Language of document : ECLI:EU:T:2019:435

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

19 juin 2019 (*)

« Marque de l’Union européenne – Demande de marque de l’Union européenne tridimensionnelle – Forme d’un robinet – Motif absolu de refus – Absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑213/18,

Brita GmbH, établie à Taunusstein (Allemagne), représentée par Me P. Koch Moreno, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. J. Crespo Carrillo, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’EUIPO du 22 janvier 2018 (affaire R 1864/2017‑4), concernant une demande d’enregistrement d’un signe tridimensionnel constitué par la forme d’un robinet comme marque de l’Union européenne,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de MM. H. Kanninen, président, J. Schwarcz et C. Iliopoulos (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 27 mars 2018,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 15 juin 2018,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 16 novembre 2016, la requérante, Brita GmbH, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe tridimensionnel reproduit ci-après :

Image not found

3        Les produits et services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 7, 11, 21, 32, 35, 37 et 40 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 7 : « Machines pour la confection de boissons et installations qui en sont composées ; appareils et machines électriques pour la production de boissons gazéifiées ; appareils électromécaniques pour la préparation et la distribution de boissons et/ou d’eaux chaudes, bouillies et réfrigérées et installations qui en sont composées, y compris machines de remplissage ; machines pour la vente de boissons ; machines de remplissage ; machines à laver la vaisselle et leurs accessoires » ;

–        classe 11 : « Appareils et installations pour le traitement de l’eau ; installations et filtres pour la stérilisation de l’eau permettant la suppression de bactéries et de virus, filtres de purification, filtres à eau potable ; filtres à membrane pour la microfiltration, l’ultrafiltration, la nanofiltration et l’osmose inverse ; composants et accessoires pour appareils et installations pour le traitement de l’eau, en particulier disques de filtre, sacs contenant des échangeurs d’ions et charbon actif, tous les produits précités inclus dans cette classe ; appareils pour le traitement de l’eau, appareils à filtrer l’eau, appareils de gazéification, systèmes pour le traitement de l’eau ; filtres à eau et appareils à filtrer l’eau reposant sur les technologies des membranes, les technologies de l’osmose inverse, les technologies des UV, les technologies de l’ozone, les technologies du carbone en particulier avec des blocs de charbon actif ; filtres à eau et appareils à filtrer l’eau pour la stérilisation microbiologique ; filtres à pression, filtres à gravité, cartouches de filtres d’aspiration, cartouches de filtres manuels, cartouches de filtres avec mécanisme de filtre immergé, cartouches de filtres contenant des échangeurs et/ou adsorbants d’ions (inclus dans cette classe), tous les produits précités pour le traitement de l’eau ; filtres pour bouilloires à eau, cafetières électriques, machines pour la préparation du thé, machines à expresso, samovars, cuiseurs à riz, machines de distribution automatique, grands appareils de restauration, machines à glace, étuveurs combinés, cuiseurs à vapeur, fours, machines à laver la vaisselle, percolateurs, réfrigérateurs, appareils frigorifiques, appareils pour mélanger des boissons, distributeurs de boissons froides, robinetteries de cuisine, sauf pour les filtres pour machines et moteurs ; robinets avec systèmes de filtres intégrés ; distributeurs d’eau, distributeurs de boissons froides ; distributeurs de boissons, à l’exception de machines de distribution automatique ; équipements pour le traitement automatique de l’eau avec arrêt automatique accompagnés d’indicateurs de consommation, robinetteries, filtres, unités pour la minéralisation de l’eau, dispositifs de chauffage, dispositifs de refroidissement, dispositifs aromatisants, dispositifs au dioxyde de carbone ; installations pour le traitement de l’eau se composant des appareils précités ; tous les produits et accessoires précités, en particulier éléments de remplissage, cartouches et pièces détachées, inclus dans cette classe ; bouilloires électriques ; dispositifs de refroidissement pour boissons à usage domestique » ;

–        classe 21 : « Appareils ménagers non électriques pour la production de boissons et d’eaux gazéifiées ; cafetières non électriques et services à thé ; instruments et récipients pour le ménage et la cuisine, en plastique ou en verre ; tasses, carafes, bouteilles, récipients avec et sans filtres ; cafetières et théières non électriques ; verres à boire, récipients à boire sous forme de bouteilles, plats ; verre, porcelaine et faïence, inclus dans cette classe ; récipients calorifuges, bouteilles isolantes pour boissons, bouteilles réfrigérantes ; ustensiles manuels non électriques à usage domestique, à savoir pour la production d’eau minérale et de boissons » ;

–        classe 32 : « Eau filtrée, incluse dans cette classe ; produits pour la fabrication des eaux minérales, eaux gazeuses, eaux de table, eau potable, eaux de source, eaux minérales ; boissons gazeuses ; boissons sans alcool, boissons aux fruits et nectars de fruits ; sirops et autres produits pour faire des boissons ; boissons préparées avec de l’eau minérale naturelle et des extraits de fruits, eaux minérales aromatisées, eau potable aromatisée, tous les produits précités, y compris additifs aromatiques et produits pour faire ces boissons » ;

–        classe 35 : « Location de machines automatiques pour la distribution de café, thé et sucre » ;

–        classe 37 : « Installation, maintenance et réparation de machines ; installation d’équipements de cuisine ; installation et réparation d’appareils de réfrigération ; installation et réparation d’appareils électroniques ; installation de distributeurs de boissons et robinets ; maintenance et nettoyage de filtres à eau, appareils à filtrer l’eau, distributeurs de café, thé et sucre, accessoires et produits de filtration, distributeurs de boissons, robinets ; fourniture d’informations portant sur la réparation et la maintenance de machines, appareils de cuisson, appareils de réfrigération et appareils électroniques de consommation ; services de réparation pour filtres à eau et leurs composants, appareils à filtrer l’eau et leurs composants, machines automatiques pour la distribution de café, thé et sucre ; installation et échange de bouteilles, machines, équipements de cuisine, appareils de réfrigération, appareils électroniques, distributeurs de boissons et robinets, filtres à eau, appareils à filtrer l’eau, distributeurs de café, thé et sucre, accessoires et produits de filtration, distributeurs de boissons, robinets, appareils électroniques de consommation (services après-vente) » ;

–        classe 40 : « Services de location de filtres à eau, d’appareils à filtrer l’eau ; traitement et recyclage des filtres à eau, d’appareils à filtrer l’eau et de leurs composants ; traitement de bouteilles, y compris leur étiquetage et conception conformément aux spécifications du client ».

4        Par décision du 29 juin 2017, l’examinateur a partiellement rejeté la demande d’enregistrement de la marque demandée, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 [devenu article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001], au motif que le signe en cause était dépourvu de caractère distinctif pour une partie des produits et des services visés par la demande d’enregistrement et compris dans les classes 7, 11, 21, 37 et 40, à savoir les produits suivants (ci-après les « produits refusés ») et les services suivants :

–        classe 7 : « Machines pour la confection de boissons et installations qui en sont composées ; appareils et machines électriques pour la production de boissons gazéifiées ; appareils électromécaniques pour la préparation et la distribution de boissons et/ou d’eaux chaudes, bouillies et réfrigérées et installations qui en sont composées, y compris machines de remplissage » ;

–        classe 11 : « Appareils et installations pour le traitement de l’eau ; installations et filtres pour la stérilisation de l’eau permettant la suppression de bactéries et de virus, filtres de purification, filtres à eau potable ; composants et accessoires pour appareils et installations pour le traitement de l’eau, en particulier disques de filtre, sacs contenant des échangeurs d’ions et charbon actif, tous les produits précités inclus dans cette classe ; appareils pour le traitement de l’eau, appareils à filtrer l’eau, appareils de gazéification, systèmes pour le traitement de l’eau ; filtres à eau et appareils à filtrer l’eau reposant sur les technologies des membranes, les technologies de l’osmose inverse, les technologies des UV, les technologies de l’ozone, les technologies du carbone en particulier avec des blocs de charbon actif ; filtres à eau et appareils à filtrer l’eau pour la stérilisation microbiologique ; robinets avec systèmes de filtres intégrés ; distributeurs d’eau, distributeurs de boissons froides ; distributeurs de boissons, à l’exception de machines de distribution automatique ; équipements pour le traitement automatique de l’eau avec arrêt automatique accompagnés d’indicateurs de consommation, robinetteries, filtres, unités pour la minéralisation de l’eau, dispositifs de chauffage, dispositifs de refroidissement, dispositifs aromatisants, dispositifs au dioxyde de carbone ; installations pour le traitement de l’eau se composant des appareils précités ; tous les produits et accessoires précités, en particulier éléments de remplissage, cartouches et pièces détachées, inclus dans cette classe » ;

–        classe 21 : « Appareils ménagers non électriques pour la production de boissons et d’eaux gazéifiées » ;

–        classe 37 : « Installation, maintenance et réparation de machines ; installation d’équipements de cuisine ; installation et réparation d’appareils électroniques ; installation de distributeurs de boissons et robinets ; maintenance et nettoyage de filtres à eau, appareils à filtrer l’eau, distributeurs de café, thé et sucre, accessoires et produits de filtration, distributeurs de boissons, robinets ; fourniture d’informations portant sur la réparation et la maintenance de machines, appareils de cuisson, appareils de réfrigération et appareils électroniques de consommation ; services de réparation pour filtres à eau et leurs composants, appareils à filtrer l’eau et leurs composants, machines automatiques pour la distribution de café, thé et sucre ; installation et échange de bouteilles, machines, équipements de cuisine, appareil de réfrigération, appareils électroniques, distributeurs de boissons et robinets, filtres à eau, appareils à filtrer l’eau, distributeurs de café, thé et sucre, accessoires et produits de filtration, distributeurs de boissons, robinets, appareils électroniques de consommation (services après-vente) ».

–        classe 40 : « Services de location d’appareils à filtrer l’eau. »

5        Le 24 août 2017, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 58 à 64 du règlement no 207/2009 (devenus articles 66 à 71 du règlement 2017/1001), contre la décision de l’examinateur. Le mémoire exposant les motifs du recours a été déposé auprès de la chambre de recours le 27 octobre 2017.

6        Par décision du 22 janvier 2018 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours. Tout comme l’examinateur, elle a considéré que le signe dont l’enregistrement avait été demandé était dépourvu de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 pour l’ensemble des produits et des services visés au point 4 ci-dessus. En substance, elle a relevé que le signe litigieux – une simple représentation d’un robinet distributeur d’eau ou de boissons – ne pouvait pas être perçu comme distinctif, car, pris dans son intégralité, il ne contenait aucun élément qui diverge de manière significative de la forme standard des distributeurs d’eau et de boissons et qui soit susceptible de remplir la fonction d’origine de la marque demandée.

 Conclusion des parties

7        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        ordonner l’enregistrement de la marque demandée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

8        L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité

 Sur la recevabilité du deuxième chef de conclusions de la requérante

9        Par son deuxième chef de conclusions, la requérante demande au Tribunal d’ordonner l’enregistrement de la marque demandée pour tous les produits et les services demandés compris dans les classes 7, 11, 21, 37 et 40. De telles conclusions tendent donc à ce que le Tribunal adresse une injonction en ce sens à l’EUIPO.

10      Or, il résulte d’une jurisprudence constante que, dans le cadre d’un recours introduit devant le juge de l’Union européenne contre la décision d’une chambre de recours de l’EUIPO, ce dernier est tenu, conformément à l’article 72, paragraphe 6, du règlement 2017/1001, de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt du juge de l’Union. Dès lors, il n’appartient pas au Tribunal d’adresser des injonctions à l’EUIPO, auquel il incombe de tirer les conséquences du dispositif et des motifs des arrêts du juge de l’Union [voir arrêt du 11 juillet 2007, El Corte Inglés/OHMI – Bolaños Sabri (PiraÑAM diseño original Juan Bolaños), T‑443/05, EU:T:2007:219, point 20 et jurisprudence citée].

11      Partant, le deuxième chef de conclusions de la requérante tendant à ce que le Tribunal ordonne à l’EUIPO d’autoriser l’enregistrement de la marque demandée pour l’ensemble des produits et services demandés compris dans les classes 7, 11, 21, 37 et 40 est irrecevable.

 Sur la recevabilité des images produites par la requérante aux points 45, 53, 54 et 57 de la requête

12      L’EUIPO fait valoir, dans son mémoire en réponse, que les six images présentées aux points 45 (deux images), 53 (la deuxième image), 54 (deux images) et 57 (une image) de la requête n’ont été présentées ni devant l’examinateur ni devant la chambre de recours, ont donc été produites pour la première fois devant le Tribunal, et devraient, dès lors, être déclarées irrecevables.

13      Par mesure d’organisation de la procédure du 14 février 2019, la requérante a été invitée à faire part de ses observations quant à la recevabilité de ces images.

14      Dans sa réponse du 1er mars 2019, la requérante a indiqué, en substance, premièrement, que les images présentées aux points 45 et 54 de la requête n’étaient produites qu’à titre « complémentaire » afin de compléter les preuves déjà soumises lors de la procédure administrative devant l’EUIPO, deuxièmement, que la deuxième image du point 53 de la requête avait été incluse, notamment, dans la communication des motifs de refus d’enregistrement du 18 janvier 2017 de l’examinateur et que, dès lors, elle ne saurait être considérée comme une nouvelle preuve, et troisièmement, que l’image du point 57 a été introduite après la procédure administrative afin de contester l’affirmation de la chambre de recours au point 16 de la décision attaquée selon laquelle la tête de la structure en cause n’est pas visuellement accrocheuse.

15      À cet égard, il convient de rappeler qu’un recours porté devant le Tribunal vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de l’EUIPO, au sens de l’article 72 du règlement 2017/1001. Il s’ensuit que le Tribunal ne saurait réexaminer les circonstances de fait à la lumière de preuves présentées pour la première fois devant lui. En effet, la légalité d’une décision d’une chambre de recours de l’EUIPO doit être appréciée en fonction des éléments d’information dont cette chambre pouvait disposer au moment où elle l’a arrêtée [arrêt du 18 décembre 2008, Les Éditions Albert René/OHMI, C‑16/06 P, EU:C:2008:739, points 136 à 138 ; voir, également, arrêt du 9 mars 2018, Recordati Orphan Drugs/EUIPO – Laboratorios Normon (NORMOSANG), T‑103/17, non publié, EU:T:2018:126, point 26 et jurisprudence citée].

16      À la suite de l’examen du dossier de l’affaire, et à la lumière des explications apportées par la requérante dans les observations du 1er mars 2019, il y a lieu de constater que les images présentées aux points 45, 54 et 57 de la requête, contrairement à l’image en cause du point 53, ne figurent pas dans le dossier administratif de la procédure devant l’EUIPO. Partant, il convient d’écarter les images présentées aux points 45, 54 et 57 de la requête comme étant irrecevables.

 Sur le fond

 Sur le moyen unique, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001

17      À l’appui de son recours, la requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, en ce que la chambre de recours aurait conclu, à tort, à l’absence de caractère distinctif de la marque demandée.

18      Ce moyen est articulé autour de trois griefs, tirés, le premier, d’une erreur d’appréciation du niveau d’attention du public pertinent, le deuxième, d’un défaut de motivation et d’une erreur d’appréciation résultant du fait que la chambre de recours n’a pas analysé ou expliqué l’absence de caractère distinctif du signe litigieux au regard de chacun des produits et des services visés et, le troisième, d’une erreur d’appréciation du caractère distinctif du signe demandé.

19      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif.

20      Le caractère distinctif d’une marque, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, signifie que cette marque permet d’identifier le produit pour lequel l’enregistrement a été demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit de ceux issus d’autres entreprises [voir, en ce sens, arrêts du 13 septembre 2018, Birkenstock Sales/EUIPO, C‑26/17 P, EU:C:2018:714, point 31, et du 8 octobre 2015, Rosian Express/OHMI (Forme d’une boîte de jeu), T‑547/13, EU:T:2015:769, point 36 et jurisprudence citée].

21      À cet égard, il convient de rappeler que les signes dépourvus de caractère distinctif sont réputés incapables d’exercer la fonction essentielle de la marque, à savoir celle d’identifier l’origine du produit ou du service, afin de permettre ainsi au consommateur qui acquiert le produit ou le service que la marque désigne de faire, lors d’une acquisition ultérieure, le même choix si l’expérience s’avère positive ou de faire un autre choix si elle s’avère négative [arrêts du 27 février 2002, REWE-Zentral/OHMI (LITE), T‑79/00, EU:T:2002:42, point 26, et du 20 novembre 2002, Bosch/OHMI (Kit Pro et Kit Super Pro), T‑79/01 et T‑86/01, EU:T:2002:279, point 19].

22      Le caractère distinctif d’une marque doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement a été demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent [voir arrêt du 27 juin 2017, Flamagas/EUIPO – MatMind (CLIPPER), T‑580/15, non publié, EU:T:2017:433, point 68 et jurisprudence citée]. Un minimum de caractère distinctif suffit, toutefois, afin que le motif absolu de refus figurant à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 ne soit pas applicable [arrêt du 14 mars 2014, Lardini/OHMI (Apposition d’une fleur sur un col), T‑131/13, non publié, EU:T:2014:129, point 16].

23      Selon une jurisprudence constante, les critères d’appréciation du caractère distinctif des marques tridimensionnelles constituées par l’apparence du produit lui-même ne sont pas différents de ceux applicables aux autres catégories de marques [arrêt du 13 septembre 2018, Birkenstock Sales/EUIPO, C‑26/17 P, EU:C:2018:714, point 32 ; voir, également, arrêt du 29 juin 2018, hoechstmass Balzer/EUIPO (Forme d’un boîtier de mètre ruban), T‑691/17, non publié, EU:T:2018:394, point 26 et jurisprudence citée].

24      Toutefois, dans le cadre de l’application de ces critères, la perception du public pertinent n’est pas nécessairement la même dans le cas d’une marque tridimensionnelle, constituée par l’apparence du produit lui-même, que dans le cas d’une marque verbale ou figurative, qui consiste en un signe indépendant de l’apparence des produits qu’elle désigne. En effet, les consommateurs moyens n’ont pas pour habitude de présumer l’origine des produits en se fondant sur leur forme ou celle de leur emballage, en l’absence de tout élément graphique ou textuel, et il pourrait donc s’avérer plus difficile d’établir le caractère distinctif s’agissant d’une telle marque tridimensionnelle que s’agissant d’une marque verbale ou figurative (arrêt du 13 septembre 2018, Birkenstock Sales/EUIPO, C‑26/17 P, EU:C:2018:714, point 32 ; voir, également, arrêt du 29 juin 2018, Forme d’un boîtier de mètre ruban, T‑691/17, non publié, EU:T:2018:394, point 27 et jurisprudence citée).

25      Conformément à la jurisprudence, plus la forme dont l’enregistrement a été demandé en tant que marque se rapproche de la forme la plus probable que prendra le produit en cause, plus il est vraisemblable que ladite forme est dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001. Dans ces conditions, seule une marque qui, de manière significative, diverge de la norme ou des habitudes du secteur et, de ce fait, est susceptible de remplir sa fonction essentielle d’origine, n’est pas dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 (arrêts du 29 avril 2004, Henkel/OHMI, C‑456/01 P et C‑457/01 P, EU:C:2004:258, point 39, et du 13 septembre 2018, Birkenstock Sales/EUIPO, C‑26/17 P, EU:C:2018:714, point 33).

26      Il s’ensuit que, lorsqu’une marque tridimensionnelle est constituée de la forme du produit pour lequel l’enregistrement est demandé, le simple fait que cette forme soit une « variante » de l’une des formes habituelles de ce type de produits ne suffit pas à établir que ladite marque n’est pas dépourvue de caractère distinctif, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001. Il convient toujours de vérifier si une telle marque permet au consommateur moyen de ce produit, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, de distinguer, sans procéder à une analyse et sans faire preuve d’une attention particulière, le produit concerné de ceux d’autres entreprises (voir arrêt du 7 mai 2015, Voss of Norway/OHMI, C‑445/13 P, EU:C:2015:303, point 92 et jurisprudence citée ; arrêt du 29 juin 2018, Forme d’un boîtier de mètre ruban, T‑691/17, non publié, EU:T:2018:394, point 29).

27      C’est à la lumière des principes énoncés aux points 19 à 26 ci-dessus qu’il convient d’examiner si, comme le soutient la requérante, la chambre de recours a violé l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, en concluant que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif.

28      Pour les besoins du présent arrêt il convient de traiter, d’abord, le deuxième grief, puis le premier et, enfin, le troisième grief.

–       Sur le deuxième grief, tiré d’un défaut de motivation et d’une erreur d’appréciation quant à l’absence de caractère distinctif par rapport à chacun des produits et des services visés

29      La chambre de recours a indiqué, au point 7 de la décision attaquée, que les produits refusés relevant des classes 7, 11 et 21 étaient « essentiellement des machines pour la confection de boissons, des distributeurs d’eau et de boissons ainsi que des appareils pour le traitement et la filtration de l’eau ». Aux points 7 et 19 de la décision attaquée, la chambre de recours a également expliqué que le signe illustrait simplement la forme de tous ces produits ou la forme du produit pour lequel les pièces et accessoires sont conçus. Quant aux services compris dans les classes 37 et 40, la chambre de recours a estimé, au point 19 de la décision attaquée, que le signe serait aisément compris comme illustrant le type de produits pour lesquels ces services sont fournis. Enfin, la chambre de recours a conclu que, tous les produits et services en cause étant soit des robinets pour la distribution d’eau, soit étroitement liés à ces robinets, il convenait de rejeter l’argument de la requérante se rapportant à l’absence de caractère distinctif pour chacun d’entre eux.

30      La requérante reproche à la chambre de recours de ne pas avoir examiné le caractère distinctif de la marque demandée à l’égard de chacun des produits et des services visés par ladite marque, ce qui constituerait, en substance, un défaut de motivation et une erreur d’appréciation. Plus précisément, la chambre de recours se serait contentée de formuler des hypothèses générales en incluant tous les produits dans la même catégorie générale de « machines pour la confection de boissons, distributeurs d’eau et de boissons et appareils pour le traitement et la filtration de l’eau » et de conclure qu’un robinet devait en faire partie, sans, toutefois, prendre en compte le fait que les produits en cause ne sont pas de « simples » robinets intégrés à un simple distributeur de boissons.

31      L’EUIPO conteste ces arguments de la requérante.

32      À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 94, première phrase, du règlement 2017/1001, les décisions de l’EUIPO doivent être motivées. Selon la jurisprudence, cette obligation a la même portée que celle consacrée à l’article 296 TFUE, deuxième alinéa, TFUE et son objectif est de permettre, d’une part, aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et, d’autre part, au juge d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision [voir arrêt du 19 juin 2018, Karl Storz/EUIPO (3D), T‑413/17, non publié, EU:T:2018:356, point 36 et jurisprudence citée].

33      À cet égard, il convient de préciser, d’une part, que l’examen des motifs absolus de refus doit porter sur chacun des produits ou des services pour lesquels l’enregistrement de la marque est demandé et, d’autre part, que la décision par laquelle l’autorité compétente refuse l’enregistrement d’une marque doit en principe être motivée pour chacun desdits produits ou desdits services (ordonnance du 18 mars 2010, CFCMCEE/OHMI, C‑282/09 P, EU:C:2010:153, point 37, et arrêt du 17 mai 2017, EUIPO/Deluxe Entertainment Services Group, C‑437/15 P, EU:C:2017:380, point 29).

34      Lorsque le même motif de refus est opposé pour une catégorie ou un groupe de produits ou de services, la motivation peut être globale pour tous les produits ou les services concernés (arrêt du 17 mai 2017, EUIPO/Deluxe Entertainment Services Group, C‑437/15 P, EU:C:2017:380, point 30 ; voir également, en ce sens, arrêt du 19 juin 2018, 3D, T‑413/17, non publié, EU:T:2018:356, point 37).

35      Toutefois, une telle faculté ne s’étend qu’à des produits et à des services présentant entre eux un lien suffisamment direct et concret, au point qu’ils forment une catégorie ou un groupe de produits ou de services d’une homogénéité suffisante. Le seul fait que les produits ou les services concernés relèvent de la même classe au sens de l’arrangement de Nice n’est pas suffisant pour conclure à une telle homogénéité, ces classes contenant souvent une grande variété de produits ou de services qui ne présentent pas nécessairement entre eux un tel lien suffisamment direct et concret (arrêt du 17 mai 2017, EUIPO/Deluxe Entertainment Services Group, C‑437/15 P, EU:C:2017:380, point 31 ; voir également, en ce sens, arrêt du 19 juin 2018, 3D, T‑413/17, non publié, EU:T:2018:356, point 38 et jurisprudence citée).

36      Afin d’apprécier si les produits et les services visés par une demande d’enregistrement d’une marque de l’Union européenne présentent, entre eux, un lien suffisamment direct et concret et peuvent être répartis dans des catégories ou des groupes d’une homogénéité suffisante, au sens de la jurisprudence citée au point précédent, il doit être tenu compte de l’objectif de cet exercice visant à permettre et à faciliter l’appréciation in concreto de la question de savoir si la marque concernée par la demande d’enregistrement relève ou non d’un des motifs absolus de refus (arrêt du 17 mai 2017, EUIPO/Deluxe Entertainment Services Group, C‑437/15 P, EU:C:2017:380, point 32).

37      Enfin, la répartition des produits et des services en cause en un ou en plusieurs groupes ou catégories doit être effectuée notamment sur la base des caractéristiques qui leur sont communes et qui présentent une pertinence pour l’analyse de l’opposabilité, ou non, à la marque demandée pour lesdits produits et services, d’un motif absolu de refus déterminé (arrêt du 17 mai 2017, EUIPO/Deluxe Entertainment Services Group, C‑437/15 P, EU:C:2017:380, point 33).

38      En l’espèce, il convient de constater, tout d’abord, que la chambre de recours, au point 7 de la décision attaquée, a estimé que les produits refusés étaient essentiellement des machines pour la confection de boissons, des distributeurs d’eau et de boissons ainsi que des appareils pour le traitement et la filtration de l’eau, et que le signe illustrait donc la forme de ces produits.

39      Cette analyse de la chambre de recours a été reprise et élaborée aux points 18 et 19 de la décision attaquée. D’une part, s’agissant des produits compris dans les classes 7, 11 et 21, la chambre de recours a expliqué que les produits en cause étaient en rapport avec des machines pour la confection de boissons, électriques et non électriques, des appareils pour la préparation et la distribution d’eau et de boissons, pour le traitement de l’eau, pour filtrer l’eau ainsi que les pièces accessoires s’y rapportant. À cet égard, elle a, à juste titre, relevé que tous ces produits présentaient une caractéristique qui leur était commune, à savoir, la forme standard d’un « robinet distributeur d’eau et de boissons » qui correspondait soit à la forme des produits mêmes ou à la forme des produits pour lesquels les pièces et accessoires (également inclus dans les classes 7, 11, et 21) étaient conçus. D’autre part, s’agissant des services compris dans les classes 37 et 40, la chambre de recours a également établi, à juste titre, que ces services concernaient l’installation, la maintenance, la réparation et la location des produits susmentionnés, et que, s’agissant de ces services, le signe serait aisément compris comme illustrant le type de produits pour lesquels ces services sont fournis.

40      Il s’ensuit que c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que la chambre de recours a considéré, en substance, que les produits visés présentaient, entre eux, du fait de leur forme commune, qui correspondait à la forme du signe tridimensionnel demandé, un lien suffisamment direct et concret qui permettait de les répartir tous dans la même catégorie et dans un seul groupe de produits présentant une homogénéité suffisante. De même, du fait que les services en cause étaient tous intrinsèquement liés auxdits produits, ces services présentent également une caractéristique commune pertinente pour l’analyse du caractère distinctif de la marque.

41      Cette conclusion ne saurait être infirmée par les arguments de la requérante. Premièrement, certes, les produits en cause ne sont pas des simples robinets intégrés à un simple distributeur de boissons et, effectivement, certains de ces distributeurs peuvent présenter des formes différentes qui n’ont pas de points communs avec le signe en cause. Néanmoins, l’analyse de la chambre de recours s’est fondée sur la représentation graphique du produit tel qu’il figure dans la demande d’enregistrement et sur le postulat non contesté par la requérante que la combinaison d’une structure verticale et d’une tête dirigée vers le bas est courante dans tous les dispositifs utilisés pour la distribution d’eau ou d’autres liquides.

42      Deuxièmement, l’argument de la requérante, selon lequel la décision attaquée manque de cohérence, étant donné que le signe a été considéré comme distinctif pour certains produits et services (tels que les machines pour la vente de boisson et les services de location de filtres d’eau), mais non distinctif pour certains autres produits similaires (tels que les machines pour la confection de boissons et les services de location d’appareils à filtrer l’eau), ne change aucunement la constatation que les produits refusés présentaient tous une caractéristique qui leur était commune, à savoir la forme standard d’un « robinet distributeur d’eau et de boissons » qui correspondait soit à la forme des produits mêmes soit à la forme des produits pour lesquels les pièces et accessoires étaient conçus.

43      Dans ces circonstances, il y a lieu de considérer également que la chambre de recours pouvait, sans violer l’obligation de motivation qui lui incombait, après avoir effectué un examen global couvrant l’ensemble des produits et des services en cause, établir une seule conclusion, fondée sur un même motif de refus se rapportant à tous les produits et services concernés.

–       Sur le premier grief, tiré d’une erreur d’appréciation du niveau d’attention du public pertinent

44      La chambre de recours a indiqué, aux points 7 et 8 de la décision attaquée, que les produits refusés (relevant des classes 7, 11 et 21) – essentiellement des machines pour la confection de boissons, les distributeurs d’eau et les appareils pour le traitement et la filtration de l’eau – étaient destinés au grand public et qu’il en allait de même pour les différents services pour lesquels la demande d’enregistrement de la marque avait été rejetée (relevant des classes 37 et 40) qui portaient sur l’installation, la réparation, la maintenance et la location desdits produits. La chambre de recours n’a, toutefois, par pris position de manière explicite quant au niveau d’attention de ce grand public.

45      La requérante fait valoir que la chambre de recours a commis une erreur lorsqu’elle a considéré que les produits en cause s’adressaient au grand public, ce qui « signifie implicitement que le niveau d’attention est normal ». Selon la requérante, les produits en cause, qui ne sont ni des robinets d’eau ni des distributeurs de boissons « normaux », seraient principalement destinés aux consommateurs professionnels, tels que des entreprises, des restaurants, des hôtels, des salles de réception qui font preuve d’une diligence particulière notamment à l’égard des caractéristiques techniques et de l’apparence de ces produits. Si des consommateurs moyens peuvent également en faire l’acquisition pour leur usage domestique, s’agissant, notamment, de produits exceptionnels, « beaucoup plus » chers qu’un robinet normal, et revêtant une nature technique importante et dont l’apparence importe, ces consommateurs moyens feraient également preuve d’un niveau d’attention « particulièrement élevé ».

46      L’EUIPO rétorque que les produits et services visés par la marque demandée étaient destinés tant aux professionnels qu’au grand public et que, dès lors, c’était à bon droit que la chambre de recours a apprécié le niveau d’attention au regard du grand public, dont le niveau d’attention serait de moyen à élevé.

47      À titre liminaire, il convient de comprendre les « consommateurs moyens » auxquels la requérante se réfère dans ses écritures comme désignant le « grand public » visé par la chambre de recours dans la décision attaquée.

48      En premier lieu, s’agissant du public pertinent, il convient de constater que, contrairement à ce que soutient l’EUIPO, la requérante ne remet pas en cause la constatation selon laquelle le public pertinent peut également être composé du grand public. En effet, dans la requête, elle relève qu’« elle souscrit au point de vue de la chambre de recours quant au fait que le public pertinent peut également être le consommateur moyen ». Elle confirme ainsi ce qu’elle avait clairement indiqué dans le mémoire exposant les motifs du recours lors de la procédure administrative, à savoir que, « dès lors que la demande porte sur des produits compris dans les classes 7, 11 et 21, et des services relevant des classes 37 et 40, le public moyen est composé des clients de manière générale ainsi que des clients professionnels ».

49      En second lieu, s’agissant du niveau d’attention du grand public, la requérante soutient, en substance, que ce niveau d’attention serait particulièrement élevé du fait, d’une part, que les produits en cause ne sont pas des produits présents dans tous les ménages, revêtent une nature technique importante et sont, dès lors, exceptionnels et, d’autre part, que leur prix est particulièrement élevé par rapport au prix de robinets qui permettent simplement à l’eau de s’écouler sans la traiter ou l’enrichir (ci-après les « robinets normaux »).

50      En l’espèce, premièrement, il doit être précisé que, dans la décision attaquée, la chambre de recours n’a pas déterminé le degré d’attention du grand public. Or, il ressort de la requêteet du mémoire en réponseque tant la requérante que l’EUIPO s’accordent pour interpréter la décision attaquée comme retenant un niveau d’attention moyen du grand public. Dans le silence de la décision attaquée sur ce point, il y a lieu d’estimer, à l’instar des parties, que la chambre de recours a apprécié le caractère distinctif de la marque demandée du point de vue du grand public faisant preuve d’un niveau d’attention moyen [voir, en ce sens, arrêt du 10 novembre 2016, Polo Club/EUIPO – Lifestyle Equities (POLO CLUB SAINT-TROPEZ HARAS DE GASSIN), T‑67/15, non publié, EU:T:2016:657, points 28 et 29].

51      Cette interprétation ne saurait être infirmée par la circonstance que, dans le mémoire en réponse, l’EUIPO relève que la chambre de recours a apprécié le niveau d’attention au regard du grand public comme variant de « moyen à élevé ». En effet, il ne ressort ni de la décision attaquée, ni de la décision de l’examinateur que le niveau d’attention du grand public est susceptible de varier, ni a fortiori dans quelles conditions et au regard de quelles catégories de produits.

52      Deuxièmement, s’agissant de la prétendue nature exceptionnelle des produits et des services en cause, force est tout d’abord de constater, comme l’admet d’ailleurs en substance l’EUIPO, que les produits et services en cause ne sont pas des produits de consommation courante, mais des biens durables, dont l’achat n’est ni quotidien, ni nécessairement régulier [voir, en ce sens, arrêt du 20 septembre 2018, Maico Holding/EUIPO – Eico (Eico), T‑668/17, non publié, EU:T:2018:567, point 24]. En revanche, il ne saurait être déduit de la seule circonstance que les produits en cause et les services qui y sont associés ne soient pas présents dans tous les ménages que le niveau d’attention du grand public sera particulièrement élevé, comme le prétend la requérante.

53      En effet, tout d’abord, comme le fait valoir à juste titre l’EUIPO, nombreux sont les produits visés par la marque demandée qui sont relativement communs et aisément trouvables dans les supermarchés et qui ne sauraient être qualifiés d’exceptionnels. Ensuite, la requérante, bien qu’elle l’affirme, n’apporte pas la preuve que ces produits revêtiraient une dimension technique importante. De même, s’agissant de la prétendue importance de l’apparence des produits en cause, la requérante se fonde exclusivement sur des considérations susceptibles de déterminer le niveau d’attention d’un public pertinent composé de professionnels, en particulier au regard de l’exposition desdits produits dans les lieux publics, tels que des hôtels ou des restaurants. Or, ces considérations tenant à leur exposition ne pèsent à l’évidence pas autant lorsqu’il s’agit d’examiner le niveau d’attention du grand public, qui en fera un usage privé.

54      Troisièmement, s’agissant de la question de savoir si les produits en cause sont « beaucoup plus chers qu’un robinet normal », la requérante se limite à comparer les prix de deux produits similaires aux prix des robinets normaux, tels qu’ils figurent dans la décision de l’examinateur du 29 juin 2017. Or, bien qu’il soit envisageable que les produits en cause soient de manière générale plus onéreux que les robinets normaux, et que certains articles puissent être particulièrement onéreux, il y a lieu de relever, dans le même temps, la large gamme de prix des produits en cause, ainsi que la variété de circuits de commercialisation de ces derniers, en ce compris les supermarchés, de sorte que les produits en cause ne sauraient être réduits au sous-ensemble d’articles présentant un caractère exclusif mis en avant par la requérante [voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2017, N & C Franchise/EUIPO – Eschenbach Optik (OJO sunglasses), T‑792/16, non publié, EU:T:2017:908, point 26]. Au surplus, il y a lieu de noter que la requérante n’indique à aucun moment quel est le prix de ses propres produits relevant des produits visés dans sa demande d’enregistrement.

55      Eu égard à ce qui précède, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en ne retenant pas un niveau d’attention particulièrement élevé pour le public pertinent, contrairement à ce que prétend la requérante.

56      De surcroît, il y a lieu de noter que, en tout état de cause et à supposer même que le niveau d’attention du public pertinent soit particulièrement élevé, il ressort de la jurisprudence que la circonstance que le public pertinent ait un degré d’attention élevé ne confère pas automatiquement à une marque un caractère distinctif suffisant [voir, en ce sens, arrêt du 31 janvier 2017, Coesia/EUIPO (Représentation de deux courbes rouges obliques), T‑130/16, non publié, EU:T:2017:44, points 20 à 22 et jurisprudence citée]. En l’espèce, la requérante se limite à soutenir, à cet égard, que la marque en cause présente des caractéristiques spécifiques et arbitraires susceptibles de retenir l’attention du grand public ayant un niveau d’attention élevé, à savoir la forme spécifique du produit, qui rappelle la forme d’un cobra et présente une conception futuriste. Or, ainsi qu’il sera indiqué aux points 62 et 63 ci-après, une telle affirmation non étayée, en particulier quant à la façon dont cette forme se distinguerait des autres formes présentes sur le marché s’agissant des produits concernés qui ressembleraient davantage à des robinets normaux, ne saurait être retenue, d’autant plus que, ainsi que le fait valoir l’EUIPO, il ne saurait être exclu qu’un public doté d’un niveau d’attention particulièrement élevé aurait parfaitement conscience de toutes les formes innovantes utilisées pour les produits en cause, de sorte que, aux yeux de ce public, le signe en cause ne divergerait pas de manière significative de la norme du secteur (voir, à cet égard, la jurisprudence citée au point 25 ci-dessus).

–       Sur le troisième grief, tiré d’une appréciation erronée du caractère distinctif du signe tridimensionnel demandé

57      Dans le cadre du troisième grief, la requérante reproche à la chambre de recours, en substance, d’avoir conclu que le signe demandé revêtait une simple forme d’un dispositif classique utilisé pour distribuer de l’eau au motif que ses caractéristiques étaient très communes pour les appareils pour boissons usuels. Selon la requérante, ce signe serait perçu par le public pertinent comme un signe fantaisiste et distinctif grâce à ses caractéristiques spécifiques qui ne sont pas communément utilisées dans le commerce.

58      Plus précisément, selon la requérante, premièrement, le signe demandé ne combine pas une simple structure verticale avec une simple tête dirigée vers le bas, comme le font les produits présentés par l’EUIPO au titre d’exemples de produits similaires. En effet, le signe demandé présente suffisamment de caractéristiques spécifiques et arbitraires pour retenir l’attention des consommateurs moyens ayant un niveau d’attention élevé et qui seront conscients de la forme spécifique, voire futuriste, des produits en cause. À cet égard, sur la base d’une comparaison entre les produits visés par la demande et les autres produits similaires prétendument communément utilisés dans le commerce, la requérante constate que le signe en cause présente une forme différente, voire inhabituelle, pour n’importe quel robinet et en particulier pour les distributeurs de boissons.

59      Deuxièmement, la requérante fait valoir que les produits en cause sont destinés à être placés sur une table et, dès lors, que la partie supérieure du signe sera visuellement très accrocheuse. La chambre de recours aurait donc commis une erreur en soutenant qu’il était peu probable que les consommateurs verraient le dessus du signe. Par ailleurs, la partie supérieure du signe contient la structure de commande, intégrée dans une goutte fantaisiste présentant des veines horizontales et un motif particulier, ce qui ne constitue certainement pas la partie supérieure usuelle d’un robinet.

60      L’EUIPO conteste l’argumentation de la requérante.

61      En l’espèce, à la lumière de la jurisprudence citée aux points 24 à 26 ci-dessus, il convient de noter, tout d’abord, que la chambre de recours a décrit la représentation graphique de la marque demandée comme étant constituée, d’une part, d’une fine structure verticale placée sur une plateforme circulaire recouverte de lignes horizontales (les canaux de drainage) et, d’autre part, d’une tête, au sommet arrondi et à la base conique (l’élément de commande), fixée au sommet légèrement courbé de la structure. Par ailleurs, elle a, à juste titre, observé que la combinaison d’une structure verticale et d’une tête dirigée vers le bas serait courante dans un dispositif utilisé pour la distribution d’eau ou d’autres liquides (voir points 7 et 15 de la décision attaquée). En effet, il est notoire que, ainsi que l’a conclu la chambre de recours, tout robinet nécessite un élément de commande afin de distribuer l’eau ou la boisson dans le récipient et de permettre au liquide d’être déversé dans ledit récipient lors de la distribution. C’est donc sans commettre d’erreur d’appréciation que la chambre de recours a conclu que le public pertinent comprendrait facilement que le dispositif circulaire représente l’élément de commande permettant le fonctionnement du robinet et que les lignes horizontales de la plateforme représentent des petits canaux de drainage.

62      Ensuite, quant à la comparaison avec les autres produits similaires que la requérante fait valoir, il y a lieu de rappeler, tout d’abord, que, ainsi qu’il a été indiqué au point 16 ci-dessus, à l’exception des images du point 53 de la requête, les images de produits similaires présentées par la requérante dans la requête ne figurent pas dans le dossier administratif de la procédure devant l’EUIPO et, à ce titre, sont irrecevables. Partant, l’argument de la requérante selon lequel le signe se distingue des produits similaires de par sa forme ne saurait être apprécié que par rapport aux images du point 53 de la requête. Or, force est de constater que ces produits, et notamment la deuxième et troisième image du point 53, présentent des similitudes quant à leur forme. En effet, tout comme le signe demandé, ces deux produits contiennent une structure verticale ainsi qu’une tête dirigée vers le bas ce qui suggère que la forme de la marque demandée pourrait constituer une variante de l’une des formes habituelles de ce type de produits, ce qui ne diverge pas de la norme.

63      Enfin, quant à la forme prétendument fantaisiste ou futuriste, il convient d’observer, d’une part, que c’est à juste titre que la chambre de recours a estimé, ce qui d’ailleurs n’est pas contesté par la requérante, que les icônes qui sont visibles sur l’élément de commande ne sont pas discernables sur la représentation déposée, et, d’autre part, qu’il ne peut être attendu du consommateur qu’il reconnaisse que la forme de la structure verticale est censée rappeler celle d’une tige, que la tête ressemble à un cône renversé ni que la vue du dessus pourrait être perçue comme une goutte fantaisiste (voir point 16 de la décision attaquée). En effet, comme le fait valoir la chambre de recours au point 17 de la décision attaquée, les consommateurs savent certainement que tous les distributeurs d’eau et de boissons ne sont pas identiques et qu’ils peuvent être proposés dans différents modèles, couleurs et dimensions. Toutefois, ils reconnaîtront ces différents modèles comme de simples variations de la forme standard que revêtent tous les distributeurs d’eau et de boissons du même genre. En effet, conformément à la jurisprudence rappelée aux points 24 à 26 du présent arrêt, il ne suffit pas que la forme visée par la marque demandée diffère, s’agissant de certaines caractéristiques de l’esthétique du produit, d’autres robinets distributeurs d’eau disponibles sur le marché, encore faut-il que ces caractéristiques soient suffisamment marquées pour permettre aux consommateurs de distinguer le robinet proposé sous le signe envisagé de ceux d’autres entreprises sur la seule base de sa forme.

64      Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de conclure que c’est en analysant l’ensemble des éléments du signe, et sans commettre d’erreur d’appréciation, que la chambre de recours a conclu, au point 17 de la décision attaquée, que, pris dans son intégralité, le signe litigieux ne contenait aucun élément qui diverge de manière significative de la forme standard des distributeurs d’eau et de boissons.

65      C’est donc à bon droit que la chambre de recours a estimé que le signe litigieux ne pouvait pas être perçu comme distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

66      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

67      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

68      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Brita GmbH est condamnée aux dépens.

Kanninen

Schwarcz

Iliopoulos

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 19 juin 2019.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.