Language of document : ECLI:EU:T:1999:172

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

21 septembre 1999 (1)

«Agent temporaire stagiaire — Licenciement, à l'issue du stage, pour insuffisance professionnelle — Recours en annulation — Correspondance entre le grade et la fonction — Retard dans la transmission des documents sociaux — Recours en indemnité — Préjudice»

Dans l'affaire T-98/98,

Tania Trigari-Venturin, ancien agent temporaire du Centre de traduction des organes de l'Union européenne, demeurant à Sandweiler (Luxembourg), représentée par Mes Jean-Noël Louis et Françoise Parmentier, avocats au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de la fiduciaire Myson SARL, 30, rue de Cessange,

partie requérante,

contre

Centre de traduction des organes de l'Union européenne, représenté par Mme Nadia Lamboray, agent temporaire chargée des affaires juridiques, assistée de Me Denis Waelbroeck, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de Mme Lamboray, 1, rue du Fort Thüngen, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d'une part, une demande tendant à l'annulation de la décision du Centre de traduction des organes de l'Union européenne, du 9 octobre 1997, portant licenciement de la requérante avec effet au 31 octobre 1997, et, d'autre part, une demande de réparation des préjudices moral et matériel que ledit licenciement a causé à la requérante,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre),

composé de MM. M. Jaeger, président, K. Lenaerts et J. Azizi, juges,

greffier: M. A. Mair, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 3 juin 1999,

rend le présent

Arrêt

Faits à l'origine du litige

1.
    Par lettre du 14 mars 1996, accompagnée de son curriculum vitae, la requérante a posé sa candidature à «un éventuel poste de secrétaire ou d'employée administrative» au sein des services du Centre de traduction des organes de l'Union européenne (ci-après «Centre de traduction»), dont les activités venaient de commencer.

2.
    En novembre 1996, le Centre de traduction a constitué un comité de sélection chargé de procéder à l'évaluation des candidatures reçues depuis sa création pour des emplois d'agents administratifs de catégorie C (agents temporaires) et à l'audition des candidats. Les candidats retenus ont été inscrits sur une liste d'aptitude.

3.
    Par lettre du 10 décembre 1996, le directeur du Centre de traduction, M. de Vicente, a informé la requérante que son nom avait été inscrit sur la liste des personnes jugées aptes à occuper un emploi d'«agent administratif C» au Centre de traduction.

4.
    Par lettre du 25 mars 1997, M. de Vicente a informé la requérante que le Centre de traduction était en mesure de lui offrir un contrat d'agent temporaire de catégorie C pour une période de trois ans.

5.
    Par lettre du 1er avril 1997, la requérante a indiqué à M. de Vicente qu'elle acceptait cette offre du Centre de traduction.

6.
    La requérante est entrée au service du Centre de traduction le 1er mai 1997. Son contrat d'agent temporaire, conclu pour une durée déterminée de trois ans, stipulait qu'elle était engagée pour exercer les fonctions de dactylographe et classée dans la catégorie C, grade 5, échelon 3.

7.
    L'article 5 dudit contrat stipulait:

«a)    En vertu des dispositions de l'article 14 du régime applicable aux autres agents des Communautés européennes, l'agent est soumis à un stage de six mois.

    Au cours ou à l'issue de ce stage, il est mis fin à l'engagement de l'agent qui n'a pas fait preuve de qualités professionnelles suffisantes, dans les conditions prévues à l'article 14.

b)    La résiliation du contrat par l'institution ou par l'agent pour les causes prévues aux articles 47 à 50 du régime applicable aux autres agents des Communautés européennes se fait dans les conditions fixées à ces articles.

    Conformément aux dispositions de l'article 47, paragraphe 1, [sous] b), du régime applicable aux autres agents, le délai de préavis est fixé à trois mois. En cas de renouvellement du contrat, le délai de préavis est fixé à un mois par année de service, sans pouvoir être supérieur à six mois.»

8.
    En application de l'article 5 de son contrat, la requérante a effectué un stage de six mois.

9.
    La requérante a été affectée au service «comptabilité et administration» du Centre de traduction, où elle s'est initialement vu confier les tâches de classement de documents, d'encodage de données dans des tableaux conçus avec le logiciel «Excel», d'établissement de formulaires d'ordre de paiement, de gestion du courrier échangé avec les contractants, d'encodage des horaires du personnel, de collecte des demandes de congé et de commande de petites fournitures.

10.
    En juin 1997, la requérante s'est vu confier de nouvelles tâches au sein du même service, consistant à remplir les champs libres usuels d'un formulaire type d'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), à rechercher des offres pour l'achat de mobilier et à préparer un tableau en vue de l'évaluation de ces prix par le responsable du service.

11.
    Le Centre de traduction a ensuite demandé à la requérante d'apporter une assistance administrative au service de standardisation, qui organisait une formation

pour les agences de traduction free-lance (à savoir récolter des informations sur le nom des traducteurs participant au programme et donner des informations sur les hôtels et le remboursement des frais de mission).

12.
    A partir du 15 septembre 1997, la requérante s'est vu confier l'encodage des horaires de travail du personnel et l'assistance du personnel de la réception du Centre de traduction.

13.
    Le 9 octobre 1997, le directeur du Centre de traduction, M. de Vicente, a communiqué à la requérante son rapport de fin de stage. Dans une lettre d'accompagnement datée du même jour, le directeur du Centre de traduction indiquait à la requérante:

«Votre rapport de stage traduit:

Au point 'aptitude à s'acquitter de ses fonctions‘: une incapacité à vous adapter aux tâches qui vous ont été confiées initialement dans le service 'comptabilité‘. C'est ainsi que, au vu de vos résultats médiocres, nous vous avons confié, au mois de juin, la gestion de nouvelles tâches consistant en: recherche d'offres pour l'achat de mobilier, préparation des formulaires d'exonération de la TVA ainsi que des tâches de dactylographie. Vous n'avez pas davantage donné satisfaction dans ces nouvelles missions. Enfin, depuis le 15 septembre, votre fonction est restreinte à la gestion des horaires de travail du personnel et à une collaboration avec le personnel de la réception.

Au point 'rendement‘: la qualité de votre travail est irrégulière et démontre à l'évidence une absence de sérieux dans l'exécution du travail qui vous est confié.

Au point 'conduite dans le service‘: une absence d'effort pour vous intégrer à l'équipe de travail ce qui a gêné la bonne marche du service.»

14.
    Dans cette même lettre, le directeur du Centre de traduction indiquait également à la requérante:

«Dans ces conditions, j'ai décidé, en application de l'article 14, [troisième alinéa], du [régime applicable aux autres agents], de vous licencier avec effet au 31 octobre 1997, au motif que vous n'avez pas fait preuve de qualités suffisantes pour être maintenue dans votre emploi.

Je vous rappelle que, conformément aux dispositions de l'article 14, vous pouvez formuler par écrit vos observations.

En conséquence, je vous invite à me faire part de vos observations éventuelles dans un délai de dix jours ouvrables à compter de la date de réception du rapport. L'absence de réponse de votre part dans ce délai sera considérée comme une approbation du présent rapport.»

15.
    Le 22 octobre 1997, la requérante a communiqué à M. de Vicente ses observations sur son rapport de stage, par lesquelles elle contestait les appréciations négatives portées à son encontre et demandait l'établissement d'un nouveau rapport de fin de stage plus positif.

16.
    Le 24 octobre 1997, le conseil de la requérante a adressé une lettre au directeur du Centre de traduction pour lui signaler de nombreuses irrégularités affectant tant les conditions de stage que l'établissement du rapport de stage et la décision de licenciement.

17.
    Le 12 novembre 1997, le conseil de la requérante a adressé une nouvelle lettre à M. de Vicente, dans laquelle il s'étonnait de n'avoir reçu aucune réponse à son courrier précédent et invitait le Centre de traduction à établir les documents légaux nécessaires à son inscription comme demandeur d'emploi au Luxembourg. Le 8 décembre 1997, il a adressé un second rappel à M. de Vicente.

18.
    Par lettre du 4 décembre 1997, reçue par la requérante le 14 janvier 1998, M. de Vicente a informé son conseil que, après réexamen en profondeur de son dossier et de la correspondance échangée avec elle et son conseil, et après un délai de réflexion suffisant, il ne voyait pas d'éléments nouveaux de nature à le faire revenir sur sa position.

19.
    Le 18 décembre 1997, la requérante a rencontré le chef de l'unité chargé du personnel affecté au Luxembourg de la direction générale Personnel et administration de la Commission (DG IX) afin de s'informer des formalités à accomplir pour bénéficier des allocations de chômage.

20.
    Le 8 janvier 1998, la requérante a introduit une réclamation au titre de l'article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires de Communautés européennes (ci-après «statut»), tendant, à titre principal, à obtenir l'annulation de la décision du 9 octobre 1997 de la licencier avec effet au 31 octobre suivant, ainsi que le versement d'une somme de 100 000 BFR en réparation du préjudice moral subi, et, à titre subsidiaire, au versement d'une somme équivalente aux indemnités de chômage auxquelles elle avait droit.

21.
    Par lettre du 9 janvier 1998, reçue le 14 janvier 1998, le Centre de traduction a transmis à la requérante une attestation de licenciement.

22.
    Le 27 janvier 1998, la requérante à adressé au Centre de traduction un modèle d'attestation patronale établi par l'administration luxembourgeoise de l'emploi. Par lettre du 9 février 1998, le Centre de traduction a renvoyé à la requérante l'attestation dûment complétée.

23.
    Par lettre du 12 mars 1998, M. de Vicente a indiqué à la requérante:

«[...] il vous sera accordé une indemnité égale au tiers de votre traitement de base par mois de stage accompli. La somme de 178 994 LFR vous sera prochainement versée sur votre compte en banque. Cette indemnité s'ajoute à l'allocation de départ qui vous est due [article 39 du régime applicable aux autres agents] ainsi qu'au paiement d'éventuels congés non pris.»

24.
    Le 7 mai 1998, le Centre de traduction a adopté une décision explicite de rejet de la réclamation de la requérante.

Procédure

25.
    C'est dans ces circonstances que, le 30 juin 1998, la requérante a introduit leprésent recours.

26.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d'instruction préalables.

27.
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l'audience qui s'est déroulée le 3 juin 1999.

Conclusions des parties

28.
    La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    annuler la décision du Centre de traduction, du 9 octobre 1997, de la licencier avec effet au 31 octobre suivant;

—    condamner le défendeur à lui verser un euro symbolique en réparation du préjudice moral subi et 500 000 BFR en réparation du préjudice matériel subi, sous réserve de majoration ou de minoration en cours d'instance;

—    condamner le défendeur au paiement des intérêts moratoires sur toutes les sommes dues en exécution de l'arrêt à intervenir, calculés au taux de 8 % l'an;

—    condamner le défendeur aux dépens.

29.
    Le défendeur conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    rejeter comme étant irrecevable le moyen que la requérante tire d'une violation de l'obligation de motivation;

—    rejeter le recours comme non fondé dans son ensemble;

—    rejeter les demandes d'indemnisation comme non fondées;

—    statuer comme de droit sur les dépens.

Sur le fond

Sur les conclusions en annulation

30.
    La requérante soulève cinq moyens au soutien de son recours. Le premier moyen est tiré d'une violation des articles 9 et 10 du régime applicable aux autres agents des Communautés européennes (ci-après «RAA»), d'une erreur manifeste d'appréciation et d'une violation du principe de concordance entre le grade et la fonction. Le deuxième moyen est tiré d'une violation de ses droits de la défense et d'un détournement de procédure. Le troisième moyen est tiré d'une violation de l'article 15, paragraphe 2, du RAA, et de l'article 17, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 2965/94 du Conseil, du 28 novembre 1994, portant création d'un Centre de traduction des organes de l'Union européenne (JO L 314, p. 1, ci-après «règlement»). Le quatrième moyen est tiré d'une violation des articles 14 du RAA et 5 de son contrat d'agent temporaire. Le cinquième moyen est tiré d'une violation de l'obligation de motivation.

Sur le premier moyen, tiré d'une violation des articles 9 et 10 du RAA, d'une erreur manifeste d'appréciation et d'une violation du principe de concordance entre le grade et la fonction

— Arguments des parties

31.
    La requérante relève qu'elle a été engagée par le Centre de traduction pour exercer les fonctions de dactylographe et classée dans la catégorie C, grade 5, échelon 3. Elle soutient qu'elle devait, dès lors, être affectée à un emploi de dactylographe pour toute la durée de son contrat et que, si des fonctions correspondant à une catégorie supérieure lui étaient confiées, il appartenait à l'autorité habilitée à conclure les contrats (ci-après «AHCC») de rédiger un avenant à son contrat.

32.
    Or, il ressortirait tant de son rapport de stage que de la lettre du directeur du Centre de traduction du 9 octobre 1997 que des tâches de dactylographie ne lui ont été confiées que de manière incidente. Elle aurait, ainsi, été appelée à exercer des fonctions ne correspondant pas à celles relevant de l'emploi pour lequel elle avait été recrutée et pour l'exercice desquelles elle n'avait ni la formation ni l'expérience professionnelle indispensables.

33.
    S'appuyant sur l'arrêt du Tribunal du 30 novembre 1994, Correia/Commission (T-568/93, RecFP p. II-857), elle affirme également qu'elle n'a bénéficié d'aucun

encadrement propre à lui permettre d'exercer les tâches qui lui avaient été confiées et en déduit que son stage ne s'est pas déroulé dans des conditions normales.

34.
    Enfin, elle soutient que la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, en ce que le Centre de traduction aurait apprécié la qualité de son travail par rapport à des fonctions supérieures à celles pour lesquelles elle a été recrutée et qu'elle a été amenée à exercer sans encadrement adéquat.

35.
    Le défendeur estime que la requérante interprète de manière excessivement restrictive les fonctions afférentes à l'emploi pour lequel elle avait fait acte de candidature. Il rappelle, à cet égard, que la requérante avait postulé à un emploi de secrétaire ou d'employée administrative, faisant valoir treize ans et demi d'expérience professionnelle, notamment comme aide comptable ou comme employée de banque, et que sa candidature avait été retenue dans le cadre d'une sélection visant à pourvoir à des emplois d'agents administratifs de catégorie C, laquelle, selon l'article 5, paragraphe 1, du statut, correspond à des fonctions d'exécution. Il n'aurait, à aucun moment de la procédure de sélection, été question de «fonction de dactylographe». Il relève que les lettres de la requérante et du Centre de traduction des 10 décembre 1996, 25 mars et 1er avril 1997, se référaient à un poste d'agent administratif de catégorie C.

36.
    Le défendeur souligne que, si les tâches que devait accomplir la requérante n'ont pas fait l'objet d'une description écrite, elle a, toutefois, reçu des instructions verbales au même titre que toutes les personnes entrées en fonction au Centre de traduction.

37.
    Il soutient que, même si toutes les tâches successivement confiées à la requérante ne relevaient pas de la dactylographie à proprement parler, elles étaient, en toute hypothèse, d'un niveau équivalent et certainement pas supérieur à celui des tâches qui pouvaient raisonnablement être attendues d'un agent temporaire de son grade et de son expérience. Ces tâches n'impliqueraient nullement un niveau de responsabilité élevé.

38.
    Contrairement à ce que laisse entendre la requérante en citant certains passages de sa lettre du 22 octobre 1997, les nouvelles tâches qui lui avaient été confiées n'auraient pas entraîné un accroissement de sa charge de travail, mais l'auraient été en remplacement de celles dont elle s'acquittait mal ou dont elle ne s'acquittait pas. Le défendeur relève, à cet égard, que la plus grande partie du classement a été repris par un collègue de catégorie D, que les formulaires d'exonération de TVA ont finalement été remplis par une collègue de catégorie C et que, la requérante ayant refusé d'assurer le secrétariat administratif d'un séminaire organisé par le service d'administration, ce type de tâche ne lui a plus été confié.

39.
    Il ressortirait du curriculum vitae de la requérante qu'elle possédait la formation et l'expérience professionnelles requises pour l'exécution des tâches qui lui ont été confiées.

40.
    Le défendeur conteste formellement l'affirmation de la requérante, selon laquelle elle n'aurait bénéficié d'aucun encadrement. En effet, elle aurait été formée dès son arrivée à «Excel» et aurait ensuite été inscrite à une formation «Excel» organisée par la Commission. De même, elle aurait été encadrée dans ses tâches par la collègue de catégorie B partageant son bureau et, pour ce qui est des commandes, elle aurait eu à sa disposition des instructions précises sur les modalités à suivre et des exemplaires vierges de documents à remplir. Enfin, lorsque la requérante a été affectée à la réception, elle aurait reçu une formation au nouveau système informatique des heures de présences, mais le formateur externe aurait dû revenir à plusieurs reprises pour lui expliquer le système.

— Appréciation du Tribunal

41.
    Il convient de relever, à titre préliminaire, que la requérante n'a, dans sa requête, pas contesté en tant que telles les appréciations négatives portées, dans son rapport de stage et dans la lettre de licenciement du 9 octobre 1997 qui lui était jointe, sur ses qualités professionnelles. Elle soutient, en revanche, qu'elle a été appelée à exercer des fonctions sans relation avec celles correspondant à l'emploi pour lequel elle avait été recrutée et que l'éventuelle insuffisance de ses prestations résulte du défaut d'encadrement dont elle a fait l'objet, encadrement qu'exigeait le caractère supérieur des tâches qui lui ont été confiées.

42.
    Il convient donc d'examiner, en premier lieu, s'il existait une concordance entre, d'une part, son grade et l'emploi pour lequel elle a été recrutée et, d'autre part, les tâches qui lui ont été confiées, et, en deuxième lieu, si la requérante a bénéficié d'un encadrement suffisant.

43.
    Si, ainsi que le souligne le défendeur, il a toujours été fait référence, au cours des négociations précontractuelles, à un poste «d'agent administratif» et non de «dactylographe», force est, cependant, de constater que le contrat d'agent temporaire de la requérante mentionnait expressément qu'elle avait été engagée pour exercer les fonctions de «dactylographe». En outre, le tableau de concordance entre les emplois types et les carrières, figurant en annexe I du statut, indique que le grade C 5, auquel la requérante a été recrutée, correspond à un emploi de «dactylographe» ou de «commis adjoint».

44.
    Le terme «dactylographe» ne peut, cependant, pas être interprété de manière trop restrictive, mais doit, dans une administration moderne, être compris comme englobant une gamme de fonctions dépassant la simple frappe de documents. Il y a lieu de relever, à cet égard, que l'article 5, paragraphe 4, deuxième alinéa, du statut, précise que «[s]ur la base de ce tableau, chaque institution arrête, après avis du comité du statut visé à l'article 10, la description des fonctions et attributions que comporte chaque emploi type». Il s'ensuit que les termes mentionnés dans le tableau, dont celui de «dactylographe», ne doivent pas être interprétés

littéralement, mais sont susceptibles de recouvrir une gamme plus ou moins variée de fonctions, d'attributions et de tâches.

45.
    En l'espèce, il ressort de la description donnée par le défendeur, et non contestée par la requérante, que les différentes tâches qui lui ont été confiées doivent être considérées comme correspondant à un emploi de «dactylographe», la plupart de celles-ci relevant même d'une acceptation étroite de la fonction de dactylographe.

46.
    En tout état de cause, les attributions confiées à la requérante n'étaient pas d'un niveau supérieur à celui des attributions généralement confiées à un fonctionnaire ou agent temporaire de grade C 5.

47.
    Il y a d'ailleurs lieu de relever que, dans sa lettre d'observations sur son rapport de stage du 22 octobre 1997, la requérante n'a nullement invoqué une quelconque discordance entre son grade et les fonctions qui lui ont été confiées, ni fait valoir que celles-ci étaient d'un niveau supérieur à celui des fonctions correspondant à l'emploi pour lequel elle avait été recrutée.

48.
    Il résulte de ce qui précède que l'argument que la requérante tire d'une prétendue discordance entre son grade et les fonctions qu'elle avait été amenée à exercer n'est pas fondé. Il s'ensuit qu'il n'était pas nécessaire d'apporter une modification par avenant au contrat d'agent temporaire de la requérante, ni de lui fournir unsoutien particulier allant au-delà de l'encadrement ordinaire dont doit faire l'objet tout nouveau venu dans un service.

49.
    Il ressort d'ailleurs du dossier que la requérante n'a pas été abandonnée à elle-même, mais qu'elle a bénéficié de conseils et de formations divers. En outre, en vue d'apprécier la nécessité de lui prodiguer une assistance particulière, il convient de prendre en considération son expérience et sa formation. Or, les tâches qui lui ont été confiées au Centre de traduction ne sont pas d'un niveau supérieur à celui des tâches dont, d'après son curriculum vitae, elle a dû s'acquitter dans le cadre de ses nombreux emplois précédents.

50.
    Les griefs tirés de la non-concordance entre le grade attribué à la requérante et les fonctions qu'elle a exercées, du niveau prétendument supérieur des tâches qui lui ont été confiées par rapport au grade (C 5) qui lui a été attribué, de l'absence d'un encadrement suffisant et de l'absence d'un avenant au contrat d'agent temporaire ne sont donc pas fondés. Il s'ensuit que la requérante n'a pas démontré que son stage ne s'était pas déroulé dans des conditions normales. Il en résulte également que l'argument que la requérante tire de l'erreur manifeste d'appréciation commise par le Centre de traduction n'est pas fondé.

51.
    S'agissant du grief tiré d'une erreur manifeste d'appréciation, il convient de rappeler que, dans sa requête, la requérante n'a pas contesté les appréciations portées par le défendeur sur la qualité de ses prestations, mais s'est contentée de prétendre que la décision de licenciement était entachée d'une erreur manifeste

d'appréciation dans la mesure où elle se base sur les appréciations portées dans son rapport de fin de stage pour des fonctions supérieures à celles pour lesquelles elle a été recrutée. Les griefs tirés du caractère supérieur des tâches et du défaut d'encadrement étant non fondés, il y a également lieu de rejeter le grief tiré d'une erreur manifeste d'appréciation.

52.
    En tout état de cause, il ressort de la description des tâches confiées à la requérante, qu'elle n'a pas contestée dans sa requête, et de la manière dont celle-ci s'en est acquittée que l'AHCC n'a pas excédé le large pouvoir d'appréciation dont elle dispose en estimant qu'il n'était pas dans l'intérêt du service de reconduire son contrat d'agent temporaire au-delà de la période de stage.

53.
    Il s'ensuit que le premier moyen doit être rejeté dans son ensemble.

Sur le deuxième moyen, tiré, d'une violation des droits de la défense de la requérante et d'un détournement de procédure

— Arguments des parties

54.
    La requérante souligne que son rapport de fin de stage, accompagné de la décision de la licencier avec effet au 31 octobre 1997, ne lui a été communiqué que par lettre du 9 octobre 1997, reçue le lendemain, alors que l'article 14, troisième alinéa, du RAA prévoit que l'agent temporaire fait l'objet d'un rapport sur son aptitude à s'acquitter de ses tâches un mois au plus tard avant l'expiration de son stage, soit en l'espèce pour le 1er octobre 1997. Elle soutient que son rapport de fin de stage a été établi tardivement et que la décision de la licencier a été adoptée sans lui permettre de présenter ses observations en temps utile. Le Centre de traduction aurait, dès lors, violé ses droits de la défense.

55.
    Elle soutient, en outre, que la décision attaquée est entachée d'un détournement de procédure, dès lors qu'elle a été adoptée sans que l'AHCC ait pu prendre connaissance de ses observations.

56.
    Le défendeur conteste avoir violé les droits de la défense de la requérante ou avoir commis un détournement de procédure.

— Appréciation du Tribunal

57.
    Il est constant que le rapport de stage a été établi postérieurement à l'échéance du délai prescrit par l'article 14 du RAA. Toutefois, il y a lieu, à cet égard, de tenir compte de l'objectif de cet article. En effet, l'objectif de l'article 34 du statut, auquel correspond l'article 14 du RAA pour les contrats d'agents temporaires, est de garantir à l'intéressé le droit de soumettre ses observations éventuelles à l'autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après «AIPN») et d'assurer également que ces observations seront prises en considération par cette autorité

(arrêts de la Cour du 12 juillet 1973, di Pillo/Commission, 10/72 et 47/72, Rec. p. 763, point 5, et du 25 mars 1982, Munk/Commission, 98/81, Rec. p. 1155, point 8).

58.
    En l'espèce, le léger retard avec lequel le rapport de fin de stage a été établi, à savoir le 9 octobre au lieu du 1er octobre 1997, n'est pas de nature à affecter sa validité (arrêt de la Cour du 8 octobre 1981, Tither/Commission, 175/80, Rec. p. 2345, point 13). En effet, la requérante a disposé d'un délai raisonnable pour présenter ses observations sur son rapport de stage, à savoir 12 jours, et le directeur du Centre de traduction a, en sa qualité d'AHCC, disposé d'un délai suffisant à compter de cette date, à savoir neuf jours, pour apprécier pleinement lesdites observations et adopter une décision finale sur le maintien ou non de son engagement.

59.
    Les arguments de la requérante, selon lesquels ses droits de la défense auraient été violés et la décision attaquée serait entachée d'un détournement de procédure, au motif qu'elle aurait été invitée à formuler ses observations à l'égard d'une décision qui était déjà définitive, doivent également être rejetés. Certes, dans la lettre du 9 octobre 1997 accompagnant le rapport de stage, le directeur du Centre de traduction indiquait à la requérante qu'il avait décidé, en application de l'article 14, troisième alinéa, du RAA, de la licencier au motif qu'elle n'avait pas fait preuve de qualités suffisantes. Toutefois, ladite lettre doit être considérée comme constituant une décision sous réserve de rétractation explicite à intervenir avant le 31 octobre 1997, dès lors que, en invitant la requérante à lui faire part de ses observations dans un délai de dix jours, le directeur du Centre de traduction se réservait, ainsi, la possibilité de revoir, le cas échéant, sa position à la lumière desdites observations.

60.
    En outre, la question du licenciement de la requérante a fait l'objet d'un réexamen à la lumière de ses observations, ainsi qu'il ressort de la lettre du directeur du Centre de traduction du 4 décembre 1997, dans laquelle il précise:

«[...] une fois réexaminé en profondeur le dossier ainsi que les lettres qui m'ont été adressées par [le conseil de la requérante] et par Mme Trigari en date du 22 octobre 1997, et après un délai de réflexion suffisant, je ne vois pas d'éléments nouveaux de nature à me faire revenir sur ma décision établie à la fin de la période de stage.»

61.
    Il s'ensuit que le deuxième moyen, tiré d'une violation des droits de la défense de la requérante et d'un détournement de procédure, doit être rejeté.

Sur le troisième moyen, tiré d'une violation de l'article 15, paragraphe 2, du RAA et de l'article 17, paragraphe 2, du règlement

— Arguments des parties

62.
    Ce moyen s'articule en deux branches. D'une part, la requérante fait observer que le rapport type de fin de stage du Centre de traduction prévoit, dans une note figurant en bas de la page 4, que le supérieur hiérarchique habilité à établir ledit rapport pour les agents de catégorie B, C et D est le chef de division ou le chef de service spécialisé. Elle estime que le Centre de traduction a donc dérogé à la disposition générale de l'article 9, paragraphe 2, du règlement et prévu une délégation de pouvoir en ce qui concerne la notation des agents des catégories B, C et D. Son rapport de fin de stage ayant été établi par le directeur du Centre de traduction, M. de Vicente, et non par son supérieur hiérarchique, M. Rodriguez, le Centre de traduction aurait violé les règles de compétence qu'il s'est imposées.

63.
    D'autre part, la requérante soutient que, à défaut d'avoir adopté des modalités d'application spécifiques, seul le Centre de traduction est compétent, en vertu de l'article 17, paragraphe 2, du règlement, pour prendre une décision de licenciement. La décision de licenciement adoptée par le directeur du Centre de traduction serait illégale à défaut d'avoir été adoptée par l'autorité compétente.

64.
    Le défendeur expose, en premier lieu, que, compte tenu du nombre très réduit de ses effectifs, son directeur est et a toujours été la seule personne habilitée à établir les rapports de fin de stage et qu'il n'a nullement procédé à une délégation de pouvoir à cet égard. La note figurant en bas de la page 4 du rapport type s'expliquerait par la circonstance que le Centre de traduction, en période de démarrage, utilisait le rapport type de la Commission. Il relève, en outre, que le supérieur hiérarchique direct de la requérante a approuvé son rapport.

65.
    Le défendeur fait observer, en second lieu, que, aux termes de l'article 9, paragraphe 2, du règlement, le «directeur est le représentant légal du Centre» et «est responsable de toute question concernant le personnel». Il soutient que l'établissement du rapport de fin de stage et la décision de mettre fin à un contrat d'agent temporaire figurent parmi les «questions concernant le personnel». Le bien-fondé de cette affirmation ne serait nullement contredit par le libellé de l'article 17, paragraphe 2, du règlement, selon lequel «le Centre exerce à l'égard du personnel les pouvoirs dévolus à [l'AIPN]», car, étant le représentant légal du Centre de traduction — et responsable des questions relatives au personnel — le directeur posséderait la qualité d'AIPN ou, s'agissant d'agents temporaires, d'AHCC.

— Appréciation du Tribunal

66.
    S'agissant de la première branche du moyen, il suffit de constater, d'une part, que, en vertu de l'article 9, paragraphe 2, du règlement, le directeur du Centre de traduction est responsable de toute question concernant le personnel et qu'il n'a procédé à aucune délégation de pouvoir en ce qui concerne l'établissement des rapports de fin de stage et, d'autre part, qu'il n'existe aucune disposition dans le règlement déterminant la personne habilitée à établir ledit rapport. La seule mention figurant dans la note en bas de la page 4 du formulaire type de rapport, repris de la Commission, ne saurait, en tant que telle, être considérée comme une délégation de compétence.

67.
    La deuxième branche du moyen doit également être rejetée. En effet, le directeur doit être considéré comme la personne compétente pour adopter une décision de licenciement. En effet, selon l'article 9, paragraphe 2, du règlement, le directeur du Centre est le responsable de toute question concernant le personnel, et il est le représentant légal du Centre de traduction lequel, selon l'article 17, paragraphe 2, du même règlement, exerce à l'égard du personnel les pouvoirs dévolus à l'AIPN.

68.
    Il s'ensuit que le troisième moyen n'est pas fondé.

Sur le quatrième moyen, tiré d'une violation des articles 14 du RAA et 5 du contrat

— Arguments des parties

69.
    La requérante soutient que le Centre de traduction n'a pas respecté les délais de préavis impératifs applicables en cas de licenciement d'un agent temporaire. Elle estime que, à défaut d'avoir respecté le délai de préavis d'un mois impératif pour la résiliation du contrat à l'expiration de la période de stage prévu par l'article 14, troisième alinéa, du RAA, l'AHCC était tenue, en application de l'article 5, sousb), deuxième alinéa, du contrat, de respecter le délai de préavis de trois mois pour la licencier. Elle relève également qu'elle n'a reçu aucun rapport constatant une inaptitude manifeste en cours de stage, conformément à l'article 14, quatrième alinéa, du RAA. Elle relève, enfin, que l'AHCC a réduit illégalement le délai de préavis à 21 jours.

70.
    Le défendeur considère que la décision litigieuse n'est contraire ni à l'article 14 du RAA ni à l'article 5 du contrat d'agent temporaire de la requérante.

— Appréciation du Tribunal

71.
    Selon l'article 48 du RAA, auquel l'article 5, sous b), du contrat d'agent temporaire de la requérante renvoie expressément, «l'engagement, tant à durée déterminée qu'à durée indéterminée, peut être résilié par l'institution sans préavis: a) au cours ou à l'issue de la période de stage, dans les conditions prévues à l'article 14».

72.
    La décision attaquée a été adoptée sur le fondement de l'article 14, troisième alinéa, du RAA, la requérante ayant été licenciée à la fin de sa période de stage au motif qu'elle n'avait pas fait preuve de qualités suffisantes pour être maintenue dans son emploi.

73.
    Les autres dispositions citées par la requérante visent des hypothèses différentes. D'une part, le délai de préavis de trois mois visé à l'article 47, paragraphe 1, sous b), du RAA, et repris à l'article 5, sous b), du contrat d'agent temporaire, s'applique en cas de résiliation du contrat d'agent temporaire avant l'échéance prévue, mais après que le stage a été effectué, d'autre part, l'article 14, quatrième alinéa, du RAA vise le licenciement avant l'expiration de la période de stage en cas d'inaptitude manifeste.

74.
    Le délai d'un mois dans lequel doit intervenir l'établissement du rapport de stage, prévu à l'article 14, troisième alinéa, du RAA, ne constitue pas un délai de préavis, mais vise à garantir que l'agent temporaire puisse faire valoir ses observations et que l'institution dispose ensuite d'un délai suffisant pour prendre une décision, à une date coïncidant, dans la mesure du possible, avec la date d'expiration de la période de stage, relative au maintien, ou non, de celui-ci dans son emploi à l'issue dudit stage.

75.
    Ainsi qu'il ressort de l'examen du deuxième moyen, le non-respect du délai d'un mois prévu à l'article 14, troisième alinéa, du RAA, pour l'établissement du rapport de stage n'est pas de nature à invalider la décision de licenciement (voir en ce sens, arrêts de la Cour Tither/Commission, précité, et du 17 novembre 1983, Tréfois/Cour de justice, 290/82, Rec. p. 3751).

76.
    Il s'ensuit que le quatrième moyen doit être rejeté.

Sur le cinquième moyen, tiré du défaut de motivation

— Arguments des parties

77.
    La requérante soutient que la décision explicite de rejet de sa réclamation ne contient pas une motivation pertinente et suffisante lui permettant, ainsi qu'au Tribunal, d'apprécier le bien-fondé de la décision attaquée.

78.
    La requérante fait valoir, à cet égard, qu'elle ignorait, jusqu'à l'adoption de la décision de rejet de sa réclamation, que le Centre de traduction n'était pas satisfait de ses prestations. Elle allègue également que, dans la décision explicite de rejet de sa réclamation, le Centre de traduction n'a pas répondu à ses moyens tirés d'une violation de ses droits de la défense et d'un détournement de procédure et qu'il n'a répondu que de manière trop succincte à l'ensemble des autres moyens, se bornant, pour l'essentiel, à reproduire les dispositions applicables sans démontrer qu'elles avaient été respectées.

79.
    Le défendeur estime que le moyen que la requérante tire d'une violation de l'obligation de motivation est dépourvu de pertinence en ce qu'il vise non pas la décision attaquée, mais la décision de rejet de la réclamation. Or, il importerait peu que la décision de rejet de la réclamation, laquelle aurait un caractère purement confirmatif et ne constituerait pas en soi un nouvel acte faisant grief, ne soit pas suffisamment motivée, dès lors que l'acte attaqué faisant grief répond au prescrit de l'article 25 du statut.

80.
    Il soutient, par ailleurs, que, dans l'hypothèse où il faudrait interpréter le présent moyen comme étant dirigé contre la décision de licenciement litigieuse, il doit être déclaré irrecevable au motif qu'il n'a pas été soulevé dans la réclamation (arrêt de la Cour du 14 mars 1989, Casto Del Amo Martinez/Parlement, 133/88, Rec. p. 689; arrêt du Tribunal du 11 juillet 1991, von Hoessle/Cour des comptes, T-19/90, Rec. p. II-615).

81.
    Enfin, il conteste formellement l'affirmation de la requérante selon laquelle, jusqu'à l'adoption de la décision de rejet de la réclamation, elle aurait ignoré que le Centre de traduction n'était pas satisfait de ses prestations. Il affirme que le Centre de traduction a, durant le stage, attiré à de nombreuses reprises son attention sur la qualité insatisfaisante de ses prestations et que, en outre, cette circonstance constituait l'élément central de la lettre de M. de Vicente du 9 octobre 1997 et du rapport de notation.

— Appréciation du Tribunal

82.
    Il convient d'abord de rappeler que, s'agissant d'une question d'ordre public, le défaut de motivation peut être soulevé pour la première fois au stade de la requête. Le fait que la requérante n'ait pas soulevé le moyen tiré d'un défaut de motivation dans sa réclamation n'a, dès lors, pas pour effet de le rendre irrecevable.

83.
    En revanche, ainsi que le souligne le défendeur, le moyen est dépourvu de pertinence dans la mesure où la requérante invoque une insuffisance de motivation de la décision explicite de rejet de sa réclamation. Or, c'est l'acte faisant grief, c'est-à-dire la décision de licenciement, qui doit être suffisamment motivé et la requérante ne formule pas de grief à l'encontre de la motivation de la décision de licenciement.

84.
    En tout état de cause, la décision de licenciement attaquée satisfait à l'obligation de motivation, laquelle, selon une jurisprudence constante (arrêt du Tribunal du 18 décembre 1997, Delvaux/Commission, T-142/95, RecFP p. II-1247, point 84), a pour but, d'une part, de fournir à l'intéressé une indication suffisante pour apprécier le bien-fondé de l'acte lui faisant grief et l'opportunité d'introduire un recours devant le Tribunal et, d'autre part, de permettre à celui-ci d'exercer son contrôle. En effet, sans qu'il soit nécessaire de prendre en considération l'affirmation du défendeur, non contestée dans la requête, selon laquelle il a attiré à plusieurs reprises

l'attention de la requérante durant le stage sur la qualité insuffisante de ses prestations, il ressort très clairement de la lettre du 9 octobre 1997, adressée à la requérante avec son rapport de fin de stage, que le licenciement était motivé par la qualité insatisfaisante de ses prestations. Le directeur y expose, en outre, les raisons pour lesquelles il estime que ses prestations étaient insuffisantes.

85.
    Il s'ensuit que le moyen pris d'un défaut ou d'une insuffisance de motivation doit être rejeté.

Sur les conclusions en indemnité

Arguments des parties

86.
    La requérante soutient que le Centre de traduction a refusé délibérément de lui délivrer les documents indispensables à son inscription en qualité de demandeur d'emploi, destinés à lui permettre de bénéficier des allocations de chômage, et que cette faute lui cause un préjudice matériel en ce qu'elle se voit privée de deux mois et demi d'allocations de chômage à charge de la Commission.

87.
    La requérante expose, à cet égard, que, malgré ses demandes des 24 octobre, 12 novembre et 8 décembre 1997, ce n'est que par lettre du 9 janvier 1998, reçue le 14 janvier suivant, que le Centre de traduction lui a adressé les documents destinés à lui permettre de s'inscrire en qualité de demandeur d'emploi au Luxembourg et que le 8 février 1998 que l'attestation patronale requise lui a été remise. La requérante n'aurait, dès lors, pu être admise au bénéfice des prestations de chômage complet luxembourgeoises et percevoir, à ce titre, une indemnité mensuelle nette de 53 002 BFR qu'à partir du 15 janvier 1998 pour une période d'un an se terminant le 14 janvier 1999.

88.
    Soulignant que, en vertu de l'article 28 bis du RAA, elle a droit à une indemnité de chômage communautaire de 24 mois à partir du jour de la cessation de ses fonctions, donc le 31 octobre 1998, elle affirme ensuite que, à l'issue de la période d'indemnisation par l'État luxembourgeois, elle est en droit d'obtenir une indemnité compensatoire à charge de la Commission pour une période restante de douze mois, mais que, n'ayant pu accomplir les formalités requises dans les délais imposés en raison du comportement fautif du Centre de traduction, elle ne sera indemnisée par la Commission que jusqu'au 31 octobre 1999 et perdra donc deux mois et demi d'indemnités. La requérante demande dès lors la condamnation du Centre de traduction au versement d'une somme équivalente à ces indemnités, majorée des intérêts moratoires.

89.
    La requérante prétend, par ailleurs, avoir été maintenue entre le 10 octobre 1997 et le 14 janvier 1998 dans un état d'incertitude totale quant à sa situation

professionnelle et financière et réclame le versement d'un euro à titre de réparation du préjudice moral ainsi subi.

90.
    Le défendeur rappelle que, en application de l'article 28 bis, paragraphe 2, du RAA, il n'est possible de bénéficier de l'indemnité communautaire que si l'on bénéficie également de l'indemnité nationale. Or, la requérante n'aurait pas perçu d'allocation de chômage avant le 15 janvier 1998 parce qu'elle n'aurait pas entrepris, avant cette date, les démarches pour s'inscrire en tant que demandeur d'emploi auprès des autorités nationales, ainsi qu'il ressortirait de la note manuscrite en post-scriptum à la lettre de son conseil du 14 janvier 1998, dans laquelle celui-ci indique que sa cliente «entreprend immédiatement les formalités en vue de son inscription en tant que demandeur d'emploi». Le défendeur soutient que rien n'empêchait la requérante de s'inscrire comme demandeur d'emploi auprès de l'administration nationale et d'envoyer par la suite les documents manquants. Il relève, à cet égard, que c'est en s'inscrivant comme demandeur d'emploi que la requérante a reçu l'attestation patronale qu'elle a envoyée seulement le 27 janvier au Centre de traduction en vue de la faire remplir et signer par son ancien employeur.

91.
    Le défendeur soutient que le réel motif pour lequel la requérante n'avait pas procédé préalablement aux formalités requises par la législation luxembourgeoise tient au fait qu'elle avait entrepris une négociation dans le cadre de laquelle elle proposait sa démission en échange d'un rapport de stage plus neutre. Ce ne serait qu'à l'issue de l'échec de cette négociation, résultant du durcissement de la position de la requérante et du caractère inacceptable de ses exigences financières, qu'elle aurait entrepris les démarches en vue de son inscription en tant que demandeur d'emploi.

92.
    Le défendeur soutient que la privation du bénéfice de l'allocation de chômage communautaire résulte également de ce que la requérante n'a pas remis au service compétent, dans les huit jours suivant le début de son inactivité professionnelle, la déclaration écrite requise par l'article 3 de la réglementation fixant les modalités d'application des dispositions relatives à l'octroi de l'allocation de chômage aux agents temporaires en exécution de l'article 28 bis, paragraphe 10, du RAA. Il souligne que ce n'est que par lettre du 14 janvier 1998 que la requérante a pris contact avec ses services compétents pour faire sa demande d'allocations dechômage communautaires au titre de l'article 28 bis du RAA et qu'elle n'a été inscrite comme demandeur d'emploi auprès des services de l'emploi luxembourgeois qu'à partir du 15 janvier 1998.

93.
    La perte des deux mois et demi d'allocations de chômage communautaires résulterait, dès lors, du seul comportement de la requérante.

94.
    Le défendeur observe que, en toute hypothèse, le droit à des allocations de chômage communautaires à dater du 14 janvier 1999 qu'invoque la requérante ne saurait être qu'un droit subordonné à la condition qu'elle n'ait, à cette date, pas

retrouvé de travail. La demande ne porterait pas sur un droit né et actuel et serait donc irrecevable.

95.
    Il soutient également que la demande d'indemnisation est non fondée car il n'existe pas de lien de causalité entre la décision de licenciement de la requérante et le dommage qu'elle prétend subir du fait de la perte de deux mois et demi d'indemnités de chômage.

96.
    Il estime, enfin, que la demande d'indemnisation du prétendu préjudice moral est également non fondée, car la requérante savait, dès le 31 octobre 1997, que son contrat d'agent temporaire avait pris fin.

Appréciation du Tribunal

97.
    L'engagement de la responsabilité de la Communauté suppose la réunion d'un ensemble de conditions en ce qui concerne l'illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage et l'existence d'un lien de causalité entre le comportement et le préjudice invoqué.

98.
    En premier lieu, il ressort du dossier que la requérante a, par lettre de son conseil, demandé au défendeur, dès le 24 octobre 1997, de lui fournir tous les documents lui permettant de faire valoir ses droits à l'indemnité de chômage, en précisant que, à défaut de ces documents, elle ne pouvait s'inscrire comme demandeur d'emploi. Le 12 novembre 1997, le conseil de la requérante a mis le défendeur en demeure de régulariser la situation de sa cliente et lui a encore adressé un rappel le 8 décembre 1997. Ce n'est que par courrier du 9 janvier 1998, réceptionné par la requérante le 14 janvier suivant, que le défendeur lui a adressé une attestation de licenciement lui permettant de s'inscrire en qualité de demandeur d'emploi au Luxembourg. Munie de ces documents, la requérante a finalement pu être admise au bénéfice des prestations de chômage luxembourgeoises à partir du 15 janvier 1998, pour une période d'un an se terminant le 14 janvier 1999.

99.
    Compte tenu, notamment, de l'invitation à agir du 12 novembre 1997, ce retard dans la transmission des documents requis constitue une faute de service du Centre de traduction, de nature à engager la responsabilité de la Communauté.

100.
    En deuxième lieu, il convient de relever que, conformément à l'article 28 bis du RAA, les allocations de chômage communautaires ne peuvent être versées que pour une période maximale de 24 mois à compter du jour de la cessation des fonctions de l'intéressé, soit, en l'espèce, jusqu'au 31 octobre 1999.

101.
    Par ailleurs, les allocations de chômage au titre d'un régime national venant en déduction des allocations de chômage communautaires et, en l'espèce, l'indemnité luxembourgeoise perçue par la requérante dépassant l'allocation communautaire, la requérante n'a effectivement pu percevoir une allocation de chômage

communautaire qu'à l'issue de la période de douze mois pendant laquelle elle a perçu des allocations de chômage luxembourgeoises.

102.
    Il s'ensuit que, en raison du retard pris par le Centre de traduction pour transmettre à la requérante les documents requis pour pouvoir s'inscrire comme demandeur d'emploi auprès de l'administration de l'emploi luxembourgeoise, elle n'a pu percevoir les indemnités communautaires qu'à partir du 15 janvier 1999 au lieu du 31 octobre 1998.

103.
    En troisième lieu, c'est à tort que le défendeur estime qu'il n'existe pas de lien de causalité entre l'acte faisant grief, à savoir la décision de licenciement, et le dommage subi par la requérante. C'est, en effet, entre le dommage et la faute alléguée qu'il doit exister un lien de causalité. Or, le retard dans la transmission des documents a eu pour effet que la période de douze mois pendant laquelle la requérante bénéficiait des allocations de chômage luxembourgeoises s'est terminée le 15 janvier 1999 au lieu du 31 octobre 1998 et, de ce fait, l'a effectivement privé des allocations de chômage communautaires pour la période comprise entre le 31 octobre 1998 et le 15 janvier 1999.

104.
    Il s'ensuit que le retard avec lequel le défendeur a transmis à la requérante les documents requis constitue une faute de service qui a causé à cette dernière un dommage constitué par la perte des allocations de chômage communautaires pour la période de deux mois et demi comprise entre le 31 octobre 1998 et le 15 janvier 1999 et que le défendeur est tenu d'indemniser la requérante à due concurrence. Cette somme sera majorée d'intérêts de retard au taux de 5 % l'an à compter du 15 janvier 1999 et jusqu'à parfait paiement.

105.
    En revanche, la demande de la requérante tendant à la réparation du préjudice moral qu'elle aurait subi ne saurait être accueillie. En effet, il suffit de constater qu'elle ne saurait prétendre s'être trouvée dans un état d'incertitude entre le 10 octobre 1997 et le 14 janvier 1998, puisqu'elle savait, dès le 10 octobre 1997, que son contrat prendrait fin le 31 octobre 1997, sous réserve de rétractation explicite d'ici là, et que rien ne l'empêchait, à partir de ce moment, de veiller de manière adéquate à ses intérêts. Il y a d'ailleurs lieu de relever, à cet égard, que la requérante a parfaitement compris la situation dans laquelle elle se trouvait puisque, notamment, elle ne s'est plus présentée à son travail après le 31 octobre 1997.

106.
    Il s'ensuit que la demande d'indemnisation du prétendu dommage moral doit être rejetée.

Sur les dépens

107.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Toutefois, en

vertu de l'article 88 du même règlement, les frais exposés par les institutions dans les recours des agents des Communautés restent à la charge de celles-ci. La requérante ayant succombé en l'essentiel de ses moyens et le Centre de traduction ayant conclu à ce que le Tribunal statue comme de droit sur les dépens, chacune des parties supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête:

1)    Le recours en annulation est rejeté.

2)    Le Centre de traduction des organes de l'Union européenne versera à la requérante une indemnité correspondant à deux mois et demi d'indemnités de chômage communautaires, majorée d'intérêts de retard au taux de 5 % l'an à compter du 15 janvier 1999 et jusqu'à parfait paiement.

3)    Le recours en indemnité est rejeté pour le surplus.

4)    Chacune des parties supportera ses propres dépens.

Jaeger
Lenaerts
Azizi

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 21 septembre 1999.

Le greffier

Le président

H. Jung

M. Jaeger


1: Langue de procédure: le français.