Language of document : ECLI:EU:F:2014:78

ORDONNANCE DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (troisième chambre)

8 mai 2014 (*)

« Fonction publique – Sécurité sociale – Accident ou maladie professionnelle – Article 73 du statut – Invalidité permanente partielle – Demande d’indemnité – Irrecevabilité manifeste »

Dans l’affaire F‑50/13,

ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE, applicable au traité CEEA en vertu de son article 106 bis,

A, ancien fonctionnaire de la Commission européenne, demeurant à S. (France), représenté par Mes B. Cambier et A. Paternostre, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. V. Joris, en qualité d’agent, assisté de Me C. Mélotte, avocat,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(troisième chambre),

composé de MM. S. Van Raepenbusch (rapporteur), président, R. Barents et K. Bradley, juges,

greffier : Mme W. Hakenberg,

rend la présente

Ordonnance

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 22 mai 2013, A a introduit le présent recours tendant, en substance, à la condamnation de la Commission européenne à l’indemniser des préjudices matériel et moral subis en raison de sa maladie professionnelle.

 Cadre juridique

2        L’article 73 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne, dans sa version applicable au litige, (ci-après le « statut »), dispose :

« 1.      Dans les conditions fixées par une réglementation établie d’un commun accord des institutions […], après avis du comité du statut, le fonctionnaire est couvert, dès le jour de son entrée en service, contre les risques de maladie professionnelle et les risques d’accident. […]

[…]

2.      Les prestations garanties sont les suivantes :

a)      […]

b)      [e]n cas d’invalidité permanente totale :

[p]aiement à l’intéressé d’un capital égal à huit fois son traitement de base annuel calculé sur la base des traitements mensuels alloués pour les douze mois précédant l’accident ;

c)      [e]n cas d’invalidité permanente partielle :

[p]aiement à l’intéressé d’une partie de l’indemnité prévue [sous b),] calculée sur la base du barème fixé par la réglementation prévue au paragraphe 1 […].

[…] »

3        Le 13 décembre 2005, les institutions ont arrêté une réglementation commune relative à la couverture des risques d’accident et de maladie professionnelle des fonctionnaires, laquelle est entrée en vigueur le 1er janvier 2006 (ci-après la « réglementation de couverture »).

4        En vertu de l’article 11, paragraphe 1, de la réglementation de couverture, l’invalidité permanente totale (ci-après l’« IPT ») et l’invalidité permanente partielle (ci-après l’« IPP ») sont mesurées par l’atteinte à l’intégrité physico-psychique (ci-après l’« AIPP ») telle que fixée par le barème européen d’évaluation à des fins médicales des AIPP, annexé à ladite réglementation (ci-après le « barème »).

5        Selon l’article 11, paragraphe 3, de la réglementation de couverture, en cas d’IPP de l’assuré résultant d’un accident ou d’une maladie professionnelle, le capital prévu à l’article 73, paragraphe 2, sous c), du statut et déterminé en fonction des taux prévus au barème est versé à l’intéressé.

6        L’article 18 de la réglementation de couverture prévoit que les décisions relatives à la reconnaissance de l’origine accidentelle d’un événement ou à la reconnaissance de l’origine professionnelle de la maladie, ainsi qu’à la fixation du degré d’IPT ou d’IPP, sont prises par l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN »), sur la base des conclusions émises par le ou les médecins désignés par les institutions et, si l’assuré le requiert, après consultation de la commission médicale prévue à l’article 22 de ladite réglementation.

7        En vertu de l’article 19, paragraphe 3, de la réglementation de couverture, la décision portant fixation du degré d’IPT ou d’IPP intervient après la consolidation des lésions de l’assuré ; les séquelles de l’accident ou de la maladie professionnelle sont consolidées lorsque ces séquelles sont stabilisées ou qu’elles ne s’atténueront que très lentement et d’une façon très limitée.

8        Aux termes de l’article 22 de la réglementation de couverture :

« 1.      La commission médicale est composée de trois médecins désignés :

–        le premier, par l’assuré ou ses ayants droit,

–        le deuxième, par l’[AIPN],

–        le troisième, du commun accord des deux médecins ainsi désignés.

[…]

3.      […]

Au terme de ses travaux, la commission médicale consigne ses conclusions dans un rapport qui est adressé à l’[AIPN].

Sur la base de ce rapport, l’[AIPN] notifie à l’assuré ou ses ayants droit sa décision accompagnée des conclusions de la commission médicale […]

[…] »

 Faits à l’origine du litige

9        Le requérant est un ancien fonctionnaire de grade AD 15, entré au service de la Commission en 1979.

10      Le 18 mars 2003, le requérant a été inculpé par un juge d’instruction du tribunal de première instance de Bruxelles (Belgique) pour faux en écriture et escroquerie. Cette instruction pénale a été clôturée le 30 juin 2004 par une ordonnance de non-lieu.

11      À la suite de son inculpation par la justice belge, le requérant a subi une dépression nerveuse nécessitant plusieurs arrêts de travail.

12      Le 25 juillet 2003, le requérant a adressé à la Commission une déclaration tendant à la reconnaissance de l’origine professionnelle de sa maladie.

13      Le 16 mars 2007, la Commission a notifié au requérant un projet de décision refusant de reconnaître l’origine professionnelle de sa maladie, sur la base des conclusions adoptées par le médecin désigné par l’institution.

14      Le 3 mai 2007, le requérant a demandé la constitution de la commission médicale prévue par l’article 22 de la réglementation de couverture.

15      Dans son rapport daté du 5 décembre 2007, la commission médicale a reconnu, à l’unanimité, l’origine professionnelle de la maladie du requérant.

16      Le 28 mars 2008, le chef du secteur « Assurance accidents et maladies professionnelles » de l’Office « Gestion et liquidation des droits individuels » de la Commission (PMO) a envoyé au requérant un courrier aux termes duquel il reconnaissait l’origine professionnelle de la maladie du requérant.

17      Le 8 avril 2008, le requérant a sollicité du chef du secteur « Assurance accidents et maladies professionnelles » du PMO la mise en œuvre à son profit de l’article 73, paragraphe 2, sous b), du statut.

18      La commission médicale prévue à l’article 22 de la réglementation de couverture s’est réunie de nouveau le 24 août 2010 puis le 19 septembre 2011.

19      Par décision du 11 janvier 2012, le chef du secteur « Assurance accidents et maladies professionnelles » du PMO, après avoir pris connaissance du rapport de la commission médicale du 19 septembre 2011, a reconnu au requérant un taux d’IPP de 20 % et fixé la date de consolidation des séquelles de sa maladie au 25 février 2010 (ci-après la « décision du 11 janvier 2012 »). Une somme de 268 679,44 euros correspondant au taux d’IPP retenu lui a été versée au titre de l’indemnisation forfaitaire prévue par l’article 73 du statut.

20      Entre-temps, le requérant avait été mis d’office à la retraite pour invalidité, sur le fondement des articles 53 et 78 du statut, et admis, depuis le 30 novembre 2004, au bénéfice d’une allocation d’invalidité.

21      Le requérant a introduit le 11 avril 2012 une réclamation contre la décision du 11 janvier 2012 ainsi qu’une demande indemnitaire en réparation des différents préjudices qu’il estimait avoir subi en raison des fautes prétendument commises par la Commission dans l’instruction de sa demande présentée au titre de l’article 73 du statut. La réclamation et la demande indemnitaire ont été rejetées par une décision du 7 août 2012.

22      Le requérant a introduit une réclamation le 25 octobre 2012 contre le rejet de sa demande indemnitaire. La réclamation a été rejetée par décision de la Commission du 14 février 2013.

23      Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 16 novembre 2012 et enregistrée sous la référence F‑142/12, le requérant a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision du 11 janvier 2012 et de celle du 7 août 2012 rejetant sa réclamation ainsi qu’à la condamnation de la Commission à l’indemniser de différents préjudices subis en raison, d’une part, de la longueur excessive de la procédure ayant conduit à la décision du 11 janvier 2012 et, d’autre part, de sa maladie professionnelle. Par arrêt du 11 décembre 2013, A/Commission (F‑142/12), le Tribunal a annulé la décision du 11 janvier 2012, condamné la Commission à verser au requérant la somme de 3 500 euros et rejeté le recours pour le surplus.

 Procédure et conclusions de la requête

24      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer la Commission responsable des fautes et comportements commis par elle ou par ses organes ayant conduit au déclenchement et à l’aggravation de sa maladie professionnelle et constater que l’indemnisation forfaitaire qui lui a été versée au titre de l’article 73 du statut n’apporte pas réparation complète des dommages subis ;

–        annuler la décision du 7 août 2012 rejetant sa demande indemnitaire et celle du 14 février 2013 rejetant sa réclamation ;

–        condamner la Commission à lui verser, à titre de réparation complémentaire, la somme de 1 798 650 euros, en réparation de son préjudice matériel, et la somme de 145 850 euros, en réparation de son préjudice moral, sommes qui tiennent compte du montant de l’indemnisation forfaitaire déjà versée mais dont devront venir en déduction les sommes éventuellement allouées par le Tribunal dans sa décision sur le recours F‑142/12 ;

–        condamner la Commission au versement des intérêts sur les sommes précitées au taux de 12 %, et ce depuis le mois de novembre 2004, date à laquelle sa demande introduite dans le cadre de l’article 73 du statut aurait pu être tranchée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

25      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        à titre principal, suspendre la procédure dans l’attente de la décision de l’AIPN à intervenir en exécution de l’arrêt A/Commission précité ;

–        à titre subsidiaire, rejeter le recours pour partie, comme manifestement irrecevable et, pour partie, comme manifestement non fondé ;

–        condamner le requérant aux dépens.

26      Par ordonnance du président de la troisième chambre du Tribunal du 11 juillet 2013, la procédure dans la présente affaire a été suspendue jusqu’à la décision mettant fin à l’instance dans l’affaire F‑142/12. L’arrêt A/Commission, précité, ayant été prononcé le 11 décembre 2013, les délais de procédure ont recommencé à courir dès le début à compter de cette date, conformément aux dispositions du second alinéa du paragraphe 3 de l’article 72 du règlement de procédure.

 En droit

27      En vertu de l’article 76 du règlement de procédure, lorsqu’un recours est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable ou manifestement dépourvu de tout fondement en droit, le Tribunal peut, sans poursuivre la procédure, statuer par voie d’ordonnance motivée.

28      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide, en application de l’article 76 du règlement de procédure, de statuer par voie d’ordonnance motivée sans poursuivre la procédure (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 13 février 2012, Ayres de Abreu/CESE, F‑123/11, point 10).

29      En premier lieu, il convient d’observer que les conclusions demandant au Tribunal de déclarer la Commission responsable des fautes et comportements prétendument à l’origine de la maladie professionnelle et celles par lesquelles le requérant demande au Tribunal de constater que l’indemnisation déjà accordée ne suffit pas à réparer l’ensemble des préjudices subis visent en réalité à faire reconnaître par le Tribunal le bien-fondé de certains arguments invoqués à l’appui de la demande indemnitaire. Conformément à une jurisprudence constante, de telles conclusions à fin de déclaration de droit sont irrecevables (arrêt de la Cour du 13 juillet 1989, Jaenicke Cendoya/Commission, 108/88, points 8 et 9, et la jurisprudence citée).

30      En deuxième lieu, il convient de préciser que la décision du 14 février 2013, rejetant la réclamation dirigée contre la décision de rejet de la demande indemnitaire du 7 août 2012, étant, en l’espèce dépourvue de contenu autonome, les conclusions en annulation dirigées contre les deux décisions précitées doivent être regardées comme dirigées contre la seule décision du 7 août 2012 (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 11 décembre 2008, Reali/Commission, F‑136/06, point 37).

31      En troisième lieu, il importe de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la décision d’une institution ou d’une agence portant rejet d’une demande indemnitaire fait partie intégrante de la procédure administrative préalable qui précède un recours en responsabilité formé devant le Tribunal et que, par conséquent, les conclusions en annulation de cette décision ne peuvent être appréciées de manière autonome par rapport aux conclusions en responsabilité (ordonnance du Tribunal du 10 novembre 2009, Marcuccio/Commission, F‑70/07, point 14, et la jurisprudence citée). Dans ces conditions, il n’y a pas lieu de statuer de façon autonome sur les conclusions en annulation de la décision du 7 août 2012 rejetant la demande indemnitaire.

32      En quatrième lieu et enfin, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, le fonctionnaire victime d’une maladie professionnelle est seulement en droit de demander une indemnisation complémentaire selon le droit commun, lorsque le régime statutaire institué par l’article 73 du statut ne permet pas une indemnisation appropriée (arrêt du Tribunal de première instance du 15 décembre 1999, Latino/Commission, T‑300/97, point 94). En conséquence et en principe, la demande indemnitaire tendant à la réparation du préjudice matériel et moral qui aurait été causé à un fonctionnaire par une maladie professionnelle n’est pas recevable tant que la procédure ouverte au titre de l’article 73 du statut n’est pas terminée (arrêt du Tribunal du 13 janvier 2010, A et G/Commission, F‑124/05 et F‑96/06, points 151 et 152).

33      En l’espèce, la décision de la Commission, du 11 janvier 2012, fixant la date de consolidation des séquelles de la maladie professionnelle du requérant et son taux d’IPP a été annulée par l’arrêt A/Commission, précité. Par l’effet de cet arrêt d’annulation, la procédure mise en œuvre au titre de l’article 73 du statut à l’égard du requérant a été rouverte. Dans ces conditions, la demande d’indemnisation des préjudices matériel et moral causés par la maladie professionnelle du requérant est prématurée.

34      Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions du présent recours doivent être rejetées comme manifestement irrecevables, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la demande de suspension présentée par la Commission dans l’attente de la décision de l’AIPN à intervenir en exécution de l’arrêt A/Commission. Une telle décision future n’a, au demeurant, aucune incidence sur la recevabilité du présent recours, laquelle s’apprécie à la date où celui-ci a été introduit.

 Sur les dépens

35      Aux termes de l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En vertu du paragraphe 2 du même article, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe n’est condamnée que partiellement aux dépens, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.

36      En l’espèce, il y a lieu de rappeler que le requérant a introduit le 11 avril 2012 une réclamation contre la décision du 11 janvier 2012 ainsi qu’une demande indemnitaire en réparation des différents préjudices qu’il estimait avoir subis en raison des fautes supposées commises par la Commission dans l’instruction de sa demande présentée au titre de l’article 73 du statut. La réclamation et la demande indemnitaire ont été rejetées par une décision du 7 août 2012.

37      Le requérant pouvait donc valablement saisir le Tribunal le 16 novembre 2012 pour contester la décision du 11 janvier 2012 par son recours F‑142/12. En revanche, celui-ci devait, conformément aux articles 90 et 91du statut, introduire une réclamation contre la décision de rejet de la demande indemnitaire, ce qu’il fit le 25 octobre suivant, et attendre la décision de rejet de la réclamation, laquelle est intervenue le 14 février 2013, avant de pouvoir régulièrement contester devant le juge de l’Union le rejet de ses prétentions indemnitaires.

38      Il est donc plus que vraisemblable que le requérant a introduit le présent recours indemnitaire, en réparation des préjudices matériel et moral subis en raison de sa maladie professionnelle, pour respecter les exigences procédurales prévues par le statut, ne pouvant présenter valablement de telles conclusions indemnitaires dès le stade de son premier recours, la réclamation dirigée contre le rejet de sa demande indemnitaire n’ayant pas encore, à la date de l’introduction du recours F‑142/12, fait l’objet d’une décision implicite ou explicite de rejet.

39      Or, le recours F‑142/12 a conduit à l’annulation de la décision du 11 janvier 2012 fixant la date de consolidation des séquelles de la maladie professionnelle du requérant et son taux d’IPP, décision sur la base de laquelle l’indemnisation forfaitaire de l’article 73 du statut a été accordée au requérant. Cette annulation a ainsi rendu prématurées les présentes conclusions indemnitaires. L’illégalité commise par la Commission, sanctionnée dans l’arrêt A/Commission, précité, a ainsi conduit à l’irrecevabilité des présentes conclusions indemnitaires, lesquelles ne pouvaient pas, pour des raisons procédurales, être présentées dans le cadre du recours ayant donné lieu audit arrêt.

40      Dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation des circonstances de l’espèce en condamnant, dans un souci d’équité, chaque partie à supporter ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(troisième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme manifestement irrecevable.

2)      Chaque partie supporte ses propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 8 mai 2014.

Le greffier

 

      Le président

W. Hakenberg

 

      S. Van Raepenbusch


* Langue de procédure : le français.