Language of document : ECLI:EU:T:2021:650

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

6 octobre 2021 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque de l’Union européenne figurative représentant un homard – Motifs absolus de refus – Caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001] – Absence de caractère descriptif – Article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009 [devenu article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001] – Droit d’être entendu – Article 94 du règlement 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑254/20,

Dochirnie pidpryiemstvo Kondyterska korporatsiia « Roshen », établie à Kiev (Ukraine), représentée par Me I. Lukauskienė, avocate,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. A. Folliard-Monguiral et V. Ruzek, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

PAO Moscow Confectionery Factory « Krasnyj Octyabr », établie à Moscou (Russie), représentée par Mes M. Geitz et J. Stock, avocats,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’EUIPO du 4 mars 2020 (affaire R 1916/2019‑4), relative à une procédure de nullité entre Dochirnie pidpryiemstvo Kondyterska korporatsiia « Roshen » et PAO Moscow Confectionery Factory « Krasnyj Octyabr »,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de MM. A. M. Collins, président, G. De Baere et Mme G. Steinfatt (rapporteure), juges,

greffier : Mme R. Ūkelytė, administratrice,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 5 mai 2020, ainsi que le mémoire en adaptation déposé au greffe du Tribunal le 22 juin 2020,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 21 juillet 2020,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 9 juillet 2020,

à la suite de l’audience du 6 juillet 2021, à laquelle la requérante n’a pas participé,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 18 octobre 2016, l’intervenante, PAO Moscow Confectionery Factory « Krasnyj Octyabr », a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 30 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Confiserie à base d’amandes ; confiseries de sucre cuit ; cachou [confiserie], à usage non pharmaceutique ; bonbons au chocolat ; confiserie au chocolat praliné ; décorations en chocolat pour articles de confiserie ; confiserie aromatisée au chocolat ; chocolat pour confiserie et pain ; sucreries pour la décoration d’arbres de Noël ; gommes transparentes [confiseries] ; fruits à coque enrobés [confiserie] ; confiserie ; confiseries en barre ; confiseries contenant de la gelée ; confiseries contenant de la confiture ; confiseries fourrées de liquide alcoolisé ; confiseries fourrées de liquide aux fruits ; confiseries fourrées au vin ; produits glacés à base de confiserie ; confiseries sous forme glacée ; confiseries sous forme liquide ; confiseries sous forme de pastilles ; confiseries enrobées de chocolat ; confiseries non médicinales ; morceaux de sucre cristallisé (confiserie) ; confiserie à base de produits laitiers ; dragées [confiserie non médicinale] ; confiseries sucrées et aromatisées ; pain ; pâtisserie ; glaces comestibles ; confiseries à base de farine ; fondants [confiserie] ; yaourt glacé [glaces alimentaires] ; bonbons aux fruits [confiserie] ; pâtes de fruits [confiserie] ; confiseries glacées ; confiseries glacées sous forme de sucettes ; confiserie à base de crème glacée ; confiseries glacées [non médicinales] ; réglisse [confiserie] ; confiseries aromatisées à la réglisse ; sucettes [confiserie] ; pastilles [confiserie] ; pastilles [confiseries non médicinales] ; guimauves [confiserie] ; guimauve [confiserie] ; confiseries aromatisées à la menthe non médicinales ; confiseries à base de chocolat à usage non médical ; confiseries non médicinales contenant du lait ; confiserie non médicinale sous forme de gelée ; bonbons non médicinaux [confiseries] ; confiserie non médicinale contenant du chocolat ; confiseries non médicinales aromatisées au lait ; confiseries non médicinales fourrées au caramel ; confiseries non médicinales sous forme de pastilles ; confiseries non médicinales en forme d’œufs ; confiserie non médicinale utilisée dans un régime à calories contrôlées ; confiseries non médicinales à base de farine ; confiseries non médicinales, à base de farine, enrobées de chocolat ; confiserie non médicinale, à base de farine, enrobée d’un succédané du chocolat ; confiserie non médicinale, à base de farine, contenant un succédané du chocolat ; confiseries non médicinales à la menthe ; confiserie aux noix ; confiserie à base d’oranges ; éclats de confiserie à base de beurre d’arachides ; confiserie à base d’arachides ; menthe pour confiseries et pâtisseries ; pastilles de menthe [confiserie] à usage non médicinal ; confiseries à base de farine de pommes de terre ; desserts préparés [confiserie] ; bâtons de sucre d’orge [rocks] ; poudres acidulées [confiserie] ; en‑cas contenant un mélange de céréales, de fruits à coque et de fruits séchés [confiseries] ; en‑cas principalement à base de confiseries ; bâtons de réglisse [confiserie] ; sucreries non médicinales sous forme de confiseries sucrées ; truffes [confiserie] ; truffes au rhum [confiserie] ; gaufrettes ; caramels [bonbons] ; bonbons ; chocolat ; pralines ; pralines au chocolat ; gaufrettes au chocolat ; gaufrettes au caramel et au chocolat ; gaufrettes fourrées à la confiture de haricots [monaka] ; gaufrettes roulées [biscuiterie] ; cacao ; massepain ; boissons à base de chocolat ; café ».

4        La demande de marque a été publiée au Bulletin des marques de l’Union européenne no 2017/129, du 11 juillet 2017. La marque contestée a été enregistrée le 7 juillet 2017 sous le numéro 15948185.

5        Le 10 novembre 2017, la requérante, Dochirnie pidpryiemstvo Kondyterska korporatsiia « Roshen », a déposé une demande en nullité à l’encontre de cette marque, pour l’ensemble des produits figurant au point 3 ci-dessus. Cette demande était fondée sur les motifs visés à l’article 59, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), de ce même règlement.

6        Par décision du 28 juin 2019, la division d’annulation de l’EUIPO a rejeté la demande en nullité dans son intégralité.

7        Le 28 août 2019, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’annulation au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001.

8        Par décision du 4 mars 2020 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours.

9        En premier lieu, la chambre de recours a constaté que la requérante avait fondé sa demande en nullité uniquement sur les motifs absolus visés à l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement 2017/1001. Partant, les arguments et preuves produites visant à établir que la marque contestée était dépourvue de caractère distinctif en raison de son utilisation courante et de longue date seraient dénués de pertinence.

10      En deuxième lieu, la chambre de recours a considéré que la date à laquelle il y avait lieu d’apprécier le caractère descriptif et l’absence de caractère distinctif de la marque contestée était le 18 octobre 2016, correspondant à la date de dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée (ci-après la « date pertinente »). C’est ainsi que la chambre de recours a estimé que les éléments présentés aux fins de prouver l’utilisation du concept d’un homard en Russie, puis dans l’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS) et ses pays satellites, datant du 19e siècle ou de la période entre 1922 et 1991, étaient dénués de pertinence en raison de l’absence de preuves supplémentaires établissant le lien entre la perception du public pertinent au cours de cette période et sa perception à la date pertinente. Il n’existerait aucune preuve de la reconnaissance de la marque contestée par le public pertinent. La perception de ce public au cours du siècle dernier, influencée par les circonstances historiques, politiques et économiques de cette époque, différerait de sa perception à la date pertinente.

11      En troisième lieu, la chambre de recours a considéré que, en l’absence d’élément verbal dans la marque contestée, l’appréciation devait reposer sur le public pertinent dans l’ensemble de l’Union, de sorte qu’elle a approuvé la conclusion de la division d’annulation selon laquelle les éléments de preuve produits par la requérante qui se rapportaient à la Russie, à l’Ukraine et à la Biélorussie, ne concernaient aucun des territoires pertinents. Par ailleurs, la question de savoir si des bonbons revêtant la marque contestée sont confectionnés dans un État membre, en l’occurrence la Pologne, serait dénuée de pertinence. Seul compterait, dans le cadre de l’examen effectué par la chambre de recours par rapport aux motifs absolus visés à l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement 2017/1001, la question de savoir si ces produits ont été mis sur le marché dans l’Union.

12      En quatrième lieu, la chambre de recours a procédé à l’examen du motif tiré du caractère descriptif de la marque contestée.

13      Selon elle, rien ne s’opposerait à ce que le consommateur la perçoive comme un indicateur de l’origine commerciale, étant donné qu’elle ne présente pas une forme géométrique simple, ni ne correspond à l’apparence des produits en cause, ni ne fait allusion à leur composition ou à leur goût. En l’absence de toute signification, cette marque ne pourrait servir pour décrire une caractéristique des produits en cause.

14      Le matériel publicitaire et les photographies des confiseries présentés par la requérante ne fourniraient aucune information sur la connaissance et la perception de la marque contestée par le public pertinent. Le seul fait que la représentation d’un homard rouge soit utilisée par certains producteurs ne signifierait pas automatiquement que la marque contestée présente un caractère descriptif et qu’elle soit dépourvue de caractère distinctif. Il serait également possible que des tiers utilisant la représentation du homard rouge violent les droits de propriété intellectuelle de la titulaire de la marque contestée.

15      En cinquième lieu, la chambre de recours a procédé à l’examen du motif tiré de l’absence de caractère distinctif de la marque contestée. En particulier, elle a estimé que, d’une part, le public pertinent n’y percevait aucune signification descriptive en relation avec les produits en cause et, d’autre part, il n’y avait aucune raison de considérer que ladite marque était dépourvue de caractère distinctif du seul fait qu’elle consistait en une simple représentation d’un homard rouge.

16      En sixième lieu, s’agissant des déclarations de la requérante sur l’éventuel risque de confusion avec les titulaires de marques nationales antérieures contenant la représentation d’un homard rouge, la chambre de recours a souligné que la présente affaire ne concernait pas cette question.

17      En septième lieu, la chambre de recours a rejeté, en vertu de l’article 27, paragraphe 4, sous b), du règlement délégué (UE) 2018/625 de la Commission , du 5 mars 2018, complétant le règlement 2017/1001, et abrogeant le règlement délégué (UE) 2017/1430 (JO 2018, L 104, p. 1), les éléments de preuve produits pour la première fois devant elle, tout en précisant qu’ils n’auraient pas eu d’incidence sur le sort de la présente affaire.

18      Enfin, la chambre de recours en a conclu que, la marque contestée étant inhabituelle et ne présentant aucun lien avec les produits en cause, elle avait un caractère distinctif intrinsèque et était dépourvue de caractère descriptif pour l’ensemble des produits en cause.

 Conclusions des parties

19      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée et faire droit au recours tendant à l’annulation de l’enregistrement de la marque contestée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

20      L’EUIPO et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité de l’adaptation du premier chef de conclusions de la requérante

21      Dans son mémoire d’adaptation de ses conclusions, la requérante demande non seulement l’annulation de la décision attaquée, cette demande figurant déjà dans la requête, mais également de faire droit au recours tendant à l’annulation de l’enregistrement de la marque contestée.

22      Aux termes de l’article 86, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, lorsqu’un acte, dont l’annulation est demandée, est remplacé ou modifié par un autre acte ayant le même objet, la partie requérante peut, avant la clôture de la phase orale de la procédure ou avant la décision du Tribunal de statuer sans phase orale de la procédure, adapter la requête pour tenir compte de cet élément nouveau.

23      En tant qu’exception au principe d’immutabilité de l’instance, l’article 86 du règlement de procédure doit être interprété strictement (arrêt du 20 septembre 2018, Espagne/Commission, C‑114/17 P, EU:C:2018:753, point 54).

24      La requérante ne faisant état d’aucun remplacement ni d’aucune modification de la décision attaquée, l’adaptation de son premier chef de conclusions est irrecevable.

 Sur le fond

25      À l’appui de son recours, la requérante invoque six moyens, tirés :

–        le premier, de l’application erronée de l’article 94, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 et de la violation du droit d’être entendu au motif que l’EUIPO n’aurait pas fondé sa décision sur les faits invoqués et les éléments de preuve qu’elle a produits ;

–        le deuxième, de l’application erronée de l’article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 et de la violation du droit d’être entendu au motif que l’EUIPO n’aurait pas tenu compte des éléments de preuve déposés pour la première fois devant lui ;

–        le troisième, de l’application erronée de l’article 7, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 ;

–        le quatrième, de l’application erronée de l’article 59, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 1, sous c), dudit règlement, ainsi que de la violation du droit d’être entendu, de l’article 94, paragraphe 1, de l’article 95, paragraphe 2, et de l’article 7, paragraphe 2, de ce même règlement, concernant l’appréciation du caractère descriptif ;

–        le cinquième, de l’application erronée de l’article 59, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 1, sous b), dudit règlement, ainsi que de la violation du droit d’être entendu, de l’article 94, paragraphe 1, de l’article 95, paragraphe 2, et de l’article 7, paragraphe 2, de ce même règlement, concernant l’appréciation du caractère distinctif ;

–        le sixième, de l’application erronée de l’article 59, paragraphe 3, du règlement 2017/1001, lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), dudit règlement, au motif que l’EUIPO n’a pas analysé la liste des produits désignés par la marque contestée.

 Observations liminaires

26      À titre liminaire, il y a lieu de préciser que, compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement en cause, à savoir le 18 octobre 2016, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, les faits de l’espèce sont régis par les dispositions matérielles du règlement no 207/2009, tel que modifié par le règlement (UE) 2015/2424 du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2015, modifiant le règlement no 207/2009 et le règlement (CE) no 2868/95 de la Commission portant modalités d’application du règlement (CE) no 40/94 du Conseil sur la marque communautaire, et abrogeant le règlement (CE) no 2869/95 de la Commission relatif aux taxes à payer à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (JO 2015, L 341, p. 21) (voir, en ce sens, ordonnance du 5 octobre 2004, Alcon/OHMI, C‑192/03 P, EU:C:2004:587, points 39 et 40, et arrêt du 23 avril 2020, Gugler France/Gugler et EUIPO, C‑736/18 P, non publié, EU:C:2020:308, point 3 et jurisprudence citée).

27      Par ailleurs, dans la mesure où, selon une jurisprudence constante, les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à la date à laquelle elles entrent en vigueur (voir arrêt du 11 décembre 2012, Commission/Espagne, C‑610/10, EU:C:2012:781, point 45 et jurisprudence citée), le litige est régi par les dispositions procédurales du règlement 2017/1001.

28      Par suite, en l’espèce, en ce qui concerne les règles de fond, il convient d’entendre les références faites par la chambre de recours dans la décision attaquée et par les parties dans leurs écritures à l’article 7, paragraphe 1, sous b), c) et d), et paragraphe 2, du règlement 2017/1001, ainsi qu’à l’article 59, paragraphe 1, sous a), et paragraphe 3, du même règlement comme visant respectivement l’article 7, paragraphe 1, sous b), c) et d), et paragraphe 2, du règlement no 207/2009, ainsi que l’article 52, paragraphe 1, sous a), et paragraphe 3, du même règlement, d’une teneur identique.

 Sur le premier moyen, tiré de l’application erronée de l’article 94, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, et de la violation du droit d’être entendu

29      Selon la requérante, la chambre de recours a violé son droit d’être entendu, au motif qu’elle n’aurait pas tenu compte d’une partie des éléments de preuve qu’elle a produits ou qu’elle les aurait interprétés erronément. Par ailleurs, la chambre de recours aurait fondé sa décision sur des faits non étayés par les éléments de preuve.

30      En premier lieu, la requérante allègue que c’est à tort que la chambre de recours n’a pas pris en compte des éléments de preuve antérieurs à la date de dépôt de la marque contestée.

31      Premièrement, l’affirmation figurant au point 19 de la décision attaquée selon laquelle il n’existait aucune preuve de la reconnaissance de la marque contestée par le public pertinent, même en Lituanie ou dans des pays post‑communistes qui sont d’actuels États membres de l’Union, serait erronée et reposerait sur une absence d’analyse ou sur une analyse incomplète, voire isolée, des éléments de preuve et des arguments présentés par la requérante bien que ces derniers se soutiendraient mutuellement et devraient être appréciés dans leur totalité.

32      Deuxièmement, la chambre de recours aurait considéré à tort, au point 18 de la décision attaquée, que les éléments de preuve figurant aux annexes A.4 à A.14 de la requête étaient, en l’absence de preuves supplémentaires prouvant le lien entre la perception du public pertinent au cours de la période passée et sa perception à la date pertinente, dénués de pertinence pour l’appréciation de l’espèce. En effet, ces éléments de preuve auraient été complétés par d’autres qui auraient concerné l’utilisation de l’image d’un homard rouge après la dissolution de l’URSS, à savoir par les documents figurant aux annexes A.15 à A.23 et A.27 à A.29 de la requête. La chambre de recours n’aurait pas analysé ses arguments pour ce qui concerne la valeur de ces éléments de preuve, les relations entre eux et l’incidence des faits qui y sont exposés.

33      Troisièmement, comme l’URSS comprenait les territoires de la Lituanie, de la Lettonie et de l’Estonie, ce serait à tort que la chambre de recours aurait approuvé, au point 21 de la décision attaquée, la conclusion de la division d’annulation selon laquelle les éléments de preuve se rapportant à la Russie, à l’Ukraine et à la Biélorussie, figurant aux annexes A.4 à A.14 et A.18 de la requête, ne concernaient aucun territoire pertinent. Les faits relatifs à l’époque soviétique, démontrés pour le territoire de l’URSS, devraient être traités comme s’appliquant à l’ensemble de ce territoire, y compris les trois États baltes. En l’occurrence, l’utilisation passée, en URSS, de l’image d’un homard rouge serait importante dans la mesure où elle se serait poursuivie jusqu’à la date de dépôt de la demande de marque contestée dans ces derniers États. Ainsi, ce serait à tort que la chambre de recours a écarté les éléments prouvant la présence de l’image d’un homard rouge sur le marché des territoires pertinents à la date de dépôt de la marque contestée figurant aux annexes A.15 à A.23 et A.27 à A.29 de la requête.

34      En deuxième lieu, d’une part, la chambre de recours n’aurait pas analysé tous les éléments de preuve relatifs à l’utilisation de cette image par le public pertinent, même en Lituanie ou dans des pays post‑communistes, États membres actuels de l’Union, figurant aux annexes A.15 à A.23 et A.27 à A.29 de la requête.

35      D’autre part, le fait que la chambre de recours ait formulé des observations relatives à l’absence de pertinence de la production à des fins d’exportation hors l’Union, alors qu’il n’existerait pas d’éléments de preuve produits à cet égard, constituerait une violation distincte de l’article 94, paragraphe 1, du règlement 2017/1001.

36      En troisième lieu, la requérante fait valoir que la chambre de recours n’a pas examiné avec soin les documents figurant aux annexes A.27 à A.29 de la requête, présentés pour la première fois devant elle. Premièrement, bien qu’élaborée postérieurement à la date de dépôt de la marque contestée, l’enquête figurant à l’annexe A.27 de la requête fournirait des éléments de preuve relatifs à la perception de l’image d’un homard rouge à cette même date. Deuxièmement, même si la société A, dont la déclaration sur la vente de bonbons figure à l’annexe A.28 de la requête, est établie au Kazakhstan, ses produits seraient vendus dans de nombreux États membres, de sorte que cette déclaration fournirait également des informations relatives aux faits existants à la date de dépôt de la marque contestée et sur le territoire pertinent. Troisièmement, les considérations de la chambre de recours selon lesquelles les éléments figurant à l’annexe A.29 de la requête étaient des avis personnels sur les enregistrements nationaux dénués de pertinence, le régime des marques de l’Union européenne constituant un système autonome, seraient contradictoires. En effet, l’EUIPO aurait exigé la démonstration de la perception du consommateur à la date de dépôt de la marque contestée et sur le territoire pertinent. Or, la Pologne constituerait le territoire pertinent et les faits indiqués dans ces éléments de preuve concerneraient la date de dépôt de la demande de la marque contestée. Dès lors, il y aurait lieu de tenir compte de ces éléments de preuve.

37      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

38      À cet égard, aux termes de l’article 94, paragraphe 1, deuxième phrase, du règlement 2017/1001, les décisions de l’EUIPO ne peuvent être fondées que sur des motifs ou des preuves au sujet desquels les parties ont pu prendre position. Cette disposition consacre, dans le cadre du droit des marques, le principe général de protection des droits de la défense. Ce principe inclut le droit d’être entendu qui est énoncé dans l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. En vertu de ce principe, toute personne à qui une décision d’une autorité publique fait grief doit avoir été mise en mesure de faire connaître utilement son point de vue avant l’adoption de cette décision [voir, en ce sens, arrêts du 23 octobre 1974, Transocean Marine Paint Association/Commission, 17/74, EU:C:1974:106, point 15, et du 27 février 2002, Eurocool Logistik/OHMI (EUROCOOL), T‑34/00, EU:T:2002:41, point 21 ; voir, également, arrêt du 28 mai 2020, Lozano Arana e.a./EUIPO – Coltejer (LIBERTADOR), T‑564/19, non publié, EU:T:2020:228, point 26 et jurisprudence citée].

39      Ce droit s’étend à tous les éléments de fait ou de droit qui constituent le fondement de l’acte décisionnel, mais non pas à la position finale que l’administration entend adopter. Il ne commande pas non plus que, avant d’adopter sa position finale sur l’appréciation des éléments présentés par une partie, la chambre de recours de l’EUIPO soit tenue d’offrir à cette partie une nouvelle possibilité de s’exprimer au sujet desdits éléments [arrêt du 10 mars 2021, Puma/EUIPO – CAMäleon (PUMA-System), T‑71/20, non publié, EU:T:2021:121, point 34].

40      Par ailleurs, le caractère utile de la soumission du point de vue de l’intéressé requiert seulement que ce point de vue ait pu être soumis en temps voulu pour que l’EUIPO puisse en prendre connaissance et, avec toute l’attention requise, en apprécier la pertinence pour le contenu de l’acte en voie d’adoption [voir arrêt du 1er juin 2016, Grupo Bimbo/EUIPO (Forme d’une barre avec quatre cercles), T‑240/15, non publié, EU:T:2016:327, point 62 et jurisprudence citée].

41      En l’espèce, il ressort des arguments de la requérante présentés aux points 29 à 33, 35 et 36 ci-dessus qu’elle conteste, en réalité, le bien‑fondé de l’appréciation faite par la chambre de recours des éléments de preuve et des arguments qu’elle a avancés, et non le fait qu’elle n’aurait pas été mise en mesure de soumettre son point de vue à l’EUIPO en temps voulu pour que ce dernier puisse en prendre connaissance et, avec toute l’attention requise, en apprécier la pertinence pour le contenu de la décision attaquée, voire une absence de prise en compte de ces éléments de preuve et arguments. Par ailleurs, l’allégation figurant au point 34 ci‑dessus selon laquelle la chambre de recours a omis d’analyser une partie des éléments de preuve figurant aux annexes A.15 à A.23 et A.27 à A.29 de la requête n’est pas étayée. Or, la charge de la preuve de l’illégalité de la décision attaquée incombe à la requérante. En particulier, il n’appartient pas au Tribunal de rechercher et d’identifier dans les annexes, voire dans le dossier administratif de l’EUIPO, les moyens ou les arguments qu’il pourrait considérer comme constituant le fondement du recours [voir, en ce sens, arrêts du 5 octobre 2017, Versace 19.69 Abbigliamento Sportivo/EUIPO – Gianni Versace (VERSACE 19.69 ABBIGLIAMENTO SPORTIVO), T‑336/16, non publié, EU:T:2017:691, point 34, et du 11 juillet 2019, Hauzenberger/EUIPO (TurboPerformance), T‑349/18, non publié, EU:T:2019:495, point 11]. Partant, la requérante n’est pas parvenue à démontrer que la chambre de recours ne l’a pas mise en mesure de faire connaître utilement son point de vue sur des éléments de fait ou de droit constituant le fondement de la décision attaquée.

42      En tout état de cause, il ressort de la décision attaquée que la requérante a pu soumettre son point de vue en temps voulu pour que l’EUIPO puisse en prendre connaissance et, avec toute l’attention requise, en apprécier la pertinence pour le contenu de la décision attaquée, voire même que la chambre de recours a pris en compte l’ensemble des éléments de preuve présentés par la requérante.

43      Ainsi, en premier lieu, il ressort notamment des points 17 à 19 de la décision attaquée que la chambre de recours a, en substance, estimé que les éléments présentés aux fins de la démonstration de l’utilisation revendiquée du concept d’un homard en Russie, puis dans l’URSS et ses pays satellites, par différents fabricants, y compris par la requérante, pour des bonbons, figurant aux annexes A.4 à A.14 de la requête et relatifs au 19e siècle ou à la période soviétique, n’avaient aucune valeur probante en raison de l’absence de preuves supplémentaires établissant le lien entre la perception du public pertinent au cours de ces périodes et sa perception à la date pertinente. Ce faisant, la chambre de recours a aussi nécessairement procédé à une appréciation globale et conjointe des documents figurant dans ces annexes et de ceux présentés aux annexes A.15 à A.23 de la requête, qui sont postérieurs à la date de dépôt de la marque contestée.

44      En deuxième lieu, la chambre de recours a considéré, au point 21 de la décision attaquée, que les éléments de preuve qui ne concernaient aucun des territoires pertinents, à savoir ceux figurant aux annexes A.4 à A.15 et A.18 de la requête, n’avaient, en l’espèce, aucune valeur probante.

45      En troisième lieu, au point 32 de la décision attaquée, la chambre de recours a notamment considéré que le matériel publicitaire et les photographies des confiseries figurant aux annexes A.15 à A.18, A.22 et A.23 de la requête ne fournissaient aucune information sur la connaissance et la perception de la marque contestée par le public pertinent, si bien qu’ils n’avaient qu’une faible valeur probante. Elle a également estimé que le seul fait isolé que la représentation d’un homard rouge soit utilisée par certains producteurs ne signifiait pas automatiquement que la marque contestée présente un caractère descriptif et qu’elle est dépourvue de caractère distinctif. Une telle appréciation n’aurait pas été possible en l’absence d’une prise en compte globale de ces documents.

46      En quatrième lieu, aux points 40 à 42 de la décision attaquée, la chambre de recours s’est penchée en particulier sur l’incidence des enregistrements nationaux figurant aux annexes A.19 à A.21 de la requête sur le caractère distinctif ou descriptif de la marque contestée.

47      Enfin, aux points 43 à 45 de la décision attaquée, la chambre de recours a exposé les raisons pour lesquelles elle considérait que les documents figurant aux annexes A.27 à A.29 de la requête étaient irrecevables et en tout cas sans incidence sur son analyse.

48      Au demeurant, la requérante a indiqué devant l’EUIPO que, si l’origine de certains des bonbons revêtant l’image d’un homard rouge dont les photographies figurent à l’annexe A.15 de la requête était la Pologne, ils étaient toutefois vendus en dehors de l’Union européenne.

49      Le premier moyen doit donc être rejeté.

 Sur le deuxième moyen, tiré de l’application erronée de l’article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, et de la violation du droit d’être entendu

50      Par le deuxième moyen, la requérante soutient, en substance, que la chambre de recours a commis une erreur en écartant les éléments de preuve qui avaient été déposés pour la première fois devant elle, à savoir les documents figurant aux annexes A.27 à A.29 de la requête. En se référant notamment aux points 42 à 44, 49, 57 et 58 de l’arrêt du 13 mars 2007, OHMI/Kaul (C‑29/05 P, EU:C:2007:162), elle estime que la chambre de recours aurait dû tenir compte de nouveaux éléments de preuve lors de l’examen du recours, en particulier puisque ces éléments avaient été déposés au début du recours, permettant à l’autre partie à la procédure de déposer des observations à ce sujet. Cela serait confirmé par l’article 27, paragraphe 4, sous b), du règlement délégué 2018/625. Or, en l’espèce, ces éléments de preuve, d’une part, seraient pertinents pour l’issue du recours, en ce qu’ils complèteraient les arguments qu’elle a soulevés et les éléments de preuve qu’elle a déposés, en temps utile, devant la division d’annulation, et, d’autre part, contesteraient les conclusions de cette dernière. Par ailleurs, il découlerait de l’arrêt du 28 septembre 2016, European Food/EUIPO – Société des produits Nestlé (FITNESS) (T‑476/15, EU:T:2016:568, point 66), que, dans le cadre d’une procédure en nullité, la chambre de recours commet une erreur de droit en considérant que les éléments de preuve produits pour la première fois devant elle ne doivent pas être pris en considération à cause de leur introduction tardive. Par conséquent, en ne tenant pas compte de ces éléments de preuve, la chambre de recours aurait violé l’article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001.

51      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

52      L’article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 dispose que l’EUIPO peut ne pas tenir compte des faits que les parties n’ont pas invoqués ou des preuves qu’elles n’ont pas produites en temps utile.

53      Il découle du libellé de cette disposition que, en règle générale et sauf disposition contraire, la présentation de faits et de preuves par les parties demeure possible après l’expiration des délais auxquels se trouve subordonnée une telle présentation en application des dispositions du règlement 2017/1001 et qu’il n’est nullement interdit à l’EUIPO de tenir compte de faits et de preuves ainsi tardivement invoqués ou produits [voir arrêt du 5 février 2020, Globalia Corporación Empresarial/EUIPO – Touring Club Italiano (TC Touring Club), T‑44/19, non publié, EU:T:2020:31, point 37 et jurisprudence citée].

54      En précisant que l’EUIPO « peut » décider de ne pas tenir compte de telles preuves, l’article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 investit celui‑ci d’un large pouvoir d’appréciation à l’effet de décider, tout en motivant sa décision sur ce point, s’il y a lieu ou non de prendre celles-ci en compte (voir arrêt du 5 février 2020, TC Touring Club, T‑44/19, non publié, EU:T:2020:31, point 38 et jurisprudence citée).

55      La possibilité pour la chambre de recours de prendre en compte des éléments de preuve présentés pour la première fois devant elle, en vertu de l’article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, a été encadrée par le règlement délégué 2018/625.

56      L’article 27, paragraphe 4, du règlement délégué 2018/625 dispose :

« Conformément à l’article 95, paragraphe 2, du règlement […] 2017/1001, la chambre de recours peut accepter des faits invoqués ou des preuves produites pour la première fois devant elle uniquement si ces faits ou preuves répondent aux exigences suivantes :

a)       ils semblent, à première vue, pertinents pour l’issue de l’affaire ; et

b)       ils n’ont pas été présentés en temps utile pour des raisons valables, en particulier lorsqu’ils viennent uniquement compléter des faits et preuves pertinents qui avaient déjà été soumis en temps utile, ou sont déposés pour contester les conclusions tirées ou examinés d’office par la première instance dans la décision objet du recours. »

57      Il appartient à la partie qui présente des éléments de preuve pour la première fois devant la chambre de recours d’exposer devant elle dans quelle mesure cette présentation satisfait aux conditions qui sont fixées à l’article 27, paragraphe 4, du règlement délégué 2018/625.

58      Cette conclusion est corroborée par la jurisprudence relative à la réglementation antérieure à l’adoption du règlement délégué 2018/625.

59      En effet, la Cour a précisé qu’il était toujours possible de présenter des preuves en temps utile pour la première fois devant la chambre de recours dans la mesure où elles visaient à contester les motifs retenus par la division d’annulation dans la décision contestée. Ces preuves sont, dès lors, soit des preuves supplémentaires à celles présentées à l’instance devant la division d’annulation, soit des preuves qui portent sur un élément nouveau qui ne pouvait être soulevé au cours de ladite instance. Toutefois, il appartient à la partie qui présente ces preuves de justifier les raisons pour lesquelles elles ont été introduites à ce stade de la procédure, ainsi que de démontrer l’impossibilité d’une telle présentation au cours de l’instance devant la division d’annulation [arrêt du 10 octobre 2019, Société des produits Nestlé/EUIPO – European Food (FITNESS), T‑536/18, non publié, EU:T:2019:737, point 43 ; voir, en ce sens, arrêt du 24 janvier 2018, EUIPO/European Food, C‑634/16 P, EU:C:2018:30, points 42 et 43].

60      Or, en l’espèce, force est de constater, à l’instar de la chambre de recours au point 44 de la décision attaquée, que la requérante n’a aucunement justifié devant elle les raisons pour lesquelles les preuves figurant aux annexes A.27 à A.29 de la requête ont été présentées pour la première fois devant elle. Par ailleurs, la requérante n’a pas démontré l’impossibilité d’une telle présentation devant la division d’annulation. Elle ne se prévaut d’ailleurs pas de raisons valables qu’elle aurait avancées devant la chambre de recours à cet égard.

61      Dès lors, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les motifs figurant au point 45 de la décision attaquée, ayant trait à l’absence de pertinence à première vue desdits éléments de preuve, il ne saurait être reproché à la chambre de recours de les avoir écartés de la suite de son analyse.

62      Dès lors, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen.

 Sur le troisième moyen, tiré de l’application erronée de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 207/2009

63      Par ce troisième moyen, la requérante fait valoir, en substance, que la chambre de recours, en demandant de prouver l’absence de caractère distinctif ou l’existence du caractère descriptif de la marque contestée dans l’ensemble de l’Union, a violé l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 ainsi que le principe du caractère unitaire des marques de l’Union européenne. En effet, ce serait à tort que la chambre de recours aurait considéré, au point 27 de la décision attaquée, que, dans le cas de marques non verbales, le territoire pertinent comprendrait l’ensemble du territoire de l’Union. La requérante fait valoir qu’aux fins de l’application d’un motif visé à l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 207/2009, il suffit que celui-ci existe au moins dans un État membre. Or, dans les arrêts et décisions cités au point 20 de la décision attaquée, la notion de l’ensemble du territoire de l’Union serait appliquée aux fins de l’évaluation du caractère distinctif acquis au sens de l’article 7, paragraphe 3, du règlement no 207/2009 (devenu article 7, paragraphe 3, du règlement 2017/1001), mais non pour apprécier l’absence de caractère distinctif ou l’existence d’un caractère descriptif. Par conséquent, les éléments prouvant l’utilisation descriptive et non distinctive de l’image du homard rouge pour les produits relevant de la classe 30 en Lituanie, en Lettonie, ou en Pologne, seraient suffisants pour entraîner la nullité de la marque contestée.

64      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

65      Force est de constater que le présent moyen est fondé sur une lecture erronée de la décision attaquée.

66      En effet, il ressort des points 20 et 27 de la décision attaquée que la chambre de recours a considéré que, dans le cas de marques non verbales, comme celle en l’espèce, le territoire pertinent comprenait l’ensemble du territoire de l’Union. Or, ce faisant, la chambre de recours n’a nullement exigé de la requérante d’apporter la preuve que, dans tous les États membres, la marque contestée était dépourvue de caractère distinctif ou était descriptive. Elle a plutôt estimé que le public, au regard duquel il y avait lieu d’examiner les motifs invoqués par la requérante, était susceptible de se trouver, en raison du caractère purement figuratif de la marque contestée, dans toute l’Union. Ainsi, dans le cadre de son appréciation, la chambre de recours s’est bornée à vérifier si ces motifs s’appliquaient dans au moins un État membre. Cela découle clairement du point 21 de la décision attaquée, selon lequel « la division d’annulation a conclu à juste titre qu’une partie des éléments de preuve produits […] ne concernent aucun des territoires pertinents […] ».

67      Cette conclusion est conforme à la jurisprudence selon laquelle l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 doit être interprété en ce sens qu’une marque doit être refusée à l’enregistrement si elle est visée par un motif de refus prévu à l’article 7, paragraphe 1, du même règlement dans une partie de l’Union. Une telle partie peut être constituée, le cas échéant, d’un seul État membre [voir arrêt du 20 septembre 2011, Couture Tech/OHMI (Représentation du blason soviétique), T‑232/10, EU:T:2011:498, point 22 et jurisprudence citée].

68      Dès lors, il y a lieu de rejeter le troisième moyen.

 Sur le quatrième moyen, tiré de l’application erronée de l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 1, sous c), dudit règlement, ainsi que de la violation du droit d’être entendu, de l’article 94, paragraphe 1, et de l’article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, et de l’article 7, paragraphe 2 du règlement no 207/2009

69      En premier lieu, la requérante soutient, d’une part, que la motivation de la décision attaquée repose principalement sur la forme des produits, alors qu’elle n’aurait pas invoqué celle-ci. Par conséquent, les considérations de la chambre de recours figurant aux points 29 et 30 de la décision attaquée selon lesquelles, en substance, la marque contestée ne présente ni une forme géométrique simple ni la forme du produit lui‑même, seraient dénuées de pertinence. Par ailleurs, la forme ou l’apparence du produit constituerait un autre motif absolu de refus, visé à l’article 7, paragraphe 1, sous e), du règlement no 207/2009 [devenu article 7, paragraphe 1, sous e), du règlement 2017/1001], qui ne s’appliquerait pas en l’espèce.

70      D’autre part, la chambre de recours se serait fondée, au point 31 de la décision attaquée, sur les différences de goût entre, d’une part, des fruits de mer, et d’autre part, des bonbons, des confiseries, du pain, de la pâtisserie, du café et des boissons à base de chocolat. Or, le goût n’aurait pas non plus été le motif de la demande en nullité qu’elle a déposée. Par ailleurs, la conclusion figurant au même point selon laquelle le homard est une variété de fruits de mer qui ne correspond pas à la composition ou au goût des produits en cause aurait reposé sur l’enquête produite par l’intervenante. Selon cette dernière, la représentation de la marque est reconnue par 94 % des répondants en Lituanie comme étant des produits de la mer et du poisson. Or, ladite enquête aurait été menée de manière incorrecte, en ce sens que les questions qui y étaient formulées seraient tendancieuses.

71      En deuxième lieu, selon la requérante, il ressort de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009 qu’il n’est pas exigé que la marque indique ou décrive les produits qu’elle désigne, ni qu’elle y ressemble pour qu’elle soit descriptive, mais qu’il suffit qu’elle présente un rapport suffisamment direct et concret avec les produits concernés. Un tel rapport serait établi en tenant compte de la présence de la marque sur le marché d’une manière qui servirait à indiquer les caractéristiques des produits plutôt qu’à identifier leur origine commerciale. Or, ainsi qu’il découlerait des premier et deuxième moyens, la chambre de recours aurait omis d’analyser, ou aurait mal interprété, les éléments de preuve qu’elle a déposés.

72      En effet, ce serait en raison du fait qu’elle aurait écarté les éléments de preuve qu’elle a déposés démontrant que le consommateur acceptait l’image d’un homard rouge comme étant une indication d’un type de caramels que la chambre de recours aurait, en substance, conclu que la marque contestée ne véhiculait aucun message clair que le public pertinent serait susceptible de comprendre comme une description des produits en cause.

73      En particulier, la marque Rakovye Shejki, qui serait comprise par les consommateurs russophones comme « cous de homards rouges », aurait été utilisée sans interruption dans différentes compositions depuis le 19e siècle, ainsi qu’il ressort de l’annexe A.5 de la requête. L’usage de l’élément verbal Rakovye Shejki combiné à l’image d’un homard rouge sur le papier d’emballage par différents fabricants de confiseries en URSS, dont la requérante, au cours de la période s’étendant de 1925 à 1989, aurait été démontré par cette dernière au moyen des éléments de preuve figurant aux annexes A.6 à A.14 de la requête. Les territoires de la Russie, de la Biélorussie et de l’Ukraine auraient un lien avec les territoires pertinents étant donné que ces éléments de preuve feraient référence à l’époque de l’URSS et que la Lituanie, la Lettonie, la Bulgarie et la Pologne auraient eu des liens étroits avec ces pays en raison d’une économie commune. En effet, les produits auraient été vendus dans l’ensemble de l’URSS et de ces pays liés.

74      La requérante soutient qu’elle a déposé des éléments de preuve suffisants afin de démontrer l’utilisation de l’image d’un homard rouge sur le territoire pertinent et à la date pertinente.

75      Tout d’abord, elle aurait présenté, d’une part, des extraits, figurant aux annexes A.15 à A.18 de la requête, provenant de sites Internet démontrant l’utilisation de l’image d’un homard rouge dans différents styles pour les produits de confiserie en Pologne, en Lituanie, en Lettonie ainsi qu’en Ukraine et, d’autre part, des listes d’enregistrements de marques polonaises, figurant aux annexes A.19 et A.21 de la requête, qui comporteraient l’image d’un homard rouge pour les produits relevant de la classe 30, de sorte qu’aucun demandeur d’enregistrement individuel ne pourrait prétendre avoir des droits exclusifs sur une telle image pour lesdits produits. Cette allégation serait corroborée par le document figurant à l’annexe A.29 de la requête. Ladite image aurait également été utilisée, depuis 1994, pour la production des sociétés polonaises B, dont les étiquettes seraient enregistrées en tant que marques (annexes A.15, A.19 et A.21), et C. Par conséquent, l’affirmation figurant au point 32 de la décision attaquée selon laquelle il est également possible que des tiers utilisant la représentation d’un homard rouge violent les droits de propriété intellectuelle de la titulaire de la marque serait illogique, étant donné que la marque contestée serait ultérieure à chacun des enregistrements mentionnés.

76      Ensuite, la requérante aurait déposé des éléments de preuve relatifs à l’usage de l’image d’un homard rouge par la société lituanienne D ainsi qu’à son enregistrement en 1998, et à sa nouvelle demande d’enregistrement en 2018 (annexes A.20, A.22 et A.23). Le propriétaire de la principale chaîne de vente en détail en Lituanie, la société E, aurait confirmé avoir vendu du 1er août 2013 au 1er juillet 2018 plus de 255 435 kilogrammes de bonbons emballés dans un papier avec l’image d’un homard rouge.

77      Enfin, ce serait à tort que la chambre de recours n’aurait pas tenu compte de la déclaration de la société A du Kazakhstan, figurant à l’annexe A.28 de la requête, utilisant l’image d’un homard rouge pour ses caramels qui seraient vendus dans différents États membres.

78      Par conséquent, les considérations de la chambre de recours selon lesquelles les présentations commerciales et les photographies des confiseries, contenant la représentation d’un homard rouge, figurant aux annexes A.15 à A.18, A.22 et A.23 de la requête, ne fournissent aucune information sur la connaissance et la perception de la marque contestée par le public pertinent, de sorte qu’elles n’ont qu’une faible valeur probante pour l’espèce, seraient contredites par les éléments de preuve qu’elle a déposés, qui établiraient que l’utilisation de ladite représentation ne serait pas un fait isolé. Le caractère descriptif de celle‑ci serait également confirmé par les résultats de l’enquête, figurant à l’annexe A.27 de la requête.

79      En troisième lieu, la chambre de recours aurait erronément interprété ses arguments en considérant, d’une part, qu’elle avait soutenu que la marque contestée était dépourvue de caractère distinctif en raison de son utilisation courante et de longue date et, d’autre part, qu’elle n’avait pas invoqué le motif absolu de refus prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous d), du règlement no 207/2009 dans la demande en nullité. La requérante aurait fait référence à l’utilisation de longue date de l’image d’un homard rouge par les différents producteurs comme servant à désigner le type de produits, ce qui constituerait le motif absolu de refus prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009.

80      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

81      Il y a lieu d’écarter d’emblée l’enquête figurant à l’annexe A.27 de la requête, la déclaration de la société A figurant à l’annexe A.28 de la requête et les explications fournies quant aux annexes A.27 à A.29 de la requête, la requérante n’ayant pas démontré, comme cela a été relevé aux points 60 et 61 ci‑dessus, que la chambre de recours avait commis une erreur de droit en considérant que ces éléments de preuve ne devaient pas être pris en considération en raison de leur production tardive.

82      De même, ainsi qu’il ressort des points 38 à 48 ci-dessus, la chambre de recours n’a pas violé le droit d’être entendu de la requérante, si bien que les arguments tirés de cette prétendue violation présentés dans le cadre du quatrième moyen, et qui n’ajoutent rien à ceux figurant au premier moyen, doivent être rejetés.

83      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation de service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci. L’article 7, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 précise que le paragraphe 1 de ce même article est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de l’Union.

84      Des signes ou des indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner des caractéristiques du produit ou du service pour lequel l’enregistrement est demandé sont, en vertu de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, réputés incapables d’exercer la fonction essentielle de la marque, à savoir celle d’identifier l’origine commerciale du produit ou du service, afin de permettre ainsi au consommateur qui acquiert le produit ou le service que la marque désigne de faire, lors d’une acquisition ultérieure, le même choix, si l’expérience se révèle positive, ou de faire un autre choix, si elle se révèle négative [voir arrêt du 15 mars 2018, SSP Europe/EUIPO (SECURE DATA SPACE), T‑205/17, non publié, EU:T:2018:150, point 12 et jurisprudence citée].

85      Cette disposition vise des signes ou des indications qui peuvent servir, dans un usage normal du point de vue du public ciblé, pour désigner soit directement, soit par la mention d’une de ses caractéristiques essentielles, le produit ou le service pour lequel l’enregistrement est demandé [voir arrêt du 24 avril 2018, Senetic/EUIPO – HP Hewlett Packard Group (hp), T‑207/17, non publié, EU:T:2018:215, point 21 et jurisprudence citée].

86      Selon la jurisprudence, l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009 empêche que les signes ou indications visés par lui soient réservés à une seule entreprise en raison de leur enregistrement en tant que marque. Cette disposition poursuit ainsi un but d’intérêt général, lequel exige que de tels signes ou indications puissent être librement utilisés par tous (voir arrêt du 15 mars 2018, SECURE DATA SPACE, T‑205/17, non publié, EU:T:2018:150, point 11 et jurisprudence citée).

87      Il en résulte que, pour qu’un signe tombe sous le coup de l’interdiction énoncée par la disposition susmentionnée, il faut qu’il présente avec les produits ou les services en cause un rapport suffisamment direct et concret, de nature à permettre au public concerné de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion, une description des produits et des services en cause ou d’une de leurs caractéristiques [voir arrêt du 24 février 2021, Liga Nacional de Fútbol Profesional/EUIPO (El Clasico), T‑809/19, non publié, EU:T:2021:100, point 32 et jurisprudence citée].

88      Partant, l’appréciation du caractère descriptif d’un signe ne peut être opérée que, d’une part, par rapport aux produits ou aux services concernés et, d’autre part, par rapport à la compréhension qu’en a le public pertinent (voir arrêt du 24 février 2021, El Clasico, T‑809/19, non publié, EU:T:2021:100, point 33 et jurisprudence citée).

89      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner le présent moyen.

90      En premier lieu, les considérations formulées par la chambre de recours aux points 29 à 31 de la décision attaquée, qui concernent notamment la forme, la composition et le goût respectifs des fruits de mer et des produits en cause, n’ont, en substance, d’autre objectif que d’indiquer que, eu égard aux caractéristiques intrinsèques de la marque contestée, rien ne s’opposait normalement à ce qu’elle soit perçue par le public pertinent comme un indicateur de l’origine commerciale des produits en cause. Le rejet du recours par la chambre de recours repose essentiellement sur les autres points qui réfutent les arguments soulevés par la requérante.

91      Il ressort également des points 3, 9 et 38 de la décision attaquée que la requérante a fait valoir, d’une part, devant la division d’annulation une objection soulevée par l’examinateur à l’encontre de l’enregistrement de la marque contestée, selon laquelle la représentation graphique d’un homard rouge serait perçue comme la forme des produits en cause, objection à laquelle l’examinateur a ultérieurement renoncé, et, d’autre part, devant la chambre de recours que cette marque n’était pas très stylisée. Les points 4 et 10 de la décision attaquée témoignent, quant à eux, de ce que l’intervenante a notamment soutenu devant les deux instances de l’EUIPO que la forme d’un homard rouge était inhabituelle et sans rapport avec les produits eux-mêmes. Partant, il ne saurait être reproché à la chambre de recours d’avoir réagi à ces arguments dans la décision attaquée. En tout état de cause, dans les procédures en nullité, l’EUIPO ne saurait être empêché, notamment au vu des éléments invoqués par la partie qui remet en cause la validité de la marque contestée, de se fonder non seulement sur ces arguments ainsi que sur les éventuels éléments de preuve joints par cette partie à sa demande en nullité, mais également sur les faits notoires relevés par l’EUIPO dans le cadre de la procédure de nullité [voir arrêt du 10 juin 2020, Louis Vuitton Malletier/EUIPO – Wisniewski (Représentation d’un motif à damier), T‑105/19, non publié, EU:T:2020:258, point 24 et jurisprudence citée].

92      Par ailleurs, les conclusions figurant aux points 29 à 31 de la décision attaquée ne sont entachées d’aucune erreur. Tout d’abord, ainsi qu’il est indiqué au point 25 de la décision attaquée, les produits relevant de la classe 30 pour lesquels la marque contestée a été enregistrée consistent en divers types de bonbons et de confiseries, de pain, de pâtisserie, de café et de boissons à base de chocolat. Comme relevé au point 26 de la décision attaquée, ces produits sont différents types d’aliments destinés à une consommation quotidienne et courante. La requérante n’a pas contesté la conclusion figurant au point 26 de la décision attaquée selon laquelle le public pertinent est constitué de consommateurs moyens censés être normalement informés et raisonnablement attentifs. Ce public au regard duquel il y a lieu d’examiner les motifs invoqués par la requérante, y compris celui tiré du caractère descriptif de la marque contestée, est susceptible de se trouver, en raison du caractère purement figuratif de cette marque, dans toute l’Union (voir point 66 ci-dessus). La marque contestée qui consiste en l’image d’un homard tourné vers la gauche, de couleurs rouge foncé, rouge clair, blanc et noir, sera perçue par le public pertinent comme une représentation stylisée et réaliste de ce crustacé. C’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que le homard était une variété de fruits de mer qui différait de la composition ou du goût des produits en cause et que rien ne s’opposait normalement à ce que les consommateurs perçoivent son image comme une indication de l’origine de ces produits. Par ailleurs, l’argument de la requérante tiré de la manière incorrecte et inappropriée dont l’enquête présentée par l’intervenante, et mentionnée au point 31 de la décision attaquée, a été menée, doit être rejeté comme inopérant, dans la mesure où il est dirigé à l’encontre d’un motif surabondant de cette décision [voir, en ce sens, arrêt du 30 avril 2013, Boehringer Ingelheim International/OHMI (RELY-ABLE), T‑640/11, non publié, EU:T:2013:225, point 28]. Les résultats de cette enquête n’ont fait que corroborer la conclusion figurant au début de ce même point de la décision attaquée, selon laquelle « [l]’élément figuratif de la marque contestée ne véhicule aucun message clair que le public pertinent serait susceptible de comprendre comme une description des produits en cause [ ; u]n homard est un type de fruits de mer qui n’a rien à voir avec la composition ou le goût des produits contestés ».

93      En deuxième lieu, en ce qui concerne l’allégation de la requérante selon laquelle, en substance, la marque contestée est descriptive, puisque le public concerné la percevait à la date de son dépôt comme une indication d’un type de caramels ou de bonbons, il y a lieu de rappeler que, en vertu de la jurisprudence, les instances de l’EUIPO doivent, pour examiner si les motifs absolus visés à l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 s’opposent à l’enregistrement d’une marque ou doivent entraîner la déclaration de la nullité d’une marque préalablement enregistrée, se placer à la date du dépôt de la demande d’enregistrement [voir arrêt du 21 novembre 2013, Heede/OHMI (Matrix‑Energetics), T‑313/11, non publié, EU:T:2013:603, point 47 et jurisprudence citée].

94      Toutefois, cette circonstance n’exclut pas que les instances de l’EUIPO puissent prendre en compte, le cas échéant, des éléments de preuve postérieurs à la demande d’enregistrement, pour autant que ceux-ci permettent de tirer des conclusions sur la situation telle qu’elle se présentait à cette même date (voir arrêt du 21 novembre 2013, Matrix‑Energetics, T‑313/11, non publié, EU:T:2013:603, point 49 et jurisprudence citée).

95      Il en va, par analogie, de même pour les documents antérieurs à la demande d’enregistrement. À cet égard, il découle de la jurisprudence relative à la preuve de la renommée d’une marque antérieure que, si celle-ci doit être établie à la date de dépôt de la marque demandée, il ne saurait être exclu a priori qu’un document établi un certain temps avant ou après cette date puisse contenir des indications utiles compte tenu du fait que la renommée d’une marque s’acquiert, en général, progressivement. La valeur probante d’un tel document est susceptible de varier en fonction de la proximité plus ou moins élevée de la période couverte avec la date de dépôt [voir arrêt du 9 septembre 2020, Kludi/EUIPO – Adlon Brand (ADLON), T‑144/19, non publié, EU:T:2020:404, point 126 et jurisprudence citée]. Or, le caractère descriptif, dont se prévaut la requérante, peut également varier au fil du temps.

96      Premièrement, c’est à juste titre que la chambre de recours a, aux points 18, 19 et 21 de la décision attaquée, nié, à double raison, toute valeur probante aux éléments de preuve figurant aux annexes A.4 à A.14 de la requête.

97      D’une part, ils se rapportent à l’époque de l’URSS, dissoute en 1991, soit 25 ans avant la date pertinente. La société dans les trois États baltes, qui ont depuis accédé à l’indépendance, disposent d’une économie de marché et sont des États membres de l’Union, a considérablement changé depuis lors. Or, aucun des autres éléments de preuve n’a pu démontrer l’existence d’un lien entre la perception de la marque contestée par le public pertinent au cours de la période passée et sa perception à la date pertinente. Les mêmes considérations s’appliquent mutatis mutandis à la Pologne, qui a été membre du Conseil d’assistance économique mutuelle (Comecon).

98      D’autre part, les éléments de preuve figurant aux annexes A.4 à A.14 de la requête ne concernent pas le territoire pertinent, mais la Russie, l’Ukraine et la Biélorussie. Rien ne démontre que les produits en question ont été réellement vendus et connus sous cette marque pendant l’ère impériale ou soviétique dans les trois États baltes ou en Pologne. Si la requérante fait valoir, en substance, que les marchandises produites à un endroit de l’URSS étaient automatiquement commercialisées dans l’ensemble de cette dernière, voire même au sein du Comecon, elle ne présente aucune preuve visant à étayer cet argument. S’il ressort bien des extraits d’articles présentés aux annexes A.4 à A.6 de la requête, des documents relatifs à différentes confiseries figurant aux annexes A.7 à A.13 de la requête et de l’extrait d’un document du 31 mai 1966, concernant l’approbation du barème de prix des confiseries, figurant à l’annexe A.14 de la requête que des bonbons appelés Rakovye Shejki ont été fabriqués et vendus en Russie, en Ukraine et en Biélorussie, toutes d’anciennes républiques de l’URSS, qui incluait également les trois États baltes, il n’en ressort en revanche pas qu’ils étaient également vendus dans lesdits États baltes ou en Pologne. Il n’en ressort pas non plus que, à la date de la demande d’enregistrement de la marque contestée, le consommateur moyen de l’un de ces trois États baltes ou de la Pologne percevait l’image d’un homard rouge immédiatement, et sans autre réflexion, comme une description d’un type de bonbons ou de l’une de ses caractéristiques. Eu égard à la circonstance que la requérante n’a pas démontré un lien entre ces documents et la perception du public pertinent au 18 octobre 2016, ils ne permettent pas de tirer des conclusions sur la situation telle qu’elle se présentait dans le territoire pertinent à cette dernière date.

99      Deuxièmement, c’est également à bon droit que la chambre de recours a considéré, au point 21 de la décision attaquée, que le document figurant à l’annexe A.18 de la requête et certains documents figurant à l’annexe A.15 de la requête n’étaient pas non plus de nature à soutenir les allégations de la requérante, puisqu’ils ne concernaient pas le territoire pertinent. En effet, d’une part, la photographie, non datée, présentée à l’annexe A.18 de la requête illustrant des bonbons emballés dans un papier portant, notamment, l’image d’un homard rouge concerne, selon les dires de la requérante, ses propres produits, tels que vendus en Ukraine. De plus, elle y présente sa propre opinion sur les bonbons dénommés « Lobster Tails ». D’autre part, les impressions des sites Internet www.21food.com, www.polartcenter.com et www.babciafoods.com, figurant à l’annexe A.15 de la requête, ne démontrent pas la vente de bonbons dont l’emballage comporte l’image d’un homard dans un État membre de l’Union, mais en Chine et aux États‑Unis. Au demeurant, la requérante a indiqué devant l’EUIPO que, si l’origine de certains des bonbons revêtant l’image d’un homard rouge dont les photographies figurent à l’annexe A.15 de la requête était la Pologne, ils étaient toutefois vendus en dehors de l’Union européenne (voir point 48 ci-dessus).

100    Troisièmement, les autres documents figurant aux annexes A.15 et A.16 de la requête consistent en des extraits de sites Internet et un journal publicitaire qui tendent à illustrer l’utilisation de l’image d’un homard en Pologne et en Lituanie pour des caramels ou bonbons. Il en ressort que différents bonbons, dans des emballages différents portant différentes représentations d’un homard, accompagnées ou non d’un élément verbal, ont été vendus en juillet 2017 sur les marchés polonais et lituanien. Cependant, lesdits documents ne fournissent aucune information sur la connaissance et la perception de la marque contestée par le public pertinent et ne contiennent encore moins un quelconque indice permettant de conclure que le public pertinent considérait, à la date pertinente, que l’image d’un homard désignait un type particulier de bonbons, alors qu’il est confronté, lors de ses achats, à une très grande variété de ces produits, commercialisés dans des emballages très différents, ce qui ressort d’ailleurs desdites annexes. Pour cette raison, lesdits documents ne sont pas de nature à établir le lien entre la perception du public pertinent au cours de la période passée (annexes A.4 à A.14 de la requête) et la période concernée.

101    Il en va de même de la déclaration de la société E, selon laquelle plus de 255 435 kilogrammes de bonbons Veželiai ont été vendus dans ses magasins en Lituanie du 1er août 2013 au 1er juillet 2018, et de l’extrait du journal publicitaire montrant que, sur l’emballage de ces bonbons, figure un homard (annexes A.22 et A.23 de la requête). Ces annexes ne fournissent pas non plus d’information sur la connaissance et la perception de la marque contestée par le public pertinent, ainsi que l’a conclu, à bon droit, la chambre de recours au point 32 de la décision attaquée, ni ne démontrent que le public pertinent a associé la marque contestée à un type particulier de bonbons.

102    La requérante n’a pas non plus établi de lien entre la copie non-datée du papier d’emballage produite à l’annexe A.17 de la requête et la perception du consommateur de la marque contestée à la date pertinente.

103    Quatrièmement, l’argumentation de la requérante est contradictoire. Si elle soutient ne pas avoir fondé sa demande en nullité sur une forme, une composition ou un goût en particulier, elle fait, en revanche, valoir que les consommateurs reconnaissaient, à la date de demande d’enregistrement de la marque contestée, l’image d’un homard comme une indication d’un type particulier de bonbons (durs). En tout état de cause, il convient de constater, à l’instar de l’EUIPO, que les éléments de preuve fournis par la requérante démontrent l’existence de plusieurs variétés de caramels ou de bonbons dont l’emballage contient l’image d’un homard. Ils diffèrent dans leur composition, leur garniture et leur couleur. Cette circonstance, eu égard notamment à l’existence sur les marchés en question d’une grande diversité de caramels ou de bonbons ne portant pas cette image, s’oppose à la possibilité que les consommateurs considéraient clairement à la date de dépôt de la marque contestée ladite image comme une indication d’un type précis de caramels ou de bonbons. La requérante n’a d’ailleurs pas établi quelle variété de caramels ou de bonbons les consommateurs étaient censés associer à cette marque.

104    Cinquièmement, pour ce qui est des listes d’enregistrements nationaux figurant aux annexes A.19 à A.21 de la requête, c’est à bon droit que la chambre de recours a rappelé, au point 40 de la décision attaquée, que le régime des marques de l’Union européenne est un système autonome, constitué d’un ensemble de règles et poursuivant des objectifs qui lui sont spécifiques, son application étant indépendante de tout système national. Dès lors, le caractère enregistrable d’un signe en tant que marque de l’Union européenne ne doit être apprécié que sur le fondement de la réglementation de l’Union pertinente. L’EUIPO et, le cas échéant, le juge de l’Union ne sont pas liés par une décision intervenue dans un État membre admettant le caractère enregistrable de ce même signe en tant que marque nationale. Tel est le cas même si une telle décision a été prise en application d’une législation nationale harmonisée [voir, en ce sens, arrêts du 16 juin 2015, Gako Konietzko/OHMI (Forme d’un récipient cylindrique rouge et blanc), T‑654/13, non publié, EU:T:2015:381, point 46, et du 9 mars 2017, Marsh/EUIPO (ClaimsExcellence), T‑308/16, non publié, EU:T:2017:154, point 50]. Par ailleurs, la requérante ne démontre pas que l’enregistrement d’une marque nationale similaire à la marque contestée pour les produits en cause pourrait avoir des conséquences sur le caractère descriptif de cette dernière. Elle n’explique pas dans quelle mesure le public pertinent pourrait avoir considéré, à la date pertinente, en raison, d’une part, de ces enregistrements et, d’autre part, de l’usage passé et contemporain de l’image du homard, que l’image en question désignait un type particulier de bonbons.

105    Sixièmement, l’allégation de la requérante selon laquelle la chambre de recours s’est abstenue de procéder à un examen global des éléments de preuve qu’elle a présentés ne saurait prospérer. En effet, la chambre de recours a précisément effectué un tel examen global. Elle a estimé, aux points 18, 19 et 21 de la décision attaquée, qu’aucun des éléments de preuve plus récents et concernant les territoires pertinents, figurant aux annexes A.15 à A.23 de la requête, n’était de nature à établir un lien entre les éléments de preuve historiques qui se rapportaient d’ailleurs à la Russie, à l’Ukraine et à la Biélorussie, et la perception du public pertinent à la date pertinente, ce qu’elle a étayé aux points suivants de la décision attaquée. Par ailleurs, la requérante, à qui il aurait appartenu d’établir de manière claire et intelligible les relations entre les différents éléments de preuve, n’a pas démontré en quoi l’appréciation à laquelle elle s’attendait de la part de la chambre de recours différerait concrètement de celle à laquelle cette dernière a procédé.

106    Eu égard à ce qui précède, la requérante n’a pas démontré que la marque contestée permettait au public pertinent à la date pertinente d’établir immédiatement et sans autre réflexion un rapport concret et direct entre cette marque et les produits concernés.

107    Dès lors, il y a lieu de rejeter le quatrième moyen.

 Sur le cinquième moyen, tiré de l’application erronée de l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 1, sous b), dudit règlement, ainsi que de la violation du droit d’être entendu, de l’article 94, paragraphe 1, et de l’article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, et de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 207/2009

108    En premier lieu, la requérante avance que, selon les directives de l’EUIPO relatives à l’évaluation du caractère distinctif des marques purement figuratives, il est possible que, quand bien même l’élément figuratif ne représente pas les produits et services en cause, il conserve un lien direct avec les caractéristiques de ces produits et services, de sorte que, à l’exception du cas où la marque serait suffisamment stylisée, celle-ci sera considérée comme dépourvue de caractère distinctif. Par conséquent, le fait que la marque contestée consiste en l’image d’un homard rouge, alors que les produits qu’elle désigne sont différents produits de confiserie, ne suffirait pas pour exclure le caractère non distinctif de ladite marque, cette dernière n’étant pas particulièrement stylisée.

109    En deuxième lieu, la requérante soutient que, lorsque la marque est descriptive, elle est également dépourvue de caractère distinctif. Or, selon elle, même si l’image d’un homard rouge ne représente aucun des produits relevant de la classe 30, elle n’est pas distinctive pour les produits en cause en raison de son utilisation de longue date par différentes entreprises d’une manière descriptive.

110    En troisième lieu, la requérante soutient que, en ne faisant référence qu’à une partie des éléments de preuve, à savoir aux enregistrements en Pologne et en Lituanie figurant aux annexes A.19 à A.21 de la requête, la chambre de recours a interprété ses arguments de manière erronée. L’existence de plusieurs marques enregistrées comportant la représentation d’un homard rouge ne prouverait pas, eu égard au système autonome des marques de l’Union européenne, que ladite image, considérée séparément, est distinctive. Par conséquent, le fait que plusieurs enregistrements comporteraient, notamment, l’image d’un homard rouge et que différents producteurs auraient utilisé du papier d’emballage comportant une telle image pendant un siècle avant et à la date pertinente confirmerait que la marque contestée est dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

111    L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

112    Pour autant que la requérante entend, par les arguments figurant au point 110 ci-dessus démontrer notamment une violation du droit d’être entendu, il convient d’emblée de les écarter. En effet, il ressort des points 38 à 48 ci‑dessus que la chambre de recours n’a pas violé ce droit, les arguments en question présentés dans le cadre du cinquième moyen n’ajoutant rien à ceux figurant au premier moyen.

113    Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif.

114    Les marques visées à ladite disposition sont celles qui sont réputées incapables d’exercer la fonction essentielle de la marque, à savoir celle d’identifier l’origine commerciale du produit en cause, afin de permettre ainsi au consommateur qui acquiert le produit que la marque désigne de faire, lors d’une acquisition ultérieure, le même choix si l’expérience s’avère positive ou de faire un autre choix si elle s’avère négative [voir arrêt du 26 septembre 2017, Waldhausen/EUIPO (Représentation de la silhouette d’une tête de cheval), T‑717/16, non publié, EU:T:2017:667, point 17 et jurisprudence citée].

115    Conformément à la jurisprudence, le caractère distinctif d’une marque doit être apprécié, d’une part, quant aux produits pour lesquels l’enregistrement de la marque est demandé et, d’autre part, quant à la perception qu’en a le public pertinent, qui est constitué par le consommateur moyen de ces produits (voir arrêt du 26 septembre 2017, Représentation de la silhouette d’une tête de cheval, T‑717/16, non publié, EU:T:2017:667, point 18 et jurisprudence citée).

116    Un minimum de caractère distinctif suffit pour que le motif absolu de refus figurant à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 ne soit pas applicable (voir arrêt du 26 septembre 2017, Représentation de la silhouette d’une tête de cheval, T‑717/16, non publié, EU:T:2017:667, point 19 et jurisprudence citée).

117    La constatation du caractère distinctif d’une marque au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 n’est pas subordonnée à la constatation d’un certain niveau de créativité ou d’imagination linguistique ou artistique de la part du titulaire de la marque. Il suffit que la marque permette au public pertinent d’identifier l’origine des produits visés par elle et de les distinguer de ceux d’autres entreprises [voir arrêt du 4 avril 2019, Stada Arzneimittel/EUIPO (Représentation de deux arches opposées), T‑804/17, non publié, EU:T:2019:218, point 19 et jurisprudence citée].

118    C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner si la requérante a démontré que la conclusion de la chambre de recours selon laquelle la marque contestée n’est pas dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 est entachée d’une erreur.

119    En premier lieu, s’agissant de la forme de la marque contestée, il a été jugé qu’un signe d’une simplicité excessive et constitué d’une figure géométrique de base, telle qu’un cercle, une ligne, un rectangle ou un pentagone conventionnel, n’est pas susceptible, en tant que tel, de transmettre un message dont les consommateurs peuvent se souvenir, de sorte que ces derniers ne le considéreront pas comme une marque, à moins qu’il ait acquis un caractère distinctif par l’usage [voir arrêt du 23 septembre 2020, PE Digital/EUIPO – Spark Networks Services (ElitePartner), T‑36/19, non publié, EU:T:2020:425, point 71 et jurisprudence citée]. Or, en l’occurrence, la marque contestée, qui est purement figurative et dépourvue de tout élément verbal, consiste en l’image d’un homard tourné vers la gauche, de couleurs rouge foncé, rouge clair, blanc et noir, qui sera perçu par le public pertinent comme une représentation stylisée et réaliste de ce crustacé (voir point 92 ci-dessus). Partant, la chambre de recours a conclu, à juste titre, au point 29 de la décision attaquée, que cette marque ne représentait pas une forme géométrique simple.

120    En deuxième lieu, les directives de l’EUIPO ne constituent pas des actes juridiques contraignants pour l’interprétation des dispositions du droit de l’Union (arrêt du 19 décembre 2012, Leno Merken, C‑149/11, EU:C:2012:816, point 48). Dans la mesure où les décisions que les chambres de recours de l’EUIPO sont amenées à prendre, en vertu du règlement no 207/2009, relèvent de l’exercice d’une compétence liée et non pas d’un pouvoir discrétionnaire, la légalité de ces décisions doit être appréciée uniquement sur la base de ce règlement, tel qu’interprété par le juge de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 19 janvier 2012, OHMI/Nike International, C‑53/11 P, EU:C:2012:27, point 57). En tout état de cause, le cas de figure visé dans la référence faite par la requérante diffère de celui en cause en l’espèce. En effet, dans les exemples figurant dans les directives de l’EUIPO, les images renvoient à l’origine de la matière première des produits concernés ou à sa source (image d’une feuille de vigne en relation avec le vin ou d’une vache en relation avec les produits laitiers). Or, tel n’est pas le cas en l’espèce, où l’image du homard ne présente aucun lien direct avec les caractéristiques des produits en cause. Non seulement la marque contestée est suffisamment stylisée, mais également la requérante n’est pas parvenue à établir un lien direct entre la représentation d’un homard rouge et les caractéristiques des produits en cause.

121    Partant, ainsi que la chambre de recours l’a constaté au point 30 de la décision attaquée, il n’y a aucune raison de ne pas considérer la marque contestée comme une indication de l’origine commerciale des produits en cause.

122    En troisième lieu, dans la mesure où la requérante n’a pas démontré le caractère descriptif de la marque contestée, son argument selon lequel l’absence de son caractère distinctif découle de son utilisation de longue date de manière descriptive (voir point 109 ci-dessus) ne saurait aboutir.

123    En quatrième lieu, contrairement à ce que semble soutenir la requérante (voir point 110 ci-dessus), la chambre de recours n’a pas considéré que l’existence de plusieurs marques enregistrées comportant l’image d’un homard rouge démontrait que ladite image, considérée séparément, était distinctive. Elle a uniquement relevé, au point 40 de la décision attaquée, qu’elle n’entrevoyait pas, sur la base des arguments de la requérante, comment un enregistrement national rendrait une marque dépourvue de caractère distinctif, puisque, d’une part, lesdits enregistrements témoigneraient plutôt de la circonstance que les autorités nationales en question ont considéré que ladite marque présentait précisément un caractère distinctif, et, d’autre part, le régime des marques de l’Union européenne est, selon une jurisprudence bien établie, un système autonome, son application étant indépendante de tout système national et l’EUIPO n’étant pas lié par des décisions intervenues au niveau des États membres.

124    En cinquième lieu, la requérante, à qui incombe la charge de la preuve, s’est bornée à alléguer que l’absence de caractère distinctif de la marque contestée découlait encore des enregistrements de marques en Pologne et en Lituanie (annexes A.19 à A.21 de la requête) comportant l’image d’un homard, et de l’usage de certaines d’entre elles, voire de l’image d’un homard sans qu’elle soit nécessairement enregistrée comme une marque, dans le commerce pour les caramels ou bonbons (annexes A.15, A.16, A.22 et A.23 de la requête). Cependant, la requérante n’a pas exposé les raisons pour lesquelles cette circonstance pourrait suffire afin d’ôter à la marque contestée tout caractère distinctif dont elle aurait normalement joui, la pertinence des documents portant sur la période d’avant la dissolution de l’URSS et de ceux qui ne concernent pas le territoire pertinent afin de démontrer la perception de l’image d’un homard rouge à la date pertinente notamment en Pologne et en Lituanie ayant déjà été écartée au terme de l’analyse du quatrième moyen. Les éléments avancés par la requérante ne sont pas suffisants afin de démontrer le degré auquel cet usage aurait créé une perception selon laquelle l’image d’un homard n’est pas ou n’est plus distinctive pour lesdits produits. Or, il ressort de la jurisprudence qu’un minimum de caractère distinctif suffit afin que l’interdiction figurant à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 ne s’applique pas.

125    En tout état de cause, premièrement, ainsi que l’a relevé à juste titre la chambre de recours aux points 13 et 33 de la décision attaquée, le législateur a prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous d), du règlement no 207/2009 une cause de nullité absolue qui empêche l’enregistrement en tant que marque de l’Union européenne de marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications devenus usuels dans le langage courant ou dans les habitudes loyales et constantes du commerce. Or, la requérante n’a pas fait valoir cette cause de nullité.

126    Deuxièmement, l’existence d’enregistrements nationaux antérieurs, voire l’usage d’un signe dans la vie des affaires dont la portée n’est pas seulement locale, constituent des causes de nullité relatives, conformément à l’article 8 du règlement no 207/2009, que la requérante n’a pas invoquées non plus, ce que la chambre de recours a constaté au point 41 de la décision attaquée.

127    Troisièmement, il ressort de la jurisprudence relative à l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 au regard des marques comportant un élément figuratif (voir, en ce sens, arrêt du 21 février 2013, Seven for all mankind/Seven, C‑655/11 P, non publié, EU:C:2013:94, point 49) que, pour que l’existence d’autres marques comportant ledit élément puisse amoindrir le caractère distinctif de ce dernier au sein de la marque demandée, celui qui s’en prévaut doit démontrer des similitudes importantes en ce qui concerne non seulement la présence de cet élément dans des marques antérieures, mais également la place, le caractère typographique, le type de présentation ornementale, son écriture éventuellement spéciale ainsi que, le cas échéant, la présence d’ajouts verbaux ou figuratifs avant ou après lesdits mots ou chiffres. En outre, les marques en question doivent se référer aux mêmes produits ou services. À supposer que cette jurisprudence soit applicable, par analogie, dans le cadre de l’application de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 au regard d’un signe purement figuratif, tel que la marque contestée, il y a lieu de constater, tout d’abord, que la requérante n’a pas présenté d’arguments relatifs à la similitude entre cette marque et les marques antérieures qu’elle invoque. Or, il n’appartient pas au Tribunal de se substituer à la requérante. Il en est d’autant plus ainsi que parmi les treize marques présentées, aucune n’est purement figurative et cinq d’entre elles ne comportent même pas l’image d’un homard. Par ailleurs, la requérante admet elle-même que les annexes A.15 et A.16 de la requête illustrent l’utilisation d’un homard rouge « dans différents styles ». Ensuite, la liste des marques polonaises, tirée de la base de données TM View, se limite à indiquer les classes des produits pour lesquels elles sont enregistrées. En ce qui concerne, en particulier, les entreprises F et B dont les produits apparaissent à l’annexe A.15 de la requête, il n’existe pas d’élément dans le dossier démontrant que leurs marques, figurant aux annexes A.19 et A.21 de la requête, sont effectivement enregistrées pour les produits en question. Par ailleurs, trois documents figurant à l’annexe A.15 ne concernent pas le territoire pertinent. De manière générale, aucun des documents présentés, considéré isolément ou ensemble avec les autres, y compris ceux figurant à l’annexe A.22 de la requête ne renseigne quant à la connaissance et la perception de la marque contestée à la date pertinente par le public concerné.

128    Eu égard à ce qui précède, la requérante n’a pas démontré qu’à cette date, la marque contestée était dépourvue de tout caractère distinctif.

129    Partant, il y a lieu de rejeter le cinquième moyen.

 Sur le sixième moyen, tiré de l’application erronée de l’article 52, paragraphe 3, du règlement no 207/2009, lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), dudit règlement

130    Par ce sixième moyen, la requérante soutient, en substance, qu’il ressort des points 25 et 26 de la décision attaquée que les produits en cause, consistant en divers types de bonbons et confiseries, pain, pâtisserie, café et boissons à base de chocolat, sont différents types d’aliments destinés à une consommation quotidienne et s’adressent principalement à des consommateurs moyens. Selon la requérante, même si la demande en nullité a été déposée à l’encontre de tous les produits désignés par la marque contestée, la chambre de recours aurait dû analyser les produits désignés par catégories et selon leur nature. En effet, étant donné que le caractère distinctif doit être apprécié par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé et par rapport à la perception qu’en a le public pertinent, au cas où il serait jugé que la marque contestée ne présente pas de caractère descriptif ou n’est pas dépourvue de caractère distinctif pour ce qui concerne une partie des produits, formant la sous‑catégorie des confiseries à base de farine, la chambre de recours aurait néanmoins pu faire droit au recours pour ce qui concerne les autres produits, sur la base de l’article 52, paragraphe 3, du règlement no 207/2009.

131    L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

132    À cet égard, bien qu’il aurait été souhaitable que la requérante développe davantage son argumentation, elle fait valoir, de manière non équivoque, qu’elle critique le fait que la chambre de recours n’a pas analysé expressément l’ensemble des produits en cause catégorie par catégorie. Ainsi, l’exception d’irrecevabilité soulevée par l’EUIPO et tirée de l’absence de clarté du sixième moyen doit être rejetée.

133    Il ressort de l’article 52, paragraphe 3, du règlement no 207/2009 que si la cause de nullité n’existe que pour une partie des produits ou des services pour lesquels la marque de l’Union européenne est enregistrée, la nullité de la marque ne peut être déclarée que pour les produits ou les services concernés.

134    Selon une jurisprudence constante, conformément à l’article 95, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, lors de l’examen des motifs absolus de refus, tel que celui concernant le défaut de caractère distinctif intrinsèque, les examinateurs de l’EUIPO et, sur recours, les chambres de recours de l’EUIPO doivent procéder à l’examen d’office des faits afin de déterminer si la marque dont l’enregistrement est demandé relève ou non d’un des motifs absolus de refus d’enregistrement énoncés à l’article 7 de ce règlement. Il s’ensuit que les organes compétents de l’EUIPO peuvent être amenés à fonder leurs décisions sur des faits qui n’ont pas été invoqués par le demandeur (voir arrêt du 10 juin 2020, Représentation d’un motif à damier, T‑105/19, non publié, EU:T:2020:258, point 21 et jurisprudence citée).

135    Néanmoins, dans le cadre d’une procédure de nullité, la chambre de recours ne saurait être contrainte d’effectuer une nouvelle fois l’examen d’office des faits pertinents mené au moment de l’enregistrement par les instances compétentes de l’EUIPO. Il ressort, en effet, des dispositions des articles 59 et 62 du règlement 2017/1001 que la marque de l’Union est considérée comme étant valide jusqu’à ce qu’elle soit déclarée nulle par l’EUIPO à la suite d’une procédure de nullité. Elle bénéficie donc d’une présomption de validité, qui constitue la conséquence logique du contrôle mené par l’EUIPO dans le cadre de l’examen d’une demande d’enregistrement (voir arrêt du 10 juin 2020, Représentation d’un motif à damier, T‑105/19, non publié, EU:T:2020:258, point 22 et jurisprudence citée).

136    Cette présomption de validité limite l’obligation de l’EUIPO, figurant à l’article 95, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, d’examiner d’office les faits pertinents qui pourraient l’amener à appliquer les motifs absolus de refus à l’examen de la demande d’une marque de l’Union mené par les examinateurs et, sur recours, par les chambres de recours lors de la procédure d’enregistrement de ladite marque. Dans le cadre d’une procédure de nullité, la marque de l’Union enregistrée étant présumée valide, il appartient à la personne ayant présenté la demande en nullité d’invoquer devant l’EUIPO les éléments concrets qui mettraient en cause sa validité. Ainsi, aux termes de la dernière phrase de l’article 95, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, phrase qui consolide la jurisprudence antérieure du Tribunal [arrêt du 24 octobre 2019, Rubik’s Brand/EUIPO – Simba Toys (Forme d’un cube avec des faces ayant une structure en grille), T‑601/17, non publié, EU:T:2019:765, point 82], dans les procédures de nullité engagées en vertu de l’article 59 du même règlement, l’EUIPO limite son examen aux moyens et aux arguments soumis par les parties (voir arrêt du 10 juin 2020, Représentation d’un motif à damier, T‑105/19, non publié, EU:T:2020:258, point 23 et jurisprudence citée).

137    En l’espèce, si la requérante soutient, dans le cadre de ce moyen, que la chambre de recours aurait pu déclarer la nullité de la marque contestée au moins pour les autres produits que les caramels ou bonbons, il suffit de constater qu’elle n’a pas précisé devant le Tribunal quels passages de ses mémoires devant l’EUIPO contenaient une argumentation spécifique quant à l’absence de caractère distinctif ou l’existence de caractère descriptif de la marque contestée au regard de ces autres produits. Or, étant donné que la charge de la preuve de l’illégalité de la décision attaquée incombe à la requérante, il n’appartient pas au Tribunal de rechercher et d’identifier dans les annexes, voire dans le dossier administratif de l’EUIPO, les moyens ou les arguments qu’il pourrait considérer comme constituant le fondement du recours.

138    Les seuls produits auxquels se réfère la requérante dans son argumentation à toutes les étapes de la procédure étant les caramels ou les bonbons, elle ne saurait non plus valablement prétendre que la chambre de recours n’a pas analysé, au titre de l’appréciation des motifs absolus de refus visés à l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement no 207/2009, les autres produits désignés dans sa demande en nullité.

139    Il s’ensuit que le sixième moyen et, partant, le recours dans son ensemble doivent être rejetés.

 Sur les dépens

140    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Dochirnie pidpryiemstvo Kondyterska korporatsiia « Roshen » est condamnée aux dépens.

Collins

De Baere

Steinfatt

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 6 octobre 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais