point 16 de la décision du 9 décembre 2020, celles-ci avaient pour objectif de tenter d’influencer indûment la prise de décision dans la procédure de passation de marché en cause en faisant pression sur leurs destinataires afin qu’ils interviennent dans ladite procédure et, en particulier, dans l’enquête sur le caractère anormalement bas des offres de la requérante.

89      Les arguments avancés par la requérante afin de démontrer que l’envoi des lettres susmentionnées visait uniquement à préserver l’intégrité et l’équité de la procédure d’appel d’offres ne sont pas susceptibles de remettre en cause cette conclusion.

90      Tout d’abord, l’argument de la requérante selon lequel elle n’avait aucun intérêt à influencer à son profit l’issue de la procédure de passation de marché en cause n’est pas étayé. En effet, ainsi qu’il ressort du point 11 de la décision du 9 décembre 2020, les destinataires des lettres du 17 juillet et des 17 et 19 août 2020 étaient justement invités à s’impliquer dans la conduite de ladite procédure, comme la requérante le reconnaît d’ailleurs elle-même dans sa requête, et à prendre des mesures pour accélérer sa conclusion en sa faveur.

91      À cet égard, il y a lieu de relever que la requérante ne pouvait ignorer que, contrairement à ce qu’elle prétend, l’enquête relative au caractère anormalement bas de ses offres n’était pas achevée étant donné qu’elle avait été destinataire de plusieurs lettres de la BCE, en particulier celles des 25 et 30 mai 2020, n’allant pas dans ce sens. De plus, dans sa lettre du 4 juillet 2020, la BCE avait demandé à la requérante de fournir des explications complémentaires dans le cadre de ladite enquête.

92      En outre, la requérante ne pouvait pas non plus ignorer que la BCE était tenue, en vertu de l’article 33 de la décision BCE/2016/2, de demander, en cas d’indices laissant supposer une offre de prix anormalement basse, des précisions sur le prix ou les coûts proposés dans ladite offre par rapport aux produits, aux travaux ou aux services proposés. La possibilité pour la BCE de mener une enquête sur le caractère anormalement bas d’une offre de prix était également mentionnée au point IV.6 des invitations à soumissionner.

93      Par ailleurs, en ce qui concerne les prétendues accusations de la BCE envers A au sujet de l’utilisation de techniques de dumping frauduleuses, il convient de constater que de telles accusations ne ressortent nullement des lettres envoyées par la BCE dans le cadre de l’enquête relative aux offres de prix paraissant anormalement basses.

94      Pour ce qui est de l’affirmation de la requérante selon laquelle A a contacté la présidente de la BCE pour lui faire part de ses craintes quant au préjudice résultant de l’enquête relative aux offres paraissant anormalement basses sur sa réputation, il convient d’observer que de telles craintes ne sont pas fondées dans la mesure où la BCE est soumise à une obligation de confidentialité et que la requérante n’a pas démontré, en l’espèce, le non-respect de ladite obligation s’agissant de l’enquête la concernant. En effet, il résulte notamment du point VI.4.3 des invitations à soumissionner que « la BCE est soumise par la loi aux normes les plus élevées de secret professionnel et de confidentialité [ ; l]a BCE peut divulguer des informations détaillées relatives aux offres : (a) à son personnel et à d’autres organisations, sociétés ou personnes impliquées dans la procédure d’appel d’offres ; (b) aux autres soumissionnaires, si les informations sont matériellement pertinentes pour tous les soumissionnaires ou si la BCE est tenue par la loi de divulguer ces informations dans les deux cas sous réserve de l’obligation de protéger les intérêts commerciaux du soumissionnaire ; (c) au grand public dans la mesure où la BCE est obligée de divulguer les informations afin de satisfaire aux exigences légales de transparence ». Ledit point renvoie par ailleurs, d’une part, à l’article 26, paragraphe 4, de la décision BCE/2016/2, qui dispose expressément que « la BCE s’assure que les informations fournies par les candidats et soumissionnaires sont traitées et stockées conformément aux principes de confidentialité et d’intégrité et, dans la mesure où des données personnelles sont fournies, au règlement (CE) no 45/2001 du Parlement européen et du Conseil » et, d’autre part, à l’article 37 du Protocole no 4 sur les statuts du système européen de banques centrales et de la Banque centrale européenne, dont le paragraphe 2 précise que « les personnes ayant accès à des données soumises à une législation de l’Union imposant l’obligation du secret sont assujetties à cette législation ».

95      Il y a également lieu de constater que l’allégation de la requérante selon laquelle la BCE aurait divulgué des informations la concernant à des tiers à partir de novembre 2020 et aurait eu l’intention de la sanctionner de manière exemplaire en excluant ses offres des trois lots n’est aucunement étayée. En effet, la requérante n’a pas précisé de quelles informations il s’agissait, ni mentionné des indices desquels il pourrait être déduit l’intention de la BCE de divulguer ces informations à des tiers.

96      En ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel A constituerait l’ensemble du groupe B, et pas seulement la filiale allemande dudit groupe, et était, en conséquence, tenue d’informer son commissaire aux comptes, sa banque et ses assureurs de l’enquête en cours, afin de pouvoir prendre des mesures pour atténuer tout risque et, de surcroît, de communiquer ces informations aux marchés en raison de son statut de société cotée en bourse, il convient de relever que cet argument ne justifie aucunement la démarche de la requérante et, au demeurant, n’est pas non plus étayé, la requérante n’ayant par ailleurs pas fourni la base légale de cette prétendue obligation.

97      De plus, afin de justifier ses craintes quant au caractère non équitable de la procédure d’appel d’offres, la requérante avance que d’autres soumissionnaires auraient proposé des tarifs équivalents aux siens pour ce même appel d’offres sans que les offres desdits soumissionnaires fassent pourtant l’objet d’une enquête. Cet argument ne saurait toutefois démontrer une violation du principe de traitement équitable par la BCE, car, ainsi qu’il ressort des extraits des rapports d’évaluation transmis à la requérante, l’offre de prix d’un autre soumissionnaire avait également fait l’objet d’une enquête par la BCE.

98      En outre, s’agissant de l’argument de la requérante visant à démontrer un comportement partial de la BCE à son égard, l’exemple cité par la requérante concernant le refus par la BCE de l’utilisation de son nom et de son logo sur le site Internet de la requérante est dénué de pertinence et de fondement juridique en l’espèce. En effet, la BCE est habilitée en tant que titulaire du nom et des droits détenus sur les marques pertinentes à demander aux contractants de s’abstenir d’utiliser son nom et son logo. À cet égard, il y a lieu de constater que ledit logo est protégé en tant qu’emblème en vertu de l’article 6 ter de la convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle, du 20 mars 1883, telle que révisée et modifiée. En outre, la BCE n’est pas tenue de préciser les raisons pour lesquelles elle a décidé de faire valoir ses droits, ni d’examiner si sa démarche diffère de celle adoptée à l’égard d’autres contractants.

99      Par ailleurs, la requérante soutient que le lancement, par la BCE, d’une enquête visant à vérifier l’existence d’un éventuel conflit d’intérêts, à la suite de ses lettres des 17 et 19 août 2020, confirmerait le bien-fondé de sa demande d’enquête, adressée à une personne autre que la personne de contact désignée. À cet égard, il y a lieu de souligner que la lettre de la BCE du 12 octobre 2020, adressée à la requérante en réponse à ses lettres des 17 et 19 août 2020 dans lesquelles cette dernière demandait l’ouverture d’une enquête du pouvoir adjudicateur visant à vérifier l’existence d’éventuels conflits d’intérêts, ne constituait qu’une application du principe de bonne administration, auquel se rattache l’obligation pour l’institution compétente d’examiner tous les éléments pertinents au cas d’espèce, et non, comme le prétend la requérante, une approbation du bien-fondé de sa demande. En effet, la BCE avait clairement informé la requérante, dans sa lettre du 20 août 2020, que la demande de cette dernière violait l’article 26, paragraphe 1, de la décision BCE/2016/2 et pouvait constituer un motif d’exclusion au titre de l’article 30, paragraphe 5, sous f) et g), de ladite décision, ce qu’elle a ensuite confirmé dans sa décision du 1er octobre 2020.

100    Il y a également lieu de relever que, contrairement à ce que soutient la requérante, le délai de l’enquête menée par la BCE ne paraît manifestement pas déraisonnable et ne permet pas de justifier l’envoi des lettres du 17 juillet ainsi que des 17 et 19 août 2020. En effet, comme le constate à juste titre l’autorité de surveillance au point 21 de sa décision du 9 décembre 2020, les demandes de clarifications émanant de la BCE relatives à l’enquête sur le caractère anormalement bas des offres ont été formulées les 25 mai et 4 juillet 2020. Dès lors, compte tenu des circonstances de l’espèce, notamment des différentes demandes de prorogation de délai formulées par la requérante et du fait que celle-ci n’avait pas fourni de réponses adéquates à la première demande de clarifications, comme elle l’admet dans sa lettre datée du 17 juillet 2020, le délai de l’enquête doit être considéré comme raisonnable en l’espèce.

101    Enfin, il y a lieu de souligner que, comme l’a indiqué l’autorité de surveillance au point 18 de la décision du 9 décembre 2020, la requérante et A disposaient d’un large éventail de possibilités pour soulever leurs préoccupations dans le respect des règles de procédure. Ainsi, la requérante aurait pu, conformément au point II.2 des invitations à soumissionner, lequel renvoie à l’article 28, paragraphe 2, de la décision BCE/2016/2, notifier, via le système électronique d’appel d’offres de la BCE, ses objections à cette dernière dans un délai de quinze jours après avoir pris connaissance de l’irrégularité, étant précisé que, en vertu de l’article susmentionné de ladite décision, les objections qui n’ont pas été transmises à la BCE dans le délai précisé ci-dessus ne peuvent plus être soulevées par la suite.

102    Il résulte de ce qui précède que la BCE n’a pas commis d’erreur d’appréciation en considérant que l’envoi des lettres du 17 juillet ainsi que des 17 et 19 août 2020 constituait, tant par le contenu de ces dernières que par l’identité de leurs destinataires, une tentative d’influencer indûment la prise de décision dans la procédure de passation de marché en cause au sens de l’article 30, paragraphe 5, sous g), de la décision BCE/2016/2.

103    Il s’ensuit que, dans les circonstances de l’espèce, la BCE pouvait, sans commettre d’erreur de droit ni d’erreur d’appréciation, exclure la requérante de la procédure de passation de marché en cause sur le seul fondement de l’article 30, paragraphe 5, sous g), de la décision BCE/2016/2, de sorte qu’il n’est pas nécessaire d’examiner les arguments de la requérante concernant l’article 26, paragraphe 1, de ladite décision, également mentionné comme base juridique de l’exclusion dans les décisions des 1er octobre et 9 décembre 2020.

104    En conséquence, il y a lieu d’écarter la troisième branche du premier moyen.

105    Dès lors qu’un seul motif suffit à fonder la décision d’exclusion, il n’est pas utile de se prononcer sur les autres motifs contestés par la requérante dans le cadre des première, deuxième et quatrième branches du premier moyen ainsi que du deuxième moyen, ni, partant, d’examiner lesdites branches du premier moyen et le deuxième moyen (voir, en ce sens, arrêt du 10 septembre 2015, Dow AgroSciences et Dintec Agroquímica – Produtos Químicos/Commission, T‑446/10, non publié, EU:T:2015:629, point 76, et ordonnance du 4 février 2021, Germann Avocats/Commission, T‑352/18, non publiée, EU:T:2021:64, point 83).

c)      Sur la cinquième branche du premier moyen, tirée d’une violation du principe de proportionnalité et de l’obligation de motivation

106    La cinquième branche du premier moyen comprend deux griefs, tirés respectivement d’une violation du principe de proportionnalité et d’une violation de l’obligation de motivation.

1)      Sur le premier grief, tiré d’une violation du principe de proportionnalité

107    Par son premier grief, la requérante soutient, en substance, que la BCE a commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que son exclusion était proportionnée. En effet, elle réfute avoir eu, comme le prétend la BCE, divers comportements inacceptables et répétés atteignant le seuil de gravité requis pour les qualifier de motifs d’exclusion discrétionnaires. Selon la requérante, son comportement était approprié et justifié en l’espèce, et n’était donc pas de nature à remettre en cause son intégrité dans le cadre de la procédure de passation de marché en cause.

108    La BCE conteste les arguments de la requérante. En particulier, elle fait valoir que la requérante remplissait plusieurs motifs d’exclusion et considère que l’exclusion de cette dernière de la procédure de passation de marché en cause constituait la mesure applicable la moins sévère afin de résoudre de manière appropriée les divers problèmes identifiés.

109    Il convient de rappeler que le principe de proportionnalité, qui constitue un principe général du droit de l’Union, exige que les actes des institutions ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs poursuivis, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés eu égard aux buts visés (voir arrêt du 10 décembre 2009, Antwerpse Bouwwerken/Commission, T‑195/08, EU:T:2009:491, point 57 et jurisprudence citée ; arrêts du 19 novembre 2014, European Dynamics Luxembourg et Evropaïki Dynamiki/Europol, T‑40/12 et T‑183/12, non publié, EU:T:2014:972, point 135, et du 10 novembre 2015, GSA et SGI/Parlement, T‑321/15, non publié, EU:T:2015:834, point 32).

110    En l’espèce, il ressort notamment des points 56, 62 et 63 de la décision du 9 décembre 2020 que la décision d’exclure la requérante de la procédure de passation de marché en cause avait pour objectif de préserver, d’une part, l’intégrité et la régularité de ladite procédure ainsi que, d’autre part, l’égalité de traitement entre tous les candidats.

111    En outre, premièrement, il y a lieu de relever que, ainsi qu’il a été conclu au point 103 ci-dessus, le motif d’exclusion visé à l’article 30, paragraphe 5, sous g), de la décision BCE/2016/2 était rempli et que la BCE a relevé à juste titre que la requérante n’avait pas fourni, en vertu de l’article 30, paragraphe 6, de ladite décision, de preuves justifiant son éligibilité ou attestant de sa fiabilité malgré l’existence dudit motif d’exclusion.

112    Deuxièmement, il convient de souligner que, compte tenu de la gravité du comportement auquel s’est livrée la requérante, de surcroît de manière répétée, délibérée et dans un court intervalle de temps, la BCE pouvait, sans commettre d’erreur de droit ni d’erreur d’appréciation, appliquer le motif d’exclusion facultatif prévu à l’article 30, paragraphe 5, sous g), de la décision BCE/2016/2.

113    Troisièmement, s’agissant de la durée d’exclusion, il convient d’observer que la requérante a seulement été exclue de la procédure de passation de marché en cause alors que l’article 30, paragraphe 8, de la décision BCE/2016/2 prévoit la possibilité d’exclure un candidat ou un soumissionnaire de toutes les procédures à venir pour une durée maximale de dix ans.

114    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que la décision d’exclure la requérante de la procédure de passation de marché en cause constituait, en l’espèce, la mesure appropriée la moins contraignante et que les inconvénients causés à la requérante n’étaient pas démesurés eu égard aux objectifs visés au point 110 ci-dessus.

115    Il y a donc lieu de conclure que la BCE n’a pas violé le principe de proportionnalité.

116    Partant, le premier grief de la cinquième branche du premier moyen doit être rejeté.

2)      Sur le second grief, tiré d’une violation de l’obligation de motivation

117    Par son second grief, la requérante soutient, en substance, que les décisions des 1er octobre et 9 décembre 2020 sont entachées d’un défaut de motivation.

118    La BCE conteste cette argumentation.

119    Il ressort d’une jurisprudence constante que la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées par l’acte au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 8 septembre 2011, Commission/Pays-Bas, C‑279/08 P, EU:C:2011:551, point 125 et jurisprudence citée).

120    En outre, il convient également de rappeler que l’obligation de motivation prévue à l’article 296 TFUE constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé de la motivation, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux (arrêts du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, EU:C:1998:154, point 67 ; du 22 mars 2001, France/Commission, C‑17/99, EU:C:2001:178, point 35, et du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, EU:C:2011:620, point 146).

121    De plus, comme indiqué au point 40 ci-dessus, il y a lieu de préciser que, en matière de marchés publics, la motivation d’une décision peut s’effectuer en plusieurs étapes (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 19 mars 2010, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑50/05, EU:T:2010:101, point 133 et jurisprudence citée, et du 22 mai 2012, Sviluppo Globale/Commission, T‑6/10, non publié, EU:T:2012:245, point 29), et doit être appréciée en fonction des éléments d’information dont disposait la partie requérante au moment de l’introduction du recours (arrêts du 25 février 2003, Strabag Benelux/Conseil, T‑183/00, EU:T:2003:36, point 58, et du 25 février 2003, Renco/Conseil, T‑4/01, EU:T:2003:37, point 96).

122    À cet égard, il convient d’observer que la procédure de passation du marché en cause est régie par la seule décision BCE/2016/2 dont l’article 34 est ainsi libellé :

« 1. La BCE notifie sa décision par écrit et dans les meilleurs délais à tous les candidats ou soumissionnaires dont les candidatures ou les offres sont rejetées.

2. La notification de la décision d’attribution du marché est envoyée au moins dix jours avant la signature du marché par la BCE, dans le cas d’une notification par télécopie ou par voie électronique, et au moins quinze jours avant la signature du marché lorsque d’autres moyens de communication sont utilisés.

3. Dans les quinze jours à compter de la réception de la notification, les candidats ou soumissionnaires peuvent demander à la BCE d’exposer les motifs du rejet de leur candidature ou de leur offre et de leur fournir copie de l’ensemble des documents liés à l’évaluation de leur candidature ou de leur offre. Les soumissionnaires écartés dont les offres étaient recevables peuvent également demander le nom de l’attributaire de même que les caractéristiques essentielles et les avantages relatifs de son offre. Ils peuvent également demander copie de tous les documents relatifs à l’évaluation de l’offre retenue, sous réserve du paragraphe 4.

4. Toutefois, la BCE peut décider de ne pas publier certaines informations au cas où leur divulgation compromettrait les intérêts commerciaux légitimes d’autres fournisseurs, ferait obstacle à l’application des lois, nuirait à la concurrence loyale entre fournisseurs ou serait contraire à l’intérêt public.

5. La BCE publie un avis d’attribution de marché au Journal officiel, en se conformant aux exigences de la directive 2014/24/UE. L’avis est envoyé au Journal officiel dans les trente jours suivant la signature du marché. »

123    Premièrement, la requérante fait valoir que, dans la décision du 9 décembre 2020, l’autorité de surveillance a commis une erreur en ne constatant pas le défaut de motivation de la décision du 1er octobre 2020.

124    Toutefois, il y a lieu de souligner, à la lumière de la jurisprudence citée au point 121 ci-dessus, qu’il appartient au Tribunal d’apprécier si la BCE a motivé à suffisance de droit l’exclusion de la requérante dans ses décisions des 1er octobre et 9 décembre 2020 ainsi que dans ses différentes lettres, et non, comme le réclame la requérante, d’examiner si l’autorité de surveillance a omis de constater que la décision du 1er octobre 2020 était dûment motivée.

125    Deuxièmement, la requérante soutient que la BCE n’a pas précisé les raisons exactes pour lesquelles les lettres qu’elle lui avait envoyées l’avaient intimidée.

126    La lecture du premier point de la décision du 1er octobre 2020 ainsi que des points 5 à 25 de la décision du 9 décembre 2020 permet toutefois de comprendre les raisons pour lesquelles la BCE a considéré, en particulier, que les lettres des 17 et 19 août 2020 envoyées au président du comité des marchés publics par la requérante constituaient une tentative par cette dernière d’influencer indûment la prise de décision dans la procédure de passation de marché en cause.

127    En effet, ainsi qu’il a été démontré aux points 73 à 103 ci-dessus, le contenu de ces lettres, ainsi que les représentants de la BCE auxquels celles-ci ont été adressées en violation des règles de communication relatives à la procédure de passation de marché en cause, sont les deux principales raisons ayant conduit la BCE à exclure la requérante de ladite procédure pour le motif visé à l’article 30, paragraphe 5, sous g), de la décision BCE/2016/2.

128    Par conséquent, il y a également lieu de rejeter le second grief de la cinquième branche du premier moyen.

129    Compte tenu des considérations qui précèdent, il convient de rejeter la cinquième branche du premier moyen dans sa totalité.

d)      Sur le troisième moyen, tiré d’un détournement de pouvoir

130    Dans le cadre du troisième moyen, la requérante présente une argumentation visant à démontrer l’existence d’un détournement de pouvoir commis par la BCE au cours de la procédure de passation de marché en cause.

131    La requérante allègue, en substance, que l’autorité de surveillance a, dans sa décision du 9 décembre 2020, avancé de nouveaux arguments et étoffé ceux, prétendument non fondés, invoqués par le comité des marchés publics dans sa décision du 1er octobre 2020. Ainsi, en ne se bornant pas simplement à « vérifier » la légalité de ladite décision et à examiner les arguments développés par la seule requérante, l’autorité de surveillance aurait repris le rôle du pouvoir adjudicateur et outrepassé les limites de sa marge d’appréciation, aux seules fins d’exclure la requérante de la procédure de passation de marché en cause.

132    Il y a lieu de rappeler à cet égard que l’autorité de surveillance a pour mission essentielle d’examiner le recours interne formé à l’encontre d’une décision prise par le comité des marchés publics.

133    Il y a lieu également de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la notion de détournement de pouvoir se réfère au fait, pour une autorité administrative, d’avoir usé de ses pouvoirs dans un but autre que celui en vue duquel ils lui ont été conférés. Une décision n’est entachée de détournement de pouvoir que si elle apparaît, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été prise à une telle fin (voir arrêt du 23 mai 2014, European Dynamics Luxembourg/BCE, T‑553/11, non publié, EU:T:2014:275, point 323 et jurisprudence citée).

134    Or, en l’espèce, force est de constater que la requérante n’avance aucun indice objectif, pertinent et concordant pour démontrer que la décision du 9 décembre 2020 a été adoptée pour atteindre des fins autres que celles excipées.

135    Par ailleurs, il y a lieu de souligner que l’article 39, paragraphe 2, de la décision BCE/2016/2 prévoit que, dans le cadre d’un recours interne, l’autorité de surveillance est tenue de préciser les raisons sur lesquelles elle s’est fondée pour prendre sa décision. Toutefois, aucune disposition de la décision BCE/2016/2 ne vient limiter ou préciser la portée de son obligation de motivation. Dès lors, l’autorité de surveillance n’est pas tenue, dans le cadre de l’obligation de motivation qui lui incombe, de se borner à étayer ou à compléter les éléments invoqués par le comité des marchés publics. Elle est ainsi en droit d’examiner à la fois les arguments avancés par la requérante elle-même et par le comité des marchés publics, mais également, contrairement à ce que soutient la requérante, de développer ses propres considérations en répondant à ces arguments.

136    Il s’ensuit que le troisième moyen, tiré d’un détournement de pouvoir, doit être rejeté.

137    Il résulte des considérations qui précèdent que les demandes en annulation des décisions des 1er octobre et 9 décembre 2020 doivent être rejetées.

B.      Sur la demande en indemnité

138    La requérante sollicite, en substance, l’allocation de dommages et intérêts en réparation du préjudice constitué par un manque à gagner, la perte d’une chance et l’atteinte portée à sa réputation. Le préjudice subi découlerait directement des décisions prétendument illégales de la BCE des 1er octobre et 9 décembre 2020.

139    Il convient de rappeler que, aux termes de l’article 340, troisième alinéa, TFUE, l’Union doit réparer conformément aux principes généraux communs aux droits des États membres, les dommages causés par elle-même ou par ses agents dans l’exercice de leurs fonctions.

140    Selon une jurisprudence bien établie, l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union, au sens de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué. Dès lors que l’une de ces conditions n’est pas remplie, le recours doit être rejeté dans son ensemble sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres conditions (arrêts du 15 septembre 1994, KYDEP/Conseil et Commission, C‑146/91, EU:C:1994:329, points 19 et 81, et du 20 février 2002, Förde-Reederei/Conseil et Commission, T‑170/00, EU:T:2002:34, point 37). Cette jurisprudence est applicable à l’engagement de la responsabilité non contractuelle de la BCE prévue à l’article 340, troisième alinéa, TFUE (voir arrêt du 23 mai 2014, European Dynamics Luxembourg/BCE, T‑553/11, non publié, EU:T:2014:275, point 342 et jurisprudence citée).

141    En l’espèce, il y a lieu d’observer que la demande en indemnité de la requérante est fondée uniquement sur le même comportement illégal que celui invoqué à l’appui de ses demandes en annulation des décisions des 1er octobre et 9 décembre 2020. Or, ainsi qu’il a été relevé dans le cadre de l’examen de ces demandes, lesdites décisions ne sont entachées d’aucune illégalité.

142    Par conséquent, la condition tenant à l’illégalité du comportement reproché à la BCE n’étant pas remplie, il convient de rejeter la demande en indemnité comme étant non fondée, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres conditions d’engagement de la responsabilité non contractuelle.

143    Il s’ensuit que la demande en indemnité doit également être rejetée.

144    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours doit être rejeté dans sa totalité.

IV.    Sur les dépens

145    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la BCE.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (dixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      European Dynamics Luxembourg SA est condamnée aux dépens.

Kornezov

Buttigieg

Hesse

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 5 octobre 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.


1      Le présent arrêt fait l’objet d’une publication par extraits.