Language of document : ECLI:EU:T:2023:427

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

26 juillet 2023 (*)

« Environnement – Directive 2003/87/CE – Système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre – Allocation transitoire à titre gratuit de quotas d’émission de gaz à effet de serre – Installation utilisant un produit intermédiaire visé par un référentiel de produit – Rejet des données relatives à l’allocation de quotas à titre gratuit concernant cette installation – Erreurs manifestes d’appréciation »

Dans l’affaire T‑215/21,

SMA Mineral AB, établie à Filipstad (Suède), représentée par Me E. Larsson, avocate,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. G. Wils, B. De Meester et Mme P. Carlin, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de Mme A. Marcoulli, présidente, MM. S. Frimodt Nielsen (rapporteur) et R. Norkus, juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

vu la phase écrite de la procédure,

vu, à la suite du retrait par la requérante de la demande initialement présentée en ce sens, l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, SMA Mineral AB, demande l’annulation de l’article 1er, paragraphe 2, de la décision (UE) 2021/355 de la Commission, du 25 février 2021, concernant les mesures nationales d’exécution pour l’allocation transitoire à titre gratuit de quotas d’émission de gaz à effet de serre conformément à l’article 11, paragraphe 3, de la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil (JO 2021, L 68, p. 221, ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        La requérante est une société suédoise produisant de la chaux ainsi que d’autres produits. Elle est la société mère d’un groupe comptant plusieurs unités de production et des activités dans cinq pays. La présente affaire ne concerne qu’une de ces unités, à savoir l’installation SE‑419 située à Sandarne en Suède, mentionnée à l’annexe II de la décision attaquée.

3        L’installation en cause relève du système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre de l’Union européenne (ci-après le « SEQE ») instauré par la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 octobre 2003, établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans l’Union et modifiant la directive 96/61/CE du Conseil (JO 2003, L 275, p. 32), telle que modifiée par la directive (UE) 2018/410 du Parlement européen et du Conseil, du 14 mars 2018  (JO 2018, L 76, p. 3).

4        Ainsi qu’il ressort de la décision attaquée, à compter de 2013, la mise aux enchères est devenue la règle pour l’attribution des quotas d’émission aux exploitants des installations qui relèvent du SEQE. Cependant, les exploitants remplissant les conditions requises continueront de recevoir des quotas à titre gratuit au cours de la période d’échange 2021-2030. Au cours de cette période, la quantité de quotas attribuée à chacun de ces exploitants est déterminée selon les règles harmonisées qui sont énoncées dans la directive 2003/87 et dans le règlement délégué (UE) 2019/331 de la Commission, du 19 décembre 2018, définissant des règles transitoires pour l’ensemble de l’Union concernant l’allocation harmonisée de quotas d’émission à titre gratuit conformément à l’article 10 bis de la directive 2003/87 (JO 2019, L 59, p. 8).

5        En 2019, afin de préparer l’allocation transitoire à titre gratuit pour la période débutant le 1er janvier 2021, le Royaume de Suède, par l’intermédiaire du Naturvårdsverket (Agence de protection de l’environnement, Suède), a présenté à la Commission européenne, conformément à l’article 11 de la directive 2003/87, la liste des installations couvertes par ladite directive et des quotas gratuits alloués à chaque installation. Dans ce cadre, il a proposé que l’installation en cause bénéficie de l’allocation à titre gratuit de quotas sur la base du référentiel de produit relatif à la chaux visé à l’annexe I du règlement délégué 2019/331 (ci-après le « référentiel de produit relatif à la chaux »).

6        À l’issue de son analyse des informations transmises par le Royaume de Suède au regard des critères énoncés dans la directive 2003/87 et dans le règlement délégué 2019/331, la Commission a décidé de rejeter les données relatives à l’allocation de quotas à titre gratuit concernant l’installation en cause pour les raisons exposées au considérant 12 de la décision attaquée.

 Conclusions des parties

7        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler l’article 1er, paragraphe 2, de la décision attaquée ;

–        constater qu’il convient d’inclure l’installation en cause dans la liste des installations auxquelles sont alloués des quotas d’émission de gaz à effet de serre à titre gratuit en vertu de l’article 11, paragraphe 3, de la directive 2003/87 ou déclarer que ladite installation se voie allouer des quotas d’émission à titre gratuit pour une nouvelle période de dix ans ;

–        condamner la Commission aux dépens.

8        La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        déclarer irrecevable en ce qui concerne des périodes ne relevant pas de la décision attaquée le chef de conclusions de la requérante selon lequel des quotas d’émission à titre gratuit doivent lui être reconnus ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur les demandes visant à ce que des quotas d’émission de gaz à effet de serre à titre gratuit soient octroyés à l’installation en cause

9        D’emblée, il y a lieu de relever que, dans le deuxième chef de conclusions, la requérante demande au Tribunal de constater qu’il convient d’inclure l’installation en cause dans la liste des installations auxquelles sont alloués des quotas d’émission de gaz à effet de serre à titre gratuit en vertu de l’article 11, paragraphe 3, de la directive 2003/87 ou de déclarer que ladite installation se verra allouer des quotas d’émission à titre gratuit pour une nouvelle période de dix ans. De telles demandes s’interprètent comme étant des demandes d’injonction adressées à la Commission quant aux conséquences à tirer d’une éventuelle annulation de la décision attaquée.

10      À cet égard, il suffit de rappeler que, dans le cadre du contrôle de légalité fondé sur l’article 263 TFUE, le Tribunal n’a pas compétence pour prononcer des injonctions à l’encontre des institutions, des organes et des organismes de l’Union (voir ordonnance du 26 octobre 1995, Pevasa et Inpesca/Commission, C‑199/94 P et C‑200/94 P, EU:C:1995:360, point 24 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 25 septembre 2018, Suède/Commission, T‑260/16, EU:T:2018:597, point 104 et jurisprudence citée).

11      Il s’ensuit qu’il y a lieu de rejeter pour cause d’incompétence du Tribunal les demandes visant à ce que des quotas d’émission de gaz à effet de serre à titre gratuit soient octroyés à l’installation en cause.

 Sur la demande visant à annuler la décision attaquée 

12      À l’appui de ses conclusions en annulation de la décision attaquée, la requérante soulève en substance deux séries d’arguments qui s’analysent comme des moyens de fond.

13      D’une part, la requérante estime que la décision attaquée doit être annulée parce que la Commission y affirme à tort que les « émissions ne doivent pas faire l’objet d’un double comptage » et lui refuse, dès lors, « l’allocation de quotas d’émission à titre gratuit au titre du référentiel de produit relatif à la chaux ».

14      D’autre part, la requérante soutient que la décision attaquée doit également être annulée parce que la Commission n’a pas pris en considération les conséquences préjudiciables de la décision attaquée.

15      La Commission conteste l’ensemble de l’argumentation de la requérante.

 Observations liminaires

–       Sur la réglementation applicable

16      La Commission fait valoir que le SEQE est destiné à réduire et, à terme, à éliminer les émissions de gaz à effet de serre. Ainsi, la règle de base serait que les quotas doivent être mis aux enchères et l’allocation de quotas à titre gratuit constituerait une exception, graduellement réduite, qui nécessiterait, en particulier, qu’un référentiel de produit s’applique à l’installation concernée.  

17      À cet égard, il y a lieu de rappeler que la directive 2003/87 a pour objet d’instituer un SEQE tendant à la réduction des émissions de ces gaz dans l’atmosphère à un niveau empêchant toute perturbation anthropique dangereuse du climat, et dont l’objectif final est la protection de l’environnement (voir, en ce sens, arrêts du 8 mars 2017, ArcelorMittal Rodange et Schifflange, C‑321/15, EU:C:2017:179, point 24, et du 20 juin 2019, ExxonMobil Production Deutschland, C‑682/17, EU:C:2019:518, point 62).

18      Ce système repose sur une logique économique, laquelle incite tout participant à émettre une quantité de gaz à effet de serre inférieure aux quotas qui lui ont été initialement octroyés, afin d’en céder le surplus à un autre participant ayant produit une quantité d’émissions supérieure aux quotas alloués (voir, en ce sens, arrêts du 8 mars 2017, ArcelorMittal Rodange et Schifflange, C‑321/15, EU:C:2017:179, point 22, et du 20 juin 2019, ExxonMobil Production Deutschland, C‑682/17, EU:C:2019:518, point 63).

19      La directive 2003/87 vise ainsi à réduire les émissions globales de gaz à effet de serre de l’Union par rapport à leurs niveaux de l’année 1990, dans des conditions économiquement efficaces (voir, en ce sens, arrêt du 20 juin 2019, ExxonMobil Production Deutschland, C‑682/17, EU:C:2019:518, point 64 et jurisprudence citée).

20      À cette fin, l’article 10 bis de la directive 2003/87 a instauré un régime transitoire qui, afin d’éviter la perte de compétitivité des entreprises du fait de l’établissement du SEQE, prévoit, pour les installations relevant de certains secteurs d’activité, l’allocation de quotas d’émission à titre gratuit, dont la quantité, conformément au paragraphe 11 de cette disposition, est réduite graduellement, en vue de parvenir à la suppression totale de ces quotas gratuits en 2027 (voir, en ce sens, arrêt du 20 juin 2019, ExxonMobil Production Deutschland, C‑682/17, EU:C:2019:518, point 65 et jurisprudence citée).

21      Ainsi qu’il ressort, notamment, de l’article 10, paragraphe 1, de la directive 2003/87, l’allocation de quotas d’émission, aux fins de tendre vers une réduction des émissions de gaz à effet de serre, est donc progressivement appelée à reposer exclusivement sur le principe de la mise aux enchères, lequel est, selon le législateur de l’Union, généralement considéré comme le système le plus efficace du point de vue économique (voir, en ce sens, arrêt du 20 juin 2019, ExxonMobil Production Deutschland, C‑682/17, EU:C:2019:518, point 66).

22      Il importe aussi de relever que le règlement délégué 2019/331 définit des référentiels de produit afin de garantir que les modalités d’allocation de quotas d’émission à titre gratuit encouragent l’utilisation de techniques efficaces pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et améliorer le rendement énergétique (voir article 10 bis, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la directive 2003/87).

23      Par ailleurs, il y a également lieu de rappeler que, lorsqu’une institution de l’Union est appelée à effectuer des évaluations complexes, elle dispose d’un large pouvoir d’appréciation dont l’exercice est soumis à un contrôle juridictionnel se limitant à vérifier si la mesure en cause n’est pas entachée d’erreur manifeste ou de détournement de pouvoir ou si l’autorité compétente n’a pas manifestement dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation (voir, par analogie, arrêt du 15 décembre 2016, TestBioTech e.a./Commission, T‑177/13, non publié, EU:T:2016:736, point 77 et jurisprudence citée).

–       Sur le contenu de la décision attaquée

24      Il convient de relever que, pour justifier la décision attaquée, la Commission a indiqué au considérant 12 de ladite décision ce qui suit :

–        « [le Royaume de] Suède a proposé d’inclure [l’]installation [en cause] dont les émissions proviennent d’un four à chaux dans lequel sont calcinées des boues de chaux, un résidu provenant de la récupération des agents chimiques de cuisson dans les usines de pâte kraft » (ci-après la « première phrase ») ;

–        « [l]e procédé de récupération de la chaux dans les boues de chaux entre dans les définitions des limites du système de pâte kraft à fibres courtes/longues » (ci-après la « deuxième phrase ») ;

–        « [ladite installation] importe donc un produit intermédiaire visé par un référentiel de produit » (ci-après la « troisième phrase ») ;

–        « [é]tant donné que les émissions ne doivent pas faire l’objet d’un double comptage, comme le rappelle l’article 16, paragraphe 7, du règlement délégué 2019/331, les données relatives à l’allocation de quotas à titre gratuit de cette installation doivent être rejetées (ci-après la « quatrième phrase »).

25      Avant d’examiner les arguments des parties relatifs à ces appréciations, il y a lieu de relever que le contenu de la première phrase n’est pas contesté.

26      En effet, conformément à l’article 11, paragraphe 1, de la directive 2003/87, le Royaume de Suède a présenté à la Commission pour la période ici en cause une « liste des installations couvertes par la directive 2003/87 qui se trouvent sur son territoire » qui mentionnait l’installation en cause, les « quotas gratuits alloués » à cette installation et les informations afférentes. Ainsi que le précise cette disposition, les quotas gratuits alloués à chaque installation devaient notamment être « calculés conformément aux règles visées à l’article 10 bis, paragraphe 1, [de la directive 2003/87] », qui habilite la Commission à adopter des règles pleinement harmonisées relatives à l’allocation des quotas. Il s’agit, en l’espèce, du règlement délégué 2019/331 et des référentiels de produit qu’il comporte en annexe I.

27      De même, il n’est pas contesté que les « émissions » en cause proviennent d’un « four à chaux dans lequel sont calcinées des boues de chaux ».

28      Au regard des dispositions applicables, le terme « émissions » vise notamment, selon l’article 3, sous b), de la directive 2003/87, le « rejet dans l’atmosphère de gaz à effet de serre à partir de sources situées dans une installation ». L’article 3, sous e), de cette directive indique pour sa part que le terme « installation » vise une « unité technique fixe où se déroulent une ou plusieurs des activités indiquées à l’annexe I [de la directive 2003/87] ainsi que toute autre activité s’y rapportant directement et qui est liée techniquement aux activités exercées sur le site et qui est susceptible d’avoir des incidences sur les émissions et la pollution ». Cette annexe I liste la production de chaux dans des fours rotatifs ou d’autres types de fours, avec une capacité de production supérieure à 50 tonnes par jour.

29      En outre, dès lors que, du fait de la production de chaux, l’installation en cause rejette un « gaz à effet de serre », à savoir le dioxyde de carbone (CO2), elle relève du champ d’application de l’article 3, sous c), de la directive 2003/87, lu en combinaison avec les annexes I et II de cette directive.

30      Enfin, il n’est pas contesté que la « boue de chaux », calcinée dans le four de l’installation en cause, est un « résidu provenant de la récupération des agents chimiques de cuisson dans les usines de pâtes kraft ».

31      La requérante indique en ce sens que la chaux produite par son installation en cause est fabriquée à partir de « boues de chaux (déchets) récupérées » ou que les boues de chaux constituent la « matière première pour la production du produit “chaux/CaO” ». Elle relève également que ladite installation récupère environ 110 000 t de boues de chaux par an, lesquelles sont livrées à cette installation en provenance de l’extérieur.

32      Il y a également lieu de relever, s’agissant non plus de la matière première mais du produit fabriqué, que la requérante précise à cet égard que la chaux vive produite par son installation est livrée à des installations produisant de la pâte kraft ou différents produits papetiers de manière intégrée.

33      Certes, si, comme l’expose la requérante, « un four à boues de chaux n’est […] pas une machine spéciale entièrement différente d’un four à chaux », les deux produisant de l’oxyde de calcium, à savoir de la chaux (CaO), le four de l’installation en cause présente la particularité de produire de la chaux à partir de boues de chaux récupérées dans les usines de pâtes kraft, alors qu’un four à chaux classique le fait à partir de la pierre calcaire en tant que matière première.

34      C’est dans ce contexte qu’il convient d’examiner les arguments des parties.

35      Cet examen nécessite, tout d’abord, d’établir si la Commission était en mesure de rejeter les données relatives à l’allocation de quotas à titre gratuit de l’installation en cause qui lui ont été présentées par le Royaume de Suède en considération de calculs effectués au regard du référentiel de produit relatif à la chaux. Les parties s’accordent pour reconnaître qu’il s’agit de la question principale qui se pose dans la présente affaire.

36      La question de l’inapplication du référentiel de produit relatif à la chaux à la demande d’allocation de quotas d’émission à titre gratuit relative à l’installation en cause présentée par le Royaume de Suède est envisagée au considérant 12 de la décision attaquée, notamment dans la deuxième phrase.

 Sur les arguments relatifs aux appréciations de la Commission

37      Il ressort du dossier que la demande d’allocation de quotas d’émission à titre gratuit relative à l’installation en cause, mentionnée dans la première phrase, a été faite en considération du référentiel de produit relatif à la chaux.

38      De même, il ressort de la deuxième phrase que, en indiquant que le « procédé de récupération de la chaux dans les boues de chaux entr[ait] dans les définitions des limites du système de pâte kraft à fibres courtes/longues », la Commission a implicitement mais nécessairement considéré que ce procédé ne relevait pas du référentiel de produit relatif à la chaux, mais des référentiels de produit relatifs à la pâte kraft.

39      Cette appréciation est contestée par la requérante, qui soutient que la demande d’allocation de quotas d’émission à titre gratuit relève du référentiel de produit relatif à la chaux. Il y a lieu dès lors de rappeler le contenu des dispositions invoquées par les parties et de déterminer, au vu des arguments présentés en ce sens, si la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que la demande d’allocation de quotas d’émission à titre gratuit relative à l’installation en cause ne relevait pas du référentiel de produit relatif à la chaux.

40      Ainsi que le rappelle la Commission, l’allocation de quotas d’émission à titre gratuit est subordonnée aux conditions suivantes : d’une part, le SEQE doit s’appliquer à l’activité concernée (voir article 2 et annexe I de la directive 2003/87) et, d’autre part, un système de référentiel de produits pour l’allocation de quotas d’émission à titre gratuit s’applique à l’installation ou à la partie d’installation concernée (voir article 10 bis de la directive 2003/87 et règlement délégué 2019/331).

41      En ce qui concerne l’activité concernée, l’article 2, paragraphe 1, de la directive 2003/87 dispose que « [l]a présente directive s’applique aux émissions résultant des activités indiquées à l’annexe I et aux gaz à effet de serre énumérés à l’annexe II ». L’annexe I de ladite directive indique à cet égard que la « production de chaux, […], dans des fours rotatifs ou dans d’autres types de fours, avec une capacité de production supérieure à 50 [t] par jour » est une activité au sens de cette directive.

42      En l’espèce, il n’est pas contesté que l’installation en cause satisfait à la condition liée à l’activité concernée.

43      S’agissant du référentiel de produits applicable, l’article 10 bis, paragraphe 1, de la directive 2003/87 dispose notamment :

« La Commission est habilitée à adopter des actes délégués conformément à l’article 23 afin de compléter la présente directive en ce qui concerne des règles pleinement harmonisées à l’échelle de l’Union relatives à l’allocation des quotas visés aux paragraphes 4, 5, 7 et 19 du présent article.

Les mesures visées au premier alinéa déterminent, dans la mesure du possible, des référentiels ex ante pour l’Union, de façon à garantir que les modalités d’allocation des quotas encouragent l’utilisation de techniques efficaces pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et améliorer le rendement énergétique, en recourant aux techniques les plus efficaces, aux solutions et aux procédés de production de remplacement, à la cogénération à haut rendement, à la récupération efficace d’énergie à partir des gaz résiduaires, à l’utilisation de la biomasse, ainsi qu’au captage et au stockage du CO2, lorsque ces moyens sont disponibles, et n’encouragent pas l’accroissement des émissions […]

Pour chaque secteur et sous-secteur, en principe, le référentiel est calculé pour les produits et non pour les intrants, de manière à maximiser la réduction des émissions de gaz à effet de serre et les gains d’efficacité énergétique tout au long du processus de production du secteur ou du sous-secteur concerné. »

44      L’annexe I du règlement délégué 2019/331 établit un total de 52 référentiels de produit à utiliser, par ordre de priorité, pour l’allocation de quotas d’émission à titre gratuit. Les référentiels de produit évoqués dans la présente affaire sont, d’une part, celui relatif à la chaux, et, d’autre part, ceux relatifs à la pâte kraft.

45      En ce qui concerne le référentiel de produit relatif à la chaux, l’annexe I du règlement délégué 2019/331 indique que la « définition des produits inclus » dans ce référentiel est la suivante :

« Chaux vive : oxyde de calcium (CaO) obtenu par décarbonatation du calcaire (CaCO3). Exprimé en tonnes de chaux “pure standard”, ayant une teneur en CaO libre de 94,5 %. La chaux produite et consommée dans la même installation et utilisée dans des procédés d’épuration n’est pas visée par ce référentiel de produit. La production interne de chaux du secteur de la pâte à papier relève déjà des référentiels correspondants et ne peut donc prétendre à une allocation supplémentaire fondée sur le référentiel relatif à la chaux. »

46      Le référentiel de produit relatif à la chaux définit également les « procédés et les émissions inclus (limites du système) » comme suit : « Sont inclus tous les procédés directement ou indirectement liés à la production de chaux. »

47      S’agissant des référentiels de produit relatifs à la pâte kraft à fibres courtes ou longues, l’annexe I du règlement délégué 2019/331 précise que la « définition des produits inclus » dans ces référentiels est la suivante :

« La pâte kraft fibres courtes est une pâte de bois produite par le procédé chimique au sulfate, dans lequel une liqueur de cuisson est utilisée, caractérisée par une longueur de fibres comprise entre 1 et 1,5 mm, et principalement utilisée pour les produits qui requièrent un lissé et un bouffant spécifiques, tels que le papier dit “tissue” et le papier d’impression, exprimée sous forme de production commercialisable nette, en tonnes de pâte sèche à l’air (“tonne de pâte sèche à l’air” signifie que la pâte contient 90 % de matière sèche).

La pâte kraft fibres longues est une pâte de bois produite par le procédé chimique au sulfate, dans lequel une liqueur de cuisson est utilisée, caractérisée par une longueur de fibres comprise entre 3 et 3,5 mm, y compris la pâte blanchie et non blanchie, exprimée sous forme de production commercialisable nette, en tonnes de pâte sèche à l’air, mesurée à la fin du processus de production. (“tonne de pâte sèche à l’air” signifie que la pâte contient 90 % de matière sèche). »

48      Les référentiels de produit relatifs à la pâte kraft définissent également les « procédés et les émissions inclus (limites du système) » de la façon suivante :

« Sont inclus tous les procédés qui font partie du procédé de production de pâte à papier [en particulier l’usine de pâte à papier, la chaudière de récupération, la section de séchage de la pâte et le four à chaux ainsi que les unités de conversion d’énergie associées (chaudière/cogénération)]. Ne sont pas incluses les autres activités exercées sur site qui ne font pas partie de ce procédé, telles que les activités de sciage, les activités de travail du bois, la fabrication de produits chimiques destinés à la vente, le traitement des déchets [traitement des déchets sur site plutôt que hors site (séchage, agglomération, incinération, mise en décharge)], la production de carbonate de calcium précipité, le traitement des gaz odorants et le chauffage urbain. »

49      En l’espèce, les parties ne sont pas d’accord sur l’inapplication du référentiel de produit relatif à la chaux à la demande d’allocation de quotas d’émission à titre gratuit relative à l’installation en cause.

50      La requérante fait valoir que, tout comme pour les producteurs de chaux vive fabriquée à partir de calcaire, l’installation en cause a bénéficié au cours des périodes d’échanges précédentes (2005-2020) de l’allocation de quotas d’émission à titre gratuit au titre du référentiel de produit relatif à la chaux. En outre, l’achat par les usines de pâte kraft de chaux vive en provenance de ladite installation, produite à partir de boues de chaux, remplirait la même fonction pour l’acheteur que l’achat de chaux vive à base de matière première vierge sous forme de pierres. L’allocation de quotas à titre gratuit pour l’un des produits à base de chaux, mais non pour l’autre, aurait pour effet que la concurrence entre deux produits qui remplissent la même fonction dans la production de pâte kraft ne serait donc pas équitable.

51      Pour sa part, d’une part, la Commission relève que le référentiel de produit relatif à la chaux définit la chaux vive comme l’« oxyde de calcium (CaO) obtenu par décarbonatation du calcaire (CaCO3) », ce qui exclut que les émissions de l’installation en cause puissent relever de ce référentiel, étant donné que celles-ci proviennent d’un four à chaux dans lequel sont calcinées des boues de chaux. Ce constat suffirait pour rejeter le recours, la requérante faisant de facto valoir que la réglementation devrait être appliquée contrairement à son libellé. D’autre part, la Commission indique que « [l]a production interne de chaux du secteur de la pâte à papier relève déjà des référentiels correspondants et ne peut donc prétendre à une allocation supplémentaire fondée sur le référentiel relatif à la chaux » et que la production de chaux à partir de boues de chaux s’inscrit dans les limites du système de pâte kraft, qui incluent « tous les procédés qui font partie du procédé de production de pâte à papier », dont le « four à chaux ».

–       Sur la « décarbonatation du calcaire »

52      Ainsi que le fait valoir la Commission, le référentiel de produit relatif à la chaux envisage la chaux vive produite dans une installation par « décarbonatation du calcaire ».

53      Or, en l’espèce, la chaux vive produite dans l’installation en cause n’est pas produite par décarbonatation du calcaire, mais récupérée dans les boues de chaux, un résidu du procédé kraft utilisé pour la production de pâte à papier, ce qui a une incidence sur la nature des émissions en provenance de ladite installation.

54      En effet, selon la Commission, les émissions de dioxyde de carbone qui proviennent de la calcination des boues de chaux ne sont pas comparables en termes d’intensité à celles qui proviennent de la calcination du calcaire. Elle explique cette différence par le fait que « le dioxyde de carbone qui se dégage du carbonate de calcium lors de la production de chaux vive au départ de matières premières sous la forme de boues de chaux est d’origine biogénique, car le dioxyde de carbone qui forme les ions de carbonate dans le carbonate de sodium de la liqueur verte provient de la combustion de la liqueur noire (résidu de la transformation du bois) dans une chaudière de récupération ».

55      Cette explication est connue de la requérante, qui en a fait état quand elle s’est prononcée dans la réplique sur les données relatives aux émissions en provenance de l’installation en cause présentées dans le mémoire en défense.

56      Il ressort également de sa lettre du 14 décembre 2020, adressée à l’Agence de protection de l’environnement, que la requérante a fait part de cette particularité lors de la procédure administrative (« nous soulignons […] que les émissions de dioxyde de carbone lors de la production de chaux à partir de boue de chaux sont biogéniques ») quand elle se prononçait sur des observations de la Commission transmises au Royaume de Suède en ce qui concerne l’installation en cause.

57      De même, il ressort des observations qu’elle a présentées le 20 janvier 2023 sur la réponse présentée par la Commission le 1er juillet 2022 aux mesures d’organisation de la procédure que la requérante reconnaît que « [l]e dioxyde de carbone émis lors de la transformation des boues de chaux en chaux dans l’usine de chaux de Sadarne est d’origine biogénique ».

58      À cet égard, il y a lieu de relever que le carbone biogénique est le carbone contenu dans la biomasse d’origine agricole ou forestière, émis lors de sa combustion ou dégradation, ainsi que celui contenu dans la matière organique du sol. Par opposition, le carbone fossile désigne quant à lui le carbone présent sous différentes formes dans la croûte terrestre, telles que les ressources naturelles riches en carbone comme le charbon, le pétrole et le gaz naturel, ou de nombreuses roches sédimentaires comme le calcaire.

59      Quelle que soit son origine, biogénique ou fossile, une molécule de CO2 agit de la même façon sur l’effet de serre. Cependant, au contraire des énergies fossiles, la biomasse peut se renouveler à l’échelle humaine (cultures annuelles, forêts). Ainsi, il a été admis que, sous certaines conditions, les émissions de CO2 issues de la combustion du bois pouvaient être considérées comme équivalentes aux flux captés lors de la croissance de la biomasse, donc matérialisées par une valeur nulle.

60      Dans ce contexte, il y a lieu de relever, comme le fait observer la Commission, qu’il ressort de l’annexe IV de la directive 2003/87 que, s’agissant du « calcul des émissions », « le facteur d’émission pour la biomasse est égal à zéro ». La Commission souligne à ce propos que les émissions de dioxyde de carbone d’origine biogénique ne sont pas comptabilisées comme émissions au sens de ladite directive, alors que, lorsque la matière première utilisée pour la production est constituée de calcaire, le dioxyde de carbone libéré est en revanche comptabilisé comme dioxyde de carbone d’origine fossile, puisqu’il a été séquestré pendant les millions d’années de formation du calcaire sédimentaire.

61      Cette observation sur la différence qui existe entre la « décarbonatation du calcaire » mentionnée dans le référentiel de produit relatif à la chaux et la décarbonatation des boues de chaux suffit à justifier l’inapplication dudit référentiel aux émissions provenant de l’installation en cause, ainsi que la Commission le soutient dans ses écritures devant le Tribunal.

62      Au titre des mesures d’organisation de la procédure, il a été demandé à la Commission d’indiquer si, et le cas échéant où, elle avait eu l’occasion de faire valoir dans la décision attaquée ou au cours de la procédure administrative l’argument selon lequel, « étant donné que l’installation en cause produi[sai]t de la chaux vive à partir de boues de chaux et non par décarbonatation du calcaire », cette installation « ne p[ouvait] bénéficier de quotas gratuits sur la base du référentiel de produit relatif à la chaux ».

63      Dans sa réponse, la Commission a indiqué tout d’abord qu’il ressortait de la décision attaquée que le procédé de récupération de la chaux au départ de boues de chaux relevait des limites du système pour la pâte kraft et que, si des quotas étaient d’abord alloués aux usines de pâte kraft sur la base du nombre de tonnes de pâte séchée à l’air, d’autres quotas ne pouvaient être alloués pour des activités relatives au procédé kraft qui avaient eu lieu à l’extérieur de ces usines. Elle a également précisé avoir abordé la question de l’inapplication du référentiel de produit relatif à la chaux en raison de l’absence de « décarbonatation du calcaire » avec l’Agence de protection de l’environnement, notamment dans un courriel du 20 décembre 2020, qui rappelle que l’allocation de quotas gratuits au titre du référentiel relatif à la chaux nécessite que la production de chaux s’effectue au départ de calcaire comme matière première.

64      Dans ses observations sur cette réponse, la requérante fait notamment observer qu'« [i]l est incontestable que la Commission a clarifié sa position avec l’Agence de protection de l’environnement dans le courriel du 20 décembre 2020 ». Elle précise également n’avoir eu connaissance de cette clarification qu’après avoir reçu le contenu de la réponse de la Commission aux mesures d’organisation de la procédure et avoir obtenu, par la suite, les derniers éléments de la correspondance échangée au cours de la procédure administrative entre les autorités compétentes quant aux suites à donner à la demande d’allocation de quotas gratuits en considération ou non du référentiel de produit relatif à la chaux. Selon elle, l’examen de cette correspondance permet d’établir que la Commission a procédé à une appréciation incorrecte du cadre réglementaire, laquelle repose sur une définition trop étroite du calcaire. En conséquence, elle fait valoir que, dans la mesure où l’argument pris de la « décarbonatation du calcaire » ne figure pas, en tant que tel, dans la décision attaquée, il s’agit d’un nouveau motif dont le Tribunal devrait faire abstraction.

65      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, la motivation exigée par l’article 296, deuxième alinéa, TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et faire apparaître, de façon claire et non équivoque, le raisonnement de l’institution qui en est l’auteure, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences dudit article doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Hubei Xinyegang Special Tube, C‑891/19 P, EU:C:2022:38, points 87 et 88).

66      Or, en l’espèce, il ressort distinctement des éléments du contexte, tant factuel que juridique, dans lequel s’est inscrite l’adoption de la décision attaquée que l’argument pris de la « décarbonatation du calcaire » pour justifier l’inapplication du référentiel de produit relatif à la chaux fait partie des explications données au Royaume de Suède pour motiver la décision de la Commission de rejeter les données relatives à l’allocation de quotas à titre gratuit en ce qui concerne l’installation en cause.

67      Si cette explication n’est pas reprise en tant que telle dans la décision attaquée, elle découle néanmoins des règles juridiques applicables et a été examinée lors de la procédure administrative. Cette explication était également connue de la requérante, qui en a, d’ailleurs, fait état lors de la présente procédure et a pu exposer son appréciation sur les éléments correspondants à cette occasion.

68      Il y a donc lieu de considérer que l’argument pris de la « décarbonatation du calcaire » fait partie du contexte factuel et juridique dans lequel s’est inscrite l’adoption de la décision attaquée et qu’il est donc permis d’examiner le bien-fondé des conséquences qui ont pu en être tirées, lesquelles ont été examinées aux points 53 à 61 ci-dessus, en ce qui concerne l’inapplication en l’espèce du référentiel de produit relatif à la chaux.

–       Sur la « production interne de chaux du secteur de la pâte à papier » et les limites des systèmes définies pour la pâte kraft

69      Il ressort du référentiel de produit relatif à la chaux que celui-ci indique que « [l]a production interne de chaux du secteur de la pâte à papier relève déjà des référentiels correspondants relatifs aux produits à base de pâte à papier » (voir point 45 ci-dessus). Or, ainsi que le fait aussi valoir la Commission sans être contredite par la requérante, la récupération de la chaux vive effectuée en l’espèce s’insère normalement dans le cadre du procédé utilisé pour produire la pâte kraft. Les boues de chaux proviennent de la mise en œuvre de ce procédé. La seule différence avec le procédé habituel utilisé pour la pâte kraft est qu’une partie de la récupération de la chaux vive est effectuée à l’extérieur, dans l’installation en cause, et non dans les usines de pâte kraft elles-mêmes.

70      Ainsi qu’il a été constaté aux points 30 et 31 ci-dessus, c’est à cette provenance que se réfère la première phrase lorsqu’elle indique que « [l]es émissions [de l’installation en cause] proviennent d’un four à chaux dans lequel sont calcinées des boues de chaux, un résidu provenant de la récupération des agents chimiques de cuisson dans les usines de pâte kraft ».

71      Il est également fait référence à cette particularité au début de la deuxième phrase quand la Commission évoque « [l]e procédé de récupération de la chaux dans les boues de chaux » et indique que ce procédé « entre dans les définitions des limites du système de pâte kraft à fibres courtes/longues ».

72      En effet, il ressort du référentiel de produit relatif à la chaux qu’il exclut « la production interne de chaux du secteur de la pâte à papier », laquelle relève de ses propres référentiels de produit (voir point 45 ci-dessus).

73      De même, il ressort des référentiels de produit relatifs à la pâte kraft que la production de chaux à partir de boues de chaux s’inscrit dans les limites de ces systèmes de pâte kraft à fibres tant courtes que longues, lesquels « incluent tous les procédés qui font partie du procédé de production de pâte à papier [en particulier l’usine de pâte à papier, la chaudière de récupération, la section de séchage de la pâte et le four à chaux ainsi que les unités de conversion d’énergie associées (chaudière/cogénération)] » (voir point 48 ci-dessus).  

74      Or, en dépit du fait que la production de l’installation en cause est faite en dehors du site géographique de production de pâte kraft au titre du procédé au sulfate, qui est décrit en des termes analogues par les parties dans leurs écritures devant le Tribunal, il ne saurait être contesté qu’une telle production correspond au cycle de récupération qu’elles décrivent toutes les deux de la même manière et s’inscrit donc bien dans le cadre d’un procédé de production de pâte à papier.

75      Dès lors, la « production interne de chaux du secteur de la pâte à papier » faisant partie intégrante du « procédé de production de pâte à papier », la circonstance selon laquelle la production de chaux à partir de boues de chaux récupérées en vue d’être livrée à des installations produisant de la pâte kraft est réalisée, en ce qui concerne l’installation en cause, en dehors de telles installations ne saurait suffire pour considérer que la production de cette installation ne relève pas des limites des systèmes définis par les référentiels de produit relatifs à la pâte kraft. Il y a lieu à cet égard de relever que, mis à part le cas de ladite installation, la récupération de chaux vive au départ de boues de chaux est en général effectuée au sein de l’Union dans les installations de production de pâte kraft.  

76      En conséquence, compte tenu de ce qui précède, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que l’installation en cause ne pouvait pas bénéficier de l’allocation à titre gratuit des quotas d’émission au titre du référentiel de produit relatif à la chaux.

77      Cette conclusion n’est pas remise en cause par les différents arguments invoqués par la requérante à ce propos.

78      En premier lieu, le fait que la requérante a pu bénéficier d’une allocation de quotas gratuits par le passé pour l’installation en cause ne permet pas, à lui seul, de considérer que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que l’installation en cause ne pouvait pas bénéficier de l’allocation à titre gratuit des quotas d’émission au titre du référentiel de produit relatif à la chaux en ce qui concerne la période pertinente.

79      À cet égard, la Commission indique de manière convaincante devant le Tribunal que la situation passée résulte d’une erreur d’analyse et correspond à une application incorrecte des dispositions applicables. Cette erreur aurait été détectée lors d’une analyse plus approfondie réalisée au cours de la préparation de la quatrième période d’échange de quotas d’émission (2021-2030). La Commission précise que, dans le cadre de cet exercice, l’intensité des émissions de toutes les installations qui avaient sollicité une allocation à titre gratuit au titre du référentiel de produit relatif à la chaux avait été évaluée et l’installation en cause affichait une intensité d’émission inférieure à la valeur théorique la plus faible possible.

80      En effet, selon la Commission, la production de chaux à partir de calcaire entraîne elle-même des émissions de procédé dues à la calcination du calcaire. Elle ajoute que ces émissions de procédé ne pouvaient être réduites que si elles étaient captées, ce qui n’étaient pas le cas dans l’installation en cause. Elle en déduit que la faible intensité des émissions de ladite installation paraissait surprenante. Elle indique finalement qu’il est apparu que cette faible intensité était due à l’application d’un référentiel de produit erroné, directement contraire au libellé de la disposition prise en compte, à un procédé de production générant une dynamique d’émission totalement différente de celle visée dans le référentiel de produit relatif à la chaux.

81      En deuxième lieu, contrairement à ce qu’allègue la requérante, il est sans incidence de savoir si des produits équivalents à celui provenant de l’installation en cause, lequel est fabriqué à partir de boues de chaux, peuvent être fabriqués à partir de calcaire et si ces derniers produits relèvent ensuite de ce référentiel.

82      En effet, il s’avère que, d’une part, la différence de matière première entre la chaux fabriquée à partir de boues de chaux et celle fabriquée à partir de calcaire est significative sur le plan des émissions et, d’autre part, que les boues de chaux sont un « résidu provenant de la récupération des agents chimiques de cuisson dans les usines de pâte kraft », s’inscrivant ainsi dans le processus de fabrication de chaux du secteur de la pâte à papier.

83      Ces particularités priment en l’espèce quand il s’agit d’allouer des quotas d’émission à titre gratuit sur la question de savoir si la chaux produite à partir de l’une ou l’autre des matières précitées est substituable du point de vue de ses utilisateurs. Il y a d’ailleurs lieu de noter à ce propos que la requérante indique que les utilisateurs de ses produits sont des entreprises du secteur de la pâte à papier, plus spécifiquement des « installations produisant de la pâte kraft », ce qui confirme le fait que son activité s’inscrit dans le cadre des référentiels correspondants.

84      Le fait que le référentiel de produit relatif à la chaux envisage le « processus interne » de fabrication de chaux du secteur de la pâte à papier, sans envisager l’hypothèse où une partie de ce processus interne serait externalisée, par exemple en cas de panne ou de rénovation du four à chaux, auprès d’une installation extérieure comme cela est le cas pour l’installation en cause, ne permet pas de déduire qu’une telle hypothèse est exclue du renvoi qui est fait dans ce référentiel aux référentiels correspondants au secteur de la pâte à papier. La même conclusion vaut en ce qui concerne les conséquences à donner à l’indication selon laquelle la définition des procédés et émissions inclus (limites du système) vise « tous les procédés directement ou indirectement liés à la production de chaux ».

85      En effet, ainsi qu’il a été indiqué aux points 73 à 75 ci-dessus, que la chaux fabriquée à partir de boues de chaux soit fabriquée à l’intérieur ou à l’extérieur d’une usine de pâte kraft, cette production reste une « production interne de chaux du secteur de la pâte à papier », laquelle « relève déjà des référentiels correspondants », dès lors que, comme cela ressort des données de la présente affaire, celle-ci est fabriquée à partir d’un « résidu provenant des agents chimiques de cuisson dans les usines de pâtes kraft » et est livrée par la suite à ces usines pour permettre la production de ces pâtes.

86      Ainsi, et cela vaut aussi bien comme le fait observer la Commission pour la boue de chaux que pour la chaux produite à partir de boues de chaux, l’une ou l’autre de ces matières est un « produit intermédiaire visé par un référentiel de produit » au sens de la troisième phrase, à savoir en l’espèce les référentiels de produit relatifs à la pâte kraft.

87      C’est donc sans commettre d’erreur de droit et d’erreur manifeste d’appréciation que la Commission expose que la troisième phrase, selon laquelle « [l]’installation concernée importe donc un produit intermédiaire visé par un référentiel de produit », peut être interprétée en ce sens que les termes « produit intermédiaire » doivent être pris au sens large comme visant toute matière produite dans les limites du système d’un référentiel de produit.

88      En troisième lieu, en ce qui concerne la notion de « double comptage » évoquée dans la quatrième phrase, il y a lieu de relever qu’une telle appréciation s’avère fondée sur le plan théorique.

89      En effet, ainsi que l’expose la Commission, la récupération de la chaux vive effectuée par la requérante concerne les cycles internes du procédé utilisé pour la pâte kraft. Or, l’allocation à titre gratuit au regard des référentiels de produit relatifs à la pâte kraft est calculée sur la base de la pâte kraft produite, exprimée en tonnes de pâte séchée à l’air, et non sur la base des émissions réellement produites par l’installation. Il y aurait donc nécessairement « double comptage » au sens de la quatrième phrase si l’installation en cause recevait une allocation à titre gratuit, dès lors que cette installation importe et produit un produit intermédiaire – la boue de chaux et la chaux produite à partie de boue de chaux – visé par un référentiel de produit – les référentiels de produit relatifs à la pâte kraft.

90      Il importe alors peu de savoir, comme le reconnaît d’ailleurs la Commission, qu’une usine de pâte kraft qui externalise la récupération de la chaux vive contenue dans les boues de chaux ne génère pas elle-même d’émissions dans le cadre de cette récupération.

91      Au demeurant, il convient à cet égard de relever, comme le fait la Commission dans sa réponse aux mesures d’organisation de la procédure, que la valeur des référentiels de produit relatifs à la pâte kraft envisagée par l’article 10 bis, paragraphe 2, de la directive 2003/87 pour la quatrième période d’échange, postérieure à l’année 2020, a été mise à jour avec le pourcentage le plus élevé possible. La prise en compte des émissions effectuées par l’installation en cause afin de déterminer la valeur de ces référentiels n’aurait donc pas eu d’incidence sur cette actualisation.

–       Sur l’allégation d’« abus de pouvoir »

92      Il ressort de l’argumentation présentée par la requérante dans la réplique, laquelle constitue une ampliation de son argumentation relative au rejet de sa demande d’allocation, que celle-ci se prévaut de la hiérarchie des normes pour alléguer un « abus de pouvoir » de la part de la Commission en ce qui concerne le rejet de la demande d’allocation de quotas d’émission à titre gratuit relative à l’installation en cause.

93      En substance, la requérante soutient que la Commission n’a pas correctement exercé la mission déléguée qui lui était confiée par le législateur, au titre de l’article 10 bis, paragraphe 1, de la directive 2003/87, d’adopter des « règles pleinement harmonisées à l’échelle de l’Union relatives à l’allocation des quotas » en considérant que le terme « calcaire », au sens de roche sédimentaire, constituait une limitation de la matière première prise en compte au titre du référentiel relatif à la chaux visé à l’annexe I du règlement délégué 2019/331.

94      Un tel argument ne saurait prospérer.

95      En effet, il ressort tout d’abord de ce qui précède que la Commission était en droit de conclure, pour les raisons exposées dans la décision attaquée et en considération de son contexte factuel et juridique, que le référentiel de produit relatif à la chaux ne s’appliquait pas à la demande d’allocation de quotas d’émission à titre gratuit relative à l’installation en cause.

96      Par ailleurs, il y a lieu de relever que la Commission dispose d’un large pouvoir d’appréciation pour déterminer les référentiels par secteur ou sous‑secteur, en application de l’article 10 bis, paragraphe 2, de la directive 2003/87. En effet, cet exercice implique de sa part, notamment, des choix ainsi que des appréciations techniques et économiques complexes. Seul le caractère manifestement inapproprié d’une mesure arrêtée en ce domaine peut affecter la légalité d’une telle mesure (arrêts du 8 septembre 2016, Borealis e.a., C‑180/15, EU:C:2016:647, point 45, et du 26 octobre 2016, Yara Suomi e.a., C‑506/14, EU:C:2016:799, point 37).

97      Or, en l’espèce, l’examen des raisons évoquées pour expliquer la raison pour laquelle la production interne de chaux du secteur de la pâte à papier relève des référentiels correspondants et ne peut donc prétendre à une allocation supplémentaire fondée sur le référentiel relatif à la chaux ne permet pas d’identifier une telle erreur manifeste d’appréciation. En effet, la requérante s’accorde à reconnaître non seulement que les boues de chaux calcinées par l’installation en cause sont effectivement un résidu provenant de la récupération des agents chimiques de cuisson dans les usines de pâte kraft, mais aussi que la chaux produite par son installation à partir de ces boues de chaux est destinée à ces usines de pâte kraft.

98      De même, il ne saurait être considéré que le droit de l’Union prévoit un droit subjectif inconditionnel à l’allocation de quotas d’émission à titre gratuit dans des situations où les référentiels de produit n’envisagent pas précisément l’activité en cause. En d’autres termes, le SEQE ne prétend pas garantir que chaque activité relevant du système sera couverte par un référentiel de produit.

99      Comme le fait valoir la Commission, les référentiels de produit ne sont ainsi pas nécessairement déterminés pour toutes les activités énumérées à l’annexe I de la directive 2003/87. En effet, il existe des situations où le référentiel de produit ne porte que sur des parties d’activités ou certains modes de production (la production de chaux), des situations où l’activité ne relève pas d’un référentiel de produit (la production d’acide adipique) ou encore des situations où plusieurs référentiels de produit sont envisageables (la production de fonte ou d’acier).

100    En outre, en présence d’une situation où la requérante fait valoir qu’il ne pourrait pas y avoir en pratique double comptage quand elle traite les boues de chaux en lieu et place de l’usine de pâte kraft qui les a produites, il est possible d’appliquer par analogie la solution dégagée dans l’arrêt du 21 décembre 2021, Vítkovice Steel (C‑524/20, EU:C:2021:1048, points 48 à 56), aux termes duquel la Cour a considéré en substance que, dans la mesure où l’installation en cause ne produisait pas le produit concerné – la fonte liquide dans cette affaire ou la pâte kraft dans la présente affaire –, elle ne saurait bénéficier de quotas d’émission à titre gratuit au titre du référentiel de produit correspondant.

101    Il ressort de ce qui précède que la Commission n’a pas commis les erreurs manifestes d’appréciation alléguées en rejetant les données relatives à l’allocation de quotas à titre gratuit concernant l’installation en cause pour les raisons exposées au considérant 12 de la décision attaquée.

102    Il y a donc lieu de rejeter la première série d’arguments de la requérante.

 Sur les arguments relatifs à l’absence de prise en considération des conséquences préjudiciables de la décision attaquée

103    La requérante fait valoir que la décision attaquée devrait également être annulée parce que la Commission n’a pas pris en considération l’importance économique que revêt l’allocation de quotas d’émission à titre gratuit pour elle, l’incidence sur sa compétitivité, le principe de proportionnalité et les distorsions de concurrence ainsi que le préjudice important qu’elle subirait.

104    En l’espèce, il convient de rappeler qu’il ressort de l’appréciation exposée en réponse à la première série d’arguments que la Commission n’a pas commis les erreurs manifestes d’appréciation alléguées en rejetant les données relatives à l’allocation de quotas à titre gratuit concernant l’installation en cause pour les raisons exposées au considérant 12 de la décision attaquée.

105    Dans ce cadre, compte tenu de la différence qui existe entre les émissions provenant de la calcination du calcaire et celles provenant de la calcination des boues de chaux ou du fait que ces boues de chaux étaient récupérées auprès d’une installation produisant de la pâte à papier au titre du procédé au sulfate et que le processus de régénération de ces boues de chaux s’inscrivait donc dans le cadre de ce procédé, il n’y a pas lieu de considérer qu’une telle décision de rejet est disproportionnée par rapport aux objectifs du système mis en place par la réglementation applicable.

106    Dans la mesure également où la requérante ne peut se prévaloir d’un droit à être traité au regard du référentiel de produit relatif à la chaux, qui fondait la demande d’allocation de quotas à titre gratuit pour l’installation en cause, il importe peu de savoir si le rejet de la demande risque d’entraîner des désavantages concurrentiels ou un préjudice financier ou économique. Dès lors que les dispositions applicables ne correspondent pas à la situation visée dans la demande d’allocation de quotas à titre gratuit présentée en ce qui concerne ladite installation, les arguments de la requérante tirés d’une distorsion de concurrence ou d’un préjudice financier ou économique doivent être rejetés comme inopérants.

107    Il y a donc lieu de rejeter la deuxième série d’arguments de la requérante.

 Sur le complément d’argumentation présenté au regard des suites données à la demande parallèle d’accès aux documents

108    Il y a lieu de relever que, dans la requête déposée au greffe du Tribunal le 15 avril 2021, la requérante a indiqué avoir demandé à la Commission, le 8 avril 2021, en application du règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p. 43), de lui fournir des « informations relatives aux usines de pâte kraft servant de base au calcul du référentiel de produit relatif à la pâte kraft (10 % des installations ayant les plus faibles émissions spécifiques) » (ci-après la « demande d’accès aux documents »). Cette demande étant toujours en cours à ce stade, la requérante souhaitait pouvoir compléter son argumentation le moment venu en considération des éléments qui pourraient lui être communiqués par la Commission.

109    Le 21 janvier 2022, la requérante a présenté une demande de mesure d’organisation de la procédure, dont l’objet était d’obtenir du Tribunal qu’il demande à la Commission d’indiquer « si des émissions provenant de chaux achetée produite par un fournisseur externe (c’est-à-dire produite dans un lieu autre que le site de production de la pâte kraft) [étaient] ou non incluses dans la performance moyenne des 10 % d’installations les plus efficaces du secteur de la pâte kraft à fibres longues et à fibres courtes ». Ladite demande rappelait, à cet égard, qu’il ressortait d’une lettre de l’Agence de protection de l’environnement du 9 avril 2021, qui lui était adressée, qu’aucune usine de pâte à papier relevant des référentiels de produit pour la pâte kraft n’avait déclaré d’émissions provenant de la production de chaux non produite dans ces usines. Cette demande faisait aussi état des suites données par la Commission à la demande d’accès aux documents, à savoir que, en dépit de la demande de réexamen présentée le 22 juin 2021 à la suite du refus initial de la Commission de communiquer les documents demandés, et des différentes prolongations du délai de réponse à cette demande de réexamen, aucune réponse ne lui était encore parvenue.

110    Le 8 février 2022, la Commission a présenté ses observations sur la demande de mesures d’organisation de la procédure. En substance, pour les raisons détaillées dans cette réponse, laquelle se réfère à l’argumentation exposée dans le mémoire en défense et la duplique, la Commission soutient que la question envisagée par la requérante est sans incidence sur la solution du litige.

111    Le 8 juin 2022, par mesure d’organisation de la procédure, le Tribunal a demandé à la Commission d’indiquer « si des émissions provenant de chaux achetée produite par un fournisseur externe (c’est-à-dire produite dans un lieu autre que le site de production de la pâte kraft) [étaient] incluses dans la performance moyenne des 10 % d’installations les plus efficaces du secteur de la pâte kraft à fibres longues et à fibres courtes » et, le cas échéant, de fournir les documents permettant d’attester d’une telle inclusion.

112    En parallèle, le 22 juin 2022, la requérante a présenté au Tribunal plusieurs documents au titre d’une offre de preuve. Ces documents comprennent la réponse donnée par la Commission à la demande d’accès aux documents, en date du 21 avril 2022, les documents communiqués à cet égard par la Commission pour lesquels un accès partiel avait été accordé ainsi qu’un certificat obtenu le 31 mai 2022 auprès de l’Agence de protection de l’environnement. Au vu de ces documents, elle considérait qu’il était établi ou à tout le moins hautement probable qu’aucune émission provenant de chaux importée n’avait été prise en compte dans le calcul des valeurs des référentiels de produit relatifs à la pâte kraft. Il n’y aurait donc pas eu, en pratique, de double comptage.

113    Le 1er juillet 2022, la Commission a répondu à la mesure d’organisation de la procédure et, le 19 juillet 2022, elle a présenté ses observations sur l’offre de preuve de la requérante. Il en ressort que, pour les raisons précédemment exposées dans ses observations sur la demande de mesures d’organisation de la procédure, la Commission fait valoir que les affirmations de la requérante sont sans incidence sur la solution du litige.

114    En effet, comme l’expose la Commission, il s’avère que, à supposer même que la Commission ait eu connaissance de la situation de la requérante en temps utile, ce qui n’a pas été le cas, le prise en compte des émissions provenant de l’installation en cause pour les besoins du calcul des valeurs des référentiels de produit relatifs à la pâte kraft n’aurait pas modifié ce calcul, les valeurs en cause étant mises à jour avec le pourcentage le plus élevé possible (voir point 91 ci-dessus).

115    De même, à supposer que, comme l’allègue la requérante, les émissions de la chaux produite dans un lieu autre que le site de production de pâte kraft, telle l’installation en cause, ne soient pas comprises dans la performance moyenne des 10 % d’installations les plus efficaces du secteur de la pâte kraft, la requérante ne peut se prévaloir utilement des référentiels de produit relatifs à la pâte kraft dans la présente affaire faute de toute production de pâte kraft dans ladite installation.

116    L’affirmation de la requérante sur l’absence de double comptage en pratique n’est donc pas susceptible de remettre en cause le raisonnement exposé dans la décision attaquée qui repose sur l’idée que les émissions litigieuses ne relèvent pas du référentiel de produit relatif à la chaux, mais des référentiels de produit relatifs à la pâte kraft (voir points 88 et suivants ci-dessus).

117    Il résulte de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur les dépens

118    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En vertu de l’article 135, paragraphe 1, de ce règlement, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe ne soit condamnée que partiellement aux dépens, voire qu’elle ne doive pas être condamnée à ce titre.

119    Il résulte de l’examen effectué ci-dessus que la requérante a succombé en son recours et que la Commission a, dans ses conclusions, expressément demandé qu’elle soit condamnée aux dépens.

120    Toutefois, en l’espèce, le Tribunal constate que la requérante n’a été en mesure de comprendre la portée de la référence qui est faite dans la décision attaquée au double comptage qu’à partir du mémoire en défense et au fur et à mesure des suites données à ses demandes parallèles d’accès aux documents ou de mesure d’organisation de la procédure.

121    Dans ces circonstances, le Tribunal estime qu’il sera fait une juste appréciation des circonstances de l’espèce, au regard des dispositions de l’article 135, paragraphe 1, du règlement de procédure, en décidant que chaque partie supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Chaque partie supportera ses propres dépens.

Marcoulli

Frimodt Nielsen

Norkus

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 26 juillet 2023.

Signatures


Table des matières


Antécédents du litige

Conclusions des parties

En droit

Sur les demandes visant à ce que des quotas d’émission de gaz à effet de serre à titre gratuit soient octroyés à l’installation en cause

Sur la demande visant à annuler la décision attaquée

Observations liminaires

– Sur la réglementation applicable

– Sur le contenu de la décision attaquée

Sur les arguments relatifs aux appréciations de la Commission

– Sur la « décarbonatation du calcaire »

– Sur la « production interne de chaux du secteur de la pâte à papier » et les limites des systèmes définies pour la pâte kraft

– Sur l’allégation d’« abus de pouvoir »

Sur les arguments relatifs à l’absence de prise en considération des conséquences préjudiciables de la décision attaquée

Sur le complément d’argumentation présenté au regard des suites données à la demande parallèle d’accès aux documents

Sur les dépens


*      Langue de procédure : le suédois.