Language of document : ECLI:EU:T:2018:748

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (sixième chambre)

25 octobre 2018 (*)

« Aides d’État – Législation fiscale allemande concernant le report des pertes sur les années fiscales futures (Sanierungsklausel) – Décision déclarant l’aide incompatible avec le marché intérieur – Annulation de l’acte attaqué par la Cour – Disparition de l’objet du litige – Non-lieu à statuer »

Dans l’affaire T‑585/11,

Cheverny Investments Ltd, établie à St. Julians (Malte), représentée par Mes H. Prinz zu Hohenlohe-Langenburg, R. Staab et S. Rasch, avocats,

partie requérante,

soutenue par

République fédérale d’Allemagne, représentée initialement par M. T. Henze, Mme K. Petersen et M. R. Kanitz, puis par MM. Henze, Kanitz et Mme K. Stranz et enfin par MM. Henze, Kanitz et Mme S. Eisenberg, en qualité d’agents,

partie intervenante,

contre

Commission européenne, représentée initialement par MM. R. Lyal, T. Maxian Rusche et M. Adam, puis par MM. Lyal, Maxian Rusche et Mme K. Blanck, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision 2011/527/UE de la Commission, du 26 janvier 2011, concernant l’aide d’État de l’Allemagne C 7/10 (ex CP 250/09 et NN 5/10) au titre de la clause d’assainissement prévue par la loi relative à l’impôt sur les sociétés (« KStG, Sanierungsklausel ») (JO 2011, L 235, p. 26),

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. G. Berardis, président, S. Papasavvas et Mme O. Spineanu-Matei (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        En Allemagne, en vertu de l’article 10d, paragraphe 2, de l’Einkommensteuergesetz (loi sur l’impôt sur le revenu), les pertes réalisées au cours d’un exercice fiscal peuvent être reportées sur des exercices fiscaux ultérieurs, ce qui signifie que les pertes en question peuvent être soustraites des revenus imposables des années suivantes. En vertu de l’article 8, paragraphe 1, du Körperschaftsteuergesetz (loi relative à l’impôt sur les sociétés, ci-après le « KStG »), la règle du report des pertes s’applique également aux entreprises assujetties à l’impôt sur les sociétés.

2        L’article 8c, paragraphe 1, du KStG, introduit en 2008 par l’Unternehmensteuerreformgesetz (loi portant réforme de la fiscalité des entreprises), limite la possibilité de report des pertes. Cette règle de la mise en non-valeur de pertes ne prévoyait à l’origine aucune exception. En juin 2009, le Bürgerentlastungsgesetz Krankenversicherung (loi sur l’assurance maladie relative à l’allégement fiscal au profit des citoyens) a inséré l’article 8c, paragraphe 1a, du KStG (ci-après la « clause d’assainissement »), selon lequel un report des pertes continue à être possible lorsque l’acquisition d’une entreprise en difficulté a lieu à des fins d’assainissement et sous réserve du respect de certaines conditions. La clause d’assainissement est entrée en vigueur le 10 juillet 2009, avec effet rétroactif au 1er janvier 2008, c’est-à-dire à la même date d’entrée en vigueur que la règle de la mise en non-valeur des pertes susmentionnée.

3        Le 26 janvier 2011, la Commission européenne a adopté la décision 2011/527/UE concernant l’aide d’État de l’Allemagne C 7/10 (ex CP 250/09 et NN 5/10) au titre de la clause d’assainissement prévue par la loi relative à l’impôt sur les sociétés (« KStG, Sanierungsklausel ») (JO 2011, L 235, p. 26, ci-après la « décision attaquée »). En premier lieu, elle a qualifié ladite clause d’aide d’État. En deuxième lieu, elle a conclu que les aides en faveur de certains bénéficiaires pouvaient être autorisées sous la forme d’un montant d’aide limité compatible avec le marché intérieur, dans la mesure où elles remplissaient toutes les conditions d’un régime d’aides allemand qu’elle avait approuvé au sens du cadre communautaire temporaire pour les aides d’État destinées à favoriser l’accès au financement dans le contexte de la crise économique et financière actuelle (JO 2009, C 83, p. 1). En revanche, elle a exclu que la clause d’assainissement fût compatible avec le marché intérieur sur le fondement des lignes directrices concernant les aides d’État au sauvetage et à la restructuration d’entreprises en difficulté, des lignes directrices concernant les aides d’État à finalité régionale pour la période 2007-2013 (JO 2006, C 54, p. 13) et des lignes directrices concernant les aides d’État à la protection de l’environnement (JO 2008, C 82, p. 1), ainsi qu’au regard de l’article 107, paragraphe 3, TFUE. En troisième lieu, elle a enjoint à la République fédérale d’Allemagne, notamment, de prendre toutes les mesures nécessaires pour récupérer l’aide octroyée illégalement auprès des bénéficiaires.

 Procédure et conclusions des parties

4        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 10 novembre 2011, la requérante, Cheverny Investments Ltd, a introduit le présent recours.

5        Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 16 mars 2012, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 114 du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991. La requérante a déposé ses observations sur cette exception le 2 mai 2012.

6        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 29 février 2012, la République fédérale d’Allemagne a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions de la requérante. Par ordonnance du 2 mai 2012, le président de la huitième chambre du Tribunal a admis cette intervention. La République fédérale d’Allemagne a déposé son mémoire en intervention, limité à la recevabilité, et les autres parties ont déposé leurs observations sur celui-ci dans les délais impartis.

7        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        à titre subsidiaire, annuler partiellement la décision attaquée en ce que, conformément à l’interprétation du droit national, la clause d’assainissement ne concerne pas les seules sociétés surendettées ou insolvables ou celles qui risquent de devenir insolvables, un assainissement au sens de ladite clause pouvant également permettre aux sociétés dont l’insolvabilité ou le surendettement est évitable, c’est‑à‑dire simplement imminent, de reporter les pertes en cas de changement de porteur de parts, dans la mesure où les conditions correspondantes sont remplies ;

–        condamner la Commission aux dépens.

8        Dans l’exception d’irrecevabilité, la Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme étant irrecevable ;

–        condamner la requérante aux dépens.

9        La requérante, en substance, dans ses observations sur l’exception d’irrecevabilité, et la République fédérale d’Allemagne, dans son mémoire en intervention, concluent au rejet de l’exception d’irrecevabilité.

10      En septembre 2013, la composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la neuvième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

11      Par ordonnance du 17 juillet 2014, le président de la neuvième chambre a ordonné la suspension de la procédure jusqu’à la décision du Tribunal mettant fin à l’instance dans l’affaire T‑287/11, Heitkamp BauHolding/Commission, l’objet du recours dans cette affaire et celui du présent recours étant identiques.

12      À la suite de la reprise de la procédure le 4 février 2016, le Tribunal (neuvième chambre) a, le 29 février 2016, invité les parties à présenter leur observations quant à l’incidence, sur le présent litige, des arrêts du 4 février 2016, GFKL Financial Services/Commission (T‑620/11, EU:T:2016:59), et du 4 février 2016, Heitkamp BauHolding/Commission (T‑287/11, EU:T:2016:60).

13      Par décision du 29 juin 2016, le président de la neuvième chambre a ordonné la suspension de la procédure jusqu’aux décisions de la Cour mettant fin à l’instance dans les affaires C‑203/16 P, Andres (faillite Heitkamp BauHolding)/Commission, et C‑208/16 P, Allemagne/Commission.

14      Par décision du 10 octobre 2016, l’affaire a été réattribuée à la sixième chambre et un nouveau juge rapporteur a été désigné.

15      À la suite de la reprise de la procédure le 28 juin 2018, le Tribunal (sixième chambre) a, le 6 juillet 2018, invité les parties à présenter leur observations quant à l’incidence, sur le présent litige, des arrêts du 28 juin 2018, Andres (faillite Heitkamp BauHolding)/Commission (C‑203/16 P, EU:C:2018:505), et du 28 juin 2018, Allemagne/Commission (C‑208/16 P, non publié, EU:C:2018:506), dans lesquels la Cour a annulé la décision attaquée. En particulier, les parties ont été invitées à présenter leurs observations sur l’éventuel constat d’office par le Tribunal d’un non-lieu à statuer dans le présent litige, en application de l’article 131, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal. Les parties ont présenté leurs observations dans le délai imparti.

16      Dans ses observations du 13 juillet 2018, la République fédérale d’Allemagne indique ne pas soulever d’objections à ce que le Tribunal constate d’office le non-lieu à statuer.

17      Dans ses observations du 20 juillet 2018, la Commission considère qu’il n’y a plus lieu de statuer. Elle ne conclut pas sur les dépens.

18      Dans ses observations du 6 août 2018, la requérante estime que, la décision attaquée ayant été annulée par la Cour dans les arrêts du 28 juin 2018, Andres (faillite Heitkamp BauHolding)/Commission (C‑203/16 P, EU:C:2018:505), et du 28 juin 2018, Allemagne/Commission (C‑208/16 P, non publié, EU:C:2018:506), le présent recours est devenu sans objet et qu’il n’y a plus lieu de statuer sur celui-ci. Elle demande que la Commission soit condamnée aux dépens.

 En droit

19      En vertu de l’article 131, paragraphe 1, du règlement de procédure, le Tribunal peut à tout moment, d’office, sur proposition du juge rapporteur, les parties entendues, constater que le recours est devenu sans objet et qu’il n’y a plus lieu de statuer.

20      En l’espèce, le Tribunal, s’estimant suffisamment éclairé par les pièces du dossier, constate, sans poursuivre la procédure, qu’il n’y a plus lieu de statuer sur le recours.

21      En effet, le présent recours a pour objet une demande d’annulation de la décision attaquée. Or, dans ses arrêts du 28 juin 2018, Allemagne/Commission (C‑208/16 P, non publié, EU:C:2018:506), et du 28 juin 2018, Allemagne/Commission (C‑209/16 P, non publié, EU:C:2018:507), la Cour a annulé ladite décision. Par conséquent, le présent recours doit être considéré comme étant devenu sans objet.

22      En outre, le recours étant devenu sans objet, il n’y a pas lieu de statuer sur l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission (voir, en ce sens, ordonnance du 5 mai 2010, CBI et ABISP/Commission, T‑128/08 et T‑241/08, non publiée, EU:T:2010:175, point 31).

 Sur les dépens

23      Aux termes de l’article 137 du règlement de procédure, en cas de non-lieu à statuer, le Tribunal règle librement les dépens. Le Tribunal estime qu’il sera fait une juste appréciation des circonstances de l’espèce en décidant que, le non-lieu à statuer résultant de l’annulation de la décision attaquée par la Cour, la Commission supportera, outre ses propres dépens, ceux de la requérante.

24      En vertu de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres qui sont intervenus à un litige supportent leurs propres dépens. Il s’ensuit que la République fédérale d’Allemagne supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

ordonne :

1)      Il n’y a plus lieu de statuer sur le recours.

2)      La Commission européenne supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par Cheverny Investments Ltd.

3)      La République fédérale d’Allemagne supportera ses propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 25 octobre 2018.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

G. Berardis


*      Langue de procédure : l’allemand.