Language of document : ECLI:EU:C:2021:350

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. GIOVANNI PITRUZZELLA

présentées le 29 avril 2021 (1)

Affaire C783/19

Comité Interprofessionnel du Vin de Champagne

contre

GB

[demande de décision préjudicielle formée par l’Audiencia Provincial de Barcelona (cour provinciale de Barcelone, Espagne)]

« Renvoi préjudiciel – Protection des indications géographiques et des appellations d’origine des produits agricoles et des denrées alimentaires – Services – Notion d’“évocation” – Comparabilité des produits – AOP “Champagne” – Utilisation de la dénomination “Champanillo” pour des services de restauration »






1.        La demande de décision préjudicielle faisant l’objet des présentes conclusions porte sur l’interprétation de l’article 103 du règlement (UE) no 1308/2013 (2).

2.        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant le Comité Interprofessionnel du Vin de Champagne (CIVC) à GB, concernant l’usage, dans la vie des affaires, du signe « CHAMPANILLO » pour désigner des établissements commerciaux destinés à une activité de restauration.

I.      Le cadre juridique

3.        L’article 92, paragraphes 1 et 2, du règlement no 1308/2013, qui relève de la section 2 de ce règlement, dispose :

« 1.      Les règles relatives aux appellations d’origine, indications géographiques et mentions traditionnelles prévues dans la présente section s’appliquent aux produits visés à l’annexe VII, partie II, points 1, 3 à 6, 8, 9, 11, 15 et 16 (3).

2.      Les règles prévues au paragraphe 1 visent à :

a)      protéger les intérêts légitimes des consommateurs et des producteurs ;

b)      assurer le bon fonctionnement du marché intérieur des produits concernés ; ainsi que

c)      promouvoir la production de produits de qualité visés dans la présente section, tout en autorisant les mesures nationales en matière de qualité. »

4.        L’article 93, paragraphe 1, sous a), de ce règlement dispose :

« 1.      Aux fins de la [section 2 dudit règlement], on entend par :

a)      “appellation d’origine”, le nom d’une région, d’un lieu déterminé ou, dans des cas exceptionnels et dûment justifiés, d’un pays, qui sert à désigner un produit visé à l’article 92, paragraphe 1, satisfaisant aux exigences suivantes :

i)      sa qualité et ses caractéristiques sont dues essentiellement ou exclusivement à un milieu géographique particulier et aux facteurs naturels et humains qui lui sont inhérents ;

ii)      il est élaboré exclusivement à partir de raisins provenant de la zone géographique considérée ;

iii)      sa production est limitée à la zone géographique considérée ; ainsi que

iv)      il est obtenu exclusivement à partir de variétés de vigne de l’espèce Vitis vinifera ; »

5.        L’article 103, paragraphe 2, dudit règlement, intitulé « Protection », dispose :

« Une appellation d’origine protégée [(AOP)] et une indication géographique protégée [(IGP)], ainsi que le vin qui fait usage de cette dénomination protégée en respectant le cahier des charges correspondant, sont protégés contre :

a)      toute utilisation commerciale directe ou indirecte de cette dénomination protégée :

i)      pour des produits comparables ne respectant pas le cahier des charges lié à la dénomination protégée ; ou

ii)      dans la mesure où ladite utilisation exploite la réputation d’une appellation d’origine ou indication géographique ;

b)      toute usurpation, imitation ou évocation, même si l’origine véritable du produit ou du service est indiquée ou si la dénomination protégée est traduite, transcrite, translittérée ou accompagnée d’une expression telle que “genre”, “type”, “méthode”, “façon”, “imitation”, “goût”, “manière” ou d’une expression similaire ;

[...] »

6.        Conformément à l’article 104, première phrase, du règlement no 1308/2013, « [l]a Commission établit et tient à jour un registre électronique, accessible au public, des [AOP] et des [IGP] relatives aux vins ».

7.        En vertu de l’article 107, paragraphe 1, du règlement no 1308/2013, certaines AOP de vins existant avant l’entrée en vigueur de ce règlement sont automatiquement protégées au titre de celui‑ci et inscrites au registre prévu à l’article 104 dudit règlement. La dénomination « champagne » est une AOP au sens de l’article 93, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1308/2013, enregistrée au niveau de l’Union (4) et protégée en vertu de l’article 107, paragraphe 1, de ce règlement, en tant qu’existante avant l’entrée en vigueur de celui‑ci. Cette dénomination est réservée aux vins mousseux de qualité (blancs ou rosés) tels que définis à l’annexe VII, partie II, point 5), dudit règlement, produits, conformément aux spécifications définies dans le cahier des charges correspondant, dans certaines zones ou villages des départements français de la Marne et de l’Aube ainsi que dans la région du Grand Est.

II.    Le litige au principal, les questions préjudicielles et la procédure devant la Cour

8.        Le CIVC, partie requérante au principal, est un organisme semi‑public doté de la personnalité juridique, reconnu en droit français et chargé de protéger les intérêts des producteurs de champagne. Le CIVC a intenté une action devant le Juzgado de lo Mercantil de Barcelona (tribunal de commerce de Barcelone, Espagne) aux fins d’obtenir de GB, partie défenderesse au principal, la cessation de l’usage, y compris sur les réseaux sociaux (Instagram et Facebook), du signe « CHAMPANILLO », le retrait du marché et d’Internet de toutes les enseignes et de tous les documents publicitaires ou commerciaux sur lesquels figure ledit signe, ainsi que la suppression du nom de domaine « champanillo.es ». GB s’est constituée partie à l’instance en faisant valoir que le signe « CHAMPANILLO » est utilisé en tant que nom commercial d’établissements destinés à la restauration (des « tapas bar » situés dans la communauté autonome de Catalogne), sans aucun risque de confusion avec les produits visés par la dénomination « champagne » et sans aucune intention d’exploiter la réputation de cette appellation.

9.        Le Juzgado de lo Mercantil de Barcelona (tribunal de commerce de Barcelone) a rejeté l’ensemble des demandes du CIVC. Il a estimé que l’utilisation du signe « CHAMPANILLO » ne comportait pas une évocation portant atteinte à l’AOP « champagne », puisqu’il visait à désigner non pas une boisson alcoolique, mais des établissements de restauration – qui ne commercialisent pas de champagne – et, par conséquent, des produits autres que ceux protégés par l’AOP, s’adressant à un public différent. Dans les motifs de ce jugement, le Juzgado de lo Mercantil de Barcelona (tribunal de commerce de Barcelone) a renvoyé à la solution dégagée dans un arrêt de 2016 du Tribunal Supremo (Cour suprême, Espagne), dans lequel celui‑ci a exclu que l’utilisation du terme « CHAMPÌN » pour commercialiser une boisson gazeuse sans alcool à base de fruits, destinée à la consommation lors de fêtes pour enfants, portait atteinte à l’AOP « champagne », compte tenu de la différence entre les produits concernés et du public auquel ils s’adressaient, et malgré la similitude phonétique entre les deux signes (5).

10.      Le CIVC a interjeté appel du jugement du Juzgado de lo Mercantil de Barcelona (tribunal de commerce de Barcelone) devant l’Audiencia provincial de Barcelona (cour provinciale de Barcelone, Espagne). Celle-ci a relevé que i) GB avait tenté à deux reprises d’enregistrer le signe « CHAMPANILLO » en tant que marque auprès de l’office des brevets espagnol et que ces demandes avaient été rejetées par décisions des 8 février 2011 et 14 avril 2015, à la suite d’une opposition formée par le CIVC, ii) GB utilisait comme support graphique pour faire la publicité de ses établissements l’image de deux coupes contenant une boisson mousseuse, iii) le CIVC avait produit des documents attestant que, jusqu’en 2015, GB commercialisait dans ses établissements un vin (6) mousseux dénommé « Champanillo » et que les ventes n’ont cessé qu’à la suite d’une intervention du CIVC.

11.      La juridiction de renvoi relève que tant l’article 13 du règlement (CE) no 510/2006 (7) que l’article 103 du règlement no 1308/2013 protègent les AOP vis-à-vis de produits, à la seule exception de l’article 103, paragraphe 2, sous b), de ce règlement qui mentionne également les services. Elle indique nourrir des doutes quant à la portée et à l’interprétation correcte des dispositions du droit de l’Union sur la protection des AOP dans une situation dans laquelle le signe en conflit avec une telle appellation est utilisé dans le commerce pour désigner non pas des produits, mais des services.

12.      C’est dans ce contexte que l’Audiencia Provincial de Barcelona (cour provinciale de Barcelone) a sursis à statuer et a saisi la Cour des questions préjudicielles suivantes :

« 1)      Le champ de protection d’une appellation d’origine permet-il de la protéger non seulement vis-à-vis de produits similaires, mais également vis-à-vis de services qui pourraient être liés à la distribution directe ou indirecte de ces produits ?

2)      Le risque d’atteinte constituée par l’évocation à laquelle les articles des règlements de l’Union mentionnés renvoient exige-t-il de réaliser principalement une analyse de la dénomination utilisée pour déterminer l’incidence de celle‑ci sur le consommateur moyen, ou, pour analyser ce risque d’atteinte constituée par l’évocation, faut-il préalablement déterminer qu’il s’agit des mêmes produits, de produits similaires ou de produits complexes qui contiennent, parmi leurs composants, un produit protégé par une appellation d’origine ?

3)      Le risque d’atteinte constituée par l’évocation doit-il être déterminé au moyen de critères objectifs lorsqu’il existe une identité ou une forte similitude des dénominations, ou doit-il être mesuré en tenant compte des produits et services évocateurs et évoqués pour conclure que le risque d’évocation est faible ou dénué de pertinence ?

4)      La protection prévue par les règlements pertinents dans les cas où il existe un risque d’évocation ou d’exploitation est-elle une protection spécifique, propre aux particularités de ces produits, ou la protection doit-elle être nécessairement liée aux dispositions relatives à la concurrence déloyale ? »

13.      Des observations ont été présentées en vertu de l’article 23 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne par le CIVC, par les gouvernements italien et français, ainsi que par la Commission. En vertu de l’article 61, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, cette dernière a invité, à titre de mesure d’organisation de la procédure, les parties au principal et les intéressés visés à l’article 23 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne à répondre à certaines questions par écrit. Le CIVC, GB, les gouvernements français et italien ainsi que la Commission européenne ont répondu à cette mesure.

III. Analyse

A.      Observations liminaires

14.      Avant de procéder à l’examen des questions préjudicielles, il convient d’apporter quelques précisions sur le cadre juridique exposé dans la décision de renvoi.

15.      Il ressort, en premier lieu, de la décision de renvoi que l’Audiencia Provincial de Barcelona (cour provinciale de Barcelone) considère que tant la convention bilatérale entre l’État espagnol et la République française sur la protection des appellations d’origine, des indications de provenance et des dénominations de certains produits du 27 juin 1973 (8), que le décret no 2010‑1441, du 22 novembre 2010, relatif à l’appellation d’origine contrôlée « Champagne » (9), pris en vertu de cette convention, et l’article L 643‑1 du code rural français (10) sont applicables au litige au principal. Selon la juridiction de renvoi, ces dispositions du droit français sont « complété[e]s » par les dispositions applicables du droit de l’Union.

16.      Or, ainsi que la Commission l’a souligné à juste titre dans ses observations écrites, la Cour a déjà eu l’occasion de préciser, s’agissant du règlement (CE) no 1234/2007 (11) (abrogé et remplacé depuis le 20 décembre 2013 par le règlement no 1308/2013), que le régime de protection des appellations d’origine institué par la législation de l’Union est « uniforme et exclusif », et s’oppose tant à l’application d’un régime de protection national d’indications géographiques protégées au titre de cette législation (12) qu’à l’application d’un régime de protection prévu par des traités liant deux États membres (13).

17.      En second lieu, si, dans la formulation des questions préjudicielles, l’Audiencia provincial de Barcelona (cour provinciale de Barcelone) ne fait expressément référence à aucune disposition spécifique des règlements de l’Union en matière de protection des AOP, dans les motifs de l’ordonnance de renvoi, cette juridiction se réfère, comme nous l’avons vu, tant à l’article 103 du règlement no 1308/2013 qu’à l’article 13 du règlement no 510/2006 (14). Toutefois, l’article 1er, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement no 510/2006 (15) exclut expressément de son champ d’application les produits relevant du secteur vitivinicole. Par conséquent, ni le règlement no 510/2006 ni le règlement no 1151/2012, qui l’a remplacé, ne s’appliquent au litige au principal.

18.      Néanmoins, dès lors que les dispositions en matière de protection des indications géographiques contenues dans les différents règlements sectoriels sont rédigées en des termes largement identiques, la Cour reconnaît, selon une jurisprudence constante, aux principes dégagés dans le cadre de l’interprétation de chaque régime de protection une application transversale (16).

19.      S’agissant, enfin, de l’application ratione temporis de la réglementation de l’Union, bien qu’il n’y ait pas d’indication expresse en ce sens dans l’ordonnance de renvoi, il apparaît, de toute évidence, que les comportements contre lesquels le recours du CIVC est dirigé ont été commis, à tout le moins en partie, après l’entrée en vigueur du règlement no 1308/2013. Il s’ensuit que les questions préjudicielles doivent être entendues en ce sens qu’elles visent à obtenir une interprétation de l’article 103, paragraphe 2, de ce règlement. En outre, bien que cet élément ne ressorte pas non plus expressément de l’ordonnance de renvoi, il est possible que certains des comportements illicites reprochés à GB et portant atteinte à l’AOP « champagne » aient commencé pendant la période où le règlement no 1234/2007 était en vigueur. Dès lors, même si, lors de l’examen des questions préjudicielles, je me référerai uniquement à l’article 103, paragraphe 2, sous b), du règlement no 1308/2013, les réponses que je proposerai d’apporter à ces questions sont également valables aux fins de l’interprétation de l’article 118 quatordecies du règlement no 1234/2007, tel que modifié par le règlement (CE) no 491/2009 (17), qui est rédigé en des termes en substance identiques.

B.      Sur la première question préjudicielle

20.      Par sa première question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande en substance si les AOP ne sont protégées que contre des pratiques se rapportant à des produits identiques ou comparables à ceux désignés par l’appellation ou également contre des pratiques relatives à des services liés à la distribution directe ou indirecte de ces produits.

21.      Cette question est formulée de manière large, susceptible de couvrir tous les comportements interdits en vertu de l’article 103, paragraphe 2, du règlement no 1308/2013.

22.      Il ressort toutefois tant du dossier de l’affaire au principal (18) que du libellé des deuxième et troisième questions préjudicielles et des motifs de la décision de renvoi que les doutes de l’Audiencia provincial de Barcelona (cour provinciale de Barcelone) et le litige que cette juridiction est appelée à trancher concernent spécifiquement la protection contre toute évocation prévue à l’article 103, paragraphe 2, sous b), du règlement no 1308/2013.

23.      Néanmoins, dans leurs observations écrites respectives, tant le CIVC que la Commission se sont expressément référés à l’article 103, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1308/2013, tandis que le gouvernement français a examiné la première question préjudicielle au regard de l’ensemble des comportements interdits par l’article 103, paragraphe 2, de ce règlement, y compris les pratiques visées sous c) et d) de cette disposition (19).

24.      À titre de mesure d’organisation de la procédure, la Cour a invité les parties et les intéressés, au sens de l’article 23 de son statut, à se prononcer sur la possibilité d’appliquer dans l’affaire en cause au principal l’article 103, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement no 1308/2013, disposition qui interdit toute utilisation commerciale directe ou indirecte de la dénomination protégée qui exploite la réputation de cette dernière. La question posée par la Cour faisait expressément référence au point 31 de l’arrêt du 7 juin 2018, Scotch Whisky Association (20) (ci‑après l’« arrêt Scotch Whisky Association »), dans lequel, se prononçant sur l’interprétation de l’article 16, sous a), du règlement (CE) no 110/2008 (21), la Cour a précisé que « les situations pouvant être couvertes par [cette disposition] doivent répondre à l’exigence d’un usage, par le signe litigieux, de l’indication géographique enregistrée à l’identique ou, à tout le moins, de façon fortement similaire, d’un point de vue phonétique et/ou visuel ».

25.      Il ne fait aucun doute que l’AOP « champagne » et le signe contesté « CHAMPANILLO » présentent un certain degré de similitude sur le plan phonétique et visuel, en particulier si la comparaison est effectuée en tenant compte de la traduction espagnole de l’AOP, « Champán » (22). En effet, à l’exception de l’accent, cette dernière est entièrement reproduite et immédiatement perceptible tant sur le plan visuel que phonétique dans la dénomination contestée. Il est donc légitime de se demander, y compris aux fins de délimiter la portée de la première question préjudicielle, si l’article 103, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement no 1308/2013 est effectivement applicable à une situation telle que celle du litige en cause au principal, autrement dit si l’utilisation du signe contesté peut constituer une « utilisation » de l’AOP « champagne » au sens de cette disposition (23).

26.      Comme la Commission, je suis toutefois enclin à répondre par la négative à cette interrogation et à considérer que les comportements reprochés par le CIVC doivent être examinés à la lumière du seul point b) de l’article 103, paragraphe 2, du règlement no 1308/2013.

27.      En effet, si la notion d’« utilisation » d’une indication géographique protégée au sens de l’article 103, paragraphe 2, sous a), de ce règlement est susceptible d’inclure également l’usage, par le signe litigieux, d’une telle indication « de façon fortement similaire, d’un point de vue phonétique et/ou visuel » (24), les précisions apportées par la Cour dans l’arrêt Scotch Whisky Association conduisent à considérer que le degré de similitude requis entre les signes en conflit pour qu’une telle utilisation puisse être constatée est particulièrement élevé et proche de l’identité. Au point 29 de cet arrêt, la Cour a en effet expliqué que relève du champ d’application de cette disposition une utilisation de l’indication géographique protégée « sous une forme présentant des liens tellement étroits avec celle‑ci, d’un point de vue phonétique et/ou visuel, que le signe litigieux en est à l’évidence indissociable ».

28.      Or, la comparaison des signes en conflit dans le litige au principal ne répond pas, à mon avis, à une telle description. En particulier, la situation en cause au principal se distingue de celle qui faisait l’objet de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt CIVC, dans laquelle il s’agissait également de la reproduction, en tant que partie de la dénomination d’un produit, d’une traduction de l’AOP « champagne ». En effet, dans ce cas, le signe « Champagner » (traduction en allemand de l’appellation « champagne ») était utilisé isolément dans la dénomination contestée, même s’il était suivi de la mention « Sorbet ». En revanche, le signe contesté en cause au principal s’éloigne sensiblement, tant sur le plan visuel que phonétique, de la dénomination en espagnol « Champàn » en raison de l’ajout à cette dénomination du suffixe « illo ».

29.      Je relève du reste que cet ajout semble, au contraire, permettre d’établir une forte similitude, voire une véritable identité conceptuelle entre l’appellation « champagne » et le signe litigieux, si, comme cela semble ressortir du dossier, celui‑ci signifie littéralement « petit champagne » et correspond grosso modo, en italien, au terme familier « champagnino » (en français « petit champagne »). Cet élément milite, à mon sens, à plus forte raison en faveur de l’inclusion des pratiques incriminées dans le champ d’application de l’article 103, paragraphe 2, sous b), du règlement no 1308/2013, qui, comme il sera mieux exposé ci‑après, s’applique à des situations dans lesquelles une association se crée dans l’esprit du consommateur pertinent entre le signe litigieux et le produit bénéficiant de l’AOP (25).

30.      Enfin, je relève que, en statuant sur l’interprétation de l’article 13, paragraphe 1, du règlement no 1151/2012, dont le libellé est rédigé en des termes largement identiques à ceux de l’article 103, paragraphe 2, du règlement no 1308/2013, la Cour a reconnu que cette disposition contenait une énumération graduée d’agissements interdits et que le champ d’application de l’article 13, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1151/2012 doit nécessairement se distinguer de celui afférent aux autres règles de protection des dénominations enregistrées et, en particulier, de celui de l’article 13, paragraphe 1, sous b) (26). Or, une interprétation trop large de la notion d’« utilisation », au sens de l’article 103, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement no 1308/2013, qui y inclurait des situations dans lesquelles la pratique prétendument illicite consiste en l’utilisation de l’appellation protégée sous une forme qui ne correspond pas substantiellement à celle enregistrée, risque d’amenuiser excessivement la démarcation entre les cas de figure visés par cette disposition et ceux visés à l’article 103, paragraphe 2, sous b) de ce règlement, ce qui rendrait difficile de maintenir une autonomie effective entre ces deux dispositions.

31.      Ces précisions apportées, la réponse à la première question préjudicielle, telle que délimitée ci‑dessus, ne soulève pas, à mon avis, de difficultés particulières.

32.      En effet, le libellé de l’article 103, paragraphe 2, sous b), du règlement no 1308/2013 indique expressément que les AOP sont protégées contre toute « usurpation, imitation ou évocation, même si l’origine véritable du produit ou du service est indiquée » (27). Il ne fait aucun doute, tant du point de vue de la syntaxe que de la cohérence logique intrinsèque de la règle énoncée, que cette disposition se réfère à l’origine du produit ou du service désigné par le signe contesté. Il ne saurait, du reste, en être autrement, comme le relève à juste titre le gouvernement italien, dès lors que, conformément à la définition énoncée à l’article 93, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1308/2013, les AOP désignent un produit au sens de l’article 92, paragraphe 1, de ce règlement et ne peuvent donc pas être enregistrées pour des services.

33.      L’interprétation littérale de l’article 103, paragraphe 2, sous b), du règlement no 1308/2013 milite donc en faveur de la thèse selon laquelle les AOP bénéficient d’une protection contre les pratiques relevant de son champ d’application même lorsque ces pratiques concernent des services.

34.      Une interprétation téléologique de cette disposition milite également en ce sens.

35.      La Cour a reconnu que le règlement no 1308/2013 constituait un instrument de la politique agricole commune visant notamment à empêcher que des tiers ne tirent abusivement profit de la réputation découlant de la qualité des produits munis d’indications géographiques enregistrées en vertu de ses dispositions (28).

36.      L’article 103, paragraphe 2, de ce règlement instaure donc une protection très large qui, conformément à ce qui est énoncé à la première phrase du considérant 97 dudit règlement, a vocation à s’étendre à toute « utilisation visant à profiter de la réputation associée aux produits » visés par l’une de ces indications.

37.      Plus spécifiquement, le point b) du paragraphe 2 de cet article interdit toute pratique visant à exploiter indûment la réputation d’une AOP (ou d’une IGP) par association avec celle‑ci.

38.      Dans ces conditions, une interprétation de l’article 103, paragraphe 2, sous b), du règlement no 1308/2013 qui ne permettrait pas de protéger une AOP dans le cas où le signe contesté désigne un service et non un produit non seulement ne serait pas cohérente avec la portée étendue reconnue par la Cour à la protection des indications géographiques enregistrées, mais, en outre, comme le relève à juste titre le gouvernement italien, ne permettrait pas d’atteindre pleinement l’objectif de protection énoncé à la première phrase du considérant 97 de ce règlement. En effet, une exploitation indue de la réputation d’un produit bénéficiant d’une AOP est susceptible de se produire non seulement dans le cas où la pratique interdite à l’article 103, paragraphe 2, sous b), dudit règlement a trait à un produit, mais également lorsqu’elle concerne un service.

39.      Afin de répondre aux objectifs énoncés dans le règlement no 1308/2013, cette disposition doit donc s’appliquer également dans les cas où l’AOP est évoquée dans le cadre de la commercialisation d’un service. Cette conclusion ressort également de la seconde phrase du considérant 97 dudit règlement, à laquelle font référence le CIVC, les gouvernements italien et français, ainsi que la Commission, selon laquelle « [p]our favoriser une concurrence loyale [...] il convient que [la] protection [des AOP et des IGP] concerne également des produits et services ne relevant pas du[dit] règlement, y compris ceux qui ne figurent pas à l’annexe I des traités » (29). Il convient en outre d’observer que, s’agissant spécifiquement des appellations d’origine protégées et des indications géographiques protégées pour les vins, le considérant 92 du règlement no 1308/2013 encourage un alignement sur le règlement no 1151/2012, qui énonce la législation horizontale de l’Union en matière de qualité. Le considérant 32 de ce dernier règlement précise également qu’« [i]l y a lieu d’étendre la protection des appellations d’origine et des indications géographiques aux usurpations, imitations et évocations des dénominations enregistrées concernant des biens ainsi que des services », et fait expressément mention de la nécessité de garantir un niveau de protection élevé et de « l’aligner sur celle applicable au secteur du vin ».

40.      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, je propose donc à la Cour de répondre à la première question préjudicielle en déclarant que l’article 103, paragraphe 2, sous b), du règlement no 1308/2013 doit être interprété en ce sens que des actes d’usurpation, d’imitation ou d’évocation d’une AOP liés à des services sont également susceptibles de relever du champ d’application de cette disposition.

41.      Avant de poursuivre mon analyse, je souhaite préciser, dans l’hypothèse où la Cour déciderait de ne pas limiter la réponse à la première question préjudicielle à la seule interprétation de l’article 103, paragraphe 2, sous b), du règlement no 1308/2013, que la même portée que je propose à la Cour de donner à cette disposition doit, à mon sens, également être reconnue à l’article 103, paragraphe 2, sous a), ii), de ce règlement.

42.      En effet, d’une part, le libellé de cette disposition, qui fait référence à « toute utilisation commerciale directe ou indirecte » (30), ne permet pas de limiter son champ d’application à des utilisations se rapportant uniquement à des produits, à l’exclusion de celles liées à des services. En outre, en précisant que l’interdiction s’applique « dans la mesure où ladite utilisation exploite la réputation d’une appellation d’origine ou indication géographique », ladite disposition met expressément l’accent sur les effets de l’utilisation et non sur une typologie particulière de celle‑ci. D’autre part, les mêmes considérations relatives aux objectifs du règlement no 1308/2013 et à l’étendue de la protection accordée par ce règlement aux indications géographiques enregistrées en vertu de ses dispositions, exposées aux points 35 et 36 des présentes conclusions, sont également valables aux fins de l’interprétation téléologique de l’article 103, paragraphe 2, sous a), ii), dudit règlement (31).

C.      Sur les deuxième et troisième questions préjudicielles

43.      Par ses deuxième et troisième questions préjudicielles, qu’il convient de traiter ensemble, la juridiction de renvoi demande en substance quels sont les critères à appliquer pour apprécier l’existence d’une évocation au sens de l’article 103, paragraphe 2, sous b), du règlement no 1308/2013. En particulier, l’Audiencia provincial de Barcelona (cour provinciale de Barcelone) s’interroge sur le rôle à attribuer, dans le cadre de cette appréciation, à la comparaison entre le produit protégé par l’AOP et le produit (ou le service) pour lequel le signe litigieux est utilisé, et sur la nécessité de déterminer au préalable si ces produits sont identiques ou similaires ou s’il existe un lien d’une autre nature entre ceux‑ci (ou entre le produit désigné par l’AOP et le service en cause).

44.      À cet égard, je relève tout d’abord que, si l’article 103, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1308/2013 précise que toute utilisation directe ou indirecte d’une AOP est interdite tant lorsqu’elle concerne des « produits comparables » ne respectant pas le cahier des charges lié à la dénomination protégée [sous a), i)], que dans la mesure où ladite utilisation exploite la réputation de l’AOP [sous a), ii)], le point b) du paragraphe 2 de cet article ne contient aucune indication que la protection contre toute évocation serait limitée aux seuls cas dans lesquels les produits désignés par l’AOP et les produits ou services pour lesquels le signe en cause est utilisé sont « comparables » ou « similaires », ni que cette protection serait étendue aux cas dans lesquels le signe se réfère à des produits et/ou services dissemblables de ceux qui bénéficient de l’AOP (32). Par ailleurs, la notion de « similitude des produits » telle qu’elle est appliquée en droit des marques (33), à laquelle la juridiction de renvoi semble se référer, ne paraît pas pertinente aux fins de la protection des indications géographiques, pour laquelle, comme exposé, c’est la notion de « produits comparables » (34) qui entre en jeu, notion qui semble par surcroît devoir faire l’objet d’une interprétation plus restrictive (35).

45.      Dans ce contexte, contrairement à ce que semblent soutenir le CIVC et le gouvernement français, je ne considère pas que la clarification apportée par la Cour, selon laquelle la protection des dénominations enregistrées contre l’évocation est indépendante de la constatation de l’existence d’un risque de confusion (36), revête une importance décisive aux fins de déterminer si le champ d’application de cette protection devrait être considéré comme étant limité aux seuls produits et/ou services comparables au produit bénéficiant de l’AOP. En effet, un risque de confusion peut être exclu – par exemple dans les cas, expressément prévus à l’article 103, paragraphe 2, sous b), du règlement no 1308/2013, dans lesquels l’origine du produit ou du service est indiquée ou dans lesquels des mentions telles que « méthode » ou « imitation » sont utilisées – même lorsque les produits désignés par l’AOP et les produits ou services auxquels s’applique le signe litigieux sont identiques ou comparables.

46.      Cela étant, s’il ne fait aucun doute que le champ d’application pour ainsi dire « naturel » de la protection des AOP contre toute évocation est constitué par les situations dans lesquelles, en raison de l’identité ou du caractère comparable entre les produits bénéficiant de la dénomination protégée et les produits ou services désignés par le signe contesté, l’utilisation de ce dernier permet à son titulaire de s’approprier les qualités typiques reconnues aux premiers, il ressort, nous l’avons vu (37), du préambule même du règlement no 1308/2013 lui‑même et il est clairement affirmé dans la jurisprudence de la Cour que les AOP sont plus généralement protégées contre toute exploitation abusive de la réputation qui est associée aux produits qui en bénéficient.

47.      Comme j’ai déjà eu l’occasion d’observer dans mes conclusions dans l’affaire Fundación Consejo Regulador de la Denominación de Origen Protegida Queso Manchego (C‑614/17, EU:C:2019:11, point 17), la protection contre l’évocation constitue une forme de protection sui generis, qui n’est pas liée au critère de la tromperie – qui présuppose que le signe en conflit avec la dénomination enregistrée est à même d’induire le public en erreur quant à la provenance géographique ou les qualités du produit – et qui ne relève pas d’une protection purement liée à la confusion. Son objectif principal doit être recherché dans la protection du patrimoine qualitatif et de la renommée des dénominations enregistrées contre des actes de parasitisme.

48.      L’existence d’une évocation doit donc être appréciée sur la base de critères spécifiques à la protection accordée aux AOP et propres à atteindre les objectifs de la réglementation de l’Union en matière de qualité.

49.      La Cour a progressivement précisé les critères qui président à une telle appréciation. Elle a ainsi estimé que la notion d’« évocation » recouvrait une hypothèse dans laquelle le terme utilisé pour désigner un produit incorpore une partie d’une dénomination protégée, de sorte que le consommateur, en présence du nom du produit, est amené à avoir à l’esprit, comme image de référence, la marchandise bénéficiant de l’appellation (38).

50.      Toutefois, dans l’affaire Scotch Whisky Association, en référence à l’article 16, sous b), du règlement no 110/2008, la Cour a précisé que ni l’incorporation partielle d’une appellation enregistrée dans le signe litigieux ni l’identification d’une parenté phonétique et visuelle dudit signe avec l’appellation enregistrée ne sont des conditions impératives pour établir l’existence d’une évocation (39). L’évocation peut en effet également résulter d’une simple « proximité conceptuelle » entre la dénomination enregistrée et le signe en cause (40). À cette fin, il ne suffit pas que l’élément litigieux du signe en cause éveille dans l’esprit du public visé une quelconque association avec la dénomination enregistrée ou avec la zone géographique concernée. En revanche, « un lien suffisamment direct et univoque » entre cet élément et la dénomination enregistrée est nécessaire (41).

51.      La Cour a donc estimé que, aux fins de déterminer si l’on est en présence d’une « évocation » d’une AOP au sens de l’article 103, paragraphe 2, du règlement no 1308/2013, ainsi que des dispositions correspondantes des règlements régissant les différents régimes de qualité dans l’Union européenne, le critère déterminant est celui de savoir « si le consommateur, en présence d’une dénomination litigieuse, est amené à avoir directement à l’esprit, comme image de référence, la marchandise couverte par l’AOP » (42). La Cour a également précisé qu’une évocation ne peut être exclue même lorsque l’élément contesté ne consiste pas en une dénomination, mais en des signes figuratifs qui, en raison de leur proximité conceptuelle avec la dénomination enregistrée, sont aptes à rappeler de manière directe et univoque à l’esprit du consommateur les produits bénéficiant de cette dénomination (43).

52.      Certes, les principes exposés ci‑dessus ont été dégagés par la Cour s’agissant de situations dans lesquelles les produits bénéficiant de la dénomination enregistrée et les produits désignés par le signe litigieux étaient largement comparables.

53.      Toutefois, en élaborant progressivement les critères d’appréciation de l’existence d’une évocation, la Cour a, de manière de plus en plus évidente, mis l’accent sur le processus d’association mentale entre le signe litigieux et le produit bénéficiant de l’AOP ou de l’IGP. Dans ce contexte, la similitude entre les produits en cause, tant du point de vue commercial que de leur apparence concrète, a été considérée comme un élément d’appréciation de l’aptitude des similitudes phonétiques, visuelles et conceptuelles relevées entre les signes en conflit à induire l’association mentale requise, plutôt que comme une condition préalable à la constatation de l’existence d’une évocation (44).

54.      Plus généralement, ainsi que j’ai eu l’occasion de le relever dans mes conclusions dans l’affaire Fundación Consejo Regulador de la Denominación de Origen Protegida Queso Manchego (45), il découle de la jurisprudence de la Cour (46) que l’analyse relative à l’existence d’une évocation doit tenir compte de toute référence implicite ou explicite à la dénomination enregistrée, qu’il s’agisse d’éléments verbaux ou d’éléments figuratifs inclus sur l’étiquette du produit conventionnel (47) ou figurant sur son emballage, ou d’éléments relatifs à la forme ou à la présentation au public de ce produit (48). Cette analyse doit également tenir compte de l’identité ou du degré de similitude des produits en cause ainsi que des modalités de commercialisation de ces derniers, y compris en ce qui concerne les canaux de vente respectifs, ainsi que des éléments qui permettent d’établir le caractère intentionnel du rappel au produit muni de la dénomination protégée ou, au contraire, son caractère fortuit. La constatation de l’existence d’une évocation procède donc de l’appréciation d’un ensemble d’indices sans que la présence ou l’absence de l’un ou l’autre de ces indices permette à elle seule de confirmer ou d’exclure l’existence d’une évocation.

55.      Compte tenu de ce qui précède, j’estime que l’identité ou le caractère comparable entre le produit bénéficiant d’une AOP ou d’une IGP et le produit (ou le service) désigné par le signe litigieux ou entre le premier et un ingrédient caractérisant le second (49) ne constitue pas un élément qu’il convient d’apprécier au préalable afin, le cas échéant, d’exclure a priori une évocation au sens de l’article 103, paragraphe 2, sous b), du règlement no 1308/2013.

56.      Néanmoins, une telle identité ou comparabilité, ou son absence, constitue un élément qu’il y a lieu de prendre en compte aux fins d’apprécier, dans le cadre d’un examen de l’ensemble des circonstances pertinentes, si les éléments d’une telle évocation sont concrètement réunis. La circonstance que ces produits présentent des caractéristiques objectives communes, qu’ils correspondent à des occasions de consommation identiques, ou qu’ils aient une apparence comparable, mais également qu’ils soient concurrents ou complémentaires (50), est donc un élément d’appréciation pertinent, tout comme l’est, dans le cas où le signe litigieux se réfère à un service, le fait que ce dernier soit lié à la distribution du produit protégé par la dénomination enregistrée ou d’un produit identique ou comparable.

57.      Eu égard aux interrogations de la juridiction de renvoi, il convient encore d’apporter certains éclaircissements sur la notion de « consommateur pertinent » dans le cadre de l’appréciation de l’existence d’une évocation, ainsi que sur le « degré » d’évocation. Des indications sur l’application au litige au principal des principes exposés ci‑dessus seront ensuite fournies.

1.      Sur le public pertinent

58.      Dès lors que, comme exposé, la constatation d’une évocation interdite par l’article 103, paragraphe 2, du règlement no 1308/2013 n’exige pas la preuve de l’existence d’un risque de confusion, le public concerné, dont la perception est pertinente aux fins d’apprécier si le signe litigieux est de nature à susciter une association illicite avec la dénomination enregistrée, n’est pas constitué, contrairement à ce que semble avoir considéré le Juzgado de lo Mercantil de Barcelona (tribunal de commerce de Barcelone) dans le jugement attaqué devant la juridiction de renvoi, du seul cercle des personnes auxquelles sont destinés les produits désignés par cette dénomination.

59.      Eu égard, en particulier, aux objectifs de protection de la concurrence loyale et de protection des consommateurs poursuivis par les dispositifs de protection des AOP et des IGP, la Cour a précisé que, dans les appréciations relatives à l’existence d’une évocation de ces dénominations, il appartient au juge national de se référer à la perception d’un « consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé » (51) et que, eu égard à la nécessité de garantir une protection effective et uniforme desdites dénominations sur l’ensemble du territoire de l’Union, cette notion vise le consommateur européen (52) et non, comme GB semble le considérer à tort, le seul consommateur de l’État membre dans lequel est fabriqué le produit (ou est fourni le service) qui donne lieu à l’évocation de la dénomination enregistrée (53).

2.      Sur le « degré » d’évocation

60.      Dans la troisième question préjudicielle, la juridiction de renvoi fait référence à la possibilité de moduler le « risque d’évocation », notamment au regard de la comparaison entre les produits évoqués et les produits et services évocateurs, et d’exclure du champ d’application de l’article 103, paragraphe 2, sous b), du règlement no 1308/2013 les situations dans lesquelles ce risque est faible ou dénué de pertinence.

61.      À cet égard, j’ai déjà exposé ci‑dessus que l’appréciation à mener en application de cette disposition doit être effectuée à la lumière de l’ensemble des facteurs pertinents, parmi lesquels figure également le caractère comparable des produits en cause (ou celui des produits bénéficiant de la dénomination enregistrée avec le service désigné par le signe litigieux), sans pour autant que l’absence ou le degré faible de ce caractère comparable permette d’exclure automatiquement l’existence d’une évocation.

62.      Cela étant dit, si la juridiction nationale, à qui il appartient de procéder à cette appréciation (54), en se fondant sur la réaction présumée du consommateur (55), parvient à la conclusion que ce dernier est amené, en présence du signe litigieux, à « avoir directement à l’esprit, comme image de référence », la marchandise protégée par la dénomination enregistrée, l’utilisation de ce signe relève de l’interdiction visée à l’article 103, paragraphe 2, sous b), du règlement no 1308/2013. Si, en revanche, cette juridiction estime qu’une telle association d’idées n’est pas susceptible de se réaliser, une évocation au sens de cette disposition doit être considérée comme exclue.

63.      La notion d’« évocation » n’est donc pas susceptible de gradation. Les contours de cette notion ont déjà été identifiés par la Cour dans l’arrêt Scotch Whisky Association, dans lequel, comme je l’ai déjà rappelé au point 50 des présentes conclusions, elle a précisé que ce n’est qu’en présence d’« un lien suffisamment direct et univoque » (56) entre le signe litigieux et la dénomination enregistrée que les éléments de cette notion doivent être considérés comme réunis (57). En l’absence d’un tel lien « caractérisé », même s’il existe une référence à la dénomination enregistrée et que les produits en question sont comparables, l’évocation doit être exclue.

3.      Application dans les circonstances du litige en cause au principal

64.      Bien que, comme je l’ai déjà indiqué, il appartienne à la juridiction de renvoi de se prononcer sur le cas dont elle est saisie, en tenant compte de l’ensemble des éléments exposés ci‑dessus, la Cour, statuant sur renvoi préjudiciel, peut toutefois apporter, le cas échéant, des précisions visant à guider cette juridiction dans sa décision (58).

65.      Dans l’hypothèse où, comme dans l’affaire au principal, il s’agit d’établir l’existence d’une évocation en ce qui concerne l’utilisation d’une dénomination, la juridiction nationale devra, conformément à la jurisprudence rappelée ci‑dessus, tenir compte de l’éventuelle incorporation partielle de la dénomination enregistrée dans la dénomination litigieuse, d’une parenté phonétique et/ou visuelle de celle‑ci avec la dénomination enregistrée (59), ou encore d’une proximité conceptuelle entre les termes en conflit, même s’ils sont de langues différentes (60).

66.      Dans les circonstances de l’affaire au principal, l’AOP « champagne » a été partiellement incorporée, sous la forme sous laquelle elle a été enregistrée, dans la dénomination litigieuse. En revanche, la traduction en espagnol de cette AOP (« Champàn ») a été entièrement incorporée (à l’exception de l’accent). Il en résulte une forte similitude tant visuelle que phonétique entre les deux dénominations, qu’il soit tenu compte aussi bien de la forme sous laquelle l’AOP « champagne » a été enregistrée que de la traduction en espagnol de cette dénomination. Sur le plan conceptuel, ainsi qu’il a déjà été relevé, il semblerait qu’il existe un lien direct avec le produit protégé par l’AOP « champagne », si, en espagnol, le terme « Champanillo » ‐ comme tel semble être le cas, mais il appartient à la juridiction de renvoi de le confirmer – signifie littéralement « petit champagne ».

67.      S’agissant des éléments qui ne sont pas liés à la comparaison des dénominations en conflit, la juridiction de renvoi devra, tout d’abord, tenir compte du lien existant entre le produit protégé par l’AOP « champagne » et le service désigné par le signe litigieux, lien qui semble difficilement contestable s’agissant de services de restauration, autrement dit de services susceptibles d’être directement liés à la commercialisation de champagne ou de produits « comparables ». L’intensité de ce lien devra être appréciée en vérifiant si, comme tel semble être le cas, la vente de champagne ou de boissons de même type n’est pas inhabituelle également dans le secteur de la restauration dans lequel opère GB (61).

68.      Un autre élément dont la juridiction de renvoi devra tenir compte dans son appréciation est la circonstance que la dénomination litigieuse s’accompagne, sur les enseignes et dans les messages publicitaires utilisés par GB, d’une image sur laquelle sont représentés deux gobelets en forme de coupe à pied (habituellement utilisés pour la consommation de champagne) contenant une boisson mousseuse, qui se croisent pour figurer l’acte de trinquer. Malgré la couleur rouge de la boisson, cette image présente sans nul doute un potentiel évocateur à la fois du produit protégé par l’AOP « champagne » et des occasions typiquement liées à sa consommation.

69.      Enfin, bien que le caractère intentionnel du comportement ne soit pas requis aux fins de la constatation d’une évocation au sens de l’article 103, paragraphe 2, du règlement no 1308/2013 (62), il constitue un élément à prendre en compte dans le cadre de l’appréciation à cet effet (63). Or, les facteurs susmentionnés – y compris la commercialisation, dans le passé, dans les établissements identifiés par le signe litigieux, d’un vin mousseux sous la même dénomination CHAMPANILLO ‐, pris dans leur ensemble, semblent plutôt militer en faveur du caractère non fortuit de l’allusion à l’AOP « champagne ».

70.      En conclusion, sous réserve des vérifications qu’il incombe à la juridiction de renvoi d’effectuer, je suis enclin à considérer, au vu des éléments qui ressortent du dossier, que, en présence du signe « Champanillo », tel qu’utilisé par GB pour désigner ses services de restauration et en faire la publicité, un consommateur moyen européen normalement informé et raisonnablement attentif et avisé est amené à avoir directement à l’esprit, comme image de référence, le produit protégé par l’AOP « champagne » et que les éléments constitutifs d’une évocation interdite en vertu de l’article 103, paragraphe 2, sous b), du règlement no 1308/2013 sont réunis.

4.      Conclusions sur les deuxième et troisième questions préjudicielles

71.      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre aux deuxième et troisième questions préjudicielles en ce sens que, pour déterminer s’il existe une évocation d’une AOP au sens de l’article 103, paragraphe 2, du règlement no 1308/2013, il n’est pas nécessaire d’établir au préalable que le produit protégé par l’AOP et le produit ou le service désigné par le signe litigieux sont identiques ou comparables ou que ce dernier produit inclut, parmi ses ingrédients, le produit protégé par l’AOP. Une telle identité ou comparabilité, ou son absence, constitue néanmoins un élément que la juridiction nationale doit prendre en considération, avec tout autre élément pertinent, aux fins de l’appréciation de l’existence d’une évocation au sens de la disposition susmentionnée.

D.      Sur la quatrième question préjudicielle

72.      Par la quatrième question préjudicielle, l’Audiencia provincial de Barcelona (cour provinciale de Barcelone) demande en substance à la Cour si la protection contre l’évocation prévue à l’article 103, paragraphe 2, du règlement no 1308/2013 présuppose la constatation de l’existence d’une concurrence déloyale.

73.      Comme indiqué ci‑dessus, la protection des dénominations enregistrées prévue par la législation de l’Union en matière de qualité répond à des critères spécifiques propres à atteindre les objectifs poursuivis par cette législation (64). Ces critères sont énoncés de manière exhaustive dans les dispositions régissant les différentes hypothèses d’atteinte aux dénominations enregistrées qui sont prévues dans les règlements sectoriels et transversaux qui forment cette réglementation (65). Ces dispositions doivent en outre faire l’objet d’une application uniforme sur tout le territoire de l’Union.

74.      S’agissant en particulier de la protection des dénominations enregistrées contre toute évocation, il ressort des réponses apportées aux trois premières questions préjudicielles que cette protection n’est subordonnée à la constatation ni de l’existence d’un rapport de concurrence entre les produits protégés par la dénomination enregistrée et les produits ou les services pour lesquels le signe litigieux est utilisé ou d’un risque de confusion pour le consommateur en ce qui concerne ces produits et/ou services, ni du caractère intentionnel des comportements susceptibles de donner lieu à une évocation.

75.      Par conséquent, si, comme l’observe la Commission, il n’est pas exclu qu’un même comportement puisse à la fois constituer une pratique interdite par l’article 103, paragraphe 2, sous b), du règlement no 1308/2013 et un acte de concurrence déloyale en vertu du droit national applicable, le champ d’application de cette disposition est plus large et ne se limite pas aux hypothèses d’un tel comportement auquel se serait livré un concurrent.

76.      Je propose donc de répondre à la quatrième question préjudicielle en ce sens que la protection contre l’évocation prévue à l’article 103, paragraphe 2, sous b), du règlement no 1308/2013 ne se limite pas aux seules hypothèses dans lesquelles la pratique donnant lieu à évocation constitue un acte de concurrence déloyale en vertu des dispositions pertinentes du droit national applicable.

IV.    Conclusion

77.      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre comme suit aux questions préjudicielles posées par l’Audiencia provincial de Barcelona (cour provinciale de Barcelone, Espagne) :

L’article 103, paragraphe 2, sous b), du règlement (UE) no 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, portant organisation commune des marchés des produits agricoles et abrogeant les règlements (CEE) no 922/72, (CEE) no 234/79, (CE) no 1037/2001 et (CE) no 1234/2007 du Conseil, doit être interprété en ce sens que des actes d’usurpation, d’imitation ou d’évocation d’une AOP liés à des services sont également susceptibles de relever du champ d’application de cette disposition.

Afin de déterminer s’il existe une évocation d’une appellation d’origine protégée au titre de l’article 103, paragraphe 2, du règlement no 1308/2013, il n’est pas nécessaire d’établir au préalable que le produit bénéficiant de cette dénomination et le produit ou le service couvert par le signe litigieux sont identiques ou comparables ou que ce dernier produit inclut, parmi ses ingrédients, le produit bénéficiant de l’appellation d’origine protégée. Une telle identité ou comparabilité, ou son absence, constitue néanmoins un élément que le juge national doit prendre en considération, avec tout autre élément pertinent, aux fins de l’appréciation de l’existence d’une évocation au sens de la disposition susmentionnée.

La protection contre l’évocation prévue à l’article 103, paragraphe 2, sous b), du règlement no 1308/2013 ne se limite pas aux seules hypothèses dans lesquelles la pratique donnant lieu à évocation constitue un acte de concurrence déloyale en vertu des dispositions pertinentes du droit national applicable.


1      Langue originale : l’italien.


2      Règlement du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles et abrogeant les règlements (CEE) no 922/72, (CEE) no 234/79, (CE) no 1037/2001 et (CE) no 1234/2007 du Conseil (JO 2013, L 347, p. 671).


3      Il s’agit des produits de la vigne. L’annexe VII, partie II, point 5, du règlement no 1308/2013 définit les caractéristiques du « vin mousseux de qualité », catégorie à laquelle appartient le champagne.


4      Réf. AOP-FR-A1359.


5      Arrêt du 1er mars 2016 (ES:TS:2016:771).


6      La décision de renvoi se réfère tantôt à une « boisson », tantôt à du « vin ».


7      Règlement du Conseil du 20 mars 2006 relatif à la protection des indications géographiques et des appellations d’origine des produits agricoles et des denrées alimentaires (JO 2006, L 93, p. 12).


8      JORF du 18 avril 1975, p. 4011.


9      JORF du 25 novembre 2010, texte no 8.


10      Je précise que la juridiction de renvoi a fait siennes les dispositions invoquées aux fins du recours du CIVC en première instance.


11      Règlement du Conseil du 22 octobre 2007 portant organisation commune des marchés dans le secteur agricole et dispositions spécifiques en ce qui concerne certains produits de ce secteur (règlement OCM unique) (JO 2007, L 299, p. 1).


12      Voir arrêt du 14 septembre 2017, EUIPO/Instituto dos Vinhos do Douro e do Porto (C‑56/16 P, EU:C:2017:693, points 96, 101 et 103).


13      Voir, en ce sens, arrêt du 14 septembre 2017, EUIPO/Instituto dos Vinhos do Douro e do Porto (C‑56/16 P, EU:C:2017:693, points 99 à 102). Dans cet arrêt, la Cour renvoie à l’arrêt du 8 septembre 2009, Budějovický Budvar (C‑478/07, EU:C:2009:521, points 107 et suiv.), dans lequel elle était appelée à se prononcer sur l’application d’un traité conclu entre deux États membres sur la base duquel une indication géographique enregistrée dans l’un de ces deux États, mais pas au niveau européen, était reconnue et protégée dans l’autre. Dans l’arrêt du 14 septembre 2017, EUIPO/Instituto dos Vinhos do Douro e do Porto (C‑56/16 P, EU:C:2017:693, points 99 à 102), la Cour a appliqué le même raisonnement dans un contexte dans lequel l’appellation d’origine était enregistrée au niveau de l’Union.


14      Devenu l’article 13 du règlement (UE) no 1151/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 21 novembre 2012, relatif aux systèmes de qualité applicables aux produits agricoles et aux denrées alimentaires (JO 2012, L 343, p. 1). Ce règlement a abrogé et remplacé le règlement no 510/2006 depuis le 3 janvier 2013.


15      Devenu l’article 2, paragraphe 2, du règlement no 1151/2012.


16      Voir, concernant l’exigence selon laquelle les dispositions du droit de l’Union relatives à la protection des dénominations et des indications géographiques enregistrées, qui s’inscrivent dans la politique horizontale de l’Union en matière de qualité, doivent faire l’objet d’une interprétation qui permette une application cohérente de celles‑ci, arrêt du 20 décembre 2017, Comité Interprofessionnel du Vin de Champagne (C‑393/16, ci‑après l’« arrêt CIVC », EU:C:2017:991, point 32).


17      Règlement du Conseil du 25 mai 2009 modifiant le règlement no 1234/2007 (JO 2009, L 154, p. 1).


18      Il résulte des observations écrites du CIVC que, dans son recours formé contre GB, la partie requérante au principal reproche à cette dernière une évocation illicite de l’AOP « champagne ».


19      Je relève, en tout état de cause, que le CIVC, les gouvernements italien et français, ainsi que la Commission, formulent leurs réponses à la première question préjudicielle en faisant référence en des termes généraux à la protection des AOP ou à l’article 103 du règlement no 1308/2013.


20      C‑44/17, EU:C:2018:415.


21      Règlement du Parlement européen et du Conseil du 15 janvier 2008 concernant la définition, la désignation, la présentation, l’étiquetage et la protection des indications géographiques des boissons spiritueuses et abrogeant le règlement (CEE) no 1576/89 du Conseil (JO 2008, L 39, p. 16). L’article 16, sous a), du règlement no 110/2008 a un contenu similaire à celui de l’article 103, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1308/2013, dont il se distingue toutefois en ce qu’il fait référence à toute utilisation commerciale directe ou indirecte « par des produits non couverts par l’enregistrement », précision qui ne figure pas dans la première disposition. Nonobstant cette différence, l’interprétation du terme « usage » par la Cour aux points 29 à 31 de l’arrêt Scotch Whisky Association est transposable à la notion d’« utilisation » employée à l’article 103, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1308/2013.


22      À cet égard, je rappelle que, dans l’arrêt CIVC, points 34 et 35, la Cour a estimé que l’article 118 quaterdecies, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement no 1234/2007 et l’article 103, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement no 1308/2013 s’appliquaient à un cas dans lequel la dénomination contestée contenait non pas l’AOP en tant que telle (en l’occurrence l’AOP « champagne »), mais une traduction de celle‑ci en langue allemande (« Champagner »).


23      Si l’article 103, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement no 1308/2013 devait être jugé applicable aux faits du litige au principal, le comportement de GB devrait probablement être qualifié, pour partie, d’« utilisation commerciale directe » au sens de cette disposition (par exemple, l’utilisation du signe « Champanillo » pour désigner une boisson pétillante/un vin pétillant dans ses établissements ou comme signe distinctif de ses services de restauration) et, pour partie, d’« utilisation commerciale indirecte » (par exemple, l’utilisation de ce signe sur des supports publicitaires et sur les réseaux sociaux). À cet égard, je rappelle que, au point 32 de l’arrêt Scotch Whisky Association, la Cour a précisé, s’agissant de l’article 16, sous a), du règlement no 110/2008, qu’une utilisation « directe » impliquait que l’indication géographique protégée soit apposée directement sur le produit concerné ou son emballage propre (ou, si l’utilisation pour des services est admise, que cette indication soit utilisée pour distinguer ces services), tandis qu’une utilisation « indirecte » suppose que cette indication figure dans des vecteurs complémentaires de marketing ou d’informations, tels qu’une publicité portant sur ce produit ou des documents relatifs à celui‑ci. Cette interprétation est transposable aux notions d’« utilisation directe » et d’« utilisation indirecte » au sens de l’article 103, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement no 1308/2013.


24      Voir, par analogie, arrêt Scotch Whisky Association, point 31.


25      Voir, par analogie, arrêt Scotch Whisky Association, point 33.


26      Voir arrêt du 17 décembre 2020, Syndicat interprofessionnel de défense du fromage Morbier (C‑490/19, EU:C:2020:1043, points 24 et 25).


27      Mise en italique par mes soins.


28      Voir, pour ce qui concerne le règlement no 1234/2007, arrêts du 14 septembre 2017, EUIPO/Instituto dos Vinhos do Douro e do Porto (C‑56/16 P, EU:C:2017:693, point 82), et CIVC, point 38.


29      Il s’agit des produits auxquels s’appliquent les articles 39 à 44 TFUE relatifs à la politique agricole commune.


30      Mise en italique par mes soins.


31      Voir arrêt CIVC, point 31. En ce sens, une telle protection s’étend également à des produits qui ne sont pas comparables ; voir, par analogie, arrêt du 12 juin 2007, Budějovický Budvar/OHMI – Anheuser-Busch (BUDWEISER) (T‑53/04 à T‑56/04, T‑58/04 et T‑59/04, non publié, EU:T:2007:167, point 175).


32      Voir toutefois, en sens contraire, arrêt du 12 juin 2007, Budějovický Budvar/OHMI – Anheuser-Busch (BUD) (T‑60/04 à T‑64/04, non publié, EU:T:2007:169, points 164 à 169, et plus particulièrement point 166).


33      Voir, à cet égard, arrêt du 29 septembre 1998, Canon (C‑39/97, EU:C:1998:442, point 23).


34      Article 103, paragraphe 2, sous a), i), du règlement no 1308/2013. Je signale à titre incident que des notions analogues, telles que, par exemple, « produit du même type », figurent également dans les dispositions des règlements de l’Union en matière d’indications géographiques concernant les motifs absolus de refus d’enregistrement des marques en cas de conflit avec une AOP ou une IGP (voir, à titre d’exemple, article 14, paragraphe 1, du règlement no 1151/2012). Ces notions sont interprétées de manière uniforme par l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), voir directives relatives à l’examen des marques de l’Union européenne, Partie B, Examen, Section 4, Motifs absolus de refus, Chapitre 10, Marques en conflit avec des indications géographiques, p. 618.


35      Voir arrêt du 14 juillet 2011, Bureau national interprofessionnel du Cognac, (C‑4/10 et C‑27/10, EU:C:2011:484, point 55). Pour une interprétation plus extensive, s’agissant de la notion de « même type de produit » figurant à l’article 14, paragraphe 1, du règlement (CEE) no 2081/92 du Conseil, du 14 juillet 1992, relatif à la protection des indications géographiques et des appellations d’origine des produits agricoles et des denrées alimentaires (JO 1992, L 208 p. 1), voir arrêt du 2 février 2017, Mengozzi/EUIPO – Consorzio per la tutela dell’olio extravergine di oliva toscano (TOSCORO) (T‑510/15, EU:T:2017:54, point 44), selon lequel il suffit que le produit en cause partage avec le produit qui fait l’objet de l’indication géographique certaines caractéristiques communes.


36      Voir, par analogie, arrêts du 4 mars 1999, Consorzio per la tutela del formaggio Gorgonzola (C‑87/97, EU:C:1999:115, point 26), et du 21 janvier 2016, Viiniverla (C‑75/15, EU:C:2016:35, point 45).


37      Voir points 35 à 37 des présentes conclusions.


38      Voir, par analogie, arrêts du 4 mars 1999, Consorzio per la tutela del formaggio Gorgonzola (C‑87/97, EU:C:1999:115, point 25) ; du 26 février 2008, Commissione/Allemagne (C‑132/05, EU:C:2008:117, point 44), et du 21 janvier 2016, Viiniverla (C‑75/15, EU:C:2016:35, point 21).


39      Voir arrêt Scotch Whisky Association, points 46 et 49.


40      Voir arrêt Scotch Whisky Association, point 50.


41      Voir arrêt Scotch Whisky Association, point 53.


42      Voir, par analogie, arrêt Scotch Whisky Association, point 51, ainsi que arrêts du 2 mai 2019, Fundación Consejo Regulador de la Denominación de Origen Protegida Queso Manchego (C‑614/17, EU:C:2019:344, point 20), et du 17 décembre 2020, Syndicat interprofessionnel de défense du fromage Morbier (C‑490/19, EU:C:2020:1043, point 26).


43      Voir arrêt du 2 mai 2019, Fundación Consejo Regulador de la Denominación de Origen Protegida Queso Manchego (C‑614/17, EU:C:2019:344, point 21). Voir, également, arrêt du 17 décembre 2020, Syndicat interprofessionnel de défense du fromage Morbier (C‑490/19, EU:C:2020:1043, point 27).


44      Voir, notamment, arrêt du 21 janvier 2016, Viiniverla (C‑75/15, EU:C:2016:35, points 33 et 35).


45      C‑614/17, EU:C:2019:11, point 29.


46      Voir, en particulier, arrêts du 4 mars 1999, Consorzio per la tutela del formaggio Gorgonzola (C‑87/97, EU:C:1999:115, points 27 et 28) ; du 26 février 2008, Commission/Allemagne (C‑132/05, EU:C:2008:117, points 46 et 47) ; du 14 juillet 2011, Bureau national interprofessionnel du Cognac (C‑4/10 et C‑27/10, EU:C:2011:484, point 57), et du 21 janvier 2016, Viiniverla (C‑75/15, EU:C:2016:35, points 33, 35 et 37).


47      Il s’agit de produits qui ne bénéficient pas d’une dénomination ou d’une indication géographique protégée.


48      À cet égard, je rappelle que, dans l’arrêt du 2 mai 2019, Fundación Consejo Regulador de la Denominación de Origen Protegida Queso Manchego (C‑614/17, EU:C:2019:344, point 27), la Cour a précisé, s’agissant de l’article 13, paragraphe 1, sous a) à d), du règlement no 510/2006 que l’énumération graduée de comportements illicites figurant dans cette disposition porte sur la nature des agissements interdits et non sur les éléments à prendre en considération pour déterminer si l’on se trouve dans l’un ou l’autre de ces cas de figure.


49      Il s’agit du cas examiné par la Cour dans l’affaire qui a donné lieu à l’arrêt CIVC, auquel la juridiction de renvoi fait implicitement référence dans la formulation de la deuxième question préjudicielle.


50      Voir, en ce sens, arrêt du 21 janvier 2016, Viiniverla (C‑75/15, EU:C:2016:35, point 37).


51      Voir, par analogie, arrêt du 21 janvier 2016, Viiniverla (C‑75/15, EU:C:2016:35, points 22 à 26).


52      Voir arrêts du 21 janvier 2016, Viiniverla (C‑75/15, EU:C:2016:35, point 27), et du 2 mai 2019, Fundación Consejo Regulador de la Denominación de Origen Protegida Queso Manchego (C‑614/17, EU:C:2019:344, points 47 à 50) ; voir également arrêt Scotch Whisky Association, point 59.


53      Voir arrêt du 21 janvier 2016, Viiniverla (C‑75/15, EU:C:2016:35, point 27).


54      Voir, par analogie, arrêt du 21 janvier 2016, Viiniverla (C‑75/15, EU:C:2016:35, point 31).


55      Voir, par analogie, arrêt du 21 janvier 2016, Viiniverla (C‑75/15, EU:C:2016:35, point 22).


56      Ainsi que je l’ai indiqué dans mes conclusions dans l’affaire Fundación Consejo Regulador de la Denominación de Origen Protegida Queso Manchego (C‑614/17, EU:C:2019:11, point 19), cette précision doit être entendue, selon moi, dans des termes à la fois d’immédiateté (le processus cognitif associatif ne doit pas exiger une réélaboration complexe de l’information) et d’intensité (l’association avec l’image du produit couvert par la dénomination enregistrée doit s’imposer de manière suffisamment forte) de la réponse du consommateur au stimulus perceptif.


57      Voir arrêt Scotch Whisky Association, point 53.


58      Voir, par analogie, arrêt du 21 janvier 2016, Viiniverla (C‑75/15, EU:C:2016:35, point 31 et jurisprudence citée).


59      Voir, par analogie, arrêts du 4 mars 1999, Consorzio per la tutela del formaggio Gorgonzola (C‑87/97, EU:C:1999:115, points 25 et 27) ; du 26 février 2008, Commission/Allemagne (C‑132/05, EU:C:2008:117, points 46 à 48), et du 17 décembre 2020, Syndicat interprofessionnel de défense du fromage Morbier (C‑490/19, EU:C:2020:1043, point 26).


60      Voir, par analogie, arrêts du 26 février 2008, Commission/Allemagne (C‑132/05, EU:C:2008:117, point 47), et du 17 décembre 2020, Syndicat interprofessionnel de défense du fromage Morbier (C‑490/19, EU:C:2020:1043, point 26) ; voir également arrêt Scotch Whisky Association, point 50.


61      Je relève que, dans les réponses aux questions posées par la Cour, GB décrit son activité de restauration comme ayant principalement pour objet des plats adaptés à une consommation rapide, bien loin de l’« aura de luxe et de prestige » que le CIVC attribue à l’AOP qu’il défend.


62      Voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Jacobs dans l’affaire Consorzio per la tutela del formaggio Gorgonzola (C‑87/97, EU:C:1998:614, point 33).


63      Voir conclusions de l’avocat général Jacobs dans l’affaire Consorzio per la tutela del formaggio Gorgonzola (C‑87/97, EU:C:1998:614, point 35), ainsi que mes conclusions dans l’affaire Fundación Consejo Regulador de la Denominación de Origen Protegida Queso Manchego (C‑614/17, EU:C:2019:11, point 29) et dans l’affaire Syndicat interprofessionnel de défense du fromage Morbier (C‑490/19, EU:C:2020:730, point 45).


64      Voir, en ce qui concerne en particulier l’autonomie de la réglementation en matière de dénominations géographiques par rapport à celle en matière de marques, mes conclusions dans l’affaire Syndicat interprofessionnel de défense du fromage Morbier (C‑490/19, EU:C:2020:730, point 29).


65      Voir, en ce sens, point 16 des présentes conclusions et jurisprudence citée.