Language of document : ECLI:EU:T:2023:4

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

18 janvier 2023 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marques de l’Union européenne verbales ELLO et MORFAT et figuratives ELLO ERMOL, Ello creamy et MORFAT Creamy – Cause de nullité absolue – Mauvaise foi – Article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001] »

Dans l’affaire T‑528/21,

Neratax LTD, établie à Nicosie (Chypre), représentée par Me V. Katsavos, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. E. Markakis, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie, intervenant devant le Tribunal, étant

Intrum Hellas AE Daicheirisis Apaitiseon Apo Daneia kai Pistoseis, venant aux droits de Piraeus Bank SA, établie à Athènes (Grèce), représentée par Me P.-A. Koriatopoulou, avocate,

les autres parties à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO ayant été

Eurobank Ergasias SA, établie à Athènes,

et

National Bank of Greece SA, établie à Athènes,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de Mme A. Marcoulli, présidente, M. S. Frimodt Nielsen (rapporteur) et Mme V. Tomljenović, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Neratax LTD, demande l’annulation des décisions de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 23 juin 2021 (affaires R 1295/2020‑4, R 1296/2020‑4, R 1298/2020‑4, R 1299/2020‑4 et R 1302/2020‑4) (ci-après, prises ensemble, les « décisions attaquées »).

 Antécédents du litige

 Les marques nationales antérieures

2        Krentin Hellas AE (également dénommée Credin Hellas AE, ci-après « Krentin ») était titulaire des marques nationales antérieures suivantes (ci-après, prises ensemble, « les marques nationales antérieures ») :

–        le signe verbal MORFAT (n° D 73 637) qui lui appartenait depuis le 13 décembre 1978, enregistré en Grèce ;

–        le signe verbal MORFAT CREAMY (n° D 115 166) qui lui appartenait depuis le 9 avril 1992, enregistré en Grèce ;

–         le signe verbal ELLO (n° D 62 437) qui lui appartenait depuis le 11 juillet 1974, enregistré en Grèce.

3        Les produits couverts par les marques nationales antérieures étaient compris dans les classes 29 et 30 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondaient, en substance, à des produits alimentaires.

 Les marques de l’Union européenne

4        Le 30 janvier 2014, la requérante a demandé à l’EUIPO l’enregistrement du signe verbal MORFAT. Les produits et les services désignés par la marque demandée relevaient des classes 29, 30 et 35 et correspondaient, en substance, à des produits alimentaires et des services de rassemblement, pour le compte de tiers, de ces produits afin de permettre aux clients de les acheter. Aucune opposition n’ayant été formulée contre l’enregistrement, la marque a été enregistrée le 12 juin 2014.

5        Le 30 janvier 2014, la requérante a également demandé l’enregistrement du signe verbal ELLO. Les produits et les services désignés par la marque demandée relevaient des classes 29 et 35 et correspondaient, en substance, à des produits alimentaires et des services de rassemblement, pour le compte de tiers, de ces produits afin de permettre aux clients de les acheter. Aucune opposition n’ayant été formulée contre l’enregistrement, la marque a été enregistrée le 19 juillet 2014.

6        Le 22 octobre 2015, la requérante a demandé l’enregistrement du signe figuratif suivant :

Image not found

7        Les produits et les services désignés par la marque demandée relevaient des classes 29 et 38 et correspondaient, en substance, à des produits alimentaires et des services de transmission et d’envois électroniques d’informations par le biais de sites en ligne ou à partir de sites en ligne sur l’internet. Aucune opposition n’ayant été formulée contre l’enregistrement, la marque a été enregistrée le 10 mars 2016.

8        Le 22 octobre 2015, la requérante a également demandé l’enregistrement du signe figuratif suivant :

Image not found

9        Les produits et les services désignés par la marque demandée relevaient des classes 29 et 30 et 38 et correspondaient, en substance, à des produits alimentaires et des services de transmission et d’envois électroniques d’informations par le biais de sites en ligne ou à partir de sites en ligne sur l’internet. Aucune opposition n’ayant été formulée contre l’enregistrement, la marque a été enregistrée le 11 mars 2016.

10      Le 22 octobre 2015, la requérante a aussi demandé l’enregistrement du signe figuratif suivant :

Image not found

11      Les produits et les services désignés par la marque demandée relevaient des classes 29 et 38 et correspondaient, en substance, à des produits alimentaires et des services de transmission et d’envois électroniques d’informations par le biais de sites en ligne ou à partir de sites en ligne sur l’internet. Aucune opposition n’ayant été formulée contre l’enregistrement, la marque a été enregistrée le 16 mars 2016.

 Autres faits pertinents

12      Premièrement, comme cela ressort des décisions attaquées en ce qui concerne les marques nationales antérieures, Krentin, d’une part, n’a pas renouvelé la marque verbale ELLO, qui a expiré le 11 juillet 2014, et, d’autre part, a renoncé à sa marque verbale MORFAT, le 11 avril 2017 et à sa marque verbale MORFAT CREAMY, le 19 avril 2017.

13      Deuxièmement, comme cela ressort aussi des décisions attaquées, à la suite des enregistrements des marques de l’Union européenne mentionnées aux points 4 à 11 ci-dessus, la requérante a déposé, le 17 mars 2016, une demande d’enregistrement d’une licence exclusive accordée à Krentin sur ces marques. Cette licence a été enregistrée par l’EUIPO le 29 mars 2016 pour ensuite être annulée le 13 avril 2017 à la demande de la requérante.

14      Par la suite, le 15 mai 2017, une demande d’enregistrement d’une licence non exclusive sur les marques de l’Union européenne litigieuses a été déposée par la requérante. Cette licence a été enregistrée par l’EUIPO le 18 mai 2017 et demeure en vigueur. Le bénéficiaire de cette licence non exclusive est une société familiale, ayant pour activité commerciale principale la production de matières premières pour des produits de boulangerie et de confiserie, dont le siège social se trouve à la même adresse que celui de Krentin, à Athènes (Grèce). La chambre de recours précise également, aux points 8 et 9 des décisions attaquées, que Krentin est contrôlée ou est au service de cette société familiale.

15      Le 4 mai 2018, une autre demande d’enregistrement d’une licence non exclusive sur les marques de l’Union européenne mentionnées aux points 4 à 11 ci-dessus a été déposée par la requérante. Cette licence a été enregistrée par l’EUIPO le 17 mai 2018 et est toujours en vigueur. Le bénéficiaire de cette licence non exclusive est Zoepol LTD, dont le siège social se trouve à la même adresse que celui de la requérante, à Nicosie (Chypre).

16      Troisièmement, comme cela ressort également des décisions attaquées, Krentin avait contracté plusieurs prêts auprès d’établissements bancaires, dont notamment, à compter de mai 1969, avec la National Bank of Greece SA, de décembre 1995, avec Ergasias SA et, de juin 2001, avec la Piraeus Bank SA.

17      Le 23 juin 2017, Krentin a déposé une demande devant un tribunal grec visant à être déclarée en faillite en raison de ses difficultés financières. L’audience relative à la mise en faillite de Krentin a été annulée à la suite d’une demande présentée par ses créanciers visant à ce que cette société fasse plutôt l’objet d’une procédure extraordinaire d’administration spéciale afin d’éviter la faillite.

18      Ladite demande a été acceptée le 19 avril 2018 et un administrateur spécial a été désigné par la juridiction saisie.

 Les procédures de nullité devant l’EUIPO

19      Le 21 février 2019, Piraeus Bank, Eurobank Ergasias et National Bank of Greece, banques créancières de la société Krentin (ci-après, prises ensemble, les « demanderesses en nullité ») ont présenté à l’EUIPO des demandes en nullité des marques de l’Union européenne mentionnées aux points 4 à 11 ci-dessus (ci-après, prises ensemble, les « marques contestées »).

20      Le motif invoqué à l’appui des demandes en nullité était celui visé à l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1) [devenu l’article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

21      Le 29 avril 2020, la division d’annulation a fait droit aux demandes en nullité.

22      Le 24 juin 2020, la requérante a formé des recours auprès de l’EUIPO contre les décisions de la division d’annulation.

23      Par les décisions attaquées, la chambre de recours a rejeté les recours. En effet, après avoir rappelé qu’il appartenait au demandeur en nullité d’établir qu’une demande d’enregistrement a été déposée de mauvaise foi, et qu’il convenait de procéder à une appréciation globale des facteurs, la chambre de recours a considéré que, à la lumière de la chronologie relative aux différents dépôts, les demandes d’enregistrement des marques contestées avaient été déposées de mauvaise foi. La chambre de recours a précisé, à cet égard, que l’intention de la requérante, au moment des dépôts des demandes d’enregistrement des marques contestées, était malhonnête et visait à vider de leur substance les droits des marques nationales antérieures appartenant à la société Krentin, qui était en cours de procédure d’insolvabilité, en les faisant déposer sous forme de marques de l’Union européenne par la requérante agissant, en l’espèce, comme intermédiaire pour les gérants de la société Krentin.

 Conclusions des parties

24      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les décisions attaquées ;

–        reconnaître et confirmer qu’elle est légitimement titulaire des droits de propriété intellectuelle sur les marques contestées ;

–        condamner l’EUIPO et Intrum Hellas AE Daicheirisis Apaitiseon Apo Daneia kai Pistoseis aux dépens.

25      L’EUIPO et Intrum Hellas AE Daicheirisis Apaitiseon Apo Daneia kai Pistoseis concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur le statut de Intrum Hellas AE Daicheirisis Apaitiseon Apo Daneia kai Pistoseis en tant que partie intervenante

26      Le 3 janvier 2022, Intrum Hellas AE Daicheirisis Apaitiseon Apo Daneia kai Pistoseis (ci-après « Intrum ») a déposé au greffe du Tribunal un mémoire en réponse en qualité d’ « administrateur des créances » de VEGA III NPL FINANCE DAC, à savoir la société désignée comme étant le « successeur spécial » de Piraeus Bank s’agissant des créances de cette dernière à l’égard de Krentin.

27      La requérante fait valoir qu’Intrum n’a pas présenté de demande de substitution. S’agissant de la substitution d’une partie, telle que régie par les articles 175 et 176 du règlement de procédure du Tribunal, l’article 174 de ce même règlement prévoit que lorsqu’un droit de propriété intellectuelle concerné par le litige a été transféré d’une partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO à un tiers, l’ayant cause peut demander à se substituer à la partie initiale dans le cadre de la procédure devant le Tribunal. Il s’agit toutefois d’une situation différente de celle dans laquelle se trouve Intrum, à qui aucun droit de propriété intellectuelle n’a été transmis. Dès lors, les dispositions précitées invoquées par la requérante ne sont pas applicables au cas de l’espèce.

28      En outre, en vertu d’une jurisprudence constante, une action en annulation engagée par une personne morale peut être poursuivie par l’ayant cause à titre universel de celle-ci, notamment dans le cas où cette personne morale cesse d’exister alors que l’ensemble de ses droits et obligations est transféré à un nouveau titulaire et que, dans une telle situation, l’ayant cause à titre universel est nécessairement substitué de plein droit à son prédécesseur (voir arrêt du 7 mars 2013, Acino/Commission, T‑539/10, non publié, EU:T:2013:110, point 21 et jurisprudence citée).

29      Certes, en l’espèce, Piraeus Bank continue d’exister. Toutefois, l’ensemble des créances qu’elle avait à l’encontre de Krentin ont été transférées à VEGA III NPL FINANCE administrée par Intrum. Ainsi, dans ces circonstances particulières, il y a lieu d’admettre qu’Intrum s’est substituée, dans la présente procédure de nullité, à Piraeus Bank et qu’elle a pu, par le mémoire en réponse, acquérir le statut d’intervenante devant le Tribunal (voir, par analogie, arrêt du 31 mai 2018, Groningen Seaports e.a./Commission, T‑160/16, non publié, EU:T:2018:317, points 57 à 62).

 Sur le droit applicable rationae temporis

30      Compte tenu des dates d’introduction des demandes d’enregistrement en cause, à savoir le 30 janvier 2014 et le 22 octobre 2015, qui sont déterminantes aux fins de l’identification du droit matériel applicable, les faits de l’espèce sont régis par les dispositions matérielles du règlement no 207/2009 (voir, en ce sens, arrêt du 23 avril 2020, Gugler France/Gugler et EUIPO, C‑736/18 P, non publié, EU:C:2020:308, point 3 et jurisprudence citée).

31      Par suite, en l’espèce, en ce qui concerne les règles de fond, il convient d’entendre les références faites par la chambre de recours dans les décisions attaquées et celles faites par la requérante, l’intervenante et l’EUIPO dans leur argumentation respective, à l’article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, comme visant l’article 52, paragraphe 1, sous b), d’une teneur identique, du règlement no 207/2009.

32      Par ailleurs, dans la mesure où, selon une jurisprudence constante, les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à la date à laquelle elles entrent en vigueur (voir arrêt du 11 décembre 2012, Commission/Espagne, C‑610/10, EU:C:2012:781, point 45 et jurisprudence citée), le litige est régi par les dispositions procédurales du règlement 2017/1001.

 Sur le deuxième chef de conclusions de la requérante tendant à la confirmation de ses droits de propriété intellectuelle sur les marques contestées 

33      Par son deuxième chef de conclusions, la requérante demande au Tribunal de reconnaître et confirmer qu’elle est légitimement titulaire de droits de propriété intellectuelle sur les marques contestées.

34      À cet égard, il suffit de rappeler, qu’à l’instar des chefs de conclusions tendant à ce que le Tribunal prononce une injonction, dans le cadre du contrôle de légalité fondé sur l’article 263 TFUE, le Tribunal n’a pas compétence pour prononcer des jugements confirmatifs (voir, par analogie, ordonnance du 26 octobre 1995, Pevasa et Inpesca/Commission, C‑199/94 P et C‑200/94 P, EU:C:1995:360, point 24 et jurisprudence citée ; voir également, par analogie, arrêt du 25 septembre 2018, Suède/Commission, T‑260/16, EU:T:2018:597, point 104 et jurisprudence citée).

35      Il s’ensuit que le deuxième chef de conclusions de la requérante doit être rejeté comme porté devant une juridiction incompétente pour en connaître.

 Sur le premier chef de conclusions de la requérante tendant à l’annulation des décisions attaquées

36      La requérante invoque en substance un moyen unique, tiré de la violation de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, qui peut être divisé en six branches.

37      Premièrement, la requérante fait valoir en substance qu’elle a été créée dans le but d’introduire, de promouvoir, de fabriquer et de vendre les produits couverts par les marques contestées sur le marché européen et non pour soustraire de la procédure d’insolvabilité concernant Krentin, les droits de propriété intellectuelle dont Krentin était titulaire, comme le prétend la chambre de recours. Deuxièmement, la requérante rappelle que la demande aux fins de liquidation de la société Krentin a eu lieu plusieurs années après les dépôts des demandes d’enregistrement des marques contestées. Ainsi, aux moments pertinents aux fins de l’appréciation de la mauvaise foi de la requérante, Krentin était pleinement solvable, ce qui exclurait une mauvaise foi de la part de la requérante. Troisièmement, elle estime que les demanderesses en nullité n’ont pas su démontrer un préjudice leur ayant été causé ou causé à un tiers. Quatrièmement, la chambre de recours aurait inversé la charge de la preuve en exigeant de la requérante qu’elle réfute les allégations des demanderesses en nullité alors que ces allégations n’auraient pas été suffisamment prouvées. Cinquièmement, la requérante fait valoir que ni l’EUIPO, ni le Tribunal ne sont en mesure de se prononcer sur la nullité des marques contestées dans la mesure où le litige national relatif à la propriété des marques nationales antérieures n’a pas encore été résolu. Sixièmement, la requérante invoque la mauvaise foi des demanderesses en nullité qui chercheraient à contourner le droit national et les procédures légales afin de vendre les actifs de Krentin à une société débitrice des demanderesses en nullité, et de lui créer un avantage concurrentiel indu en violation des articles 101 et 102 TFUE.

38      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

39      Aux termes de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, la nullité de la marque de l’Union européenne est déclarée, sur demande présentée auprès de l’EUIPO ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon, lorsque le demandeur était de mauvaise foi lors du dépôt de la demande de marque.

40      À cet égard, il y a lieu de noter que la notion de mauvaise foi, visée à l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, n’est ni définie, ni délimitée, ni même décrite d’une quelconque manière dans la législation de l’Union européenne [arrêt du 1er février 2012, Carrols/OHMI – Gambettola (Pollo Tropical CHICKEN ON THE GRILL), T‑291/09, EU:T:2012:39 point 44].

41      À l’occasion de l’interprétation de la notion de mauvaise foi, la Cour a précisé que, alors que, conformément à son sens habituel dans le langage courant, la notion de mauvaise foi suppose la présence d’un état d’esprit ou d’une intention malhonnête, cette notion doit en outre être comprise dans le contexte du droit des marques, qui est celui de la vie des affaires. À cet égard, elle a relevé que le règlement (CE) no 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), et les règlements no 207/2009 et 2017/1001, adoptés successivement, s’inscrivent dans un même objectif, à savoir l’établissement et le fonctionnement du marché intérieur. Les règles sur la marque de l’Union européenne visent, en particulier, à contribuer au système de concurrence non faussée dans l’Union, dans lequel chaque entreprise doit, afin de s’attacher la clientèle par la qualité de ses produits ou de ses services, être en mesure de faire enregistrer en tant que marques des signes permettant au consommateur de distinguer sans confusion possible ces produits ou ces services de ceux qui ont une autre provenance (voir arrêt du 12 septembre 2019, Koton Mağazacilik Tekstil Sanayi ve Ticaret/EUIPO, C‑104/18 P, EU:C:2019:724, point 45 et jurisprudence citée).

42      La Cour en a déduit que la cause de nullité absolue visée à l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 s’applique lorsqu’il ressort d’indices pertinents et concordants que le titulaire d’une marque de l’Union européenne a introduit la demande d’enregistrement de cette marque non pas dans le but de participer de manière loyale au jeu de la concurrence mais avec l’intention de porter atteinte, d’une manière non conforme aux usages honnêtes, aux intérêts de tiers, ou avec l’intention d’obtenir, sans même viser un tiers en particulier, un droit exclusif à des fins autres que celles relevant des fonctions d’une marque, notamment de la fonction essentielle d’indication d’origine (arrêt du 12 septembre 2019, Koton Mağazacilik Tekstil Sanayi ve Ticaret/EUIPO, C‑104/18 P, EU:C:2019:724, point 46).

43      La Cour a également précisé que l’intention du demandeur d’une marque est un élément subjectif qui doit cependant être déterminé de manière objective par les autorités administratives et judiciaires compétentes. Par conséquent, toute allégation de mauvaise foi doit être appréciée globalement, en tenant compte de l’ensemble des circonstances factuelles pertinentes du cas d’espèce. Ce n’est que de cette manière que l’allégation de mauvaise foi peut être appréciée objectivement (voir arrêt du 12 septembre 2019, Koton Mağazacilik Tekstil Sanayi ve Ticaret/EUIPO, C‑104/18 P, EU:C:2019:724, point 47 et jurisprudence citée).

44      C’est au demandeur en nullité qui entend se fonder sur l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 qu’il incombe d’établir les circonstances qui permettent de conclure qu’une demande d’enregistrement d’une marque de l’Union européenne a été déposée de mauvaise foi, la bonne foi du déposant étant présumée jusqu’à preuve du contraire (voir, en ce sens, arrêt du 21 avril 2021, MONOPOLY, T‑663/19, EU:T:2021:211, point 42 et jurisprudence citée).

45      Lorsque l’EUIPO constate que les circonstances objectives du cas d’espèce invoquées par le demandeur en nullité sont susceptibles de conduire au renversement de la présomption de bonne foi dont bénéficie le titulaire de la marque en cause lors du dépôt de la demande d’enregistrement de celle-ci, il appartient à ce dernier de fournir des explications plausibles concernant les objectifs et la logique commerciale poursuivis par la demande d’enregistrement de ladite marque (voir, en ce sens, arrêt du 21 avril 2021, MONOPOLY, T‑663/19, EU:T:2021:211, point 43).

46      En effet, le titulaire de la marque en cause est le mieux placé pour éclairer l’EUIPO sur les intentions qui l’animaient lors de la demande d’enregistrement de cette marque et pour lui fournir des éléments susceptibles de le convaincre que, en dépit de l’existence de circonstances objectives, ces intentions étaient légitimes (voir, en ce sens, arrêt du 21 avril 2021, MONOPOLY, T‑663/19, EU:T:2021:211, point 44 et jurisprudence citée).

47      C’est à la lumière des considérations qui précèdent qu’il y a lieu de contrôler la légalité des décisions attaquées.

 Sur la première branche relative à la logique commerciale poursuivie par les enregistrements des marques contestées

48      La requérante fait valoir qu’elle a été créée dans le but d’introduire les produits couverts par les marques contestées sur le marché européen. Ainsi, la logique commerciale dans laquelle s’inscrirait les dépôts des demandes d’enregistrement des marques contestées aurait dû conduire la chambre de recours à conclure à l’absence de mauvaise foi de la requérante.

49      À cet égard, la chambre de recours, après avoir exposé la chronologie des évènements, a conclu qu’il avait été démontré que les dépôts des marques contestées constituaient un élément clé d’une stratégie coordonnée, entre la requérante et Krentin, visant à retirer de l’actif de cette dernière des marques nationales antérieures d’une certaine valeur tout en assurant leur enregistrement par le biais de marques de l’Union européenne équivalentes, couvrant les mêmes produits. Ainsi, les marques contestées auraient été déposées dans le but de porter atteinte aux intérêts des tiers et non d’introduire les produits concernés sur le marché européen dans le cadre d’une concurrence loyale, comme cela est avancé par la requérante.

50      Comme cela a été rappelé au point 42 ci-dessus, il ressort de la jurisprudence que la mauvaise foi peut être caractérisée, entre autres, par l’intention d’obtenir un droit exclusif à des fins autres que celles relevant des fonctions d’une marque, notamment de la fonction essentielle d’indication d’origine. En l’espèce, il ressort de la chronologie exposée aux points 2 à 18 ci-dessus que la requérante a tout d’abord déposé les marques contestées, qui ont été enregistrées sans opposition de la part de Krentin qui était la titulaire des marques nationales antérieures, puis les a concédées par le biais de licences en faveur de Krentin ou de sociétés entretenant des liens étroits avec cette dernière. Par la suite, environ deux mois avant de demander à être déclarée en faillite, Krentin a renoncé à ses droits sur les marques nationales antérieures équivalentes aux marques contestées. Cette opération a eu pour résultat d’éviter que les droits de propriété intellectuelle conférés par les marques nationales antérieures fassent partie du patrimoine de Krentin tout en conservant leur contrôle après leur transformation en marques de l’Union européenne équivalentes.

51      À cet égard, la requérante ne fournit aucune explication plausible concernant la logique commerciale sous-tendant les demandes d’enregistrement des marques contestées. Au demeurant, elle n’a apporté aucun élément de preuve démontrant qu’elle a effectivement introduit les produits couverts par les marques contestées sur le marché européen ou bien qu’elle a exercé une réelle activité commerciale autre que de posséder les marques contestées et de les octroyer par le biais de licences à la société titulaire des marques nationales antérieures ou à des sociétés entretenant des liens étroits avec cette dernière. Force est de constater que la requérante s’est contentée de répéter les arguments déjà soutenus devant la chambre de recours, en affirmant qu’elle avait été créée dans le but d’introduire ces produits sur le marché européen en commençant par l’Allemagne et Chypre. Ainsi, et comme le relève à juste titre la chambre de recours dans les décisions attaquées, il n’existe aucune autre raison concevable que celle exposée au point 50 ci-dessus, pour qu’une société comme Krentin accepte de se voir octroyer des licences, sur des marques de l’Union européenne équivalentes à des marques nationales dont elle est titulaire et de renoncer à ses marques après. L’intention de la requérante n’était donc pas d’introduire les produits concernés sur le marché européen comme elle le prétend, mais de retirer du patrimoine de Krentin des droits de propriété intellectuelle, comme expliqué à juste titre dans la décision attaquée.

52      De plus, les contradictions dans le discours de la requérante, observées par la chambre de recours, ne font que renforcer l’existence d’une intention malhonnête. À cet égard, la chambre de recours a relevé que la requérante, lors de la procédure devant la division d’annulation, avait expliqué que Krentin et elle n’avaient eu de contacts qu’après les demandes d’enregistrement des marques contestées. Toutefois, comme il ressort du point 28 de la requête, et comme relevé à juste titre par l’EUIPO, elle affirme qu’elle a pourtant conclu un accord avec toutes les parties concernées (Krentin, CREDIN Denmark, Bertzeletos SA et M. Théodore Bertzeletos) en 2014, avant d’avoir déposé les demandes d’enregistrement des marques contestées. Force est de constater que la requérante ne s’est nullement expliquée sur ladite contradiction.

53      Ainsi, c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu que la requérante avait déposé les marques contestées dans le but de porter atteinte aux intérêts des tiers et non d’introduire les produits concernés sur le marché européen dans le cadre d’une concurrence loyale.

54      La première branche doit donc être écartée comme non fondée.

 Sur la deuxième branche relative aux moments pertinents aux fins de l’appréciation de la mauvaise foi

55      La requérante fait valoir que, aux moments pertinents, c’est-à-dire le 30 janvier 2014 et le 22 octobre 2015, jours des dépôts des demandes d’enregistrement des marques contestées, Krentin était pleinement fonctionnelle et solvable. Ainsi, la chambre de recours n’aurait pu conclure que les marques contestées avaient été déposées afin de sauver certains actifs de la société Krentin. En effet, la demande aux fins de liquidation de la société Krentin avait été formulée en 2017. La requérante précise que plusieurs banques ont d’ailleurs accordé huit augmentations de ligne de crédit à Krentin entre le 10 janvier 2013 et le 10 mars 2016, ce qui prouverait que rien ne laissait penser que Krentin allait être insolvable et donc, qu’elle était de mauvaise foi.

56      À cet égard, s’il résulte de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 et de la jurisprudence citée au point 44 ci-dessus qu’il incombe au demandeur en nullité qui entend se fonder sur ce motif d’établir les circonstances qui permettent de conclure que le titulaire d’une marque de l’Union européenne était de mauvaise foi lors du dépôt de la demande d’enregistrement de cette dernière, il n’en demeure pas moins que l’intention du titulaire de la marque de l’Union européenne doit s’apprécier de manière globale en tenant compte de tous les facteurs pertinents propres au cas d’espèce comme cela ressort de la jurisprudence citée au point 43 ci-dessus.

57      S’agissant de la solvabilité de Krentin au jour des dépôts des demandes d’enregistrement des marques contestées, il y a lieu de relever que l’argument tiré de l’augmentation des lignes de crédits dont elle a bénéficié au cours des années 2013 à 2016 a déjà été avancé devant la chambre de recours, qui l’a écarté en considérant à juste titre, en substance, que le fait que Krentin avait besoin d’une série de prêts bancaires très importants aurait plutôt fait penser que la société se trouvait dans une situation de difficulté financière accrue du fait de la régression du marché local en raison de la crise économique. Force est de constater que la requérante n’a soulevé aucun argument visant à contester le raisonnement de la chambre de recours à cet égard.

58      Par ailleurs, la chambre de recours, en se fondant sur le propre récit de la requérante concernant la période particulièrement difficile de sa création et des demandes d’enregistrement des marques contestées, en a déduit, à juste titre, que le projet d’enregistrement desdites marques, équivalentes aux marques nationales de Krentin, avait été élaboré alors que les affaires de Krentin étaient particulièrement difficiles. La requérante n’a de même présenté aucun argument visant à remettre en cause cette appréciation.

59      Au demeurant, il est difficile de croire que Krentin, dont l’administrateur spécial avait été désigné le 19 avril 2018 par le Polymeles Protodikeio Peiraia (tribunal de grande instance du Pirée, Grèce), était, lors des dépôts des demandes d’enregistrement des marques contestées, en bonne santé financière, comme le prétend la requérante. En effet, il ressort de l’arrêt 1883/2018 du Polymeles Protodikeio Peiraia (tribunal de grande instance du Pirée) désignant un administrateur spécial que Krentin rencontrait des difficultés financières depuis au moins 2015.

60      Dans ce contexte, c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que, alors même que la demande de Krentin d’être déclarée en faillite n’avait été formulée qu’en 2017, les démarches entreprises par la requérante visant à enregistrer les marques contestées suivies de l’abandon par Krentin de ses marques nationales établissaient une intention malhonnête existante depuis le premier dépôt, c’est-à-dire, depuis le 30 janvier 2014.

61      Partant, il y a lieu d’écarter la deuxième branche comme non fondée.

 Sur la troisième branche relative au préjudice causé aux demanderesses en nullité ou au grand public

62      L’existence de la mauvaise foi de la requérante lors des dépôts des demandes d’enregistrement des marques contestées ne saurait, non plus, être remise en cause, par l’absence de production d’éléments de preuve démontrant un préjudice qui aurait été causé aux demanderesses en nullité ou au grand public comme le prétend la requérante.

63      En effet, ni le règlement no 207/2009 ni la jurisprudence ne fournissent de fondement permettant de considérer que, en l’espèce, le fait d’occasionner un préjudice est pertinent aux fins d’apprécier la mauvaise foi de la requérante lors du dépôt des demandes d’enregistrement des marques contestées (arrêt du 21 avril 2021, MONOPOLY, T‑663/19, EU:T:2021:211, point 81).

64      Ainsi, la troisième branche doit être rejetée comme inopérante.

 Sur la quatrième branche relative à la charge de la preuve

65      Dans le cadre de la quatrième branche, la requérante formule des reproches à l’encontre des décisions de la division d’annulation, tout en prétendant citer les décisions de la chambre de recours. Il y a toutefois lieu de considérer, en substance, qu’elle fait grief à la chambre de recours d’avoir inversé la charge de la preuve en lui imposant de produire des éléments de preuve démontrant l’absence de lien entre elle et Krentin alors que les demanderesses en nullité n’auraient pas apporté les éléments de preuve nécessaires pour établir sa mauvaise foi.

66      Une telle argumentation ne saurait prospérer. En effet, la chambre de recours n’a pas inversé la charge de la preuve, mais a considéré qu’il ressortait d’indices pertinents et concordants que la requérante avait déposé les demandes d’enregistrement des marques contestées dans un but autre que celui de se livrer à une concurrence loyale, ce qui est confirmé par le présent arrêt. Ainsi, la présomption de bonne foi étant renversée, il appartenait alors à la requérante, en application de la jurisprudence citée aux points 45 et 46 ci-dessus, de prouver sa bonne foi, en démontrant, par exemple, l’absence de tout lien entre elle et Krentin, ce qu’elle n’a pas réussi à faire.

67      La quatrième branche est donc rejetée comme non fondée.

 Sur les cinquième et sixième branches relatives au litige devant les juridictions nationales grecques et à la prétendue mauvaise foi des demanderesses en nullité

68      Dans le cadre des cinquième et sixième branches, la requérante fait valoir que la division d’annulation n’était pas en mesure de se prononcer sur l’enregistrement des marques contestées dans la mesure où aucune décision définitive de la juridiction nationale n’avait été rendue sur la question concernant le réel propriétaire des marques nationales antérieures. À cet égard, il y a lieu de considérer, en substance, qu’elle fait également le même reproche à la chambre de recours. En effet, la société danoise CREDIN A/S aurait formé un recours devant les juridictions grecques compétentes demandant l’annulation de la vente aux enchères des marques nationales antérieures. En effet, les marques nationales antérieures n’auraient jamais appartenu à Krentin dans la mesure où cette dernière versait des redevances à CREDIN A/S, en vertu d’un accord signé en 1968. Ainsi, selon la requérante, Krentin pouvait enregistrer ces marques nationales en son nom propre, mais ne pouvait, sans l’accord de CREDIN A/S, les renouveler. Ainsi, les demanderesses en nullité auraient agi de mauvaise foi, en essayant de contourner cette question de propriété afin d’obtenir illégalement un avantage commercial indu en faveur d’une autre société leur étant débitrice, en lui vendant les marques nationales antérieures. Elles auraient donc aussi agi en violation des articles 101 et 102 du TFUE.

69      S’agissant de la question du propriétaire des marques nationales antérieures, la chambre de recours a constaté que Krentin était bien la titulaire, eu égard aux informations enregistrées dans le registre grec. De plus, la chambre de recours a considéré qu’en tout état de cause, la mauvaise foi, lors des demandes d’enregistrement des marques contestées, de la requérante était établie.

70      Premièrement, comme relevé à juste titre par la chambre de recours dans les décisions attaquées, l’argument de la requérante selon lequel CREDIN A/S serait la véritable titulaire des marques nationales antérieures, va à l’encontre des informations enregistrées dans le registre grec selon lesquelles Krentin était la titulaire des marques nationales antérieures. En outre, la requérante ne répond pas aux critiques de la chambre de recours, selon laquelle cette argumentation serait invraisemblable au vu des circonstances de l’espèce, mais se borne à répéter les mêmes arguments déjà soulevés devant ladite chambre. Au demeurant, l’accord signé en 1968 est sans pertinence en l’espèce. En effet, il ressort de cet accord que Krentin versait des redevances à CREDIN A/S pour la fourniture d’un savoir-faire, d’une assistance technique. Cet accord prévoit également que les noms sous lesquels les produits sont vendus restent la propriété de CREDIN A/S, sans, toutefois, préciser quels sont ces « noms ».

71      En outre, le résultat des litiges devant les juridictions nationales par lesquels CREDIN A/S aurait contesté la vente aux enchères des marques nationales antérieures de Krentin est également sans incidence sur le présent litige. En effet, si, à la suite du litige, il s’avère que les marques nationales antérieures ne faisaient pas partie du patrimoine de Krentin, une telle circonstance serait sans incidence sur la question de savoir si la requérante était de mauvaise foi au moment des dépôts des demandes d’enregistrement des marques contestées.

72      En effet, il ressort des décisions attaquées, non contestées sur ce point, que des contacts avaient eu lieu entre la requérante, Krentin, la société familiale et CREDIN A/S avant les demandes d’enregistrement des marques contestées. En effet, la chambre de recours a relevé que la requérante avait elle-même reconnu avoir conclu en 2014 un accord avec ces sociétés en vue de demander l’enregistrement des marques contestées. La chambre de recours a, à juste titre, considéré que ces rencontres ne faisaient que renforcer la thèse de la mauvaise foi de la requérante en démontrant que ces sociétés avaient l’intention de concocter un plan commun et malhonnête. En effet, dans un tel scénario, la chambre de recours aurait à juste titre conclu que ces demandes avaient été faites dans le cadre d’un plan malhonnête visant à « exporter » les droits des marques nationales antérieures sous la forme de marques de l’Union européenne pour éviter le « risque d’expropriation » de celles-ci, tel qu’expliqué par la requérante elle-même devant l’EUIPO, comme cela ressort des décisions attaquées.

73      En tout état de cause, il résulte de tout ce qui précède que, à l’instar des conclusions des décisions attaquées, les éléments de preuve et les arguments des demanderesses en nullité, permettent de conclure que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur d’appréciation en constatant la mauvaise foi de la requérante lors des dépôts des demandes d’enregistrement des marques contestées.

74      Deuxièmement, en ce qui concerne la prétendue mauvaise foi des demanderesses en nullité, cet argument est inopérant. En effet, quand bien même la mauvaise foi des demanderesses en nullité serait prouvée, cette seule circonstance ne saurait remettre en cause la conclusion selon laquelle la requérante était de mauvaise foi lorsqu’elle a déposé les demandes d’enregistrement des marques contestées, l’appréciation de la prétendue mauvaise foi des demanderesses en nullité étant totalement indépendante de la mauvaise foi de la requérante.

75      En tout état de cause, les faits allégués par la requérante ne sont pas établis. En effet, la requérante n’apporte aucun élément de preuve des circonstances objectives permettant de démontrer cette mauvaise foi. Son argumentation repose uniquement sur la circonstance selon laquelle les questions relatives à la procédure d’insolvabilité devant les juridictions grecques concernant les marques nationales antérieures, considérées comme complexes, doivent être laissées à l’appréciation des tribunaux nationaux, et donc que les enregistrements des marques contestées ne devraient pas être annulés tant que la propriété des marques nationales antérieures est contestée.

76      Toutefois, comme cela ressort du point 71 ci-dessus, les questions relatives à la procédure d’insolvabilité devant les juridictions grecques concernant les marques nationales antérieures sont dénuées de pertinence en l’espèce.

77      Les arguments exposés par la requérante dans le cadre des cinquième et sixième branches ne sont donc, en aucun cas, de nature à remettre en cause la constatation de sa mauvaise foi lors des dépôts des demandes d’enregistrement des marques contestées.

78      En conclusion, il résulte de tout ce qui précède que la chambre de recours a, à juste titre, considéré que, à la lumière de toutes les circonstances objectives de l’espèce, l’intention de la requérante lors des dépôts des demandes d’enregistrement des marques contestées était une intention malhonnête visant à vider de leur substance les droits des marques nationales antérieures appartenant à Krentin, avant toute réclamation par ses créanciers, tout en assurant, par le biais de marques de l’Union européenne équivalentes, leur protection. Ce stratagème malhonnête étant incompatible avec les usages honnêtes et ne montrant pas l’intention de la requérante de se livrer à une concurrence loyale, c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu à sa mauvaise foi lors des dépôts des demandes d’enregistrement des marques contestées et, partant, a rejeté les recours contre les décisions de la division d’annulation déclarant leur nullité en application de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

79      Par conséquent, il y a lieu de rejeter le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

80      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

81      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens, ainsi que ceux exposés par l’EUIPO et l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Neratax LTD est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) et Intrum Hellas AE Daicheirisis Apaitiseon Apo Daneia kai Pistoseis.

Marcoulli

Frimodt Nielsen

Tomljenović

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 18 janvier 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.