Language of document : ECLI:EU:T:2000:273

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

21 novembre 2000 (1)

«Fonctionnaires - Condamnation pénale par une juridiction nationale - Procédure disciplinaire - Révocation»

Dans l'affaire T-23/00,

A, ancien fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, représenté par Me L. Vogel, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Me C. Kremer, 6, rue Heinrich Heine,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. G. Valsesia, conseiller juridique principal, et J. Currall, conseiller juridique, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. C. Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d'annulation de la décision de la Commission du 4 novembre 1999 rejetant la réclamation introduite par le requérant à l'encontre de la décision de la Commission du 23 avril 1999 prononçant sa révocation et, pour autant que de besoin, de l'avis rendu par le conseil de discipline en date du 30 novembre 1998,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre),

composé de MM. K. Lenaerts, président, J. Azizi et M. Jaeger, juges,

greffier: M. J. Palacio González, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 14 septembre 2000,

rend le présent

Arrêt

Cadre juridique

1.
    L'article 12, premier alinéa, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le «statut») dispose:

«Le fonctionnaire doit s'abstenir de tout acte [...] qui puisse porter atteinte à la dignité de sa fonction.»

2.
    En vertu de l'article 86, paragraphe 1, du statut, «[t]out manquement aux obligations auxquelles le fonctionnaire ou l'ancien fonctionnaire est tenu, au titre du présent statut, commis volontairement ou par négligence, l'expose à une sanction disciplinaire». L'article 86, paragraphe 2, sous f), du statut mentionne la révocation avec, le cas échéant, réduction ou suppression du droit à pension d'ancienneté parmi les sanctions disciplinaires possibles.

3.
    L'article 88, premier alinéa, du statut énonce:

«En cas de faute grave alléguée à l'encontre d'un fonctionnaire par l'autorité investie du pouvoir de nomination, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligationsprofessionnelles ou d'une infraction de droit commun, celle-ci peut immédiatement suspendre l'auteur de cette faute.»

4.
    Toutefois, en vertu de l'article 88, cinquième alinéa, du statut, «lorsque le fonctionnaire fait l'objet de poursuites pénales pour les mêmes faits, sa situation n'est définitivement réglée qu'après que la décision rendue par la juridiction saisie est devenue définitive».

Faits à l'origine du litige

5.
    Le requérant est un ancien fonctionnaire de la Commission de grade C 4.

6.
    Par arrêt de la cour d'appel d'Anvers du 16 mai 1997, il a été condamné à une peine de quatre ans de prison pour des délits de viol avec circonstances aggravantes et d'outrage aux bonnes moeurs.

7.
    Le requérant a été suspendu de ses fonctions par décision du 2 juin 1997, signée par le directeur général de la direction générale du personnel et de l'administration (DG IX), M. Steffen Smidt. Dans cette décision, basée sur l'article 88 du statut, il est expliqué «que les faits pour lesquels [le requérant] a été condamné constituent une faute grave portant atteinte à la dignité de sa fonction, s'agissant à la fois d'une infraction de droit commun et d'un manquement aux obligations qui lui incombent en tant que fonctionnaire communautaire, eu égard à l'article 12 du statut». Il est également indiqué dans cette décision que «[la] condamnation [pénale en question] justifie l'ouverture d'une procédure disciplinaire à l'encontre [du requérant], dont la situation ne pourra être réglée définitivement qu'après que la décision rendue par la juridiction saisie sera devenue définitive».

8.
    Par arrêt du 29 juillet 1997, la Cour de cassation de Belgique a rejeté le pourvoi du requérant. La condamnation pénale du requérant est ainsi devenue définitive.

9.
    Par rapport du 24 octobre 1997, le directeur général de la DG IX, en sa qualité d'autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l'«AIPN»), a saisi le conseil de discipline. Dans ce rapport, il est expliqué:

«L['AIPN] considère que les délits pour lesquels [le requérant] a été condamné par la justice belge et les circonstances dans lesquelles ils se sont déroulés portent gravement atteinte à la dignité de la fonction d'un fonctionnaire des Communautés européennes en violation de l'article 12 du statut et l'exposent à une sanction disciplinaire. Pour cette raison, il s'avère nécessaire de demander l'avis du conseil de discipline, au titre de l'article 87 du statut.»

10.
    Le 27 janvier 1998, deux membres du conseil de discipline, accompagnés de la secrétaire de celui-ci, se sont rendus dans les locaux de la prison de Saint-Hubertoù le requérant était incarcéré. Au cours de l'entretien qu'ils ont eu avec le requérant, celui-ci a affirmé qu'il ne souhaitait pas faire de déclarations au motif qu'il n'était pas en position de se défendre convenablement du fait qu'il n'était pas en possession de son dossier, comportant les éléments de la procédure pénale, et qu'il n'avait pas eu l'opportunité de s'entretenir avec son défenseur (procès-verbal de l'entretien du 27 janvier 1998).

11.
    Une nouvelle réunion a eu lieu, également dans les locaux de la prison de Saint-Hubert, le 27 mai 1998. Après avoir constaté que deux membres seulement du conseil de discipline, assistés de la secrétaire de celui-ci, étaient présents, les conseils du requérant ont déclaré qu'«[a]ucune disposition du statut ne permet au conseil de discipline de siéger de manière incomplète» et qu'il fallait que «le conseil soit au complet pour entendre les débats contradictoires» (transcription de l'audition du 27 mai 1998).

12.
    Le requérant a été entendu par le conseil de discipline au complet, le 29 octobre 1998, dans les locaux de la Commission à Bruxelles.

13.
    Dans son avis du 30 novembre 1998, notifié à l'AIPN le 21 décembre 1998, le conseil de discipline a recommandé «à la majorité à l'[AIPN] d'infliger [au requérant] la sanction prévue à l'article 86, paragraphe 2, sous f), du statut, à savoir la révocation sans perte des droits à pension».

14.
    Par décision du 23 avril 1999, l'AIPN, après avoir constaté que le requérant «a été condamné le 16 mai 1997, par un arrêt de la cour d'appel d'Anvers devenu définitif [...] à une peine principale de quatre ans de prison, pour le délit de viol avec circonstances aggravantes» et que «les faits reprochés [ont été] clairement établis par la voie judiciaire», a considéré que, «par son comportement, [le requérant] a manqué très gravement à ses obligations découlant de l'article 12, premier alinéa, du statut». Pour ces motifs, l'AIPN a infligé au requérant la sanction prévue à l'article 86, paragraphe 2, sous f), du statut, à savoir la révocation sans perte des droits à pension, qui avait été recommandée par le conseil de discipline (ci-après la «décision de révocation»).

15.
    Le 22 juillet 1999, le requérant a introduit une réclamation au titre de l'article 90, paragraphe 2, du statut, laquelle a été rejetée explicitement par décision du 4 novembre 1999.

Procédure et conclusions des parties

16.
    Par requête déposée au greffe du Tribunal le 27 janvier 2000, le requérant a introduit le présent recours.

17.
    Le requérant conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    annuler la décision du 4 novembre 1999 rejetant sa réclamation à l'encontre des deux actes suivants:

    -    la décision de révocation;

    -    pour autant que de besoin, l'acte préparatoire à ladite décision que constitue l'avis du conseil de discipline du 30 novembre 1998;

-    condamner la partie défenderesse aux dépens.

18.
    La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter le recours comme non fondé;

-    statuer sur les dépens comme de droit.

19.
    Le requérant n'ayant pas déposé de réplique, la procédure écrite a été close en date du 8 mai 2000.

20.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale. Dans le cadre des mesures d'organisation de la procédure, il a demandé à la Commission la production de certains documents. Celle-ci a satisfait à cette demande.

21.
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l'audience qui s'est déroulée le 14 septembre 2000.

Sur le fond

22.
    Le requérant invoque deux moyens à l'appui de son recours. Le premier moyen est pris d'une violation des principes généraux applicables aux procédures disciplinaires et des droits de la défense. Le second moyen est tiré du caractère arbitraire de la décision de révocation et d'une erreur manifeste d'appréciation.

Sur le premier moyen, pris d'une violation des principes généraux applicables aux procédures disciplinaires et des droits de la défense

23.
    En premier lieu, le requérant soutient que le «principe de la séparation des fonctions juridictionnelles» a été violé au cours de la procédure disciplinaire dès lors que la même personne, M. Steffen Smidt, a, à la fois, pris l'initiative de l'ouverture de la procédure disciplinaire, saisi le conseil de discipline et prononcé la sanction disciplinaire. Il rappelle que les principes fondamentaux du droit de la procédure sont applicables aux procédures disciplinaires (arrêts de la Cour du 11juillet 1968, Van Eick/Commission, 35/67, Rec. p. 481, 501, et du 29 janvier 1985, F./Commission, 228/83, Rec. p. 275). Or, en vertu de ces principes, une procédure judiciaire ou disciplinaire ne serait équitable que si une séparation absolue a été respectée entre les trois fonctions juridictionnelles essentielles à la sauvegarde des droits de la défense, à savoir l'exercice des poursuites, l'instruction de la cause à charge et à décharge et la fonction de juger. Au cours de l'audience devant le Tribunal, le requérant s'est référé à plusieurs arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme au soutien de son argumentation.

24.
    Cet argument doit être rejeté. En effet, comme le souligne la partie défenderesse, la procédure devant la Commission n'est pas judiciaire mais administrative, de sorte que la Commission ne saurait être qualifiée de «tribunal» au sens de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH) (ordonnance de la Cour du 16 juillet 1998, N/Commission, C-252/97 P, Rec. p. I-4871, point 52; arrêt du Tribunal du 17 octobre 1991, de Compte/Parlement, T-26/89, Rec. p. II-781, point 94).

25.
    En outre, et en tout état de cause, c'est à tort que le requérant prétend que, en l'espèce, la seule et même personne a cumulé les fonctions de poursuite, d'instruction et de décision. En effet, la décision de rejet de la réclamation, contre laquelle le présent recours est dirigé (voir point 17 ci-dessus), a été prise non par M. Steffen Smidt, mais par le membre de la Commission M. Kinnock, en sa qualité d'AIPN. Par ailleurs, si, en sa qualité d'AIPN, M. Steffen Smidt a pris l'initiative de l'ouverture de la procédure disciplinaire à l'encontre du requérant et a saisi le conseil de discipline, force est de constater qu'il n'a pas fait partie de ce conseil. Or, le 30 novembre 1998, le conseil de discipline a formulé un avis, en toute impartialité et après un débat contradictoire, dans lequel il a recommandé à l'AIPN la sanction qui a finalement été retenue par cette dernière. De surcroît, il doit être constaté que l'AIPN, qui a pris la décision de révocation, était composée non seulement de M. Steffen Smidt, mais également de deux autres directeurs généraux, à savoir M. Schaub et M. Verrue.

26.
    En deuxième lieu, le requérant soutient que la Commission a violé le principe de la publicité des débats, consacré par les constitutions de tous les États membres et la CEDH. En effet, en dépit de ses demandes répétées, la publicité des débats au cours de la procédure disciplinaire aurait été systématiquement refusée. Or, cette publicité constituerait une garantie essentielle dans les procédures judiciaire et disciplinaire, tendant à assurer l'indépendance des juges.

27.
    Le requérant signale que la plupart des auditions se sont déroulées en milieu carcéral où toute publicité est impossible. Il soutient que l'article 6 de l'annexe II du statut, aux termes duquel les travaux du conseil de discipline sont secrets, n'a nullement pour objet de priver le fonctionnaire poursuivi du bénéfice de la publicité des débats. Cette disposition aurait pour seul objet de préserver le secret du délibéré du conseil de discipline.

28.
    Le Tribunal constate que, comme le souligne la partie défenderesse, le requérant ne soulève aucune exception d'illégalité à l'encontre des dispositions du statut concernant la procédure disciplinaire. Or, même si la publicité des débats constitue, en principe, la règle pour les procédures judiciaires, aucune disposition du statut n'exige que les débats au cours d'une procédure disciplinaire soient publics.

29.
    En outre, le requérant n'avance aucun indice de ce que l'absence de publicité des débats au cours de la procédure disciplinaire aurait pu nuire à ses intérêts. Il doit être souligné à cet effet que les faits sur lesquels le conseil de discipline et l'AIPN se sont basés, respectivement, dans l'avis du 30 novembre 1998 et dans la décision de révocation avaient été constatés dans une décision devenue définitive rendue par une juridiction pénale au terme d'une procédure contradictoire.

30.
    Il résulte de tout ce qui précède que le premier moyen doit être rejeté dans son intégralité.

Sur le second moyen, tiré du caractère arbitraire de la décision de révocation et d'une erreur manifeste d'appréciation

31.
    Le requérant fait valoir, en premier lieu, que la décision de révocation est arbitraire ou, à tout le moins, entachée d'une erreur manifeste d'appréciation en ce que le conseil de discipline et l'AIPN, au lieu de vérifier eux-mêmes la réalité des faits qui lui sont reprochés, se sont bornés à se référer à un arrêt de la cour d'appel d'Anvers. Le requérant explique qu'il ressort du rapport du 24 octobre 1997 (voir ci-dessus point 9) que le grief qui lui était reproché dans le cadre de la procédure disciplinaire portait sur des faits qu'il aurait commis dans des circonstances particulières et qui, selon l'AIPN, auraient «porté gravement atteinte à la dignité de la fonction d'un fonctionnaire». Selon le requérant, il appartient à chaque juge, dans le cadre de procédures judiciaires autonomes, de procéder personnellement à une analyse des faits et à une appréciation de leur gravité, en fonction des éléments qui sont contradictoirement débattus devant lui.

32.
    Le requérant souligne qu'il a, tout au long de la procédure disciplinaire, formellement contesté les faits qui lui étaient reprochés en affirmant que l'arrêt de la cour d'appel d'Anvers était erroné. Dans ces conditions, le conseil de discipline et l'AIPN auraient dû procéder à une analyse minutieuse des faits, tels qu'ils résultent du dossier pénal et tels qu'ils pouvaient également être reconstitués par des auditions de témoins. Toutefois, le conseil de discipline et l'AIPN n'auraient aucunement procédé à une vérification des constatations faites par la cour d'appel d'Anvers.

33.
    Le requérant souligne encore que, en l'état actuel de la jurisprudence belge, les décisions des juridictions pénales ne bénéficient que d'une autorité relative. Cesdécisions n'auraient ainsi un effet contraignant qu'à l'égard des parties au procès et non à l'égard des tiers, comme l'AIPN.

34.
    La Commission rétorque que le pénal tient le disciplinaire en l'état. Selon la Commission, ni le conseil de discipline ni l'AIPN n'avaient à reconstituer des faits déjà établis par le juge national. Elle insiste sur le fait que la condamnation pénale du requérant pour avoir commis le délit de viol avec des circonstances aggravantes est devenue définitive à la suite de l'arrêt de la Cour de cassation de Belgique.

35.
    Le Tribunal constate que, dans la décision de révocation, l'AIPN rappelle d'abord que le requérant «a été condamné le 16 mai 1997, par un arrêt de la cour d'appel d'Anvers devenu définitif (vu le rejet du pourvoi prononcé le 29 juillet 1997 par la Cour de cassation), à une peine principale de quatre ans de prison, pour le délit de viol avec circonstances aggravantes». L'AIPN a considéré ensuite que «les faits reprochés [ont été] clairement établis par la voie judiciaire» dans un arrêt «devenu définitif» et que, en commettant ces faits, le requérant «a manqué très gravement à ses obligations découlant de l'article 12, premier alinéa, du statut». En conclusion, elle a décidé d'infliger au requérant la sanction de la révocation prévue à l'article 86, paragraphe 2, sous f), du statut.

36.
    Il s'ensuit que, dans la décision de révocation, le manquement aux obligations statutaires retenu à l'encontre du requérant est constitué par les faits qui ont donné lieu à la condamnation pénale de celui-ci par les juridictions belges.

37.
    Contrairement à ce que prétend le requérant, l'AIPN est en droit de se fonder sur des constatations factuelles opérées dans une décision pénale devenue définitive, même si le fonctionnaire en question conteste la matérialité de ces faits au cours de la procédure disciplinaire. Il doit être rappelé à cet effet que l'article 88, cinquième alinéa, du statut, qui consacre le principe selon lequel «le pénal tient le disciplinaire en l'état», se justifie notamment par le fait que les juridictions pénales nationales disposent de pouvoirs d'investigation plus importants que l'AIPN (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 19 mars 1998, Tzoanos/Commission, T-74/96, RecFP p. I-A-129 et II-343, point 34). Eu égard à ce pouvoir d'investigation plus important, l'AIPN pouvait se baser, dans sa décision disciplinaire, sur des constatations factuelles d'un arrêt pénal devenu définitif.

38.
    En deuxième lieu, le requérant soutient que le caractère arbitraire de la décision de révocation résulte du fait que le conseil de discipline a refusé d'entendre la plupart des témoins de moralité dont il avait demandé la comparution. Il insiste sur le fait que l'audition de personnes partageant sa vie privée ou professionnelle était essentielle afin de pouvoir apprécier «la vraisemblance des griefs injustement formulés à son égard».

39.
    Cet argument doit aussi être rejeté. En effet, il doit être rappelé qu'il appartient au conseil de discipline «d'apprécier tant la pertinence de la demande par rapport à l'objet du litige que la nécessité de procéder à l'audition des témoins cités» (arrêtVan Eick/Commission, précité, p. 501). Or, eu égard au fait que le conseil de discipline pouvait se fonder sur les faits constatés dans l'arrêt de la cour d'appel d'Anvers devenu définitif, celui-ci a pu légitimement décider de ne pas entendre tous les témoins proposés par le requérant.

40.
    En troisième lieu, le requérant fait valoir que, pour sauvegarder les droits de la défense et assurer l'objectivité des décisions rendues, il était essentiel que l'ensemble des membres du conseil de discipline appelés à rendre l'avis sollicité par l'AIPN assistent à la totalité des débats. Le conseil de discipline serait, en effet, un organe collégial. Or, au cours des réunions des 27 janvier et 27 mai 1998, tenues dans les locaux de la prison de Saint-Hubert, certains membres du conseil de discipline auraient été absents. Cette circonstance aurait vicié la procédure disciplinaire. À l'audience, le requérant a fait valoir que, même si, le 29 octobre 1998, il a été entendu par le conseil de discipline au complet, cette circonstance n'a pas pu remédier au vice constaté. L'interrogation du requérant au cours des réunions des 27 janvier et 27 mai 1998 aurait laissé aux membres ayant assisté à celles-ci une impression différente de celle donnée par la lecture des procès-verbaux de ces réunions aux membres qui avaient été absents.

41.
    Selon la Commission, le fait que le requérant n'a pas été entendu par le conseil de discipline au complet, les 27 janvier et 27 mai 1998, est dû à des contraintes objectives imposées par la détention de l'intéressé. Elle souligne que les autorités pénitentiaires belges avaient refusé que le requérant quitte la prison pour les réunions des 27 janvier et 27 mai 1998 et qu'elles l'ont autorisé à se présenter devant le conseil de discipline dans les locaux de l'institution le 29 octobre 1998. Au cours de la réunion à cette date, le requérant aurait pu formuler toutes ses observations.

42.
    Le Tribunal rappelle que, en vertu de l'article 4 de l'annexe II du statut, le conseil de discipline est composé d'un président et de quatre membres.

43.
    Il ressort des éléments du dossier que deux membres seulement du conseil de discipline, assistés de la secrétaire de celui-ci, ont entendu le requérant les 27 janvier et 27 mai 1998. Toutefois, il est constant entre les parties que, le 29 octobre 1998, le requérant a été entendu par le conseil de discipline au complet.

44.
    Il est vrai que le conseil de discipline procède normalement lui-même à l'audition du fonctionnaire faisant l'objet de la procédure disciplinaire. Cependant, le fait que seuls deux des quatre membres du conseil de discipline, assistés de la secrétaire de celui-ci, ont entendu le requérant au cours des réunions des 27 janvier et 27 mai 1998 n'implique pas nécessairement que la Commission a violé un principe de droit procédural au cours de la procédure disciplinaire. Le conseil de discipline a, en effet, le droit de confier à un ou plusieurs de ses membres la mission d'entendre le fonctionnaire faisant l'objet d'une procédure disciplinaire si des raisons tenant au bon fonctionnement des services l'exigent, pour autant, toutefois, que les droitsde la défense de l'intéressé n'en sont pas affectés (voir, en ce sens, arrêt Van Eick/Commission, précité, p. 504).

45.
    Or, eu égard au fait que les autorités pénitentiaires belges n'ont pas autorisé le requérant à quitter la prison en vue de se rendre aux réunions des 27 janvier et 27 mai 1998 et que celui-ci était incarcéré à Saint-Hubert, à environ 150 km de Bruxelles, il doit être considéré que des raisons tenant au bon fonctionnement des services de la Commission ont justifié une telle pratique.

46.
    En ce qui concerne la question de savoir si la présence de deux membres seulement du conseil de discipline aux réunions des 27 janvier et 27 mai 1998 a pu affecter les droits de la défense du requérant, il doit être rappelé, d'abord, qu'il ressort du procès-verbal de l'entretien du 27 janvier 1998 que, au cours de celui-ci, le requérant a décidé de ne faire aucune déclaration. Le requérant considérait, en effet, qu'il n'était pas en position de se défendre convenablement du fait qu'il n'était pas en possession de son dossier, comportant les éléments de la procédure pénale, et qu'il n'avait pas eu l'opportunité de s'entretenir avec son défenseur (procès-verbal de l'entretien du 27 janvier 1998).

47.
    Ensuite, il ressort de la transcription de l'audition du 27 mai 1998 que le requérant a, de nouveau, refusé de faire une quelconque déclaration dès lors qu'il considérait que le conseil de discipline n'était pas régulièrement composé.

48.
    Il doit donc être constaté que les réunions des 27 janvier et 27 mai 1998 ne constituent de la part du conseil de discipline que des tentatives d'entendre le requérant conformément à l'article 4 de l'annexe IX du statut. Comme l'affirme la lettre de transmission de l'avis du conseil de discipline au directeur général de le DG IX, la «réunion, au cours de laquelle [le requérant] a été entendu, a eu lieu le 29 octobre 1998 à 15 heures 30». Dans ces circonstances, les membres du conseil de discipline qui avaient été présents aux réunions des 27 janvier et 27 mai 1998 n'ont pas pu avoir une connaissance de l'affaire différente de celle des membres qui n'y avaient pas assisté.

49.
    Enfin, le requérant n'a jamais contesté qu'il a pu présenter toutes les observations qu'il considérait utiles pour sa défense à l'ensemble des membres du conseil de discipline, au cours de la réunion du 29 octobre 1998. En outre, à aucun moment de la procédure administrative et de la procédure devant le Tribunal, le requérant n'a mis en cause la composition du conseil de discipline qui l'a entendu au cours de cette réunion.

50.
    Il s'ensuit que le fait que deux membres seulement du conseil de discipline étaient présents au cours des réunions des 27 janvier et 27 mai 1998 n'a pas pu affecter la défense du requérant. Le second moyen n'est donc pas non plus fondé.

51.
    Il résulte de l'ensemble des considérations qui précèdent que le recours doit être rejeté dans son intégralité.

Sur les dépens

52.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Toutefois l'article 88 du même règlement prévoit que, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. En l'espèce, chaque partie supportera donc ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête:

1)    Le recours est rejeté.

2)    Chaque partie supportera ses propres dépens.

Lenaerts

Azizi
Jaeger

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 21 novembre 2000.

Le greffier

Le président

H. Jung

J. Azizi


1: Langue de procédure: le français.