Language of document : ECLI:EU:T:2019:679

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

24 septembre 2019 (*)

« Obtentions végétales – Procédure de nullité – Variété de pommes Cripps Pink – Articles 10 et 116 du règlement (CE) no 2100/94 – Nouveauté – Période de grâce dérogatoire – Notion d’exploitation de la variété – Évaluation commerciale – Article 76 du règlement (CE) no 874/2009 – Éléments de preuve produits tardivement devant la chambre de recours – Éléments de preuve produits pour la première fois devant le Tribunal »

Dans l’affaire T‑112/18,

Pink Lady America LLC, établie à Yakima, Washington (États-Unis), représentée initialement par Mes R. Manno et S. Travaglio, puis par Me Manno, avocats,

partie requérante,

contre

Office communautaire des variétés végétales (OCVV), représenté par MM. M. Ekvad, F. Mattina et M. Garcia Monco-Fuente, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OCVV, intervenant devant le Tribunal, étant

Western Australian Agriculture Authority (WAAA), établie à South Perth (Australie), représentée par Mes T. Bouvet et L. Romestant, avocats,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la chambre de recours de l’OCVV du 14 septembre 2017 (affaire A 007/2016), relative à une procédure de nullité entre la WAAA et Pink Lady America,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de MM. S. Frimodt Nielsen, président, I. S. Forrester (rapporteur) et E. Perillo, juges,

greffier : M. I. Dragan, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 23 février 2018,

vu le mémoire en réponse de l’OCVV déposé au greffe du Tribunal le 24 mai 2018,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 28 mai 2018,

à la suite de l’audience du 14 mai 2019,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 29 août 1995, le prédécesseur en droit de la Western Australian Agriculture Authority (WAAA, autorité agricole de l’Australie-Occidentale), le Department of Agriculture and Food Western Australia (département de l’agriculture et de l’alimentation de l’Australie-Occidentale, ci-après le « Département »), a déposé une demande de protection communautaire des obtentions végétales auprès de l’Office communautaire des variétés végétales (OCVV), en vertu du règlement (CE) no 2100/94 du Conseil, du 27 juillet 1994, instituant un régime de protection communautaire des obtentions végétales (JO 1994, L 227, p. 1, ci-après le « règlement de base »). L’obtention végétale pour laquelle la protection a ainsi été demandée est la variété Cripps Pink, une variété de pommes appartenant à l’espèce Malus Domestica Borkh. La variété en question a été mise au point par M. John Cripps (ci-après l’« obtenteur »), un chercheur au sein de la division « Industries botaniques » du Département, en croisant les variétés Golden Delicious et Lady Williams.

2        Le formulaire de demande de protection communautaire des obtentions végétales indiquait que la première commercialisation des pommiers Cripps Pink à l’intérieur de l’Union européenne s’était déroulée en 1994, en France, et que la première commercialisation en dehors de l’Union, et plus précisément en Australie, avait eu lieu en 1988.

3        Le 12 mars 1996, l’OCVV a informé le représentant du Département que la variété Cripps Pink ne remplissait pas la condition de nouveauté au sens de l’article 10 du règlement de base.

4        En juillet 1996, le Département a expliqué que l’année 1988 aurait dû être considérée comme la date des « premières plantations en Australie à titre expérimental ». Ainsi, le Département a indiqué que la date pertinente, conformément à l’article 10 du règlement de base, était celle de juillet 1992, date à laquelle les pommiers Cripps Pink ont été commercialisés au Royaume-Uni sous la dénomination commerciale Pink Lady.

5        Le 15 janvier 1997, l’OCVV a accordé à la variété Cripps Pink le titre de protection communautaire des obtentions végétales no 1640.

6        Le 26 juin 2014, la requérante, Pink Lady America LLC, a introduit une demande de nullité de la protection communautaire des obtentions végétales de la variété Cripps Pink au titre de l’article 20 du règlement de base, mettant en exergue le fait que la protection communautaire des obtentions végétales en cause ne remplissait pas les conditions de nouveauté prévues à l’article 10 de ce même règlement. Le 19 septembre 2016, par la décision no NN 17, l’OCVV a rejeté l’action en nullité de la requérante.

7        Le 18 novembre 2016, la requérante a formé un recours auprès de la chambre de recours de l’OCVV en invoquant une appréciation erronée des faits et des preuves par l’OCVV et en demandant ainsi à la chambre de recours de rectifier la décision no NN 17 du 19 septembre 2016 et de déclarer la protection communautaire des obtentions végétales en cause nulle et non avenue pour absence de nouveauté par application de l’article 10, paragraphe 1, du règlement de base. À titre subsidiaire, la requérante demandait que la protection communautaire des obtentions végétales soit déclarée nulle et non avenue pour absence de nouveauté par application de l’article 10, paragraphe 1, sous b), du règlement de base, lu conjointement avec l’article 116 du même règlement.

8        Par la décision A 007/2016 du 14 septembre 2017 (ci-après la « décision attaquée »), la chambre de recours a rejeté le recours de la requérante comme non fondé, en considérant notamment qu’elle n’avait pas apporté des éléments de preuve prouvant que la variété Cripps Pink avait fait l’objet de ventes ou de cessions à des tiers, à l’extérieur de l’Union, par l’obtenteur ou avec son consentement, aux fins de son exploitation avant le 29 août 1989.

9        La chambre de recours a considéré, en substance, en premier lieu, qu’il y avait lieu d’appliquer les dispositions de l’article 10, paragraphe 1, sous b), du règlement de base quant à la détermination de la période de grâce s’agissant des ventes ou des cessions réalisées en dehors du territoire de l’Union (point II B 3 de la décision attaquée), en deuxième lieu, que divers éléments de preuve établissaient que des essais aux fins d’une évaluation commerciale avaient été effectués qui, cependant, ne pouvaient être considérés, au regard de l’article 10, paragraphe 1, du règlement de base, comme constituant une exploitation de la variété contestée au sens de cette disposition (points II B 8 à 10 de la décision attaquée) et, enfin, en troisième lieu, qu’il existait des factures de la pépinière Olea Nurseries attestant que la variété Cripps Pink avait été vendue par celle-ci en 1985, mais qu’aucun élément ne permettait de considérer que ces ventes avaient été réalisées avec le consentement de l’obtenteur, les éléments de preuve établissant au contraire que la variété en cause avait été transmise uniquement à des fins d’essais (points II B 10 à 12 de la décision attaquée).

 Conclusions des parties

10      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        annuler le titre de protection communautaire des obtentions végétales no 1640, octroyé pour la variété Cripps Pink, pour absence de nouveauté, en application des articles 10 et 20 du règlement de base ;

–        condamner l’OCVV et l’intervenante aux dépens.

11      L’OCVV conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens de l’OCVV.

12      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit 

A.      Sur la recevabilité de la demande visant à l’annulation du titre de protection communautaire des obtentions végétales no 1640, octroyé pour la variété Cripps Pink

13      Par son deuxième chef de conclusions, la requérante demande au Tribunal de déclarer le titre de protection communautaire des obtentions végétales no 1640, octroyé pour la variété Cripps Pink, nul et non avenu.

14      À cet égard, il convient de rappeler que le recours devant le Tribunal vise au contrôle de légalité des décisions des chambres de recours de l’OCVV, au sens de l’article 73 du règlement de base. Il s’ensuit que le Tribunal n’est pas compétent pour contrôler la légalité des décisions prises par les instances inférieures de l’OCVV ni, partant, pour les annuler ou les réformer.

15      En conséquence, le second chef de conclusions tendant à l’annulation du titre de protection communautaire des obtentions végétales no 1640, octroyé pour la variété Cripps Pink, doit être déclaré irrecevable.

B.      Sur le fond

16      Au soutien du premier chef de conclusions, tendant à l’annulation de la décision attaquée, la requérante soulève deux moyens. Par son premier moyen, la requérante avance que la chambre de recours a violé les dispositions combinées des articles 10 et 20 du règlement de base ainsi que l’article 116 dudit règlement en considérant, en substance, que la variété Cripps Pink remplissait la condition de nouveauté au moment de l’octroi de la protection communautaire des obtentions végétales la concernant. Par son second moyen, la requérante soutient que la chambre de recours a violé l’article 76 du règlement de base, les principes généraux de sécurité juridique et de bonne administration de la justice ainsi que l’article 50, paragraphe 3, du règlement (CE) no 874/2009 de la Commission, du 17 septembre 2009, établissant les modalités d’application du règlement de base en ce qui concerne la procédure devant l’OCVV (JO 2009, L 251, p. 3), en déclarant irrecevables les éléments de preuve soumis tardivement par la requérante au cours de la procédure administrative. En outre, la requérante demande au Tribunal d’admettre des éléments de preuve qui n’ont pas été présentés au cours de la procédure administrative.

1.      Sur le premier moyen

17      Au soutien de son premier moyen, en premier lieu, la requérante fait valoir que la chambre de recours a erronément appliqué l’article 10, paragraphe 1, sous a), du règlement de base. En deuxième lieu, elle considère que c’est à tort que la chambre de recours s’est fondée sur la convention internationale pour la protection des obtentions végétales, du 2 décembre 1961 (ci-après la « convention UPOV »), telle que révisée le 19 mars 1991, pour appliquer les dispositions de cet article. En troisième lieu, elle conteste l’appréciation effectuée par la chambre de recours de la condition de nouveauté au sens de l’article 10, paragraphe 1, du règlement de base.

a)      Sur l’application de l’article 10, paragraphe 1, sous a), du règlement de base

18      La requérante avance que c’est à tort que la chambre de recours a appliqué la période de grâce dérogatoire de six ans aux activités commerciales à l’intérieur de l’Union prévue par l’article 116 du règlement de base en n’ayant pas préalablement pris en compte les dispositions de l’article 10, paragraphe 2, du règlement de base ; la dérogation prévue à l’article 116 du règlement de base ne pourrait être appliquée, en vertu de l’article 10, paragraphe 2, du règlement de base, qu’à « [la] condition que l’obtenteur conserve le droit exclusif de cession de ces constituants variétaux ou d’autres et qu’il ne soit pas procédé à une autre cession », ce qu’il appartiendrait en outre à ce dernier de prouver.

19      L’OCVV, soutenue par l’intervenante, conteste cette argumentation.

20      À titre liminaire, il convient de rappeler que l’article 6 du règlement de base prévoit que la protection communautaire des obtentions végétales est accordée pour des variétés qui sont distinctes, homogènes, stables et nouvelles. En vertu de l’article 10, paragraphe 1, de ce règlement, régissant le critère de nouveauté, l’obtenteur d’une variété bénéficie d’une période de grâce pendant laquelle il peut effectuer des ventes ou des cessions sans pour autant compromettre la nouveauté de la variété. La durée de cette période de grâce varie selon que les actes de cession ont lieu à l’intérieur ou à l’extérieur de l’Union.

21      Ainsi, l’article 10, paragraphe 1, du règlement de base dispose :

« 1.      Une variété est considérée comme nouvelle si, à la date du dépôt de la demande déterminée conformément à l’article 51, les constituants variétaux ou un matériel de récolte de la variété n’ont pas été vendus ou cédés d’une autre manière à des tiers par l’obtenteur ou avec son consentement, au sens de l’article 11, aux fins de l’exploitation de la variété :

a)      sur le territoire de la Communauté, depuis plus d’un an à compter de la date susmentionnée ;

b)      en dehors du territoire de la Communauté, depuis plus de quatre ans ou, dans le cas des arbres ou des vignes, depuis plus de six ans à compter de la date en question. »

22      Aux termes de l’article 116, paragraphe 1, du règlement de base :

« Nonobstant l’article 10, paragraphe 1, [sous] a), et sans préjudice de l’article 10, paragraphes 2 et 3, une variété est également considérée comme nouvelle dans les cas où les constituants variétaux ou un matériel de récolte de ces constituants n’ont pas été vendus ou cédés à des tiers par l’obtenteur ou avec son consentement, sur le territoire de la Communauté, aux fins de l’exploitation de la variété, plus de quatre ans et, dans le cas de vignes ou d’arbres, plus de six ans avant l’entrée en vigueur du présent règlement, si la date de la demande se situe dans une période d’une année suivant cette date. »

23      Aux termes de l’article 118 du règlement de base :

« 1.      Le présent règlement entre en vigueur le jour de sa publication au Journal officiel des Communautés européennes.

2.      Les articles 1er, 2, 3, 5 à 29 et 49 à 106 sont applicables à partir du 27 avril 1995 […] »

24      La date à prendre en considération aux fins de l’application conjointe des articles 10 et 116 du règlement de base est par conséquent le 1er septembre 1994, date de la publication du règlement de base au Journal officiel.

25      L’effet de l’article 116 du règlement de base est de porter la période de grâce prévue à l’article 10, paragraphe 1, sous a), dudit règlement de un an avant la demande de protection à quatre, voire six ans en ce qui concerne les arbres, avant la date d’entrée en vigueur du règlement de base. La date à prendre en considération en l’espèce était par conséquent le 1er septembre 1988 pour les ventes et les cessions sur le territoire de l’Union.

26      En ce qui concerne la période de grâce pour les ventes et les cessions intervenues en dehors du territoire de l’Union, telle qu’établie par l’article 10, paragraphe 1, sous b), du règlement de base, il y a lieu de constater que cette disposition n’est pas affectée par l’article 116 dudit règlement.

27      En l’espèce, il est établi par le dossier que la demande de protection communautaire des obtentions végétales a été déposée par le prédécesseur en droit de l’intervenante le 29 août 1995.

28      Partant, elle a été déposée dans la période d’une année suivant l’entrée en vigueur du règlement de base.

29      C’est ainsi à juste titre que la chambre de recours a considéré aux points II B 2 et 3 de la décision attaquée que, en l’espèce, deux périodes de grâce étaient applicables, à savoir, premièrement, une période de six ans avant l’entrée en vigueur du règlement de base pour les ventes et les cessions à l’intérieur du territoire de l’Union et, deuxièmement, une période de six ans avant l’introduction de la demande pour les ventes ou les cessions en dehors de ce territoire.

30      Or, la chambre de recours a constaté, au point II B 4 de la décision attaquée, qu’aucune preuve n’avait été présentée démontrant que des ventes ou des cessions avaient été effectuées, par l’obtenteur ou avec son consentement, à l’intérieur de l’Union plus de six ans avant l’entrée en vigueur du règlement de base. En effet, il ressort du dossier que la première commercialisation de la variété de pommiers Cripps Pink à l’intérieur de l’Union a eu lieu en 1992 au Royaume-Uni.

31      C’est dès lors sans commettre d’erreur que, ainsi qu’il ressort du point II B 4 de la décision attaquée, la chambre de recours s’est bornée à examiner l’incidence des preuves apportées par la requérante, au regard de l’article 10, paragraphe 1, sous b), du règlement de base, sur la question de savoir si les constituants variétaux ou un matériel de récolte de la variété avaient été vendus ou cédés d’une autre manière à des tiers par l’obtenteur ou avec son consentement, au sens de l’article 11 dudit règlement, aux fins de l’exploitation de la variété, en dehors du territoire de l’Union, avant le 29 août 1989.

32      Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argumentation de la requérante selon laquelle la chambre de recours n’aurait pu appliquer une période de grâce qu’après avoir examiné préalablement si l’obtenteur avait conservé son droit exclusif de cession au sens de l’article 10, paragraphe 2, du règlement de base.

33      Il convient de rappeler que, aux termes de l’article 10, paragraphe 2, du règlement de base :

« 2. La cession de constituants variétaux à un organisme officiel à des fins légales ou à des tiers sur la base d’un contrat ou de tout autre rapport de droit aux fins exclusives de production, de reproduction, de multiplication, de conditionnement ou de stockage n’est pas considérée comme une cession à des tiers au sens du paragraphe 1, à condition que l’obtenteur conserve le droit exclusif de cession de ces constituants variétaux ou d’autres et qu’il ne soit pas procédé à une autre cession. Toutefois, cette cession de constituants variétaux est considérée comme une cession au sens du paragraphe 1 si ces constituants sont utilisés de manière répétée pour la production d’une variété hybride et s’il y a cession de constituants variétaux ou d’un matériel de récolte de la variété hybride.

De même, la cession de constituants variétaux par une société ou entreprise au sens de l’article 58, second alinéa, du traité à une autre de ces sociétés ou entreprises n’est pas considérée comme une cession à des tiers si l’une d’elles appartient entièrement à l’autre ou si les deux appartiennent entièrement à une troisième société ou entreprise de ce type, à condition qu’il ne soit pas procédé à une autre cession. Cette disposition ne s’applique pas aux sociétés coopératives. »

34      Cette disposition a, par conséquent, pour objet de préciser les circonstances dans lesquelles certaines situations juridiques relèvent ou ne relèvent pas de la notion de cession aux fins de l’exploitation de la variété au sens de l’article 10, paragraphe 1, du règlement de base. Contrairement à ce que semble avancer la requérante, il ne s’agit donc pas de conditions cumulatives qui doivent être remplies pour qu’une cession puisse être considérée comme non destructrice de nouveauté.

35      Aucune des situations mentionnées à l’article 10, paragraphe 2, du règlement de base ne se présentant dans le cas d’espèce et la requérante étant restée en défaut d’avancer un quelconque argument à l’appui d’une telle démonstration, c’est à juste titre que cette disposition n’a pas été appliquée par la chambre de recours. Dès lors, il découle de ce qui précède que l’argumentation de la requérante selon laquelle la chambre de recours a erronément appliqué l’article 10, paragraphe 1, sous a), du règlement de base doit être rejetée.

b)      Sur l’interprétation de l’article 10 du règlement de base au regard de la convention UPOV telle que révisée le 19 mars 1991

36      La requérante reproche à la chambre de recours d’avoir interprété l’article 10 du règlement de base conformément à l’article 6 de la convention UPOV telle que révisée le 19 mars 1991. Or, selon la requérante, dans la mesure où les ventes de pommiers Cripps Pink ont eu lieu avant l’entrée en vigueur du règlement de base et de cette version de la convention UPOV, la chambre de recours aurait dû se référer à la convention UPOV telle que révisée le 23 octobre 1978, laquelle ne mentionne pas la finalité de l’exploitation de la variété.

37      L’OCVV et l’intervenante contestent ces arguments.

38      En premier lieu, force est de constater que l’argumentation de la requérante revient à faire valoir qu’il y aurait lieu de faire abstraction des mots « aux fins de l’exploitation de la variété » qui figurent à l’article 10, paragraphe 1, du règlement de base lors de l’application de cette disposition.

39      Une telle argumentation ne saurait prospérer, tant la chambre de recours que le Tribunal étant tenus de faire une pleine et complète application des dispositions du règlement de base.

40      En second lieu, il convient de rappeler qu’il est précisé, au vingt-neuvième considérant du règlement de base, que « […] le présent règlement tient compte des conventions internationales existantes telles que la convention internationale pour la protection des obtentions végétales (convention UPOV) […] », laquelle est, en l’occurrence, la convention UPOV telle que révisée le 19 mars 1991, et que, à supposer que la chambre de recours s’y soit référée, il y aurait lieu de constater qu’elle l’a, par conséquent, fait à bon droit.

41      Force est toutefois de constater que la décision attaquée ne contient aucune référence à une version quelconque de la convention UPOV. Au contraire, il ressort clairement du point II B de la décision attaquée, intitulé « Sur le fond », que la chambre de recours a uniquement fondé son appréciation de la condition de nouveauté de la variété Cripps Pink à la lumière de l’article 10 du règlement de base.

42      En conséquence, l’argumentation de la requérante procède d’une lecture erronée de la décision attaquée et doit dès lors être rejetée.

c)      Sur l’appréciationde la chambre de recours concernant la condition de nouveauté

1)      Considérations liminaires sur la charge de la preuve dans le cadre d’une procédure de nullité

43      À titre liminaire, il convient de rappeler que l’article 6 du règlement de base prévoit que la protection communautaire des obtentions végétales est accordée pour des variétés qui sont distinctes, homogènes, stables et nouvelles.

44      L’article 10, paragraphe 1, du règlement de base détermine les conditions dans lesquelles une variété doit être considérée comme nouvelle.

45      La Cour a précisé que les conditions – dont celles liées, notamment, à la nouveauté – prévues à l’article 6 du règlement de base constituent des conditions sine qua non de l’octroi d’une protection communautaire. Partant, en l’absence de ces conditions, la protection octroyée est illégale et il est dans l’intérêt général qu’elle soit déclarée nulle et non avenue (voir, en ce sens, arrêt du 21 mai 2015, Schräder/OCVV, C‑546/12 P, EU:C:2015:332, point 52).

46      Il y a lieu de rappeler que, aux termes de l’article 20, paragraphe 1, sous a), du règlement de base, l’OCVV déclare la protection communautaire des obtentions végétales nulle et non avenue s’il est établi que les conditions énoncées aux articles 7 ou 10 dudit règlement n’étaient pas remplies au moment de l’octroi de la protection communautaire des obtentions végétales.

47      En outre, conformément à l’article 53 bis, paragraphe 2, du règlement no 874/2009, la demande introduite auprès de l’OCVV en vue de l’ouverture de la procédure de nullité ou celle introduite en vue de la procédure de déchéance, visées respectivement à l’article 20 et à l’article 21 du règlement de base, sont accompagnées d’éléments probants et factuels faisant naître des doutes sérieux quant à la validité du droit à la protection communautaire.

48      Dans ce contexte, la requérante réclamant la déclaration de nullité d’une protection communautaire des obtentions végétales doit apporter des éléments de preuve et de fait substantiels susceptibles de fonder des doutes sérieux quant à la légalité de la protection des obtentions végétales accordée à la suite de l’examen prévu aux articles 54 et 55 dudit règlement (arrêts du 21 mai 2015, Schräder/OCVV, C‑546/12 P, EU:C:2015:332, point 57, et du 23 novembre 2017, Aurora/OCVV – SESVanderhave (M 02205), T‑140/15, EU:T:2017:830, point 58).

49      Il appartenait donc à la requérante d’apporter, au soutien de sa demande en nullité, des éléments de preuve ou de fait substantiels à même de susciter des doutes sérieux dans l’esprit de l’OCVV quant à la légalité de la protection des obtentions végétales accordée en l’espèce.

50      S’il y a lieu de s’interroger sur la question de savoir si, en l’espèce, les éléments de preuve avancés par la requérante à l’appui de sa demande en nullité étaient de nature à fonder des doutes sérieux quant à la légalité de la protection accordée à l’intervenante, force est néanmoins de constater que l’OCVV a admis que des doutes sérieux susceptibles de justifier un réexamen de la variété Cripps Pink par la voie de la procédure de nullité existaient et a engagé la procédure contradictoire. Une telle appréciation quant à la recevabilité de la demande en nullité demeure en outre sans incidence sur la possibilité pour l’OCVV ou la chambre de recours de rejeter par la suite la demande au fond.

51      Par ailleurs, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 76 du règlement de base, au cours de la procédure engagée devant lui, l’OCVV procède d’office à l’instruction des faits, dans la mesure où ceux-ci font l’objet de l’examen prévu aux articles 54 et 55 de ce même règlement.

52      Il résulte de la jurisprudence de la Cour que l’article 76 du règlement de base est applicable aux procédures de nullité devant la chambre de recours (arrêt du 21 mai 2015, Schräder/OCVV, C‑546/12 P, EU:C:2015:332, point 46).

53      L’OCVV dispose d’un large pouvoir d’appréciation en ce qui concerne la déclaration de nullité d’une protection végétale, au sens de l’article 20 du règlement de base, qu’il exerce sur le fondement des preuves qui ont été avancées devant lui par le demandeur en nullité et, comme cela a été rappelé au point 46  ci-dessus, il lui appartient de déclarer la protection communautaire des obtentions végétales nulle et non avenue s’il est établi que les conditions énoncées à l’article 7 ou 10 du règlement de base n’étaient pas remplies au moment de l’octroi de la protection communautaire des obtentions végétales concernée.

54      L’exercice de ce pouvoir n’est toutefois pas soustrait au contrôle juridictionnel. En effet, il convient de relever que l’article 73 du règlement de base prévoit que le Tribunal est appelé à apprécier la légalité des décisions des chambres de recours de l’OCVV, en contrôlant l’application du droit de l’Union effectuée par celles-ci eu égard, notamment, aux éléments de fait qui leur ont été soumis. Ainsi, le Tribunal peut se livrer à un entier contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de l’OCVV, au besoin en recherchant si ces chambres ont donné une qualification juridique exacte aux faits du litige ou si l’appréciation des éléments de fait qui ont été soumis auxdites chambres n’est pas entachée d’erreurs (voir arrêt du 19 décembre 2012, Brookfield New Zealand et Elaris/OCVV et Schniga, C‑534/10 P, EU:C:2012:813, points 39 et 40 et jurisprudence citée).

55      Certes, il ressort de la jurisprudence que, lorsque les constatations et appréciations factuelles opérées par la chambre de recours sont le résultat d’appréciations complexes relevant du domaine de la botanique ou de la génétique, exigeant une expertise ou des connaissances scientifiques ou techniques particulières, le contrôle du Tribunal peut être celui de l’erreur manifeste [arrêts du 15 avril 2010, Schräder/OCVV, C‑38/09 P, EU:C:2010:196, point 77, et du 19 novembre 2008, Schräder/OCVV (SUMCOL 01), T‑187/06, EU:T:2008:511, points 59 à 63]. Tel n’est cependant le cas en l’espèce.

56      En effet, dans la mesure où l’examen de la question de la nouveauté, en cause en l’espèce, n’exige pas d’expertise ou de connaissances techniques particulières, il ressort de la jurisprudence mentionnée au point 55 ci-dessus que le Tribunal procède à un contrôle de légalité entier ou complet (arrêts du 15 avril 2010, Schräder/OCVV, C‑38/09 P, EU:C:2010:196, point 77, et du 19 novembre 2008, SUMCOL 01, T‑187/06, EU:T:2008:511, point 65).

2)      Sur l’appréciation de la condition de nouveauté à l’égard des ventes ou des cessions effectuées à l’extérieur de l’Union

57      À titre liminaire, il y a lieu de constater qu’il incombait à la requérante, qui avait demandé la nullité de la protection communautaire des obtentions végétales octroyée pour la variété Cripps Pink, d’apporter les éléments de preuve permettant à la chambre de recours de conclure que la condition de nouveauté n’était pas remplie au moment de l’octroi de ladite protection.

58      En outre, ainsi qu’il a déjà été exposé au point 34 ci-dessus, la fonction de l’article 10, paragraphe 2, du règlement de base n’étant que de préciser les conditions suivant lesquelles certains types de cession ne constituent pas une cession « envers un tiers », la requérante ne saurait prétendre que les conditions prévues par cette disposition doivent être remplies dans tous les cas pour qu’une vente ou une cession ne soit pas destructrice de nouveauté. En effet, pour qu’une vente ou une cession effectuée à l’extérieur de l’Union avant la période de grâce ne soit pas destructrice de nouveauté, il suffit, conformément à l’article 10, paragraphe 1, du règlement de base, que la vente ou la cession ne soit pas effectuée par l’obtenteur ou avec son consentement envers des tiers « aux fins de l’exploitation de la variété », ce qui constitue une condition distincte de celles prévues par l’article 10, paragraphe 2, de ce même règlement.

59      Dès lors, en l’espèce, il y a lieu d’examiner si, à la lumière des éléments de preuve fournis par les parties, c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu que les ventes ou les cessions n’avaient pas été effectuées par l’obtenteur ou avec son consentement envers des tiers aux fins de l’exploitation commerciale de la variété en cause avant le 29 août 1989.

60      La requérante fait valoir, en substance, que la chambre de recours a apprécié erronément les éléments de preuve présentés devant elle.

61      À cet égard, il y a lieu de constater qu’il ressort de la déclaration solennelle de l’obtenteur du 6 août 2015 que, en 1984, dans le cadre d’un programme de sélection de pommes, celui-ci a sélectionné les variétés Pink Lady et Sundowner pour des essais supplémentaires. Ce témoignage est corroboré par un document contemporain, à savoir un mémorandum intitulé « Apple breeding program » remis par l’obtenteur le 3 septembre 1984 au responsable de la division « Recherche botanique » du Département. Dans ce mémorandum, l’obtenteur demandait, à ce sujet, une approbation pour que les variétés Pink Lady and Sundowner soient diffusées dans l’industrie « pour des essais approfondis et une évaluation dans des conditions commerciales ».

62      Il ressort également de la déclaration solennelle de l’obtenteur du 6 août 2015 que les notes manuscrites qui apparaissent sur le mémorandum du 3 septembre 1984 reflètent le résultat de sa rencontre avec le responsable de la division « Horticulture » du Département, le 3 avril 1985, pendant laquelle le contenu dudit mémorandum a été discuté. En particulier, il ressort de la déclaration solennelle de l’obtenteur que l’annotation « Two varieties, Sundowner et Pink Lady to be released » (deux variétés, Sundowner and Pink Lady à diffuser) signifie que sa demande de diffuser lesdites variétés dans l’industrie « pour des essais approfondis et une évaluation dans des conditions commerciales » avait été approuvée.

63      En outre, s’agissant des cessions qui auraient été effectuées vers les pépinières Olea Nurseries et How Green Nursery en 1985, l’intervenante a soumis, au cours de la procédure administrative, deux lettres envoyées par l’obtenteur, le 31 mai 1985, à ces deux pépinières. Par ces lettres, l’obtenteur avait informé lesdites pépinières que quelques arbres greffés des variétés Sundowner et Pink Lady seraient disponibles en hiver et qu’elles pourraient être intéressées à les recevoir « afin d’avoir une source de greffons et [d’]être en mesure de produire des arbres pour les vendre aux producteurs de fruits si jamais le Département en recommandait la plantation par les vergers commerciaux ». En outre, l’obtenteur a expliqué dans sa déclaration solennelle du 6 août 2015 que, en août 1985, il avait distribué « à des fins d’essai et d’évaluation 12 arbres Cripps Pink et 12 arbres Cripps Red » aux pépinières Olea Nurseries et How Green Nursery et à huit arboriculteurs et que l’intention était d’évaluer la performance des variétés dans un « environnement autre qu’une station de recherche ».

64      Enfin, il ressort de la déclaration solennelle de l’obtenteur du 6 août 2015 et du bulletin du Département no 4169, intitulé « Apple varieties for Western Australia orchards » (Variétés de pommes pour les vergers de l’Australie-Occidentale), que ce n’est qu’en novembre 1990 que le Département a recommandé aux arboriculteurs fruitiers la culture de la variété Cripps Pink.

65      Ainsi, le contenu des lettres adressées aux pépinières, pris isolément, ne permet certes pas de conclure, comme l’affirme la chambre de recours dans la décision attaquée, que la variété en cause avait été diffusée uniquement à des fins d’essais. Toutefois, les éléments de preuve décrits ci-dessus, pris dans leur ensemble, confirment que les cessions de 1985 avaient été effectuées « à des fins d’essais et d’évaluation ».

66      En outre, contrairement à ce qu’avance la requérante, le fait que les éléments de preuve font référence à des essais commerciaux et non à des essais botaniques n’est pas pertinent. À cet égard, il y a lieu de rappeler, tout d’abord, que l’article 10, paragraphe 1, du règlement de base vise spécifiquement « l’exploitation de la variété ».

67      Il a été jugé qu’une cession aux fins d’essais sur la variété n’impliquant pas la vente ou la remise à des tiers à des fins d’exploitation de la variété n’est pas destructrice de nouveauté au sens de l’article 10 du règlement de base [arrêt du 11 avril 2019, Kiku/OCVV – Sächsisches Landesamt für Umwelt, Landwirtschaft und Geologie (Pinova), T‑765/17, non publié, sous pourvoi, EU:T:2019:244, point 74].

68      Il y a lieu de considérer qu’il résulte de cette jurisprudence que la notion d’« exploitation » de la variété au sens de l’article 10, paragraphe 1, du règlement de base vise une exploitation à des fins lucratives, ainsi qu’en atteste en outre les dispositions du règlement de base relatives aux licences d’exploitation contractuelles, mais exclut en revanche les essais commerciaux ayant pour but d’évaluer les variétés dans des conditions commerciales sur différents types de sols et dans différents systèmes agricoles, afin de déterminer leur valeur pour les clients.

69      C’est par conséquent sans commettre d’erreur que la chambre de recours s’est référée à sa décision du 2 décembre 2008, dans l’affaire A 009/2008, dans laquelle elle a retenu que ce qui importait au regard de l’article 10 du règlement de base était qu’il y ait « un désir manifeste de réaliser des ventes ». Il s’ensuit que l’argumentation de la requérante selon laquelle la chambre de recours se serait prévalue à tort de cette décision pour rejeter la valeur probante des éléments produits par elle doit être écartée.

70      Ensuite, il y a lieu de constater que, ainsi que l’intervenante l’a exposé au cours de l’audience devant la chambre de recours, les « essais commerciaux » en l’espèce avaient pour objectif d’évaluer les variétés dans des conditions commerciales sur différents types de sols et dans différents systèmes agricoles, afin de déterminer leur valeur pour les clients. Les essais permettaient ainsi de surveiller la performance de la variété en cause dans des conditions de terrain beaucoup plus représentatives, d’effectuer une évaluation sur l’ensemble du cycle de culture et de fournir aux producteurs davantage de données sur la performance.

71      Ces affirmations de l’intervenante sont corroborées, d’une part, par la déclaration solennelle de l’obtenteur du 6 août 2015 et, d’autre part, par la déclaration solennelle contraire de M. Geoffrey Godley, conseiller agricole du Département, du 13 janvier 2015. En effet, il ressort de la déclaration de l’obtenteur du 6 août 2015 que le but de la distribution de la variété Cripps Pink aux pépinières et aux arboriculteurs « était de voir comment les arbres se comportaient dans un environnement autre qu’une station de recherche ». En outre, il ressort de la déclaration de M. Godley que celui-ci reconnaît avoir participé, à l’époque des faits, aux activités « d’évaluation commerciale », lesquelles consistaient à recueillir des producteurs des renseignements « sur le rendement, la récolte, l’entreposage, l’emballage, l’expédition et la réaction des consommateurs à l’égard des pommes. »

72      Enfin, il importe de noter qu’il ressort des explications fournies pendant l’audience devant la chambre de recours par l’expert technique en pommes de l’OCVV que l’évaluation commerciale est une pratique courante dans la sélection de pommes. En effet, à cet égard, l’expert a exposé que la sélection de pommes se déroulait en deux étapes : une première étape qui consiste à mener des recherches afin de tester et de sélectionner les variétés et une deuxième étape qui consiste à évaluer l’utilisation commerciale des pommiers.

73      Dans ces circonstances, c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu que l’évaluation commerciale n’équivalait pas à l’exploitation commerciale et que, partant, les ventes ou les cessions effectuées à des fins d’essais avant la période de grâce ne constituaient pas une circonstance destructrice de nouveauté.

74      Cette conclusion n’est pas remise en cause par les éléments de preuve apportés par la requérante au soutien de sa demande en nullité.

75      En premier lieu, s’agissant des déclarations solennelles produites par la requérante, il y a lieu de rappeler qu’il ressort d’une jurisprudence constante que, pour apprécier la valeur probante d’un document, il faut commencer par vérifier la vraisemblance de l’information qui y est contenue. Il faut alors tenir compte, notamment, de l’origine du document, des circonstances de son élaboration, de son destinataire et se demander si, d’après son contenu, il semble sensé et fiable [voir, par analogie, arrêt du 7 juin 2005, Lidl Stiftung/OHMI – REWE-Zentral (Salvita), T‑303/03, EU:T:2005:200, points 42 et 43 et jurisprudence citée]. Par ailleurs, il est de jurisprudence constante que, même lorsqu’une déclaration a été établie conformément à l’article 78, paragraphe 1, sous g), du règlement de base, elle ne saurait se voir attribuer une valeur probante, lorsqu’elle est établie par des personnes liées à la requérante, que si elle est corroborée par d’autres éléments de preuve [voir ordonnance du 21 octobre 2013, SOUTHERN SPLENDOUR, T‑367/11, non publiée, EU:T:2013:585, point 49 et jurisprudence citée ; arrêt du 13 juillet 2017, Boomkwekerij van Rijn-de Bruyn/OCVV – Artevos (Oksana), T‑767/14, non publié, EU:T:2017:494, point 99].

76      En l’espèce, premièrement, il importe de noter que les personnes appelées par la requérante à faire des déclarations solennelles se réfèrent à des faits survenus il y a plus de trente ans. Deuxièmement, à cette époque, il n’y avait aucune législation en vigueur sur la protection \/ des obtentions végétales en Australie et, dès lors, les personnes appelées à fournir ces déclarations solennelles n’avaient aucune connaissance du cadre juridique entourant les exigences liées à l’enregistrement des protections communautaires des obtentions végétales. Troisièmement, contrairement à la déclaration de l’obtenteur du 6 août 2015, les déclarations solennelles produites par la requérante ne sont pas étayées par des éléments de preuve contemporains des faits. Il résulte dès lors de ces constatations, à la lumière de la jurisprudence citée au point 75 ci-dessus, que la valeur probante de ces déclarations solennelles reste limitée.

77      En deuxième lieu, quant aux factures produites par la requérante concernant des ventes qui auraient été effectuées par la pépinière Olea Nurseries en 1987, il suffit de constater, à l’instar de la chambre de recours, que, même si les factures fournies par la requérante au cours de la procédure administrative prouvent que la pépinière Olea Nurseries a vendu la variété Cripps Pink, elles ne constituent pas une preuve que l’obtenteur avait consenti à « l’exploitation commerciale » de ladite variété. Cela est d’autant plus vrai qu’il ressort clairement des lettres envoyées aux pépinières Olea Nurseries et How Green Nursery en 1985 que l’obtenteur leur avait offert des arbres des variétés Sundowner et Pink Lady au cas où le « [D]épartement en recommand[er]ait la plantation par les vergers commerciaux » et qu’aucune preuve n’a été soumise que, jusqu’au mois de novembre 1990, une telle recommandation était intervenue.

78      De plus, le fait que le Département a affirmé pendant la procédure administrative devant l’OCVV que ses agents, entre 1985 et 1990, « étaient étroitement impliqués dans les plantations d’essai dans les vergers commerciaux auxquels le Département avait fourni des arbres et greffons » ne fait que corroborer la finalité expérimentale des cessions effectuées pendant cette période. Elle ne démontre pas, comme le suggère la requérante, que le Département connaissait ou avait consenti aux ventes effectuées par les pépinières.

79      En outre, cette dernière circonstance distingue le cas d’espèce de celui de la décision de la chambre de recours du 2 juillet 2013, dans l’affaire A 007/2013 concernant la variété de poires Oksana. Dans cette affaire, les éléments prouvaient que la distribution des constituants variétaux n’avait pas fait l’objet d’une réserve et était conforme à l’intention expresse de l’obtenteur de réaliser une distribution du matériel sans restriction. Par conséquent, l’argument de la requérante selon lequel la décision attaquée est en contradiction avec la décision de la chambre de recours du 2 juillet 2013 dans l’affaire A 007/2013 concernant la variété Oksana doit être écarté.

80      En troisième lieu, s’agissant des autres éléments de preuve figurant au point 44 de la requête, il y a lieu de constater qu’il s’agit de documents postérieurs aux faits à l’origine de la présente affaire ou de documents contenant des affirmations vagues qui ne permettent pas de conclure que la variété Cripps Pink a fait l’objet de ventes ou de cessions à des tiers, par l’obtenteur ou avec son consentement, aux fins de son exploitation avant la période de grâce.

81      En ce sens, il y a lieu de relever que le communiqué de presse intitulé « Les producteurs de fruits encouragés à planter des nouvelles variétés de pommes » est daté du 8 septembre 1992 et contient des affirmations vagues et générales du ministre de l’Agriculture de l’Australie-Occidentale à l’époque des faits. En effet, même s’il ressort de ce communiqué que, à la date de celui-ci, ledit ministre aurait affirmé que les pommes Pink Lady et Sundowner « avaient été diffusées aux producteurs en 1985 », il ne saurait nécessairement en être déduit qu’il s’agissait d’une diffusion aux fins de l’exploitation commerciale de la variété Cripps Pink. De plus, s’agissant de l’article publié en 1993 dans la revue Hort Science par l’obtenteur et ses collègues, il suffit de constater que celui-ci corrobore l’affirmation de l’obtenteur selon laquelle la variété Cripps Pink a été distribuée à l’industrie à des fins d’évaluation commerciale en 1986. En outre, s’agissant de l’affirmation du pomiculteur M. Atherton exprimée dans l’émission de télévision intitulée Tickled Pink selon laquelle « Pink Lady venait d’entrer en scène », il suffit de noter qu’il s’agit d’une affirmation ambiguë qui ne permet pas de déduire que l’exploitation commerciale de la variété Cripps Pink avait eu lieu avant la période de grâce.

82      De même, en ce qui concerne le rapport de la commission de contrôle parlementaire australienne, d’une part, il y a lieu de constater qu’il s’agit d’une commission de contrôle parlementaire qui est intervenue plusieurs années après les faits, à savoir en 1995. D’autre part, l’affirmation du rapporteur de l’avis de l’intervenante, M. Charlton, devant cette commission de contrôle, selon laquelle les pommes auraient été produites commercialement pour la première fois en 1986 ou 1987, est formulée d’une manière ambiguë, ne permettant pas de conclure que la variété a été vendue ou cédée aux fins de son exploitation avant la période de grâce.

83      En quatrième lieu, quant à l’argument selon lequel le Département n’aurait jamais exprimé l’intention de déposer une marque ou de revendiquer des droits d’obtenteur en Australie, cette circonstance est dénuée de pertinence aux fins de déterminer si une variété remplit la condition de nouveauté au sens de l’article 10 du règlement de base. En effet, conformément à cette disposition, il y a uniquement lieu d’avoir égard aux ventes ou aux cessions envers des tiers, par l’obtenteur ou avec son consentement, aux fins de l’exploitation de la variété avant la période de grâce, lesquelles sont destructrices de nouveauté.

84      En cinquième lieu, s’agissant de la décision du Tribunal de la propriété industrielle du Chili annulant le droit de protection de la variété Cripps Pink dans cette juridiction pour manque de nouveauté, d’une part, il y a lieu de rappeler que les dispositions du règlement de base ont institué la forme unique et exclusive de protection communautaire de la propriété industrielle pour les variétés végétales. Dès lors, l’OCVV et, le cas échéant, le juge de l’Union ne sont pas liés par une décision intervenue au niveau d’un pays tiers [voir, par analogie, arrêt du 23 octobre 2017, Barmenia Krankenversicherung/EUIPO (Mediline), T‑810/16, non publié, EU:T:2017:749, point 37].

85      D’autre part, force est de constater que la requérante se borne à faire mention de cette décision du Tribunal de la propriété industrielle du Chili dans une note en bas de page insérée sous le point 26 de la requête, dans lequel elle indique que « le Département n’a jamais exprimé l’intention de déposer une marque ou de revendiquer des droits d’obtenteur en Australie ». Dans la note en bas de page susmentionnée, il est indiqué : « Référence est faite en particulier à l’audition de l’obtenteur enregistrée le 17 mai 2010 à Floreat, Australie-Occidentale […] dans le cadre de la décision du [T]ribunal de la propriété industrielle du Chili qui avait invalidé le certificat chilien de POV no 34/95 […] » Il n’est fait nulle autre mention de cette décision du Tribunal de la propriété industrielle du Chili dans la requête et elle ne figure en outre pas au nombre des annexes de la requête. Il convient de surcroît de constater que la requérante ne tire aucune conséquence de cette décision sur la validité de la décision attaquée et, par conséquent, le Tribunal ne saurait y avoir égard.

86      Ainsi, il découle des considérations qui précèdent que c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu que les éléments de preuve apportés par la requérante ne prouvaient pas que la variété Cripps Pink avait fait l’objet de ventes ou de cessions envers des tiers, à l’extérieur de l’Union, par l’obtenteur ou avec son consentement, aux fins de l’exploitation de la variété avant le 29 août 1989.

87      Par ailleurs, il convient également d’écarter l’argument de la requérante selon lequel il y aurait une contradiction entre, d’une part, le fait que la décision attaquée se concentre sur la question de savoir si les preuves fournies par la requérante étaient suffisantes pour susciter des doutes sérieux et, d’autre part, le fait que l’OCVV puis la chambre de recours n’aient pas procédé au rejet ab initio de la demande en nullité. À cet égard, il y a lieu de constater que la requérante fait une lecture partielle de la décision attaquée. En effet, bien que ladite décision emploie, certes de façon erronée, les termes « doutes sérieux » de l’article 53 bis du règlement no 874/2009 dans son appréciation des preuves, elle expose clairement que la requérante n’a pas présenté de preuves que la variété Cripps Pink avait été vendue ou cédée à des tiers, en dehors de l’Union, par l’obtenteur ou avec son consentement, aux fins de son exploitation. De plus, ce n’est pas parce que la chambre de recours a conclu à l’issue de la procédure, à la lumière de l’ensemble des faits et des éléments de preuve présentés par les parties, que les éléments de preuve fournis par la requérante ne suscitaient pas de doutes sérieux quant à la validité de la protection communautaire des obtentions végétales en cause que la décision initiale d’ouvrir la procédure de nullité est erronée. En effet, quand, à l’issue d’une procédure de nullité, l’OCVV conclut que les éléments de preuve ne suscitent pas de doutes sérieux, cela signifie que les doutes sérieux que l’OCVV avait entretenus au moment où elle a reçu la demande en nullité ont été dissipés.

88      En conséquence, à la lumière tout ce qui précède, le premier moyen de la requérante doit être rejeté comme étant non fondé.

2.      Sur le second moyen

89      La requérante fait valoir, en substance, au soutien de son second moyen, que la chambre de recours a violé l’article 76 du règlement de base, les principes de sécurité juridique et de bonne administration de la justice ainsi que l’article 50, paragraphe 3, du règlement no 874/2009.

90      Par la première branche du moyen, elle fait valoir que c’est à tort que la chambre de recours a écarté comme étant tardifs des éléments de preuve qu’elle avait avancés devant elle et, par la deuxième branche du moyen, elle demande à ce qu’il plaise au Tribunal de reconnaître la recevabilité de ces éléments de preuve devant lui.

a)      Sur la recevabilité des éléments de preuve présentés tardivement pendant la procédure devant la chambre de recours

91      Il ressort du dossier que la requérante a introduit de nouveaux éléments de preuve au cours de l’audience orale devant la chambre de recours. Par ailleurs, l’OCVV et l’intervenante n’ont pas reçu de copie de ces preuves avant ladite audience, ce qu’a reconnu la requérante à cette occasion.

92      Compte tenu de ces circonstances et de l’article 53 bis, paragraphe 4, du règlement de no 874/2009, la chambre de recours a conclu que, en l’absence d’explications raisonnables ou acceptables justifiant le dépôt tardif, il y avait lieu de déclarer ces nouveaux éléments de preuve irrecevables.

93      La requérante soutient que la chambre de recours a ainsi violé l’article 76 du règlement de base et les principes généraux de sécurité juridique et de bonne administration de la justice et que l’article 81 du règlement de base aurait dû être appliqué. En outre, la requérante avance que, compte tenu de la complexité de la présente affaire et étant donné que les éléments de preuve soumis tardivement constituent une circonstance ayant subi une modification au cours de la procédure, la chambre de recours aurait dû accorder une audience supplémentaire conformément à l’article 50, paragraphe 3, du règlement no 874/2009.

94      L’OCVV et l’intervenante contestent ces arguments.

95      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, conformément à l’article 76 du règlement de base, l’OCVV est tenu, au cours de la procédure engagée devant lui, d’écarter les faits qui n’ont pas été invoqués ou les preuves qui n’ont pas été produites dans le délai fixé par l’OCVV. En outre, l’article 53 bis, paragraphe 4, du règlement no 874/2009 prévoit que l’OCVV ne prend pas en considération les observations écrites ni les documents, ou parties de ceux-ci, qui n’ont pas été présentés dans le délai fixé par l’OCVV.

96      Ainsi, eu égard au fait que le règlement de base et le règlement no 874/2009 contiennent des dispositions régissant la recevabilité des preuves soumises hors délai, il y a lieu de constater que l’article 81 du règlement de base, qui prévoit que, en l’absence de dispositions de procédure dans le règlement no 874/2009 ou dans des dispositions arrêtées en vertu dudit règlement, l’OCVV applique les principes du code de procédure généralement admis dans les États membres et qui, selon la requérante, aurait, en l’espèce, obligé l’OCVV à se référer auxdits principes, n’est pas applicable dans la présente affaire.

97      En outre, à la lumière des dispositions légales mentionnées au point 95 ci-dessus, contrairement à ce qu’affirme la requérante, la chambre de recours ne dispose pas d’un pouvoir discrétionnaire concernant la recevabilité des preuves soumises hors délai. Au contraire, ainsi que l’avance l’OCVV, il résulte du libellé de ces dispositions qu’il est interdit à l’OCVV de tenir compte des faits et des éléments de preuve qui sont présentés ou produits tardivement.

98      Cette conclusion n’est pas non plus remise en cause par la jurisprudence évoquée par la requérante à l’appui de son argumentation suivant laquelle la chambre de recours aurait dû admettre les preuves soumises tardivement, dans la mesure où, selon cette jurisprudence, rien ne saurait s’opposer à ce que soient pris en compte des éléments de preuve complémentaires, qui viennent simplement s’ajouter à d’autres éléments déposés dans le délai imparti, dès lors que les preuves initiales ne sont pas dépourvues de pertinence, mais ont été contestées comme n’étant pas suffisantes par l’autre partie [arrêt du 28 mars 2012, Rehbein/OHMI – Dias Martinho (OUTBURST), T‑214/08, EU:T:2012:161, point 53]. En effet, il suffit de constater que cette jurisprudence porte sur l’application des dispositions procédurales en matière de marques de l’Union européenne relatives à la preuve de l’usage, suivant lesquelles, si l’opposant ne fournit pas la preuve de l’usage de la marque dans le délai imparti, l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelles (EUIPO) rejette l’opposition, dispositions qui n’ont pas d’équivalent en matière de protection communautaire des obtentions végétales. Dès lors, cette jurisprudence ne saurait trouver à s’appliquer par analogie au cas d’espèce.

99      De plus, aux termes de l’article 95, paragraphe 2, du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1), l’EUIPO peut ne pas tenir compte des faits que les parties n’ont pas invoqués ou des preuves qu’elles n’ont pas produites en temps utile. Toutefois, cet article se limite à permettre à l’EUIPO de ne pas prendre en considération les éléments de preuve présentés hors délai, alors que l’article 76 du règlement de base oblige l’OCVV à écarter ces éléments de preuve tardifs.

100    En tout état de cause, il importe de relever que, bien que la Cour ait reconnu un large pouvoir d’appréciation en ce qui concerne la recevabilité de preuves soumises tardivement en matière de marques, elle a toutefois précisé que l’éventuelle prise en considération desdits éléments de preuve supplémentaires ne constituait en aucune manière une « faveur » accordée à l’une ou à l’autre partie, mais devait incarner le résultat d’un exercice objectif et motivé du pouvoir d’appréciation de l’EUIPO. En ce sens, la prise en considération de preuves tardivement produites est susceptible d’être justifiée lorsque l’EUIPO considère, d’une part, que les éléments tardivement produits sont de prime abord susceptibles de revêtir une réelle pertinence et, d’autre part, que le stade de la procédure auquel intervient cette production tardive et les circonstances qui l’entourent ne s’opposent pas à cette prise en compte (voir, en ce sens, arrêts du 13 mars 2007, OHMI/Kaul, C‑29/05 P, EU:C:2007:162, point 44, et du 3 octobre 2013, Rintisch/OHMI, C‑120/12 P, EU:C:2013:638, point 38).

101    En l’espèce, en premier lieu, il convient de constater que la requérante a introduit les éléments de preuve en question au cours de l’audience orale devant la chambre de recours. Par ailleurs, et comme l’a reconnu la requérante lors de cette audience, l’OCVV et l’intervenante n’ont pas reçu de copie de ces preuves avant l’audience. En deuxième lieu, il ressort du dossier que la requérante n’a offert aucune explication justifiant la présentation tardive des preuves. En effet, concernant la lettre du ministre de l’Agriculture du 15 janvier 1990 et les déclarations solennelles de MM. Allan Price et John Paterson, la requérante a fait valoir que ces preuves furent seulement disponibles après l’expiration du délai fixé par la chambre de recours, à savoir le 7 septembre 2017. Cependant, comme la chambre de recours l’a constaté à juste titre dans la décision attaquée, une telle explication ne semble pas crédible étant donné que ladite lettre avait été mentionnée précédemment dans la procédure. De plus, en ce qui concerne les déclarations solennelles de MM. Price et Paterson, il suffit de constater que celles-ci sont datées d’avant l’expiration du délai fixé par la chambre de recours. En outre, quant aux articles de presse, ceux-ci auraient pu être obtenus précédemment, car, comme l’a reconnu la requérante dans ses observations du 26 septembre 2017, il s’agit de publications qui sont disponibles sur Internet.

102    Dans ces conditions et compte tenu des dispositions mentionnées au point 95 ci-dessus, la chambre de recours devait écarter les éléments de preuve en cause.

103    Partant, il convient également de rejeter l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours a violé les principes de sécurité juridique et de bonne administration de la justice en déclarant les éléments de preuve en question irrecevables.

104    Enfin, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours aurait dû accorder une audience supplémentaire, il y a lieu de constater que, en vertu de l’article 50, paragraphe 3, du règlement no 874/2009, toute demande d’audience supplémentaire est irrecevable, sauf en ce qui concerne les demandes fondées sur des faits qui se sont modifiés entre-temps. Or, en l’espèce, force est de constater qu’aucune audience supplémentaire n’a été sollicitée. Il convient par conséquent de rejeter l’argument de la requérante.

b)      Sur la recevabilité devant le Tribunal des éléments de preuve non présentés pendant la procédure devant la chambre de recours

105    Par la deuxième branche du second moyen, la requérante demande que le Tribunal déclare recevables trois éléments de preuve qui n’ont pas été présentés pendant la procédure administrative. Il s’agit d’une déclaration solennelle signée le 23 janvier 2018 par l’obtenteur, alors âgé de 90 ans, d’une déclaration solennelle signée le 20 janvier 2018 par M. et Mme Green, les propriétaires de la pépinière How Green Nursery à la date des faits, et d’une déclaration solennelle du pomiculteur M. Atherton, signée le 8 février 2018.

106    L’OCVV et l’intervenante avancent que ces éléments de preuve sont irrecevables.

107    À cet égard, il convient de rappeler qu’il est de jurisprudence constante que le Tribunal est appelé à apprécier la légalité de la décision de la chambre de recours en contrôlant l’application du droit de l’Union effectuée par celle-ci eu égard, notamment, aux éléments de fait qui lui ont été soumis, mais qu’il ne saurait, en revanche, effectuer un tel contrôle en prenant en considération des éléments de fait nouvellement produits devant lui (voir arrêts du 15 avril 2010, Schräder/OCVV, C‑38/09 P, EU:C:2010:196, point 76 et jurisprudence citée, et du 13 juillet 2017, Oksana, T‑767/14, non publié, EU:T:2017:494, point 30 et jurisprudence citée). De même, dans le cadre de ce contrôle de légalité, la fonction du Tribunal n’est pas de réexaminer les circonstances de fait à la lumière de documents présentés pour la première fois devant lui (voir arrêt du 13 juillet 2017, Oksana, T‑767/14, non publié, EU:T:2017:494, point 30 et jurisprudence citée).

108    En l’espèce, les preuves n’ayant pas été soumises dans le cadre de la procédure ayant conduit à l’adoption de la décision attaquée, elles doivent par conséquent être déclarées irrecevables.

109    Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argumentation de la requérante selon laquelle la chambre recours a fait un rappel erroné des faits et une appréciation erronée et partielle des preuves. En effet, la recevabilité d’un nouvel élément de preuve ne peut pas être subordonnée au fait que l’issue d’une décision donnée soit favorable ou non à une partie à la procédure. De plus, la circonstance qu’il s’agisse de preuves supplémentaires qui viennent étayer la conclusion de la requérante est également dénuée de pertinence (voir, en ce sens, arrêt du 13 juillet 2017, Oksana, T‑767/14, non publié, EU:T:2017:494, point 32).

110    Par ailleurs, comme l’a relevé à juste titre l’OCVV, la requérante n’a fourni aucune explication démontrant qu’elle n’était pas en mesure de prendre connaissance des faits concernés à un stade antérieur. Or, compte tenu du fait qu’il s’agit de déclarations écrites de témoins demandées par la requérante aux personnes concernées, cette dernière aurait pu recueillir ces témoignages au cours de la procédure administrative.

111    En conséquence, à la lumière des considérations précédentes, la requérante n’ayant, en outre, fourni aucun élément visant à expliquer la raison précise pour laquelle les pièces en cause devraient être prises en considération par le Tribunal, alors qu’elles sont présentées pour la première fois devant lui, il convient de les écarter sans qu’il soit nécessaire d’examiner leur force probante [voir, en ce sens, arrêt du 22 mars 2018, Safe Skies/EUIPO – Travel Sentry (TSA LOCK), T‑60/17, non publié, EU:T:2018:164, point 13 et jurisprudence citée].

112    Au vu de tout ce qui précède, il convient de rejeter le second moyen et, par conséquent, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

113    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OCVV et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Pink Lady America LLC est condamnée aux dépens.

Frimodt Nielsen

Forrester

Perillo

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 24 septembre 2019.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.