Language of document : ECLI:EU:T:2010:62

Affaires jointes T-102/07 et T-120/07

Freistaat Sachsen (Allemagne) e.a.

contre

Commission européenne

« Aides d’État — Aide accordée par l’Allemagne sous forme d’une prise de participation et de garanties pour des prêts — Décision déclarant l’aide incompatible avec le marché commun — Régime général d’aides approuvé par la Commission — Notion d’entreprise en difficulté — Lignes directrices pour les aides d’État au sauvetage et à la restructuration des entreprises en difficulté — Montant de l’aide — Obligation de motivation »

Sommaire de l'arrêt

1.      Aides accordées par les États — Régime général d'aides approuvé par la Commission — Aide individuelle présentée comme rentrant dans le cadre de l'approbation — Examen par la Commission

(Art. 87 CE et 88 CE)

2.      Aides accordées par les États — Interdiction — Dérogations

(Art. 87, § 1 et 3, CE et 88, § 3, CE ; communication de la Commission 1999/C 288/02, point 3)

3.      Aides accordées par les États — Interdiction — Dérogations — Communication de la Commission relative à l'encadrement des aides d'État aux entreprises en difficulté

(Communication de la Commission 1999/C 288/02, points 4 à 6)

4.      Actes des institutions — Motivation — Obligation — Portée — Décision de la Commission en matière d'aides d'État — Calcul du montant de l'aide à une entreprise en difficulté

(Art. 87 CE et 253 CE ; communication de la Commission 97/C 273/03)

1.      Lorsqu'elle est confrontée à une aide individuelle dont il est soutenu qu’elle a été octroyée en application d’un régime préalablement autorisé, la Commission ne peut d’emblée l’examiner directement par rapport au traité. Elle doit d’abord se borner, avant l’ouverture de toute procédure, à contrôler si l’aide est couverte par le régime général et satisfait aux conditions fixées dans la décision d’approbation de celui-ci. Si elle ne procédait pas de la sorte, la Commission pourrait, lors de l’examen de chaque aide individuelle, revenir sur sa décision d’approbation du régime d’aides, laquelle présupposait déjà un examen au regard de l’article 87 CE. Une aide constituant une application rigoureuse et prévisible des conditions fixées dans la décision d’approbation du régime général approuvé est donc considérée comme une aide existante qui n’a pas à être notifiée à la Commission ni à être examinée au regard de l’article 87 CE.

Une décision de la Commission statuant sur la conformité d’une aide avec le régime concerné relève de l’exercice de son obligation de veiller à l’application des articles 87 CE et 88 CE. De ce fait, l’examen par la Commission de la conformité d’une aide avec ce régime ne constitue pas une initiative dépassant le cadre de ses compétences. Dès lors, l’appréciation de la Commission ne saurait être limitée par celle des autorités nationales qui ont octroyé l’aide.

(cf. points 59-60, 62, 136)

2.      Il ressort du point 3 des lignes directrices communautaires pour les aides d'État au sauvetage et à la restructuration des entreprises en difficulté, dont la Commission a pu se doter aux fins de l’exercice du large pouvoir d’appréciation dont elle bénéficie dans le cadre de l’application de l’article 87, paragraphe 3, CE et qui s’imposent à elles, que « [l]es aides d’État destinées à sauver des entreprises en difficulté de la faillite et à encourager leur restructuration ne peuvent être considérées comme légitimes que sous certaines conditions ». C’est pour cette raison que lesdites lignes directrices prévoient un devoir de notification préalable à la Commission de tout financement apporté ou garanti par l’État à une entreprise en difficulté financière.

Ne saurait être retenue, dans le cadre d'un régime d'aides régionales approuvé, une définition spécifique de la notion d’entreprise en difficulté. En effet, l’acceptation de l’existence parallèle de différentes définitions de la notion d’entreprise en difficulté pourrait mener à une situation dans laquelle une entreprise qui est en difficulté selon lesdites lignes directrices pourrait néanmoins bénéficier d’une aide d’État sans qu’il y ait obligation de notification et sans que ces lignes directrices soient respectées. Or, une telle situation serait contraire à l’économie de l’article 87, paragraphes 1 et 3, CE et de l’article 88, paragraphe, 3, CE, tel qu’explicité dans ces lignes directrices.

(cf. points 74, 76)

3.      Le point 4 des lignes directrices communautaires pour les aides d'État au sauvetage et à la restructuration des entreprises en difficulté se limite à énoncer de manière générale qu’une entreprise est considérée comme étant en difficulté lorsqu’elle est incapable, avec ses propres ressources financières ou avec les ressources que sont prêts à lui apporter ses propriétaires/actionnaires et ses créanciers, d’enrayer des pertes qui la conduiraient à une mort économique certaine à court ou à moyen terme en l’absence d’une intervention publique. Par ailleurs, il ressort du libellé des points 5 et 6 desdites lignes directrices que, si une entreprise est « en tout cas » considérée comme en difficulté lorsqu’une partie substantielle de son capital social a disparu, il peut aussi être démontré par d’autres indices, tels que ceux énumérés au point 6, qu’elle est en difficulté financière au sens de ces lignes directrices, même si elle n’a pas perdu une partie importante de son capital social.

Ainsi, la réduction significative du capital social est un facteur très grave indiquant qu’une entreprise se trouve en difficulté. De plus, il existe un certain nombre de facteurs économiques, dont le point 6 desdites lignes directrices contient une liste non exhaustive, qui peuvent également démontrer l’existence d’un tel état, même en l’absence de la perte d’une partie importante du capital social ou d’un état d’insolvabilité au sens du point 5 des mêmes lignes directrices.

(cf. points 103-105, 133, 135)

4.      La portée de l’obligation de motivation dépend de la nature de l’acte en cause et du contexte dans lequel il a été adopté. La motivation doit faire apparaître de manière claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, de façon, d’une part, à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de pouvoir défendre leurs droits et de vérifier si la décision est ou non bien fondée et, d’autre part, à permettre au juge d’exercer son contrôle de légalité. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 253 CE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée. En particulier, la Commission n’est pas tenue de prendre position sur tous les arguments invoqués devant elle par les intéressés, mais il lui suffit d’exposer les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision.

Toutefois, doit être annulée une décision de la Commission concluant à l'existence d'une aide d'État incompatible avec le marché commun, qui ne contient aucune référence, dans son calcul du montant de l'aide à des entreprises en difficulté, à la pratique des marchés financiers sur le cumul des risques (entreprise en difficulté, absence de sûretés, etc.), dès lors que le rapport entre les majorations retenues par la Commission et la situation spécifique des sociétés en cause n'apparaît pas clairement et que le choix des majorations retenues a, à tout le moins en apparence, un caractère aléatoire, et alors que la communication de la Commission concernant la méthode de fixation des taux de référence et d'actualisation ne contient aucune indication sur ledit cumul des risques. La Commission aurait dû expliquer le recours à des primes supplémentaires ainsi que leur niveau par le biais d’une analyse de la pratique sur le marché afin de permettre auxdites sociétés de remettre en cause le caractère approprié des majorations et au Tribunal de contrôler leur légalité.

(cf. points 180, 217-218)