Language of document : ECLI:EU:T:2022:449

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

13 juillet 2022 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque de l’Union européenne verbale CCTY – Marque de l’Union européenne figurative antérieure CCVI – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001] – Abus de droit – Article 71 du règlement 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑176/21,

CCTY Bearing Company, établie à Zhenjiang (Chine), représentée par Mes L. Genz et C. Stadler, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme M. Capostagno et M. V. Ruzek, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

CCVI International Srl, établie à Vicenza (Italie), représentée par Mes D. Demarinis, R. Covelli et M. Theisen, avocats,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. D. Spielmann (rapporteur), président, U. Öberg et Mme M. Brkan, juges,

greffier : Mme A. Juhász-Tóth, administratrice,

vu la phase écrite

à la suite de l’audience du 2 février 2022,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, CCTY Bearing Company,  anciennement CCVI Bearing Company, demande l’annulation de la décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 3 février 2021 (affaire R 779/2020-4).

2        Le 19 juillet 2016, l’intervenante, CCVI International S.p.A., a présenté une demande en nullité de la marque de l’Union européenne ayant été enregistrée à la suite d’une demande déposée le 23 janvier 2013 pour le signe verbal CCTY. Les produits couverts par la marque contestée pour lesquels la nullité était demandée relevaient de la classe 7 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondaient à la description suivante : « Butées à billes ; coussinets [parties de machines] ; paliers pour arbres de transmission ; paliers autograisseurs ; roulements à rouleaux ; paliers antifriction pour machines ; chaises de paliers [machines] ».

3        La demande en nullité était fondée sur la marque figurative pour les produits relevant de la classe 7 à savoir des « Roulements à billes et à rouleaux ; chaises de palier ; manchons ». Le 23 janvier 2013, la requérante a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’EUIPO, en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p 1)].

4        Les causes invoquées à l’appui de la demande en nullité étaient celles visées, d’une part, à l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009 [devenu article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001] et, d’autre part, de l’article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 [devenu article 60, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001], lu en combinaison avec l’article 8, paragraphe 1, sous b), de ce règlement [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001] ».

5        Le 6 mars 2020, la division d’annulation a fait droit à la demande en nullité et annulé la marque contestée pour l’ensemble des produits enregistrés et cités au point 2 ci-dessus.

6        Le 28 avril 2020, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de la division d’annulation.

7        Par décision du 3 février 2021 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours. En particulier, elle a, premièrement, estimé que le public pertinent était le public anglophone constitué des consommateurs d’Irlande et de Malte, en raison de la présence de mots anglais dans la marque antérieure et que les produits compris dans la classe 7, tels que spécifiés, étaient destinés à un usage industriel ou technique et qu’ils s’adressaient principalement à des professionnels du secteur pertinent. Deuxièmement, elle a estimé que les produits en cause étaient identiques ou hautement similaires. Troisièmement, elle a considéré que les marques en conflit présentaient un niveau moyen de similitude sur le plan visuel, un niveau de similitude supérieur à la moyenne sur le plan phonétique et qu’elles n’étaient pas comparables sur le plan conceptuel, eu égard à l’absence de concepts véhiculés par elles. Quatrièmement, elle a estimé que la marque antérieure possédait un caractère distinctif intrinsèque normal. Dès lors, aux termes de son appréciation globale, elle a conclu que la division d’annulation avait estimé à bon droit qu’il existait un risque de confusion dans l’esprit de la partie anglophone du public pertinent pour l’ensemble des produits couverts par la marque contestée. Enfin, elle a rejeté l’argument de la requérante selon lequel la demande en nullité avait été viciée par la présentation d’éléments trompeurs, ce qui serait constitutif d’un abus de droit au sens du droit de l’Union.

 Conclusions des parties

8        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’intervenante aux dépens, y compris ceux exposés devant la chambre de recours et la division d’annulation.

9        L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

10      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

11      Au soutien du recours, la requérante soulève deux moyens, tirés, le premier, d’une violation de l’article 71 du règlement 2017/1001 et de l’article 27 du règlement délégué (UE) 2018/625 de la Commission du 5 mars 2018 complétant le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil sur la marque de l’Union européenne, et abrogeant le règlement délégué (UE) 2017/1430 (JO 2018, L 104, p. 1), en ce que la chambre de recours aurait commis une erreur de droit en ne sanctionnant pas la présentation par l’intervenante devant la division d’annulation d’éléments trompeurs au soutien d’un motif absolu de refus tiré de la mauvaise foi de la requérante au moment du dépôt de la demande de marque, et, le second, de la violation de l’article 60, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, lu en combinaison avec l’article 8, paragraphe 1, sous b), du même règlement, en ce que la chambre de recours aurait, à tort, considéré qu’il existait pour les marques en conflit un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent.

12      Compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement en cause, à savoir le 23 janvier 2013 qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, les faits de l’espèce sont régis  par les dispositions matérielles du règlement no 207/2009 (voir, en ce sens, arrêts du 8 mai 2014, Bimbo/OHMI, C‑591/12 P, EU:C:2014:305, point 12, et du 18 juin 2020, Primart/EUIPO, C‑702/18 P, EU:C:2020:489, point 2 et jurisprudence citée). Il convient donc d’entendre les références faites aux articles du règlement 2017/1001 par la chambre de recours dans la décision attaquée et par les parties dans leurs écritures comme visant les articles, d’une teneur identique, du règlement no 207/2009. Par ailleurs, dans la mesure où, selon une jurisprudence constante, les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à la date à laquelle elles entrent en vigueur (voir arrêt du 11 décembre 2012, Commission/Espagne, C‑610/10, EU:C:2012:781, point 45 et jurisprudence citée), le litige est régi par les dispositions procédurales du règlement 2017/1001 et du règlement délégué 2018/625 invoquées par la requérante.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 71 du règlement 2017/1001 et de l’article 27 du règlement délégué 2018/625

13      La requérante reproche à la chambre de recours de n’avoir pas sanctionné, par le rejet de la demande en nullité, l’abus de droit commis par l’intervenante devant la division d’annulation en raison de la présentation d’éléments trompeurs (ci-après « les éléments litigieux ») au soutien de l’un des deux moyens invoqués dans ladite demande.

14      En particulier, la requérante soutient que l’intervenante a menti sur les rapports et relations d’affaires qui existaient, avant le dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée, entre celle-ci et une société actionnaire chinoise dans le but de dissimuler à la division d’annulation les raisons objectives et justifiées qui l’avaient motivé à enregistrer le signe CCTY, et ce, dans le but de démontrer sa mauvaise foi au sens de l’article 59, paragraphe 1, sous b) du règlement 2017/1001. Elle estime que cette présentation trompeuse constitue un abus de droit au sens du droit de l’Union qui aurait dû être sanctionné par la chambre de recours par le rejet de la demande de nullité, dès lors que l’intérêt de l’intervenante à réclamer la nullité de la marque contestée sur la base d’un droit antérieur ne méritait plus protection. En somme, elle estime que ladite chambre aurait dû examiner et sanctionner la présentation des éléments litigieux par l’intervenante au soutien du motif de nullité absolue non examinée par la division d’annulation.

15      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

16      Il convient de relever, à titre liminaire, que la requérante, par son argumentation, estime, en substance, que la présentation des éléments litigieux devant la division d’annulation a vicié l’intégralité de la demande de nullité. Elle considère que, en raison de l’effet dévolutif de la procédure de recours, la chambre de recours aurait dû réexaminer l’entièreté du litige et des moyens avancés au soutien de la demande de nullité et constater l’existence d’un abus de droit.

17      A cet égard, il est de jurisprudence constante qu’il existe, dans le droit de l’Union, un principe général de droit selon lequel les justiciables ne sauraient frauduleusement ou abusivement se prévaloir des normes du droit de l’Union. La preuve d’une pratique abusive nécessite, d’une part, un ensemble de circonstances objectives d’où il résulte que, malgré un respect formel des conditions prévues par la réglementation de l’Union, l’objectif poursuivi par cette réglementation n’a pas été atteint et, d’autre part, un élément subjectif consistant en la volonté d’obtenir un avantage résultant de la réglementation de l’Union en créant artificiellement les conditions requises pour son obtention [voir arrêt du 20 juin 2019, Nonnemacher/EUIPO – Ingram (WKU), T‑389/18, non publié, EU:T:2019:438, point 20 et jurisprudence citée].

18      Il convient également de relever que, par l’effet dévolutif de la procédure de recours, le contrôle exercé par les chambres de recours implique une nouvelle appréciation du litige dans son ensemble, les chambres de recours devant intégralement réexaminer la requête initiale et tenir compte des preuves produites en temps utile [arrêt du 8 septembre 2021, Qx World/EUIPO – Mandelay (SCIO), T‑86/20, non publié, EU:T:2021:557, point 26].

19      En même temps, il importe de rappeler que l’EUIPO n’est pas obligé de fonder le rejet de la demande de marque sur tous les motifs de refus d’enregistrement invoqués à l’appui d’une opposition et susceptibles de fonder pareil rejet [arrêt du 16 mai 2019, KID-Systeme/EUIPO – Sky (SKYFi), T‑354/18, non publié, EU:T:2019:333, point 33 ; voir également, en ce sens, ordonnance du 11 mai 2006, TeleTech Holdings/OHMI – Teletech International (TELETECH INTERNATIONAL), T‑194/05, EU:T:2006:124, point 27 et jurisprudence citée]. Cette jurisprudence peut être appliquée par analogie dans les procédures de nullité, comme en l’espèce. En effet, il ne ressort ni de l’article 71 du règlement 2017/1001 ni de l’article 27 du règlement délégué 2018/625 une telle obligation pour la chambre de recours.

20      D’ailleurs, il y a lieu à cet égard de relever, à titre indicatif, que le même principe se dégage de la jurisprudence par rapport à la procédure devant le Tribunal. En particulier, selon une jurisprudence constante, dès lors que l’un des motifs retenus par le Tribunal est suffisant pour justifier le dispositif de son arrêt, les vices dont pourrait être entaché un autre motif, dont il est également fait état dans l’arrêt en question, sont, en tout état de cause, sans influence sur ledit dispositif, de sorte que le moyen par lequel ils sont invoqués est inopérant et doit être rejeté (voir ordonnance du 31 janvier 2017, Universal Protein Supplements/EUIPO, C‑485/16 P, non publiée, EU:C:2017:72, point 21 et jurisprudence citée).

21      En l’espèce, la demande en nullité était fondée sur deux causes de nullité distinctes et indépendantes, à savoir, d’une part, une cause de nullité relative, tirée de l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 et, d’autre part, une cause de nullité absolue, tirée de la mauvaise foi de la requérante au moment du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée, au sens de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du même règlement. Or, la division d’annulation, afin de déclarer la nullité de la marque contestée, ne s’est aucunement fondée sur ladite cause de nullité absolue avancée par l’intervenante devant elle, mais s’est uniquement limitée à fonder sa décision sur l’existence d’une cause de nullité relative tirée du risque de confusion dans l’esprit du public pertinent au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b) du règlement no 207/2009, suffisante à permettre de prononcer la nullité de la marque contestée.

22      Par suite, la chambre de recours, dans le cadre du réexamen du litige en vertu de l’effet dévolutif, était en droit, contrairement à ce qu’avance la requérante, de ne pas réexaminer l’ensemble des motifs et arguments avancés au soutien de la demande de nullité et susceptible de fonder sa décision, compte tenu du fait qu’elle avait constaté, au même titre que la division d’annulation, l’existence d’une cause de nullité relative suffisante à permettre la confirmation de la décision d’annulation.

23      Dès lors, le premier moyen tiré de l’existence d’un abus de droit est inopérant dans la mesure où la présentation des éléments litigieux aurait vicié l’appréciation d’un motif de nullité autre que celui sur lequel la décision attaquée était exclusivement fondée.

24      En outre, dans la mesure où, par le présent moyen, la requérante conteste également l’appréciation faite par la chambre de recours de la cause de nullité relative sur laquelle la décision attaquée est fondée, il y a lieu de relever, ainsi que le soutient l’EUIPO, qu’elle reste en défaut d’établir que les éléments litigieux avaient eu une quelconque incidence sur l’appréciation de l’existence de la cause de nullité relative tirée de l’existence d’un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, sur laquelle la décision attaquée est exclusivement fondée.

25      Enfin, pour autant que, par ce moyen, au vu notamment des arguments avancés lors de l’audience, la requérante conteste l’intérêt de l’intervenante à demander la nullité de la marque contestée dans la mesure où la présentation des éléments prétendument faux devant la division d’annulation aurait, par elle-même, vicié l’intégralité de ladite demande, il y a lieu de relever que, à supposer que l’intérêt à agir de l’intervenante soit exigé en l’espèce pour effectuer cette demande en se fondant tant sur le motif absolu que sur le motif relatif, soulevés par l’intervenante devant les instances de l’EUIPO, et, de plus, qu’un abus du droit de recours puisse faire disparaître cet intérêt à agir, elle n’est pas parvenue à établir que la demande en nullité présentée par l’intervenante a constitué un abus de droit.

26      En l’espèce, au vu de ce qui a été exposé au point 17 ci-dessus, la preuve d’une pratique abusive n’a pas été établie. En effet, même à supposer que l’intervenante ait présenté des éléments trompeurs lors de la procédure devant les instances de l’EUIPO, la requérante n’a pas démontré que, au moment du dépôt de la demande de nullité, l’intervenante avait l’intention de poursuivre d’autres buts que ceux pour lesquels la procédure de nullité est instituée. À cet égard, il convient de relever que la jurisprudence citée dans la requête sur l’abus de droit devant les instances de l’EUIPO ne remet pas en cause cette conclusion. En particulier, la requérante n’a établi ni dans la requête ni lors de l’audience que l’intervenante avait déposé ladite demande dans le seul but d’empêcher la requérante d’utiliser la marque contestée et de porter atteinte aux intérêts financiers de ce dernier (voir, en ce sens, arrêt du 20 juin 2019, WKU, T‑389/18, non publié, EU:T:2019:438, point 21). Par ailleurs, la requérante n’a pas non plus démontré que l’intervenante avait fait enregistrer la marque antérieure dans l’intention frauduleuse de ne pas en faire usage, afin d’empêcher d’autres opérateurs économiques d’enregistrer certaines marques [voir, en ce sens, arrêt du 5 octobre 2012, Lancôme/OHMI – Focus Magazin Verlag (COLOR FOCUS), T‑204/10, non publié, EU:T:2012:523, point 61].

27      Par conséquent, la requérante n’a pas établi l’existence de circonstances objectives consistant en ce que, malgré un respect formel des conditions prévues par la réglementation de l’Union, l’objectif poursuivi par ladite réglementation n’avait pas été atteint.

28      Au vu de ce qui précède, le premier moyen, tiré de l’existence d’un abus de droit, doit être rejeté comme, d’une part, inopérant, en tant que la requérante soutient que les éléments litigieux servaient à démontrer l’existence d’un motif de nullité absolue sur lequel n’est pas fondée la décision attaquée, et, d’autre part, non fondé, compte tenu du fait que la requérante n’a ni établi que lesdits éléments avaient eu une incidence sur le motif de nullité relatif sur lequel la décision attaquée est fondée ni que l’intérêt à agir de l’intervenante avait fait défaut du fait que celle-ci avait abusé de son droit d’introduire un recours devant les instances de l’EUIPO.

 Sur le second moyen, tiré d’une violation de l’article 53, paragraphe 1, sous a) du règlement no 207/2009 lu en combinaison avec l’article 8, paragraphe 1, sous b), du même règlement

29      La requérante reproche à la chambre de recours d’avoir considéré qu’il existait, pour les marques en conflit, un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent, constitutif d’une violation de l’article 53, paragraphe 1, sous a) du règlement no 207/2009, prévoyant une cause de nullité relative d’une marque de l’Union, lu en combinaison avec l’article 8, paragraphe 1, sous b), du même règlement. Selon elle, il n’existe pas de risque de confusion dans l’esprit dudit public pour les produits désignés par les marques en conflit.

30      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

31      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

32      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].

33      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, EU:T:2009:14, point 42 et jurisprudence citée].

34      C’est à l’aune des considérations qui précèdent qu’il y a lieu d’examiner si c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu à l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, lu conjointement avec l’article 53, paragraphe 1, sous a) du même règlement.

35      S’agissant de la détermination du public pertinent et de son niveau d’attention, la chambre de recours a considéré que celui-ci était composé du public anglophone de l’Union, à savoir au moins le public présent sur les territoires de l’Irlande et de Malte, en raison de la présence de mots anglais dans la marque antérieure. Elle a ensuite constaté que les produits visés par la marque contestée étaient destinés à un usage industriel ou technique et qu’ils s’adressaient principalement à des professionnels du secteur pertinent qui disposaient d’un niveau d’attention élevé.

36      Ces constatations n’étant pas contestées par la requérante, elles ne sont pas à remettre en cause.

37      En outre, s’agissant de la comparaison des produits en cause, la chambre de recours a estimé, premièrement, que, les « roulements à billes ; roulements à rouleaux » de la marque contestée, figuraient à l’identique dans les deux listes de produits compris dans la classe 7, deuxièmement, que les « coussinets [parties de machines] » de la marque contestée étaient compris dans la catégorie plus large des « roulements à billes et à rouleaux » de la demanderesse en nullité qui ne pouvait être décomposée d’office et devaient donc être considérés comme identiques aux produits de la marque antérieure, troisièmement, que les « paliers pour arbres de transmission ; paliers autograisseurs ; paliers antifriction pour machines » de la marque contestée étaient également inclus dans les « roulements à billes » de la marque antérieure, ou du moins se chevauchaient avec ceux-ci et étaient, dès lors, identiques et, quatrièmement, que les « chaises de paliers [machines] » de la marque contestée étaient hautement similaires aux « chaises de palier » de la marque antérieure.

38      Ces constatations n’étant également pas contestées par la requérante, il n’y a pas lieu de les remettre en cause.

 Sur la comparaison des signes

39      Il convient de rappeler que l’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée).

40      En outre, l’appréciation de la similitude entre deux marques ne peut se limiter à prendre en considération uniquement un composant d’une marque complexe et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d’opérer la comparaison en examinant les marques en cause, considérées chacune dans son ensemble, ce qui n’exclut pas que l’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 41 et jurisprudence citée). Ce n’est que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l’appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l’élément dominant (arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 42). Tel pourrait notamment être le cas lorsque ce composant est susceptible de dominer à lui seul l’image de cette marque que le public pertinent garde en mémoire, de telle sorte que tous les autres composants de la marque sont négligeables dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci (arrêt du 20 septembre 2007, Nestlé/OHMI, C‑193/06 P, non publié, EU:C:2007:539, point 43).

41      Le caractère distinctif plus ou moins élevé des éléments communs à une marque demandée et à une marque antérieure est un des éléments pertinents dans le cadre de l’appréciation de la similitude des signes [voir arrêt du 26 mars 2015, Royal County of Berkshire Polo Club/OHMI – Lifestyle Equities (Royal County of Berkshire POLO CLUB), T‑581/13, non publié, EU:T:2015:192, point 41 et jurisprudence citée]. En effet, les éléments descriptifs, non distinctifs ou faiblement distinctifs d’une marque complexe ont généralement un poids moindre dans l’analyse de la similitude entre les signes que les éléments revêtus d’un caractère distinctif plus important, qui ont également une faculté plus grande à dominer l’impression d’ensemble produite par cette marque (voir, en ce sens, arrêt du 12 juin 2019, Hansson, C‑705/17, EU:C:2019:481, point 53 et jurisprudence citée).

42      Cela étant, il y a lieu d’opérer une distinction entre, d’une part, le facteur tiré du caractère distinctif de la marque antérieure, qui est lié à la protection accordée à une telle marque et à prendre en considération dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, et, d’autre part, le caractère distinctif que possède l’élément d’une marque complexe, qui se rattache à la faculté de celui-ci de dominer l’impression d’ensemble produite par cette marque et doit être examiné dès le stade de l’appréciation de la similitude des signes, afin de déterminer les éventuels éléments dominants du signe [voir, en ce sens, ordonnance du 27 avril 2006, L’Oréal/OHMI, C‑235/05 P, non publiée, EU:C:2006:271, point 43, et arrêt du 25 mars 2010, Nestlé/OHMI – Master Beverage Industries (Golden Eagle et Golden Eagle Deluxe), T‑5/08 à T‑7/08, EU:T:2010:123, point 65].

43      En l’espèce, avant de traiter la question de la similitude des marques en conflit sur les plans visuel, phonétique et conceptuel, il y a lieu d’examiner l’appréciation des éléments distinctifs et dominants de la marque antérieure effectuée par la chambre de recours.

–       Sur les éléments distinctifs et dominants de la marque antérieure

44      Aux points 31 à 33 de la décision attaquée, la chambre de recours a retenu, d’une part, que l’élément figuratif de la marque antérieure constitué d’un fond noir était purement décoratif et que la sphère rayée ainsi que la mention « bearing industries » étaient des éléments descriptifs de tailles réduites et dépourvus de caractère distinctif pour les produits en cause. D’autre part, elle a considéré que l’élément « ccvi » écrit en lettres majuscules était, en raison de sa taille, de sa position dans le signe, et du fait qu’il était non descriptif des produits protégés, l’élément dominant qui conférait le caractère distinctif de la marque antérieure.

45      La requérante conteste cette appréciation et estime que la plupart des éléments de la marque antérieure sont descriptifs, que tous les éléments sont dépourvus de caractère distinctif et qu’aucun élément ne domine le signe, de sorte qu’ils auraient dû être pris en considération dans leur ensemble par la chambre de recours lors de la comparaison des signes.

46      Tout d’abord, lors de l’appréciation du caractère dominant d’un ou plusieurs composants déterminés d’une marque complexe, il convient de prendre en compte, notamment, les qualités intrinsèques de chacun de ces composants en les comparant à celles des autres composants. En outre et de manière accessoire, peut être prise en compte la position relative des différents composants dans la configuration de la marque complexe [arrêt du 23 octobre 2002, Matratzen Concord/OHMI – Hukla Germany (MATRATZEN), T‑6/01, EU:T:2002:261, point 35].

47      Par ailleurs, aux fins d’apprécier le caractère distinctif d’une marque ou d’un élément composant une marque, il y a lieu d’examiner l’aptitude plus ou moins grande de cette marque ou de cet élément à contribuer à identifier les produits ou les services pour lesquels la marque a été enregistrée comme provenant d’une entreprise déterminée et donc à distinguer ces produits ou ces services de ceux d’autres entreprises. Lors de cette appréciation, il convient de prendre en considération notamment les qualités intrinsèques de la marque ou de l’élément en cause au regard de la question de savoir si celui-ci est ou non dénué de tout caractère descriptif des produits ou des services pour lesquels la marque a été enregistrée [voir arrêt du 14 septembre 2017, Aldi Einkauf/EUIPO – Weetabix (Alpenschmaus), T‑103/16, non publié, EU:T:2017:605, point 48 et jurisprudence citée].

48      Enfin, lorsqu’une marque est composée d’éléments verbaux et figuratifs, les premiers sont, en principe, plus distinctifs que les seconds, car le consommateur moyen fera plus facilement référence au produit en cause en citant le nom qu’en décrivant l’élément figuratif de la marque [arrêt du 14 juillet 2005, Wassen International/OHMI – Stroschein Gesundkost (SELENIUM-ACE), T‑312/03, EU:T:2005:289, point 37].

49      En l’espèce, au regard, d’une part, de la position centrale dans le signe, de la taille ainsi que de l’effet de contraste existant entre la couleur blanche des lettres majuscules composant l’élément « ccvi » et la couleur noire de la bande sur laquelle celles-ci sont positionnées, cet élément sera immédiatement perceptible par le consommateur et dominera l’impression d’ensemble du signe. D’autre part, compte tenu de la taille, de la position et du caractère descriptif ou accessoire des autres éléments composant la marque antérieure, à savoir, la sphère représentant une boule de roulement striée, à droite de l’élément « ccvi », la mention « bearing industries », de plus petite taille et située en dessous de l’élément « ccvi » ainsi que la bande de couleur noire sur laquelle est disposé l’élément « ccvi », c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que ces éléments étaient soit, purement décoratifs, soit descriptifs, et que ceux-ci ne domineront pas l’impression d’ensemble du signe chez le consommateur. Par conséquent, ladite chambre a estimé sans commettre d’erreur que l’élément « ccvi » était l’élément dominant et distinctif de la marque antérieure aux fins de la comparaison des signes.

–       Sur la comparaison visuelle des signes

50      La chambre de recours a estimé que la marque contestée et l’élément dominant de la marque antérieure étaient tous deux structurés en quatre lettres qui seraient perçues par le public pertinent comme des acronymes distinctifs des entreprises commercialisant les produits en cause. Elle a ajouté que les signes en question coïncidaient par leurs deux premières lettres « cc » et différaient par leurs deux autres lettres, à savoir, respectivement « ty » et « vi ». Enfin, elle a considéré que lesdits signes différaient par les éléments supplémentaires composant la marque antérieure qui étaient dépourvus de caractère distinctif et n’avaient, par conséquent, aucune incidence sur la comparaison visuelle de ces signes. Dès lors, elle en a conclu que les signes en cause présentaient un degré moyen de similitude visuelle.

51      La requérante soutient que, prises dans leur ensemble, les marques en conflit ne sont en rien similaires sur le plan visuel. Elle estime, d’emblée, que, eu égard à la nature des produits en cause, le degré de similitude visuelle entre les signes en question jouera un rôle majeur aux fins de l’appréciation du risque de confusion. Selon elle, lesdits signes doivent donc être appréciés dans leur ensemble et leurs différences graphiques sont suffisamment importantes pour pouvoir les considérer comme non similaires sur le plan visuel. Elle avance que, eu égard au fait que la marque antérieure est une marque figurative et non une marque verbale ou complexe, la chambre de recours aurait dû prendre en considération, dans une plus large mesure, les éléments figuratifs qui la composent, et non se limiter à la seule comparaison des lettres figurant dans ces signes dans l’appréciation de leur similitude visuelle.

52      Ainsi, selon la requérante, la similitude des signes en cause se limite uniquement à leurs lettres communes. Selon elle, l’ajout de la mention « bearing industries », la bille stylisée du graphisme du fond ainsi que le contraste global existant entre les couleurs de base constituent des éléments importants de différenciation ne figurant pas dans la marque contestée. Elle ajoute que les lettres « vi » et « ty » sont différentes de par leur forme et leur disposition.

53      En l’espèce, il est, premièrement, constant que l’élément distinctif et dominant de la marque antérieure et l’élément verbal composant la marque contestée, comportent le même nombre de lettres. Deuxièmement, ils partagent entre eux les deux premières lettres communes. À cet égard, il convient de rappeler que, en principe, même dans le cas des marques courtes, le consommateur attache normalement plus d’importance à la partie initiale des mots [voir, en ce sens, arrêt du 6 novembre 2014, Popp et Zech/OHMI – Müller-Boré & Partner (MB), T‑463/12, non publié, EU:T:2014:935, point 110]. Troisièmement, les combinaisons de lettres « ty » et « vi » ne sont, certes, pas identiques, mais possèdent, contrairement à ce qu’avance la requérante, une certaine similitude visuelle par la forme des lettres concernées, surtout des lettres majuscules « Y » et « V ». Quatrièmement, comme cela a été constaté au point 49 ci-dessus, les différences provoquées par les autres éléments figuratifs et verbaux composant la marque antérieure, en raison de leur place secondaire dans le signe et de leur caractère descriptif ou faiblement distinctif, ne sauront jouer un rôle important dans la comparaison visuelle.

54      Dès lors, il convient de confirmer l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle les signes en cause sont moyennement similaires sur le plan visuel.

–       Sur la comparaison phonétique et conceptuelle des signes

55      S’agissant de la comparaison phonétique, la chambre de recours a d’abord relevé que la prononciation des signes en cause par le public pertinent coïncidait par leurs deux premières lettres et, en partie, par le son de leur dernière lettre, à savoir respectivement « i » et « y ». Elle a ensuite considéré que leur prononciation par ledit public différait en raison de leur troisième lettre, respectivement, à savoir respectivement « t » et « v ». Enfin, elle a relevé qu’il était peu probable que les éléments verbaux supplémentaires de la marque antérieure soient prononcés en raison de leur petite taille et de leur position secondaire dans le signe. Dès lors, elle a considéré que, en raison du fait que ces signes seront prononcés comme un acronyme de quatre lettres, ceux-ci possédaient un degré de similitude phonétique supérieur à la moyenne.

56      La requérante conteste cette appréciation et soutient que les signes en cause ne sont pas similaires sur le plan phonétique. Elle ajoute que, en tout état de cause, leurs aspects phonétiques possèdent une importance négligeable par rapport à leurs aspects visuels en raison du fait que les références verbales aux produits et aux marques sont très rares et que le choix des produis s’effectue en général visuellement par le consommateur.

57      En l’espèce, les signes en cause sont composés d’un nombre identique de syllabes. De plus, ainsi que le soutient l’intervenante, les éléments phonétiques desdits signes seront prononcés par le public pertinent de la manière suivante, à savoir, « si-si-vi-aI » s’agissant de la marque antérieure et « si-si-ti-waI » s’agissant de la marque contestée. Il ressort de cette comparaison phonétique que la première moitié de la prononciation de ces signes est identique et, s’agissant de la seconde moitié, la prononciation des mêmes signes se différenciera partiellement au niveau de leur troisième syllabe, à savoir respectivement « vi » et « ti », et notamment au niveau de leur quatrième syllabe, à savoir respectivement « aI » et « waI ».

58      Dès lors, au regard du nombre identique de syllabes dans les signes en cause, des coïncidences et similitudes existantes et des faibles différences relevées, il convient de constater que les coïncidences et similarités phonétiques l’emportent grandement sur les moindres différences existant entre lesdits signes. Par conséquent, il y a lieu de constater que c’est sans commettre d’erreur que la chambre de recours a considéré que ces signes possédaient un degré de similitude élevé.

59      S’agissant, enfin, de la comparaison conceptuelle, la chambre de recours a considéré que les signes en cause ne véhiculaient pas de signification et ne pouvaient, par conséquent, être comparés. Elle a également estimé que la sphère stylisée de la marque antérieure serait perçue comme représentant une bille de roulement qui était descriptive des produits en cause et que les autres éléments la composant possédaient une signification, mais étaient dépourvus de caractère distinctif, de sorte que les éventuelles différences conceptuelles qu’ils provoquaient avec la marque contestée n’avaient pas d’incidence aux fins de la comparaison conceptuelle.

60      Ces appréciations n’étant pas contestées par la requérante, il n’y a pas lieu de les remettre en cause.

 Sur l’appréciation globale du risque de confusion

61      L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 17, et du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 74].

62      En outre, dans l’appréciation globale du risque de confusion, l’aspect visuel, phonétique ou conceptuel des signes en conflit n’a pas toujours le même poids. Il importe d’analyser les conditions objectives dans lesquelles les marques peuvent se présenter sur le marché. L’importance des éléments de similitude ou de différence des signes peut dépendre, notamment, des caractéristiques intrinsèques de ceux-ci ou des conditions de commercialisation des produits ou des services que les marques en conflit désignent. Si les produits désignés par les marques en cause sont normalement vendus dans des magasins en libre-service où le consommateur choisit lui-même le produit et doit, dès lors, se fier principalement à l’image de la marque appliquée sur ce produit, une similitude visuelle des signes sera, en règle générale, d’une plus grande importance. Si, en revanche, le produit visé est surtout vendu oralement, il sera normalement attribué plus de poids à une similitude phonétique des signes (arrêt du 26 mars 2015, Royal County of Berkshire POLO CLUB, T‑581/13, non publié, EU:T:2015:192, point 80).

63      Aux points 41 à 44 de la décision attaquée, la chambre de recours a estimé qu’il existait un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent, malgré le niveau d’attention élevé dont celui-ci faisait preuve, compte tenu du fait, premièrement, que les produits étaient identiques ou hautement similaires entre eux, deuxièmement, que les signes en cause étaient similaires à un degré supérieur à la moyenne sur le plan phonétique, moyennement similaires sur le plan visuel et, troisièmement, que la marque antérieure possédait un caractère distinctif intrinsèque normal. Enfin, elle a estimé que la requérante n’avait pas établi la coexistence des marques en conflit. À cet égard, elle a relevé qu’une revendication de pareille coexistence doit au préalable démontrer que ledit public a été confronté à la fois à la marque contestée et à la marque antérieure sur le marché, ce qui n’était pas le cas en l’espèce.

64      La requérante conteste l’existence d’un risque de confusion et fait valoir que, dès lors que les références verbales aux produits et aux marques étaient très rares et que le choix des produits s’effectuait en général visuellement par le consommateur, le degré de similitude visuelle entre les signes en cause jouera un rôle plus important aux fins de l’appréciation du risque de confusion que les degrés de similitudes sur les autres plans. Elle soutient également que le caractère distinctif intrinsèque de la marque antérieure est inférieur à la moyenne compte tenu du fait que celle-ci est essentiellement composée d’éléments descriptifs des produits en cause et dénués de caractère distinctif. Ensuite, elle réitère ses constatations selon lesquelles lesdits signes ne seraient pas similaires entre eux, compte tenu, notamment, du périmètre de protection restreint dont bénéficie la marque antérieure empêchant, en raison de son caractère figuratif, une simple comparaison de l’élément « ccvi » avec la marque contestée. Enfin, elle insiste sur le niveau d’attention élevé du public pertinent qui lui empêchera de supposer que les produits proviennent de la même société.

65      L’EUIPO et l’intervenante contestent cette argumentation.

66      En l’espèce, il convient, tout d’abord, de répondre à l’argument de la requérante selon lequel le degré de similitude phonétique des signes en cause n’aura pas ou que peu d’influence dans l’appréciation du risque de confusion au regard des produits en cause. Certes, eu égard aux conditions de commercialisation des produits en cause, l’aspect visuel desdits signes aura une importance supérieure aux aspects phonétique et conceptuel. Toutefois, il n’est pas entièrement à exclure que, en raison de la nature desdits produits, l’aspect phonétique de ces signes pourra posséder, dans certaines circonstances, à tout le moins, une importance moyenne aux fins de l’identification de l’origine commerciale des produits désignés. Dès lors, il ne peut être considéré que le degré de similitude phonétique des signes en question doit être totalement négligé aux fins de l’appréciation d’un risque de confusion.

67      Ensuite, il convient de confirmer l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle la marque antérieure possède un caractère distinctif intrinsèque normal en raison du caractère distinctif et non descriptif de son élément dominant « ccvi ».

68      Enfin, compte tenu du fait que les produits en cause sont identiques ou hautement similaires entre eux, que les signes en cause sont moyennement similaires sur le plan visuel, sont similaires à un degré élevé sur le plan phonétique et ne peuvent être comparés sur le plan conceptuel de sorte que cet aspect est sans influence, et que la marque antérieure possède un caractère distinctif intrinsèque normal, c’est sans commettre d’erreur que la chambre de recours a considéré qu’il existait un risque de confusion entre les marques en conflit dans l’esprit du public pertinent pour les produits en cause, et ce malgré le degré d’attention élevé dont ce dernier pouvait faire preuve. Au demeurant, l’argumentation de la requérante relative à l’influence majeure de l’aspect visuel des signes en question ne saurait être suffisante à remettre en cause, à elle seule, les conclusions de la chambre de recours à cet égard, compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent.

69      Par conséquent, il y a lieu de rejeter le second moyen invoqué par la requérante et, donc, le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

70      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

71      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      CCTY Bearing Company est condamnée aux dépens.

Spielmann

Öberg

Brkan

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 juillet 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.