Language of document : ECLI:EU:T:2024:149

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

6 mars 2024 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque de l’Union européenne figurative GEOGRAPHICAL NORWAY EXPEDITION – Cause de nullité absolue – Mauvaise foi – Article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001] – Cause de nullité relative – Atteinte à la renommée – Article 8, paragraphe 5, et article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 [devenus article 8, paragraphe 5, et article 60, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001] »

Dans l’affaire T‑639/22,

VF International Sagl, établie à Stabio (Suisse), représentée par Me Y. Bizollon, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. V. Ruzek, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Super Brand Licencing SAS, établie à Villeurbanne (France), représentée par Mes T. de Haan et A. Sion, avocats,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de Mmes A. Marcoulli, présidente, V. Tomljenović et M. R. Norkus (rapporteur), juges,

greffier : Mme R. Ūkelytė, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 7 juin 2023,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, VF International Sagl, demande l’annulation de la décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 23 août 2022 (affaire R 124/2022‑4) (ci‑après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 27 mars 2017, la requérante, venue aux droits de la société Green Sport Monte Bianco SpA, a présenté à l’EUIPO, en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)], une demande de nullité de la marque de l’Union européenne figurative enregistrée le 13 septembre 2011 sous le numéro 9860834 à la suite d’une demande déposée le 1er avril 2011 par M. Alain Harfi, prédécesseur en droit de l’intervenante, Super Brand Licencing SAS, et représentée ci-après :

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3        Dans la demande d’enregistrement de la marque contestée, l’intervenante avait revendiqué les couleurs noire, taupe, rouge et blanche et fourni la description suivante :

« Logo sur fond noir GEOGRAPHICAL : écriture pleine blanche. Typographie plus petite que celle du mot NORWAY. Mot superposé sur le mot NORWAY à partir de la lettre “o”. NORWAY : écriture pleine noire dans un encadré taupe. La lettre “n” est coupée en deux dans le sens vertical. ORWAY est coupé en deux dans le sens horizontal. Le haut de ORWAY est caché par le mot GEOGRAPHICAL. EXPEDITION : écriture pleine rouge sur fond noir. Mot de la même largeur que NORWAY ».

4        Les produits couverts par la marque contestée relevaient des classes 9, 14, 16, 18, 24 et 25 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondaient, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 9 : « Appareils et instruments scientifiques, nautiques, géodésiques, photographiques, cinématographiques, optiques, de pesage, de mesurage, de signalisation, de contrôle (inspection), de secours (sauvetage) et d’enseignement ; appareils et instruments pour la conduite, la distribution, la transformation, l’accumulation, le réglage ou la commande du courant électrique ; appareils pour l’enregistrement, la transmission, la reproduction du son ou des images ; supports d’enregistrement magnétiques, disques acoustiques ; distributeurs automatiques et mécanismes pour appareils à prépaiement ; caisses enregistreuses, machines à calculer, équipement pour le traitement de l’information et les ordinateurs ; extincteurs ; lunettes ; lunettes (chasse [montures] de -) ; lunettes (de vision et de protection) ; lunettes (verres de -) ; lunettes (étuis a -) ; chaines de lunettes ; chasses de lunettes ; cordons pour lunettes ; lunettes [optique] ; lunettes de baignade et de natation ; lunettes de ski ; lunettes de soleil ; lunettes de sport ; montures pour lunettes et lunettes de soleil ; étuis pour lunettes » ;

–        classe 14 : « Métaux précieux et leurs alliages et produits en ces matières ou en plaque non compris dans d’autres classes ; joaillerie, bijouterie, pierres précieuses ; horlogerie et instruments ; chronométriques ; horlogerie (écrins pour 1’-) ; horlogerie (étuis pour 1’-) ; coffrets à bijoux » ;

–        classe 16 : « Papier, carton et produits en ces matières, non compris dans d’autres classes ; produits de l’imprimerie ; articles pour reliures ; photographies ; papeterie ; adhésifs (matières collantes) pour la papeterie ou le ménage ; matériel pour les artistes ; pinceaux ; machines à écrire et articles de bureau (à l’exception des meubles) ; matériel d’instruction ou d’enseignement (à l’exception des appareils) ; matières plastiques pour l’emballage (non comprises dans d’autres classes) ; caractères d’imprimerie ; clichés ; sachets [enveloppes, pochettes] en papier ou en matières plastiques pour l’emballage ; sacs [enveloppes, pochettes] en papier ou en matières plastiques pour l’emballage ; prospectus » ;

–        classe 18 : « Cuir et imitations du cuir, produits en ces matières non compris dans d’autres classes ; peaux d’animaux ; malles et valises ; parapluies, parasols et cannes ; fouets et sellerie ; portefeuilles ; sacs au dos ; sacs [enveloppes, pochettes] en cuir pour l’emballage ; sacs d’écoliers ; sacs de voyage ; sacs de sport ; sacs à main » ;

–        classe 24 : « Tissus et produits textiles non compris dans d’autres classes ; couvertures de lit et de table » ;

–        classe 25 : « Vêtements, chaussures, chapellerie ».

5        La demande en nullité était fondée sur deux signes antérieurs.

6        Premièrement, la demande en nullité était fondée sur le signe verbal non enregistré GEOGRAPHIC utilisé dans la vie des affaires en Italie depuis les années 1990 pour les « sacs, vêtements, chaussures, chapellerie ».

7        Deuxièmement, la demande en nullité était fondée sur la marque de l’Union européenne figurative déposée le 11 avril 2006 et enregistrée le 1er mars 2011 sous le numéro 5052816, représentée ci-après :

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8        La marque de l’Union européenne figurative antérieure désignait les produits et services relevant des classes 18, 25 et 43 et correspondant, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 18 : « Cuir et imitations du cuir, produits en ces matières non compris dans d’autres classes ; peaux d’animaux ; malles et valises ; parapluies, parasols et cannes ; fouets et sellerie » ;

–        classe 25 : « Vêtements, chaussures, chapellerie » ;

–        classe 43 : « Services de restauration (alimentation) ; hébergement temporaire ».

9        Les motifs invoqués à l’appui de la demande en nullité étaient les causes de nullité relative, prévues, la première, à l’article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 [devenu article 60, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001], lu en combinaison avec l’article 8, paragraphe 1, sous b), du même règlement [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001], la deuxième, à l’article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, lu en combinaison avec l’article 8, paragraphe 5, du même règlement (devenu article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001), ainsi que, la troisième, à l’article 53, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009 [devenu article 60, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001], lu en combinaison avec l’article 8, paragraphe 4, du même règlement (devenu article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001), et la cause de nullité absolue visée à l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 [devenu article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001].

10      Par décision du 7 mars 2019, la division d’annulation a rejeté la demande en nullité dans son intégralité.

11      Le 25 mars 2019, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO à l’encontre de la décision de la division d’annulation, en limitant l’étendue du recours aux causes de nullité prévues à l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 et à l’article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, lu en combinaison avec l’article 8, paragraphe 5, du même règlement.

12      Par décision du 6 avril 2020, la première chambre de recours de l’EUIPO a fait droit au recours de la requérante sur le fondement de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, en constatant l’existence de la mauvaise foi de l’intervenante au moment du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée.

13      Le 17 juillet 2020, l’intervenante a introduit un recours en annulation devant le Tribunal à l’encontre de la décision de la première chambre de recours.

14      Par arrêt du 8 septembre 2021, SBG/EUIPO – VF International (GEOGRAPHICAL NORWAY EXPEDITION) (T‑459/20, non publié, EU:T:2021:544), le Tribunal a fait droit au recours en constatant un défaut de motivation ne lui permettant pas de contrôler le bien-fondé de la décision de la chambre de recours du 6 avril 2020.

15      À la suite de l’arrêt du Tribunal, la quatrième chambre de recours de l’EUIPO a adopté la décision attaquée, rejetant le recours de la requérante. S’agissant de la cause de nullité visée à l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, la chambre de recours a conclu à l’absence de mauvaise foi de l’intervenante. Quant à la cause de nullité visée à l’article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 5, du même règlement, la chambre de recours a conclu qu’il était improbable que le public pertinent établît un lien entre les signes en conflit.

 Conclusions des parties

16      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO et l’intervenante aux dépens.

17      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens en cas de convocation à une audience.

18      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

19      Compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement en cause, à savoir le 1er avril 2011, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, les faits de l’espèce sont régis par les dispositions matérielles du règlement no 207/2009 (voir, en ce sens, ordonnance du 5 octobre 2004, Alcon/OHMI, C‑192/03 P, EU:C:2004:587, points 39 et 40, et arrêt du 23 avril 2020, Gugler France/Gugler et EUIPO, C‑736/18 P, non publié, EU:C:2020:308, point 3 et jurisprudence citée).

20      Par suite, en l’espèce, en ce qui concerne les règles de fond, il convient d’entendre les références faites par la chambre de recours dans la décision attaquée et celles faites par les parties dans leur argumentation respective à l’article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 et à l’article 60, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 5, du même règlement, comme visant, respectivement, l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 et l’article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 5, du même règlement, d’une teneur identique.

21      Par ailleurs, dans la mesure où, selon une jurisprudence constante, les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à la date à laquelle elles entrent en vigueur (voir arrêt du 11 décembre 2012, Commission/Espagne, C‑610/10, EU:C:2012:781, point 45 et jurisprudence citée), le litige est régi par les dispositions procédurales du règlement 2017/1001.

22      Au soutien de son recours, la requérante invoque deux moyens. Le premier est tiré de la violation de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009. Le second est tiré de la violation de l’article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, lu en combinaison avec l’article 8, paragraphe 5, du même règlement.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009

23      La requérante soutient, en substance, que la chambre de recours a commis une erreur d’appréciation en constatant que la demande d’enregistrement de la marque contestée n’avait pas été effectuée de mauvaise foi. Ce moyen s’articule en trois branches tendant à contester l’analyse de la chambre de recours relative, premièrement, à la connaissance par l’intervenante de l’utilisation d’un signe similaire à la marque contestée, deuxièmement, à la renommée du signe verbal non enregistré GEOGRAPHIC et, troisièmement, à l’intention de l’intervenante au moment du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée.

24      Aux termes de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, la nullité de la marque de l’Union européenne est déclarée, sur demande présentée auprès de l’EUIPO ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon, lorsque le demandeur était de mauvaise foi lors du dépôt de la demande de marque.

25      À cet égard, il y a lieu de relever que la notion de mauvaise foi visée à l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 n’est ni définie, ni délimitée, ni même décrite d’une quelconque manière dans la législation [voir arrêt du 29 juin 2017, Cipriani/EUIPO – Hotel Cipriani (CIPRIANI), T‑343/14, EU:T:2017:458, point 25 et jurisprudence citée].

26      La Cour a toutefois eu l’occasion de préciser, alors que, conformément à son sens habituel dans le langage courant, la notion de mauvaise foi supposait la présence d’un état d’esprit ou d’une intention malhonnête, que cette notion devait en outre être comprise dans le contexte du droit des marques, qui est celui de la vie des affaires. Elle a ajouté que, à cet égard, le règlement (CE) no 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), et les règlements no 207/2009 et 2017/1001, adoptés successivement, s’inscrivaient dans un même objectif, à savoir l’établissement et le fonctionnement du marché intérieur. Elle a enfin constaté que les règles sur la marque de l’Union européenne visaient, en particulier, à contribuer au système de concurrence non faussée dans l’Union européenne, dans lequel chaque entreprise devait, afin de s’attacher la clientèle par la qualité de ses produits ou de ses services, être en mesure de faire enregistrer en tant que marques des signes permettant au consommateur de distinguer sans confusion possible ces produits ou ces services de ceux qui avaient une autre provenance (voir arrêt du 12 septembre 2019, Koton Mağazacilik Tekstil Sanayi ve Ticaret/EUIPO, C‑104/18 P, EU:C:2019:724, point 45 et jurisprudence citée).

27      Par conséquent, la cause de nullité absolue visée à l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 s’applique lorsqu’il ressort d’indices pertinents et concordants que le titulaire d’une marque de l’Union européenne a introduit la demande d’enregistrement de cette marque non pas dans le but de participer de manière loyale au jeu de la concurrence, mais avec l’intention de porter atteinte, d’une manière non conforme aux usages honnêtes, aux intérêts de tiers, ou avec l’intention d’obtenir, sans même viser un tiers en particulier, un droit exclusif à des fins autres que celles relevant des fonctions d’une marque, notamment de la fonction essentielle d’indication d’origine des produits ou des services concernés (arrêt du 12 septembre 2019, Koton Mağazacilik Tekstil Sanayi ve Ticaret/EUIPO, C‑104/18 P, EU:C:2019:724, point 46).

28      En outre, l’intention du demandeur d’une marque est un élément subjectif qui doit cependant être déterminé de manière objective par les autorités administratives et juridictionnelles compétentes. Par conséquent, toute allégation de mauvaise foi doit être appréciée globalement, en tenant compte de l’ensemble des circonstances factuelles pertinentes du cas d’espèce. Ce n’est que de cette manière que l’allégation de mauvaise foi peut être appréciée objectivement (voir arrêt du 12 septembre 2019, Koton Mağazacilik Tekstil Sanayi ve Ticaret/EUIPO, C‑104/18 P, EU:C:2019:724, point 47 et jurisprudence citée).

29      À cette fin, constituent, notamment, des facteurs pertinents, premièrement, le fait que le demandeur sache ou doive savoir qu’un tiers utilise, dans au moins un État membre, un signe identique ou similaire pour un produit ou service identique ou similaire, prêtant à confusion avec le signe dont l’enregistrement est demandé, deuxièmement, l’intention du demandeur d’empêcher ce tiers de continuer à utiliser un tel signe ainsi que, troisièmement, le degré de protection juridique dont jouissent le signe du tiers et le signe dont l’enregistrement est demandé (arrêt du 11 juin 2009, Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli, C‑529/07, EU:C:2009:361, point 53), ces facteurs n’étant toutefois que des illustrations parmi un ensemble d’éléments susceptibles d’être pris en compte (voir arrêt du 29 juin 2017, CIPRIANI, T‑343/14, EU:T:2017:458, point 28 et jurisprudence citée).

30      Dans le cas d’une demande en nullité fondée sur l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, il n’est nullement requis que le demandeur soit titulaire d’une marque antérieure identique ou similaire pour des produits et des services identiques ou similaires. En effet, la demande d’enregistrement d’une marque est susceptible d’être regardée comme ayant été introduite de mauvaise foi nonobstant l’absence, au moment de cette demande, d’utilisation par un tiers d’un signe identique ou similaire à la marque contestée ou l’absence de risque de confusion entre le signe utilisé par un tiers et la marque contestée, d’autres circonstances factuelles pouvant, le cas échéant, constituer des indices pertinents et concordants établissant la mauvaise foi du titulaire de la marque contestée (arrêt du 12 septembre 2019, Koton Mağazacilik Tekstil Sanayi ve Ticaret/EUIPO, C‑104/18 P, EU:C:2019:724, points 51 à 56).

31      Ainsi, dans le cadre de l’analyse globale opérée au titre de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, il peut également être tenu compte de l’origine du signe contesté et de son usage depuis sa création, de la logique commerciale dans laquelle s’est inscrit le dépôt de la demande d’enregistrement dudit signe en tant que marque de l’Union européenne ainsi que de la chronologie des événements ayant caractérisé la survenance dudit dépôt [voir arrêt du 7 juillet 2016, Copernicus-Trademarks/EUIPO – Maquet (LUCEO), T‑82/14, EU:T:2016:396, point 32 et jurisprudence citée].

32      De même, il est possible de prendre en compte le degré de notoriété dont jouissait le signe antérieur ainsi que la connaissance qu’avait, à la date de la demande d’enregistrement, le titulaire de la marque dont la nullité a été demandée de l’existence du signe antérieur et de son degré de notoriété, notamment lorsque le signe antérieur a été enregistré ou utilisé en tant que marque [voir, en ce sens, arrêt du 8 mai 2014, Simca Europe/OHMI – PSA Peugeot Citroën (Simca), T‑327/12, EU:T:2014:240, points 40 et 46].

33      En outre, la circonstance que l’usage d’un signe dont l’enregistrement est demandé permettrait au demandeur de tirer indûment profit de la renommée d’une marque ou d’un signe antérieur ou encore du nom d’une personne célèbre relève d’une logique commerciale qui est de nature à établir la mauvaise foi du demandeur [voir, en ce sens, arrêts du 8 mai 2014, Simca, T‑327/12, EU:T:2014:240, point 56, et du 14 mai 2019, Moreira/EUIPO – Da Silva Santos Júnior (NEYMAR), T‑795/17, non publié, EU:T:2019:329, points 51 et 55].

34      Enfin, il convient de rappeler qu’il incombe au demandeur en nullité d’établir les circonstances qui permettent de conclure que le titulaire d’une marque de l’Union européenne était de mauvaise foi lors du dépôt de la demande d’enregistrement de cette dernière (voir arrêt du 8 mai 2014, Simca, T‑327/12, EU:T:2014:240, point 35 et jurisprudence citée), la bonne foi étant présumée jusqu’à preuve du contraire [arrêt du 13 décembre 2012, pelicantravel.com/OHMI – Pelikan (Pelikan), T‑136/11, non publié, EU:T:2012:689, point 57].

35      Lorsque l’EUIPO constate que les circonstances objectives du cas d’espèce invoquées par le demandeur en nullité sont susceptibles de conduire au renversement de la présomption de bonne foi dont bénéficie le titulaire de la marque en cause lors du dépôt de la demande d’enregistrement de celle-ci, il appartient à ce dernier de fournir des explications plausibles concernant les objectifs et la logique commerciale poursuivis par la demande d’enregistrement de ladite marque [arrêts du 21 avril 2021, Hasbro/EUIPO – Kreativni Dogadaji (MONOPOLY), T‑663/19, EU:T:2021:211, point 43, et du 25 janvier 2023, Zielonogórski Klub Żużlowy Sportowa/EUIPO – Falubaz Polska (FALUBAZ), T‑703/21, non publié, EU:T:2023:19, point 67].

36      C’est à la lumière de ces considérations qu’il y a lieu d’examiner les arguments de la requérante visant à remettre en cause la légalité de la décision attaquée en ce que la chambre de recours a conclu à l’absence de mauvaise foi de l’intervenante au moment du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée, soit le 1er avril 2011.

37      À titre liminaire, il convient de relever que, dans le cadre de l’examen de la mauvaise foi de l’intervenante, la chambre de recours, après avoir rappelé, aux points 38 et 39 de la décision attaquée, la chronologie des événements et les relations entre les parties, a développé son raisonnement autour de l’analyse de trois facteurs, à savoir, premièrement, aux points 40 à 50 de la décision attaquée, la connaissance par l’intervenante de l’utilisation d’un signe similaire à la marque contestée, deuxièmement, aux points 51 à 59 de la décision attaquée, la renommée du signe verbal non enregistré GEOGRAPHIC et, troisièmement, aux points 60 à 73 de la décision attaquée, l’intention de l’intervenante au moment du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée.

38      C’est ainsi qu’il convient d’analyser successivement les trois branches du premier moyen rappelées au point 24 ci-dessus, portant sur chacun des trois facteurs analysés par la chambre de recours.

 Sur la première branche, relative à l’appréciation par la chambre de recours du facteur lié à la connaissance par l’intervenante de l’utilisation d’un signe similaire à la marque contestée

39      Par la première branche du premier moyen, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir commis plusieurs erreurs d’appréciation lors de l’analyse du facteur lié à la connaissance par l’intervenante de l’utilisation d’un signe similaire à la marque contestée. À ce titre, premièrement, la requérante fait grief à la chambre de recours d’avoir examiné si la similitude existant entre les signes en cause engendrait un risque de confusion. Deuxièmement, la requérante lui reproche également de s’être trompée sur les signes à comparer et, partant, d’avoir dénaturé les termes du litige opposant les parties.

–       Sur le premier grief, tiré de ce que la chambre de recours aurait erronément fondé son appréciation sur une absence de risque de confusion

40      S’agissant du premier grief, la requérante excipe de ce que la chambre de recours aurait indûment fondé son appréciation sur une absence de risque de confusion.

41      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante. En substance, l’EUIPO fait valoir que, dans la mesure où la requérante s’est appuyée dans sa demande en nullité sur l’allégation selon laquelle l’intervenante aurait cherché à générer une confusion avec les signes antérieurs, la chambre de recours devait se prononcer sur cet argument. L’intervenante soutient que la chambre de recours n’a pas exclu l’existence de la mauvaise foi seulement sur le fondement de l’absence d’un risque de confusion.

42      Il ressort de la décision attaquée que la chambre de recours n’a pas examiné l’existence d’un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, mais s’est bornée à analyser la similitude existant entre les signes en cause comme facteur susceptible d’être pris en compte afin de se prononcer sur l’éventuelle mauvaise foi de l’intervenante au moment du dépôt de la demande d’enregistrement de marque. Ladite chambre a conclu que lesdits signes ne présentaient pas de similitudes suffisantes pour donner lieu à une confusion.

43      En effet, force est de constater que, dans la décision attaquée, la chambre de recours s’est limitée à répondre aux arguments de la requérante relatifs à la confusion ou à l’association entre les signes en cause. Or, ces arguments ont été invoqués uniquement dans le but de démontrer que la logique commerciale de l’intervenante était celle de se placer dans le sillage de ses signes antérieurs pour tirer profit de leur image, de leur réputation et de leur succès sur le marché, et ce avec l’intention de provoquer dans l’esprit du consommateur une association entre les signes en conflit.

44      Au demeurant, ainsi que la chambre de recours l’a relevé à juste titre au point 40 de la décision attaquée, il suffit de rappeler que l’existence d’un risque de confusion entre les signes en cause ne constitue pas une condition sine qua non pour l’appréciation de la mauvaise foi (arrêt du 12 septembre 2019, Koton Mağazacilik Tekstil Sanayi ve Ticaret/EUIPO, C‑104/18 P, EU:C:2019:724, point 51) et qu’une identité ou une similitude entre lesdits signes ne suffit pas en soi à démontrer la mauvaise foi [arrêt du 1er février 2012, Carrols/OHMI – Gambettola (Pollo Tropical CHICKEN ON THE GRILL), T‑291/09, EU:T:2012:39, point 90].

45      Il s’ensuit que le premier grief de la première branche du premier moyen doit être rejeté.

–       Sur le second grief, tiré de l’absence de prise en compte du signe figuratif antérieur tel qu’il est exploité sur le marché

46      Par son second grief, la requérante reproche, en substance, à la chambre de recours de ne pas avoir comparé les signes en cause tels qu’utilisés sur le marché. En particulier, elle estime que la chambre de recours aurait dû tenir compte du fait que le signe figuratif NAPAPIJRI geographic était utilisé avec le drapeau norvégien.

47      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante. L’EUIPO souligne, s’agissant de l’argument relatif à la prise en compte du drapeau norvégien, que la chambre de recours a seulement affirmé qu’un drapeau ne pouvait être monopolisé à titre de marque. Il ajoute, ainsi que l’intervenante, que la chambre de recours, à l’instar de la division d’opposition, a comparé tous les éléments composant les signes en cause et a correctement conclu qu’il n’existait pas de similitude entre lesdits signes.

48      Premièrement, dans la mesure où la requérante fait valoir que la chambre de recours aurait dû tenir compte du fait que le signe figuratif NAPAPIJRI geographic était utilisé avec le drapeau norvégien, il convient de rappeler que l’application du principe selon lequel la seule utilisation d’une marque non enregistrée ne fait pas obstacle à ce qu’une marque identique ou similaire soit enregistrée pour des produits similaires ou identiques est nuancée par l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement 207/2009, en vertu duquel la nullité d’une marque de l’Union est déclarée lorsque le demandeur est de mauvaise foi [voir, en ce sens, arrêt du 11 juillet 2013, S.A.PAR/OHMI – Salini Costruttori (GRUPPO SALINI), T‑321/10, EU:T:2013:372, points 17 et 18 et jurisprudence citée]. En outre, la jurisprudence de la Cour selon laquelle la connaissance par le demandeur d’une marque contestée de l’utilisation par un tiers d’un signe identique ou similaire est un facteur pertinent pour l’appréciation de la mauvaise foi se réfère seulement à la connaissance de l’utilisation d’un signe, et non à celle de l’existence d’une marque enregistrée (voir, en ce sens, arrêts du 11 juin 2009, Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli, C‑529/07, EU:C:2009:361, points 39 et 53, et du 12 septembre 2019, Koton Mağazacilik Tekstil Sanayi ve Ticaret/EUIPO, C‑104/18 P, EU:C:2019:724, point 50). Il en découle que, lorsque l’identité ou la similitude avec un signe antérieur est invoquée pour établir que l’enregistrement de la marque contestée a été demandé de mauvaise foi, la forme sous laquelle ce signe antérieur a été utilisé sur le marché depuis son origine ne saurait être négligée aux fins de l’appréciation de la mauvaise foi, et ce indépendamment du fait de l’enregistrement ou non de ce signe en tant que marque.

49      En l’espèce, s’il est vrai que la chambre de recours a relevé, au point 44 de la décision attaquée, que le signe verbal non enregistré GEOGRAPHIC était utilisé en combinaison avec le terme « napapijri », d’une part, et avec le drapeau norvégien, d’autre part, ladite chambre a toutefois omis de prendre en considération ledit drapeau lors de la comparaison de ce signe avec la marque contestée.

50      En effet, au point 48 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que l’article 6 ter de la convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle du 20 mars 1883, telle que révisée et modifiée, interdisait l’enregistrement et l’utilisation des marques identiques ou sensiblement similaires aux emblèmes d’État et que, en l’espèce, la requérante n’avait pas démontré avoir été autorisée par le Royaume de Norvège à utiliser le drapeau norvégien comme marque. En outre, au point 49 de la décision attaquée, la chambre de recours a conclu que ledit drapeau ne pouvait pas être utilisé à titre de marque et que, partant, aucun agent économique ne pouvait être empêché de l’utiliser librement, cette utilisation n’étant pas illicite.

51      Or, d’une part, rien ne permet de conclure que la requérante prétendait avoir enregistré le drapeau à titre de marque ou s’opposait à son utilisation par des tiers. En effet, la requérante s’est uniquement prévalue de l’utilisation du drapeau en lien avec le signe figuratif NAPAPIJRI geographic aux fins d’établir la mauvaise foi de l’intervenante.

52      D’autre part, ainsi qu’il ressort du point 49 ci-dessus, la chambre de recours aurait dû prendre en compte, aux fins de l’appréciation de la mauvaise foi, la connaissance du signe figuratif NAPAPIJRI geographic tel qu’utilisé sur le marché, indépendamment de la question de savoir s’il avait été enregistré comme tel. Or, dans les circonstances de la présente affaire, la requérante s’appuie sur l’association entre, d’une part, le drapeau norvégien tel qu’utilisé avec le signe figuratif NAPAPIJIRI geographic sur le marché et, d’autre part, l’élément verbal anglais « norway » (« norvège » en français) figurant dans la marque contestée, afin de démontrer la mauvaise foi de l’intervenante qui aurait tenté de se placer dans son sillage.

53      Deuxièmement, il y a lieu de relever, à l’instar de la requérante, que la chambre de recours n’a pas procédé à une comparaison des éléments graphiques du signe figuratif NAPAPIJRI geographic et de la marque contestée, tels que la structure rectangulaire desdits signes, la disposition sur plusieurs niveaux de leurs éléments verbaux, voire la division horizontale de ces derniers par une marque blanche marquant l’inversion des couleurs.

54      Au vu de ce qui précède, la chambre de recours a erronément fait abstraction de l’utilisation du drapeau norvégien ainsi que des éléments graphiques des signes en cause dans son analyse des similitudes entre le signe figuratif NAPAPIJRI geographic de la requérante et la marque contestée.

55      À la lumière des considérations qui précèdent, il convient d’accueillir le second grief de la première branche du premier moyen.

 Sur la deuxième branche, relative à la renommée des signes antérieurs

56      La requérante fait valoir que la chambre de recours s’est bornée à examiner le facteur de la renommée par rapport au seul signe verbal non enregistré GEOGRAPHIC.

57      L’EUIPO et l’intervenante contestent l’argumentation de la requérante. L’EUIPO soutient que la décision attaquée reflète l’identification des signes antérieurs tels qu’invoqués par la requérante dans le cadre de sa demande en nullité. L’intervenante, quant à elle, fait valoir que l’argumentation de la requérante n’est pas fondée, dès lors qu’elle ne démontre pas en quoi la décision attaquée serait différente en prenant en compte le signe figuratif NAPAPIJRI geographic.

58      À cet égard, il ressort des points 51 et 52 de la décision attaquée que la chambre de recours a considéré que les éléments de preuve fournis par la requérante, énumérés aux points 53 à 56 de ladite décision, visaient uniquement le signe figuratif NAPAPIJRI geographic. La chambre de recours a conclu que la renommée du signe verbal non enregistré GEOGRAPHIC ne saurait être établie sur la base de la renommée du signe figuratif NAPAPIJRI geographic.

59      Or, il ressort du point 3 de la demande en nullité de la requérante, ainsi que des explications liminaires dans lesquelles elle a présenté le signe GEOGRAPHIC, contenues aux points 4 à 14 de ladite demande, que les références de la requérante au signe GEOGRAPHIC visaient également le signe figuratif NAPAPIJRI geographic, y compris avant son enregistrement en tant que marque de l’Union européenne. De plus, dans son argumentaire relatif à la mauvaise foi, au point 59 de ladite demande, la requérante a invoqué de façon explicite « la renommée [et] le succès [de ses marques] », et non seulement la renommée et le succès du signe verbal non enregistré GEOGRAPHIC.

60      Afin de démontrer la renommée et le succès commercial de ses signes antérieurs, la requérante a produit plusieurs éléments de preuve en annexe à la demande en nullité. Ainsi, les annexes 1.1 à 1.7 de la demande en nullité de la requérante comportent des articles de presse et des catalogues visant à mettre en exergue le succès sur le marché de nombreux pays des signes antérieurs de la requérante. De même, l’annexe 2 produit des informations afférentes au chiffre d’affaires prévisionnel de la requérante. En outre, l’annexe 7 contient également de nombreux catalogues et des publicités concernant les signes antérieurs de la requérante.

61      Par ailleurs, il convient de relever que, à la lumière de la jurisprudence mentionnée aux points 30 et 34 ci-dessus, dans la mesure où les facteurs à prendre en considération lors de l’examen de l’existence de la mauvaise foi ne constituent pas une liste exhaustive, le succès commercial, la notoriété, la réputation et la reconnaissance sur le marché des signes antérieurs peuvent également constituer des facteurs pertinents à prendre en considération lors de l’appréciation de la mauvaise foi. Ainsi, à supposer que, dans le cadre du motif d’annulation tiré de la mauvaise foi, la requérante ait employé la notion de « renommée » dans un sens différent de celui relevant de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009, et ce afin de faire valoir le succès commercial, la notoriété ou la réputation de ses signes antérieurs, ces allégations auraient dû être prises en considération par la chambre de recours.

62      Il en résulte que la chambre de recours aurait dû examiner les éléments de preuve apportés par la requérante visant à établir la renommée, voire le succès, la notoriété, la réputation ou la reconnaissance du signe figuratif NAPAPIJRI geographic, y compris avant son enregistrement en tant que marque.

63      Partant, la deuxième branche du premier moyen doit être accueillie.

 Sur la troisième branche, relative à l’appréciation de l’intention de l’intervenante au moment du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée

64      La requérante relève, en substance, que la chambre de recours, lors de l’examen du facteur lié à l’intention de l’intervenante au moment du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée, n’aurait pas examiné les éléments pertinents visant à étayer l’intention malhonnête de l’intervenante ou en aurait fait une appréciation erronée.

65      À ce titre, premièrement, la requérante fait grief à la chambre de recours de ne pas avoir tenu compte de la chronologie des événements ayant entouré le dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée. Plus précisément, elle lui reproche d’avoir considéré que la marque contestée, déposée le 1er avril 2011, était une « duplication » de l’enregistrement de la marque française verbale GEØGRAPHICAL NØRWAY, déposée le 5 avril 2005 et enregistrée sous le numéro 3353148. Deuxièmement, la requérante argue que la chambre de recours a indûment omis de prendre en considération les modalités d’usage de la marque contestée, alors qu’elles montreraient que ladite marque avait été utilisée sous une forme autre que celle visée au point 2 ci-dessus, puisque le drapeau norvégien lui avait été associé lors de son usage sur le marché. Troisièmement, la requérante considère que la chambre de recours n’a pas non plus examiné certains éléments de preuve qu’elle a produits, afférents aux dépôts, par l’intervenante, de demandes d’enregistrement de marques revêtant un caractère d’actes parasitaires à l’égard des tiers. Quatrièmement, la conduite de l’intervenante à l’égard de la requérante aurait également été négligée par la chambre de recours.

66      Il y a lieu de rappeler que, à la lumière de la jurisprudence citée au point 32 ci-dessus, l’origine de la marque contestée ainsi que l’usage dont il en a été fait depuis sa création, outre la logique commerciale dans laquelle s’est inscrit le dépôt de la demande d’enregistrement de ladite marque et la chronologie des événements ayant caractérisé la survenance dudit dépôt, se présentent tous comme des éléments susceptibles d’être pris en considération.

–       Sur le premier grief, tiré de la prise en compte de la marque française verbale GEØGRAPHICAL NØRWAY

67      Par son premier grief, la requérante fait valoir que la chambre de recours a considéré à tort que l’origine de la marque contestée se trouvait dans la marque française verbale GEØGRAPHICAL NØRWAY et que son enregistrement comme marque de l’Union européenne constituait un acte légitime dans le cadre de la logique commerciale de l’intervenante afin d’étendre la protection de ladite marque française verbale au-delà du territoire français.

68      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante. L’EUIPO soutient, en substance, que la marque contestée ne constitue pas une simple duplication de la marque française verbale GEØGRAPHICAL NØRWAY. Toutefois, il met en exergue le fait que la marque contestée reprend les principaux éléments distinctifs de ladite marque.

69      Premièrement, il y a lieu de constater que le dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée ne pouvait pas s’inscrire dans une logique commerciale visant à obtenir une protection couvrant le territoire de l’Union européenne pour la marque française verbale GEØGRAPHICAL NØRWAY, dès lors que l’intervenante avait déjà déposé une demande d’enregistrement international pour une marque identique à cette marque. En effet, il y a lieu de relever, ainsi que l’intervenante l’a admis dans son mémoire en réponse, que la marque française verbale GEØGRAPHICAL NØRWAY a fait l’objet d’une demande d’enregistrement international désignant l’Union européenne auprès de l’EUIPO le 26 juin 2007 et que ladite marque s’est vu reconnaître la même protection que celle accordée à une marque de l’Union européenne le 21 juillet 2008. Or, la marque contestée a fait l’objet d’une demande d’enregistrement le 1er avril 2011 et a été enregistrée 13 septembre 2011. En outre, il convient de rappeler que l’enregistrement de la marque verbale GEØGRAPHICAL NØRWAY a fait l’objet d’un recours indépendant devant le Tribunal, résultant dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 8 septembre 2021, SBG/EUIPO – VF International (GEØGRAPHICAL NØRWAY) (T‑458/20, non publié, EU:T:2021:543). Il ressort des considérations qui précèdent que la marque verbale GEØGRAPHICAL NØRWAY et la marque contestée sont deux marques distinctes l’une de l’autre, ayant fait l’objet d’enregistrements différents, ainsi que de décisions de l’EUIPO et d’arrêts du Tribunal clairement différenciés.

70      Deuxièmement, force est de constater que la marque contestée ne saurait être considérée comme une simple variante de la marque française verbale GEØGRAPHICAL NØRWAY, compte tenu du caractère figuratif de la marque contestée, de l’addition du terme « expedition », de la disposition des éléments qui la constituent et des couleurs revendiquées.

71      Troisièmement, à supposer même que la marque contestée constitue une simple variante de la marque française verbale GEØGRAPHICAL NØRWAY, enregistrée avant le dépôt de la demande d’enregistrement de la marque de l’Union européenne figurative NAPAPIJRI geographic, une telle circonstance ne saurait suffire nécessairement à écarter la mauvaise foi de l’intervenante [voir, en ce sens, arrêt du 28 avril 2021, France Agro/EUIPO – Chafay (Choumicha Saveurs), T‑311/20, non publié, EU:T:2021:219, points 40 et 41]. En effet, l’existence d’un droit national antérieur identique ou similaire en ce qui concerne l’intervenante n’est qu’un facteur parmi d’autres qui peut être pris en considération aux fins d’apprécier la mauvaise foi tout en tenant compte des autres facteurs pertinents caractérisant le cas d’espèce. Ainsi, en l’occurrence, la chambre de recours aurait dû tenir compte de la chronologie des événements dans lesquels la marque française verbale GEØGRAPHICAL NØRWAY a été déposée et, plus particulièrement, de la circonstance que le signe figuratif NAPAPIJRI geographic, avant d’être enregistré, avait déjà été utilisé par la requérante depuis au moins l’année 1999.

72      Dès lors, la requérante est fondée à soutenir que la chambre de recours a pris indûment en compte la marque française verbale GEØGRAPHICAL NØRWAY et, partant, a conclu erronément qu’il était légitime pour l’intervenante de vouloir protéger ladite marque au niveau de l’Union par le biais de l’enregistrement de la marque contestée.

73      Cette conclusion ne saurait être infirmée par l’argument de l’intervenante tiré des ordonnances de rétractation adoptées par le tribunal de grande instance de Paris (France) le 15 juin 2017, lesquelles ont eu pour effet la disparition rétroactive des ordonnances de la même juridiction du 14 mars 2017 autorisant la requérante à faire pratiquer une saisie-contrefaçon dans plusieurs sièges sociaux du prédécesseur en droit de l’intervenante afin de faire constater tant des actes de concurrence déloyale que des actes en contrefaçon de cette dernière à son égard. En effet, même si, par ces ordonnances, la juridiction nationale a conclu que la requérante avait manqué à son devoir de loyauté du fait de ne pas avoir mentionné l’existence de la marque française verbale GEØGRAPHICAL NØRWAY de l’intervenante, il n’en demeure pas moins qu’une telle circonstance n’est pas de nature à soutenir la logique commerciale dont se prévaut l’intervenante, à savoir celle d’étendre la protection de cette marque par le biais de l’enregistrement de la marque contestée.

74      Au vu de ce qui précède, il y a lieu d’accueillir le premier grief soulevé par la requérante au soutien de la troisième branche du premier moyen.

–       Sur le quatrième grief, tiré de l’absence de prise en compte du comportement de l’intervenante à l’égard de la requérante

75      Par son quatrième grief, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir omis de prendre en compte le comportement que l’intervenante aurait eu à son égard et d’avoir négligé les éléments de preuve apportés visant ledit comportement.

76      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante. L’EUIPO relève, en substance, que les conflits ayant opposé la requérante et l’intervenante dans le passé concernaient l’exploitation de marques différentes de celles faisant l’objet du présent litige.

77      À cet égard, s’il est certes vrai que le constat de la chambre de recours, au point 64 de la décision attaquée, selon lequel aucune relation contractuelle entre les parties au litige n’avait été invoquée ni prouvée n’est pas remis en cause, il n’en demeure pas moins que la requérante avait produit des éléments de preuve devant les instances de l’EUIPO visant à démontrer que la relation entre les parties sur le marché n’avait pas été paisible.

78      En particulier, il ressort du dossier que la requérante avait produit des éléments de preuve visant à démontrer que, depuis au moins l’année 2002, la requérante et l’intervenante n’étaient pas inconnues l’une de l’autre et que leur prédécesseur en droit respectif s’était opposé à plusieurs reprises. D’abord, il est constant que, le 27 juillet 2002, le prédécesseur en droit de la requérante a envoyé au prédécesseur en droit de l’intervenante une lettre de mise en demeure lui demandant de mettre fin à l’utilisation par ce dernier d’une marque qui reprenait les éléments caractéristiques de la marque NAPAPIJRI, à savoir ANAPURNA, accompagnée du drapeau norvégien. Ensuite, après avoir essayé de régler le conflit à l’amiable, le prédécesseur en droit de la requérante a introduit un recours qui a donné lieu au jugement du tribunal de grande instance de Lyon (France) du 27 juillet 2006 condamnant le prédécesseur en droit de l’intervenante et annulant les enregistrements des marques françaises NAPAPURNA et NAPAPURNA EQUIPMENT.

79      Or, contrairement à ce que la chambre de recours a estimé, lesdits conflits ne sauraient être ignorés du seul fait qu’ils concernaient des marques différentes et non les signes en cause dans le cadre du présent litige. En effet, ils font partie de la chronologie des événements ayant précédé le dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée et sont susceptibles d’être pertinents pour apprécier l’intention de l’intervenante.

80      Cette conclusion ne saurait être infirmée, contrairement à ce que l’intervenante soutient, par l’arrêt de la Cour de cassation de Belgique du 27 avril 2023 rejetant le pourvoi introduit par la requérante contre l’arrêt de la cour d’appel de Bruxelles (Belgique) du 9 juin 2022 ayant conclu que le modèle de parka Skidoo de la requérante n’était pas protégé par le droit d’auteur. Il y a lieu de relever que le litige devant les juridictions belges ne portait pas sur le droit des marques, ni sur la mauvaise foi, mais sur le prétendu droit d’auteur que la requérante entendait détenir sur le modèle Skidoo. Il s’ensuit que l’allégation de l’intervenante tirée dudit arrêt doit être écartée comme étant inopérante.

81      Il découle des considérations qui précèdent qu’il y a lieu d’accueillir le quatrième grief en ce que la chambre de recours a omis de prendre en compte le comportement passé de l’intervenante à l’égard de la requérante.

–       Sur le deuxième grief, tiré de ce que la chambre de recours a omis de prendre en compte l’utilisation par l’intervenante de la marque contestée

82      Par son deuxième grief, la requérante soutient, en substance, que la chambre de recours n’a pas pris en considération l’utilisation que l’intervenante avait faite de la marque contestée sur le marché.

83      L’EUIPO et l’intervenante contestent l’argumentation de la requérante. À cet égard, l’EUIPO et l’intervenante font valoir que la requérante s’est appuyée sur des exemples datant de l’année 2017, soit plusieurs années après le dépôt d’enregistrement de la marque contestée, sans expliquer leur pertinence pour apprécier l’intention de l’intervenante au moment de la demande d’enregistrement.

84      À cet égard, il convient de rappeler, d’une part, que l’usage de la marque contestée depuis sa création figure parmi les facteurs pouvant être pris en compte lors de l’appréciation de l’existence de la mauvaise foi (voir, en ce sens, arrêt du 28 avril 2021, Choumicha Saveurs, T‑311/20, non publié, EU:T:2021:219, point 41 et jurisprudence citée). D’autre part, l’usage de la marque contestée dans un graphisme et des couleurs similaires à ceux de la marque ou du signe antérieur peut constituer un facteur pertinent dans l’appréciation globale visant à éclairer la chambre de recours sur les intentions qui animaient l’intervenante lors du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2021, GEOGRAPHICAL NORWAY EXPEDITION, T‑459/20, non publié, EU:T:2021:544, point 79).

85      En l’espèce, force est de constater que la requérante a produit plusieurs éléments de preuve afin de démontrer l’utilisation que l’intervenante avait faite de la marque contestée. Ainsi, il ressort de l’annexe A.9 de la requête que la requérante a apporté des photographies des produits sur lesquels était apposée la marque contestée dans un graphisme modifié, aux fins de démontrer que ces modifications, comme le positionnement sur les produits de cette marque, étaient similaires au signe figuratif NAPAPIJRI geographic ainsi qu’à la manière dont celui-ci était apposé et utilisé sur les produits de la requérante. Or, indépendamment de la question de savoir si ces éléments de preuve permettaient d’établir la mauvaise foi de l’intervenante au moment du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée, il y a lieu de constater que lesdits éléments n’ont pas été examinés par la chambre de recours dans la décision attaquée.

86      Partant, il convient d’accueillir le deuxième grief en ce que la chambre de recours a omis de prendre en considération la manière dont l’intervenante utilisait la marque contestée sur le marché et d’examiner les éléments de preuve fournis à ce propos par la requérante.

–       Sur le troisième grief, tiré de ce que la chambre de recours a omis de prendre en compte le comportement parasitaire de l’intervenante à l’égard des tiers

87      Par son troisième grief, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir omis de prendre en considération les éléments de preuve produits par la requérante aux fins de démontrer le comportement parasitaire de l’intervenante à l’égard d’autres entreprises présentes sur le marché.

88      L’EUIPO et l’intervenante contestent l’argumentation de la requérante. L’EUIPO fait valoir que les agissements de l’intervenante concernent d’autres marques et ne sont pas pertinents dans le cadre du présent litige. L’intervenante soutient qu’elle est titulaire de plusieurs autres marques similaires à la marque contestée, pour lesquelles, dans les litiges opposant les mêmes parties, la mauvaise foi a été rejetée par des décisions définitives de l’EUIPO.

89      À cet égard, il y a lieu de relever que le comportement de l’intervenante à l’égard des tiers et les conflits en matière de marques l’opposant à d’autres entreprises ressortent de l’annexe A.9 de la requête, laquelle renvoie aux pièces 10.4.1 à 10.4.10 annexées aux observations déposées par la requérante le 15 décembre 2017 devant la division d’annulation de l’EUIPO. Ainsi, il ressort de ladite annexe que la requérante a apporté plusieurs exemples des marques que le prédécesseur en droit de l’intervenante avait tenté d’enregistrer, soit en France, soit auprès de l’EUIPO, consistant en des signes fortement similaires aux marques antérieures d’autres entreprises, aux fins, également, de se placer dans le sillage de ces dernières. Or, force est de constater que la chambre de recours a ignoré les éléments de preuve produits par la requérante à cet égard alors qu’ils constituaient des éléments pertinents dans le cadre de l’appréciation de la mauvaise foi. En effet, lesdits éléments ne pouvaient être ignorés du seul fait qu’ils concernaient des marques différentes des signes qui sont en cause dans le cadre du présent litige. Il convient de rappeler à ce titre que, dans le cadre de l’analyse globale opérée au titre de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, il convient de prendre en considération tous les facteurs pertinents propres au cas d’espèce et existant au moment du dépôt de la demande d’enregistrement, dont, notamment, la logique commerciale dans laquelle s’est inscrit le dépôt de la demande d’enregistrement du signe en tant que marque de l’Union européenne ainsi que de la chronologie des événements ayant caractérisé ledit dépôt (voir arrêt du 11 juillet 2013, GRUPPO SALINI, T‑321/10, EU:T:2013:372, points 21 et 23 et jurisprudence citée). 

90      Il en résulte que le troisième grief soulevé par la requérante doit être accueilli.

91      À la lumière de ce qui précède, et notamment de l’absence de prise en compte des circonstances et des éléments de preuve mentionnés aux points 78, 79, 86 et 90 ci-dessus, il y a lieu de constater que la chambre de recours a erronément conclu, au point 72 de la décision attaquée, que les arguments avancés par la requérante étaient « peu nombreux et peu convaincants » pour prouver l’intention malhonnête de l’intervenante.

92      Partant, il y a lieu d’accueillir la troisième branche du premier moyen.

93      Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu d’accueillir le premier moyen du recours.

 Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 5, dudit règlement

94      La requérante soutient, en substance, que la chambre de recours a commis une erreur d’appréciation lors de l’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009, dans la mesure où elle aurait conclu à tort à l’absence d’atteinte à la renommée de la marque de l’Union européenne figurative antérieure, telle que reproduite au point 8 ci-dessus, et ce au seul motif que la similitude entre les marques en conflit n’aurait été que très faible. En outre, elle conteste la comparaison des marques en conflit opérée par la chambre de recours ainsi que la conclusion selon laquelle celles-ci n’auraient été similaires qu’à un très faible degré.

95      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante. L’EUIPO fait valoir que la chambre de recours a correctement conclu au degré de similarité faible entre les signes en conflit. Il ajoute que la chambre de recours a procédé à l’examen du lien entre les signes en conflit et qu’elle a, à juste titre, considéré que plus le degré de similitude était faible, plus le lien que le public serait en mesure d’établir entre ceux-ci était incertain. L’intervenante soutient, en substance, que la requérante se limite à contester le constat de la chambre de recours selon lequel les signes en conflit ne présentaient qu’un degré de similitude faible, sans contester la conclusion de la chambre de recours sur l’absence de lien entre lesdits signes. En outre, elle souligne que la requérante n’apporte aucun élément permettant de conclure à un constat différent.

96      Aux termes de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure au sens de l’article 8, paragraphe 2, dudit règlement (devenu article 8, paragraphe 2, du règlement 2017/1001), la marque demandée est refusée à l’enregistrement si elle est identique ou similaire à une marque antérieure, indépendamment du fait que les produits ou services pour lesquels elle est demandée sont identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque antérieure est enregistrée, lorsque cette dernière est une marque de l’Union européenne qui jouit d’une renommée dans l’Union européenne ou une marque nationale qui jouit d’une renommée dans l’État membre concerné, et que l’usage sans juste motif de la marque demandée tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de cette marque antérieure ou leur porterait préjudice.

97      La protection élargie accordée à la marque antérieure par l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009 présuppose donc la réunion de plusieurs conditions. Premièrement, la marque antérieure prétendument renommée doit être enregistrée. Deuxièmement, cette dernière et celle dont l’enregistrement est demandé doivent être identiques ou similaires. Troisièmement, elle doit jouir d’une renommée dans l’Union, dans le cas d’une marque de l’Union européenne antérieure, ou dans l’État membre concerné, dans le cas d’une marque nationale antérieure. Quatrièmement, l’usage sans juste motif de la marque demandée doit conduire au risque qu’un profit puisse être indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou qu’un préjudice puisse être porté au caractère distinctif ou à la renommée de la marque antérieure. Ces conditions étant cumulatives, l’absence de l’une d’entre elles suffit à rendre inapplicable ladite disposition [arrêt du 22 mars 2007, Sigla/OHMI – Elleni Holding (VIPS), T‑215/03, EU:T:2007:93, point 34 ; voir, également, arrêt du 31 mai 2017, Alma-The Soul of Italian Wine/EUIPO – Miguel Torres (SOTTO IL SOLE ITALIANO SOTTO il SOLE), T‑637/15, EU:T:2017:371, point 29 et jurisprudence citée].

98      En outre, selon la jurisprudence de la Cour, l’existence d’une similitude entre la marque antérieure et la marque contestée constitue une condition d’application commune à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 et à l’article 8, paragraphe 5, dudit règlement. Cette condition de similitude entre les marques en conflit suppose, tant dans le cadre de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 que dans celui de l’article 8, paragraphe 5, dudit règlement, l’existence, notamment, d’éléments de ressemblance visuelle, auditive ou conceptuelle (arrêt du 24 mars 2011, Ferrero/OHMI, C‑552/09 P, EU:C:2011:177, points 51 et 52).

99      Certes, le degré de similitude requis dans le cadre de l’une et de l’autre desdites dispositions est différent. En effet, tandis que la mise en œuvre de la protection instaurée par l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 est subordonnée à la constatation d’un tel degré de similitude entre les marques en conflit qu’il existe, dans l’esprit du public concerné, un risque de confusion entre celles-ci, en revanche, pour la protection conférée par l’article 8, paragraphe 5, du même règlement, l’existence d’un tel risque n’est pas requise. Or, il ne ressort ni du libellé desdites dispositions ni de la jurisprudence que la similitude entre les marques en conflit devrait être appréciée de manière différente selon qu’elle est effectuée au regard de l’une ou de l’autre de ces dispositions (arrêt du 24 mars 2011, Ferrero/OHMI, C‑552/09 P, EU:C:2011:177, points 53 et 54). Toutefois, les atteintes visées à l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009 peuvent être la conséquence d’un degré moindre de similitude entre les marques en conflit, pour autant que celui-ci est suffisant pour que le public concerné effectue un rapprochement entre lesdites marques, c’est-à-dire établisse un lien entre elles (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 23 octobre 2003, Adidas-Salomon et Adidas Benelux, C‑408/01, EU:C:2003:582, points 29, 30 et 38, et du 27 novembre 2008, Intel Corporation, C‑252/07, EU:C:2008:655, point 66).

100    Par ailleurs, l’existence d’un tel lien doit être appréciée globalement, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce, au nombre desquels figurent, premièrement, le degré de similitude entre les signes en conflit, deuxièmement, la nature des produits ou des services pour lesquels les signes en conflit sont respectivement enregistrés, y compris le degré de proximité ou de dissemblance de ces produits ou de ces services ainsi que le public concerné, troisièmement, l’intensité de la renommée de la marque antérieure, quatrièmement, le degré de caractère distinctif, intrinsèque ou acquis par l’usage, de la marque antérieure et, cinquièmement, l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public (voir, par analogie, arrêt du 27 novembre 2008, Intel Corporation, C‑252/07, EU:C:2008:655, points 41 et 42).

101    C’est à la lumière des considérations qui précèdent qu’il convient de contrôler la légalité de la décision attaquée.

102    À titre liminaire, il y a lieu de relever que, tel qu’il ressort des points 81 et 82 de la décision attaquée, la chambre de recours, pour des raisons d’économie de la procédure, a considéré qu’il n’était pas nécessaire d’examiner les preuves de la renommée de la marque antérieure et a fondé son analyse sur l’hypothèse que cette marque disposait d’un caractère distinctif élevé.

103    La chambre de recours a ainsi examiné la similitude entre les signes en conflit et a conclu que, en raison du degré de similitude faible, voire très faible, existant entre ceux-ci, il était « peu probable », voire « improbable », que le public établît un lien entre les marques en conflit.

 Sur la comparaison des marques en conflit

104    Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, deux marques sont similaires lorsque, du point de vue du public pertinent, il existe entre elles une égalité au moins partielle en ce qui concerne un ou plusieurs aspects pertinents, à savoir les aspects visuels, phonétiques et conceptuels [voir arrêt du 31 janvier 2013, K2 Sports Europe/OHMI – Karhu Sport Iberica (SPORT), T‑54/12, non publié, EU:T:2013:50, point 22 et jurisprudence citée].

105    L’appréciation globale visant à établir l’existence du lien entre les marques en conflit doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit lien. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails [voir arrêt du 11 décembre 2014, Coca-Cola/OHMI – Mitico (Master), T‑480/12, EU:T:2014:1062, point 41 et jurisprudence citée].

106    En premier lieu, s’agissant de la comparaison visuelle entre les marques en conflit, la chambre de recours a conclu qu’elles étaient similaires à un très faible degré.

107    Toutefois, ainsi que le fait valoir la requérante, la chambre de recours, dans le cadre de son appréciation d’ensemble des signes en conflit, n’a pas dûment pris en considération le fait que ceux-ci présentaient une même structure dans la mesure où ils étaient inscrits dans un rectangle et où les éléments verbaux les composant étaient disposés suivant trois niveaux horizontaux. En effet, même si la marque de l’Union européenne figurative antérieure est composée de deux éléments verbaux (« napapijri » et « geographic »), alors que la marque contestée est composée de trois éléments verbaux (« geographic », « norway » et « expedition »), il n’en demeure pas moins que l’élément verbal « napapijri » se présente comme étant divisé en deux horizontalement par une ligne horizontale marquant l’inversion des couleurs (blanc et noir) du texte et de son fond rectangulaire, l’élément verbal « geographic » étant positionné en contrebas de ce rectangle sur toute sa largeur. Or, dans la marque contestée, l’élément verbal « norway » se présente également au centre du fond rectangulaire comme étant divisé en deux horizontalement par une ligne horizontale marquant une différenciation entre sa partie inférieure et sa partie supérieure, cette dernière, exception faite pour sa lettre initiale « n », n’étant pas visible et étant substituée, dans la partie supérieure du fond rectangulaire, par l’élément verbal « geographical », tandis que, dans la partie inférieure de ce fond, figure, sur toute sa largeur, l’élément verbal « expedition ».

108    Il ressort des considérations qui précèdent que c’est à tort que la chambre de recours a conclu que les marques en conflit étaient similaires à un très faible degré sur le plan visuel. Néanmoins, contrairement à ce qui est allégué par la requérante, cette similitude visuelle ne saurait être considérée comme « forte », mais comme étant légèrement inférieure à la moyenne.

109    En deuxième lieu, s’agissant de la comparaison sur le plan phonétique, malgré la présence de l’élément verbal « geographic » dans la marque de l’Union européenne figurative antérieure et du terme « geographical » dans la marque contestée, il convient de constater, à l’instar de la chambre de recours, qu’il ne saurait être exclu que le consommateur ne prononce pas le terme « geographic » dans la marque de l’Union européenne figurative antérieure. Dès lors, c’est à juste titre que ladite chambre a conclu que, sur le plan phonétique, les marques en conflit étaient soit différentes, soit similaires à un degré très faible.

110    En troisième lieu, s’agissant de la comparaison sur le plan conceptuel, il convient également de constater que c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que l’élément verbal « geographic » de la marque de l’Union européenne figurative antérieure et l’élément verbal « geographical » de la marque contestée faisaient tous les deux référence à la géographie. À cet égard, il y a lieu de noter qu’une telle compréhension peut d’ailleurs être renforcée, s’agissant de la marque contestée, pour la partie du public pertinent qui comprendra l’élément verbal « norway » comme se référant à la Norvège ou l’élément verbal « expedition » comme se référant à une expédition. En revanche, l’élément verbal « napapijri » qui domine la marque de l’Union européenne figurative antérieure est dépourvu de signification. Par conséquent, c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que la chambre de recours a considéré que les marques en conflit étaient similaires à un faible degré sur le plan conceptuel.

111    Il découle de ce qui précède que la chambre de recours a commis une erreur d’appréciation en constatant que les marques en conflit étaient similaires à un faible degré sur le plan visuel et, partant, que lesdites marques étaient similaires à un très faible degré.

 Sur l’existence d’un lien entre les marques en conflit

112    La chambre de recours a considéré que le degré de similitude entre les marques en conflit n’était pas suffisant pour que le public pertinent établît un lien entre celles-ci.

113    À cet égard, il convient d’emblée de rejeter l’allégation de l’intervenante selon laquelle la requérante n’aurait pas contesté dans la requête le constat de la chambre de recours selon lequel il serait peu probable, voire improbable, que le public pertinent établît un lien ou un rapprochement entre les marques en conflit. En effet, la requérante ayant fait grief à la chambre de recours d’avoir erronément conclu à l’absence d’atteinte à la marque de l’Union européenne figurative antérieure au seul motif du très faible degré de similitude entre les marques en conflit, ce faisant, elle a implicitement, mais nécessairement contesté l’appréciation de la chambre de recours afférente audit lien, dans la mesure où une telle appréciation est la seule figurant dans la décision attaquée et en vertu de laquelle la chambre de recours a conclu à l’absence d’atteinte à la renommée de la marque de l’Union européenne figurative antérieure.

114    Or, à cet égard, il y a lieu de relever que le degré de similitude entre les marques en conflit, ainsi que la chambre de recours l’a rappelé aux points 104 et 105 de la décision attaquée, ne constitue que l’un des facteurs à prendre en considération lors de l’appréciation de l’existence de ce lien.

115    En l’espèce, la chambre de recours a exclu le lien susceptible d’être établi par le public pertinent entre les marques en conflit, au seul motif que celles-ci présentaient un très faible degré de similitude indépendamment de l’examen des autres facteurs d’appréciation d’un tel lien établis par la jurisprudence citée au point 101 ci-dessus.

116    Or, d’une part, ainsi qu’il ressort du point 112 ci-dessus et contrairement à ce qui a été retenu par la chambre de recours, les marques en conflit ne sont pas très faiblement similaires, mais présentent une similitude visuelle légèrement inférieure à la moyenne, une similitude phonétique très faible, voire une différence phonétique, et une similitude conceptuelle faible. Par ailleurs, il convient de relever que la chambre de recours n’a nullement pris en considération l’impact des différents éléments de similitude ou de différence, notamment sur le plan visuel, par rapport aux produits et aux services en cause, alors qu’il résulte de la jurisprudence que les aspects visuel, phonétique ou conceptuel des signes en conflit n’ont pas toujours le même poids et que l’importance des éléments de similitude ou de différence entre des signes peut dépendre, notamment, des conditions de commercialisation des produits ou des services que les marques en conflit désignent [arrêt du 24 septembre 2019, Volvo Trademark/EUIPO – Paalupaikka (V V-WHEELS), T‑356/18, EU:T:2019:690, point 61].

117    D’autre part, si la chambre de recours, au point 106 de la décision attaquée, a conclu à l’inexistence d’un lien « même si les autres critères étaient remplis », force est de constater qu’elle n’a opéré aucun examen de ces autres facteurs, s’agissant notamment de la question de savoir s’ils permettaient de considérer que le public pertinent établirait un tel lien en dépit de certaines différences entre les marques en conflit. En effet, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence rappelée au point 100 ci-dessus, les atteintes visées à l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009 peuvent être la conséquence d’un degré moindre de similitude entre les marques en conflit, pour autant que celui-ci est suffisant pour que le public concerné effectue un rapprochement entre lesdites marques. En ce sens, il convient de rappeler que, dans l’hypothèse où les marques en conflit présentent une certaine similitude, même faible, il y a lieu de procéder à une appréciation globale afin de déterminer si, nonobstant le faible degré de similitude entre celles-ci, il existe, en raison de la présence d’autres facteurs pertinents, tels que la notoriété ou la renommée de la marque antérieure, un risque de confusion ou un lien entre ces marques dans l’esprit du public concerné (arrêt du 24 mars 2011, Ferrero/OHMI, C‑552/09 P, EU:C:2011:177, point 66).

118    Il découle de tout ce qui précède que la chambre de recours a commis une erreur d’appréciation en excluant l’existence d’un lien entre la marque contestée et la marque de l’Union européenne figurative antérieure, sans dûment prendre en considération tous les facteurs pertinents.

119    Il ressort des considérations qui précèdent que le second moyen doit également être accueilli.

120    Il découle des points 94 et 120 ci-dessus que la décision attaquée doit être annulée.

 Sur les dépens

121    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

122    Selon l’article 134, paragraphe 2, du même règlement, si plusieurs parties succombent, le Tribunal décide du partage des dépens.

123    En l’espèce, l’EUIPO et l’intervenante ayant succombé, il y a lieu de les condamner à supporter, outre leurs propres dépens, chacun, pour moitié, ceux exposés par la requérante, conformément aux conclusions de cette dernière.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 23 août 2022 (affaire R 124/2022-4) est annulée.

2)      L’EUIPO et Super Brand Licencing SAS supporteront, outre leurs propres dépens, chacun, pour moitié, ceux exposés par VF International Sagl.

Marcoulli

Tomljenović

Norkus

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 6 mars 2024.

Le greffier

 

Le président

V. Di Bucci

 

M. van der Woude


*      Langue de procédure : le français.