Language of document : ECLI:EU:T:2018:118

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

7 mars 2018 (*)

« REACH – Redevance due pour l’enregistrement d’une substance – Réduction accordée aux PME – Vérification par l’ECHA de la déclaration relative à la taille de l’entreprise – Décision imposant un droit administratif – Recommandation 2003/361/CE – Dépassement des plafonds financiers – Notion d’“entreprise liée” »

Dans l’affaire T‑855/16,

Fertisac, SL, établie à Atarfe (Espagne), représentée par Me J. Gomez Rodriguez, avocat,

partie requérante,

contre

Agence européenne des produits chimiques (ECHA), représentée par MM. E. Maurage, J.-P. Trnka et Mme M. Heikkilä, en qualité d’agents, assistés de Mes C. Garcia Molyneux et L. Tosoni, avocats,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision SME(2016) 5150 de l’ECHA, du 15 novembre 2016, constatant que la requérante ne remplit pas les conditions pour bénéficier de la réduction de redevance prévue pour les moyennes entreprises et lui imposant le paiement d’un droit administratif, ainsi que des factures no 10060160 et no 10060161 émises par l’ECHA et annexées à la décision SME(2016) 5150,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de Mme I. Pelikánová, président, MM. P. Nihoul (rapporteur) et J. Svenningsen, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La requérante, Fertisac, SL, est une société de droit espagnol qui exerce une activité de fabrication de substances soumises à une obligation d’enregistrement auprès de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) en vertu du règlement (CE) no 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006, concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), instituant une agence européenne des produits chimiques, modifiant la directive 1999/45/CE et abrogeant le règlement (CEE) no 793/93 du Conseil et le règlement (CE) no 1488/94 de la Commission ainsi que la directive 76/769/CEE du Conseil et les directives 91/155/CEE, 93/67/CEE, 93/105/CE et 2000/21/CE de la Commission (JO 2006, L 396, p. 1).

2        Le 30 novembre 2010, la requérante a procédé à l’enregistrement d’une substance chimique au titre du règlement no 1907/2006.

3        Lors de la procédure d’enregistrement, la requérante a déclaré qu’elle était une moyenne entreprise au sens de la recommandation 2003/361/CE de la Commission, du 6 mai 2003, concernant la définition des micro-, petites et moyennes entreprises (JO 2003, L 124, p. 36). Cette déclaration lui a permis de bénéficier d’une réduction du montant de la redevance due sur le fondement de l’article 6, paragraphe 4, du règlement no 1907/2006.

4        Pour l’enregistrement, l’ECHA a émis une facture d’un montant de 16 275 euros correspondant à la redevance due par une moyenne entreprise, dans le cadre, comme en l’espèce, d’une soumission conjointe, pour une quantité supérieure à 1 000 tonnes. Il s’agit de la facture no 10024865.

5        Par courrier du 27 août 2013, l’ECHA a informé la requérante que le statut de petite et moyenne entreprise (PME) qu’elle avait déclaré lors de l’enregistrement faisait l’objet d’une procédure de vérification. Elle a invité la requérante à fournir les éléments de nature à prouver son statut de moyenne entreprise.

6        Le 15 novembre 2016, après des échanges de courriers et de documents, l’ECHA a adopté la décision SME(2016) 5150. Dans cette décision, l’ECHA a considéré que la requérante était une grande entreprise et qu’elle ne pouvait bénéficier de la redevance réduite applicable aux PME au sens de la recommandation 2003/361.

7        Dans la décision SME(2016) 5150, la requérante a été déclarée redevable, d’une part, d’une somme correspondant à la différence entre le montant de la redevance déjà acquittée et le montant de la redevance applicable aux grandes entreprises et, d’autre part, d’un droit administratif correspondant à 2,5 fois le gain financier obtenu du fait de la déclaration incorrecte en ce qui concerne la taille de l’entreprise.

8        Deux factures ont accompagné cette décision, la facture no 10060160, d’un montant de 6 975 euros et la facture no 10060161, d’un montant de 17 437 euros (ci-après, prises ensemble, les « factures attaquées »).

 Procédure et conclusions des parties

9        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 7 décembre 2016, la requérante a introduit le présent recours.

10      Par acte séparé déposé le même jour, la requérante a introduit une demande de sursis à l’exécution de la décision SME(2016) 5150 et des factures attaquées. Par ordonnance du 10 mars 2017, Fertisac/ECHA (T‑855/16 R, non publiée, EU:T:2017:155), le président du Tribunal a rejeté cette demande et a réservé les dépens.

11      Le mémoire en défense de l’ECHA a été déposé au greffe du Tribunal le 17 mars 2017.

12      La requérante n’ayant pas déposé de réplique, la phase écrite de la procédure a été close le 16 mai 2017.

13      Aucune des parties n’a demandé la tenue d’une audience dans les délais prévus à l’article 106, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal. Le Tribunal (première chambre) a décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure, de statuer sans phase orale de la procédure.

14      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision SME(2016) 5150 ;

–        lui reconnaître le statut de PME ;

–        annuler les factures attaquées ;

–        condamner l’ECHA aux dépens.

15      L’ECHA conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer irrecevable la demande en annulation des factures attaquées ;

–        rejeter le recours en annulation de la décision SME(2016) 5150 ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité

 Sur la demande en annulation des factures attaquées

16      Par son troisième chef de conclusions, la requérante demande au Tribunal d’annuler les factures attaquées.

17      À l’encontre de ce chef de conclusions, l’ECHA soulève une fin de non-recevoir au motif que les factures attaquées ne constitueraient pas des actes attaquables.

18      À cet égard, il convient de rappeler que ne sont susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation que les actes produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant, en modifiant de façon caractérisée sa situation juridique (arrêts du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60/81, EU:C:1981:264, point 9 ; du 12 septembre 2006, Reynolds Tobacco e.a./Commission, C‑131/03 P, EU:C:2006:541, point 54, et du 6 décembre 2007, Commission/Ferriere Nord, C‑516/06 P, EU:C:2007:763, point 27).

19      Par ailleurs, il y a lieu de s’attacher à la substance de l’acte dont l’annulation est demandée pour déterminer s’il est susceptible de faire l’objet d’un recours, la forme dans laquelle il a été pris étant en principe indifférente (arrêts du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60/81, EU:C:1981:264, point 9, et du 18 novembre 2010, NDSHT/Commission, C‑322/09 P, EU:C:2010:701, points 46 et 47).

20      En l’espèce, l’ECHA, par la décision SME(2016) 5150, a imposé à la requérante de payer le solde de la redevance applicable aux grandes entreprises ainsi qu’un droit administratif. Dans cette décision, l’ECHA a précisé que les montants correspondant à ces deux postes étaient indiqués dans des factures annexées, en l’occurrence les factures attaquées. La décision SME(2016) 5150 et les factures attaquées y annexées sont datées du même jour. Elles ont été envoyées au même destinataire, la requérante, sous un même pli.

21      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, de manière générale, les annexes sont considérées par la jurisprudence comme faisant partie du document auquel elles sont attachées, avec pour conséquence que la force normative qui leur est reconnue est identique à celle qui caractérise les dispositions formant le corps du document.

22      Cette jurisprudence a été développée, notamment, à propos de directives dont les annexes ont été analysées comme n’étant pas distinctes de ces actes, mais comme en constituant au contraire une partie intégrante, au même titre que les dispositions contenues dans ces directives (voir arrêt du 15 avril 2008, Impact, C‑268/06, EU:C:2008:223, point 58 concernant un accord-cadre figurant en annexe d’une directive).

23      Du dossier, il ressort que la jurisprudence relative aux actes adoptés par l’ECHA au terme de procédures de vérification, invoquée par celle-ci, distingue les factures des décisions et s’attache à identifier, parmi ces actes, celui qui détermine les obligations essentielles de la partie requérante.

24      Cette jurisprudence est toutefois liée aux situations dans lesquelles elle a été développée. Dans les trois affaires auxquelles l’ECHA se réfère et dans lesquelles le sujet a été abordé par le Tribunal, les factures n’étaient, en effet, pas annexées aux décisions auxquelles elles se rapportaient, mais avaient été émises séparément par l’ECHA, parfois à plusieurs jours d’intervalle, de sorte qu’elles apparaissaient comme des actes distincts. Dès lors que cette situation pouvait avoir une incidence sur la recevabilité du recours, le Tribunal devait identifier, parmi ces actes distincts, celui qui modifiait la situation juridique de la requérante, comme le requiert la jurisprudence (arrêts du 2 octobre 2014, Spraylat/ECHA, T‑177/12, EU:T:2014:849, point 21 ; du 15 septembre 2016, La Ferla/Commission et ECHA, T‑392/13, EU:T:2016:478, point 56, et du 15 septembre 2016, K Chimica/ECHA, T‑675/13, EU:T:2016:480, point 27).

25      La présente affaire se présente différemment dès lors que, dans les faits qui la caractérisent, rien ne sépare la décision SME(2016) 5150 des factures attaquées qui, prises ensemble, forment un acte unique composé de deux volets, à savoir un volet administratif (la décision SME(2016) 5150 proprement dite) et un volet comptable (les factures attaquées qui y sont annexées), cet acte unique exprimant le constat fait par l’ECHA que les preuves requises par la réglementation n’ont pas été apportées et démontrant la volonté de celle-ci d’en tirer les conséquences en imposant des obligations financières à la requérante.

26      Cet acte unique (ci-après la « décision attaquée ») produit des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts de la requérante en modifiant, de façon caractérisée, sa situation juridique dès lors qu’il l’oblige à renoncer à son statut de PME pourtant revendiqué par elle.

27      En effet, la décision attaquée a pour conséquence que la requérante ne puisse bénéficier de la redevance réduite applicable aux PME et qu’elle doive acquitter le solde de la redevance applicable aux grandes entreprises ainsi que le droit administratif prévu par la réglementation dans de telles circonstances.

28      Produisant de tels effets, la décision attaquée peut faire l’objet d’un recours en annulation, ce dont il résulte que, en tant qu’elle est dirigée contre la demande d’annulation des factures attaquées, la fin de non-recevoir soulevée par l’ECHA doit être rejetée.

 Sur la demande de reconnaissance du statut de PME

29      Par son deuxième chef de conclusions, la requérante demande au Tribunal de lui reconnaître le statut de PME.

30      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, dans le cadre d’un recours en annulation fondé sur l’article 263 TFUE, la compétence du juge de l’Union européenne est limitée au contrôle de légalité. Si le recours est fondé, le juge de l’Union déclare, en vertu de l’article 264 TFUE, l’acte contesté nul et non avenu. Il appartient alors à l’institution, l’organe ou l’organisme dont émane l’acte annulé de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt, conformément à l’article 266 TFUE.

31      De ces éléments, il résulte que, lorsqu’il est saisi d’une demande contestant la redevance et le droit administratif réclamés à une entreprise à la suite d’une erreur sur la taille déclarée, le Tribunal ne peut se prononcer sur la qualification de cette entreprise en tant que PME, car une telle déclaration impliquerait qu’il se substitue à l’ECHA en contravention avec les dispositions du traité FUE susmentionnées (voir, en ce sens, arrêt du 15 décembre 2005, Infront WM/Commission, T‑33/01, EU:T:2005:461, point 171, et ordonnance du 16 décembre 2016, Groupement pastoral de Oust e.a./Commission, T‑663/16, non publiée, EU:T:2016:759, point 13).

32      Il s’ensuit que, son objet outrepassant les limites de la compétence qui est conférée au Tribunal dans le cadre d’un recours en annulation, le deuxième chef de conclusions est irrecevable.

 Sur le fond

33      La requérante invoque deux moyens au soutien de son recours contre la décision attaquée. Par le premier moyen, elle soutient que, en la considérant comme une grande entreprise, l’ECHA a interprété de manière erronée l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe de la recommandation 2003/361, qui fixe les critères définissant les PME. Le deuxième moyen est tiré d’une interprétation erronée de la recommandation 2003/361 en ce que l’ECHA a attribué la qualification d’« entreprises liées » à trois autres entreprises.

 Sur le premier moyen, tiré d’une interprétation erronée des plafonds prévus à l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe de la recommandation 2003/361

34      Par le premier moyen, la requérante soutient qu’elle n’a jamais compté plus de 250 personnes dans son effectif et que, dès lors, elle ne peut être considérée comme une grande entreprise. Elle renvoie, sur ce point, à l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe de la recommandation 2003/361, qui fixe les conditions à remplir pour qu’une entreprise soit qualifiée de PME.

35      L’ECHA conteste l’argumentation de la requérante.

36      À cet égard, il convient de relever que, selon la décision attaquée, la requérante doit être considérée comme une grande entreprise dès lors que, sur la base des informations obtenues, les plafonds établis dans l’annexe de la recommandation 2003/361 sont dépassés.

37      Il ressort du document intitulé « Informe de cálculo de PYME » (rapport de calcul de PME) annexé à la décision attaquée que l’ECHA a justifié sa décision de considérer la requérante comme une grande entreprise par le fait que, lors des exercices 2008 et 2009, le total du bilan annuel à prendre en compte pour calculer la taille de l’entreprise était supérieur à 43 millions d’euros et son chiffre d’affaires supérieur à 50 millions d’euros.

38      Pour apprécier la légalité de la décision attaquée, il convient de rappeler que la réglementation applicable en la matière renvoie à la recommandation 2003/361 aux fins de définir les PME. En effet, le règlement no 1907/2006, en son article 3, point 36, indique que les PME sont des petites et moyennes entreprises « conformément à la définition qui figure dans la recommandation [2003/361] ». En outre, le règlement (CE) no 340/2008 de la Commission, du 16 avril 2008, relatif aux redevances et aux droits dus à l’ECHA en application du règlement no 1907/2006 (JO 2008, L 107, p. 6) prévoit, à son article 2, qu’une moyenne entreprise est « une moyenne entreprise au sens de la recommandation [2003/361] ».

39      La recommandation 2003/361, rendue applicable par le règlement no 1907/2006 et par le règlement no 340/2008, contient une annexe dont le titre I concerne la « [d]éfinition des [PME] adoptée par la Commission ». Selon l’article 2, paragraphe 1, de cette annexe, « [l]a catégorie des [PME] est constituée des entreprises qui occupent moins de 250 personnes et dont le chiffre d’affaires annuel n’excède pas 50 millions d’euros ou dont le total du bilan annuel n’excède pas 43 millions d’euros ».

40      De l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe de la recommandation 2003/361, il ressort que deux critères sont établis en vue de déterminer si une entreprise peut être considérée comme une PME, l’un d’entre eux ayant trait aux caractéristiques financières de l’entreprise, tandis que l’autre concerne l’effectif employé par celle-ci.

41      Pour la requérante, les plafonds prévus par chacun de ces deux critères doivent être dépassés pour qu’une entreprise ne puisse être considérée comme une PME, tandis que le dépassement du plafond prévu par un critère seulement n’entraînerait pas l’exclusion de la catégorie des PME. Parmi ces critères, celui lié à l’effectif aurait une importance particulière, qui serait attestée par le considérant 4 de la recommandation 2003/361. En l’espèce, la requérante n’aurait jamais dépassé le plafond prévu par ce critère.

42      À cet égard, il convient de relever que, selon la jurisprudence, le critère lié à l’effectif et celui lié aux caractéristiques financières doivent être appliqués, dans la réglementation examinée ici, de manière cumulative.

43      Le Tribunal s’est prononcé en ce sens dans son ordonnance du 16 septembre 2015, Calestep/ECHA (T‑89/13, EU:T:2015:711, point 40), qui concernait de manière spécifique l’interprétation de l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe de la recommandation 2003/361, disposition qui se trouve au cœur de l’argumentation développée par la requérante.

44      Cette décision du Tribunal faisait suite à une jurisprudence développée dans l’arrêt du 8 juillet 2004, Dalmine/Commission (T‑50/00, EU:T:2004:220, points 285 et 286), en ce qui concerne la disposition équivalente qui figurait dans la recommandation 96/280/CE de la Commission, du 3 avril 1996, concernant la définition des petites et moyennes entreprises (JO 1996, L 107, p. 4), laquelle a précédé, avec le même objet, la recommandation 2003/361 et contenait, en substance, une présentation similaire du critère lié à l’effectif et de celui lié aux caractéristiques financières de l’entreprise.

45      La jurisprudence issue de l’ordonnance du 16 septembre 2015, Calestep/ECHA (T‑89/13, EU:T:2015:711) est fondée sur les termes utilisés dans la recommandation 2003/361, la conjonction « et » étant interprétée comme manifestant, pour l’auteur de l’acte, l’intention de « coordonner » et, donc, de cumuler les critères qui s’y trouvent mentionnés, sans présenter ces derniers comme étant des possibilités à examiner dans le cadre d’une alternative (ordonnance du 16 septembre 2015, Calestep/ECHA, T‑89/13, EU:T:2015:711, point 40).

46      Ladite jurisprudence est aussi fondée sur le considérant 4 de la recommandation 2003/361, selon lequel « [l]e critère du nombre de personnes occupées […] reste certainement l’un des plus significatifs et doit s’imposer comme critère principal, mais l’introduction d’un critère financier est un complément nécessaire pour appréhender la véritable importance d’une entreprise, ses performances et sa situation par rapport à la concurrence » (ordonnance du 16 septembre 2015, Calestep/ECHA, T‑89/13, EU:T:2015:711, point 41).

47      Cette application cumulative se situe dans la ligne du rapport [SEC(1992) 351 final] de la Commission au Conseil, du 29 avril 1992, concernant les définitions des PME utilisées dans le cadre des actions communautaires, lequel rapport a précédé l’adoption de la recommandation 96/280 qui, d’ailleurs, y renvoie en son septième considérant.

48      Dans ce rapport, la Commission européenne a préconisé l’usage d’une définition fondée sur une combinaison de critères – notamment, ceux du nombre de personnes occupées, du chiffre d’affaires et du total du bilan – dès lors que, selon elle, un critère pris isolément n’offrait pas une définition satisfaisante des PME.

49      Enfin, il convient de relever que la réduction de redevance accordée aux PME vise à prendre en compte la situation particulière dans laquelle se trouvent ces entreprises au regard de celle qui caractérise les grandes entreprises. Étant destinée à une catégorie particulière d’acteurs économiques et ayant le caractère d’une mesure dérogatoire, cette réduction doit être interprétée, dans les conditions qui régissent son application, de manière restrictive.

50      Cette interprétation ne saurait être infirmée par l’argument de la requérante selon lequel le critère lié à l’effectif, considéré de manière isolée, serait toutefois décisif, à en croire l’article 4, paragraphe 2, de l’annexe de la recommandation 2003/361 auquel renvoie le guide intitulé « Comment déterminer la catégorie de taille de l’entreprise » publié sur le site Internet de l’ECHA.

51      À cet égard, il convient de relever que la disposition citée par la requérante vise une situation dans laquelle, lors d’une année exceptionnelle, une entreprise dépasse l’un des plafonds qui s’y trouvent mentionnés, cette entreprise pouvant alors, par dérogation à la règle, conserver sa qualité de PME, à la condition que ce dépassement soit limité à un exercice.

52      Cette disposition ne modifie pas la règle selon laquelle, pour être qualifiée de PME, une entreprise ne peut dépasser les plafonds liés à l’effectif et à certaines caractéristiques financières, mais introduit une exception limitée à des circonstances dont la requérante n’a pas démontré l’existence en l’espèce.

53      Des considérations qui précèdent, il résulte que, en considérant la requérante comme une grande entreprise, l’ECHA n’a pas commis d’erreur dans l’interprétation des critères prévus à l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe de la recommandation 2003/361.

54      Au vu de ces éléments, il y a lieu de rejeter le premier moyen.

 Sur le deuxième moyen, tiré de l’interprétation erronée de la notion d’« entreprise liée » figurant dans la recommandation 2003/361

55      Par son deuxième moyen, la requérante soutient qu’elle ne fait pas partie d’un groupe d’« entreprises liées » et que, par conséquent, pour déterminer sa taille, il convient de tenir compte uniquement de ses données et de celles de ses « entreprises partenaires » qu’elle a identifiées, dans ses échanges avec l’ECHA durant la procédure de vérification de sa déclaration, comme étant les entreprises Ibérica de Gestión Inmobiliaria y Arrendaticia SL et Agroquimes SL.

56      L’ECHA conteste l’argumentation de la requérante.

57      À cet égard, il convient de relever que, pour parvenir à sa conclusion, l’ECHA s’est fondée sur un ensemble de données concernant, tout d’abord, la requérante elle-même, ensuite, l’« entreprise partenaire » Agroquimes et, enfin, trois autres entreprises considérées comme étant des « entreprises liées » à la requérante, Ibérica de Gestión Inmobiliaria y Arrendaticia, Constantino Gutiérrez SA et Medifer Liquids SL.

58      La requérante ne conteste pas qu’Agroquimes puisse être considérée comme une « entreprise partenaire », mais rejette l’idée que les trois autres entreprises puissent être analysées comme lui étant « liées » au sens de la réglementation.

59      Pour statuer sur ce point, il convient de rappeler que l’article 3, paragraphe 3, de l’annexe de la recommandation 2003/361 précise les critères permettant de déterminer les conditions dans lesquelles les qualifications d’« entreprises liées » et d’« entreprises partenaires » peuvent être attribuées.

60      S’agissant de la première qualification, l’article 3, paragraphe 3, premier alinéa, de l’annexe de la recommandation 2003/361 prévoit que « [s]ont des “entreprises liées” les entreprises qui entretiennent entre elles l’une ou l’autre des relations suivantes : a) une entreprise a la majorité des droits de vote des actionnaires ou associés d’une autre entreprise ». En outre, l’article 3, paragraphe 3, troisième alinéa, de l’annexe de la recommandation 2003/361 prévoit que « [l]es entreprises qui entretiennent l’une ou l’autre des relations visées au premier alinéa à travers une ou plusieurs autres entreprises […] sont également considérées comme liées ».

61      Pour la seconde qualification, l’article 3, paragraphe 2, premier alinéa, de l’annexe de la recommandation 2003/361 stipule que sont des « entreprises partenaires » toutes les entreprises qui ne sont pas qualifiées d’« entreprises liées » et entre lesquelles existe la relation suivante : une entreprise (entreprise en amont) détient, seule ou conjointement avec une ou plusieurs « entreprises liées », 25 % ou plus du capital ou des droits de vote d’une autre entreprise (entreprise en aval).

62      Conformément à l’article 6, paragraphe 2, premier alinéa, de l’annexe de la recommandation 2003/361, lorsqu’une entreprise a des entreprises « partenaires » ou « liées », la détermination des données, pour apprécier les critères, est fondée sur les comptes et les autres données afférentes à l’entreprise ou, s’ils existent, sur les comptes consolidés de l’entreprise, ou sur les comptes consolidés dans lesquels l’entreprise est reprise par consolidation.

63      En vertu de l’article 6, paragraphe 2, deuxième alinéa, de l’annexe de la recommandation 2003/361, cette détermination de données implique que soient prises en compte les données des « entreprises partenaires » situées immédiatement en amont ou en aval de l’entreprise considérée, proportionnellement au pourcentage de participation au capital ou au pourcentage des droits de vote, en retenant le plus élevé de ces pourcentages.

64      À ces données, l’ECHA doit également ajouter, dans leur intégralité, en vertu de l’article 6, paragraphe 2, troisième alinéa, de l’annexe de la recommandation 2003/361, celles concernant les entreprises directement ou indirectement « liées », lorsqu’elles n’ont pas été reprises dans les comptes par consolidation.

65      Ces règles ayant été rappelées, il convient d’analyser la situation des entreprises concernées pour déterminer leur statut et vérifier dans quelle mesure leurs données devaient être prises en compte dans la procédure de vérification de la déclaration de la requérante.

66      À cet égard, il y a lieu de confirmer la conclusion retenue par l’ECHA pour les trois entreprises considérées par elle comme étant des « entreprises liées » à la requérante.

67      Cette conclusion est fondée, en ce qui concerne Ibérica de Gestión Inmobiliaria y Arrendaticia, sur les comptes annuels de cette entreprise, comptes dont il ressortait, comme cela est indiqué par l’ECHA, qu’elle détenait 69,996 % du capital de la requérante durant les exercices comptables 2009 et 2010. Détenant la majorité du capital de la requérante, cette entreprise pouvait être considérée comme la société mère de la requérante, de sorte qu’il convenait d’intégrer l’intégralité des données la caractérisant, dans le calcul effectué pour vérifier le statut de la requérante, comme cela est stipulé dans la recommandation 2003/361. En l’occurrence, les comptes annuels de cette société mère avaient été communiqués à l’ECHA par la requérante, dans un courrier électronique du 12 septembre 2013.

68      S’agissant des deux autres entreprises, à savoir Constantino Gutiérrez et Medifer Liquids, l’ECHA a relevé que la première d’entre elles détenait 89,10 % du capital d’Ibérica de Gestión Inmobiliaria y Arrendaticia et 100 % du capital de la seconde. Cette constatation se fondait sur les comptes consolidés de Constantino Gutiérrez, pour l’exercice compris entre le 1er juillet 2010 et le 30 juin 2011, communiqués par la requérante par courrier électronique le 16 septembre 2013.

69      Lesdits pourcentages dépassant le seuil rappelé au point 60 ci-dessus, lequel permet de constater que des entités sont des « entreprises liées » au sens de la recommandation 2003/361, l’ECHA a pu considérer que Constantino Gutiérrez et Medifer Liquids étaient également des « entreprises liées » à la requérante lors de la procédure d’enregistrement de la substance en cause dans la présente affaire.

70      En application de l’article 6, paragraphe 2, troisième alinéa, de l’annexe de la recommandation 2003/361, l’ECHA devait bien intégrer, comme elle l’a fait, les données des trois entreprises ainsi identifiées comme étant des « entreprises liées », à savoir Ibérica de Gestión Inmobiliaria y Arrendaticia, Constantino Gutiérrez et Medifer Liquids dans leur intégralité, aux fins du calcul effectué dans le cadre de la vérification du statut de la requérante.

71      Compte tenu des considérations qui précèdent, il convient de rejeter le deuxième moyen et, par voie de conséquence, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

72      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’ECHA, y compris ceux afférents à la procédure en référé.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Fertisac, SL est condamnée aux dépens, y compris ceux afférents à la procédure en référé.

Pelikánová

Nihoul

Svenningsen

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 7 mars 2018.

Signatures


*      Langue de procédure : l’espagnol.