Language of document : ECLI:EU:T:2022:219

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

6 avril 2022 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne figurative TRAMOSA – Marque de l’Union européenne figurative antérieure TRAMO,SA TRANSPORTE MAQUINARIA Y OBRAS,S.A. – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001] – Usage sérieux de la marque antérieure – Article 15, paragraphe 1, second alinéa, sous a), et article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement no 207/2009 [devenus article 18, paragraphe 1, second alinéa, sous a), et article 47, paragraphes 2 et 3, du règlement 2017/1001] – Forme qui diffère par des éléments n’altérant pas le caractère distinctif »

Dans l’affaire T‑219/21,

Agora Invest, SA, établie à Barcelone (Espagne), représentée par Me A. Alejos Cutuli, avocate,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. J. Crespo Carrillo, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Transportes Maquinaria y Obras, SA, établie à Madrid (Espagne), représentée par Me N. Fernández Fernández-Pacheco, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la cinquième chambre de recours de l’EUIPO du 16 février 2021 (affaire R 566/2020-5), relative à une procédure d’opposition entre Transportes Maquinaria y Obras et Agora Invest,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. D. Spielmann, président, U. Öberg et Mme M. Brkan (rapporteure), juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 23 avril 2021,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 17 juin 2021,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 22 juillet 2021,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 22 septembre 2017, la requérante, Agora Invest, SA, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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3        Les services pour lesquels l’enregistrement a été initialement demandé relèvent de la classe 39 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent notamment à la description suivante : « Services de transport ; emballage et entreposage de marchandises ; services de distribution (livraison) de produits ».

4        La demande de marque a été publiée au Bulletin des marques de l’Union européenne no 2017/204, du 26 octobre 2017.

5        Le 25 janvier 2018, l’intervenante, Transportes Maquinaria y Obras, SA, a formé opposition, au titre de l’article 46 du règlement 2017/1001, à l’enregistrement de la marque demandée pour les services visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était fondée sur la marque de l’Union européenne figurative antérieure dont le signe est reproduit ci-après, déposée le 4 décembre 1998 et enregistrée le 7 février 2000, sous le numéro 975 144, désignant les services relevant notamment de la classe 39 et correspondant  à la description suivante : « Services de distribution, de transport et de dépôt de marchandises et de matériaux de construction ; services de location de véhicules de transport » :

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7        Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était celui visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

8        À la suite de la demande formulée par la requérante et conformément à l’article 47, paragraphes 2 et 3, du règlement 2017/1001, l’EUIPO a invité l’intervenante à apporter la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure invoquée à l’appui de l’opposition. Cette dernière a déféré à ladite demande dans le délai imparti.

9        Le 30 janvier 2020, la division d’opposition a fait droit à l’opposition sur le fondement de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

10      Le 18 mars 2020, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de la division d’opposition.

11      Le 18 mai 2020, la requérante a sollicité une limitation de la liste des services visés par sa demande d’enregistrement pour ne plus viser que les services correspondant à la description suivante : « Services de transport de véhicules par route et par bateau et de pièces et composants de véhicules de l’industrie automobile ».

12      Par décision du 16 février 2021 (ci-après la « décision attaquée »), la cinquième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours. En particulier, elle a tout d’abord considéré que l’usage de la marque antérieure ne différait pas par des éléments altérant le caractère distinctif de la marque dans la forme sous laquelle elle est enregistrée. Par ailleurs, elle a estimé que la marque antérieure avait été utilisée pour des services de distribution et de transport de matériaux de construction et a considéré que la marque antérieure avait fait l’objet d’un usage sérieux. Ensuite, elle a déterminé que le niveau d’attention du public pertinent était, en substance, élevé, et que les services visés par les marques en conflit étaient très similaires. Enfin, s’agissant de la comparaison des signes, elle a retenu, sur le plan visuel, un degré de similitude inférieur à la moyenne, sur le plan phonétique, un degré de similitude supérieur à la moyenne voire une identité et elle a considéré que la comparaison conceptuelle était neutre. Dès lors, compte tenu du degré normal de caractère distinctif de la marque antérieure, elle a conclu qu’il existait un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

 Conclusions des parties

13      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        rejeter l’opposition ;

–        autoriser l’enregistrement de la marque demandée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

14      L’EUIPO et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

15      À titre liminaire, il convient de relever que, compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement en cause, à savoir le 22 septembre 2017, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, les faits de l’espèce sont régis  par les dispositions matérielles du règlement no 207/2009 (voir, en ce sens, arrêts du 8 mai 2014, Bimbo/OHMI, C‑591/12 P, EU:C:2014:305, point 12, et du 18 juin 2020, Primart/EUIPO, C‑702/18 P, EU:C:2020:489, point 2 et jurisprudence citée).  Par ailleurs, dans la mesure où, selon une jurisprudence constante, les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à la date à laquelle elles entrent en vigueur (voir arrêt du 11 décembre 2012, Commission/Espagne, C‑610/10, EU:C:2012:781, point 45 et jurisprudence citée), le litige est régi par les dispositions procédurales du règlement 2017/1001.

16      Par suite, en l’espèce, en ce qui concerne les règles de fond, il convient d’entendre les références faites par la chambre de recours dans la décision attaquée et par les parties à l’instance à l’article 8, paragraphe 1, sous b), et à l’article 47, paragraphes 2 et 3, du règlement 2017/1001 comme visant l’article 8, paragraphe 1, sous b), et l’article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement no 207/2009.

17      À l’appui de son recours, la requérante invoque, en substance, deux moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 42, paragraphe 2, du règlement no 207/2009, et le second, de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 42, paragraphe 2, du règlement no 207/2009

18      Dans le cadre de son premier moyen qui s’articule en deux branches, la requérante soutient, d’une part, que les formes sous lesquelles la marque antérieure a été utilisée ont altéré le caractère distinctif de la marque antérieure telle qu’enregistrée ce qui impliquerait que l’usage de la marque antérieure n’a pas été démontré et, d’autre part, que la preuve de l’usage de la marque antérieure n’a pas été apportée à l’égard des services pour lesquels elle est enregistrée.

 Sur l’éventuelle altération du caractère distinctif de la marque antérieure

19      Dans la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que l’usage de la marque antérieure ne différait pas par des éléments altérant le caractère distinctif de la marque dans la forme sous laquelle elle est enregistrée.

20      La requérante conteste l’appréciation de la chambre de recours et avance que la marque antérieure ne se retrouve sous la forme pour laquelle elle a été enregistrée dans aucun des documents produits par l’intervenante au soutien de l’opposition. Elle fait valoir que les formes sous lesquelles ladite marque est utilisée altèrent le caractère distinctif de la marque antérieure telle qu’enregistrée.

21      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

22      Il convient de rappeler que, en vertu des dispositions combinées de l’article 15, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement no 207/2009 [devenu article 18, paragraphe 1, deuxième alinéa, sous a), du règlement 2017/1001], et de l’article 42, paragraphes 2 et 3, du même règlement, la preuve de l’usage sérieux d’une marque antérieure, nationale ou de l’Union européenne, qui fonde une opposition à l’encontre d’une demande de marque de l’Union européenne, comprend également la preuve de l’utilisation de la marque antérieure sous une forme qui diffère par des éléments n’altérant pas le caractère distinctif de cette marque dans la forme sous laquelle elle a été enregistrée [arrêt du 8 décembre 2005, Castellblanch/OHMI – Champagne Roederer (CRISTAL CASTELLBLANCH), T‑29/04, EU:T:2005:438, point 30].

23      L’objet de l’article  15, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement n° 207/2009, qui évite d’imposer une conformité stricte entre la forme utilisée de la marque et celle sous laquelle la marque a été enregistrée, est de permettre au titulaire de cette dernière d’apporter au signe, à l’occasion de son exploitation commerciale, les variations qui, sans en modifier le caractère distinctif, permettent de mieux l’adapter aux exigences de commercialisation et de promotion des produits ou des services concernés. Conformément à son objet, le champ d’application matériel de cette disposition doit être considéré comme limité aux situations dans lesquelles le signe concrètement utilisé par le titulaire d’une marque pour désigner les produits ou les services pour lesquels celle-ci a été enregistrée constitue la forme sous laquelle cette même marque est commercialement exploitée. Dans de pareilles situations, lorsque le signe utilisé dans le commerce diffère de la forme sous laquelle celui-ci a été enregistré uniquement par des éléments négligeables, de sorte que les deux signes peuvent être considérés comme globalement équivalents, la disposition susvisée prévoit que l’obligation d’usage de la marque enregistrée peut être remplie en rapportant la preuve de l’usage du signe qui en constitue la forme utilisée dans le commerce. En revanche, cette disposition ne permet pas au titulaire d’une marque enregistrée de se soustraire à l’obligation qui lui incombe de faire usage de cette marque en invoquant à son bénéfice l’utilisation d’une marque similaire faisant l’objet d’un enregistrement distinct [arrêts du 23 février 2006, Il Ponte Finanziaria/OHMI – Marine Enterprise Projects (BAINBRIDGE), T‑194/03, EU:T:2006:65, point 50, et du 18 novembre 2015, Menelaus/OHMI – Garcia Mahiques (VIGOR), T‑361/13, EU:T:2015:859, point 67 (non publié)].

24      Ainsi, le constat d’une altération du caractère distinctif de la marque telle qu’enregistrée requiert un examen du caractère distinctif et dominant des éléments ajoutés ou supprimés en se fondant sur les qualités intrinsèques de chacun de ces éléments ainsi que sur la position relative des différents éléments dans la configuration de la marque [arrêt du 18 novembre 2015, VIGOR, T‑361/13, EU:T:2015:859, point 68 (non publié), et ordonnance du 10 mai 2016, Volkswagen/EUIPO – Andrã (BAG PAX), T‑324/15, non publiée, EU:T:2016:326, point 14].

25      Il y a également lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, lorsqu’une marque est composée d’éléments verbaux et figuratifs, l’élément verbal de la marque est, en principe, selon la composition de ladite marque, plus distinctif que l’élément figuratif, car le consommateur moyen fera plus facilement référence au produit en cause en citant le nom qu’en décrivant l’élément figuratif [voir, en ce sens, arrêts du 6 septembre 2013, Leiner/OHMI – Recaro (REVARO), T‑349/12, non publié, EU:T:2013:412, point 23, et du 18 novembre 2015, VIGOR, T‑361/13, EU:T:2015:859, point 69 (non publié)].

26      C’est à la lumière des considérations énoncées ci-dessus qu’il convient d’examiner si la chambre de recours a violé l’article 15, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement no 207/2009 en estimant que l’usage de la marque ne diffère pas de la marque antérieure telle qu’enregistrée par des éléments altérant le caractère distinctif.

27      D’emblée, il y a lieu de relever que les preuves fournies par l’intervenante dans le cadre de la procédure administrative concernant l’usage de la marque antérieure, telles que mentionnées aux points 4 et 5 de la décision attaquée, sont les suivantes :

–        document 1 : 95 factures émises par l’intervenante au cours de la période 2012-2017 et adressées à des clients en Espagne et représentant la marque comme suit :

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–        document 2 : diverses factures datant des années 2012 à 2017 adressées par divers fournisseurs à l’intervenante et portant sur du matériel promotionnel et de marketing ;

–        document 3 : diverses photographies de matériel publicitaire. La marque y est représentée sous les trois formes successives suivantes :

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–        document 4 : captures d’écran du site web de l’intervenante où la marque est représentée comme suit :

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–        document 5 : informations du ministère des finances concernant le paiement de taxes où figure notamment la description de l’activité comme « transport de marchandises par route » ;

–        document 6 : rapport d’affaires montrant l’évolution des ventes de l’intervenante de 2015 à 2017 ;

–        document 7 : liste de véhicules de transport de marchandises, tirée du registre du commerce et des activités de transport sur le site web du ministère espagnol des transports ;

–        document 8 : photographies des véhicules de transport détenus par l’intervenante et représentant la marque comme suit :

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–        document 9 : liste historique de véhicules, mise à jour le 5 juin 2018, cachetée par l’administration chargée de la circulation ;

–        document 10 : cartes d’opérateur de transport permettant d’exercer l’activité d’agence de transport et carte autorisant la fourniture de services de transport public routier de marchandises par poids lourds au niveau étatique, qui permet d’exercer des activités de transport public routier de marchandises avec des poids lourds ou légers ;

–        document 11 : déclaration du directeur général de l’intervenante attestant notamment de l’activité principale de l’intervenante de transport de marchandises pour l’approvisionnement de matières premières par route ;

–        document 12 : déclarations de dix fournisseurs confirmant avoir réalisé des services et des activités de transport pour l’intervenante ;

–        document 13 : déclaration du représentant de l’Asociación de Empresas de Transporte de la Región Centro CETM-Madrid (association des entreprises de transport de la région Centre, Madrid) attestant de l’adhésion de l’intervenante à ladite association.

28      Tout d’abord, la marque antérieure telle qu’enregistrée (voir le point 6 ci-dessus) est constituée, au centre, de l’élément verbal « tramo,sa » écrit en lettres majuscules. Une virgule presque imperceptible, sans espace, est présente avant les lettres « sa » qui sont de taille plus petite. Sous l’élément « tramo,sa » figure l’expression « transporte maquinaria y obras,s.a. », qui signifie « transport, machines et travaux,s.a. », écrite en lettres majuscules sensiblement plus petites que ledit élément. En outre, deux rectangles noirs sont tracés, l’un étant placé verticalement à gauche de l’élément verbal « tramo,sa » et l’autre horizontalement, formant ainsi une ligne au-dessous de l’élément verbal « tramo,sa ».

29      Ensuite, quant aux signes tels qu’utilisés, s’agissant des deux premières formes d’utilisation reproduites dans les documents 1 et 3, l’élément verbal « tramosa » y figure en majuscules dont les deux dernières lettres sont de la même taille que les autres et ne sont séparées de celles-ci par aucune virgule. Lesdites lettres sont légèrement stylisées. Sous cet élément figure l’élément verbal « transporte, maquinaria y obras, s. a. » écrit dans une police de caractères sensiblement plus petite, également en majuscules. Les deux rectangles présents dans la marque antérieure telle qu’enregistrée sont absents.

30      Enfin, s’agissant de la forme d’utilisation commune aux documents 3 et 8 ainsi que celle figurant sur la capture d’écran du site web présentée dans le document 4, elles comprennent également l’élément verbal « tramosa », en majuscules dont les deux dernières lettres sont de la même taille que les autres et ne sont séparées de celles-ci par aucune virgule. Si l’élément verbal « transporte, maquinaria y obras, s. a. » est absent, les deux rectangles sont en revanche présents dans des nuances de vert et de turquoise. Le fond est blanc s’agissant de la forme reproduite sur les documents 3 et 8 et jaune s’agissant de celle reproduite dans le document 4.

31      La requérante considère que la fonction de l’élément graphique de la marque antérieure n’est pas uniquement complémentaire puisqu’il s’agit du seul élément reproduit exactement dans la forme sous laquelle il a été enregistré. En outre, elle estime que l’élément « tramosa » n’existe pas en tant que tel dans la marque antérieure qui est constituée non pas de l’élément « tramosa » mais des deux termes « tramo » et « sa ». Ainsi, l’élément distinctif dans la marque antérieure serait l’élément « tramo ». Par ailleurs, l’élément verbal « tramo,sa » ferait référence en tant qu’acronyme à l’élément verbal « transporte maquinaria y obras,s.a. ». Dès lors, l’élément « tramo,sa » de la marque antérieure telle qu’enregistrée diffèrerait de l’élément verbal indivisible « tramosa » présent dans les formes sous lesquelles la marque antérieure est utilisée par une virgule et par le fait que l’abréviation « sa » est de taille plus petite. Cette différence affecterait substantiellement la partie la plus pertinente de la marque antérieure telle qu’enregistrée et l’aurait transformée en un terme totalement distinct.

32      Premièrement, il convient de constater que, en ce qui concerne l’expression « transporte maquinaria y obras,s.a. », il s’agit d’un élément verbal long, écrit en petits caractères en bas du signe. Sa signification, « transport, machines et travaux,s.a. », fait allusion aux services protégés par la marque antérieure. Dès lors, eu égard à son contenu descriptif, ainsi qu’à sa position secondaire dans la présentation du signe, il y a lieu de considérer que l’expression susmentionnée n’est pas distinctive.

33      Deuxièmement, s’agissant de l’argument de la requérante à l’égard de la représentation graphique, à savoir, en substance, les deux rectangles figurant dans la marque antérieure telle qu’enregistrée, il importe de relever qu’un signe d’une simplicité excessive et constitué d’une figure géométrique de base, telle qu’un cercle, une ligne, un rectangle, ou un pentagone conventionnel, n’est pas susceptible, en tant que tel, de transmettre un message dont les consommateurs peuvent se souvenir, de sorte que ces derniers ne le considéreront pas comme une marque, à moins qu’il ait acquis un caractère distinctif par l’usage. Cette jurisprudence est applicable, par analogie, lors de l’appréciation d’un élément graphique d’une marque complexe, quant à son caractère distinctif [arrêt du 13 février 2020, Delta-Sport/EUIPO – Delta Enterprise (DELTA SPORT), T‑387/18, non publié, EU:T:2020:65, point 117].

34      En l’espèce, les éléments graphiques en cause, en forme de rectangle, ne présentent aucune originalité ni détail ou anomalie facilement mémorisables, mais consistent en une représentation conventionnelle de deux rectangles, figures géométriques de base.

35      Dès lors, c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que la chambre de recours a estimé que les deux rectangles présents au sein de la marque antérieure, telle qu’enregistrée, bien que visuellement pertinents, ne sont pas particulièrement distinctifs.

36      Troisièmement, s’agissant de l’élément verbal « tramo,sa » présent dans la marque antérieure telle qu’enregistrée, il y a lieu de relever, ainsi qu’il ressort du point 24 ci-dessus, qu’il convient de prendre en compte la position centrale dudit élément verbal au sein de la marque antérieure telle qu’enregistrée et que celui-ci est, en l’espèce, plus distinctif que l’élément figuratif.

37      À cet égard, il convient de souligner, d’une part, s’agissant de la présence d’une virgule au sein de l’élément central « tramo,sa » de la marque antérieure telle qu’enregistrée, que celle-ci est presque imperceptible ainsi qu’il ressort du point 6 ci-dessus. En outre, il n’existe aucun espace entre cette virgule et les lettres la précédant et la suivant. D’autre part, s’agissant du groupe de lettres « sa » de taille plus petite que la partie initiale dudit élément, il ne s’agit que d’une stylisation peu significative. De plus, ledit groupe de lettres n’est séparé par aucun point.

38      En outre, la requérante fait valoir que le terme « tramo » signifie notamment « portion » en espagnol et que l’élément « tramosa » est dépourvu de signification. Dès lors, la forme sous laquelle la marque antérieure TRAMOSA est utilisée créerait une différence conceptuelle avec la marque telle qu’enregistrée TRAMO,SA. À cet égard, il est certes possible qu’une partie du public pertinent, notamment une partie du public espagnol, décompose l’élément « tramo,sa » de la marque antérieure en « tramo » et « sa ». Toutefois, il n’en demeure pas moins que, ainsi que le fait valoir l’EUIPO, il existe, en Espagne, une pratique visant à intégrer la mention « sa » dans la désignation des entreprises dont le nom se termine d’une telle manière. Dès lors, cette constatation s’ajoutant au fait que la virgule est presque invisible et que la différence de taille des deux dernières lettres est peu significative, il ne peut être exclu qu’une partie du public pertinent, même espagnol, lorsqu’il percevra l’élément « tramo,sa » au sein de la marque antérieure telle qu’enregistrée ne décomposera pas ledit élément et l’appréhendera comme un terme fantaisiste.

39      De plus, la requérante soutient qu’il existe une contradiction au sein de la décision attaquée, dès lors qu’il ne peut être considéré, d’une part, que l’élément « transporte maquinaria y obras,s.a. » est descriptif alors que cette signification ne pourrait être comprise que par le public espagnol et, d’autre part, qu’une partie significative du public non espagnol ne percevra aucune signification dans le terme « tramo,sa » malgré la présence de l’abréviation « sa ». Or, il convient de constater que, indépendamment de la réponse à la question de savoir si l’élément « transporte maquinaria y obras,s.a. » sera compris ou non, ledit élément reste secondaire par rapport à l’élément « tramo,sa ». En effet, pour la partie du public pertinent qui comprend l’espagnol, cet élément « transporte maquinaria y obras,s.a. » est descriptif des services en cause et pour l’autre partie du public pertinent, elle reste en tout état de cause secondaire. En outre, il y a lieu de relever que la chambre de recours, dans la décision attaquée, ne s’est pas limitée aux constatations évoquées par la requérante mais a analysé les éléments susmentionnés selon qu’ils soient compris ou non par le public pertinent. Dès lors, l’argument tiré d’une telle contradiction doit être rejeté.

40      Par ailleurs, est dénué de pertinence l’argument selon lequel la marque antérieure est désignée comme TRAMO,SA TRANSPORTE MAQUINARIA Y OBRAS,S.A., dans les bases de données de l’EUIPO. En effet, cette circonstance est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée, ladite désignation de la marque antérieure ayant exclusivement des fins administratives [voir, en ce sens, arrêt du 21 mai 2015, Evyap/OHMI – Megusta Trading (nuru), T‑56/14, non publié, EU:T:2015:304, point 22 et jurisprudence citée].

41      De même, s’agissant de l’argument selon lequel l’intervenante aurait décrit dans le registre de l’Office espagnol des brevets et des marques ses marques espagnoles comme TRAMO, S.A. et non comme TRAMOSA, il suffit de relever qu’il ne saurait, en tant que tel, conditionner l’appréciation de la présente affaire. En effet, le régime des marques de l’Union européenne est un système autonome, constitué d’un ensemble de règles et poursuivant des objectifs qui lui sont spécifiques, son application étant indépendante de tout système national (voir, en ce sens, arrêt du 6 juin 2018, Apcoa Parking Holdings/EUIPO, C‑32/17 P, non publié, EU:C:2018:396, point 31).

42      Dès lors, c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que la chambre de recours, au point 67 de la décision attaquée, a considéré que l’élément « tramo,sa » était la composante la plus dominante et la plus distinctive de la marque antérieure, telle qu’enregistrée.

43      À la lumière de ce qui précède, s’agissant des deux premières formes de la marque antérieure utilisées dans les documents 1 et 3, il y a lieu de constater que celles-ci diffèrent par des éléments n’altérant pas le caractère distinctif de la marque antérieure telle qu’enregistrée dès lors que les différences de stylisation, l’absence de la virgule et les deux dernières lettres de même taille que les autres, affectant l’élément dominant et le plus distinctif « tramosa », ne sont que mineures. En outre, si les deux rectangles ont disparu, ces formes géométriques simples n’avaient pas d’autres fonctions que de souligner la position centrale de l’élément verbal « tramosa ».

44      De même, s’agissant de la forme d’utilisation commune aux documents 3 et 8 et de la forme figurant sur le document 4, la même constatation que celle concernant l’élément verbal central « tramosa » effectuée au point 43 ci-dessus peut être effectuée. De plus, au sein de ces variantes de la marque antérieure, les rectangles sont présents. Par ailleurs, l’omission de l’expression « transporte maquinaria y obras,s.a. » importe peu en raison de sa taille réduite, de sa position secondaire et de son caractère descriptif pour une partie du public pertinent. En outre, s’agissant des différences de couleur constatées, le contraste est fidèle à celui de la marque antérieure telle qu’enregistrée. Dès lors, le signe utilisé sous ces formes diffère par des éléments n’altérant pas son caractère distinctif.

45      Les constatations effectuées aux points 43 et 44 ci-dessus ne sont pas remises en cause par l’argument relatif à une décision d’une chambre de recours où l’ajout de la lettre « c » pour former la marque MEXA-VIT C a été considéré comme altérant le caractère distinctif du signe enregistré MEXAVIT. À cet égard, il y a lieu de relever que, selon une jurisprudence constante, les décisions concernant l’enregistrement d’un signe en tant que marque de l’Union européenne que les chambres de recours sont amenées à prendre, en vertu du règlement no 207/2009, relèvent d’une compétence liée et non d’un pouvoir discrétionnaire. Dès lors, la légalité desdites décisions doit être appréciée uniquement sur le fondement de ce règlement, tel qu’interprété par le juge de l’Union européenne, et non sur celui d’une pratique décisionnelle antérieure des chambres de recours (arrêts du 15 septembre 2005, BioID/OHMI, C‑37/03 P, EU:C:2005:547, point 47, et du 26 avril 2007, Alcon/OHMI, C‑412/05 P, EU:C:2007:252, point 65).

46      Il s’ensuit que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur d’appréciation en considérant que la marque antérieure a été utilisée dans des formes qui n’altèrent pas son caractère distinctif.

 Sur la preuve de l’usage de la marque antérieure pour les services pertinents

47      Par la seconde branche de son premier moyen, la requérante soutient que la chambre de recours a méconnu l’article 42, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 en considérant que les documents produits par l’intervenante démontraient l’usage de la marque antérieure pour les services protégés par cette dernière.

48      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

49      Il y a lieu de rappeler que, conformément à l’article 42, paragraphe 2, du règlement no 207/2009, ce n’est que lorsque le demandeur en a fait la requête que le titulaire d’une marque antérieure qui a formé opposition est appelé à apporter la preuve que, au cours des cinq années qui précèdent la publication de la demande de marque de l’Union européenne, la marque antérieure a fait l’objet d’un usage sérieux sur le territoire où elle est protégée pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et sur lesquels l’opposition est fondée, ou qu’il existe de justes motifs pour le non-usage.

50      Aux fins de l’interprétation de la notion d’usage sérieux, il convient de prendre en compte le fait que la ratio legis de l’exigence selon laquelle la marque antérieure doit avoir fait l’objet d’un usage sérieux pour être opposable à une demande de marque de l’Union européenne consiste à limiter les conflits entre deux marques, à moins qu’il n’existe un juste motif économique à l’absence d’usage sérieux de la marque antérieure découlant d’une fonction effective de celle-ci sur le marché. En revanche, lesdites dispositions ne visent ni à évaluer la réussite commerciale ni à contrôler la stratégie économique d’une entreprise ou encore à réserver la protection des marques à leurs seules exploitations commerciales quantitativement importantes [arrêt du 8 juillet 2004, Sunrider/OHMI – Espadafor Caba (VITAFRUIT), T‑203/02, EU:T:2004:225, point 38].

51      Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence, une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et ces services, à l’exclusion d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque (voir, par analogie, arrêt du 11 mars 2003, Ansul, C‑40/01, EU:C:2003:145, point 43).

52      Plus précisément, l’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque doit reposer sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de celle-ci, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par la marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché, l’étendue et la fréquence de l’usage de la marque (arrêt du 8 juillet 2004, VITAFRUIT, T‑203/02, EU:T:2004:225, point 40 ; voir également, par analogie, arrêt du 11 mars 2003, Ansul, C‑40/01, EU:C:2003:145, point 43).

53      S’agissant de l’importance de l’usage qui a été fait de la marque antérieure, il convient de tenir compte, notamment, du volume commercial de l’ensemble des actes d’usage, d’une part, et de la durée de la période pendant laquelle des actes d’usage ont été accomplis ainsi que de la fréquence de ces actes, d’autre part [arrêts du 8 juillet 2004, MFE Marienfelde/OHMI – Vétoquinol (HIPOVITON), T‑334/01, EU:T:2004:223, point 35, et du 8 juillet 2004, VITAFRUIT, T‑203/02, EU:T:2004:225, point 41].

54      Pour examiner, dans un cas d’espèce, le caractère sérieux de l’usage d’une marque antérieure, il convient de procéder à une appréciation globale en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce. Cette appréciation implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte (arrêts du 8 juillet 2004, HIPOVITON, T‑334/01, EU:T:2004:223, point 36, et du 8 juillet 2004, VITAFRUIT, T‑203/02, EU:T:2004:225, point 42).

55      À cet égard, le chiffre d’affaires réalisé ainsi que la quantité de ventes de produits sous la marque antérieure ne sauraient être appréciés dans l’absolu, mais doivent l’être en rapport avec d’autres facteurs pertinents, tels que le volume de l’activité commerciale, les capacités de production ou de commercialisation ou le degré de diversification de l’entreprise exploitant la marque ainsi que les caractéristiques des produits ou des services sur le marché concerné. De ce fait, il n’est pas nécessaire que l’usage de la marque antérieure soit toujours quantitativement important pour être qualifié de sérieux (arrêts du 8 juillet 2004, HIPOVITON, T‑334/01, EU:T:2004:223, point 36, et du 8 juillet 2004, VITAFRUIT, T‑203/02, EU:T:2004:225, point 42).

56      Enfin, il y a lieu de rappeler qu’un faisceau d’éléments de preuve peut permettre d’établir les faits à démontrer, alors même que chacun de ces éléments, pris isolément, serait impuissant à rapporter la preuve de l’exactitude de ces faits [voir arrêt du 13 février 2015, Husky CZ/OHMI – Husky of Tostock (HUSKY), T‑287/13, EU:T:2015:99, point 66 et jurisprudence citée].

57      Toutefois, l’usage sérieux d’une marque ne peut pas être démontré par des probabilités ou des présomptions, mais doit reposer sur des éléments concrets et objectifs qui prouvent une utilisation effective et suffisante de la marque sur le marché concerné [arrêts du 12 décembre 2002, Kabushiki Kaisha Fernandes/OHMI – Harrison (HIWATT), T‑39/01, EU:T:2002:316, point 47, et du 6 octobre 2004, Vitakraft-Werke Wührmann/OHMI – Krafft (VITAKRAFT), T‑356/02, EU:T:2004:292, point 28].

58      C’est à la lumière des considérations énoncées ci-dessus qu’il convient d’examiner si la chambre de recours a violé l’article 42, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 en estimant que la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure avait été apportée pour les services pertinents.

59      Premièrement, s’agissant de la nature de l’usage, la requérante soutient que les factures fournies au sein du document 1 produit au cours de la procédure devant l’EUIPO n’ont pas pour objet des services de distribution et de transport de matériaux de construction pour lesquels, selon la décision attaquée, la marque antérieure est utilisée. En outre, la mention « pour transport » figurerait uniquement dans trois factures et même dans le cas où la mention de matériaux transportés correspondrait à un tel service, d’autres services auraient également été facturés.

60      En l’espèce, il convient de constater que sur certaines factures figure l’élément « tms » comme référence à la tonne métrique. En outre, la présence sur de nombreuses factures d’expressions telles que « tms de gravier transporté » ; « tms d’ardoise transportée » ; « tms de calcaire transporté » ; « tms de grès transporté » ; « tms de plâtre transporté » « tms de marne transportée » démontre l’existence de services de transport de matériaux de construction tels que le gravier, l’ardoise, le calcaire, le grès ou le plâtre correspondant aux services en cause, que le participe passé « transporté » ou le nom « transport » soit employé ou non. Dès lors, cette constatation implique la prise en compte sur toute la période pertinente d’un nombre élevé de factures et non seulement de trois factures comme allégué par la requérante.

61      Par ailleurs, le fait que d’autres services tels que le nettoyage, la gestion de trémie à charbon ou l’irrigation figurent également sur les factures invoquées ne remet pas en cause que ces dernières attestent de l’existence de services de distribution et de transport de matériaux de construction proposés sous la marque antérieure.

62      De surcroît, il y a lieu de relever, d’une part, que l’argument de la requérante selon lequel il ressortirait de l’analyse des documents 1, 3 et 4 produits au cours de la procédure devant l’EUIPO que l’intervenante est une entreprise de construction et de travaux, qui effectue des transports de matériaux dans le cadre de chantiers, n’est pas pertinent dans le cadre de l’analyse de la preuve de l’usage, dès lors que les éléments de preuves produits témoignent d’un usage de la marque antérieure pour les services visés par cette dernière. D’autre part, l’argument selon lequel lesdits services de distribution et de transport de matériaux de construction ne constitueraient qu’une activité accessoire ou auxiliaire dans le cadre de services effectués à l’occasion de projets de travaux importe peu eu égard au fait que la marque antérieure est enregistrée pour des services de transport desdits matériaux si l’usage pour lesdits services est suffisamment important. Dès lors, il convient de rejeter ces arguments sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur leur recevabilité, contestée par l’EUIPO, ni sur celle du document fourni pour les étayer en annexe à la requête.

63      En outre, l’argument de la requérante selon lequel les factures figurant au sein du document 2 ne démontrent aucunement l’usage pour les services visés est dénué de pertinence étant donné que ce document n’a pas été pris en compte par la chambre de recours pour aboutir à une telle constatation.

64      Enfin, l’argument de la requérante, selon lequel les auteurs des déclarations contenues dans les documents 12 et 13 ne préciseraient pas les services de l’intervenante qu’ils affirment connaître, n’infirme pas le constat selon lequel il ressort à suffisance des factures produites au sein du document 1, ainsi que des captures d’écran du site web de la requérante produites au sein du document 4, que la marque antérieure a été utilisée pour des services de distribution et de transport de matériaux de construction.

65      Deuxièmement, s’agissant de l’importance de l’usage qui a été fait de la marque antérieure, il y a lieu de constater que, ainsi qu’il ressort du point 87 de la décision attaquée, le montant total des factures présentées au sein du document 1 s’élève à plusieurs dizaines de milliers d’euros, ce qui ne laisse aucun doute sur le volume et le coût important des services de transport fournis. Certes, ainsi que cela ressort du point 61 ci-dessus, les services de transport pertinents coexistent sur les factures avec certains autres services tels le chargement et le nettoyage, mais ces derniers sont fréquemment liés auxdits services de transport.

66      En outre, contrairement à ce que fait valoir la requérante, les numéros de commandes des factures n’ont pas tous été effacés et leurs numéros de référence non consécutifs ainsi que leurs dates indiquant des mois et des années différentes permettent de les considérer comme de simples exemples parmi d’autres factures. Dès lors, il y a lieu de constater que, en dépit du fait que le montant unitaire de chacun des services ait été occulté, l’appréciation de l’importance de l’usage de la marque antérieure demeure possible et c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que la chambre de recours a estimé que cette exigence était satisfaite.

67      Troisièmement, s’agissant du lieu de l’usage, il y a lieu de rappeler que, même si, ainsi que le souligne la requérante, le nom du destinataire des factures litigieuses contenues au sein du document 1 a été occulté, la ville de destination présente sur chacune des factures susmentionnées permet d’établir le lieu de l’usage de la marque antérieure sur le territoire espagnol. De même, s’agissant de la durée de l’usage, le fait que lesdites factures soient datées a conduit la chambre de recours à constater que cette condition était remplie, sans que la requérante n’ait par ailleurs apporté d’éléments permettant de remettre ce constat en cause.

68      Dès lors, à la lumière de ce qui précède, c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que la chambre de recours a considéré que les éléments de preuves attestaient de l’usage sérieux de la marque antérieure pour des services de distribution et de transport de matériaux de construction.

69      Cette constatation ne saurait être remise en cause par les arguments de la requérante selon lesquels, d’une part, les documents 5, 6, 7, 9 et 10 produits en tant que preuves supplémentaires au cours de la procédure devant l’EUIPO ne fournissent des informations qu’au sujet de l’activité économique de l’intervenante sans démontrer que ladite activité est réalisée sous la marque antérieure. En effet, si la requérante soutient à juste titre que la marque antérieure ne figure pas sur lesdits documents, cette constatation n’est pas susceptible d’infirmer que la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure pour les services de distribution et de transport de matériaux de construction découle à suffisance des éléments de preuve présentés au sein des documents 1 à 4. D’autre part, si le document 8 n’indique certes ni date ni lieu, il a néanmoins pu valablement être pris en compte dans l’appréciation globale du caractère sérieux de l’usage de la marque en cause dès lors qu’il corrobore les autres facteurs pertinents du cas d’espèce [voir, en ce sens, arrêt du 3 octobre 2019, 6Minutes Media/EUIPO – ad pepper media International (ad pepper), T‑666/18, non publié, EU:T:2019:720, point 69 et jurisprudence citée].

70      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que les arguments relatifs à l’usage de la marque antérieure avancés par la requérante dans la seconde branche de son premier moyen doivent être rejetés.

71      Partant, il y a lieu d’écarter le premier moyen dans son intégralité.

 Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009

72      Au soutien de son second moyen, la requérante invoque, en substance, une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

73      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

74      Constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].

75      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, EU:T:2009:14, point 42 et jurisprudence citée].

 Sur le public pertinent

76      Dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [arrêts du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, EU:T:2007:46, point 42, et du 13 mai 2020, Wonder Line/EUIPO – De Longhi Benelux (KENWELL), T‑284/19, non publié, EU:T:2020:192, point 24].

77      Par ailleurs, le public pertinent pour l’appréciation du risque de confusion est constitué des utilisateurs susceptibles d’utiliser tant les produits ou les services visés par la marque antérieure que ceux visés par la marque demandée [arrêts du 24 mai 2011, ancotel/OHMI – Acotel (ancotel.), T‑408/09, non publié, EU:T:2011:241, point 38, et du 26 mars 2020, Alcar Aktiebolag/EUIPO – Alcar Holding (alcar.se), T‑77/19, non publié, EU:T:2020:126, point 28].

78      Dans l’hypothèse où les produits visés par les deux marques en conflit s’adressent à un même public pertinent, composé à la fois du grand public et des professionnels, le public ayant le niveau d’attention le moins élevé doit être pris en considération [voir arrêt du 20 mai 2014, Argo Group International Holdings/OHMI – Arisa Assurances (ARIS), T‑247/12, EU:T:2014:258, points 28 et 29 et jurisprudence citée].

79      La chambre de recours a, premièrement, estimé, d’une part, que les services visés par la marque demandée, des « services de transport de véhicules par route et par bateau et de pièces et composants de véhicules de l’industrie automobile », s’adressaient à la fois à un public spécialisé dans l’industrie automobile et au grand public, par exemple, à des particuliers qui souhaitent, de manière occasionnelle, déplacer leur véhicule sans le conduire. D’autre part, s’agissant des services visés par la marque antérieure, des « services de distribution et de transport de matériaux de construction », elle a considéré qu’ils s’adressaient à la fois aux professionnels dans le secteur de la construction et aux particuliers. Secondement, elle a déterminé que le niveau d’attention du public professionnel était élevé et que, s’agissant du grand public, s’il n’était généralement pas supérieur à la moyenne en ce qui concerne les services de transport, en l’espèce, il était plus élevé, lesdits services portant sur des produits des secteurs de l’automobile et de la construction qui ne sont pas achetés quotidiennement.

80      La requérante considère que la chambre de recours n’a pas correctement identifié le public pertinent des marques en conflit et que celui-ci est distinct. Les services visés par la marque demandée s’adresseraient à des professionnels du secteur automobile et non au grand public tandis que les services pour lesquels la marque antérieure a été utilisée seraient destinés uniquement à un public spécialisé ayant recours aux services de travaux de l’intervenante, en l’espèce, au sein de l’industrie minière ou du ciment.

81      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

82      En l’espèce, s’agissant des services visés par la marque demandée, il n’est pas contesté qu’ils s’adressent à des professionnels spécialisés dans l’industrie automobile. Toutefois, il convient de rappeler, ainsi qu’il ressort du point 92 de la décision attaquée, que le grand public souhaitant déplacer son véhicule sans le conduire est susceptible, occasionnellement, de faire appel à des services de transport de véhicules par route et par bateau. Par ailleurs, s’agissant des services pour lesquels la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure a été apportée, s’il est indéniable que ceux-ci sont destinés à des professionnels, il ne peut être exclu que des particuliers, par exemple des bricoleurs, y aient également recours dans le cadre de travaux pour lesquels une entreprise amèneraient les matériaux à leur domicile.

83      Cette constatation n’est pas remise en cause par l’argument de la requérante selon lequel les services visés par la marque antérieure sont, dans les faits, destinés uniquement à un public spécialisé ayant recours aux services de travaux de l’intervenante et que les services visés par la marque demandée s’adressent, en pratique, à des professionnels du secteur automobile. En effet, le public pertinent se définit de manière objective sur le fondement du libellé des services visés par les marques en conflit et non des services effectivement commercialisés sous ces marques [voir, en ce sens, arrêt du 20 septembre 2019, M. I. Industries/EUIPO – Natural Instinct (NATURE'S VARIETY INSTINCT), T‑288/18, non publié, EU:T:2019:640, point 34 et jurisprudence citée].

84      À la lumière de ce qui précède, il y a lieu de constater que c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que la chambre de recours a estimé que le public pertinent était composé non seulement de professionnels, mais également du grand public de l’Union dotés d’un niveau d’attention plus élevé que la moyenne.

 Sur la comparaison des services

85      Pour apprécier la similitude entre les produits ou les services en cause, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre eux. Ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire. D’autres facteurs peuvent également être pris en compte, tels que les canaux de distribution des produits concernés [voir arrêt du 14 mai 2013, Sanco/OHMI – Marsalman (Représentation d’un poulet), T‑249/11, EU:T:2013:238, point 21 et jurisprudence citée].

86      La chambre de recours a considéré que les services de transport visés par la marque antérieure englobaient à la fois le transport routier et le transport par bateau, de sorte que les services visés par les marques en conflit n’étaient pas seulement de même nature mais également fournis par les mêmes moyens de transport. En outre, elle a estimé que lesdits services provenaient d’entreprises de transport et de logistique et que, bien qu’il existe des entreprises spécialisées dans le transport de produits spécifiques, il pouvait exister des entreprises proposant des services de transport à différents secteurs et en rapport avec un large éventail de marchandises. Dès lors, la chambre de recours a constaté, outre que les services de transport en cause empruntaient les mêmes canaux de distribution, qu’ils pouvaient se trouver en concurrence. Enfin, elle a considéré qu’ils avaient la même destination et que, s’ils visaient un public professionnel différent, ils pouvaient également être achetés par le grand public, bien que de manière plus occasionnelle. Partant, elle a conclu qu’ils étaient très similaires.

87      La requérante fait valoir que les services en conflit ne partagent ni la même nature, ni les mêmes clients, ni le même secteur commercial. En outre, elle conteste l’affirmation de la chambre de recours selon laquelle, malgré le fait que les produits transportés sont, d’une part, des matériaux de construction et, d’autre part, des véhicules ainsi que des pièces ou composants automobiles, le transport peut être effectué par les mêmes entreprises. Enfin, elle rappelle être une entreprise de logistique qui se consacre au transport de véhicules par route, de leurs pièces et composants alors que l’intervenante est une entreprise de travaux. Dès lors, lesdites entreprises ne seraient pas concurrentes.

88      En l’espèce, il convient de constater que les « services de transport de véhicules par route et par bateau et de pièces et composants de véhicules de l’industrie automobile » visés par la marque demandée et les « services de distribution et de transport de matériaux de construction », visés par la marque antérieure, sont de même nature, dès lors qu’ils constituent tous deux des services de transport. En outre, la chambre de recours a considéré, à juste titre, que les services de transport visés par la marque antérieure englobaient les services de transport par route et par bateau. En effet, la description des services pour lesquels la preuve de l’usage de la marque antérieure a été apportée ne spécifie pas le mode de transport visé. Par conséquent, les services en cause peuvent être fournis par l’intermédiaire des mêmes modes de transport, en l’espèce, des camions ou des bateaux et empruntent dès lors les mêmes canaux de distribution. De plus, il y a lieu de constater que lesdits services partagent la même destination, à savoir le transport et le déplacement de produits d’un endroit à un autre.

89      Ces constatations ne sont pas susceptibles d’être remises en cause par l’argument de la requérante selon lequel les clients respectifs sont différents. En effet, à cet égard, il convient de constater que, malgré le fait que les services en conflit diffèrent par le public professionnel auquel ils s’adressent, à savoir respectivement des professionnels des secteurs de la construction et de l’industrie automobile, lesdits services peuvent également être achetés par le grand public, bien que de manière plus occasionnelle qui, lorsqu’il y aura recours, percevra lesdits services comme des services de transports de marchandises, certes différentes, mais fournies par les mêmes modes de transport.

90      De plus, la requérante conteste l’affirmation de la chambre de recours, selon laquelle le fait que les produits transportés sont, d’une part, des matériaux de construction et, d’autre part, des véhicules ainsi que des pièces ou composants automobiles n’empêche pas que le transport puisse être effectué par les mêmes entreprises. Toutefois, cet argument doit être écarté. En effet, la requérante se limite à se référer au cas d’espèce et à avancer sa qualité d’entreprise de logistique alors que l’intervenante serait une entreprise de travaux, sans étayer davantage son argument.

91      Or, il y a lieu de rappeler, à l’instar de l’EUIPO, que la comparaison des services n’inclut pas la comparaison des entreprises qui les fournissent. En effet, seule la description des services pour lesquels l’enregistrement de la marque a été demandé et ceux pour lesquels la preuve de l’usage de la marque antérieure a été apportée est pertinente. En l’espèce, rien ne permet d’infirmer la constatation de la chambre de recours selon laquelle des entreprises de transport, de manière abstraite, pourraient proposer leurs services à différents secteurs et en rapport avec un large éventail de marchandises comprenant par exemple des véhicules ainsi que leurs pièces et composants ou des matériaux de construction. Partant, il résulte de ce qui précède que le public pertinent, confronté à ces services de transport de marchandises est susceptible de les percevoir comme provenant de la même entreprise.

92      Dès lors, il y a lieu de constater que c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que la chambre de recours a considéré que les services de transport respectifs étaient « très similaires ».

 Sur la comparaison des signes

93      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée).

–       Sur les éléments distinctifs et dominants des marques en conflit

94      La chambre de recours a rappelé, au point 109 de la décision attaquée, qu’elle avait déjà établi, s’agissant de la marque antérieure, que l’élément « tramo,sa » était le plus dominant. S’agissant de la marque demandée, elle a également considéré que l’élément « tramosa » dominait sur le plan visuel dès lors que le cadre et le fond seraient perçus comme des éléments ornementaux. S’agissant du caractère distinctif des éléments en cause, elle a réaffirmé que l’élément « tramosa » était le plus distinctif au sein des deux signes eu égard au fait qu’une partie significative du public pertinent de l’Union, voire une partie du public espagnol, le considérerait comme fantaisiste. En outre, elle a rappelé que l’élément secondaire au sein de la marque antérieure « transporte maquinaria y obras,s.a. » avait un caractère descriptif ou au moins allusif des services en cause.

95      Selon la jurisprudence, l’appréciation de la similitude entre deux marques ne peut se limiter à prendre en considération uniquement un composant d’une marque complexe et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d’opérer la comparaison en examinant les marques en cause, considérées chacune dans son ensemble, ce qui n’exclut pas que l’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 41 et jurisprudence citée). Ce n’est que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l’appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l’élément dominant (arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 42). Tel pourrait notamment être le cas lorsque ce composant est susceptible de dominer à lui seul l’image de cette marque que le public pertinent garde en mémoire, de telle sorte que tous les autres composants de la marque sont négligeables dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci (arrêt du 20 septembre 2007, Nestlé/OHMI, C‑193/06 P, non publié, EU:C:2007:539, point 43).

96      En outre, il y a lieu d’observer que le caractère distinctif plus ou moins élevé des éléments communs à une marque demandée et à une marque antérieure est un des éléments pertinents dans le cadre de l’appréciation de la similitude des signes [voir arrêt du 26 mars 2015, Royal County of Berkshire Polo Club/OHMI – Lifestyle Equities (Royal County of Berkshire POLO CLUB), T‑581/13, non publié, EU:T:2015:192, point 41 et jurisprudence citée]. En effet, les éléments descriptifs, non distinctifs ou faiblement distinctifs d’une marque complexe ont généralement un poids moindre dans l’analyse de la similitude entre les signes que les éléments revêtus d’un caractère distinctif plus important, qui ont également une faculté plus grande de dominer l’impression d’ensemble produite par cette marque [voir, en ce sens, arrêts du 12 juin 2019, Hansson, C‑705/17, EU:C:2019:481, point 53, et du 20 janvier 2021, Stada Arzneimittel/EUIPO – Optima Naturals (OptiMar), T‑261/19, non publié, EU:T:2021:24, point 32].

97      Aux fins d’apprécier le caractère distinctif d’un élément composant une marque, il y a lieu d’examiner l’aptitude plus ou moins grande de cet élément à contribuer à identifier les produits ou les services pour lesquels la marque a été enregistrée comme provenant d’une entreprise déterminée, et donc à distinguer ces produits ou ces services de ceux d’autres entreprises. Lors de cette appréciation, il convient de prendre en considération notamment les qualités intrinsèques de l’élément en cause au regard de la question de savoir si celui-ci est ou non dénué de tout caractère descriptif des produits ou des services pour lesquels la marque a été enregistrée [arrêt du 23 mars 2017, Vignerons de la Méditerranée/EUIPO – Bodegas Grupo Yllera (LE VAL FRANCE), T‑216/16, non publié, EU:T:2017:201, point 26].

98      Quant à l’appréciation du caractère dominant d’un ou plusieurs composants déterminés d’une marque complexe, il convient de prendre en compte, notamment, les qualités intrinsèques de chacun de ces composants en les comparant à celles des autres composants. En outre et de manière accessoire, peut être prise en compte la position relative des différents composants dans la configuration de la marque complexe [arrêt du 23 octobre 2002, Matratzen Concord/OHMI – Hukla Germany (MATRATZEN), T‑6/01, EU:T:2002:261, point 35].

99      En l’espèce, il convient de souligner que la requérante fait référence à des arguments déjà analysés aux points 31 à 46 ci-dessus. À cet égard, il y a lieu de rappeler que les éléments verbaux « tramo,sa » et « tramosa » occupent une position centrale au sein des marques en conflit. En outre, le mot « tramo,sa » constitue la partie la plus dominante et la plus distinctive de la marque antérieure, ainsi qu’il ressort du point 42 ci-dessus. Par ailleurs, s’agissant de la marque demandée, le mot « tramosa » est le seul élément verbal ainsi que son élément le plus distinctif et le plus dominant ce qui n’est, en l’espèce, pas contesté.

–       Sur la comparaison visuelle

100    Sur le plan visuel, la chambre de recours a constaté que l’élément dominant « tramo,sa » de la marque antérieure était entièrement inclus dans le signe demandé au sein duquel il était le seul élément verbal. Par ailleurs, elle a rappelé que lesdits signes différaient d’une part, au sein de la marque antérieure, par une virgule passant probablement inaperçue, par les mots « transporte maquinaria y obras,s.a. », de taille nettement plus petite, ainsi que par les deux rectangles pas très frappants et, d’autre part, au sein du signe demandé, par l’encadré et les couleurs de celui-ci. Elle a conclu que ces éléments ne constituaient pas des différences pertinentes au point d’éviter la constatation d’une similitude visuelle générée par les lettres communes « tramosa ». Par conséquent, elle a estimé que les signes en conflit étaient similaires, sur le plan visuel, à un degré inférieur à la moyenne.

101    Selon la requérante, l’intervenante n’avait pas l’intention d’enregistrer l’élément « tramosa », mais l’élément « tramo » qui ressort sur le plan visuel. En outre, la différence de taille entre ledit élément et le groupe de lettres « sa » serait tellement significative que celles-ci passeraient probablement inaperçues. Dès lors, cette différence de taille aurait dû être prise en compte par la chambre de recours, ainsi que cela a été fait à l’égard de la taille de la légende.

102    L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

103    Tout d’abord, il convient de souligner que l’élément verbal dominant « tramo,sa » de la marque antérieure est entièrement inclus au sein de la marque demandée à l’exception d’une virgule qui, comme il a été relevé au point 37 ci-dessus, est presque imperceptible. De plus, il n’existe aucun espace entre cette virgule et les lettres la précédant et la suivant. En outre, s’agissant du groupe de lettres « sa », leur taille plus petite au sein de la marque antérieure a été prise en compte par la chambre de recours en ce qu’elle la considère comme une stylisation banale et souligne que lesdites lettres ne sont séparées par aucun point. Ensuite, contrairement à ce que semble suggérer la requérante, il convient de rappeler que la taille de la légende « transporte maquinaria y obras,s.a. » est nettement inférieure à celle du groupe de lettres « sa » et occupe une position secondaire alors que ce dernier est au centre de la marque antérieure.

104    Enfin, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel il est contradictoire de considérer les deux rectangles composant la marque antérieure pas très frappants alors qu’il s’agirait du seul élément de la marque antérieure ayant été maintenu dans la majorité de la documentation produite comme preuve de l’usage, il convient de rappeler, ainsi qu’il a été souligné au point 34 ci-dessus, que les éléments graphiques en cause ne présentent aucune originalité ni détail ou anomalie facilement mémorisables, mais consistent en une représentation conventionnelle de figures géométriques de base. Dès lors, bien que visuellement pertinents, ils ne constituent pas des différences « frappantes » et leur rôle décoratif n’est pas de nature à remettre en cause la similitude des signes en conflit sur le plan visuel.

105    Il résulte de ce qui précède que, eu égard au fait que l’élément dominant « tramo,sa » au sein de la marque antérieure est entièrement inclus, à l’exception de la virgule presque imperceptible, dans le signe demandé, au sein duquel il est le seul élément verbal, c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que la chambre de recours a estimé que les signes sont similaires à un degré inférieur à la moyenne.

–       Sur la comparaison phonétique

106    La chambre de recours a rappelé que les signes en conflit contenaient tous deux le terme « tramosa » qui serait prononcé de manière identique et que les éléments figuratifs n’avaient aucune incidence sur la prononciation. En outre, elle a considéré qu’il était probable qu’une partie significative du public pertinent omette l’élément « transporte maquinaria y obras,s.a. », soit par économie de langage, soit en raison de son caractère distinctif inexistant et de sa position secondaire. Dès lors, elle a constaté que lesdits signes présentaient un degré de similitude supérieur à la moyenne, voire étaient identiques si l’élément secondaire n’était pas prononcé.

107    La requérante estime que la marque antérieure devrait être identifiée en tenant compte de l’ensemble de ses éléments, à savoir « tramo, s.a transporte maquinaria y obras » et non comme « tramosa ».

108    L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

109    En l’espèce, il convient tout d’abord de rappeler, ainsi qu’il a été constaté au point 103 ci-dessus, que l’élément « tramosa » est le seul élément verbal de la marque demandée et est entièrement inclus comme élément le plus distinctif et le plus dominant au sein de la marque antérieure. Ensuite, force est de constater que ledit élément présent au sein de la marque antérieure comprend exactement les mêmes lettres que la marque demandée disposées selon le même ordre et ne se différencie que par une virgule presque imperceptible. Dès lors, quand bien même une partie du public pertinent décomposerait l’élément « tramo,sa » de la marque antérieure en le prononçant « tramo » et « sa », l’existence d’une similitude phonétique entre les deux termes ne saurait être niée. Au demeurant, pour la partie du public pertinent ne décomposant pas ledit élément, celui-ci se prononcera de manière identique à celui de la marque demandée. Enfin, il ressort du point 121 de la décision attaquée, que la chambre de recours a tenu compte, dans le cadre de la comparaison phonétique des signes en conflit, de ce que la marque antérieure pouvait être prononcée avec son élément secondaire et a conclu que les signes en cause étaient, dans cette hypothèse, similaires à un degré supérieur à la moyenne.

110    Partant, c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que la chambre de recours a considéré que les signes en conflit présentaient un degré de similitude supérieur à la moyenne, voire étaient identiques si l’élément secondaire n’était pas prononcé.

–       Sur la comparaison conceptuelle

111    La chambre de recours a considéré que pour une partie significative du public pertinent, aucun des signes dans son ensemble ne possédait de signification claire. De plus, selon elle, bien qu’une partie du public espagnol puisse comprendre l’élément « tramo,sa » dans la marque antérieure comme étant l’acronyme de « transporte maquinaria y obras,s.a. », une partie significative du public pertinent ne lui attribuera aucune signification. En outre, elle a considéré que, s’agissant de l’élément « transporte maquinaria y obras,s.a. », la circonstance qu’il soit partiellement ou entièrement compris, avait une incidence très limitée étant donné son caractère distinctif inexistant ou très faible. Par conséquent, elle a estimé que la comparaison conceptuelle était neutre.

112    La requérante estime que la marque demandée est un terme unique dépourvu de signification alors qu’une partie du public espagnol attribuera une signification à l’élément « tramo », signifiant portion, ainsi qu’à l’abréviation « s.a. » de la marque antérieure. En outre, elle considère que si la légende « transporte maquinaria y obras,s.a. » est descriptive des services en espagnol, il en va de même pour le mot « tramo » et l’abréviation « s.a. », lesquels sont aisément compréhensibles dans cette langue.

113    L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

114    En l’espèce, il y a lieu de souligner, s’agissant de la marque antérieure, que la chambre de recours n’a pas exclu qu’une partie du public espagnol puisse comprendre le mot « tramo » et considérer que l’élément « tramo,sa » soit l’acronyme de « transporte maquinaria y obras,s.a. ». Toutefois, elle a ajouté qu’une autre partie du public espagnol ne le percevra pas nécessairement comme tel et qu’une partie significative du public pertinent restant ne lui attribuera aucune signification. À cet égard, il convient de rappeler qu’une partie significative du public pertinent ne décomposera pas l’élément « tramo,sa » de la marque antérieure dès lors qu’il a déjà été exposé que la virgule n’est pas clairement perceptible et que les lettres « sa » ne sont pas séparées par des points. Partant, une partie dudit public considérera cet élément comme fantaisiste au même titre que l’élément « tramosa » de la marque demandée.

115    Par ailleurs, s’agissant de l’élément « transporte maquinaria y obras,s.a. », il convient de relever que le fait qu’un élément soit descriptif n’implique pas que cet élément ne doit pas être pris en considération aux fins de la comparaison conceptuelle [arrêt du 16 décembre 2015, Perfetti Van Melle Benelux/OHMI – Intercontinental Great Brands (TRIDENT PURE), T‑491/13, non publié, EU:T:2015:979, point 93]. À cet égard, il y a lieu de rappeler que la chambre de recours a admis qu’une partie du public pertinent non espagnol pourra comprendre certains composants de cet élément tels que les mots « transporte » et « s.a. » en raison de la présence de termes équivalents dans d’autres langues. Toutefois, c’est à juste titre qu’elle a relativisé l’incidence du fait qu’il sera partiellement ou entièrement compris dès lors qu’il n’attire l’attention de ces consommateurs que d’une manière limitée.

116    Eu égard à ce qui précède, il convient de constater que pour une partie significative du public pertinent, tant l’élément « tramosa » commun aux marques en conflit que l’élément descriptif « transporte maquinaria y obras,s.a. » n’ont pas de signification claire.

117    Or, il y a lieu de rappeler que lorsqu’aucun des signes en cause n’a de signification, pris dans son ensemble, il doit être constaté que la comparaison sur le plan conceptuel n’est pas possible [voir, en ce sens, arrêts du 21 septembre 2017, Novartis/EUIPO – Meda (Zymara), T‑214/15, non publié, EU:T:2017:637, point 149, et du 5 octobre 2017, Forest Pharma/EUIPO – Ipsen Pharma (COLINEB), T‑36/17, non publié, EU:T:2017:690, point 96].

118    Partant, pour la partie, significative, du public pertinent pour laquelle ni la marque demandée, ni la marque antérieure, n’ont de signification, c’est sans commettre d’erreur que la chambre de recours a estimé que la comparaison conceptuelle était neutre, autrement dit impossible [voir, en ce sens, arrêt du 13 mars 2019, Wirecard Technologies/EUIPO – Striatum Ventures (supr), T‑297/18, non publié, EU:T:2019:160, points 57 et 58].

 Sur l’appréciation globale du risque de confusion

119    Selon une jurisprudence constante, l’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 17, et du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 74].

120    La chambre de recours a rappelé que les services étaient similaires à un degré élevé, qu’ils présentaient un degré de similitude inférieur à la moyenne sur le plan visuel et supérieur à la moyenne, voire une identité sur le plan phonétique. En outre, elle a considéré qu’aucune différence conceptuelle pertinente ne permettait de distinguer les signes, que la marque antérieure disposait d’un caractère distinctif normal et a souligné les similitudes découlant de l’élément dominant « tramosa », seul élément verbal de la marque demandée et élément le plus distinctif des deux signes. Dès lors, malgré le niveau d’attention du grand public plutôt élevé, elle a estimé qu’il existait un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

121    La requérante conteste l’appréciation globale effectuée par la chambre de recours et considère que les services en conflit sont radicalement différents et s’adressent à un public distinct, bien que professionnel et hautement spécialisé dans son secteur dans les deux cas. De plus, elle estime que l’élément qui capte l’attention au sein de la marque antérieure est l’élément « tramo ». L’ensemble de ces considérations exclurait tout risque de confusion.

122    L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

123    En l’espèce, il convient de souligner que, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, la requérante se limite à réitérer ses arguments concernant la définition du public pertinent, la comparaison des services, les éléments distinctifs et dominants de la marque antérieure ainsi que la comparaison des signes.

124    Or, il y a lieu de constater que les services en cause sont très similaires et que la marque antérieure est dotée d’un caractère distinctif intrinsèque normal, élément au demeurant non contesté par les parties. En outre, s’agissant de la comparaison des signes, il résulte de ce qui précède que l’élément commun dominant « tramosa » est le seul élément verbal de la marque demandée et l’élément le plus distinctif des marques en conflit. Dès lors, il convient de souligner le degré de similitude inférieur à la moyenne des signes sur le plan visuel et leur degré de similitude supérieur à la moyenne voire leur identité sur le plan phonétique. Sur le plan conceptuel, leur comparaison est impossible pour la partie du public pertinent, pour laquelle ni la marque demandée, ni la marque antérieure, n’ont de signification.

125    Par conséquent, il convient de constater que, au terme de cette appréciation globale, c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu à l’existence de risque de confusion, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, dans l’esprit du public pertinent, nonobstant son niveau d’attention, à tout le moins, plutôt élevé.

126    Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le recours dans son intégralité sans qu’il soit nécessaire de s’interroger sur la recevabilité du deuxième et du troisième chef de conclusions de la requérante visant à demander au Tribunal de rejeter l’opposition et à autoriser l’enregistrement de la marque demandée [arrêts du 29 janvier 2020, Vinos de Arganza/EUIPO – Nordbrand Nordhausen (ENCANTO), T‑239/19, non publié, EU:T:2020:12, point 52, et du 9 septembre 2020, Gothe et Kunz/EUIPO – Aldi Einkauf (FAIR ZONE), T‑589/19, non publié, EU:T:2020:397, point 80].

 Sur les dépens

127    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

128    La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Agora Invest, SA est condamnée aux dépens.

Spielmann

Öberg

Brkan

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 6 avril 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : l’espagnol.