Language of document : ECLI:EU:T:2017:412

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

21 juin 2017 (1)

« Marque de l’Union européenne – Demande de marque de l’Union européenne verbale LONGHORN STEAKHOUSE – Motif absolu de refus – Caractère descriptif – Article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement (CE) n° 207/2009 – Égalité de traitement et principe de bonne administration »

Dans l’affaire T‑856/16,

Rare Hospitality International, Inc., établie à Orlando, Floride (États-Unis), représentée par Me I. Lázaro Betancor, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme S. Bonne, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la cinquième chambre de recours de l’EUIPO du 12 septembre 2016 (affaire R 2149/2015-5), concernant une demande d’enregistrement du signe verbal LONGHORN STEAKHOUSE comme marque de l’Union européenne,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. D. Gratsias (rapporteur), président, A. Dittrich et P. G. Xuereb, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 5 décembre 2016,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 20 février 2017,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties principales dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 14 avril 2015, la requérante, Rare Hospitality International, Inc., a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1).

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal LONGHORN STEAKHOUSE.

3        Les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 43 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Services de restauration (alimentation) ».

4        Par lettre du 27 avril 2015, l’examinateur a émis un refus provisoire de protection sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement n° 207/2009, au motif que le signe verbal LONGHORN STEAKHOUSE serait compris comme une expression qui, considérée globalement, informe immédiatement les consommateurs que les services demandés sont ceux d’un restaurant spécialisé dans les steaks de bovin à longues cornes. Ledit signe transmettrait dès lors des informations directes et évidentes sur le type de services visés par la demande d’enregistrement et serait, ainsi, descriptif. Pour les mêmes raisons, le signe serait, par ailleurs, dépourvu de caractère distinctif. L’examinateur a, enfin, invité la requérante à présenter ses observations, conformément à l’article 37, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009.

5        Par décision du 1er septembre 2015, l’examinateur a rejeté la demande, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement n° 207/2009, au motif que la marque verbale demandée était descriptive et dépourvue de caractère distinctif. S’agissant plus particulièrement de l’argument de la requérante selon lequel le consommateur anglophone moyen ne saurait pas que le terme « longhorn » se réfère à du bétail, l’examinateur a présenté des extraits de sites internet démontrant que, en dehors du fait qu’il figure dans les dictionnaires de la langue anglaise, ledit terme est utilisé au Royaume-Uni pour décrire une race particulière de bétail. Il s’agissait, plus particulièrement, de pages reproduites de trois sites internet, appartenant à des producteurs ou des distributeurs de viande bovine, qui consacraient des rubriques à la race bovine Longhorn, tout en proposant des services de vente en ligne et des recettes de cuisine à base de viande d’origine bovine Longhorn.

6        Le 26 octobre 2015, la requérante a formé un recours contre cette décision auprès de l’EUIPO, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009.

7        Par décision du 12 septembre 2016 (ci-après la « décision attaquée »), la cinquième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours. Plus spécifiquement, après avoir rappelé, au point 15 de la décision attaquée, que, selon une jurisprudence constante, il suffit qu’un signe désigne une caractéristique des produits ou des services concernés en au moins une de ses significations potentielles, pour qu’il soit refusé à l’enregistrement, la chambre de recours a constaté que, selon plusieurs dictionnaires de la langue anglaise, le terme « longhorn » renvoie à « 1. Texas Longhorn : une race de bovin à longues cornes, généralement rouge ou moucheté, répandue par le passé dans le sud-ouest des États-Unis ; 2. une race britannique désormais rare de bovin à longues cornes incurvées » (voir point 21 de la décision attaquée), ainsi que à « un bovin à longues cornes » (voir point 22 de la décision attaquée). Partant, selon la décision attaquée, étant donné que le terme « steakhouse » est largement utilisé de nos jours pour désigner « un restaurant spécialisé dans les steaks », les termes « longhorn » et « steakhouse », pris ensemble, seront compris par le public pertinent, à savoir le public anglophone de l’Union européenne. Ainsi, au regard des services visés par la marque demandée, à savoir des services de restauration, le public pertinent ou, à tout le moins, une partie de celui-ci percevra immédiatement la marque comme fournissant des informations descriptives directes quant à l’objet des services demandés ou à l’une de leurs caractéristiques essentielles, à savoir une spécialisation dans la viande Longhorn. La chambre de recours a également confirmé la conclusion de l’examinateur selon laquelle la combinaison des deux termes susmentionnés ne présente aucune caractéristique additionnelle susceptible d’altérer leur nature purement descriptive. Elle a, ainsi, conclu que la marque demandée considérée globalement était descriptive des services relevant de la classe 43 visés par celle-ci, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009 et, par conséquent, au rejet de la demande d’enregistrement.

8        La chambre de recours a, à titre subsidiaire, réaffirmé la conclusion de l’examinateur quant à l’absence de caractère distinctif de la marque demandée pour les services visés par celle-ci, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

9        Enfin, la chambre de recours a écarté les arguments que la requérante tirait tant de l’enregistrement antérieur d’une autre marque comportant le terme « longhorn » que de l’enregistrement de la marque demandée auprès de l’United States patent and trademark office (USPTO, Office des brevets et des marques des États-Unis).

 Conclusions des parties

10      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

11      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

12      Au soutien de son recours, la requérante soulève trois moyens, tirés, le premier, d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009, le deuxième, d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du même règlement et, le troisième, d’une violation des principes d’égalité de traitement et de bonne administration.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009

13      Par son premier moyen, la requérante allègue que la chambre de recours a violé l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009 dans la mesure où elle a conclu que la marque demandée était constituée de mots « très courants » qui avaient un sens en anglais en se fondant sur le seul fait que les mots en question figuraient dans les dictionnaires de la langue anglaise. La requérante conteste, plus spécifiquement, le caractère « très courant et significatif » du terme « longhorn » et considère que la chambre de recours n’a pas apprécié le prétendu caractère descriptif de la marque demandée en tenant compte de la perception dont en aurait le public ciblé.

14      La requérante conteste, à cet égard, les exemples fournis par l’examinateur, en soulignant la rareté de la race bovine Texas Longhorn, aujourd’hui « largement oubliée », et en affirmant que ces exemples, qui semblent être destinés aux spécialistes de l’élevage bovin et de la restauration au Royaume-Uni ne sauraient en aucun cas prouver que les consommateurs moyens dans les États membres anglophones connaissent le terme « longhorn » et la race bovine correspondante.

15      Selon la requérante, le seul fait que le mot « longhorn » figure dans des dictionnaires de la langue anglaise ne suffit pas à démontrer que le consommateur moyen anglophone de l’Union comprend, connaît ou utilise ce terme, étant donné que les dictionnaires invoqués par la chambre de recours renvoient à une multitude de termes scientifiques, techniques, étrangers ou érudits qui ne sont connus et utilisés que par les spécialistes des secteurs qui y sont afférents. La requérante allègue que le consommateur moyen ne saurait comprendre ou reconnaître tous les noms de races bovines figurant dans le dictionnaire Collins en ligne, invoqué par l’examinateur et la chambre de recours, et se réfère, à l’appui de ses propos, à trois autres races bovines qui y figurent, à savoir les races Kerry, Hereford et Jersey.

16      La requérante considère qu’il est improbable que le consommateur moyen anglophone de services de restauration connaisse le mot « longhorn » ou qu’il sache que celui-ci se réfère à une race bovine spécifique. En revanche, selon la requérante, il est plus probable que le consommateur moyen considère que le mot « longhorn » est une simple juxtaposition des mots « long » (longue) et « horn » (corne), sans l’associer mentalement à une race bovine particulière. Même les consommateurs ayant visité les États-Unis d’Amérique et ayant incidemment eu connaissance de la race bovine Texas Longhorn ne penseraient pas nécessairement, et en tout cas pas immédiatement et sans autre réflexion, que la marque demandée vise une restauration spécialisée dans des produits alimentaires provenant de bœufs de la race Texas Longhorn.

17      Enfin, ni l’examinateur ni la chambre de recours n’auraient établi l’usage descriptif de l’expression « longhorn steakhouse » pour les services de restauration aux États-Unis d’Amérique ou dans l’Union.

18      Pour sa part, l’EUIPO rappelle que la requérante ne conteste aucunement ni que le terme « longhorn » figure dans les dictionnaires de la langue anglaise comme désignant, notamment, « un animal appartenant à une race bovine à cornes longues » ni que le terme « steakhouse » figure dans les mêmes dictionnaires comme désignant « un restaurant spécialisé dans les steaks ».

19      S’agissant plus spécifiquement du terme « longhorn », l’EUIPO allègue que, contrairement à ce que soutient la requérante, il s’agit d’un mot couramment utilisé, figurant dans plusieurs dictionnaires, qui a un sens clair. Selon l’Oxford English Dictionary, le terme en question aurait un « taux de fréquence d’usage 4/8 ». Il s’agirait, dès lors, d’un terme qui est utilisé plus que de manière limitée et dans un cercle plus étendu que celui des spécialistes du domaine.

20      Enfin, selon l’EUIPO, le public spécialisé du domaine concerné, à savoir les chefs, les professionnels de l’élevage bovin et ceux actifs dans les secteurs de l’alimentation, de la distribution et de l’agriculture, constitue une partie significative du public pertinent des services de restauration. Partant, même à supposer que la marque demandée ne soit descriptive qu’en ce qui concerne cette partie du public pertinent, ladite marque devrait, en tout état de cause, être considérée comme étant descriptive.

21      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci.

22      Selon une jurisprudence constante, l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009 poursuit un but d’intérêt général, lequel exige que les indications ou les signes descriptifs des caractéristiques de produits ou de services pour lesquelles l’enregistrement est demandé puissent être librement utilisés par tous. Cette disposition empêche, dès lors, que de tels signes ou indications soient réservés à une seule entreprise en raison de leur enregistrement en tant que marque, et qu’une entreprise monopolise l’usage d’un terme descriptif, au détriment d’autres entreprises, y compris ses concurrents, dont l’étendue du vocabulaire disponible pour décrire leurs propres produits ou services se trouverait ainsi réduite [voir arrêt du 9 novembre 2016, Smarter Travel Media/EUIPO (SMARTER TRAVEL), T‑290/15, non publié, EU:T:2016:651, point 23 et jurisprudence citée].

23      Le caractère descriptif d’une marque doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement du signe est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent, qui est constitué par les consommateurs de ces produits ou de ces services (voir arrêt du 9 novembre 2016, SMARTER TRAVEL, T‑290/15, non publié, EU:T:2016:651, point 25 et jurisprudence citée).

24      Pour qu’un signe tombe sous le coup de l’interdiction énoncée par cette disposition, il faut qu’il présente avec les produits ou les services concernés un rapport suffisamment direct et concret de nature à permettre au public pertinent de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion, une description de la catégorie de produits et des services concernés ou d’une de leurs caractéristiques [voir ordonnance du 17 juin 2016, Hako/EUIPO (SCRUBMASTER), T‑629/15, non publiée, EU:T:2016:384, point 15 et jurisprudence citée].

25      Selon la jurisprudence, une marque constituée d’un ou de plusieurs mots composés d’éléments dont chacun est descriptif des caractéristiques des produits ou des services pour lesquels l’enregistrement est demandé est elle-même descriptive des caractéristiques de ces produits ou services, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009, sauf s’il existe un écart perceptible entre le ou les mots et la simple somme des éléments qui le ou les composent. Cela suppose que, en raison du caractère inhabituel de la combinaison par rapport auxdits produits ou services, les mots créent une impression suffisamment éloignée de celle produite par la simple réunion des indications apportées par les éléments qui les composent, de sorte qu’ils priment la somme desdits éléments. À cet égard, l’analyse du terme en cause au vu des règles lexicales et grammaticales appropriées est également pertinente (voir ordonnance du 17 juin 2016, SCRUBMASTER, T‑629/15, non publiée, EU:T:2016:384, point 16 et jurisprudence citée).

26      En l’espèce, la conclusion de la chambre de recours s’agissant de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009 serait, selon la requérante, erronée dans la mesure où l’instance de l’EUIPO en question s’est appuyée sur la constatation selon laquelle la marque demandée constitue une combinaison de mots « très courants et significatifs en anglais ».

27      Le Tribunal constate, dans un premier temps, que la chambre de recours n’a pas expressément indiqué, dans la décision attaquée, sur laquelle des significations du terme « longhorn », auxquelles il est fait référence au point 7 ci-dessus, elle s’est fondée pour arriver à sa conclusion. Il ressort, toutefois, de la décision attaquée que cette conclusion est fondée à la fois sur le fait que le terme « longhorn » puisse désigner des races bovines spécifiques, et notamment la race bovine Texas Longhorn, et sur le fait que ledit terme puisse avoir une signification plus générique et désigner, ainsi, sans référence à une race bovine spécifique, un bovin à cornes longues (voir point 7 ci-dessus).

28      Pour sa part, la requérante prétend, en substance, que, afin que le terme « longhorn » puisse être considéré comme descriptif, il devrait être compris par le consommateur moyen des services en cause comme désignant une race bovine spécifique, à savoir la race bovine Texas Longhorn (voir point 41 de la requête). Selon la requérante, ceci n’est pas le cas, indépendamment du fait que le consommateur moyen des services en cause puisse comprendre le terme « longhorn » comme un terme composé des mots « long » et « horn » (voir point 40 de la requête et point 16 ci-dessus).

29      Au vu de ce qui précède et dans la mesure où la décision attaquée est également fondée sur le fait que le terme « longhorn » peut désigner notamment la race bovine Texas Longhorn, il y a lieu d’examiner l’argumentation de la requérante selon laquelle la chambre de recours a à tort constaté que le consommateur moyen comprendra le terme « longhorn » comme désignant la race bovine spécifique Texas Longhorn.

30      La requérante prétend, en substance, que la signification du terme « longhorn », désignant la race bovine rare Texas longhorn, n’étant perçue que par une partie du public pertinent, à savoir les professionnels du secteur, le terme en question ne saurait être considéré comme étant descriptif des services visés par la marque demandée, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009. Toutefois, comme le rappelle l’EUIPO au point 24 du mémoire en réponse, selon la jurisprudence, aux fins de l’application de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009, il suffit qu’il existe, à tout le moins du point de vue d’une partie non négligeable du public ciblé, un rapport suffisamment direct et concret entre le signe en cause et les produits ou les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé [voir arrêt du 23 octobre 2015, Geilenkothen Fabrik für Schutzkleidung/OHMI (Cottonfeel), T‑822/14, non publié, EU:T:2015:797, point 23 et jurisprudence citée].

31      À cet égard, il convient de relever que, selon le point 17 de la décision attaquée, les services visés par la marque demandée sont destinés au grand public. Cette constatation n’est pas contestée par la requérante.

32      Or, il convient de considérer qu’à tout le moins une partie non négligeable du grand public auquel les services en cause en l’espèce sont destinés est composée de consommateurs qui apprécient particulièrement la viande rouge et, plus particulièrement, bovine et qui, par conséquent, ont des connaissances étendues dans le domaine concerné. Il est, ainsi, probable que ces consommateurs connaissent la race bovine Texas Longhorn.

33      La requérante ne conteste, par ailleurs, ni la signification du terme « steakhouse », qui désigne un « restaurant spécialisé dans les steaks », à savoir dans les tranches de viande à griller destinées à la consommation humaine, ni son caractère répandu et son utilisation commune par le public anglophone. Par conséquent, il convient de conclure qu’à tout le moins une partie non négligeable du public pertinent percevra la marque demandée comme étant descriptive des services visés par celle-ci.

34      La requérante n’invoque aucun élément susceptible de remettre en cause les constatations de la chambre de recours sur ce point ou les éléments annexés à la décision de l’examinateur visant à établir que la race bovine en cause est connue, à tout le moins parmi les connaisseurs et les amateurs de viande rouge faisant partie du public pertinent. En effet, en dehors d’une référence unique à un des sites internet invoqués par l’examinateur, selon lequel la race bovine en question serait rare et « largement oubliée » (voir point 14 ci-dessus), la requérante n’était nullement ses allégations exposées au point 27 de la requête. Elle ne fournit, plus particulièrement, aucun élément et n’expose aucun argument susceptible d’établir que les exemples des sites internet invoqués par l’examinateur s’adressent à un public spécialisé très restreint et qu’il en ressort qu’uniquement quelques spécialistes du secteur de l’élevage bovin et quelques chefs de cuisine reconnus percevraient la signification du terme « longhorn ». Au contraire, les sites internet en cause proposent des services de vente en ligne et des recettes à base de viande d’origine bovine Longhorn (voir point 5 ci-dessus). Or ces services ne sauraient, vu tant la nature du support utilisé que leur propre nature, être considérés comme s’adressant uniquement à un public spécialisé très restreint. En effet, la rareté ou le caractère précieux d’un aliment ou d’un produit ne sauraient être considérés, à eux seuls, comme des éléments impliquant nécessairement que lesdits produits ou aliments sont inconnus ou très peu connus du grand public.

35      Ainsi, la rareté des animaux de la race bovine Texas Longhorn ou, encore, de la viande provenant de tels animaux (voir point 14 ci-dessus), à la supposer avérée, ne constituant aucunement une circonstance pertinente en l’espèce, il convient de rejeter l’ensemble de l’argumentation de la requérante qui est fondée sur elle.

36      S’agissant, d’ailleurs, de la perception de la signification du terme « longhorn » par le public pertinent, le fait que les exemples fournis par l’examinateur concernaient l’usage du terme « longhorn » pour des produits relevant de la classe 29, au sens de l’arrangement de Nice, qui comprend, entre autres aliments, la viande, et non des services relevant de la classe 45, pour lesquels l’enregistrement de la marque de la requérante a été demandé, n’est pas pertinent en l’espèce.

37      La requérante reproche, par ailleurs, à la chambre de recours d’avoir fondé sa conclusion sur le seul fait que le mot « longhorn » figure dans des dictionnaires de la langue anglaise (voir point 15 ci-dessus).

38      Certes, ainsi que le souligne la requérante, la seule inclusion d’un terme dans un ou plusieurs dictionnaires ne saurait suffire à démontrer qu’il s’agit d’un terme communément utilisé, dont la signification sera perçue immédiatement par le grand public, même s’agissant des locuteurs natifs de la langue concernée. En effet, un dictionnaire ne comporte pas uniquement de termes connus et utilisés de manière régulière, mais également de termes rares, poétiques, désuets ou relevant de domaines hautement spécialisés, dont la signification n’est connue que de spécialistes peu nombreux des secteurs qui y sont afférents. Il est, ainsi, plus probable, s’agissant de tels termes, que, face à un signe les contenant, le public pertinent ne perçoive pas immédiatement leur signification ou, le cas échéant, leur lien avec les produits ou les services visés.

39      Toutefois, la requérante procède à une lecture erronée de la décision attaquée sur ce point. La chambre de recours n’a pas tenu compte uniquement du fait que le terme « longhorn » figure dans les dictionnaires de la langue anglaise, mais s’est également fondée sur les éléments invoqués par l’examinateur (voir point 22 de la décision attaquée et point 34 ci-dessus). Il en va de même s’agissant du terme « steakhouse ». En effet, la chambre de recours ne s’est pas contentée de se référer au fait que le terme en question figurait dans un dictionnaire, mais a expliqué qu’il était couramment utilisé et perçu comme désignant un restaurant spécialisé dans les steaks (voir point 23 de la décision attaquée).

40      En tout état de cause, même à considérer que le consommateur moyen, à savoir, en l’espèce, le consommateur anglophone moyen de l’Union, ne perçoive pas le terme « longhorn » comme désignant une race bovine spécifique, il sera, toutefois, amené à considérer que le terme « longhorn » constitue une juxtaposition des mots « long » (longue) et « horn » (corne), mots très courants et communément utilisés par le public anglophone. Il convient, ainsi, de présumer que le consommateur anglophone moyen sera, à tout le moins, amené à considérer que le terme « longhorn » désigne un animal à longues cornes.

41      À cet égard, il ne saurait être considéré que la signification du terme en cause requiert du public pertinent qu’il procède à un examen analytique, puisque ledit terme ne s’éloigne pas du langage courant d’une manière telle que ledit public y reconnaîtrait plus que la somme des éléments verbaux qui le composent. En effet, le terme formé par les éléments « long » et « horn », à savoir, d’une part, par un adjectif et, d’autre part, par un substantif, peut être considéré, au regard des règles syntaxiques, grammaticales, phonétiques et sémantiques de l’anglais comme étant grammaticalement correct ou bien syntaxiquement habituel, d’autant plus qu’il est courant, en anglais, de créer des mots en accolant deux mots ayant chacun une signification [voir arrêt du 14 juillet 2016, Volkswagen/EUIPO (ConnectedWork), T‑491/15, non publié, EU:T:2016:407, point 30 et jurisprudence citée et point 31].

42      Il est, d’ailleurs, notoire que les tranches de viande servis dans les restaurants de type « steakhouse » (voir point 33 ci-dessus) sont des tranches de viande rouge et notamment de viande d’origine bovine. Partant, il y a lieu de considérer que, dans le contexte des services en cause dans la présente espèce et face à une expression constituée des termes « longhorn » et « steakhouse », le consommateur anglophone moyen, y compris celui qui n’est pas forcément un connaisseur ou un amateur de viande rouge, sera amené à penser que les services de restauration en question portent sur de la viande bovine provenant d’animaux à longues cornes. Par conséquent, même à considérer que le consommateur moyen ne connaisse pas la race bovine spécifique Texas Longhorn, il sera, toutefois, amené à percevoir immédiatement, au sens de la jurisprudence citée au point 24 ci-dessus, une des caractéristiques des services que la marque demandée vise, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009, à savoir leur spécialisation dans la viande bovine provenant d’animaux à longues cornes. Il convient, à cet égard, de relever que, ainsi qu’il ressort du point 22 de la décision attaquée, les entrées des dictionnaires de la langue anglaise ne se réfèrent pas toutes à la race bovine spécifique Texas Longhorn ou à n’importe quelle autre race bovine spécifique. En effet, il existe des dictionnaires qui font allusion à une définition générique du terme « longhorn », en indiquant que celui-ci désigne « un bovin à cornes longues », sans préciser à quelle race bovine spécifique cet animal appartient. La chambre de recours a, d’ailleurs, tenu compte de cette définition générique du terme en question, contenue dans le Oxford English Dictionary, afin de conclure sur le caractère descriptif de la marque demandée.

43      Ces constatations suffisent à établir le caractère descriptif du terme « longhorn », contrairement à ce que semble suggérer la requérante, selon laquelle, afin que la marque demandée puisse être considérée comme descriptive des services en cause, il faudrait que le consommateur moyen fasse un lien entre ladite marque et la race bovine spécifique Texas longhorn (voir points 40 et 41). Il est, en effet, évident que la catégorie générique « viande provenant des animaux d’une race bovine à cornes longues » comporte la catégorie spécifique « animaux de la race bovine Texas longhorn ».

44      Il ressort, en outre, de ce qui précède que, contrairement à ce que semble suggérer la requérante, l’association des termes « longhorn » et « steakhouse » ne saurait être comparée à d’autres associations, comportant le terme « steakhouse » et un autre terme, désignant une race bovine, telle que « kerry », « hereford » et « jersey » (voir point 15 ci-dessus), dans la mesure où ces termes désignent, généralement, des lieux géographiques et ne sont pas composés de mots simples et communément utilisés en anglais, dont la signification dans le contexte des services en cause est susceptible d’être immédiatement perçue par le public pertinent.

45      Enfin, s’agissant de l’argument de la requérante exposé au point 17 ci-dessus, il suffit de rappeler que, selon une jurisprudence constante, il n’est pas nécessaire que la marque demandée soit effectivement utilisée, au moment de la demande d’enregistrement, à des fins descriptives des services concernés. Il suffit que ladite marque puisse être utilisée à de telles fins (voir arrêt du 9 novembre 2016, SMARTER TRAVEL, T‑290/15, non publié, EU:T:2016:651, point 44 et jurisprudence citée). Il importe, d’ailleurs, sur ce point, de relever que l’arrêt sur lequel la requérante prend appui, au point 37 de sa requête, afin de contester la jurisprudence citée ci-dessus, à savoir l’arrêt du 12 mars 2008, Compagnie générale de diététique/OHMI (GARUM) (T‑341/06, non publié, EU:T:2008:70), ne porte pas sur l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009, mais sur l’article 7, paragraphe 1, sous b), du même règlement.

46      Le premier moyen doit, dès lors, être rejeté.

47      Dans ces conditions, il n’y a pas lieu d’examiner le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009. En effet, selon une jurisprudence constante, il suffit qu’un des motifs absolus de refus énumérés à l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009 s’applique pour qu’un signe ne puisse être enregistrée comme marque de l’Union européenne [voir arrêt du 13 janvier 2014, LaserSoft Imaging/OHMI (WorkflowPilot), T‑475/12, non publié, EU:T:2014:2, point 34 et jurisprudence citée]. Il convient, ainsi, de procéder directement à l’examen du troisième moyen invoqué dans la requête.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une violation des principes d’égalité de traitement et de bonne administration

48      La requérante considère que la chambre de recours a violé les principes d’égalité de traitement et de bonne administration à deux étapes du raisonnement suivi dans la décision attaquée.

49      En invoquant l’ordonnance du 9 avril 2008, Bild digital et ZVS (C‑39/08 et C‑43/08, non publiée, EU:C:2008:209), la requérante soutient que l’EUIPO devrait, en examinant sa demande, prendre en considération les décisions déjà adoptées s’agissant de demandes similaires. Elle invoque à cet égard trois enregistrements antérieurs de marques de l’Union européenne composées d’un terme désignant une race bovine et du mot « steak house » et conclut que, en écartant sa demande, la chambre de recours a manifestement violé le principe d’égalité de traitement.

50      Par ailleurs, c’est dans le cadre de son appréciation du terme « longhorn » que la chambre de recours aurait violé le principe d’égalité de traitement. En effet, alors que, dans la décision rendue le 2 octobre 2015 dans l’affaire R 0413/2015-5, la même chambre de recours de l’EUIPO indiquait que le fait qu’un terme « apparaisse dans le dictionnaire en ligne Collins n’[était] pas suffisant pour montrer que […] le consommateur moyen anglophone comprend ou utilise couramment [le terme constituant la marque demandée dans cette affaire] », la décision attaquée serait, s’agissant de la compréhension du terme « longhorn » par le public pertinent, fondée exclusivement sur le fait que ledit terme figure dans des dictionnaires de la langue anglaise.

51      L’EUIPO rappelle, à cet égard, que la légalité des décisions adoptées par les chambres de recours doit être examinée uniquement sur la base du règlement n° 207/2009 et non sur celle des décisions précédentes adoptées par lui. Il souligne, par ailleurs, qu’il ne saurait être admis que les chambres de recours soient liées par les décisions de l’examinateur ou par celles des différentes divisions, sur lesquelles lesdites chambres n’ont pas eu l’occasion de se prononcer.

52      Il convient de rappeler d’abord que l’EUIPO est tenu d’exercer ses compétences en conformité avec les principes généraux du droit de l’Union, tels que le principe d’égalité de traitement et le principe de bonne administration (voir arrêt du 9 novembre 2016, SMARTER TRAVEL, T‑290/15, non publié, EU:T:2016:651, point 66 et jurisprudence citée).

53      L’EUIPO doit, ainsi, dans le cadre de l’instruction d’une demande d’enregistrement d’une marque de l’Union européenne, prendre en considération les décisions déjà adoptées sur des demandes similaires et s’interroger avec une attention particulière sur le point de savoir s’il y a lieu ou non de décider dans le même sens (voir arrêt du 9 novembre 2016, SMARTER TRAVEL, T‑290/15, non publié, EU:T:2016:651, point 67 et jurisprudence citée).

54      Cela étant, les principes d’égalité de traitement et de bonne administration doivent se concilier avec le respect de la légalité. Par conséquent, la personne qui demande l’enregistrement d’un signe en tant que marque de l’Union européenne ne saurait invoquer à son profit une éventuelle illégalité commise en sa faveur ou au bénéfice d’autrui afin d’obtenir une décision identique (voir arrêt du 9 novembre 2016, SMARTER TRAVEL, T‑290/15, non publié, EU:T:2016:651, point 68 et jurisprudence citée).

55      Par ailleurs, selon une jurisprudence constante, les décisions concernant l’enregistrement d’un signe en tant que marque de l’Union européenne que les chambres de recours sont amenées à prendre, en vertu du règlement n° 207/2009, relèvent d’une compétence liée et non d’un pouvoir discrétionnaire. Dès lors, le caractère enregistrable d’un signe en tant que marque de l’Union européenne ne doit être apprécié que sur la base de ce règlement, tel qu’interprété par le juge de l’Union (voir arrêt du 9 novembre 2016, SMARTER TRAVEL, T‑290/15, non publié, EU:T:2016:651, point 71 et jurisprudence citée).

56      Au demeurant, pour des raisons de sécurité juridique et, précisément, de bonne administration, l’examen de toute demande d’enregistrement doit être strict et complet afin d’éviter que des marques ne soient enregistrées de manière indue. Cet examen doit avoir lieu dans chaque cas concret. En effet, l’enregistrement d’un signe en tant que marque de l’Union européenne dépend de critères spécifiques, applicables dans le cadre des circonstances factuelles du cas d’espèce, destinés à vérifier si le signe en cause ne relève pas d’un motif de refus (voir arrêt du 9 novembre 2016, SMARTER TRAVEL, T‑290/15, non publié, EU:T:2016:651, point 69 et jurisprudence citée).

57      Il ressort également de la jurisprudence de la Cour que les considérations rappelées aux points 52 à 56 ci-dessus sont valables même si le signe, dont l’enregistrement en tant que marque de l’Union européenne est demandé, est composé de manière identique à une marque dont l’EUIPO a déjà accepté l’enregistrement en tant que marque de l’Union européenne et qui se réfère à des produits ou à des services identiques ou semblables à ceux pour lesquels l’enregistrement du signe en cause est demandé (voir arrêt du 9 novembre 2016, SMARTER TRAVEL, T‑290/15, non publié, EU:T:2016:651, point 70 et jurisprudence citée).

58      En l’espèce, il ressort de l’examen du premier moyen invoqué par la requérante que la chambre de recours a, à bon droit, conclu sur la base d’un examen complet et en tenant compte de la perception du public pertinent, que la demande de marque européenne présentée par la requérante se heurtait au motif absolu de refus énoncé à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009. Il s’ensuit que, conformément à la jurisprudence qui vient d’être citée, cette appréciation ne saurait être remise en cause au seul motif que la chambre de recours n’aurait pas suivi, en l’espèce, une prétendue pratique décisionnelle de l’EUIPO [voir, par analogie, arrêt du 7 octobre 2015, The Smiley Company/OHMI (Forme d’un smiley avec des yeux en cœur), T‑656/13, non publié, EU:T:2015:758, point 48].

59      S’agissant, enfin, plus particulièrement, de l’appréciation du terme « longhorn » effectuée par la chambre de recours (voir point 50 ci-dessus), il ressort de ce qui a été exposé aux points 37 à 39 ci-dessus que l’argumentation de la requérante est fondée sur une lecture erronée de la décision attaquée et doit, dès lors, en tout état de cause, être écartée.

60      Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter le troisième moyen et, par conséquent, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

61      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Rare Hospitality International, Inc. est condamnée aux dépens.

Gratsias      Dittrich      Xuereb

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 21 juin 2017.

Signatures


1      Langue de procédure : l’anglais.