Language of document : ECLI:EU:T:2021:400

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

30 juin 2021 (*)

« Dessin ou modèle communautaire – Procédure de nullité – Dessin ou modèle communautaire enregistré représentant une construction transportable – Dessins ou modèles antérieurs – Preuve de la divulgation – Article 7 du règlement (CE) no 6/2002 – Motif de nullité – Absence de caractère individuel – Absence d’impression globale différente – Article 6, paragraphe 1, sous b), et article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement no 6/2002 – Obligation de motivation »

Dans l’affaire T‑373/20,

Framery Oy, établie à Tampere (Finlande), représentée par Mes A. Renck et C. Stöber, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. J. Ivanauskas et V. Ruzek, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO ayant été

Smartblock Oy, établie à Helsinki (Finlande),

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la troisième chambre de recours de l’EUIPO du 8 avril 2020 (affaire R 616/2019-3), relative à une procédure de nullité entre Smartblock et Framery,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de M. D. Spielmann, président, Mme O. Spineanu-Matei (rapporteure) et M. R. Mastroianni, juges,

greffier : Mme J. Pichon, administratrice,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 15 juin 2020,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 3 septembre 2020,

à la suite de l’audience du 24 mars 2021,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 14 juillet 2016, la requérante, Framery Oy, a présenté une demande d’enregistrement d’un dessin ou modèle communautaire à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires (JO 2002, L 3, p. 1).

2        Le dessin ou modèle communautaire dont l’enregistrement a été demandé et qui est contesté en l’espèce est représenté dans les sept vues suivantes :

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3        Les produits auxquels le dessin ou modèle est destiné à être appliqué relèvent de la classe 25-03 au sens de l’arrangement de Locarno du 8 octobre 1968 instituant une classification internationale pour les dessins et modèles industriels, tel que modifié, et correspondent à la description suivante : « Constructions [transportables] ».

4        Le dessin ou modèle contesté a été enregistré sous le numéro 3305994-0001 et publié au Bulletin des dessins ou modèles communautaires no 135/2016, du 21 juillet 2016.

5        Le 18 décembre 2017, l’autre partie à la procédure, Smartblock Oy, ci-après « Smartblock » a introduit auprès de l’EUIPO une demande de nullité du dessin ou modèle contesté, en vertu de l’article 52 du règlement no 6/2002, pour tous les produits visés au point 3 ci-dessus.

6        Le motif invoqué au soutien de la demande en nullité était celui visé à l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement no 6/2002, lu en combinaison avec l’article 6 de ce règlement, en ce que le dessin ou modèle contesté aurait été dépourvu de caractère individuel. À l’appui de sa demande, Smartblock a indiqué que le dessin ou modèle contesté produisait la même impression globale sur l’utilisateur averti que des dessins ou modèles antérieurement divulgués destinés à être appliqués à des espaces de travail mobiles. Elle s’est référée aux dessins ou modèles « Office POD A » et « Office POD B », développés par la société OfficePOD Ltd. À l’appui de ses allégations, la requérante a produit les éléments de preuve suivants :

–        un extrait de la page Twitter d’OfficePOD, en date du 19 février 2015, représentant l’Office POD A. L’image s’y rapportant est reproduite ci-après :

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–        un extrait de la Wayback Machine (https ://archive.org/web/) du 16 mai 2015 publié sur le site web http ://manofmany.com, représentant l’Office POD A ;

–        un extrait de la page Instagram d’OfficePOD, en date du 22 juin 2015, représentant une autre version de l’Office POD A dans une couleur et à un endroit différents ;

–        un extrait de la Wayback Machine (https ://archive.org/web/) du 19 janvier 2015 publié sur le site web www.officepod.co.uk, représentant l’Office POD B. L’image s’y rapportant est reproduite ci-après :

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–        un extrait de la page Twitter d’OfficePOD en date du 11 novembre 2015, représentant l’Office POD B. L’image s’y rapportant est reproduite ci-après :

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–        un extrait de la page Instagram d’OfficePOD en date du 7 avril 2015, représentant l’Office POD B. L’image s’y rapportant est reproduite ci-après :

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7        Par décision du 29 janvier 2019, la division d’annulation a accueilli la demande en nullité sur la base du dessin ou modèle antérieur Office POD B (ci-après le « dessin ou modèle antérieur »). En substance, d’une part, elle a constaté que Smartblock avait prouvé la divulgation du dessin ou modèle antérieur, conformément à l’article 7 du règlement no 6/2002. D’autre part, s’agissant du prétendu défaut de caractère individuel aux termes de l’article 6 du règlement no 6/2002, la division d’annulation a relevé que le dessin ou modèle contesté était dépourvu d’un tel caractère, dans la mesure où il produisait sur l’utilisateur averti une impression globale qui n’était pas distincte de celle produite par le dessin ou modèle antérieur.

8        Le 19 mars 2019, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 55 à 60 du règlement no 6/2002, contre la décision de la division d’annulation, en soutenant que cette dernière avait erronément reconnu la divulgation du dessin ou modèle antérieur et en faisant valoir que le dessin ou modèle contesté était pourvu de caractère individuel aux termes de l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement no 6/2002, lu en combinaison avec l’article 6 de celui-ci, dans la mesure où il produisait sur l’utilisateur averti une impression globale différente que le dessin ou modèle antérieur. À l’appui de ses allégations, la requérante a produit des captures d’écran, tirées d’une publication de blog du 1er avril 2016 sur le site web www.1millionwomen.com.au/blog/why-you-should-consider-creating-office-space-your-backyard, qui montrent des vues de dessus du dessin ou modèle antérieur. Les images s’y rapportant sont reproduites ci-dessous :

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9        Par décision du 8 avril 2020 (ci-après la « décision attaquée »), la troisième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours de la requérante. En premier lieu, s’agissant de la divulgation du dessin ou modèle antérieur, conformément à l’article 7 du règlement no 6/2002, elle a observé que les images présentées par Smartblock fournissaient des indications suffisantes sur l’antériorité de sa divulgation et sur les caractéristiques essentielles dudit dessin, en ce qu’elles permettaient de distinguer les parois, l’arrière, le toit et l’avant de la construction transportable. En second lieu, en se fondant sur l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement no 6/2002, lu conjointement avec l’article 6 de ce dernier, elle a, en substance, estimé que le dessin ou modèle contesté produisait sur l’utilisateur averti la même impression globale que celle produite par le dessin ou modèle antérieur.

10      À cet égard, premièrement, elle a relevé que la liberté du créateur était limitée par des spécifications techniques, telles que l’insonorisation, la ventilation, la capacité d’offrir un espace suffisant pour l’utilisateur, les prises de courant ou encore la capacité d’aménager un environnement de travail avec des places assises. En revanche, le créateur jouissait d’un degré de liberté élevé par rapport à la forme, aux couleurs et aux matériaux de la construction transportable. Deuxièmement, la chambre de recours a constaté que l’utilisateur averti pouvait être une personne qui utilise ou achète habituellement un tel article et que celui-ci comprenait les vendeurs, les distributeurs de constructions transportables, ainsi que les acheteurs de telles constructions, les salariés et les utilisateurs privés. Troisièmement, s’agissant de la saturation de l’état de l’art, la chambre de recours a considéré que les preuves présentées par la requérante ne suffisaient pas à établir que le secteur de référence était si saturé, à la date de dépôt du dessin ou modèle contesté, qu’un utilisateur averti aurait été particulièrement sensible aux différences entre les dessins ou modèles en cause. Quatrièmement, s’agissant de la comparaison des impressions globales, la chambre de recours a tenu compte de toutes les images du dessin ou modèle antérieur, représentées aux points 6 et 8 ci-dessus. En ce qui concerne les différences entre les dessins ou modèles en cause, la chambre de recours a relevé que, dans le dessin ou modèle antérieur, les cadres avant et arrière étaient plus épais et surplombaient le corps de la construction transportable, la porte d’entrée et la paroi arrière étaient pleines et non transparentes, le toit présentait une protubérance et non quatre grilles d’aération, les parois latérales extérieures ne pouvaient pas être appréciées, mais semblaient être constituées des parois pleines et non divisées en trois panneaux avec des grilles d’aération comme dans le dessin ou modèle contesté. Quant aux éléments de similitude, les dessins ou modèles en cause présentaient des coins arrondis des cadres avant et arrière, une forme « carrée » de la construction transportable, une porte placée entre deux panneaux transparents, une base, des parois latérales et un toit non transparents. Selon la chambre de recours, l’utilisateur averti percevra la porte transparente et la paroi arrière non transparente comme une option, permettant de placer la construction transportable dans une alcôve ou contre un mur, offrant une plus grande intimité pour les usagers. Elle a considéré que les autres différences concernant le toit, les panneaux des parois latérales et la profondeur de la saillie des cadres seront considérés comme négligeables. La chambre de recours en a conclu que les dessins ou modèles en cause produisaient la même impression globale sur l’utilisateur averti et qu’ils étaient en conflit au sens de l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement no 6/2002, lu en combinaison avec l’article 6 de celui-ci.

 Conclusions des parties

11      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée et, partant, rejeter la demande en nullité dans son intégralité ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

12      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité des nouveaux éléments de preuve

13      L’EUIPO conteste la recevabilité des annexes A.10 à A.15 à la requête, en ce qu’elles contiendraient des éléments de preuve qui n’avaient pas été produits devant lui par la requérante lors de la procédure et que celle-ci aurait présentés pour la première fois devant le Tribunal.

14      Il convient de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence qu’un recours porté devant le Tribunal vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de l’EUIPO, au sens de l’article 61, paragraphe 2, du règlement no 6/2002. Il découle de cette disposition que des faits non invoqués par les parties devant les instances de l’EUIPO ne peuvent plus l’être au stade du recours introduit devant le Tribunal. Il découle également de ladite disposition que le Tribunal ne saurait réexaminer les circonstances de fait à la lumière des preuves présentées pour la première fois devant lui. En effet, la légalité d’une décision d’une chambre de recours de l’EUIPO doit être appréciée en fonction des éléments d’information dont elle pouvait disposer au moment où elle l’a arrêtée [voir, en ce sens, arrêt du 12 mars 2014, Tubes Radiatori/OHMI – Antrax It (Radiateur), T‑315/12, non publié, EU:T:2014:115, point 27 ; voir également, en ce sens et par analogie, ordonnance du 26 février 2015, Fundação Calouste Gulbenkian/OHMI, C‑414/14 P, non publiée, EU:C:2015:157, point 38 et jurisprudence citée].

15      En l’espèce, les annexes A.10 à A.15 à la requête consistent en des comparaisons d’images de constructions transportables réelles et de leurs versions retouchées numériquement, d’articles et d’extraits de publications en ligne et de blogs, d’une étude psychologique publiée en 2015, d’un article sur l’absorption phonique d’une pièce publié en 2003, d’un article sur la transmission des sons pour les portes et, enfin, d’une brochure marketing de la requérante de 2020.

16      Il ressort du dossier que les éléments produits aux annexes A.10 à A.15 de la requête et présentés pour la première fois devant le Tribunal doivent être considérés comme étant nouveaux et, comme tels, irrecevables, ainsi que la requérante, interrogée sur ce point lors de l’audience, l’a par ailleurs reconnu. Partant, il y a lieu de les écarter en application de la jurisprudence citée au point 14 ci-dessus.

 Sur le fond

17      À l’appui du recours, la requérante invoque, formellement, quatre moyens, tirés, le premier, d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, le deuxième, d’une violation de l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement no 6/2002, lu conjointement avec l’article 6 dudit règlement, le troisième, de la violation de l’article 62 du règlement no 6/2002, en ce que la chambre aurait omis de motiver son acceptation de la divulgation du dessin ou modèle antérieur et, le quatrième, de la violation de l’article 63 du règlement no 6/2002, en ce que la chambre de recours aurait fondé sa décision sur des éléments de preuve concernant la divulgation du dessin ou modèle antérieur qui n’auraient été fournis par aucune des parties. Toutefois, il ressort de la structure globale de la requête et des réponses apportées par la requérante à l’audience que cette dernière a développé les premier et deuxième moyens en y incluant les critiques figurant dans les troisième et quatrième moyens énoncés ci-dessus. C’est cette structure qui sera suivie par le Tribunal.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 6/2002

18      La requérante fait valoir que la demande en nullité aurait dû être rejetée, en raison de l’insuffisance des preuves apportées par Smartblock afin de démontrer la divulgation du dessin ou modèle antérieur au sens de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 6/2002.

19      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

20      Il convient de rappeler que, selon l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, aux fins de l’application des articles 5 et 6 dudit règlement, un dessin ou modèle est réputé avoir été divulgué au public s’il a été publié à la suite de l’enregistrement ou autrement, ou exposé, utilisé dans le commerce ou rendu public de toute autre manière, avant la date du dépôt de la demande d’enregistrement, sauf si ces faits, dans la pratique normale des affaires, ne pouvaient raisonnablement être connus des milieux spécialisés du secteur concerné opérant dans l’Union.

21      Selon la jurisprudence, un dessin ou modèle est réputé avoir été divulgué une fois que la partie qui fait valoir la divulgation a prouvé les faits constitutifs de cette divulgation. Pour réfuter cette présomption, il incombe, en revanche, à la partie qui conteste la divulgation de démontrer à suffisance de droit que les circonstances de l’espèce pouvaient raisonnablement faire obstacle à ce que ces faits soient connus des milieux spécialisés du secteur concerné dans la pratique normale des affaires [arrêt du 21 mai 2015, Senz Technologies/OHMI – Impliva (Parapluies), T‑22/13 et T‑23/13, EU:T:2015:310, point 26].

22      En premier lieu, la requérante fait valoir que l’image d’une seule vue produite par Smartblock pour démontrer la divulgation du dessin ou modèle antérieur, au sens de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, ne constitue pas une présentation claire et sans ambiguïtés dudit dessin ou modèle. Elle fait valoir que la divulgation d’un seul côté du dessin ou modèle antérieur, sans donner suffisamment d’informations sur l’extérieur de celui-ci, alors que ce dernier constituerait la partie principalement visible du dessin ou modèle antérieur dans le cadre de son usage normal, ne permet pas une comparaison effective et objective des dessins ou modèles en cause. Àcet égard, elle estime que la chambre de recours ne pouvait pas distinguer les côtés manquants du dessin ou modèle antérieur.

23      Il convient de relever, en ce qui concerne l’appréciation de la divulgation au sens de l’article 7 du règlement no 6/2002, qu’il ne ressort pas dudit règlement que la représentation du dessin ou modèle antérieur en cause doive contenir des vues reproduisant celui-ci sous tous les angles possibles, pour autant que cette représentation permette d’identifier la forme et les caractéristiques du dessin ou modèle [voir, en ce sens, arrêt du 29 avril 2020, Bergslagernas Järnvaru/EUIPO – Scheppach Fabrikation von Holzbearbeitungsmaschinen (Outil pour fendre le bois), T‑73/19, non publié, EU:T:2020:157, point 42 et jurisprudence citée].

24      En l’espèce, il ressort du dossier, premièrement, que la vue de face du dessin ou modèle antérieur, fournie par Smartblock par le biais des extraits de la Wayback Machine et des pages Twitter et Instagram, tels qu’illustrée au point 6 ci-dessus, permet à elle-seule d’identifier les caractéristiques pertinentes de celui-ci, soit sa forme parallélépipédique, voire cubique de la construction transportable aux coins arrondis ainsi que sa face avant. S’il est certes vrai que la représentation fournie par Smartblock du dessin ou modèle antérieur n’offre pas une vue de l’extérieur des parois arrière et latérales, il n’en ressort pas moins que, du fait des éléments transparents et de la porte entrouverte dans l’extrait de la Wayback Machine, la présence des parois arrière et latérales pleines et d’un plafond peut être identifiée.

25      Ainsi, même si les images du dessin ou modèle antérieur présentées par Smartblock ne montrent pas toutes les caractéristiques de celui-ci, cette circonstance n’empêche pas de discerner son apparence et d’identifier de manière claire et dépourvue d’ambiguïté le dessin ou modèle antérieur afin de procéder à l’appréciation du caractère individuel du dessin ou modèle contesté par rapport à celui-ci.

26      Contrairement à ce que prétend la requérante, lesdites images et leur qualité suffisent ainsi pour identifier les caractéristiques pertinentes du dessin ou modèle antérieur et constituent des éléments concrets et objectifs qui prouvent une divulgation effective et suffisante du dessin ou modèle antérieur.

27      Deuxièmement, les images du dessin ou modèle antérieur fournies par Smartblock, telles qu’énumérées au point 6 ci-dessus, lesquelles montrent la vue de face de la construction transportable, doivent être appréciées par rapport aux images présentées par la requérante, telles qu’énumérées au point 8 ci-dessus, que montre la vue de dessus.

28      Appréciés les uns par rapport aux autres, les extraits de la Wayback Machine ainsi que les pages Twitter et Instagram et les captures d’écran montrent le même produit au même endroit, avec la porte ouverte ou fermée et une vue de face et de dessus de la construction transportable, de laquelle il ressort que le dessin ou modèle antérieur a été mis à la disposition du public au moins à partir du mois de janvier 2015 au Sotheby’s Institute of Art, qui est un établissement public, ce qui n’est d’ailleurs pas contesté par la requérante qui, en l’espèce, met davantage en cause le caractère complet des images apportées par Smartblock que la divulgation du dessin ou modèle antérieur au public.

29      Dès lors, il ressort de leur appréciation conjointe avec les documents présentés au point 6 ci-dessus que les images décrites au point 8 ci‑dessus ne viennent que confirmer la divulgation du dessin ou modèle antérieur, telle qu’invoquée par Smartblock.

30      En second lieu, la requérante fait valoir que la constatation de la divulgation du dessin ou modèle antérieur de la part de la chambre de recours constitue une violation du principe de clarté et de sécurité juridique, en ce qu’elle étend injustement la protection dudit dessin ou modèle.

31      Il convient de relever qu’une violation, résultant d’une extension indue de la protection d’un dessin ou modèle antérieur, n’a lieu que dans l’hypothèse où la chambre de recours, lors de l’appréciation de l’impression globale produite par le dessin ou modèle antérieur, aurait pris en considération des caractéristiques ne ressortant pas de la vue produite lors de l’enregistrement de celui-ci (arrêt du 29 avril 2020, Outil pour fendre le bois, T‑73/19, non publié, EU:T:2020:157, point 44).

32      En l’espèce, les vues de face et du dessus du dessin ou modèle antérieur permettent d’identifier la forme parallélépipédique, voire cubique de la construction transportable, le cadre avant surplombant légèrement le corps de cette construction, la porte pleine positionnée entre deux panneaux transparents sur la face avant et le toit rigide avec une protubérance. En outre, il est également possible de déduire la présence des parois arrière et latérales pleines ainsi que du cadre arrière. La chambre de recours a dès lors correctement pris en considération, au point 30 de la décision attaquée, toutes les caractéristiques de la construction transportable, et plus précisément les parois, l’arrière, l’avant et le toit de ladite construction. Elle a également correctement identifié, au point 49 de la décision attaquée, la présence des parois arrière et latérales pleines et sans panneaux, visibles de l’intérieur, en raison des éléments transparents qui composent la partie avant de la construction transportable.

33      Il convient ainsi de constater que les preuves produites par Smartblock et complétées par la requérante devant l’EUIPO, telles qu’énumérées aux points 6 et 8 ci-dessus, prises dans leur ensemble, sont susceptibles d’établir à suffisance de droit que le dessin ou modèle antérieur a été divulgué, au sens de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, comme la chambre de recours l’a relevé à juste titre au point 30 de la décision attaquée.

34      En ce qui concerne l’argument formulé par la requérante et tiré d’une violation de l’article 62 du règlement no 6/2002, il convient de relever que celle-ci, sans soulever un moyen tiré d’un défaut de motivation pour l’ensemble de la décision attaquée, comme elle l’a par ailleurs concédé lors de l’audience, a néanmoins critiqué l’absence de commentaires, par la chambre de recours, des éléments de preuve concernant d’éventuels éléments de conception distinctifs à l’arrière et sur les côtés du dessin ou modèle antérieur susceptibles d’affecter l’impression globale produite par celui‑ci. À cet égard, il y a lieu de rappeler que, comme il a été relevé au point 32 ci-dessus, la chambre de recours a tenu compte, au point 30 de la décision attaquée, de toutes les caractéristiques de la construction transportable et a également correctement identifié, au point 49 de la même décision, la présence des parois arrière et latérales pleines et sans panneaux, visibles de l’intérieur. Il convient dès lors d’écarter l’argument de la requérante.

35      S’agissant de l’argument tiré de la violation de l’article 63 du règlement no 6/2002, il y a lieu de constater que la requérante n’a pas été en mesure d’indiquer les preuves qui, selon elle, n’ont été fournies par aucune des parties, mais qui ont été prises en considération par la chambre de recours dans sa décision d’accepter la divulgation.

36      Les autres arguments soulevés par la requérante, dérivant de l’absence d’images complètes de l’arrière, des côtés et du toit du dessin ou modèle antérieur, ne sauraient remettre en cause la constatation de la divulgation du dessin ou modèle antérieur, et seront examinés dans le cadre du second moyen de recours dans la mesure où c’est le caractère individuel du dessin ou modèle qui sera analysé.

37      S’agissant des références opérées par la requérante à l’arrêt du 21 septembre 2017, Easy Sanitary Solutions et EUIPO/Group Nivelles (C‑361/15 P et C‑405/15 P, EU:C:2017:720), il convient de relever qu’elles sont dépourvues de pertinence. En effet, dans cette affaire, la Cour a estimé que la demanderesse en nullité devait fournir les reproductions « précises et complètes » du dessin ou modèle antérieur (arrêt du 21 septembre 2017, Easy Sanitary Solutions et EUIPO/Group Nivelles, C‑361/15 P et C‑405/15 P, EU:C:2017:720, point 65). Toutefois, dans cette affaire, la partie ayant introduit la demande en nullité n’avait pas présenté, dans sa demande en nullité, une reproduction complète du dessin ou modèle dont l’antériorité était alléguée, mais s’était fondée sur une combinaison de ses différents éléments afin d’obtenir l’apparence complète du dessin ou modèle antérieur (arrêt du 21 septembre 2017, Easy Sanitary Solutions et EUIPO/Group Nivelles, C‑361/15 P et C‑405/15 P, EU:C:2017:720, points 66 à 69). Or, cela n’est manifestement pas le cas en l’espèce, dans la mesure où des représentations complètes figurent au dossier.

38      En outre, quant à la référence à l’arrêt du 29 avril 2020, Outil pour fendre le bois (T‑73/19, non publié, EU:T:2020:157), invoqué par la requérante, il convient de relever que, dans cette affaire, le Tribunal a estimé qu’il y avait violation du principe de clarté et de sécurité juridique en étendant injustement la protection du dessin ou modèle antérieur, quand on prendrait en considération des caractéristiques ne ressortant pas de la vue produite du dessin ou modèle (arrêt du 29 avril 2020, Outil pour fendre le bois, T‑73/19, non publié, EU:T:2020:157, point 44).

39      Toutefois, contrairement à ce que prétend la requérante, cela ne signifie pas qu’un dessin ou modèle doit être considéré comme non divulgué quand seulement une partie de ses caractéristiques est visible dans les documents avancés pour démontrer sa divulgation. En l’espèce, et ainsi qu’il a déjà été relevé au point 32 ci-dessus, les parois arrière et latérales étaient visibles de l’intérieur, en raison des éléments transparents qui composent la partie avant de la construction transportable. Par ailleurs, le caractère suffisant des caractéristiques divulguées du dessin ou modèle antérieur pour vérifier si le dessin ou modèle contesté produit la même impression globale que celui-ci doit être apprécié lors de la comparaison des dessins ou modèles en cause au sens de l’article 6 du règlement no 6/2002.

40      Au vu de tout ce qui précède, il convient de rejeter le premier moyen soulevé par la requérante comme étant non fondé.

 Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement no 6/2002, lu conjointement avec l’article 6 de ce règlement

41      La requérante reproche, en substance, à la chambre de recours d’avoir commis une erreur d’appréciation en décidant que le dessin ou modèle contesté était dépourvu de caractère individuel, en violation de l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement no 6/2002, lu conjointement avec l’article 6 de ce règlement.

42      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

43      Il convient de rappeler que l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement no 6/2002 dispose qu’un dessin ou modèle communautaire ne peut être déclaré nul que dans les hypothèses visées sous a) à g) dudit paragraphe, et en particulier dans l’hypothèse visée sous b), à savoir s’il ne remplit pas les conditions fixées aux articles 4 à 9 du même règlement.

44      Parmi les conditions de protection d’un dessin ou modèle par un dessin ou modèle communautaire visées aux articles 4 à 9 du règlement no 6/2002 figure celle afférente au caractère individuel du dessin ou modèle, prévue à l’article 6 de ce règlement. L’article 6, paragraphe 1, sous b), du règlement no 6/2002 prévoit, notamment, qu’un dessin ou modèle communautaire enregistré est considéré comme présentant un caractère individuel si l’impression globale qu’il produit sur l’utilisateur averti diffère de celle que produit sur un tel utilisateur tout dessin ou modèle qui a été divulgué au public avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement. L’article 6, paragraphe 2, du règlement no 6/2002 précise, par ailleurs, que, pour apprécier le caractère individuel d’un dessin ou modèle, il est tenu compte du degré de liberté du créateur dans l’élaboration de celui-ci.

45      Conformément à la jurisprudence, le caractère individuel d’un dessin ou modèle résulte d’une impression globale de différence, ou d’absence de « déjà vu », du point de vue de l’utilisateur averti, par rapport à toute antériorité au sein du patrimoine des dessins ou modèles, sans tenir compte des différences demeurant insuffisamment marquées pour affecter ladite impression globale, bien qu’excédant des détails insignifiants, mais en ayant égard à des différences suffisamment marquées pour créer des impressions d’ensemble dissemblables [voir arrêt du 7 novembre 2013, Budziewska/OHMI – Puma (Félin bondissant), T‑666/11, non publié, EU:T:2013:584, point 29 et jurisprudence citée].

46      Lors de l’appréciation du caractère individuel d’un dessin ou modèle par rapport à toute antériorité au sein du patrimoine des dessins ou modèles, il convient de tenir compte de la nature du produit dans lequel celui-ci est incorporé et, notamment, du secteur industriel dont il relève (voir considérant 14 du règlement no 6/2002), du degré de liberté du créateur dans l’élaboration du dessin ou modèle (voir article 6, paragraphe 2, du règlement no 6/2002), d’une éventuelle saturation de l’état de l’art, laquelle peut être de nature à rendre l’utilisateur averti plus sensible aux différences entre les dessins ou modèles comparés, ainsi que de la manière dont le produit en cause est utilisé, en particulier en fonction des manipulations qu’il subit normalement à cette occasion (voir, en ce sens, arrêt du 7 novembre 2013, Félin bondissant, T‑666/11, non publié, EU:T:2013:584, point 31 et jurisprudence citée).

47      C’est à la lumière des considérations exposées aux points 44 à 46 ci-dessus et eu égard au dessin ou modèle antérieur, dont la divulgation a été démontrée, qu’il convient d’apprécier si le dessin ou modèle contesté est dépourvu de caractère individuel au sens de l’article 6 du règlement no 6/2002.

–       Sur l’utilisateur averti

48      Au point 32 de la décision attaquée, la chambre de recours a relevé que le secteur pertinent par rapport auquel il convenait d’identifier l’utilisateur averti du dessin ou modèle contesté était le secteur industriel des constructions transportables. En outre, au point 38 de la décision attaquée, la chambre de recours a indiqué, en substance, que, eu égard à la fonction des produits dans lesquels il était destiné à être incorporé, à savoir des bureaux transportables, l’utilisateur averti du dessin ou modèle contesté était, d’une part, le vendeur, le distributeur de constructions transportables ainsi que l’acheteur qui en faisait l’acquisition pour son entreprise ou son activité, et, d’autre part, le salarié et l’utilisateur privé qui l’achetait pour augmenter son espace de travail sans avoir à construire un bâtiment supplémentaire.

49      La requérante ne conteste pas les considérations de la chambre de recours quant au secteur industriel et à la définition de l’utilisateur averti retenue par la chambre de recours en ce qu’elle comprend les travailleurs ainsi que les utilisateurs commerciaux, les acheteurs et les vendeurs. Elle fait, toutefois, valoir que les utilisateurs avertis sont des professionnels qui remarqueront toute différence entre les dessins ou modèles comparés et que « le consommateur n’est pas un utilisateur averti ». Les constructions transportables ne seraient pas destinées à être utilisées à l’extérieur, mais à l’intérieur de bureaux disposant d’un espace suffisant pour les accueillir et seraient demandées pour leur fonction d’insonorisation, de sorte qu’il serait peu probable qu’un consommateur achète une construction transportable de grande taille pour un usage privé, étant donné qu’il y aurait peu de chances que celle-ci puisse être installée dans une maison en raison de ses dimensions et qu’il serait plus coûteux que le fait d’insonoriser une partie d’une maison.

50      S’agissant de l’utilisateur averti, cette notion n’est pas définie par le règlement no 6/2002. Selon la jurisprudence, elle doit être comprise comme une notion intermédiaire entre celle de consommateur moyen, applicable en matière de marques, auquel il n’est demandé aucune connaissance spécifique et qui, en général, n’effectue pas de rapprochement direct entre les marques en conflit, et celle d’homme de l’art, expert doté de compétences techniques approfondies. Ainsi, la notion d’utilisateur averti peut s’entendre comme désignant un utilisateur doté non d’une attention moyenne, mais d’une vigilance particulière, que ce soit en raison de son expérience personnelle ou de sa connaissance étendue du secteur considéré (arrêt du 20 octobre 2011, PepsiCo/Grupo Promer Mon Graphic, C‑281/10 P, EU:C:2011:679, point 53).

51      S’agissant plus précisément du niveau d’attention de l’utilisateur averti, si celui-ci n’est pas le consommateur moyen normalement informé et raisonnablement attentif et avisé qui perçoit habituellement un dessin ou un modèle comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails, il n’est pas non plus l’expert ou l’homme de l’art capable d’observer dans le détail les différences minimes susceptibles d’exister entre les modèles ou dessins en cause. Ainsi, le qualificatif « averti » suggère que, sans être un concepteur ou un expert technique, l’utilisateur connaît différents dessins ou modèles existant dans le secteur concerné, dispose d’un certain degré de connaissance quant aux éléments que ces dessins ou modèles comportent normalement et, du fait de son intérêt pour les produits concernés, fait preuve d’un niveau d’attention relativement élevé lorsqu’il les utilise (voir, en ce sens, arrêt du 20 octobre 2011, PepsiCo/Grupo Promer Mon Graphic, C‑281/10 P, EU:C:2011:679, point 59 et jurisprudence citée).

52      Force est de constater que la requérante n’explique, ni ne démontre les raisons pour lesquelles les constructions transportables seraient destinées à être utilisées seulement à l’intérieur d’un bureau et non à l’extérieur. Les seuls arguments avancés par la requérante, concernant l’intérêt de l’utilisateur pour la qualité de l’insonorisation et la capacité d’une construction transportable de s’intégrer au lieu d’utilisation, peuvent bien s’adapter aux caractéristiques des constructions transportables utilisées à l’intérieur tout comme à l’extérieur d’un bâtiment.

53      En outre, le fait que les constructions transportables soient volumineuses et relativement coûteuses n’exclut pas qu’elles puissent être achetées aussi par des utilisateurs privés pour leurs propres besoins. L’existence de solutions alternatives et plus économiques, comme l’insonorisation d’une partie d’une maison, n’exclut pas l’intérêt d’un acheteur privé envers une construction transportable, en raison de ses caractéristiques, telles que la qualité de l’insonorisation, la capacité de s’intégrer au lieu d’utilisation et de pouvoir être transféré d’un lieu à un autre.

54      S’agissant du degré de connaissance et du niveau d’attention de l’utilisateur averti, il ressort en particulier de la jurisprudence citée aux points 50 et 51 ci‑dessus que l’utilisateur averti, en raison de son intérêt pour les produits concernés, fait preuve d’un niveau d’attention relativement élevé lorsqu’il les utilise, et ce indépendamment du fait qu’il soit, comme en l’espèce, un professionnel ou bien le consommateur final des produits en cause, d’autant plus étant donné qu’il s’agit de produits qui ne sont pas de consommation courante et qui sont relativement coûteux.

55      Dès lors, la chambre de recours a correctement indiqué que l’utilisateur averti comprenait également les utilisateurs privés qui achetaient les constructions transportables pour leur propre usage et qui souhaitaient aménager ou augmenter leur espace de travail sans avoir à construire un bâtiment supplémentaire. C’est également à bon droit qu’elle a conclu que le niveau d’attention de l’utilisateur averti était relativement élevé, indépendamment du fait qu’il soit un professionnel ou un consommateur final, ce qui, par ailleurs, a été reconnu par la requérante lors de l’audience. Les arguments visant à remettre en cause une telle conclusion doivent dès lors être écartés.

–       Sur le degré de liberté du créateur

56      Au point 34 de la décision attaquée, la chambre de recours a relevé que le degré de liberté du créateur était limité par les spécifications techniques telles que l’insonorisation, la ventilation, la capacité d’offrir un espace suffisant pour l’utilisateur, les prises de courant ou encore la capacité d’aménager un environnement de travail avec des places assises. La chambre de recours a constaté que le créateur pouvait toutefois choisir parmi une large gamme de couleurs et de matériaux de construction (plastique, métal, verre, bois, etc.). En ce qui concerne la forme, elle a retenu qu’une construction transportable pouvait être conçue sous différentes formes, soit carrée, ronde, ovale, rectangulaire ou même de forme irrégulière. Elle a conclu que, en ce qui concerne l’apparence des constructions transportables, le créateur jouissait d’un degré de liberté élevé.

57      La requérante reconnaît que l’élaboration des dessins ou modèles des constructions transportables est soumise à certaines limitations. Néanmoins, elle fait valoir que la chambre de recours a commis des erreurs dans l’interprétation et l’application des principes visés à l’article 6 du règlement no 6/2002, de sorte que le degré de liberté du créateur dans l’élaboration du dessin ou modèle antérieur serait normal et non élevé.

58      Il convient de rappeler que le degré de liberté du créateur dans l’élaboration d’un dessin ou modèle est défini à partir, notamment, des contraintes liées aux caractéristiques imposées par la fonction technique du produit ou d’un élément du produit, ou encore des prescriptions légales applicables au produit. Ces contraintes conduisent à une normalisation de certaines caractéristiques, devenant alors communes aux dessins ou modèles appliqués au produit concerné [arrêt du 18 mars 2010, Grupo Promer Mon Graphic/OHMI – PepsiCo (Représentation d’un support promotionnel circulaire), T‑9/07, EU:T:2010:96, point 67].

59      Partant, plus la liberté du créateur dans l’élaboration d’un dessin ou modèle est grande, moins des différences mineures entre les dessins ou modèles en cause suffisent à produire une impression globale différente sur l’utilisateur averti. À l’inverse, plus la liberté du créateur dans l’élaboration d’un dessin ou modèle est restreinte, plus les différences mineures entre les dessins ou modèles en cause suffisent à produire une impression globale différente sur l’utilisateur averti. Ainsi, un degré élevé de liberté du créateur dans l’élaboration d’un dessin ou modèle renforce la conclusion selon laquelle les dessins ou modèles ne présentant pas de différences significatives produisent une même impression globale sur l’utilisateur averti [voir arrêt du 18 juillet 2017, Chanel/EUIPO – Jing Zhou et Golden Rose 999 (Ornement), T‑57/16, EU:T:2017:517, point 30 et jurisprudence citée].

60      Il convient de relever que la requérante n’a pas avancé d’éléments de preuve permettant d’établir l’existence d’une quelconque contrainte réglementaire ou technique qui imposerait une forme ou des proportions particulières aux produits en cause. L’affirmation de la requérante selon laquelle la forme rectangulaire est sur le plan technique la plus efficace et facile à réaliser n’est pas corroborée. En outre, la requérante estime que des spécifications techniques liées aux dimensions de la construction transportable doivent être prises en compte afin que celle-ci soit utilisée en conformité avec sa destination. Interrogée à ce sujet lors de l’audience, elle n’a pas été à même d’établir dans quelle mesure des spécifications techniques étaient susceptibles d’avoir un impact sur la forme de ladite construction. Dès lors, il n’est pas possible d’affirmer que le degré de liberté du créateur serait restreint dans l’élaboration de telles constructions, outre que par les limitations déjà relevées par la chambre de recours.

61      Si les exigences d’insonorisation et d’espace rendent nécessaire une construction complètement fermée quant à l’extérieur et limitent les dimensions, la hauteur et le toit des constructions transportables, ces aspects n’exercent aucune contrainte particulière sur le créateur quant à sa forme tridimensionnelle, qui peut être cubique, sphérique, ellipsoïdale, parallélépipédique rectangulaire ou même de forme irrégulière, et à son aspect extérieur. En outre, la porte et les autres éléments, tels que les grilles d’aération, peuvent être placés dans des positions différentes. Le créateur est dès lors libre de choisir la forme, la couleur et la transparence ou l’opacité de la construction transportable, tout comme les motifs et les éléments décoratifs caractérisant la surface de celle-ci.

62      Dès lors, c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que le degré de liberté du créateur était élevé, contrairement aux arguments de la requérante.

–       Sur l’impression globale produite par les dessins ou modèles en cause sur l’utilisateur averti

63      La chambre de recours a confirmé la conclusion de la division d’annulation selon laquelle le dessin ou modèle contesté et le dessin ou modèle antérieur produisaient la même impression globale sur l’utilisateur averti et que certaines différences dans leur apparence n’étaient pas susceptibles de modifier ladite impression.

64      La requérante fait valoir, en substance, que les différences entre les dessins ou modèles en cause sont suffisamment importantes pour produire sur l’utilisateur averti une impression globale différente. En premier lieu, elle soutient que l’arrière et les côtés du dessin ou modèle antérieur ne sont pas visibles et ne pouvaient pas être comparés avec les parties correspondantes du dessin ou modèle contesté. En deuxième lieu, elle fait valoir que la chambre de recours n’a pas tenu compte de la transparence des parois avant et arrière du dessin ou modèle contesté, en considérant que ces éléments seront perçus comme des options. Elle soutient que l’utilisateur averti des dessins ou modèles en cause est informé de la pratique du secteur et du fait qu’aucun des principaux fabricants de constructions transportables ne propose l’option de choisir entre des parois transparentes et non transparentes. Les seules options qui pourraient être choisies porteraient sur la palette des couleurs, l’ameublement et les choix possibles pour les appareils électroniques et les modalités de réservation. En troisième lieu, elle fait valoir que les différences concernant la protubérance sur le toit ainsi que la profondeur de l’avancée des cadres contribuent à produire sur l’utilisateur averti une impression globale différente. En quatrième lieu, la requérante avance que la chambre de recours a apprécié erronément les caractéristiques qui attireraient l’attention de l’utilisateur averti et qu’elle a ignoré les différences importantes entre les dessins ou modèles en cause.

65      Selon la jurisprudence, la comparaison des impressions globales produites par les dessins ou modèles en cause doit être synthétique et ne peut se borner à la comparaison analytique d’une énumération de similitudes et de différences. Cette comparaison doit prendre pour base les caractéristiques divulguées du dessin ou modèle contesté et doit porter uniquement sur les caractéristiques protégées, sans tenir compte des caractéristiques, notamment techniques, exclues de la protection [voir arrêt du 13 juin 2019, Visi/one/EUIPO – EasyFix (Porte-affichette pour véhicules), T‑74/18, EU:T:2019:417, point 84 et jurisprudence citée].

66      Lorsque les similitudes entre les dessins ou modèles en cause concernent des contraintes liées aux caractéristiques imposées par la fonction technique du produit ou d’un élément du produit, ces similitudes n’auront que peu d’importance dans l’impression globale produite par lesdits dessins ou modèles sur l’utilisateur averti (voir, en ce sens, arrêt du 18 mars 2010, Représentation d’un support promotionnel circulaire, T‑9/07, EU:T:2010:96, point 72).

67      En revanche, des différences seront insignifiantes dans l’impression d’ensemble produite par les dessins ou modèles en conflit lorsqu’elles ne sont pas suffisamment marquées pour distinguer les produits en cause dans la perception de l’utilisateur averti ou contrebalancer les similitudes constatées entre ces dessins ou modèles [voir, en ce sens, arrêt du 21 novembre 2013, El Hogar Perfecto del Siglo XXI/OHMI – Wenf International Advisers (Tire-bouchon), T‑337/12, EU:T:2013:601, points 49 à 54].

68      Pour qu’un dessin ou modèle puisse être considéré comme présentant un caractère individuel, l’impression globale que ce dessin ou modèle produit sur l’utilisateur averti doit être différente de celle produite sur un tel utilisateur non pas par une combinaison d’éléments isolés, tirés de plusieurs dessins ou modèles antérieurs, mais par un ou plusieurs dessins ou modèles antérieurs, pris individuellement parmi l’ensemble des dessins ou modèles divulgués au public antérieurement (voir, en ce sens, Porte-affichette pour véhicules, T‑74/18, EU:T:2019:417, point 84 et jurisprudence citée). Par conséquent, ainsi qu’il a été rappelé au point 38 ci-dessus, les vues manquantes ne peuvent être prises en compte et doivent être déductibles des autres vues.

69      Or, les caractéristiques essentielles communes qui dominent l’impression d’ensemble des dessins ou modèles en cause sont représentées par la forme géométrique simple parallélépipédique, aux coins arrondis, avec une porte placée entre deux panneaux transparents symétriques, qui contrastent avec une base, des parois latérales et un toit non transparents et qui donnent l’impression d’une construction minimaliste.

70      En ce qui concerne les autres éléments invoqués par la requérante, il est vrai que les images du dessin ou modèle antérieur ne présentent pas de vue de l’arrière, mais il ressort clairement des parties visibles du dessin ou modèle antérieur que ses parois arrière et latérales sont pleines et que celui-ci est doté d’un plafond. En outre, il ne saurait en résulter une erreur d’appréciation de la chambre de recours quant au fait que la paroi arrière de la construction transportable représentée contient le même cadre que celui visible sur la paroi avant. En effet, la présence du cadre à l’arrière de la construction transportable est clairement déduite de la vue de dessus, représentée au point 8 ci-dessus. Contrairement à ce que suggère la requérante, si la paroi arrière de la construction transportable n’était qu’une paroi pleine, l’avancée du cadre ne serait pas visible. En outre, la différence de couleurs entre la paroi arrière à l’intérieur de la construction transportable et la couleur de l’avancée du cadre souligne la différence entre la paroi arrière et le cadre de la construction transportable, en permettant de les percevoir comme des éléments distincts.

71      Les arguments de la requérante tirés d’une prétendue contradiction de la chambre de recours dans l’appréciation des parois latérales du dessin ou modèle antérieur ne sauraient non plus prospérer. En effet, la requérante soutient que la chambre de recours a, d’une part, relevé que les parois latérales extérieures n’étaient pas visibles et, d’autre part, a considéré que la différence liée aux parois latérales était négligeable. À cet égard, au point 49 de la décision attaquée, la chambre de recours a fait valoir que les parois latérales vues de l’intérieur étaient constituées de parois pleines et sans panneaux. C’est donc cette caractéristique que la chambre de recours considère, au point 53 de la décision attaquée, comme une différence négligeable, et ce sans entrer en contradiction avec son propre raisonnement.

72      Ne saurait non plus prospérer l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours a erronément considéré que la transparence des parois avant et arrière du dessin ou modèle contesté sera perçue comme une option. Il est certes vrai, comme le relève la requérante, qu’un des principaux avantages des constructions transportables est leur capacité à s’intégrer au lieu d’utilisation. Cette caractéristique permet un certain degré de personnalisation en fonction des besoins des clients, ce qui inclut la possibilité de choisir entre des parois transparentes ou non transparentes.

73      Toutefois, la requérante n’a pas suffisamment expliqué comment les différences entre des parois transparentes ou non primeraient sur les caractéristiques essentielles des dessins ou modèles en cause, notamment sur leur forme géométrique simple parallélépipédique aux coins arrondis. Elle se limite à affirmer que, à la date de la publication du dessin ou modèle contesté, elle était presque la seule à offrir des constructions transportables fournies d’une porte et d’une paroi arrière transparentes. De plus, la requérante n’a pas non plus démontré que le choix entre des parois transparentes ou non ne faisait effectivement pas partie de la pratique du secteur des constructions transportables. Enfin, en matière d’insonorisation, même en considérant que le matériau choisi peut avoir un impact sur la qualité de celle-ci, il est toujours possible de réaliser des parois non transparentes avec une bonne qualité d’insonorisation, par exemple avec l’emploi d’un verre non transparent.

74      Dès lors, dans le cadre de la comparaison des impressions globales des dessins ou modèles en cause, c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que l’utilisateur averti accordera davantage d’attention aux caractéristiques essentielles des dessins ou modèles en cause, notamment à leur forme géométrique simple parallélépipédique aux coins arrondis et non aux différences concernant la transparence des parois avant et arrière.

75      Quant à la différence concernant la protubérance sur le toit, la requérante ne partage pas les considérations de la chambre de recours, selon lesquelles le toit ne serait pas visible lors de l’utilisation normale de la construction transportable et qu’il s’agirait ainsi d’une différence négligeable entre les dessins ou modèles en cause.

76      Il est vrai que, comme le considère la requérante, une construction transportable peut être placée au milieu d’un espace, contre un mur ou dans un renfoncement. Toutefois, d’une part, lorsqu’on observe le dessin ou modèle antérieur de face, la protubérance sur le toit de celui-ci n’est pas visible, ainsi qu’il ressort des images produites et comme l’a d’ailleurs reconnu la requérante. D’autre part, en observant le dessin ou modèle antérieur sous d’autres points de vues, la protubérance sur le toit, même si elle est visible, sera perçue comme étant une caractéristique fonctionnelle soit d’aération ou de ventilation.

77      Ainsi, c’est à bon droit que la chambre de recours n’a pas considéré que la protubérance sur le toit était perçue comme une différence significative entre les dessins ou modèles en cause.

78      En ce qui concerne l’argument de la requérante, selon lequel les cadres du dessin ou modèle antérieur surplombent son corps et attirent l’attention de l’utilisateur averti, il convient de relever que, en l’espèce, l’avancée des cadres n’est pas particulièrement prononcée par rapport aux dimensions des constructions transportables qui sont, comme l’a reconnu la requérante, des produits imposants. L’attention de l’utilisateur averti sera attirée principalement sur d’autres éléments du dessin ou modèle contesté, notamment sur sa forme géométrique simple parallélépipédique aux coins arrondis, qui lui donne une impression minimaliste. La différence par rapport à l’avancée des cadres du dessin ou modèle antérieur, contrairement à l’avis de la requérante, n’est pas en mesure de changer cette image en lui donnant une impression de robustesse accrue. En outre, l’avancée des cadres peut être appréciée seulement lorsqu’on observe la construction transportable sous certains angles, ce qui va limiter grandement son rôle dans l’appréciation du caractère individuel du dessin ou modèle contesté.

79      Dès lors, c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré que la différence concernant la profondeur des cadres avant et arrière était négligeable.

80      Les arguments de la requérante sur l’appréciation erronée, lors de la comparaison directe entre les dessins ou modèles en cause, des caractéristiques qui attireraient l’attention de l’utilisateur averti et des différences importantes entre les dessins ou modèles en cause ne sauraient non plus prospérer.

81      Premièrement, s’agissant de la similitude concernant les coins arrondis, la requérante estime que lesdits coins peuvent être appréciés seulement à partir des vues de face des dessins ou modèles en cause. Il ressort des vues 1.1 à 1.3 du dessin ou modèle contesté, au point 6 ci-dessus, et de toutes les images du dessin ou modèle antérieur, au point 8 ci-dessus, que les coins arrondis sont visibles de plusieurs perspectives, notamment celles de face, de dessus et de côté. En outre, même si les coins ne sont pas identiques dans leur courbure ou dans l’épaisseur des cadres, ces différences ne sont pas remarquées par l’utilisateur averti. Ainsi qu’il a été rappelé au point 51 ci-dessus, l’utilisateur averti n’est pas un expert capable d’observer dans le détail les différences minimes susceptibles d’exister entre les dessins ou modèles en conflit.

82      Deuxièmement, quant à la différence entre la forme « carrée » du dessin ou modèle antérieur et la forme « rectangulaire » du dessin ou modèle contesté, il convient de rappeler, eu égard au point 62 ci-dessus, que le créateur jouissait d’un degré de liberté élevé quant au choix de la forme de la construction transportable. Or, les dessins ou modèles en cause ressemblent tous deux à des parallélépipèdes droits. Le dessin ou modèle contesté ressemble à un cube, alors que le dessin ou modèle antérieur s’apparente à un pavé. Toutefois, le rapport des faces du pavé du dessin ou modèle antérieur ne s’éloigne pas de façon significative de celui des faces du cube du dessin ou modèle contesté.

83      Troisièmement, s’agissant de la position de la porte au centre des deux dessins ou modèles en cause, l’argument de la requérante, selon lequel il s’agit de la seule position possible en raison des contraintes techniques, ne peut être retenu. Les exemples des constructions transportables présentés dans les annexes A.8 et A.9 montrent plusieurs constructions transportables avec des coins arrondis et des portes placées dans diverses positions. Il s’ensuit que la position centrale de la porte est seulement une des options disponibles du créateur et répond à une exigence précise sur le plan esthétique, à savoir celle de donner une image symétrique aux dessins ou modèles en cause.

84      Quatrièmement, s’agissant de la possible présence d’éléments ultérieurs de différenciation sur les parois latérales, tels qu’une fenêtre ou une paroi vitrée, il convient de relever que les éléments transparents dans la face avant de la construction transportable montrent des parois arrière et latérales pleines et sans panneaux, incompatibles avec la présence des éléments de différenciation mentionnés par la requérante.

85      Cinquièmement, s’agissant du seuil large et haut devant la porte, formé par la partie inférieure du cadre frontal dans le dessin ou modèle antérieur, il convient de relever, tel que cela est estimé par la requérante, que, dans le dessin ou modèle contesté, il n’y a pas un seuil distinct et visible.

86      Il ressort de la jurisprudence que, lors de la comparaison des dessins ou modèles, la comparaison ne peut prendre comme base que les caractéristiques divulguées dans le dessin ou modèle contesté [arrêt du 13 juin 2017, Ball Beverage Packaging Europe/EUIPO – Crown Hellas Can (Canettes), T‑9/15, EU:T:2017:386, point 87].

87      Dès lors, dans la mesure où la représentation du dessin ou modèle contesté ne comporte pas de vues avec un seuil distinct et visible, c’est à juste titre que la chambre de recours, au point 51 de la décision attaquée a conclu que la configuration du seuil à l’entrée de la construction transportable ne devait pas être prise en compte dans l’appréciation de l’impression globale.

88      L’impression globale des dessins ou modèles en cause est dominée par une forme géométrique simple parallélépipédique aux coins arrondis, avec une porte placée entre deux panneaux transparents, qui contrastent avec une base, des parois latérales et un toit non transparents. La synergie de ces quatre caractéristiques fondamentales renforce l’impression de minimalisme et de symétrie des dessins ou modèles en cause et véhicule, auprès de l’utilisateur averti, auquel doivent être attribués un niveau d’attention relativement élevé et une vigilance particulière, la même impression globale.

89      Dès lors, compte tenu du degré de liberté élevé dont jouit le créateur dans l’élaboration du dessin ou modèle contesté, les différences concernant la transparence de l’arrière de la construction transportable et de la porte ainsi que la protubérance sur le toit ne suffisent pas à produire une impression globale différente sur l’utilisateur averti et à écarter l’impression de « déjà vu » du point de vue de cet utilisateur du dessin ou modèle contesté par rapport au dessin ou modèle antérieur.

90      Partant, au vu de tout ce qui précède, il convient de rejeter le second moyen de recours et, ainsi, le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

91      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé et l’EUIPO ayant conclu à sa condamnation aux dépens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Framery Oy est condamnée aux dépens.

Spielmann

Spineanu-Matei

Mastroianni

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 30 juin 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.