Language of document : ECLI:EU:T:2023:674

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

25 octobre 2023 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne figurative, représentant un teckel de profil, GILBERT TECKEL – Marque de l’Union européenne figurative antérieure représentant un teckel de profil – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 – Égalité de traitement – Sécurité juridique »

Dans l’affaire T‑773/22,

Contorno Textil, SL, établie à Almedinilla (Espagne), représentée par Mes E. Sugrañes Coca et C. Sotomayor Garcia, avocates,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme D. Stoyanova-Valchanova et M. V. Ruzek, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Harmont & Blaine SpA, établie à Caivano (Italie), représentée par Me A. Mascetti, avocat,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de Mmes M. J. Costeira, présidente, M. Kancheva (rapporteure) et M. P. Zilgalvis, juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Contorno Textil, SL, demande, à titre principal, la réformation et, à titre subsidiaire,  l’annulation de la décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 10 octobre 2022 (affaire R 372/2022‑4) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 8 novembre 2019, la requérante a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’EUIPO, en vertu du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1), pour le signe figuratif suivant :

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3        La marque demandée désignait les produits relevant de la classe 25 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondant à la description suivante : « Vêtements, chaussures, chapellerie ».

4        Le 27 février 2020, l’intervenante, Harmont & Blaine SpA, a formé opposition à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits visés au point 3 ci-dessus.

5        L’opposition était fondée sur l’enregistrement international ayant effet dans l’Union européenne de la marque figurative antérieure, enregistrée le 9 juin 2014 sous le numéro 1249733, désignant notamment les produits relevant de la classe 25 et correspondant à la description suivante : « Vêtements, chaussures, chapellerie », et reproduite ci-après :

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6        Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était celui visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

7        Le 13 janvier 2022, la division d’opposition a fait droit à l’opposition sur le fondement de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 en concluant qu’il existait un risque de confusion pour le grand public français, pertinent en l’espèce.

8        Le 8 mars 2022, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’opposition.

9        Par la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté le recours en confirmant l’existence d’un risque de confusion, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, pour le grand public en France, compte tenu du niveau d’attention moyen dudit public, de l’identité des produits concernés, de la similitude visuelle et conceptuelle entre les marques en conflit, respectivement d’un degré à tout le moins faible et élevé, ainsi que du caractère distinctif intrinsèque normal de la marque antérieure.

 Conclusions des parties

10      La requérante demande à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        réformer la décision attaquée en jugeant que la marque demandée peut être enregistrée pour tous les produits en cause ;

–        à titre subsidiaire, annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

11      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens en cas de convocation à une audience.

12      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens ;

–        à titre subsidiaire, si le Tribunal fait droit au recours, renvoyer l’affaire devant la division d’opposition afin qu’elle soit appréciée sur la base du motif énoncé à l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001.

 En droit

 Sur la compétence du Tribunal pour connaître du premier chef de conclusions de la requérante

13      Sans soulever formellement une exception d’irrecevabilité par acte séparé sur le fondement de l’article 130, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, l’EUIPO fait valoir que le premier chef de conclusions de la requête est irrecevable dans la mesure où il vise à ce que le Tribunal adopte une décision relative à l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne jugeant qu’il convient de faire droit à la demande d’enregistrement pour tous les produits concernés en l’espèce.

14      À titre liminaire, il y a lieu de considérer que le premier chef de conclusions de la requérante constitue une demande de réformation visant à ce que le Tribunal enregistre la marque demandée ou qu’il déclare son enregistrement possible pour tous les produits en cause en l’espèce.

15      À cet égard, le Tribunal est, certes, compétent, en vertu de l’article 72, paragraphe 3, du règlement 2017/1001, pour réformer la décision de la chambre de recours. Cela étant, ce pouvoir de réformation vise à ce que le Tribunal adopte la décision que la chambre de recours aurait dû prendre, conformément aux dispositions dudit règlement, ce qui implique que la recevabilité d’une demande en réformation doit être appréciée au regard des compétences qui sont conférées à ladite chambre de recours [voir arrêt du 18 octobre 2016, Raimund Schmitt Verpachtungsgesellschaft/EUIPO (Brauwelt), T‑56/15, EU:T:2016:618, point 12 et jurisprudence citée].

16      Or, si l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne découle du constat que l’ensemble des conditions prévues par l’article 51 du règlement 2017/1001 sont remplies, les instances de l’EUIPO compétentes en matière d’enregistrement de marques de l’Union européenne n’adoptent pas, à cet égard, de décision formelle qui pourrait faire l’objet d’un recours. Dès lors, la chambre de recours, qui peut, en vertu de l’article 71, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, soit exercer les compétences de l’instance qui a pris la décision attaquée, soit renvoyer l’affaire à ladite instance pour qu’elle y donne suite, n’est pas compétente pour connaître d’une demande visant à ce qu’elle enregistre une marque de l’Union européenne ou qu’elle déclare l’enregistrement possible. Partant, il n’appartient pas davantage au Tribunal de connaître d’une demande de réformation visant à ce qu’il modifie la décision d’une chambre de recours en ce sens (voir arrêt du 18 octobre 2016, Brauwelt, T‑56/15, EU:T:2016:618, point 13 et jurisprudence citée).

17      Eu égard à ce qui précède, le premier chef de conclusions doit être rejeté pour incompétence du Tribunal à en connaître. Par conséquent, il convient d’examiner le chef de conclusions, présenté par la requérante à titre subsidiaire, tendant à l’annulation de la décision attaquée.

 Sur le fond

18      La requérante invoque deux moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 et, le second, de l’inobservation des principes d’égalité de traitement et de sécurité juridique. Elle soutient, en substance, qu’il n’existe pas de risque de confusion entre les marques en conflit et qu’une décision contraire contreviendrait aux principes d’égalité de traitement et de sécurité juridique.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001

19      Le premier moyen de la requérante s’articule, en substance, en quatre griefs selon lesquels la chambre de recours a commis une erreur, premièrement, dans le cadre de l’appréciation des éléments distinctifs et dominants de la marque demandée, deuxièmement et troisièmement, dans le cadre de l’analyse des similitudes, respectivement, visuelle et conceptuelle entre les marques en conflit, et, quatrièmement, dans le cadre de l’appréciation d’ensemble du risque de confusion entre lesdites marques.

20      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

21      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure. Par ailleurs, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, sous a), iv), du règlement 2017/1001, il convient d’entendre par marques antérieures, les marques qui ont fait l’objet d’un enregistrement international ayant effet dans l’Union, dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque de l’Union européenne.

22      Constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].

23      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, EU:T:2009:14, point 42 et jurisprudence citée].

24      À titre liminaire, il convient de constater qu’il n’y a pas lieu de remettre en cause la conclusion de la chambre de recours selon laquelle les produits concernés s’adressent au grand public, dont le niveau d’attention est considéré comme moyen, ce qui n’est pas contesté par les parties (point 17 de la décision attaquée). Il en va de même s’agissant des considérations relatives à la prise en compte du grand public francophone en France, nonobstant le fait que le territoire pertinent en l’espèce est celui de l’Union (point 19 de ladite décision).

25      De même, il n’y a pas lieu de remettre en cause le constat de l’identité des produits désignés par les marques en conflit (point 20 de la même décision), également non contesté.

–       Sur les éléments distinctifs et dominants de la marque demandée

26      L’appréciation de la similitude entre deux marques ne peut se limiter à prendre en considération uniquement un composant d’une marque complexe et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d’opérer la comparaison en examinant les marques en cause, considérées chacune dans son ensemble, ce qui n’exclut pas que l’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants. Ce n’est que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l’appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l’élément dominant. Tel pourrait notamment être le cas lorsque ce composant est susceptible de dominer à lui seul l’image de cette marque que le public pertinent garde en mémoire, de telle sorte que tous les autres composants de la marque sont négligeables dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, points 41 et 42 et jurisprudence citée ; arrêt du 20 septembre 2007, Nestlé/OHMI, C‑193/06 P, non publié, EU:C:2007:539, point 43).

27      Pour déterminer le caractère distinctif d’un élément composant une marque, il y a lieu d’apprécier l’aptitude plus ou moins grande de cet élément à contribuer à identifier les produits ou les services pour lesquels la marque a été enregistrée comme provenant d’une entreprise déterminée et donc à distinguer ces produits ou ces services de ceux d’autres entreprises. Lors de cette appréciation, il convient de prendre en considération notamment les qualités intrinsèques de l’élément en cause au regard de la question de savoir si celui-ci est ou non dénué de tout caractère descriptif des produits ou des services pour lesquels la marque a été enregistrée [arrêt du 24 septembre 2015, Primagaz/OHMI – Reeh (PRIMA KLIMA), T‑195/14, non publié, EU:T:2015:681, point 41].

28      Par son premier grief, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir considéré, aux points 28 et 29 de la décision attaquée, que l’élément figuratif représentant un chien de la race teckel et les éléments verbaux « gilbert » et « teckel », inscrits en dessous dudit élément figuratif,  avaient un caractère distinctif intrinsèque équivalent au sein de la marque demandée, de sorte qu’ils ont été considérés comme ayant un impact équivalent et, par conséquent, une position codominante au sein de ladite marque. Le grief de la requérante, à l’encontre de ces appréciations de la chambre de recours, s’articule en trois arguments.

29      Tout d’abord, selon la requérante, l’impact des éléments verbaux et figuratifs n’est pas le même. La requérante soutient que le consommateur moyen du grand public en France ne reconnaîtra pas instantanément la race de chiens teckel, ni dans l’élément figuratif ni dans le second élément verbal de la marque demandée. Partant, le public pertinent ne comprendrait pas que l’un renverrait à l’autre et, par conséquent, n’accorderait pas d’attention particulière à l’élément figuratif. Celui-ci serait perçu comme décoratif par rapport aux éléments verbaux.

30      Ensuite, la requérante reconnaît que l’élément figuratif de la marque demandée possède un certain caractère distinctif. Toutefois, elle soutient que l’impression globale qu’il produit est dominée par les deux éléments verbaux « gilbert » et « teckel », sans que cela engendre des rapports conceptuels automatiques avec l’élément figuratif représentant un chien, ce dernier n’étant qu’un « complément décoratif ». Selon elle, lesdits éléments verbaux véhiculent une signification indépendante en tant que « prénom et nom masculins » et le fait que le terme « teckel » coïncide avec la race canine représentée par l’élément figuratif de ladite marque ne peut être perçu que par certains consommateurs en France.

31      Enfin, à titre subsidiaire, quant à la partie du grand public pertinent qui comprendra l’élément verbal « teckel » et l’élément figuratif représentant un chien comme désignant une race de chiens particulière, les éléments verbaux seront, selon la requérante, toujours les éléments distinctifs et dominants, car l’association entre l’élément verbal « teckel » et l’élément figuratif sera accessoire au prénom « Gilbert ». Ce dernier attirera l’attention en premier, en dénommant le chien « Gilbert », ce qui rendrait unique « Gilbert le chien ». Par conséquent, les éléments verbaux « gilbert » et « teckel » devraient être considérés comme distinctifs et dominants, même pour ceux qui pourraient percevoir la marque demandée comme signifiant « le teckel dénommé Gilbert ».

32      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

33      En l’espèce, la chambre de recours a considéré, au point 28 de la décision attaquée, que les éléments verbaux et la représentation figurative d’un teckel au sein de la marque demandée étaient tous distinctifs et que l’élément verbal « gilbert » serait compris comme un prénom masculin, alors que l’élément « teckel » désignerait la race du chien pour la partie francophone du public pertinent. Par conséquent, la chambre de recours a considéré, au point 29 de la même décision, que le second élément verbal faisait référence à l’élément figuratif ou le désignait de sorte qu’ils avaient un impact équivalent, se renforçant l’un et l’autre mutuellement, et occupaient donc une position codominante dans ladite marque.

34      À cet égard, tout d’abord, il y a lieu de rejeter comme non fondé l’argument principal de la requérante, selon lequel le grand public en France ne reconnaîtra pas la race de chiens teckel, ni dans l’élément figuratif, ni dans le second élément verbal de la marque demandée. Outre l’absence d’étayement à ce titre de la part de la requérante, il convient de constater que les caractéristiques de cette race de chiens sont parmi les plus aisément reconnaissables. En effet, l’existence même d’une expression aussi familière que « chien saucisse » à l’égard des teckels démontre tant leur popularité que l’aisance avec laquelle leurs caractéristiques (chien ressemblant à une saucisse sur pattes) sont spontanément et immédiatement reconnaissables. À cet égard et compte tenu de ces caractéristiques, le terme « teckel » ou l’expression « chien saucisse » sont communément utilisés et compris par au moins une partie considérable du grand public en France. Comme l’intervenante le souligne, il n’est pas nécessaire que le public pertinent soit composé d’experts ou de spécialistes en canidés pour identifier une des races de chiens les plus communes et les plus caractéristiques. Dès lors et en tout état de cause, la représentation d’un chien saucisse surplombant l’élément verbal « teckel » créera un lien inévitable entre ces deux composants de la marque demandée, même pour la partie du public pertinent en France qui, sans connaître ou pouvoir spécifiquement désigner avec précision la race de chiens teckel, a déjà probablement entendu le mot commun français « teckel » et le reliera à l’image du chien au-dessus de celui-ci, étant entendu que le premier élément verbal de ladite marque, à savoir « gilbert », sera spontanément compris comme un prénom français.

35      Ensuite, il y a lieu de rejeter également comme non fondé l’argument selon lequel les deux éléments verbaux de la marque demandée véhiculeraient un sens indépendant indiquant que « gilbert » et « teckel » feraient référence à un prénom et à un nom masculins. En effet, à l’instar de l’intervenante, il convient de constater que la requérante n’a nullement étayé cette assertion dans le contexte du grand public en France. Si le mot « gilbert » peut être vu et compris en France comme un prénom masculin, comme l’a constaté la chambre de recours au point 28 de la décision attaquée, il semble néanmoins peu probable que, à la vue de la représentation figurative d’un chien teckel, un membre du public pertinent comprenne le terme français « teckel » comme faisant office de nom de famille, plutôt que comme une référence à la race de chiens représentée au-dessus dudit terme. En effet, la représentation d’un chien teckel qui précède les éléments verbaux en cause, combinée au mot commun français « teckel », rend la thèse de la requérante peu plausible. En tout état de cause, sans une démonstration de la part de la requérante à cet égard, force est de constater que cet argument ne saurait prospérer.

36      Enfin, s’agissant de l’argument subsidiaire de la requérante, il y a lieu de constater que, en considérant que le public pertinent en France comprend la marque demandée comme « Gilbert le teckel », le sujet principal, et donc le concept utilisé, tant de l’élément figuratif que du second élément verbal de la marque demandée, reste toujours le teckel. À cet égard, il convient de considérer que, en l’espèce, le fait que le teckel porte un prénom importe peu, le sujet étant identique. En effet, même si le public pertinent lit de gauche à droite, il voit d’abord la représentation graphique d’un teckel et comprend seulement après, en raison du lien direct avec le second élément verbal, que le teckel sur l’élément figuratif se prénomme Gilbert. Ainsi, eu égard à la conception de la marque demandée (examinée aux points 28 et 29 de la décision attaquée) et notamment au fait que l’élément figuratif occupe une place proéminente et surplombe les deux éléments verbaux d’une taille plus petite, écrits en caractères majuscules gras, et dont le second désigne et renvoie à l’élément figuratif et inversement, il y a lieu de conclure que les éléments figuratif et verbaux de ladite marque sont codominants.

37      Partant, la chambre de recours a considéré, à juste titre, au point 29 de la décision attaquée, que l’élément figuratif et le second élément verbal de la marque demandée se renvoient l’un à l’autre le concept d’un teckel, de sorte qu’ils se renforcent mutuellement et que, compte tenu de l’absence de tout lien avec les produits concernés et de la position proéminente de l’élément figuratif au sein de ladite marque, les éléments verbaux et figuratif ont un caractère distinctif équivalent.

38      À cet égard, si c’est à juste titre que la requérante soutient que l’attention du consommateur est souvent portée davantage vers les éléments verbaux initiaux, il n’en demeure pas moins que, dans certains cas, l’élément figuratif d’une marque complexe peut, notamment en raison de sa forme, de sa taille, de sa couleur ou de sa position dans le signe, détenir une place équivalente à celle de l’élément verbal [arrêt du 23 novembre 2010, Codorniu Napa/OHMI – Bodegas Ontañon (ARTESA NAPA VALLEY), T‑35/08, EU:T:2010:476, point 37]. Or, en l’espèce, non seulement la taille et la position de l’élément figuratif de la marque demandée contribuent fortement à le rendre codominant, mais le concept qu’il véhicule est repris par le second élément verbal de cette marque, ce qui renforce indubitablement sa position codominante. En effet, en prononçant le terme « teckel » pour décrire l’élément figuratif, le consommateur fera inévitablement référence au second élément verbal de la marque demandée et vice versa. Dès lors, l’impact des éléments verbaux de ladite marque est, en l’occurrence, identique à celui produit par l’élément figuratif qui les précède.

39      Ainsi, outre leur taille et leur positionnement dans la marque demandée, qui peuvent être des indices de l’impact de chaque élément composant une marque, les éléments verbaux et figuratif de ladite marque n’ont aucun lien avec les produits concernés et se renvoient l’un et l’autre le concept véhiculé par cette marque en se renforçant mutuellement. De même, non seulement aucun des éléments verbaux ou figuratif de la marque demandée n’est négligeable au sens de la jurisprudence citée au point 26 ci-dessus, mais chacun d’entre eux possède un caractère distinctif intrinsèque équivalent, de sorte qu’ils ont un impact équivalent et donc une position codominante au sein de la marque demandée.

40      Partant, il convient aussi d’écarter l’argument subsidiaire de la requérante comme étant non fondé et, par voie de conséquence, son premier grief.

–       Sur les similitudes visuelle et phonétique

41      S’agissant de la comparaison des marques en conflit, il convient de rappeler à titre liminaire que selon une jurisprudence constante, deux marques sont similaires lorsque, du point de vue du public pertinent, il existe entre elles une égalité au moins partielle en ce qui concerne un ou plusieurs aspects pertinents, à savoir les aspects visuel, phonétique et conceptuel [voir arrêt du 17 février 2011, Annco/OHMI – Freche et fils (ANN TAYLOR LOFT), T‑385/09, EU:T:2011:49, point 26 et jurisprudence citée].

42      En espèce, il ressort du point 30 de la décision attaquée que la chambre de recours a considéré que les marques en conflit présentaient à tout le moins un faible degré de similitude visuelle, car elles coïncidaient dans la représentation, en couleurs monochromes de base, d’un chien de la race teckel, sans qu’un élément structurel, tel qu’une représentation caricaturée, un personnage de dessin animé ou une représentation personnifiée avec des vêtements ou une expression faciale, ne permette de les distinguer de façon palpable, les différences de direction ou de position des chiens, par exemple, étant insuffisantes à cet égard. Les marques en conflit diffèrent en outre par les éléments verbaux « gilbert teckel », dont le second renforce la représentation d’un teckel, et inversement.

43      Par son deuxième grief, articulé en substance en trois arguments, la requérante soutient, tout d’abord, que, même dans le cas où le public pertinent perçoit automatiquement un teckel à partir des éléments figuratifs des marques en conflit, la manière dont les chiens sont représentés est complètement différente dans chacune desdites marques. Selon elle, la seule similitude entre ces marques serait la représentation des éléments intrinsèques et inhérents du dessin d’un chien, à savoir une tête, des oreilles, un corps, des pattes et une queue. À cet égard, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir accordé plus d’importance aux éléments figuratifs présentant des similitudes au sein des marques en conflit qu’aux éléments verbaux, différents et différenciateurs, de la marque demandée. La requérante soutient que les teckels représentés par les éléments figuratifs desdites marques se distinguent dans la mesure où : l’un est tourné vers la gauche, l’autre vers la droite ; l’un est représenté de profil, colorié entièrement en noir, alors que l’autre, également de profil, est représenté sur un fond blanc et seul le contour de sa silhouette est noir ; l’un est à l’arrêt, la queue et l’oreille vers le bas, alors que l’autre est en mouvement avec la queue dressée et dirigée vers l’arrière tout comme son oreille ; l’épaisseur du corps de l’un serait identique sur toute sa longueur et on ne verrait que deux pattes, alors qu’elle varierait quant au corps du chien de la marque demandée, en étant beaucoup plus fine vers l’arrière, et quatre pattes seraient visibles ; la marque demandée contiendrait deux éléments verbaux, alors que la marque antérieure ne serait que figurative.

44      Ensuite, la requérante allègue que la motivation de la chambre de recours est insuffisante quant à sa conclusion selon laquelle les différences énumérées au point précédent ne sont pas suffisantes pour contrebalancer les similitudes dans les éléments inhérents et fondamentaux du dessin d’un chien. Selon la requérante, cela reviendrait à étendre de manière indue la protection accordée à la marque antérieure, indépendamment des différences existantes. Dès lors, il serait erroné de conclure que la coïncidence entre les caractéristiques intrinsèques d’un chien rend les marques en conflit faiblement similaires sur le plan visuel, alors qu’elles sont différentes par de nombreuses autres caractéristiques.

45      Enfin, selon la requérante, la conclusion de la chambre de recours selon laquelle « aucun des deux teckels n’est caricaturé, représenté comme un personnage de dessin animé ou personnifié avec des vêtements ou une expression faciale, par exemple » lui imposerait une obligation de style comme condition d’enregistrement d’une marque incluant un chien de la race en question. Cela accorderait indirectement à l’intervenante une exclusivité beaucoup trop large sur la représentation d’une race canine qui s’apparenterait à un monopole. Or, la marque antérieure ne serait qu’une représentation fidèle de l’image d’un chien de la race teckel sans qu’elle ne respecte aucune des conditions de style mentionnées par la chambre de recours. Selon la requérante, pour constater à tout le moins faible similitude visuelle entre les marques en conflit, la chambre de recours a accordé de l’importance au simple fait que les éléments figuratifs desdites marques contiennent une simple représentation d’un chien. Cette appréciation serait erronée, car ce serait le cas de plusieurs marques de l’Union européenne représentant un chien qui pourrait être un teckel et ayant fait l’objet d’un enregistrement.

46      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

47      À titre liminaire il convient de rappeler que l’obligation de motivation constitue une formalité substantielle, qui doit être distinguée de la question du bien-fondé de la motivation, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux. En effet, la motivation d’une décision consiste à exprimer formellement les motifs sur lesquels repose cette décision. Si ces motifs sont entachés d’erreurs, celles-ci entachent la légalité au fond de la décision, mais non la motivation de celle-ci, qui peut être suffisante tout en exprimant des motifs erronés [voir arrêt du 26 septembre 2017, La Rocca/EUIPO (Take your time Pay After), T‑755/16, non publié, EU:T:2017:663, point 42 et jurisprudence citée].

48      Étant donné que les premier et troisième arguments de la requérante visent à contester, en substance, le bien-fondé de la motivation de la chambre de recours, il convient de les examiner après avoir examiné l’argument relatif à l’insuffisance de ladite motivation.

49      Par son deuxième argument, la requérante soutient en substance que la chambre de recours aurait insuffisamment motivé sa conclusion selon laquelle, d’une part, les différences entre les éléments figuratifs des marques en conflit sont insuffisantes pour contrebalancer les similitudes des caractéristiques intrinsèques et inhérentes à la représentation fidèle et de profil, par des couleurs monochromes de base, d’un chien de la race teckel et, d’autre part, « aucun des deux teckels n’est caricaturé, représenté comme un personnage de dessin animé ou personnifié avec des vêtements ou une expression faciale, par exemple ».

50      À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 94, paragraphe 1, première phrase, du règlement 2017/1001, les décisions de l’EUIPO doivent être motivées. Cette obligation de motivation a la même portée que celle découlant de l’article 296 TFUE, selon laquelle le raisonnement de l’auteur de l’acte doit apparaître de façon claire et non équivoque. Conformément à une jurisprudence bien établie, la motivation d’une décision est considérée comme suffisante, qu’elle soit explicite ou implicite, si elle permet aux intéressés, compte tenu du contexte, de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et au juge de l’Union d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision. À cet égard, il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée [voir arrêt du 12 mars 2020, Maternus/EUIPO – adp Gauselmann (Jokers WILD Casino), T‑321/19, non publié, EU:T:2020:101, points 15 à 17 et jurisprudence citée].

51      De même, l’obligation de motivation n’impose pas aux chambres de recours de fournir un exposé qui suivrait exhaustivement et un par un tous les raisonnements articulés par les parties devant elles. Il suffit d’exposer les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision [voir arrêt du 15 janvier 2015, MEM/OHMI (MONACO), T‑197/13, EU:T:2015:16, point 19 et jurisprudence citée].

52      Tout d’abord, en l’espèce, il convient de constater que, contrairement à ce que soutient la requérante, la chambre de recours a exposé de manière suffisante, conformément à l’article 94, paragraphe 1, première phrase, du règlement 2017/1001, les raisons pour lesquelles elle a considéré, au point 30 de la décision attaquée, que les marques en conflit présentaient au minimum une faible similitude visuelle, pour autant qu’elles représentaient de façon basique et par des couleurs monochromes de base un teckel de profil, une des races de chiens les plus aisément reconnaissables. La chambre de recours a également précisé, au point 37 de la même décision, que les différences d’orientation et d’impression de mouvement entre les éléments figuratifs desdites marques ainsi que la présence des éléments verbaux « gilbert » et « teckel » au sein de la marque demandée étaient insuffisantes pour contrebalancer de manière palpable cette similitude entre l’élément figuratif constituant la marque antérieure et l’élément figuratif codominant de la marque demandée, de sorte que le degré de similitude visuelle entre ces marques est à tout le moins faible, compte tenu de l’image imparfaite desdites marques gardée en mémoire par le public pertinent.

53      Il s’ensuit que la motivation de la décision attaquée était suffisante, d’une part, pour permettre à la requérante de contester le bien-fondé des appréciations retenues par la chambre de recours, ce dont témoignent ses arguments à l’égard de l’analyse de la similitude visuelle, exposés aux points 43 à 45 ci-dessus, et, d’autre part, pour permettre au Tribunal de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle sur la légalité de cette décision, conformément aux exigences de la jurisprudence citée aux points 50 et 51 ci-dessus.

54      Partant, il convient d’écarter le deuxième argument de la requérante.

55      Ensuite, s’agissant du premier argument de la requérante, selon lequel la chambre de recours se serait focalisée sur les éléments figuratifs des marques en conflit et aurait donné plus de poids aux éléments présentant des similitudes qu’aux autres éléments, plus nombreux, différents et différentiateurs, il convient de relever que la chambre de recours a conclu en substance, au point 30 de la décision attaquée, que malgré les différences décoratives identifiées, lesdites marques présentaient à tout le moins une faible similitude visuelle, en raison du fait qu’elles contenaient une simple représentation d’un chien de profil, de couleur monochrome basique, qui appartenait incontestablement à une race particulière, à savoir le teckel. De même, la chambre de recours a constaté qu’aucun des deux teckels en cause ne se distinguait sensiblement de l’autre du fait que ces chiens n’étaient ni caricaturés, ni représentés comme un personnage de dessin animé ou personnifiés avec des vêtements ou une expression faciale, par exemple. En outre, le second élément verbal « teckel » de la marque demandée renforçait, selon la chambre de recours, la représentation du teckel dans l’élément figuratif, et inversement.

56      À cet égard, il convient de constater, à l’instar de l’EUIPO, que la requérante elle-même concède que les éléments figuratifs des marques en conflit coïncident par la représentation des éléments intrinsèques et inhérents du dessin d’un chien. Il y a lieu de préciser, à l’instar de la chambre de recours, qu’il ne s’agit pas d’un chien quelconque, mais que ce chien appartient à une race tant spécifique que spontanément reconnaissable, à savoir le teckel, et que ni les couleurs utilisées ni la stylisation du dessin du teckel ne sont inhabituelles ou ne permettent de distinguer sensiblement les teckels dessinés de profil dans chacun des éléments figuratifs comparés, afin de considérer qu’ils sont différents. À cet égard, il convient de rappeler que le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée).

57      En outre, le consommateur moyen des produits en cause ne disposera que rarement de la possibilité de comparer les deux marques en conflit lors de ses achats, mais il doit se fier à l’image imparfaite qu’il en a gardée en mémoire (arrêt du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, EU:C:1999:323, point 26). Or, en l’espèce, le public pertinent gardera en mémoire la représentation d’un teckel dessiné de profil dans des couleurs monochromes (blanc et noir) de base, les détails figuratifs dudit dessin ayant dans ce cas un impact insuffisant pour conclure à une totale différence entre les éléments figuratifs en comparaison. De même, s’agissant des éléments verbaux de la marque demandée, tout en étant des éléments de différenciation incontestable, le second élément verbal « teckel » de ladite marque renforce l’impact de la représentation du teckel dans l’élément figuratif de cette marque en y faisant directement référence et, par conséquent, rend palpable à tout le moins faible similitude visuelle entre les éléments figuratifs des marques en conflit, étant donné qu’il s’agit de l’élément codominant de la marque demandée, comme le Tribunal l’a constaté au point 39 ci-dessus, et de l’unique élément de la marque antérieure.

58      Ainsi, en absence d’éléments permettant une distinction claire entre les deux représentations de profil d’un chien aussi particulier que reconnaissable, il convient de considérer que malgré l’identification, par la chambre de recours, des éléments de différenciation, les marques en conflit présentent sur le plan visuel une similitude à tout le moins faible [voir, en ce sens, arrêt du 17 avril 2008, Dainichiseika Colour & Chemicals Mfg./OHMI – Pelikan (Représentation d’un pélican), T‑389/03, non publié, EU:T:2008:114, points 81 et 82]. En tout état de cause, si la chambre de recours avait donné plus de poids aux similitudes entre les éléments figuratifs en cause plutôt qu’aux éléments de différenciation, comme le soutient la requérante, la similitude visuelle aurait été évaluée comme étant d’un degré moyen (comme l’a initialement constaté la division d’opposition et le prétend à tort l’intervenante devant le Tribunal). Or, c’est précisément en tenant pleinement compte desdites différences que la chambre de recours a réduit à juste titre le degré moyen de similitude visuelle, initialement constaté, à tout le moins faible.

59      Dès lors, malgré les différences dans les éléments figuratifs des marques en conflit, relevées par la chambre de recours au point 30 de la décision attaquée (l’un des teckels est tourné vers la gauche, l’autre vers la droite ; l’un est représenté de profil, colorié entièrement en noir, alors que l’autre, également de profil, est représenté sur un fond blanc et seul le contour de sa silhouette est noir ; l’un est à l’arrêt, la queue et l’oreille vers le bas, alors que l’autre est en mouvement avec la queue dressée et dirigée vers l’arrière tout comme son oreille ; on ne voit que deux pattes de l’un, alors qu’on identifie trois pattes de l’autre), il convient de considérer qu’elles ne sont pas aptes à éliminer toute similitude, compte tenu de leur caractère décoratif et de l’image imparfaite desdites marques gardée en mémoire par le public pertinent.

60      Partant, il convient de conclure que le premier argument de la requérante doit être écarté comme étant non fondé.

61      Enfin, s’agissant du troisième argument de la requérante, selon lequel la chambre de recours aurait créé une condition de style supplémentaire à l’égard de la marque demandée, ce qui créerait un monopole sur la représentation fidèle d’un teckel, il y a lieu de constater que cet argument repose sur une lecture erronée de la décision attaquée. En effet, il convient de relever qu’il ressort clairement de la décision attaquée qu’il s’agit d’exemples non exhaustifs d’éléments structurels pouvant contribuer à éviter tout constat de similitude visuelle entre les éléments figuratifs des marques en conflit et non d’une obligation de style nouvellement créée à l’égard de la requérante. Ces exemples sont comparables à ceux mentionnés au point 37 de la décision attaquée et relatifs à l’évaluation d’ensemble du risque de confusion entre lesdites marques, lesquels ne sont que des suggestions pouvant permettre d’exclure toute similitude visuelle par l’utilisation d’un élément structurel de différenciation.

62      De surcroît, la protection accordée à la marque antérieure n’est pas indument étendue, étant donné que la titulaire de cette marque a enregistré comme marque figurative la représentation, de profil, d’un chien de race teckel en couleurs monochromes de base et qu’à tout le moins faible similitude visuelle entre les marques en conflit n’a été constatée que dans ces limites. Le fait que la marque antérieure ne respecte pas ce que la requérante qualifie d’obligation de style n’a aucune incidence sur le champ de la protection accordée initialement à ladite marque, étant donné qu’à tout le moins faible similitude visuelle a été constatée uniquement dans les limites de son enregistrement. De même, s’agissant de la prétendue création, de facto,  d’un monopole sur la représentation fidèle d’un teckel, il suffit de constater que les huit exemples de marques contenant un élément figuratif représentant un chien qui pourrait être de la race teckel, présentés par la requérante, démontrent à suffisance qu’un monopole sur la représentation d’un tel chien n’a pas été accordé à l’intervenante. Dès lors, outre le fait que l’argumentation de la requérante n’a aucune pertinence dans le cadre de l’analyse des similitudes entre les marques en conflit, aucun monopole ne saurait être constaté en l’espèce.

63      Ainsi, il convient d’écarter également comme étant non fondé le troisième argument de la requérante et, partant, de rejeter son deuxième grief.

64      Par ailleurs, s’agissant de la comparaison phonétique des marques en conflit, il convient de constater qu’il n’y a pas lieu de remettre en cause la conclusion de la chambre de recours, formulée au point 31 de la décision attaquée, selon laquelle il n’est pas possible de procéder à cette comparaison étant donné que la marque antérieure est purement figurative, ce qui, au demeurant, n’est pas contesté par les parties.

–       Sur la similitude conceptuelle

65      Par son troisième grief, la requérante conteste l’appréciation de la chambre de recours, au point 32 de la décision attaquée, selon laquelle le degré de similitude conceptuelle entre les marques en conflit est élevé, étant donné que la marque antérieure sera perçue comme un teckel et le marque demandée comme un teckel dénommé Gilbert.

66      La requérante soutient, en substance, que le public pertinent ne fera pas le lien entre le terme « teckel » et l’élément figuratif de la marque demandée. À titre subsidiaire, elle considère que même si ledit public faisait le lien, il percevrait l’élément figuratif comme un accessoire du nom masculin « gilbert teckel » ou comme un élément décoratif complétant les éléments verbaux, le chien de race teckel s’appelant « Gilbert ». Or, selon la requérante, « dans la marque antérieure, le grand public [pertinent] ne verra que le dessin d’un chien, mais cette marque ne contient aucun mot susceptible de véhiculer la même perception sémantique d’un nom masculin ». Dès lors, les signes comparés ne seront pas similaires sur le plan conceptuel, étant donné qu’ils ne véhiculent pas la même signification pour le public pertinent.

67      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

68      En l’espèce, il convient, tout d’abord, d’écarter, pour les raisons expliquées au point 34 ci-dessus, l’argument principal de la requérante, selon lequel le public pertinent en France ne comprendra pas le terme français « teckel » comme faisant référence à une race de chiens ou qu’il ne fera pas le lien entre ledit terme et l’élément figuratif de la marque demandée.

69      Ensuite, il en va de même, comme le Tribunal l’a exposé au point 35 ci-dessus, s’agissant de l’argument selon lequel le concept véhiculé serait celui d’un prénom et d’un nom masculins.

70      Enfin, quant à l’argument selon lequel le public pertinent percevrait l’élément figuratif de la marque demandée comme un élément décoratif complétant les éléments verbaux, force est de constater qu’il n’est pas fondé. D’une part, comme le Tribunal l’a relevé au point 36 ci-dessus, même si le teckel de ladite marque s’appelle Gilbert, le concept véhiculé est en tout état de cause le teckel, qu’il ait un prénom ou non. D’autre part, comme il a été exposé aux points 37 et 39 ci-dessus, la chambre de recours a conclu à juste titre que l’élément figuratif de la marque demandée était codominant et non décoratif.

71      Dès lors, c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que la chambre de recours a conclu à la similitude conceptuelle élevée entre les marques en conflit.

72      Partant, il convient d’écarter le troisième grief de la requérante comme étant non fondé.

–       Sur l’appréciation globale du risque de confusion

73      Selon une jurisprudence constante, l’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement (arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 17, et du 17 avril 2008, Ferrero Deutschland/OHMI, C‑108/07 P, non publié, EU:C:2008:234, point 45).

74      Dans le cadre de son quatrième grief, la requérante considère en substance que la chambre de recours a commis une erreur d’appréciation en considérant, aux points 33 à 40 de la décision attaquée, que les marques en conflit présentaient un risque de confusion. Selon la requérante, le degré de similitude entre lesdites marques n’est pas suffisant pour faire naître un tel risque. Elle fait valoir que la simple coïncidence d’une représentation d’un chien, soit-il d’une race particulière, au sein de ces marques, n’est pas suffisante pour que les consommateurs risquent de les confondre. À cet égard, la requérante cite plusieurs jurisprudences en insistant sur le fait qu’une similitude conceptuelle suffit pour constater le risque de confusion uniquement si la marque antérieure possède un caractère distinctif particulier. De même, la requérante réitère son argumentation selon laquelle seuls les deux éléments verbaux de la marque demandée seront mémorisés par le public pertinent, ce qui exclurait tout risque de confusion.

75      L’EUIPO et l’intervenante contestent l’argumentation de la requérante.

76      En l’espèce, la chambre de recours a conclu, au point 37 de la décision attaquée, que « les signes ne coïncid[ai]ent pas au niveau des caractéristiques génériques d’un chien, mais au niveau des caractéristiques particulières d’un teckel ». Selon la chambre de recours, « la silhouette du teckel [était] simple et fidèle à la réalité dans la marque antérieure, tout comme dans le signe [demandé]. Aucun des teckels n’[était] représenté d’une manière qui le différenci[ait] sensiblement de l’autre. Par exemple, aucun des deux n’a[vait] un accessoire ou une expression comique, ni ne présent[ait] un degré élevé de stylisation. L’orientation et l’impression de mouvement, ou son absence, ne distingu[ai]ent pas suffisamment les éléments figuratifs ». En outre, la chambre de recours a conclu qu’« il ressort[ait] néanmoins clairement des dix exemples donnés qu’il [pouvait] exister de nombreuses manières différentes de styliser, de caricaturer ou de personnaliser les chiens, y compris des types particuliers de chiens, notamment les teckels, afin de les distinguer d’autres représentations. Tel n’[était] pas le cas en l’espèce ». De plus, « les différents éléments du signe [demandé] se renfor[çai]ent mutuellement pour le public français ».

77      À cet égard, il convient de relever qu’aucun des arguments de la requérante n’est de nature à remettre en cause la légalité de la décision attaquée. D’une part, le cas d’espèce concerne une similitude visuelle et conceptuelle, à la différence des exemples jurisprudentiels donnés par la requérante qui visent uniquement une similitude conceptuelle, ce qui rend impossible l’établissement d’un éventuel parallèle avec lesdits exemples. D’autre part, en l’espèce, il convient de relever, à l’instar de l’EUIPO, que l’élément verbal « teckel » de la marque demandée constitue une référence directe à son élément figuratif, tandis que le mot « sabèl », en cause dans l’un des arrêts cités par la requérante, n’avait aucun lien sémantique avec l’image d’un félin bondissant qu’il accompagnait. De même, dans l’arrêt du 11 novembre 1997, SABEL (C‑251/95, EU:C:1997:528), l’analogie sémantique entre les parties figuratives des deux marques en conflit se limitait au fait que les animaux desdites marques appartenaient tous les deux à la famille des félins et étaient représentés en bondissant, tandis qu’en l’espèce, les signes contiennent l’image d’une des races de chiens les plus aisément reconnaissables, à savoir le teckel, représentée de manière similaire dans les deux signes.

78      Par ailleurs, compte tenu de ce qui précède et notamment des considérations au point 39 ci-dessus, il convient de rejeter également l’argument selon lequel seuls les éléments verbaux de la marque demandée seront gardés en mémoire par le public pertinent, ledit argument reposant sur les prémisses erronées, précédemment rejetées, selon lesquelles l’élément figuratif est décoratif.

79      Dès lors, il convient de constater que la chambre de recours a considéré à juste titre, aux points 39 et 40 de la décision attaquée, que, compte tenu du public pertinent constitué du grand public en France et de son niveau d’attention moyen à l’égard des produits concernés qui sont identiques (voir points 24 et 25 ci-dessus), du degré des similitudes visuelle et conceptuelle, respectivement d’un niveau à tout le moins faible et élevé, entre les marques en conflit (voir points 58 et 71 ci-dessus) ainsi que du caractère distinctif normal de la marque antérieure, au demeurant non contesté par la requérante, il y avait lieu de conclure, dans le cadre de l’appréciation globale de ces facteurs, à la lumière de l’interdépendance entre ceux-ci et de la mémoire imparfaite qu’avait le public pertinent desdites marques, qu’il existait un risque de confusion dans l’esprit dudit public, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

80      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le quatrième grief de la requérante comme étant non fondé et, par conséquent, de rejeter le premier moyen.

 Sur le second moyen, tiré de la violation desprincipes d’égalité de traitement et de sécurité juridique

81      Par son second moyen, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir violé les principes d’égalité de traitement et de sécurité juridique. À cet égard, la requérante renvoie à nouveau à l’arrêt du 11 novembre 1997, SABEL (C‑251/95, EU:C:1997:528) ainsi qu’à une multitude de décisions de l’EUIPO constatant l’absence de risque de confusion entre des marques en conflit coïncidant dans la représentation d’un animal par leurs éléments figuratifs.

82      L’EUIPO et l’intervenante contestent l’argumentation de la requérante.

83      À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les décisions que les chambres de recours sont conduites à prendre en vertu du règlement 2017/1001 relèvent de l’exercice d’une compétence liée et non d’un pouvoir discrétionnaire. Dès lors, la légalité des décisions des chambres de recours doit être appréciée uniquement sur la base de ce règlement, tel qu’interprété par le juge de l’Union, et non sur la base d’une pratique décisionnelle antérieure à celles‑ci (voir, par analogie, arrêt du 26 avril 2007, Alcon/OHMI, C‑412/05 P, EU:C:2007:252, point 65 et jurisprudence citée).

84      L’examen d’une demande d’enregistrement doit avoir lieu dans chaque cas concret, l’enregistrement d’un signe en tant que marque dépendant de critères spécifiques, applicables dans le cadre des circonstances factuelles du cas d’espèce, destinés à vérifier si le signe en cause ne relève pas d’un motif de refus énoncé par le règlement 2017/1001. À cet égard, l’appréciation relative à l’existence d’un motif de refus d’enregistrement ne saurait être remise en cause pour la seule raison que la chambre de recours n’a pas suivi dans un cas d’espèce la pratique décisionnelle de l’EUIPO [voir, en ce sens, ordonnance du 12 décembre 2013, Getty Images (US)/OHMI, C‑70/13 P, non publiée, EU:C:2013:875, points 41 à 48 ; arrêts du 16 octobre 2014, Larrañaga Otaño/OHMI (GRAPHENE), T‑459/13, non publié, EU:T:2014:892, points 35 à 39, et du 12 décembre 2014, Wilo/OHMI (Pioneering for You), T‑601/13, non publié, EU:T:2014:1067, points 42 et 43].

85      En l’espèce, il ressort de l’examen du premier moyen que la chambre de recours a, à juste titre, constaté, sur la base d’un examen diligent et complet, que la marque demandée se heurtait au motif relatif de refus énoncé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, de sorte que la requérante ne saurait utilement invoquer, aux fins d’infirmer cette conclusion, des décisions antérieures de l’EUIPO ou la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne. En effet, ainsi qu’il a été précisé au point 84 ci-dessus, la validité de l’enregistrement d’un signe en tant que marque dépend de critères spécifiques, applicables dans le cadre des circonstances factuelles du cas d’espèce, destinés à vérifier si le signe en cause ne relève pas d’un motif de refus (voir, en ce sens, arrêt du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, EU:C:2011:139, point 77 et jurisprudence citée).

86      De même, il convient d’observer qu’aucun des exemples donnés par la requérante ne présente des caractéristiques comparables au cas d’espèce, contrairement à l’avis de celle-ci. En effet, chacun des exemples concerne des cas dans lesquels les marques en conflit coïncident uniquement dans les caractéristiques génériques des animaux représentés par leurs éléments figuratifs. Dès lors, si, en ce qui concerne l’arrêt du 11 novembre 1997, SABEL (C‑251/95, EU:C:1997:528), il est renvoyé aux considérations contenues au point 77 ci-dessus, il convient de considérer que les autres exemples donnés par la requérante ne sont pas pertinents pour l’analyse du présent cas. D’une part, en l’espèce, il ne s’agit pas d’une coïncidence sur les caractéristiques génériques d’un chien quelconque, mais sur les caractéristiques spécifiques d’un teckel, une des races de chiens les plus aisément reconnaissables, et, d’autre part, aucun des exemples donnés ne présente un élément verbal qui reprend le concept véhiculé par l’élément figuratif ou le désigne directement et vice versa. Par conséquent, la requérante ne saurait utilement invoquer les principes d’égalité de traitement et de sécurité juridique à l’appui de son argumentation. 

87      Dès lors, le second moyen de la requérante doit être rejeté.

88      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter les conclusions de la requérante aux fins d’annulation de la décision attaquée .

 Sur les dépens

89      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

90      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens exposés par l’intervenante, conformément aux conclusions de cette dernière. En revanche, l’EUIPO n’ayant conclu à la condamnation de la requérante aux dépens qu’en cas de convocation à une audience, il convient, en l’absence d’organisation d’une audience, de décider que l’EUIPO supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Contorno Textil, SL supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par Harmont & Blaine SpA.

3)      L’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) supportera ses propres dépens.

Costeira

Kancheva

Zilgalvis

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 25 octobre 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.