Language of document : ECLI:EU:T:2012:176

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (huitième chambre)

29 mars 2012 (*)

« Recours en annulation — Aides d’État — Régime d’aides permettant l’amortissement fiscal de la survaleur financière en cas de prise de participations étrangères — Décision déclarant le régime d’aides incompatible avec le marché commun et n’ordonnant pas la récupération des aides — Association — Défaut d’affectation individuelle — Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑236/10,

Asociación Española de Banca, établie à Madrid (Espagne), représentée par Mes J. Buendía Sierra, E. Abad Valdenebro, M. Muñoz de Juan et R. Calvo Salinero, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. R. Lyal et C. Urraca Caviedes, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de l’article 1er, paragraphe 1, et, subsidiairement, de l’article 4 de la décision 2011/5/CE de la Commission, du 28 octobre 2009, relative à l’amortissement fiscal de la survaleur financière en cas de prise de participations étrangères C 45/07 (ex NN 51/07, ex CP 9/07) appliqué par l’Espagne (JO 2011, L 7, p. 48),

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de M. L. Truchot (rapporteur), président, Mme M. E. Martins Ribeiro et M. A. Popescu, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        Par plusieurs questions écrites posées en 2005 et en 2006 (E-4431/05, E-4772/05, E-5800/06 et P-5509/06), des membres du Parlement européen ont interrogé la Commission des Communautés européennes sur la qualification d’aide d’État du dispositif prévu par l’article 12, paragraphe 5, introduit dans la loi espagnole relative à l’impôt sur les sociétés par la Ley 24/2001, de Medidas Fiscales, Administrativas y del Orden Social (loi 24/2001, portant adoption de mesures fiscales, administratives et d’ordre social), du 27 décembre 2001 (BOE no 313, du 31 décembre 2001, p. 50493), et repris par le Real Decreto Legislativo 4/2004, por el que se aprueba el texto refundido de la Ley del Impuesto sobre Sociedades (décret législatif royal 4/2004, portant approbation du texte remanié de la loi relative à l’impôt sur les sociétés), du 5 mars 2004 (BOE no 61, du 11 mars 2004, p. 10951) (ci-après le « régime litigieux »). La Commission a répondu en substance que, selon les informations dont elle disposait, le régime litigieux ne semblait pas entrer dans le champ d’application des règles relatives aux aides d’État.

2        Par lettres du 15 janvier et du 26 mars 2007, la Commission a invité les autorités espagnoles à lui fournir des informations afin d’évaluer la portée et les effets du régime litigieux. Par lettres du 16 février et du 4 juin 2007, le Royaume d’Espagne a communiqué à la Commission les informations demandées.

3        Par télécopie du 28 août 2007, la Commission a reçu une plainte d’un opérateur privé affirmant que le régime litigieux constituait une aide d’État incompatible avec le marché commun.

4        Par décision du 10 octobre 2007 (résumé au JO C 311, p. 21), la Commission a ouvert une procédure formelle d’examen concernant le régime litigieux.

5        Par lettre du 5 décembre 2007, la Commission a reçu les observations du Royaume d’Espagne sur cette décision d’ouverture de la procédure formelle. Entre le 18 janvier et le 16 juin 2008, la Commission a également reçu les observations de 32 tiers intéressés, dont celles de la requérante, l’Asociación Española de Banca. Par lettres du 30 juin 2008 et du 22 avril 2009, le Royaume d’Espagne a présenté ses commentaires sur les observations des tiers intéressés.

6        Le 18 février 2008, le 12 mai et le 8 juin 2009, des réunions techniques ont été organisées avec les autorités espagnoles. D’autres réunions techniques ont également été organisées avec certains des 32 tiers intéressés.

7        Par lettre du 14 juillet 2008 et par courrier électronique du 16 juin 2009, le Royaume d’Espagne a soumis des informations additionnelles à la Commission.

8        La Commission a clôturé la procédure, en ce qui concerne les prises de participations réalisées au sein de l’Union européenne, par sa décision 2011/5/CE, du 28 octobre 2009, relative à l’amortissement fiscal de la survaleur financière en cas de prise de participations étrangères C 45/07 (ex NN 51/07, ex CP 9/07) appliqué par l’Espagne (JO 2011, L 7, p. 48, ci‑après la « décision attaquée »).

9        La décision attaquée déclare incompatible avec le marché commun le régime litigieux, consistant en un avantage fiscal permettant aux sociétés espagnoles d’amortir la survaleur résultant d’une prise de participations dans des entreprises étrangères, lorsqu’il s’applique à des prises de participations dans des entreprises établies au sein de l’Union.

10      L’article 1er, paragraphes 2 et 3, de la décision attaquée permet cependant au régime litigieux de continuer à s’appliquer, en vertu du principe de protection de la confiance légitime, aux prises de participations opérées avant la publication au Journal officiel de l’Union européenne de la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen, intervenue le 21 décembre 2007, ainsi qu’aux prises de participations dont la réalisation, subordonnée à une autorisation d’une autorité de régulation à laquelle l’opération a été notifiée avant cette date, était irrévocablement engagée avant le 21 décembre 2007.

 Procédure et conclusions des parties

11      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 21 mai 2010, la requérante a introduit le présent recours.

12      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 30 septembre 2010, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

13      Le 16 novembre 2010, la requérante a présenté ses observations sur l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission.

14      La requérante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours recevable ;

–        annuler l’article 1er, paragraphe 1, de la décision attaquée ;

–        à titre subsidiaire, annuler l’article 4 de la décision attaquée, dans la mesure où il prévoit une obligation de récupération pour les opérations réalisées avant la publication au Journal officiel de la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

15      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours irrecevable ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

16      En vertu de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure, si une partie le demande, le Tribunal peut statuer sur l’irrecevabilité sans engager le débat au fond. Conformément au paragraphe 3 du même article, la suite de la procédure est orale, sauf décision contraire du Tribunal. En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide qu’il n’y a pas lieu d’ouvrir la procédure orale.

17      La Commission fait valoir que le présent recours est irrecevable au motif que la requérante n’a pas démontré qu’elle avait qualité pour agir contre la décision attaquée.

18      Aux termes de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, « [t]oute personne physique ou morale peut former, dans les conditions prévues aux premier et deuxième alinéas, un recours contre les actes dont elle est le destinataire ou qui la concernent directement et individuellement, ainsi que contre les actes réglementaires qui la concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d’exécution ».

19      Il y a lieu de rappeler qu’une association professionnelle qui est chargée de défendre les intérêts collectifs de ses membres, telle que la requérante, n’est en principe recevable à introduire un recours en annulation contre une décision finale de la Commission en matière d’aides d’État que dans deux hypothèses, à savoir, premièrement, si les entreprises qu’elle représente ou certaines d’entre elles ont qualité pour agir à titre individuel et, deuxièmement, si elle peut faire valoir un intérêt propre, notamment parce que sa position de négociatrice a été affectée par l’acte dont l’annulation est demandée (arrêt de la Cour du 22 juin 2006, Belgique et Forum 187/Commission, C‑182/03 et C‑217/03, Rec. p. II‑5479, point 56 ; arrêts du Tribunal du 12 décembre 1996, AIUFASS et AKT/Commission, T‑380/94, Rec. p. II‑2169, point 50, et du 9 septembre 2009, Diputación Foral de Álava e.a./Commission, T‑227/01 à T‑229/01, T‑265/01, T‑266/01 et T‑270/01, Rec. p. II‑3029, point 108).

20      La requérante fonde, à titre principal, sa qualité pour agir sur celle de ses membres.

21      Même si la requérante prétend, dans les observations sur l’exception d’irrecevabilité, « défendre les intérêts de tous ses membres concernés directement et individuellement par la décision attaquée », elle présente des éléments visant à établir la qualité pour agir de seulement trois de ses membres, le Banco Bilbao Vizcaya Argentaria, SA (ci-après le « BBVA ») et le Banco Santander, SA, qui ont chacun introduit un recours contre la décision attaquée (respectivement, affaire T‑225/10 et affaire T‑227/10), ainsi que le Banco Popular Español, SA, qui n’a pas formé de recours contre la décision attaquée.

22      S’agissant du BBVA et du Banco Santander, la Commission affirme que la requérante ne saurait représenter leurs intérêts, puisque ceux-ci défendent leurs propres intérêts dans le cadre des recours qu’ils ont introduits contre la décision attaquée.

23      Il y a lieu de rappeler à cet égard que la première hypothèse de recevabilité d’un recours formé par une association fondée sur la représentation de ses membres (voir point 19 ci-dessus) est, selon la jurisprudence, celle dans laquelle l’association, en introduisant son recours, s’est substituée à l’un ou à plusieurs de ses membres qu’elle représente, à la condition que ses membres eux-mêmes aient été en situation d’introduire un recours recevable (arrêt AIUFASS et AKT/Commission, précité, point 50, et ordonnance du Tribunal du 18 septembre 2006, Wirtschaftskammer Kärnten et best connect Ampere Strompool/Commission, T‑350/03, non publiée au Recueil, point 25).

24      Ainsi que l’a relevé le Tribunal, dans son arrêt du 6 juillet 1995, AITEC e.a./Commission (T‑447/93 à T‑449/93, Rec. p. II‑1971, point 60), le recours introduit par une association présente des avantages procéduraux en permettant d’éviter l’introduction d’un nombre élevé de recours différents dirigés contre les mêmes décisions. Cette première hypothèse de recevabilité d’un recours formé par une association suppose ainsi que l’association agisse en lieu et place de ses membres. Il en résulte qu’une association, agissant en tant que représentant de ses membres, est recevable à agir en annulation lorsque ceux-ci n’ont pas eux-mêmes formé un recours alors qu’ils auraient été recevables à le faire.

25      Le Tribunal a ainsi jugé, dans son arrêt du 11 juin 2009, Confservizi/Commission (T‑292/02, Rec. p. II‑1659, point 55), que l’association requérante n’avait pas représenté les intérêts de ceux de ses membres qui avaient introduit leurs propres recours dans les affaires T‑297/02, T‑300/02, T‑301/02, T‑309/02 et T‑189/03, ceux-ci ayant représenté leurs propres intérêts par la formation desdits recours. Contrairement à ce que soutient la requérante, le fait qu’il ne s’agisse pas de la seule considération ayant conduit à déclarer le recours irrecevable ne permet pas de considérer que celle-ci est erronée et contraire à la jurisprudence.

26      À cet égard, il y a lieu de relever que les arrêts cités par la requérante ne vont pas à l’encontre de cette solution jurisprudentielle. En effet, ils se prononcent sur des recours collectifs formés par une ou plusieurs associations et un ou plusieurs de leurs membres. Or, en présence d’un recours collectif, dès lors que la qualité pour agir de l’une des parties au recours est admise, il n’y a pas lieu d’examiner celle des autres parties conformément à une jurisprudence constante (arrêt de la Cour du 24 mars 1993, CIRFS e.a./Commission, C‑313/90, Rec. p. I‑1125, point 31). Ainsi, contrairement à ce que fait valoir la requérante, la plupart des arrêts qu’elle cite se sont en réalité limités à déclarer le recours recevable en se fondant sur la qualité pour agir d’un ou plusieurs des membres de l’association sans se prononcer sur la qualité pour agir de cette association (arrêts du Tribunal du 27 avril 1995, AAC e.a./Commission, T‑442/93, Rec. p. II‑1329, point 55 ; AITEC e.a./Commission, précité, point 82 ; du 22 octobre 1996, Skibsværftsforeningen/Commission, T‑266/94, Rec. p. II‑1399, point 51, et du 17 juin 1999, ARAP e.a./Commission, T‑82/96, Rec. p. II‑1889, points 39 à 41).

27      Un seul arrêt, l’arrêt du Tribunal du 4 mars 2009, Associazione italiana del risparmio gestito et Fineco Asset Management/Commission (T‑445/05, Rec. p. II‑289), se prononce explicitement sur la recevabilité du recours formé par l’association après avoir statué sur celle du recours introduit par l’un de ses membres, pour déduire la recevabilité du premier de celle du second (point 56 de l’arrêt). Toutefois, il ne saurait en être tiré une règle générale relative à la recevabilité des recours formés par les seules associations, selon laquelle ces dernières seraient recevables à agir si leurs membres l’étaient, que ceux-ci aient ou non introduit leur propre recours. En effet, dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, le membre de l’association requérante n’avait pas introduit un recours distinct, mais avait formé avec l’association un seul et même recours, de sorte qu’il n’était pas porté atteinte à l’avantage procédural mentionné au point 24 ci‑dessus.

28      Quant à l’arrêt du Tribunal du 21 mai 2010, France e.a./Commission (T‑425/04, T‑444/04, T‑450/04 et T‑456/04, Rec. p. II‑2099), également cité par la requérante, il ne permet pas davantage d’en déduire une telle règle, dès lors qu’il ne s’est pas prononcé sur la recevabilité du recours formé dans l’affaire T‑456/04 par l’association requérante. Il convient de rappeler au demeurant que le recours d’une association peut être déclaré recevable, malgré l’introduction de recours par ses membres, en raison de l’affectation de ses intérêts propres (voir point 19 ci-dessus). De même, dans l’arrêt du Tribunal du 7 juin 2006, UFEX e.a./Commission (T‑613/97, Rec. p. II‑1531), également cité par la requérante, statuant sur un recours formé par une association et trois de ses membres, ne figure aucune considération relative à la recevabilité du recours.

29      Par ailleurs, contrairement à ce que soutient la requérante, une telle solution ne prive pas l’article 263 TFUE de son effet utile et ne porte atteinte ni au principe de sécurité juridique ni à ses droits de la défense. Elle fait certes dépendre la recevabilité du recours des associations de l’absence d’introduction de recours par d’autres parties, en l’occurrence leurs membres. Cependant, une telle situation ne peut être considérée comme étant source d’incertitude ou d’insécurité, dès lors qu’il peut être légitimement attendu d’une association chargée de défendre les intérêts de ses membres qu’elle ait connaissance des recours introduits par ceux-ci, et réciproquement. En outre, l’irrecevabilité du recours de l’association requérante en raison des recours formés par ses membres ne porte pas atteinte à l’effet utile de l’article 263 TFUE et à ses droits de la défense, c’est-à-dire en substance à son droit à une protection juridictionnelle effective. De deux choses l’une en effet, soit l’association requérante introduit un recours pour défendre les intérêts de ses membres ayant qualité pour agir et le recours déclaré recevable sera celui du membre de l’association ou celui de l’association selon que l’un de ses membres ait ou non introduit son propre recours ; soit l’association introduit un recours pour défendre son propre intérêt et son recours pourra être déclaré recevable, malgré la formation de recours par ses membres, si l’existence d’un tel intérêt est établie (voir points 42 à 46 ci-après).

30      Il en résulte que le présent recours ne saurait être déclaré recevable sur le fondement de la représentation par la requérante du BBVA et du Banco Santander dès lors que ceux-ci ont formé leurs propres recours, et ce sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité des recours formés par ces deux sociétés.

31      S’agissant du Banco Popular Español, que la requérante évoque à titre subsidiaire, celle-ci a joint en annexe à ses observations sur l’exception d’irrecevabilité un document attestant que cette société avait fait application du régime litigieux en 2007 et en 2008, notamment pour une prise de participations dans une société portugaise en juin 2003. Toutefois, la requérante précise que le Banco Popular Español n’a pas été soumis à un ordre de récupération.

32      À cet égard, la requérante soutient, premièrement, en se fondant sur la jurisprudence, que la reconnaissance de l’affectation individuelle du bénéficiaire d’une aide octroyée en vertu d’un régime d’aides déclaré illégal et incompatible ne saurait être limitée aux cas où la restitution de cette aide lui est imposée. Selon elle, en effet, l’obligation de récupération ne serait examinée par la jurisprudence qu’à titre surabondant.

33      Cet argument doit être rejeté. En effet, selon une jurisprudence constante, une entreprise ne saurait, en principe, être recevable à introduire un recours en annulation d’une décision de la Commission interdisant un régime d’aides sectoriel si elle n’est concernée par cette décision qu’en raison de son appartenance au secteur en question et de sa qualité de bénéficiaire potentiel dudit régime. En effet, une telle décision se présente, à l’égard de cette entreprise, comme une mesure de portée générale qui s’applique à des situations déterminées objectivement et comporte des effets juridiques à l’égard d’une catégorie de personnes envisagées de manière générale et abstraite (voir arrêt de la Cour du 29 avril 2004, Italie/Commission, C‑298/00 P, Rec. p. I‑4087, point 37, et la jurisprudence citée, et arrêt du Tribunal du 11 juin 2009, Acegas/Commission, T‑309/02, Rec. p. II‑1809, point 47, et la jurisprudence citée).

34      Toutefois, dès lors que l’entreprise requérante n’est pas seulement concernée par la décision en cause en tant qu’entreprise du secteur concerné, potentiellement bénéficiaire du régime d’aides, mais également en sa qualité de bénéficiaire effectif d’une aide individuelle octroyée au titre de ce régime et dont la Commission a ordonné la récupération, elle est individuellement concernée par ladite décision et son recours dirigé contre celle-ci est recevable (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 19 octobre 2000, Italie et Sardegna Lines/Commission, C‑15/98 et C‑105/99, Rec. p. I‑8855, points 34 et 35, et arrêt du Tribunal du 10 septembre 2009, Banco Comercial dos Açores/Commission, T‑75/03, non publié au Recueil, point 44).

35      Les arrêts cités au point 33 ci-dessus de même que les décisions citées par la requérante subordonnent, dans des termes identiques, l’affectation individuelle d’un requérant par une décision déclarant un régime d’aides incompatible à la démonstration de sa qualité de bénéficiaire effectif d’une aide individuelle octroyée au titre de ce régime et dont la Commission a ordonné la récupération (arrêts du Tribunal du 20 septembre 2007, Salvat père & fils e.a./Commission, T‑136/05, Rec. p. II‑4063, point 70 ; du 11 juin 2009, ACEA/Commission, T‑297/02, Rec. p. II‑1683, point 45, et AEM/Commission, T‑301/02, Rec. p. II‑1757, point 45). Il ne saurait être déduit de cette formulation, qui place l’obligation de récupération sur le même plan que la qualité de bénéficiaire effectif du requérant, que l’exigence d’une telle obligation serait d’une importance secondaire, voire serait superfétatoire.

36      Il y a lieu de relever par ailleurs que l’arrêt du Tribunal du 28 novembre 2008, Hôtel Cipriani e.a./Commission (T‑254/00, T‑270/00 et T‑277/00, Rec. p. II‑3269, point 84), également cité par la requérante, se limite à réitérer les deux conditions susmentionnées et accorde même une importance particulière à l’ordre de récupération en considérant que l’individualisation résulte en l’occurrence de l’atteinte particulière portée par l’ordre de récupération aux intérêts des membres parfaitement identifiables de ce cercle fermé. La Cour, statuant sur le pourvoi formé contre cet arrêt, a estimé que c’était à bon droit que le Tribunal avait considéré que les entreprises requérantes avaient qualité pour agir en ce qu’elles étaient individuellement concernées par la décision litigieuse en raison de l’atteinte particulière portée à leur situation juridique par l’ordre de récupération des aides concernées (arrêt de la Cour du 9 juin 2011, Comitato « Venezia vuole vivere » e.a./Commission, C‑71/09 P, C‑73/09 P et C‑76/09 P, Rec. p. I‑4727, point 51). Il en résulte que, lorsqu’un acte attaqué exige la récupération des aides octroyées en vertu d’un régime d’aides, seuls sont individuellement concernés par cet acte les requérants visés par l’obligation de récupération (ordonnance du Tribunal du 21 mars 2012, Ebro Foods/Commission, T‑234/10, non publiée au Recueil, point 28).

37      La requérante soutient, deuxièmement, que l’exclusion des opérations antérieures au 21 décembre 2007 du champ d’application de l’obligation de récupération en vertu du principe de protection de la confiance légitime n’est pas définitive, en raison du recours formé par Deutsche Telekom AG dans l’affaire T‑207/10 contre cette partie du dispositif de la décision attaquée.

38      Par cette argumentation, la requérante confond la condition de recevabilité de l’affectation individuelle avec celle de l’intérêt à agir. En effet, si l’intérêt à agir peut être établi grâce notamment à des actions formées devant le juge national postérieurement à l’introduction du recours devant le juge de l’Union (arrêt du Tribunal du 22 octobre 2008, TV 2/Danmark e.a./Commission, T‑309/04, T‑317/04, T‑329/04 et T‑336/04, Rec. p. II‑2935, points 78 à 82), l’affectation individuelle d’une personne physique ou morale s’apprécie au jour de l’introduction du recours et ne dépend que de la décision attaquée. Ainsi, une personne concernée individuellement par une décision déclarant une aide incompatible avec le marché commun et enjoignant sa récupération le reste, même s’il apparaît par la suite que le remboursement ne lui sera pas demandé (voir, en ce sens, arrêt Comitato « Venezia vuole vivere » e.a./Commission, précité, point 56, et conclusions de l’avocat général Mme Trstenjak sous cet arrêt, Rec. p. I‑4727, points 81 et 82).

39      En outre, il y a lieu de rappeler que, pour être individuellement concerné par l’acte attaqué, le requérant doit établir son appartenance à un cercle fermé, c’est-à-dire à un groupe qui ne peut plus être élargi après l’adoption de l’acte attaqué (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 26 juin 1990, Sofrimport/Commission, C‑152/88, Rec. p. I‑2477, point 11, et Belgique et Forum 187/Commission, précité, point 63).

40      Il en résulte que, en l’espèce, l’annulation éventuelle de l’article 1er, paragraphe 2, de la décision attaquée par le Tribunal et la récupération subséquente des aides litigieuses auprès du Banco Popular Español ne permettent pas de considérer que celui-ci est individuellement concerné.

41      Par conséquent, le présent recours ne saurait pas davantage être déclaré recevable sur le fondement de la représentation par la requérante du Banco Popular Español.

42      La requérante invoque, à titre subsidiaire, au soutien de la recevabilité de son recours, son intérêt propre résultant de sa participation à la procédure formelle d’examen.

43      Selon une jurisprudence constante, établie dans le cadre de recours formés par des associations, notamment à partir de l’arrêt de la Cour du 2 février 1988, Kwekerij van der Kooy e.a./Commission (67/85, 68/85 et 70/85, Rec. p. 219), et de l’arrêt CIRFS e.a./Commission, précité, allégués par la requérante, un requérant peut certes être individuellement concerné du fait de sa participation active à la procédure ayant conduit à l’adoption de l’acte attaqué. Toutefois, étaient en cause des situations particulières dans lesquelles le requérant occupait une position de négociateur clairement circonscrite et intimement liée à l’objet même de la décision, le mettant dans une situation de fait qui le caractérisait par rapport à toute autre personne (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 9 juillet 2009, 3F/Commission, C‑319/07 P, Rec. p. I‑5963, points 85 à 95, et la jurisprudence citée).

44      En particulier, il ressort de l’arrêt de la Cour du 13 décembre 2005, Commission/Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum (C‑78/03 P, Rec. p. I‑10737, point 58), que le rôle d’une association qui ne dépasse pas l’exercice des droits procéduraux reconnus aux intéressés par l’article 108, paragraphe 2, TFUE ainsi que par l’article 1er, sous h), et l’article 20 du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [108 TFUE] (JO L 83, p. 1), ne saurait être assimilé à celui des requérants dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts Kwekerij van der Kooy e.a./Commission et CIRFS e.a./Commission, précités.

45      Les arrêts cités par la requérante ne permettent pas de remettre en cause cette interprétation de l’arrêt Kwekerij van der Kooy e.a./Commission, précité. En effet, le point 35 de l’arrêt AAC e.a./Commission, précité, figure dans la partie « Arguments des parties » de l’arrêt et expose un argument de la Commission visant à contester la recevabilité du recours formé par l’Association des amidonneries de céréales de la CEE (AAC) en présentant son interprétation de l’arrêt Kwekerij van der Kooy e.a./Commission, précité. Par ailleurs, au point 89 de l’arrêt Diputación Foral de Álava e.a./Commission, précité, également cité par la requérante, le Tribunal a admis que, en raison de sa participation à la procédure administrative, le demandeur en intervention justifiait d’un intérêt à la solution du litige. Le Tribunal s’est ainsi prononcé sur une condition distincte de celle en cause en l’espèce, à savoir celle de l’intérêt à la solution du litige requis par l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne pour intervenir à un litige.

46      En l’espèce, la requérante s’étant limitée à présenter ses observations lors de la procédure formelle d’examen, comme les autres parties intéressées, son recours ne saurait être déclaré recevable sur le fondement de la défense de ses intérêts propres dans le cadre de la procédure ayant abouti à la décision attaquée.

47      Il résulte de tout ce qui précède qu’il y a lieu de rejeter le présent recours comme irrecevable.

 Sur les dépens

48      En vertu de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, la partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté.

2)      L’Asociación Española de Banca est condamnée aux dépens.

Fait à Luxembourg, le 29 mars 2012.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       L. Truchot


* Langue de procédure : l’espagnol.