Language of document : ECLI:EU:T:1999:177

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

28 septembre 1999 (1)

«Fonctionnaires — Révocation — Articles 1, 4 et 40 du règlement du personnel de la Banque européenne d'investissement — Erreur manifeste d'appréciation des faits — Droits de la défense — Formes substantielles — Principe de proportionnalité — Demande reconventionnelle — Rejet d'une demande de mesures d'instruction»

Dans l'affaire T-141/97,

Bernard Yasse, agent de la Banque européenne d'investissement, demeurant à Fauvillers (Belgique), représenté initialement par Mes Pascale Delvaux de Fenffe et Pierre-Paul Van Gehuchten, avocats au barreau de Bruxelles, puis par Mes Olivier Schmitz et Catherine Burton, avocats au barreau de Neufchateau, 14, chaussée de Houffalize, Bastogne (Belgique),

partie requérante,

contre

Banque européenne d'investissement, représentée par M. Giannangelo Marchegiani, directeur des affaires juridiques, assisté de Me Georges Vandersanden, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg au siège de la Banque européenne d'investissement, 100, boulevard Konrad Adenauer,

partie défenderesse,

ayant pour objet, une demande, d'une part, d'annulation de la décision de la Banque européenne d'investissement du 31 janvier 1997 par laquelle le requérant a été révoqué sans perte de l'allocation de départ et de réintégration du requérant dans ses fonctions et, d'autre part, de condamnation de la Banque à indemniser le requérant,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre),

composé de MM. J. D. Cooke, président, R. García-Valdecasas et Mme P. Lindh, juges,

greffier: M. J. Palacio González, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 4 février 1999,

rend le présent

Arrêt

Cadre réglementaire

1.
    Les statuts de la Banque européenne d'investissement (ci-après «Banque») sont établis par le protocole A annexé au traité CE, dont il fait partie intégrante.

2.
    L'article 9, paragraphe 3, sous h), desdits statuts prévoit l'approbation, par le conseil des gouverneurs, du règlement intérieur de la Banque. Ce règlement a été approuvé le 4 décembre 1958 et a subi plusieurs modifications. Son article 29 dispose que les règlements relatifs au personnel de la Banque sont fixés par le conseil d'administration.

3.
    Le 20 avril 1960 a été approuvé le règlement du personnel de la Banque (ci-après «règlement du personnel»). Le personnel de la Banque est assujetti aux obligations prévues par ce règlement.

4.
    Les articles 1er et 4 de la section «Dispositions générales» dudit règlement disposent:

«Article 1er

Les membres du personnel doivent, dans l'exercice de leurs fonctions et en dehors du service, observer une attitude conforme au caractère international de la Banque et de leurs fonctions.

[...]

Article 4

Les membres du personnel doivent consacrer leur activité au service de la Banque. Ils ne peuvent, sans y avoir été préalablement autorisés par celle-ci,

a)    exercer en dehors d'elle aucune activité professionnelle, notamment de nature commerciale, occuper aucun poste ou emploi, permanent, temporaire ou intermittent, rémunéré ou non;

b)    exercer aucune fonction de conseil, rémunérée ou non;

c)    siéger dans aucun conseil d'administration ou aucun comité de gestion.

[...]»

5.
    En ce qui concerne la procédure disciplinaire, les articles 38 à 40 du règlement du personnel disposent:

«Article 38

Les membres du personnel qui manquent à leurs obligations sont passibles, selon le cas, des mesures suivantes:

1)    blâme par écrit;

2)    retard d'avancement d'un an au plus;

3)    licenciement pour motif grave, sans préavis avec ou sans allocation de départ;

4)    licenciement pour motif grave, sans préavis ni allocation de départ, et avec réduction des droits à pension à la fraction correspondant aux contributions versées par les intéressés.

Les mesures prévues sous 3) et 4) sont prises après avis d'une commission paritaire, dans les conditions indiquées à l'article 40. Quand le motif est grave et est constitué par des poursuites judiciaires après flagrant délit, cette commission n'est pas appelée à rendre son avis.

Les délibérations de cette commission peuvent se dérouler et son avis motivé — de même que la décision du président — être rendu, alors même que le membre du personnel a cessé ses fonctions à la Banque. Dans ce cas, le président peut — lors de la cessation des fonctions de l'intéressé à la Banque — surseoir au versement de l'allocation [de départ], jusqu'à ce qu'ait été rendue une décision définitive à l'égard de l'intéressé.

Article 39

En cas de motif grave, susceptible d'entraîner un licenciement sans préavis, le président peut suspendre immédiatement l'intéressé de ses fonctions, pour une durée maximale de trois mois.

Il en est de même lorsqu'un membre du personnel est l'objet de poursuites pénales susceptibles d'aboutir à une condamnation, à une peine afflictive ou infamante; dans ce cas, la suspension peut être prolongée jusqu'à la décision judiciaire définitive.

La suspension des fonctions peut s'accompagner de la suspension de la rémunération sauf allocation d'un secours apprécié en raison de l'existence de personnes à charge. Ce secours ne peut être supérieur au tiers de la rémunération de l'intéressé.

Le licenciement éventuel prend effet au jour de la suspension; les sommes que l'intéressé aurait reçues à titre de secours pendant la période de suspension lui demeurent acquises.

Article 40

La commission paritaire prévue à l'article 38 est ainsi composée : le directeur de la direction de l'administration générale, président, qui ne prend pas part au vote; le chef du personnel et un directeur, d'une direction autre que celle à laquelle appartient le membre du personnel intéressé, d'une part; deux représentants du personnel de son choix, d'autre part, et un secrétaire, qui ne prend pas part aux délibérations ni au vote.

La commission paritaire est saisie par la signification faite par écrit au directeur de la direction des affaires générales par le président; la notification de cette signification est simultanément adressée au membre du personnel intéressé; ce dernier reçoit, par écrit, communication des faits qui lui sont reprochés quinze jours au moins avant la date prévue pour la réunion de la commission.

Le membre du personnel peut, et s'il le demande doit, être entendu par la commission devant laquelle il peut se faire assister d'un conseil de son choix.

La commission paritaire peut, si elle ne se juge pas suffisamment éclairée sur les faits, procéder à une enquête et entendre des témoins. Le membre du personnel a également le droit de citer des témoins.

La commission délibère hors la présence du membre du personnel intéressé. Elle remet au président de la Banque un avis motivé auquel chacun de ses membres peut joindre son avis personnel; ces avis sont, en même temps, communiqués par écrit à l'intéressé. Le président rend sa décision dans les quinze jours suivant la remise de l'avis motivé.»

Faits à l'origine du litige

6.
    Le requérant est entré au service de la Banque le 1er juin 1994, en tant qu'huissier rattaché à la fonction K avec l'échelon K001.

7.
    Le 28 octobre 1996, la Banque a reçu par fax une lettre datée du 1er octobre 1996, à l'en-tête de la SARL Skit-Ball, située à Marseille, et signée par M. Ingargiola. Elle était rédigée comme suit:

«Banque européenne du développement et d'investissement

A l'attention du chef du personnel: M. Chevlin

Objet: litige concernant une transaction commerciale entre la société Skit-Ball et les personnes citées: M. Yasse Bernard se disant directeur financier, M. Hautem Michel se disant responsable du secteur informatique de cette dite Banque.

Monsieur,

Je vous prierais de bien vouloir intervenir dans un bref délai pour que la somme de 46 500 FF soit réglée à l'ordre de ma société avant d'entamer une poursuite juridique concernant ces deux personnes.

Veuillez trouver ci-jointe la facture d'achat pour ce stand Skit-Ball, le chèque de 46 500 FF qui m'a été rejeté par la Banque d'Andorre ainsi qu'une feuille à en-tête de la société Mon de l'Evasió SL.»

8.
    La lettre était accompagnée de copies des documents suivants:

—     une lettre du 6 septembre 1996 de M. Yasse, à l'en-tête de la société Mon de l'Evasió, «Yasse Bernard, administrateur délégué-Département juridique», «délégation commerciale Benelux, 5 rue de l'Église, L-4994

Schouweiler». Par cette lettre, le requérant fournit des renseignements concernant la société Mon de l'Evasió, à savoir un numéro de registre de commerce, un numéro de TVA et l'adresse d'une société intermédiaire;

—     un chèque n° 6 555 542 à l'ordre de la société Skit-Ball tiré sur le compte de la société Mon de l'Evasió ouvert au Crédit Andorrà, signé par le requérant en date du 9 septembre 1996, d'un montant de 46 500 FF;

—     une lettre du 27 septembre 1996 adressée à M. Ingargiola, apparemment rédigée et signée par M. Hautem, dans laquelle celui-ci faisait état de certains problèmes que présentait un stand Skit-Ball acquis par la société Mon de l'Evasió;

—     une note de la Société marseillaise de crédit du 30 septembre 1996 avisant la société Skit-Ball du rejet du chèque de 46 500 FF.

9.
    Le stand Skit-Ball est un stand mobile pouvant servir à la vente ou à des opérations de publicité, d'information ou d'animation.

10.
    Le requérant et M. Hautem, également huissier à la Banque, sont actionnaires fondateurs, à concurrence de 16 % d'actions chacun, de la société Mon de l'Evasió SL, le reste des actions appartenant à Mme Sanchez Palou qui en est la présidente. Cette société, constituée à Andorre en avril 1996, a pour activité commerciale l'importation, l'exportation et la vente en gros et au détail de livres, de publications et de matériel publicitaire ainsi que la promotion desdits produits. Le 1er juillet 1996, Mme Sanchez Palou a donné à l'épouse de M. Hautem tous pouvoirs de gérance de ladite société.

11.
    Par lettre du 4 novembre 1996, la Banque a communiqué au requérant la télécopie de M. Ingargiola du 28 octobre 1998, ainsi que les documents annexés, et lui a demandé de fournir toutes les explications relatives à cette affaire.

12.
    Par courrier du 6 novembre 1996 , le requérant a répondu en faisant valoir que les allégations contenues dans la télécopie de M. Ingargiola étaient fausses et que le titre apparaissant en regard de son nom était pure invention.

13.
    La Banque a demandé à la société privée de sécurité International Security Company BV (Interseco) (ci-après «Interseco») de mener une enquête sur cette affaire. Interseco lui a envoyé son rapport le 28 novembre 1996 (ci-après «rapport Interseco»).

14.
    Par lettre du 7 novembre 1996, la Banque a informé le requérant que, étant donné que sa conduite pouvait constituer une infraction à l'article 4 du règlement dupersonnel, elle avait décidé de le suspendre de ses fonctions avec effet immédiat, conformément à l'article 39, premier alinéa, du règlement du personnel, pour une durée maximale de trois mois, qui serait mise à profit pour réunir la commission

paritaire prévue à l'article 38 dudit règlement. Ladite lettre lui indiquait également que son traitement serait maintenu mais qu'il lui était interdit d'accéder aux locaux de la Banque.

15.
    Par lettre du 19 novembre 1996 adressée à la Banque, M. Ingargiola est revenu sur les accusations portées dans sa télécopie du 28 octobre 1996 à l'encontre du requérant et de M. Hautem. M. Ingargiola affirmait ainsi que MM. Yasse et Hautem n'avaient jamais fait usage d'un titre ou du nom de la Banque et qu'ils n'avaient pas eu de relations commerciales avec la société Skit-Ball pour leur compte ou pour celui de la Banque.

16.
    Conformément à l'article 40 du règlement du personnel, le président de la Banque a saisi la commission paritaire et, simultanément, par lettre du 19 décembre 1996, a communiqué au requérant les faits qui lui étaient reprochés ainsi que la copie des documents sur lesquels ces reproches étaient basés.

17.
    La lettre indiquait que des vérifications avaient été effectuées au sein de la Banque en liaison avec les supérieurs du requérant et de M. Hautem ainsi qu'avec des responsables du département «Technologies de l'information». Les résultats obtenus ont montré, d'une part, l'existence dans le disque dur de l'ordinateur utilisé par le requérant de quatre documents relatifs à des activités extraprofessionnelles et, d'autre part, que des appels téléphoniques avaient été passés par le requérant et par M. Hautem à partir de postes téléphoniques de la Banque.

Les documents trouvés dans la mémoire de l'ordinateur utilisé par le requérant se présentaient comme suit:

—    une télécopie, à l'en-tête de «World Escape — Mon de l'Evasió», adressée au Crédit Andorrà, M. Miguel Muntadas, et lui donnant instruction de transférer la somme de 20 000 FF sur le compte de la société Skit-Ball. Sous la rubrique «Expéditeur», il était marqué «Yasse Bernard-administrateur»;

—     une télécopie identique à la précédente en ce qui concerne le format, l'expéditeur, la date et la signature, adressée au palais des expositions, concernant la participation de la société Mon de l'Evasió à une foire commerciale;

—     une télécopie adressée à Mme Schruger, Pegastar SA, datée du 7 novembre 1996, à l'en-tête de World Escape — Mon de l'Evasió et concernant l'envoi de douze livres. Sous la rubrique «Expéditeur», il était marqué «Yasse Bernard-Mon de l'Evasió SL»;

—     une attestation recommandant le requérant et M. Hautem en qualité de clients à l'intention du Crédit Andorrà.

Les relevés des appels téléphoniques montraient que, pendant les mois d'août et de septembre 1996, le requérant, à partir de son poste à la Banque, avait appelé la société Skit-Ball cinq fois et le Crédit Andorrà huit fois.

18.
    Les griefs retenus par la lettre du 19 décembre 1996 à l'encontre du requérant étaient:

—     l'exercice d'une activité commerciale en dehors de l'activité professionnelle, en violation de l'article 4 du règlement du personnel, aggravé par le fait d'avoir fait état de son appartenance à la Banque et d'avoir laissé croire que celle-ci était impliquée dans ladite activité;

—    l'accomplissement pendant les heures de service d'activités étrangères à l'intérêt de la Banque;

—     l'utilisation du matériel de la Banque;

—     la violation de l'article 1er du règlement du personnel en ce que son attitude n'était pas conforme à celle que l'on doit attendre de la part d'un agent de la Banque, en raison, non seulement de ces comportements, mais aussi du climat douteux qui les entoure.

19.
    La lettre du 19 décembre 1996 concluait que l'ensemble des faits mentionnés était considéré, au sens des articles 38 et 39 du règlement du personnel, comme constituant des motifs graves susceptibles d'entraîner le licenciement.

20.
    Par lettre du 9 janvier 1997 , le requérant a fait parvenir à la Banque, conjointement avec M. Hautem, sa position sur ces griefs.

21.
    Le 16 janvier 1997, la commission paritaire a procédé à l'audition du requérant puis a délibéré. Le 30 janvier 1997, elle a rendu son avis motivé prévu à l'article 40 du règlement du personnel, qui a été communiqué au requérant le même jour. En substance, la commission paritaire a retenu les éléments suivants:

—    d'une part, elle a relevé une violation de l'article 4 du règlement du personnel. Selon elle, il existait une implication étroite du requérant, conjointement avec M. Hautem, dans l'activité commerciale de la société Mon de l'Evasió. Elle a noté que les comportements du requérant et de M. Hautem montraient qu'ils exerçaient effectivement des responsabilités pour le compte de ladite société, qu'ils ont mêlé la Banque à une affaire qui ne la concernait en rien et qu'ils n'ont pas hésité à utiliser le matériel de la Banque dans l'intérêt d'une entreprise commerciale;

—    d'autre part, elle a estimé que, «eu égard aux comportements rappelés ci-avant mais également au climat douteux qui les entoure», l'attitude du

requérant constituait également une violation de l'article 1er du règlement du personnel;

    —    elle a conclu, à l'unanimité de ses membres, que les faits reprochés au requérant constituaient un motif grave de licenciement, au sens de l'article 38, troisième alinéa, du règlement du personnel. Elle a estimé toutefois que les faits ne revêtaient pas un caractère de gravité suffisant pour priver l'intéressé de l'allocation de départ.

22.
    Le 31 janvier 1997, le président de la Banque a pris, sur la base de l'avis motivé de la commission paritaire, la décision de licencier le requérant sans préavis avec mantien de l'allocation de départ, pour violation des articles 1er et 4 du règlement du personnel (ci-après «décision attaquée»).

23.
    La décision attaquée expose notamment:

«—    Vous avez, avec l'un de vos collègues de travail à la Banque, M. Hautem, fondé une société commerciale du nom de Mon de l'Evasió, enregistrée dans le Principat d'Andorre, et avez, sans en informer la Banque, exercé pour le compte de cette société des activités commerciales.

—    Vous avez fait état, dans l'exercice de vos activités, de votre appartenance à la Banque.

—    Pour les besoins de ces activités commerciales, vous avez utilisé des moyens matériels appartenant à la Banque. Dans certains cas — utilisation de la télécopie — les références propres de la Banque n'ont pas été occultées, pouvant laisser croire à vos correspondants l'implication de celle-ci dans vos activités.

—    Vos explications concernant le revirement d'attitude de M. Ingargiola et votre affirmation selon laquelle vous n'auriez pas envoyé personnellement de fax de la Banque au nom de la société Mon de l'Evasió sont en contradiction avec votre comportement et la logique de compréhension du dossier tels qu'ils ressortent du dossier et des faits de la cause.

—    Après avoir pris en considération l'ensemble de ces éléments, j'estime qu'il existe suffisamment d'indices concordants de nature à établir la réalité de faits en violation avec notre règlement du personnel.

—    Comme l'a relevé la commission paritaire, l'exercice par vous d'une activité commerciale, sans y avoir été autorisé par la Banque, constitue une violation de l'article 4 du règlement du personnel. Cette violation apparaît d'autant plus grave que vous avez fait état dans l'exercice de cette activité

commerciale de votre appartenance à la Banque et avez utilisé ses moyens de communication.

—    En outre, votre comportement général, tel qu'il résulte des éléments mentionnés ci-dessus, n'est pas conforme à l'attitude que l'on est en droit d'attendre de la part d'un agent de la [Banque] et constitue, dès lors, une violation de l'article 1er du règlement du personnel.

—    Eu égard à ce qui précède, et suivant en cela l'avis unanime de la commission paritaire, je considère que les faits qui vous sont reprochés constituent un motif grave de licenciement, sans préavis, au sens de l'article 38, troisième alinéa du règlement du personnel, avec toutefois maintien de l'allocation de départ.»

24.
    La décision attaquée, ainsi qu'il a été confirmé par la Banque lors de l'audience publique, ne reproche pas au requérant d'avoir passé des appels téléphoniques à partir des installations de la Banque.

Procédure et conclusions des parties

25.
    Par requête déposée au greffe du Tribunal le 29 avril 1997, le requérant a introduit le présent recours.

26.
    M. Hautem a introduit, le même jour, un recours enregistré sous le numéro T-140/97.

27.
         Par lettre du 15 octobre 1997 , le Crédit Andorrà a communiqué à la Banque copies de trois télécopies qui lui avaient été envoyées à partir des installations de celle-ci: une télécopie du 24 septembre 1996 par laquelle le requérant lui demandait de retenir le chèque n° 6 555 542 de 46 500 FF à l'ordre de la société Skit-Ball; une lettre du 19 août 1996 , envoyée par fax le 24 septembre 1996, à l'en-tête de la Banque et caisse d'épargne de Luxembourg, de recommandation du requérant et de M. Hautem en qualité de clients et une télécopie du 2 octobre 1996, signée par le requérant, contenant une instruction de transfert de 20 000 FF sur le compte de la société Skit-Ball.

28.
    Par lettre du 18 novembre 1997, le Crédit Andorrà a fait savoir à la Banque que la lettre du 19 septembre 1997, jointe par le requérant en annexe à sa réplique était un faux. Il s'agissait d'une attestation du Crédit Andorrà selon laquelle le requérant avait été autorisé à signer le chèque n° 6 555 542 du 9 septembre 1996 au nom de la société Mon de l'Evasió en vertu d'un mandat spécial.

29.
    Par lettre du 13 janvier 1998, les avocats du requérant, Mes Delvaux de Fenffe et Van Gehuchten, ont informé le Tribunal de leur retrait de la présente affaire en

raison de l'impossibilité de poursuivre la défense de leurs clients à la suite de la divergence apparue entre les intérêts du requérant et ceux de M. Hautem.

30.
    Par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 25 janvier 1999, dans l'affaire T-140/97, M. Hautem a invoqué l'existence de faits nouveaux.

31.
    Par lettre du 29 janvier 1999, Me Olivier Schmitz a indiqué au greffe du Tribunal qu'il reprenait l'affaire, avec Me Catherine Burton, en qualité de conseil du requérant.

32.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (cinquième chambre) a décidé, d'une part, d'ouvrir la procédure orale et, d'autre part, dans le cadre des mesures d'organisation de la procédure prévues par l'article 64 du règlement de procédure du Tribunal, de demander à la partie défenderesse de produire une lettre du 12 février 1997 adressée au requérant. La partie défenderesse a produit le document demandé dans le délai qui lui était imparti.

33.
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l'audience du 4 février 1999. A cette occasion, le Tribunal a décidé, d'une part, de joindre les affaires T-140/97 et T-141/97 aux fins de la procédure orale, et, d'autre part, de verser au dossier dans la présente affaire le mémoire de M. Hautem du 25 janvier 1999 dans l'affaire T-140/97. La procédure orale n'a pas été clôturée pour permettre aux parties de se prononcer sur ce mémoire.

34.
    Le requérant conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    déclarer le recours recevable et fondé;

—    annuler la décision attaquée;

—    ordonner la réintégration du requérant dans ses fonctions;

—    condamner la Banque à payer au requérant:

    a)    en cas de réintégration, une somme de 2 666 466 BFR fixée à titre provisionnel, sous réserve de «parfaire» en cours d'instance, et consistant en des arriérés de rémunération, outre une somme de 1 000 000 BFR à titre de réparation de ses dommages moral et matériel distincts;

    b)    si la réintégration s'avère impossible:

    —    la somme de 1 390 150 BFR correspondant au règlement indemnitaire ordinaire dans l'hypothèse d'un licenciement régulier;

    —    la somme de 35 986 625 BFR correspondant à la perte de son revenu mensuel, sous réserve de «parfaire» ou mieux «préciser» en cours d'instance;

    —    la somme de 2 500 000 BFR consistant en l'indemnisation de la perte des taux préférentiels consentis sur les prêts hypothécaires à la construction;

    —    la somme de 1 000 000 BFR en réparation de l'atteinte à la considération professionnelle;

    c)    la somme de 300 000 BFR en sa qualité d'administrateur légal de la personne et des biens de son enfant mineur;

—    condamner la Banque à supporter la totalité des dépens;

—     subsidiairement, ordonner diverses mesures d'instruction.

35.
    La Banque conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    déclarer le recours irrecevable et non fondé;

—    rejeter la demande d'annulation et la demande d'indemnité.

Dans son mémoire en duplique, la Banque demande au Tribunal de:

—    condamner le requérant, en application de l'article 87, paragraphe 3, deuxième alinéa, du règlement de procédure, à supporter la totalité des dépens en raison du caractère vexatoire et frustratoire de l'action introduite devant le Tribunal;

—    condamner le requérant à payer un franc symbolique en réparation du préjudice moral subi par la Banque.

36.
    Par lettres des 9 et 22 février 1999, le greffe du Tribunal a demandé aux parties de se prononcer sur le mémoire de M. Hautem du 25 janvier 1999.

37.
    Par mémoires du 19 février et du 2 mars 1999, les parties requérante et défenderesse se sont prononcées respectivement sur le mémoire de M. Hautem.

38.
    Par décision du président de la cinquième chambre, la procédure orale a été cloturée en date du 22 avril 1999.

Sur le fond

39.
    Le requérant invoque six moyens. Les premier et troisième moyens sont tirés d'une violation des formes substantielles prévues par l'article 40 du règlement du personnel et des principes généraux de droit communs aux États membres, en particulier des droits de la défense. Le deuxième moyen est tiré d'une erreur manifeste d'appréciation en ce qui concerne les faits. Les quatrième et cinquième moyens sont tirés d'une violation du principe de proportionnalité, du principe de protection de la confiance légitime, du principe général d'impartialité et d'une erreur manifeste d'appréciation dans le choix de la sanction. Le sixième moyen est tiré d'un détournement de pouvoir et de la violation des formes substantielles.

40.
    Il convient d'analyser en premier lieu le deuxième moyen, qui a trait à l'analyse des faits.

Sur le deuxième moyen, tiré d'une erreur manifeste d'appréciation des faits

Arguments des parties

41.
    Le requérant fait valoir que la Banque a commis une erreur manifeste d'appréciation en ce que la décision attaquée et les délibérations qui la précèdent tiennent pour établis des faits contestés ou donnent aux faits une qualification manifestement erronée. Ainsi, la Banque aurait considéré à tort que le requérant a exercé des activités commerciales pour le compte de la société Mon de l'Evasió et qu'il a utilisé des moyens de la Banque ou le matériel de celle-ci, de manière à laisser croire aux correspondants qu'elle était impliquée dans ses activités commerciales.

42.
    A cet égard, le requérant soutient que sa seule activité au sein de la société Mon de l'Evasió a été de prêter une assistance occasionnelle à l'épouse de M. Hautem. Dès lors, la question qui se poserait est celle de savoir si l'assistance occasionnelle prêtée à Mme Hautem peut être assimilée à l'exercice d'une activité commerciale. A supposer que la réponse à cette question soit affirmative, il y aurait alors lieu de déterminer si cette activité commerciale revêt les caractéristiques d'une activité professionnelle.

43.
    Il fait valoir que Mme Hautem a reçu les pouvoirs de gérance de Mme Sanchez Palou, présidente de la société Mon de l'Evasió. Dans ce cadre, il aurait été amené, avec M. Hautem, à venir en aide à Mme Hautem lors de la livraison, au profit de la société Mon de l'Evasió, d'un stand Skit-Ball, en prenant un jour de congé. A cette occasion, ils auraient été en contact téléphonique avec M. Ingargiola, et le requérant aurait signé un chèque en tant que mandataire spécial.

44.
    En dehors de cette aide occasionnelle, la Banque ne lui reprocherait que des éléments contestés ou non infractionnels. Ainsi, ne constitueraient pas une infraction au règlement du personnel la qualité d'actionnaire fondateur d'une société, le fait de ne pas déclarer une telle qualité, l'affirmation selon laquelle Mme

Hautem était seule habilitée à représenter la société Mon de l'Evasió et la mention de la simple appartenance du requérant à la Banque.

45.
    La Banque fait valoir que le requérant a violé les obligations du règlement du personnel. Il découlerait de ces obligations que les agents doivent respecter les principes d'indépendance et de dignité de la fonction qui gouvernent l'exercice d'une fonction publique auprès d'une autorité publique et qui revêtent une importance essentielle pour une autorité bancaire. La violation de telles obligations serait donc passible de sanctions disciplinaires graves, comme la révocation, ainsi que le Tribunal l'aurait récemment confirmé dans son arrêt du 15 mai 1997, N/Commission (T-273/94, RecFP p. II-289).

        

46.
    Quant à l'argument du requérant selon lequel elle se serait basée sur des faits soit non infractionnels, soit erronés, la Banque rétorque que:

—    le fait d'être actionnaire fondateur d'une société commerciale à caractère familial à laquelle chaque associé apporte sa contribution en tant qu'administrateur de fait dans l'attente d'un profit est un acte commercial qui oblige le requérant à le lui signaler ou, à tout le moins, à refuser de s'impliquer dans une telle société. Lors de l'audience, la Banque a néanmoins reconnu que le fait d'être actionnaire fondateur n'équivalait pas à être administrateur et que, dès lors, ce qui était reproché au requérant était sa participation active au fonctionnement de la société Mon de l'Evasió;

—    Mme Hautem semble ne pas avoir les compétences d'administrateur délégué de la société Mon de l'Evasió et n'être qu'un «prête-nom». En réalité, ce serait son mari et le requérant qui agiraient au nom de la société;

—    l'utilisation de l'appartenance à la Banque dans un acte de nature commerciale, avec usurpation de titres, est contraire au règlement du personnel.

47.
    A cet égard, la Banque se base sur les faits et les documents suivants, qui sont contestés par le requérant: a) l'utilisation des moyens de la Banque; b) la lettre du 1er octobre 1996 de M. Ingargiola, envoyée par fax le 28 octobre 1996; c) la lettre du 6 septembre 1996 à l'en-tête de la société Mon de l'Evasió , annexée à la lettre de M. Ingargiola du 1er octobre 1996, envoyée par fax le 28 octobre 1996 et d) le chèque n° 6 555 542 signé par le requérant.

— Utilisation, à des fins commerciales, des moyens de la Banque

48.
    Le requérant conteste avoir utilisé à des fins commerciales les moyens de la Banque, à savoir l'ordinateur et le fax, excepté la création, avec son ordinateur de fonction, de modèles de télécopie dont il conteste la valeur probatoire.

49.
    En ce qui concerne les modèles de télécopie trouvés dans son ordinateur, le requérant fait valoir qu'aucun de ces documents n'a été expédié comme tel. Il s'agirait de modèles facilitant la rédaction par Mme Hautem de télécopies pour le compte de la société Mon de l'Evasió. Les documents réellement faxés seraient joints par le requérant en annexe à sa requête. Ils ne seraient pas signés par le requérant mais par Mme Hautem et auraient été envoyés à des dates différentes de celles des modèles.

50.
    En ce qui concerne, plus particulièrement, l'implication de la Banque par l'utilisation, en tant que modèle, de son formulaire de télécopie, le requérant fait valoir que, même s'il a utilisé ledit formulaire, celui-ci a été profondément transformé pour faire apparaître les logos de la société Mon de l'Evasió. A cet égard, le requérant admet que des mentions en marge ou en bas de page sont restées sur lesdits modèles, mais celles-ci n'apparaîtraient pas sur les documents réellement utilisés par la société Mon de l'Evasió. Il n'y aurait pas, dès lors, de mention de nature à impliquer la Banque à l'égard des tiers destinataires.

51.
    Quant à la recommandation trouvée dans son ordinateur, celle-ci aurait été adressée par le Crédit Andorrà au requérant et à M. Hautem en vue des formalités de leur souscription, en qualité d'actionnaires minoritaires, au capital de la société Mon de l'Evasió. Il ne s'agirait pas, dès lors, d'un document qui aurait été expédié, mais d'un document qui aurait été reçu puis stocké par le requérant dans son fichier personnel.

    

52.
    La Banque fait valoir que, si l'usage à des fins personnelles de ses moyens de communication n'est pas en soi contraire aux règles de conduite professionnelle, cela le devient lorsque cette utilisation n'est pas occasionnelle, mais systématique et à des fins commerciales.

    

53.
    En ce qui concerne les documents figurant dans la mémoire de l'ordinateur utilisé par le requérant, la Banque fait valoir que, s'il s'agissait de «modèles», ils ne comporteraient pas les noms et qualités des signataires. En outre, la Banque aurait eu la preuve, au stade de la duplique, que les documents trouvés dans l'ordinateur du requérant qui étaient adressés au Crédit Andorrà ont été effectivement envoyés et reçus par leur destinataire.

— Lettre du 1er octobre 1996 de M. Ingargiola, envoyée par fax le 28 octobre 1996

54.
    Selon le requérant, il ne s'agit pas d'une lettre mais d'une télécopie, expédiée le 28 octobre 1996 et datée du 1er octobre 1996. La communication tardive de cette télécopie serait suspecte étant donné que, depuis le 2 octobre, M. Ingargiola n'avait plus de grief contre la société Mon de l'Evasió puisque, à cette date, il avait reçu paiement d'une somme de 20 000 FF. Q uant au destinataire, l'en-tête de la télécopie ne mentionnerait pas la Banque mais la «Banque européenne du développement et d'investissement», ce qui indiquerait que M. Ingargiola

connaissait fort peu l'emploi du requérant. De même, la télécopie aurait initialement été destinée à M. Genuardi dont le nom aurait été biffé et remplacé par celui de Mme Chevlin à la suite de multiples coups de téléphone de celle-ci à M. Ingargiola.

55.
    En outre, le requérant fait valoir que la Banque n'a, à tort, accordé aucune foi à la lettre de M. Ingargiola du 19 novembre 1996 dans laquelle il rétracte les accusations portées dans le fax susvisé.

56.
    Selon la Banque, M. Ingargiola n'a pas seulement envoyé la télécopie du 28 octobre 1996 mais a également téléphoné pour qu'elle intervienne auprès du requérant et de M. Hautem en vue du règlement de la facture. Cela montrerait qu'il avait les coordonnées de la Banque et que le requérant lui avait dit qu'il y occupait des fonctions qui n'étaient pas les siennes pour le rassurer sur son sérieux, son «répondant» et ses capacités à conclure des actes commerciaux. Quant au fait que M. Ingargiola, dans sa lettre, n'avait pas usé de la bonne dénomination de la Banque, celle-ci souligne que le requérant ayant usurpé un titre n'avait sans doute pas donné toutes les indications exactes sur la Banque.

57.
    Quant à la deuxième lettre de M. Ingargiola en date du 19 novembre 1996, celle-ci serait suspecte. En effet, elle aurait été écrite après que le requérant a indiqué qu'il allait signifier à M. Ingargiola sa «désapprobation sur cette façon de procéder» et serait intervenue après le paiement de la somme de 20 000 FF .

— Lettre du 6 septembre 1996 à l'en-tête de la société Mon de l'Evasió , annexée à la lettre de M. Ingargiola du 1er octobre 1996, envoyée par fax le 28 octobre 1996

58.
    Le requérant fait valoir que ce document est un faux. Il comporterait un numéro de TVA, alors qu'une telle taxe n'existe pas en Andorre. Par ailleurs, ce document aurait été envoyé du numéro d'appel 37 09 18 alors qu'aucune télécopie n'aurait été envoyée à partir de ce numéro. Enfin, la télécopie serait à l'en-tête de World Escape Corporation, alors qu'il n'existerait aucune société de ce nom. Ce document serait donc dénué de force probante.

59.
    D'après la Banque, la lettre du 6 septembre 1996 à l'en-tête de la société Mon de l'Evasió SL, dans laquelle le requérant figure en qualité d'«administrateur délégué-Département juridique», contient des informations sur l'identification de la société Mon de l'Evasió, à savoir ses numéros d'inscription au registre du commerce et à la TVA d'Andorre. Cette lettre établirait une relation indéniable entre le requérant et ladite société. Comme l'attesterait le numéro de téléphone figurant en bas de page, cette lettre aurait été envoyée par le fax du domicile de M. Hautem.

— Chèque n° 6 555 542 signé par le requérant

60.
    Le requérant fait valoir que la partie analytique du rapport Interseco (p. 5 et 6) montre que les responsables du Crédit Andorrà n'ont pas affirmé qu'il disposait

d'une délégation permanente de signature sur le compte de la société Mon de l'Evasió. A cet égard, il a joint en annexe à sa réplique une lettre du Crédit Andorrà du 19 septembre 1997 attestant qu'il avait été spécialement mandaté par Mme Hautem pour signer ce chèque, dans le cadre d'une opération extraordinaire et unique, en raison de la relation bancaire privilégiée que la famille Yasse entretient avec le Crédit Andorrà.

61.
    La Banque soutient que le chèque ordonnant au Crédit Andorrà de débiter le compte de la société Mon de l'Evasió de 46 500 FF au profit de la société Skit-Ball et signé par le requérant est la preuve que celui-ci est habilité à faire des opérations sur ledit compte.

62.
    A cet égard, la Banque conteste l'authenticité de la lettre du 19 septembre 1997 et a joint en annexe à sa duplique un courrier du Crédit Andorrà du 18 novembre 1997 l'informant que la lettre du 19 septembre était un «faux intégral».

Appréciation du Tribunal

63.
    Le Tribunal doit examiner s'il y a eu une erreur manifeste d'appréciation des faits lors de l'adoption d'une décision infligeant une sanction de révocation. Une telle décision implique nécessairement des considérations délicates de la part de l'institution, compte tenu des conséquences sérieuses et irrévocables qui en découlent. L'institution dispose, à cet égard, d'un large pouvoir d'appréciation, et le contrôle juridictionnel se limite à une vérification de l'exactitude matérielle des faits retenus et de l'absence d'erreur manifeste dans l'appréciation des faits (arrêt N/Commission, précité, point 125).

64.
    Il y a lieu de relever que le requérant ne conteste pas qu'il a constitué en avril 1996, avec M. Hautem, la société Mon de l'Evasió, dont il détenait 16 % du capital, ni le fait de ne pas avoir en informé la Banque.

65.
    Quant aux documents trouvés dans l'ordinateur du requérant, celui-ci admet qu'il les a rédigés. Il ne conteste ni leur contenu, de nature clairement commerciale, ni l'existence des télécopies, mais se borne à affirmer que les documents faxés ne seraient pas signés par lui mais par Mme Hautem, qu'ils auraient été complètement transformés pour faire apparaître les logos de la société Mon de l'Evasió et qu'ils auraient été envoyés à des dates différentes de celles des modèles. Le requérant produit, en annexe à sa requête, les documents qui, selon lui, ont été envoyés.

66.
    A cet égard, il convient de relever que ces affirmations et ces documents prétendumment envoyés ne correspondent nullement à la réalité des faits.

67.
    En effet, il ressort des pièces jointes par la Banque en annexe à sa duplique, correspondant aux copies que lui a adressées le Crédit Andorrà par lettre du 15 octobre 1997, les éléments suivants:

—    une télécopie, datée du 2 octobre 1996 , signée par le requérant et adressée au Crédit Andorrà, M. Miguel Muntadas, au moyen d'un fax de la Banque, comme l'indiquent les sigles «BEI/EIB» figurant en haut du document. La télécopie est à l'en-tête de World Escape, Mon de l'Evasió, et, sous la rubrique «Expéditeur», il est marqué «Yasse Bernard-administrateur». La mention «centre de dépenses: 032», propre à la Banque, y figure toujours. Dans cette télécopie, le requérant demande au Crédit Andorrà d'effectuer un transfert de 20 000 FF sur le compte de la société Skit-Ball. Le contenu de cette télécopie est donc identique à celui d'un des documents trouvés dans l'ordinateur du requérant;

—    une lettre du 19 août 1996, envoyée par fax le 24 septembre 1996 à partir de la Banque, comme l'indique la même mention «BEI/EIB» figurant en haut du document. Cette télécopie, à l'en-tête de la Banque et caisse d'épargne de Luxembourg, contient une recommandation du requérant et de M. Hautem en qualité de clients. Le contenu de cette lettre est aussi identique à la recommandation trouvée dans l'ordinateur du requérant.

68.
    En ce qui concerne la mention par le requérant de son appartenance à la Banque, elle ressort du fait que M. Ingargiola s'était mis en contact téléphonique avec la Banque et lui avait envoyé une télécopie dans laquelle il qualifiait le requérant de directeur financier.

69.
    Quant à la valeur probante de la lettre du 1er octobre 1996, il y a lieu de relever que le fait qu'elle n'a pas été envoyée par voie postale mais seulement par fax et 27 jours plus tard n'enlève rien au caractère probatoire de son contenu. Au contraire, la rédaction de ce document antérieurement à l'ouverture de la procédure disciplinaire lui confère un caractère probant plus important, étant donné que, à ce stade, M. Ingargiola ne pouvait être influencé par le déroulement de ladite procédure. Quant à l'erreur commise par M. Ingargiola dans la dénomination de la Banque, elle est sans influence sur la réalité de l'exercice par le requérant d'activités commerciales. Enfin, le fait que le nom de M. Genuardi ait été biffé et remplacé par celui de Mme Chevlin indique seulement que M. Ingargiola a pris contact avec la Banque afin de vérifier quelle était la personne à qui la télécopie devait être envoyée. Cet élément n'enlève rien non plus à la valeur probatoire de la lettre.

70.
    En ce qui concerne la lettre de rétractation du 19 novembre 1996, il convient de souligner les points suivants: à sa lettre précédente, M. Ingargiola avait joint des éléments de preuve des faits reprochés au requérant dont la lettre du 19 novembre 1996 ne conteste pas l'authenticité; de plus, cette lettre a été écrite après que la procédure disciplinaire a été ouverte et que le requérant a pu réagir aux conséquences de la première lettre de M. Ingargiola.

71.
    Quant à la lettre du 6 septembre 1996, elle comporte l'en-tête de la société Mon de l'Evasió et les mentions «Yasse Bernard, administrateur délégué-Département

juridique», ainsi que «délégation commerciale Benelux, 5 rue de l'Église, L-4994 Schouweiler». Par cette lettre, le requérant fournit des renseignements concernant la société Mon de l'Evasió . Même si le nom World Escape, qui apparaît sur la télécopie de la lettre du 6 septembre 1996, ne correspond pas à la raison sociale d'une société, il figure également dans d'autres documents du dossier, notamment le chèque de 46 500 FF et trois des documents trouvés dans le disque dur de l'ordinateur du requérant et dont il n'a jamais contesté l'existence. Il s'agit de la télécopie du 7 novembre 1996 au Crédit Andorrà concernant le transfert de 20 000 FF , le fax de la même date au palais des expositions concernant une demande de participation à une foire commerciale et la télécopie du 7 novembre 1996 concernant l'envoi de douze livres . Enfin, le nom World Escape apparaît sur la télécopie reçue par le Crédit Andorrà datée du 2 octobre 1996. En tout état de cause, «World Escape» n'est qu'une traduction de «Mon de l'Evasió».

72.
    Quant au chèque n° 6 555 542 de 46 500 FF tiré sur le compte de la société Monde l'Evasió ouvert au Crédit Andorrà, le requérant admet l'avoir signé et se borne à soutenir qu'il n'a pas une délégation permanente de signature.

73.
    Néanmoins, le seul élément de nature à démontrer que le chèque n'avait été autorisé que dans le cadre d'un mandat spécial est une lettre du Crédit Andorrà du 19 septembre 1997. Or, cette lettre a été qualifiée de faux par le Crédit Andorrà lui-même, dans un courrier du 18 novembre 1997 non contesté par le requérant.

74.
    En outre, l'une des télécopies du 24 septembre 1996 , envoyées par le requérant au Crédit Andorrà et communiquées par celui-ci à la Banque par lettre du 15 octobre 1997, avait le contenu suivant:

«Comme prévu, je vous envoie le document de notre banque pour la ligne de crédit. [...] Je vous demande de retenir le chèque n° 6 555 542 [à l'ordre...] de Skit-Ball SARL, nous avons un problème avec le matériel reçu. Je vous préviendrai dès que le problème sera résolu. Recevez toutes nos amitiés. Bernard».

75.
    Le contenu de cette télécopie confirme que le requérant était habilité à faire des opérations sur le compte de la société Mon de l'Evasió.

76.
    Au surplus, il convient de souligner que cette télécopie a également été envoyée de la Banque et qu'elle a été établie sur un formulaire de celle-ci. En effet, la télécopie, à l'en-tête de la «Banque européenne d'investissement/European Investment Bank», a été envoyée au Crédit Andorrà à partir d'une télécopie de la Banque, comme l'indiquent les traces qui apparaissent en haut du document. Sous la rubrique «Expéditeur», il est marqué «Bernard Yasse-Mon de l'Evasió SL». Le document laisse subsister la mention du centre de dépenses 032, qui est celui des services intérieurs de la Banque, ainsi que les numéros de téléphone, fax et télex de la Banque.

77.
    Il découle de tout ce qui précède que la Banque n'a pas commis une erreur d'appréciation des faits en considérant que le requérant avait exercé des activités commerciales sans son autorisation, qu'il avait utilisé à cette fin le matériel de la Banque et fait état de son appartenance à celle-ci lors de l'exercice de ces activités, de manière à laisser croire aux correspondants qu'elle y était impliquée.

78.
    Le deuxième moyen doit, dès lors, être rejeté.

Sur les premier et troisième moyens, tirés de la violation des formes substantielles prévues par l'article 40 du règlement du personnel, des principes généraux de droit communs aux États membres et en particulier des droits de la défense

Arguments des parties

79.
    Le requérant fait valoir que la Banque a violé l'article 40 du règlement du personnel. En premier lieu, il soulève l'existence de certaines irrégularités dans le fonctionnement de la commission paritaire, notamment l'absence de mesures d'instruction et la prise en compte du rapport Interseco sans que ses erreurs aient été corrigées. En deuxième lieu, le requérant estime que la commission paritaire a été composée de manière irrégulière en ce qu'un de ses membres a été remplacé. En troisième lieu, le requérant fait valoir que certains documents ne lui ont pas été transmis. Enfin, la Banque aurait violé l'article 40 du règlement du personnel et les principes généraux de droit communs aux États membres, en particulier les droits de la défense, en ce que la décision attaquée n'a pas respecté le principe selon lequel le doute doit profiter à la personne poursuivie disciplinairement.

80.
    En premier lieu, le requérant reproche à la Banque, en tant qu'autorité chargée de la mission de poursuite, d'avoir procédé à une enquête en ayant recours à Interseco. Or, suivant le règlement du personnel, le pouvoir de procéder à une enquête n'appartiendrait qu'à la commission paritaire.

81.
    En s'abstenant de procéder elle-même à une enquête et d'entendre, le cas échéant, des témoins, la commission paritaire aurait violé l'article 40 du règlement du personnel. A cet égard, le requérant fait valoir que la commission paritaire n'a pas vérifié les contradictions et erreurs matérielles apparaissant dans le rapport Interseco, ni apprécié correctement la différence de contenu entre le compte rendu des discussions menées par les enquêteurs et les déductions que ceux-ci en ont tirées.

82.
    En deuxième lieu, en ce qui concerne la composition de la commission paritaire, le requérant fait valoir que, selon la lettre du 25 novembre 1996 l'invitant à désigner les deux représentants du personnel devant y siéger, celle-ci devait être composée de M. Carpenter en qualité de président, de M. Genuardi, directeur des ressources humaines, et de M. Eynard, directeur général de la direction des affaires juridiques. Or, M. Eynard a été remplacé par M. Christie qui, au cours de l'audition de M. Hautem, aurait confondu celui-ci avec le requérant. A cet égard,

le requérant considère que le directeur général de la direction des affaires juridiques aurait été mieux placé pour informer la commission paritaire de ses compétences et de ses devoirs.

83.
    En troisième lieu, le requérant soutient que certains éléments probants sur lesquels la commission paritaire fonde son avis quant à l'utilisation des fax de la Banque ne lui ont pas été communiqués. Il s'agirait de la preuve que trois télécopies au Crédit Andorrà et une au palais des expositions auraient été envoyées par les fax de la Banque auxquels il avait accès.

84.
    Enfin, le requérant souligne que la décision attaquée suit l'avis de la commission paritaire qui a estimé qu'il avait violé l'article 1er du règlement du personnel eu égard non seulement à ses comportements «mais également au climat douteux qui les entoure». Or, d'après le requérant, ce climat douteux ne peut lui être imputé.

85.
    La Banque se réfère aux arguments qu'elle a invoqués dans le cadre du deuxième moyen. Elle précise que le fait que la commission paritaire n'a pas jugé utile de procéder à des mesures d'instruction complémentaires démontre qu'elle était suffisamment informée sur les faits allégués à l'encontre des requérants.

86.
    La Banque conclut que les règles prévues à l'article 40 ont été intégralement respectées.

Appréciation du Tribunal

87.
         Quant au grief du requérant qui reproche à la Banque d'avoir fait procéder à une enquête par Interseco, il convient de souligner qu'il est légitime que la Banque, agissant dans le cadre d'une procédure disciplinaire, cherche à s'informer de la façon la plus complète et la plus objective possible sur le comportement de ceux qui en font l'objet et soumette à la commission paritaire des documents fondés sur les services d'un tiers.

88.
    S'agissant de l'argument du requérant selon lequel la commission paritaire aurait violé l'article 40 du règlement du personnel en s'abstenant de mettre en oeuvre ses pouvoirs d'enquête, il suffit de rappeler le libellé de l'article 40 du règlement du personnel, selon lequel «[l]a commission paritaire peut, si elle ne se juge pas suffisamment éclairée sur les faits, procéder à une enquête et entendre des témoins». La commission paritaire n'est, dès lors, pas obligée d'ouvrir une enquête. En l'espèce, elle s'est jugée suffisamment éclairée sur les faits par les éléments de preuve dont elle disposait et qui ont été évalués lors de l'examen du deuxième moyen.

89.
    Quant à l'argument selon lequel la commission paritaire n'aurait pas relevé les contradictions et erreurs matérielles apparaissant dans le rapport Interseco, il suffit

de rappeler que la commission paritaire ne fait aucune référence, dans son avis, audit rapport.

90.
    En ce qui concerne la composition de la commission paritaire, il convient de rappeler que, aux termes de l'article 40 du règlement du personnel, la commission paritaire doit être composée des membres suivants: «le directeur de la direction de l'administration générale, président, qui ne prend pas part au vote; le chef du personnel et un directeur, d'une direction autre que celle à laquelle appartient le membre du personnel intéressé, d'une part; deux représentants du personnel de son choix, d'autre part, et un secrétaire, qui ne prend pas part aux délibérations ni au vote». A cet égard, s'il est vrai que M. Carpenter avait annoncé, dans sa lettre du 25 novembre 1996, précitée, que le directeur d'une direction autre que celle à laquelle appartenait le requérant serait M. Eynard, directeur des affaires juridiques, et non M. Christie, directeur général de la direction des projets, qui a été finalement désigné , il n'en reste pas moins que M. Christie répond aux conditions requises par l'article 40 du règlement du personnel. En ce qui concerne le fait que M. Christie aurait confondu une fois, lors de l'audition, M. Hautem avec le requérant, on ne pourrait pas déduire l'existence d'un préjudice d'une simple inadvertance lors d'une audition.

91.
    Quant à la non-communication de certains éléments probants de l'utilisation par le requérant, dans l'intérêt d'une entreprise commerciale, des moyens de communication de la Banque, il convient de rappeler la jurisprudence de la Cour et du Tribunal selon laquelle le caractère contradictoire d'une procédure telle que celle devant le conseil de discipline et les droits de la défense dans une telle procédure exigent que le requérant et, le cas échéant, son avocat, puissent prendre connaissance de tous les éléments de fait sur lesquels la décision attaquée a été fondée, et cela en temps utile pour présenter leurs observations. Cependant, à défaut d'une demande de l'intéressé, aucune obligation de l'autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après «AIPN») de communiquer l'intégralité du dossier du fonctionnaire faisant l'objet d'une procédure disciplinaire ne saurait être déduite du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après «statut») (arrêts de la Cour du 11 juillet 1985, R/Commission, 255/83 et 256/83, Rec. p. 2473, point 17, et du Tribunal du 17 octobre 1991, De Compte/Parlement, T-26/89, Rec. p. II-781, point 122, et N/Commission, précité, point 88). Une telle jurisprudence, appliquée mutatis mutandis à l'interprétation du règlement du personnel, implique que la Banque est obligée de communiquer à la personne qui fait l'objet d'une enquête les documents qui révèlent des faits importants pour l'exercice de ses droits de la défense, mais pas forcément d'autres documents, à défaut d'une demande à cette fin (arrêt N/Commission, précité, point 89).

92.
    En l'espèce, il y a lieu de relever que la Banque a fourni au requérant, dans sa lettre du 19 décembre 1996 lui communiquant les faits reprochés, les documents les plus révélateurs desdits faits, à savoir, notamment, la lettre de M. Ingargiola du 1er octobre 1996, envoyée par fax le 28 octobre 1996, avec ses annexes, la lettre de

rétractation de M. Ingargiola du 19 novembre 1996, le rapport Interseco et les documents trouvés dans son ordinateur .

93.
    En tout état de cause, le requérant n'ayant pas demandé l'accès aux éléments probants litigieux comme il aurait dû le faire, la Banque ne saurait être sanctionnéepour ne pas les lui avoir communiqués dans le cadre de la procédure disciplinaire préalable à l'adoption de la décision attaquée (voir, à cet égard, l'arrêt du Tribunal du 19 mars 1998, Tzoanos/Commission, T-74/96, RecFP p. II-343, point 337).

94.
    Enfin, quant à l'argument du requérant selon lequel la décision attaquée aurait été prise en raison d'un climat douteux entourant les faits en cause, il y a lieu de souligner que la décision attaquée n'a pas imputé au requérant un manquement particulier pour ce motif. Quant à la mention dans l'avis de la commission paritaire d'un climat douteux, elle fait référence à l'existence de comportements et d'affirmations contradictoires de la part du requérant et de M. Hautem.

95.
    En outre, comme il a été jugé lors de l'examen du deuxième moyen, la Banque s'est fondée sur un ensemble de preuves suffisamment complet et cohérent.

96.
    Il découle de tout ce qui précède que l'article 40 du règlement du personnel, les principes généraux de droit communs aux États membres et, en particulier, les droits de la défense, ont été respectés dans la procédure entamée contre le requérant.

97.
    Il s'ensuit que les premier et troisième moyens doivent être rejetés.

Sur les quatrième et cinquième moyens, tirés d'une violation du principe de proportionnalité, du principe de protection de la confiance légitime, du principe général d'impartialité et d'une erreur manifeste d'appréciation dans le choix de la sanction

Arguments des parties

98.
    Le requérant fait valoir, d'une part, que la Banque a violé le principe de proportionnalité et de protection de la confiance légitime en ce que son comportement ne constitue pas une violation particulièrement grave de ses obligations. D'autre part, le requérant soutient que la Banque a commis une violation du principe de proportionnalité, une violation du principe général d'impartialité et une erreur manifeste d'appréciation en ce que ni la commission paritaire ni l'autorité de poursuite n'ont procédé à une mise en balance des griefs et de ses états de service.

99.
    Le requérant fait valoir, en premier lieu, que la décision attaquée qualifie la simple utilisation du matériel de la Banque de violation particulièrement grave alors que, dans sa lettre du 19 décembre 1996, précitée, la Banque avait considéré que ce fait ne comportait pas en soi un caractère de gravité absolue.

100.
    Le requérant invoque l'effet utile des articles 1er et 4 du règlement du personnel. A cet égard, il considère que l'exercice d'activités professionnelles, notamment de nature commerciale, en dehors de la Banque, est incriminé en raison de l'obligation faite aux membres du personnel de consacrer leur activité au service de celle-ci. Dans cette perspective, l'exercice d'activités commerciales en dehors de la Banque serait un péril pertinent dès lors que des agents de la fonction D ou E seraient en mesure, à raison des informations qu'ils détiennent ou de leur savoir-faire professionnel, de tirer profit, à titre personnel et en dehors de la Banque, des missions qu'ils exercent au sein de celle-ci.

101.
    Néanmoins, une assistance matérielle occasionnelle prêtée par deux huissiers de la fonction K à l'épouse de l'un d'eux n'entrerait pas dans le champ d'application de cette interdiction. La Banque aurait profité de ce que les faits concernaient un agent de la fonction K pour rappeler, à l'attention du personnel de plus haute qualification, l'importance de l'article 4 du règlement du personnel.

102.
    Le requérant fait valoir, en second lieu, que ni la commission paritaire ni l'autorité de poursuite n'ont tenu compte de ses états de service alors qu'ils sont excellents et qu'ils auraient pu et dû être pris en compte au titre de circonstances atténuantes et, par voie de conséquence, infléchir la sanction.

103.
La Banque fait valoir que, comme elle a démontré que les faits reprochés au requérant étaient fondés et qu'ils contrevenaient gravement à l'article 4 du règlement du personnel, le licenciement pour motif grave était justifié. De plus, le requérant aurait menti en prétendant que les télécopies litigieuses n'avaient pas été envoyées à partir de la Banque, et il aurait produit en annexe à sa requête et à sa réplique des documents fabriqués et falsifiés pour la cause.

104.
    En ce qui concerne la considération des états de service du requérant, la Banque fait valoir qu' on peut être un excellent agent tout en se rendant coupable d'infractions graves aux obligations professionnelles.

Appréciation du Tribunal

105.
    Il convient de rappeler que le principe de proportionnalité, tel qu'il a été consacré par la jurisprudence, comporte deux aspects. D'une part, le choix de la sanction adéquate appartient à l'AIPN, lorsque la réalité des faits retenus à la charge du fonctionnaire est établie (arrêts de la Cour du 30 mai 1973, 46/72, De Greef/Commission, Rec. p. 543, points 43 à 46, et du 29 janvier 1985, F/Commission, 228/83, Rec. p. 275, point 34), et le juge communautaire ne saurait censurer le choix de la sanction disciplinaire par l'AIPN, à moins que la sanction infligée ne soit disproportionnée par rapport aux faits relevés à la charge du fonctionnaire (arrêt de la Cour du 4 février 1970, Van Eick/Commission, 13/69, Rec. p. 3, points 24 et 25).

106.
    D'autre part, la détermination de la sanction est fondée sur une évaluation globale par l'AIPN de tous les faits concrets et les circonstances propres à chaque cas individuel, les articles 86 à 89 du statut ne prévoyant pas de rapport fixe entre les sanctions disciplinaires y indiquées et les différentes sortes de manquements commis par les fonctionnaires et ne précisant pas dans quelle mesure l'existence de circonstances aggravantes ou atténuantes doit intervenir dans le choix de la sanction (arrêt de la Cour du 5 février 1987, F/Commission, 403/85, Rec. p. 645, point 26; arrêt du Tribunal du 7 mars 1996, Williams/Cour des comptes, T-146/94, RecFP p. II-329, point 107). Dans son arrêt Williams/Cour des comptes, précité (point 108), le Tribunal a déduit que son examen se trouvait, dès lors, limité à la question de savoir si la pondération des circonstances aggravantes et atténuantes par l'AIPN avait été effectuée de façon proportionnée, étant précisé que, lors de cet examen, il ne saurait se substituer à l'AIPN quant aux jugements de valeur portés à cet égard par celle-ci (voir également l'arrêt Tzoanos/Commission, précité).

107.
    Étant donné que, comme dans le statut, aucun article du règlement du personnel ne prévoit un rapport fixe entre les différentes sortes de manquements ni ne précise dans quelle mesure l'existence de circonstances aggravantes ou atténuantes doit intervenir dans le choix de la sanction, la jurisprudence exposée ci-dessus est applicable mutatis mutandis dans le cas d'espèce.

108.
    L'analyse de la proportionnalité entre les faits retenus à la charge de l'agent et la sanction infligée doit donc être faite à la lumière des objectifs et des fonctions que la Banque doit remplir.

109.
    En l'espèce, l'article 1er du règlement du personnel dispose que les membres du personnel doivent, dans l'exercice de leurs fonctions et en dehors du service, observer une attitude conforme au caractère international de la Banque et de leurs fonctions. L'article 4 dudit règlement établit que les membres du personnel doivent consacrer leur activité au service de la Banque et qu'ils ne peuvent, sans y avoir été préalablement autorisés, exercer en dehors de la Banque aucune activité professionnelle, notamment de nature commerciale.

110.
    De telles obligations revêtent une importance tout à fait essentielle pour l'accomplissement des objectifs de l'institution bancaire et constituent un élément essentiel du comportement que le personnel de la Banque doit observer pour préserver l'indépendance et la dignité de celle-ci.

111.
    L'exercice d'une activité commerciale non autorisée se révèle, en l'espèce, totalement incompatible avec le respect de tels principes.

112.
    En ce qui concerne l'argument du requérant selon lequel la Banque qualifierait la simple utilisation du matériel comme particulièrement grave, alors qu'elle avait initialement présenté ce fait comme étant moins répréhensible, il suffit de constater

que, dans la décision attaquée, ce manquement n'est retenu que comme une circonstance aggravante.

113.
    Quant à l'argument tiré de l'effet utile de l'article 4 du règlement du personnel, il convient de rappeler que l'obligation de soumettre préalablement à la Banque l'exercice d'une activité extérieure s'impose de manière générale, sans distinction quant à la nature, l'importance ou le classement du membre du personnel concerné. Il appartient donc exclusivement à la Banque d'évaluer les caractéristiques de l'activité ou du mandat au moment où elle examine la demande d'autorisation. Compte tenu de la portée de l'article 4 du règlement du personnel, il est, dès lors, superflu de déterminer s'il existait une incompatibilité entre, d'une part, les fonctions du requérant en tant qu'huissier à la Banque et, d'autre part, ses activités au sein de la société Mon de l'Evasió (voir, en relation avec l'article 12 du statut, l'arrêt Tzoanos/Commission, précité, point 66).

114.
    Enfin, quant aux états de service du requérant, il y a lieu de souligner, en premier lieu, qu'aucune disposition du règlement du personnel n'oblige la Banque à en tenir compte et, en second lieu, qu'en tout état de cause il était légitime pour la Banque de considérer que les faits revêtaient une gravité telle que, même si les états de service du requérant avaient été exceptionnels, cette circonstance aurait été sans effet.

115.
    La réalité des faits retenus à la charge du requérant ayant été établie et lesdits faits constituant une violation de l'article 4 du règlement du personnel, il découle des considérations qui précèdent que la sanction infligée n'est pas disproportionnée par rapport aux faits établis et que la pondération des circonstances a été effectuée par la Banque de façon proportionnée.

116.
    Dès lors, la Banque n'a pas violé les principes de proportionnalité, de protection de la confiance légitime et d'impartialité et n'a pas commis une erreur manifeste d'appréciation dans le choix de la sanction.

117.
    Les quatrième et cinquième moyens doivent, partant, être rejetés.

Sur le sixième moyen, tiré d'un détournement de pouvoir et de la violation des formes substantielles

Arguments des parties

118.
    Dans sa réplique, le requérant fait valoir que la Banque a commis un détournement de pouvoir et une violation des formes substantielles en ce qu'elle a eu recours à la technique du «dossier parallèle». Il se baserait sur des faits dont il n'aurait eu connaissance qu'au stade de sa réplique.

119.
    Le dossier joint par la Banque en annexe à son mémoire en défense comporterait deux documents dont le contenu divergerait des documents théoriquement

identiques en possession du requérant: le rapport Interseco et le compte rendu de l'audition du requérant par la commission paritaire.

120.
    Pour ce qui est du rapport Interseco, le requérant signale, en premier lieu, que ledocument joint en annexe 11 au mémoire en défense contiendrait un paragraphe, le dernier de la conclusion, qui n'existerait pas dans l'exemplaire joint en annexe à sa requête et qui aurait le contenu suivant :

«Sur la base de la déclaration de M. Ingargiola, il a été déterminé avec certitude (c'est le requérant qui souligne) que M. Yasse, lors de sa rencontre avec M. Ingargiola, était en possession d'une Mercedes. Pour le moment, il est fort possible qu'il s'agissait d'un véhicule d'entreprise de la [Banque], mis à la disposition du requérant, étant donné la nature de son emploi au sein de la [Banque].»

121.
    En second lieu, la date de naissance du requérant, l'adresse de M. Hautem et les emplois occupés par le requérant et celui-ci seraient également différents dans les deux exemplaires de ce même rapport.

122.
    Pour ce qui est du compte rendu de son audition par la commission paritaire, le requérant fait valoir que la transcription qui lui a été communiquée par courrier du 7 février 1997 est plus complète que celle jointe en annexe au mémoire en défense (p. 9, quarante-cinquième ligne). De même, l'une des questions posées au requérant apparaîtrait dans la transcription communiquée à la Banque comme deux questions émanant de deux membres différents de la commission paritaire (p. 10, douzième ligne). Or, ces divergences toucheraient au fond du litige.

123.
    La Banque fait valoir que le moyen doit être rejeté en application de l'article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure qui interdit la production de moyens nouveaux en cours d'instance.

124.
    En tout état de cause, le rapport Interseco joint en annexe à la requête ne serait qu'un projet qui n'aurait jamais été utilisé et dont l'exemplaire joint en annexe au mémoire en défense ne se différencierait que par des détails qui n'auraient en rien pu porter préjudice au requérant.

125.
    Quant aux différences entre les deux versions du compte rendu de l'audition, elles seraient dues à l'existence de deux enregistrements et de deux transcriptions simultanées et ne porteraient que sur des détails qui n'affectent en rien le contenu de l'audition.

Appréciation du Tribunal

— Sur la recevabilité

126.
    Il convient de rappeler que l'article 48, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de procédure dispose que la production de moyens nouveaux en cours d'instance est interdite à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure.

127.
    En l'espèce, il ressort du dossier que le requérant, d'une part, a découvert les données factuelles invoquées à l'appui de l'argument tenant à l'existence d'un dossier parallèle lors de l'étude du mémoire en défense et, d'autre part, qu'il n'était pas en mesure d'en avoir connaissance d'une autre façon.

128.
    Ainsi, l'argument en question se fonde, comme l'exige l'article 48 du règlement de procédure, sur des éléments de fait qui se sont révélés pendant la procédure et, par conséquent, sa production doit être autorisée.

— Sur le fond

129.
    L'argument du requérant selon lequel la discordance entre deux versions du rapport Interseco ainsi qu'entre deux versions du compte rendu de son audition par la commission paritaire aurait violé les droits de la défense ne saurait être retenu.

130.
    En ce qui concerne le rapport Interseco, il y a lieu de souligner que ni la décision attaquée ni l'avis de la commission paritaire n'a fait référence au paragraphe du rapport cité par le requérant. A supposer que les membres de la commission paritaire aient eu accès au premier projet du rapport Interseco, ce que la Banque nie, ils n'ont pas retenu à l'encontre du requérant l'utilisation de sa voiture de service à des fins privées. Les droits de la défense du requérant n'ont, dès lors, pas été affectés et il n'existe pas de vice de forme de nature à lui être préjudiciable dans le cadre de la procédure ouverte contre lui.

131.
    Pour ce qui est des différences concernant la date de naissance du requérant, l'adresse de M. Hautem et les emplois occupés par eux, il ne s'agit que de détails qui n'ont pu être préjudiciables au requérant.

132.
    Quant aux différences entre les deux versions du compte rendu de son audition par la commission paritaire, il y a également lieu de constater que le requérant n'est pas parvenu à démontrer en quoi elles auraient pu lui être préjudiciables. En effet, lesdites différences ne portent que sur des détails qui n'affectent en rien le contenu de l'audition.

133.
    Quant à l'argument selon lequel l'existence de telles différences constituerait un détournement de pouvoir, il suffit de rappeler que, conformément à la jurisprudence, le détournement de pouvoir consiste, pour une autorité administrative, à user de ses pouvoirs dans un but autre que celui en vue duquel ils lui ont été conférés. Dès lors, une décision attaquée n'est entachée de détournement de pouvoir que si elle apparaît, sur la base d'indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été prise pour atteindre des fins autres que celles

excipées (arrêts du Tribunal du 26 novembre 1991, Williams/Cour des comptes, T-146/89, Rec. p. II-1293, points 87 et 88, et du 16 décembre 1993, Turner/Commission, T-80/92, Rec. p. II-1465, point 70).

134.
    Or, les différences entre les deux exemplaires du rapport Interseco et les deux versions du compte rendu de son audition soulignées par le requérant ne constituent pas des indices objectifs, pertinents et concordants de nature à établir à suffisance de droit que sa révocation a été décidée dans un but autre que celui de le sanctionner pour les fautes qu'il a commises dans l'exercice de ses fonctions au sein de la Banque.

135.
    Par conséquent, le sixième moyen doit être rejeté.

136.
    Il découle de tout ce qui précède que la demande en annulation doit être rejetée.

Sur les demandes en indemnité introduites par le requérant

Arguments des parties

137.
    Le requérant fait valoir que, dans l'hypothèse où l'action en annulation serait accueillie par le Tribunal et où il serait, dès lors, réintégré dans son emploi à la Banque, son préjudice matériel comprendrait l'arriéré des rémunérations qu'il aurait dû percevoir depuis la date de la rupture irrégulière de son contrat. Il aurait également subi des dommages moral et matériel distincts constitués par l'atteinte à sa considération et à sa réputation professionnelle, ainsi que par la perte d'une chance de promotion ou de gain d'échelon, justifiant le versement d'une somme de 1 000 000 BFR. Enfin, il réclame, en qualité d'administrateur légal de la personne et des biens de sa fille mineure, une somme de 300 000 BFR en réparation du préjudice occasionné à celle-ci dans le déroulement de sa scolarité. Dans l'hypothèse où il ne serait pas réintégré dans son emploi, le requérant réclame des dommages et intérêts pour un montant total de 40 876 775 BFR.

138.
    La Banque fait valoir, à titre principal, qu'à défaut de toute faute de sa part depuis l'ouverture de la procédure disciplinaire jusqu'à son aboutissement le requérant ne peut se prévaloir d'aucun droit à réparation quelconque, ni à titre matériel ni à titre moral.

139.
    A titre subsidiaire, la Banque conteste les préjudices allégués par le requérant, tant dans leur existence que dans leur évaluation.

Appréciation du Tribunal

140.
    L'engagement de la responsabilité de la Communauté suppose la réunion d'un ensemble de conditions en ce qui concerne l'illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage et l'existence d'un lien de causalité entre le

comportement et le préjudice invoqué. La demande introduite par un fonctionnaire visant à obtenir réparation du préjudice qui lui aurait été causé par le comportement de l'administration doit être rejetée, dès lors que l'illégalité de ce comportement n'est pas établie (arrêt de la Cour du 16 décembre 1987, Delauche/Commission, 111/86, Rec. p. 5345, point 30; arrêts du Tribunal du 9 février 1994, Latham/Commission, T-3/92, RecFP p. II-83, points 63, 65 et 66, et du 15 février 1996, Ryan-Sheridan/FEACVT, T-589/93, RecFP p. II-77, points 141 et 142).

141.
    L'examen des moyens présentés au soutien des conclusions en annulation n'ayant révélé aucune illégalité commise par la Banque, il n'existe pas de faute de nature à engager sa responsabilité.

142.
    Les demandes en indemnité doivent, dès lors, être rejetées.

Sur la demande en indemnité introduite par la Banque

143.
    Dans sa duplique, la Banque demande la condamnation du requérant au paiement d'un franc symbolique en réparation du préjudice moral subi du fait que le requérant l'aurait accusée d'avoir produit des faux et d'avoir eu une conduite frauduleuse, tout en ayant eu lui-même un comportement visant à tromper le Tribunal.

144.
    Le règlement de procédure ne prévoit pas la possibilité pour la défenderesse dans le cadre d'un recours en annulation de former une demande reconventionnelle. Partant, le déroulement de cette demande doit respecter les règles de procédure établies dans le titre II, chapitre premier «sur la procédure écrite», du règlement de procédure.

145.
    Il s'ensuit que la demande en indemnité doit être rejetée comme irrecevable.

Sur les mesures d'instruction demandées par le requérant

A — Sur la production par la défenderesse ou les services des P & T luxembourgeoises du relevé de toutes les communications téléphoniques en provenance de la Banque vers le numéro d'appel de M. Ingargiola ou celui de la société Skit-Ball, pour la période du 1er au 28 octobre 1996

146.
    La production de ce relevé n'est pas nécessaire à la solution du litige. En effet, le requérant ne conteste pas le contenu de la lettre du 1er octobre 1996, envoyée par fax le 28 octobre 1996, mais se borne à indiquer qu'une telle lettre a été envoyée à la demande de la Banque. La Banque, pour sa part, ne nie pas le fait d'avoir appelé M. Ingargiola. Dès lors, le relevé des communications téléphoniques, ne faisant pas apparaître le contenu des conversations, ne ferait que confirmer l'existence de tels appels.

B — Sur l'audition des enquêteurs d'Interseco afin d'entendre, d'une part, pour quelle raison et à la demande de qui l'enquête aurait été poursuivie jusqu'en janvier 1997 et, d'autre part, ce qu'était leur «lettre de mission» ou le «cahier des charges» de leur enquête

    

147.
    Cette demande n'est pas pertinente ni nécessaire pour la solution de l'affaire. Il découle du rapport Interseco que M. Zachariadis, employé de la Banque, a chargé Interseco d'une enquête concernant les éventuelles activités commerciales extraprofessionnelles du requérant et de M. Hautem.

C — Sur l'audition par le Tribunal de Mme Hautem sur les conditions dans lesquellescelle-ci a usurpé une signature et adressé à M. Ingargiola le courrier du 27 septembre 1996

148.
    Cette question est sans intérêt pour la présente affaire. En effet, la lettre en question, citée au point 8 ci-dessus, n'a pas été signée par le requérant, ne fait aucune référence à sa personne et, dès lors, ne l'implique en rien.

D — Sur la production par les destinataires (Crédit Andorrà, palais des expositions Pegastar) des télécopies qu'ils ont effectivement reçues pour déterminer si ces télécopies sont celles qui ont été adressées par Mme Hautem ou les modèles qui ont été trouvés dans l'ordinateur du requérant

149.
    La Banque a présenté, en annexe à sa duplique, des télécopies effectivement reçues par le Crédit Andorrà et qui correspondent à certains des documents créés avec l'ordinateur du requérant. Il y a lieu, dès lors, de rejeter cette demande.

E) Sur l'audition des membres de la commission paritaire et, plus particulièrement, des membres représentant le personnel afin de faire toute la clarté sur la portée et la consistance de leur déclaration au requérant selon laquelle ils avaient été amenés à signer l'avis car «ils souhaitaient conserver leur emploi»

150.
    Le requérant n'ayant apporté aucun indice laissant supposer que les membres de la commission partiaire auraient été partiaux, il n'est pas nécessaire d'ouvrir une instruction à ce sujet.

151.
    Les demandes du requérant tendant à ce qu'il soit ordonné des mesures d'instruction sont, dès lors, rejetées dans leur intégralité.

Sur les dépens

152.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s'il est conclu en ce sens. Toutefois, en

vertu de l'article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci.

153.
    Néanmoins, en vertu de l'article 87, paragraphe 3, deuxième alinéa, du règlement de procédure, le Tribunal peut condamner une partie, même gagnante, à rembourser à l'autre partie les frais qu'elle lui a fait exposer et qui sont jugés frustratoires ou vexatoires.

154.
    La Banque demande au Tribunal de condamner le requérant à lui rembourser ses dépens, en vertu de l'article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure. Pour justifier sa demande, elle avance que, au cours de la procédure écrite devant le Tribunal, le requérant a caché la vérité en prétendant qu'aucune des télécopies n'avait été envoyée à partir de la Banque et produit des faux.

155.
    Le Tribunal considère que, eu égard aux circonstances de l'espèce et notamment aux faits exposés par la Banque au point précédent, il y a lieu de faire application de l'article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure et de condamner le requérant à supporter l'ensemble des dépens.

    

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête:

1.
    Le recours est rejeté.

2.
    Les demandes en indemnité introduites par le requérant sont rejetées.

3.
    La demande en indemnité introduite par la Banque européenne d'investissement est rejetée comme irrecevable.

4.
    Le requérant supportera l'ensemble des dépens.

Cooke García-Valdecasas    
Lindh

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 28 septembre 1999.

Le greffier

Le président

H. Jung

J. D. Cooke


1: Langue de procédure: le français.