Language of document : ECLI:EU:T:2024:177

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DE LA TROISIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL

12 mars 2024 (*)

« Marque de l’Union européenne – Article 173, paragraphe 1, du règlement de procédure – Intervention de l’autre partie à la procédure devant l’EUIPO – Mémoire en réponse déposé hors délai – Absence de cas fortuit, de force majeure ou d’erreur excusable – Rejet »

Dans l’affaire T‑563/23,

Pernod Ricard, établie à Paris (France), représentée par Mes T. de Haan et S. Vandezande, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. V. Ruzek, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO ayant été

West End Drinks Ltd, établie à Londres (Royaume-Uni), représentée par Me J.-C. Rebling, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la cinquième chambre de recours de l’EUIPO du 19 juin 2023 (affaire R 1380/2022‑5), relative à une procédure d’opposition entre Pernod Ricard et West End Drinks Ltd,

LE PRÉSIDENT DE LA TROISIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL

rend la présente

Ordonnance

1        Le 18 juillet 2018, l’autre partie à la procédure devant l’EUIPO, West End Drinks Ltd, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p 1).

2        Le 11 décembre 2018, la requérante, Pernod Ricard, a formé opposition, à l’encontre de l’enregistrement de la marque demandée.

3        Le 2 juin 2022, la division d’opposition a accueilli l’opposition.

4        Le 28 juillet 2022, l’autre partie à la procédure devant l’EUIPO a formé un recours auprès de l’EUIPO, contre la décision de la division d’opposition.

5        Par décision du 19 juin 2023 (ci-après la « décision attaquée »), la chambre de recours a accueilli le recours et a rejeté l’opposition dans son intégralité.

6        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 12 septembre 2023, la requérante a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision attaquée.

7        Le 17 octobre 2023, la requête a été signifiée à l’autre partie à la procédure devant l’EUIPO, dont elle a accusé réception le 20 octobre 2023.

8        Le 12 janvier 2024, l’autre partie à la procédure devant l’EUIPO a déposé son mémoire en réponse.

9        Conformément à l’article 173, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, une partie à la procédure devant la chambre de recours autre que le requérant peut participer à la procédure devant le Tribunal en tant qu’intervenant en répondant à la requête dans les formes et délais prescrits.

10      Ainsi qu’il est reconnu par l’article 53, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, le contentieux relevant du domaine de la propriété intellectuelle présente des spécificités qui nécessitent des dérogations à certaines dispositions régissant la procédure devant le Tribunal. Les dispositions particulières du titre quatrième du règlement de procédure concernant le contentieux relatif aux droits de la propriété intellectuelle ont été adoptées afin de tenir compte desdites spécificités. L’une de ces spécificités réside dans le fait que ce contentieux concerne, pour ce qui est des procédures d’opposition, des litiges entre personnes privées. À cette fin, ont été adoptées, notamment, des règles spécifiques sur les intervenants [ordonnance du 18 mars 2016, Sociedad agraria de transformación no 9982 Montecitrus/OHMI – Spanish Oranges (MOUNTAIN CITRUS SPAIN), T‑495/15, non publiée, EU:T:2016:179, point 8].

11      En l’absence de dispositions du statut de la Cour et du règlement de procédure régissant explicitement certains aspects du traitement des interventions en matière du contentieux de la propriété intellectuelle, il y a lieu d’appliquer, par analogie, les dispositions procédurales des articles 19 et 144 du règlement de procédure [ordonnance du 18 mars 2016, (MOUNTAIN CITRUS SPAIN), T‑495/15, non publiée, EU:T:2016:179, point 9].

12      En application de l’article 19 et de l’article 144, paragraphes 5 et 6, du règlement de procédure, le président décide de statuer lui-même sur la demande d’intervention par voie d’ordonnance.

13      À cet égard, il convient de rappeler que, en application des articles 60 et 179 combinés du règlement de procédure, l’autre partie à la procédure devant l’EUIPO dispose d’un délai de deux mois, augmenté d’un délai de distance forfaitaire de dix jours, pour présenter son mémoire en réponse et que ce délai peut, dans des circonstances exceptionnelles, être prorogé par le président à la demande motivée de la partie concernée.

14      En l’espèce, le délai dont disposait l’autre partie à la procédure devant l’EUIPO pour présenter son mémoire en réponse expirait le 2 janvier 2024. Or, comme cela a été souligné au point 8 ci-dessus, le mémoire en question n’a été déposé que le 12 janvier 2024.

15      Par une mesure d’organisation de la procédure du 2 février 2024, adoptée en application de l’article 89 du règlement de procédure, le Tribunal (troisième chambre) a invité l’autre partie à la procédure devant l’EUIPO à lui présenter des observations relatives au dépôt tardif de son mémoire en réponse, à la lumière de l’article 45, paragraphe 2, du statut de la Cour.

16      Le 5 février 2024, l’autre partie à la procédure devant l’EUIPO a présenté ses observations. Elle souligne que, par lettre du 12 décembre 2023, le greffe du Tribunal lui avait transmis une décision rectificative de la décision attaquée et avait fixé un « nouveau délai » expirant le 12 janvier 2024 pour présenter ses observations sur la décision rectificative. Elle soutient que les observations de la requérante et ses propres observations sur ladite décision rectificative pouvaient avoir une incidence sur l’étendue et le fond du recours devant le Tribunal. Ainsi, elle fait valoir qu’elle avait compris que, de façon logique et implicite, le délai initial pour le dépôt du mémoire en intervention avait été remplacé par le nouveau délai fixé au 12 janvier 2024.

17      Selon la jurisprudence, la notion de force majeure doit être entendue dans le sens de circonstances étrangères à l’opérateur, anormales et imprévisibles, dont les conséquences n’auraient pu être évitées malgré toutes les diligences déployées. Cette dernière condition, qui correspond à l’élément subjectif du cas fortuit ou de force majeure, implique l’obligation, pour l’intéressé, de se prémunir contre les conséquences de l’événement anormal en prenant des mesures appropriées sans consentir des sacrifices excessifs. Une diligence suffisante présuppose un comportement actif continu, orienté vers l’identification et l’évaluation des risques potentiels, ainsi que la capacité de prendre des mesures adéquates et efficaces afin de prévenir la réalisation de tels risques [voir ordonnances du 4 mai 2016, Monster Energy/EUIPO, C‑602/15 P, non publiée, EU:C:2016:331, point 35, et du 23 février 2021, Frutas Tono/EUIPO – Agrocazalla (Marién), T‑587/19, non publiée, EU:T:2021:107, point 29].

18      Il ressort également de la jurisprudence que, dans le cadre de la réglementation de l’Union relative aux délais de recours, la notion d’erreur excusable doit être interprétée de façon stricte et ne vise que des circonstances exceptionnelles dans lesquelles, notamment, l’institution concernée a adopté un comportement de nature, à lui seul ou dans une mesure déterminante, à provoquer une confusion admissible dans l’esprit d’un justiciable de bonne foi et faisant preuve de toute la diligence requise d’un opérateur normalement averti [voir ordonnances du 11 juin 2020, GMPO/Commission, C‑575/19 P, non publiée, EU:C:2020:448, point 36, et du 9 mars 2022, Glaxo Group/EUIPO – Cipla Europe (Forme d’un inhalateur), T‑477/21, non publiée, EU:T:2022:144, point 20].

19      Or, il convient de constater qu’aucune des circonstances invoquées par l’autre partie à la procédure devant l’EUIPO et mentionnées au point 16 ci-dessus ne présente le caractère anormal et imprévisible requis par la jurisprudence ni qu’il existerait un comportement de nature, à lui seul ou dans une mesure déterminante, à provoquer une confusion admissible dans l’esprit de l’autre partie à la procédure devant l’EUIPO.

20      En effet, dans la lettre du 17 octobre 2023, le greffier du Tribunal a clairement attiré l’attention de l’autre partie à la procédure devant l’EUIPO que, en application de l’article 179 du règlement de procédure, sa réponse éventuelle devait être présentée dans un délai de deux mois à compter de la signification de la requête et que ce délai pourrait, dans des circonstances exceptionnelles, être prorogé par le président à la demande motivée de la partie concernée. Dans la même lettre, l’attention de ladite partie a également été attirée sur l’article 173 du règlement de procédure qui prévoit les conditions d’acquisition et de perte du statut d’intervenante.

21      Dans le même sens, dans la lettre du greffier du Tribunal du 12 décembre 2023, l’autre partie à la procédure devant l’EUIPO a été informée que le président de la troisième chambre avait décidé de verser au dossier la décision rectificative de la décision attaquée et que, pour la suite de la procédure, elle disposait d’un délai expirant le 12 janvier 2024 pour présenter ses observations sur ce document. Il importe de relever que la lettre en question indiquait, sans aucune ambiguïté, que le délai du 12 janvier 2024 concernait uniquement les observations sur la décision rectificative et ne faisait nulle part mention d’un « nouveau délai » pour le dépôt du mémoire en réponse.

22      Ainsi, les délais fixés respectivement dans la lettre du 17 octobre 2023 et celle du 12 décembre 2023 étaient bien distincts, concernaient des pièces de procédures différentes et servaient donc à des fins différentes.

23      Partant, et contrairement à ce que soutient l’autre partie à la procédure devant l’EUIPO, la lettre du greffe du 12 décembre 2023 ne pouvait en aucune façon être interprétée comme indiquant la fixation d’un « nouveau délai » pour le dépôt de son mémoire en réponse.

24      Par ailleurs, il ne saurait être fait droit à la demande « rétroactive », faite par l’autre partie à la procédure devant l’EUIPO, de prorogation du délai pour le dépôt de son mémoire en réponse. En effet, outre le fait qu’un tel délai ne peut être prorogé que dans des circonstances exceptionnelles, la demande motivée à cet effet doit être présentée en temps utile avant l’expiration du délai en question, ce qui n’a pas été le cas en l’espèce.

25      Compte tenu de tout ce qui précède, il y a lieu de conclure que le mémoire en réponse de l’autre partie à la procédure devant l’EUIPO a été déposé hors délai, et que les éléments avancés par celle-ci n’établissent pas l’existence d’un cas fortuit, d’une force majeure ni d’une erreur excusable.

26      Il s’ensuit que l’autre partie à la procédure devant l’EUIPO n’est pas admise à participer à la procédure dans l’affaire T‑563/23 en tant qu’intervenante au titre de l’article 173, paragraphe 1, du règlement de procédure, et que le mémoire en réponse qu’elle a produit tardivement est irrecevable.

 Sur les dépens

27      En vertu de l’article 133 du règlement de procédure, il est statué sur les dépens dans l’arrêt ou l’ordonnance qui met fin à l’instance. La présente ordonnance mettant fin à l’instance à l’égard de l’autre partie à la procédure devant l’EUIPO, il convient de statuer sur les dépens afférents à son intervention.

28      La présente ordonnance étant adoptée avant que les parties n’aient pu exposer des dépens liés à l'activité procédurale de l’autre partie à la procédure devant l’EUIPO, il suffit de décider que cette dernière supporte ses propres dépens

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DE LA TROISIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      West End Drinks Ltd n’est pas admise à participer à la procédure dans l’affaire T563/23 en tant qu’intervenant au titre de l’article 173, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

2)      West End Drinks supportera ses propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 12 mars 2024.

Le greffier

 

Le président

V. Di Bucci

 

F. Schalin


*      Langue de procédure : l’anglais.