Language of document : ECLI:EU:T:2014:614

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

4 juillet 2014 (*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire figurative CPI COPISA INDUSTRIAL – Marque espagnole figurative antérieure Cpi construcción promociones e instalaciones, s.a. et nom commercial antérieur Construcción, Promociones e Instalaciones, S.A.-C.P.I. – Motifs relatifs de refus – Article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 4, du règlement (CE) n° 207/2009 – Absence de preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure – Absence de preuve de l’utilisation dans la vie des affaires du nom commercial antérieur »

Dans l’affaire T‑345/13,

Construcción, Promociones e Instalaciones, SA, établie à Madrid (Espagne), représentée par Mes E. Seijo Veiguela et J. L. Rivas Zurdo, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. J. Crespo Carrillo, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Copisa Proyectos y Mantenimientos Industriales, SA, établie à L’Hospitalet de Llobregat (Espagne), représentée par Me T. González Martínez, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’OHMI du 10 avril 2013 (affaire R 1935/2012-2), relative à une procédure d’opposition entre Construcción, Promociones e Instalaciones, SA, et Copisa Proyectos y Mantenimientos Industriales, SA,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de M. M. Prek (rapporteur), président, Mme I. Labucka et M. V. Kreuschitz, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 2 juillet 2013,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 25 septembre 2013,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 7 octobre 2013,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai d’un mois à compter de la signification de la clôture de la procédure écrite et ayant dès lors décidé, sur rapport du juge rapporteur et en application de l’article 135 bis du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure, 

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 15 décembre 2010, l’intervenante, Copisa Proyectos y Mantenimientos Industriales, SA, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1).

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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3        Les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 37 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Construction ».

4        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 073/2011, du 14 avril 2011.

5        Le 7 juillet 2011, la requérante, Construcción, Promociones e Instalaciones, SA, a formé opposition, au titre de l’article 41 du règlement n° 207/2009, à l’encontre de l’enregistrement de la marque demandée.

6        L’opposition était fondée sur la marque et le droit antérieur suivants :

–        la marque figurative espagnole, déposée le 21 avril 1977 et enregistrée le 3 mai 1979 sous le numéro 846263, désignant des services relevant de la classe 37 et correspondant à la description suivante : « Services de construction, édifications, résidences, conservation et entretien de ces dernières ; installations et aménagement d’édifices, salles, établissements, bureaux et logements, installations d’éclairage, de chauffage et d’assainissement », représentée ci-après :

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–        le nom commercial Construcción, Promociones e Instalaciones, S.A.-C.P.I., utilisé dans la vie des affaires en Espagne, enregistré sous le numéro 85647 pour les services de la classe 37 suivants : « Construction d’édifices et de logements, de centres commerciaux et de salles de spectacles, viabilisation de terrains et réalisation de tout type d’ouvrages, installations électriques, d’assainissement, de chauffage, de réseaux d’adduction et de distribution d’eau ainsi que tous les services auxiliaires ; revêtements de toute forme dans tout type d’ouvrages ; installations de tout type de meubles et d’éléments de décoration ; exploitation de services publics et de tout type de carrières et ateliers en rapport avec la construction ».

7        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés par l’article 8, paragraphe 1, sous b), et 8, paragraphe 4, du règlement n° 207/2009.

8        Le 2 février 2012, sur requête de l’intervenante, la requérante a été invitée par l’OHMI à apporter la preuve, conformément à l’article article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement nº 207/2009, de l’usage sérieux de la marque antérieure sur le territoire pertinent, au cours des cinq années précédant la publication de la demande de marque communautaire.

9        Aux fins de démontrer l’usage sérieux de la marque antérieure, la requérante a avancé un certain nombre de documents et a renvoyé aux documents qu’elle avait produits dans le cadre de deux autres procédures d’opposition. Pris ensemble, ces documents consistent en :

–        la copie de factures émises par la requérante entre 2006 et 2011 ;

–        des fiches de données de commandes adressées à des fournisseurs par la requérante entre 2006 et 2011 ;

–        un extrait d’un répertoire d’entreprises daté du 18 août 2008, comprenant des informations sur la requérante ;

–        des rapports relatifs aux sommes dues par la requérante à différents créanciers au titre des années 2004, 2005 et 2006 ;

–        des copies de factures adressées à la requérante entre 2002 et 2007.

10      Le 9 octobre 2012, la division d’opposition a rejeté l’opposition. En ce qui concerne le motif d’opposition tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, elle a considéré que les documents avancés par la requérante ne permettaient pas de démontrer l’usage sérieux de la marque antérieure au cours de la période pertinente. En ce qui concerne le motif d’opposition tiré de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n°207/2009, la division d’opposition a également retenu que les documents présentés dans le cadre d’une autre procédure d’opposition, auxquels la requérante a renvoyés, ne démontraient pas que le nom commercial avancé au soutien de l’opposition était utilisé dans la vie des affaires et n’avait pas qu’une portée locale à la date du dépôt de la demande de marque communautaire.

11      Le 19 octobre 2012, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009, contre la décision de la division d’opposition.

12      Par décision du 10 avril 2013 (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours.

13      En ce qui concerne le motif d’opposition tiré de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, la chambre de recours a estimé que c’était à bon droit que la division d’opposition avait conclu que la requérante n’avait pas apporté la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure. Elle a retenu que :

–         certaines des factures émises par la requérante faisaient référence à des services qui n’étaient pas ceux couverts par la requérante ou n’indiquaient pas les services concrets fournis ;

–        les rapports relatifs aux sommes et aux soldes des différents créanciers de la requérante ainsi que les copies des factures adressées à la requérante démontraient seulement l’existence d’une activité de la part de ces entreprises ;

–        l’extrait du répertoire d’entreprises était libellé en termes trop généraux pour identifier avec précision les services désignés par la marque antérieure qui relevaient de l’activité de la requérante et ne contenait aucune référence à ladite marque ;

–        ledit extrait impliquait que l’activité de la requérante était entièrement destinée au domaine interne du groupe d’entreprises auquel elle appartenait et que, partant, la marque en cause n’était pas utilisée publiquement et vers l’extérieur.

14      En ce qui concerne le motif d’opposition tiré de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 207/2009, la chambre de recours a retenu que les rapports relatifs aux sommes et soldes de différents créanciers de la requérante ne contenaient ni le nom commercial sur lequel se fondait l’opposition, ni l’indication des services fournis. Elle a également relevé que les factures des fournisseurs de la requérante ne permettaient pas de démontrer la prestation de services par cette dernière.

 Conclusions des parties

15      La requérante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        rejeter la demande de marque communautaire ;

–        condamner l’OHMI et l’intervenante aux dépens.

16      L’OHMI et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

17      La requérante avance, en substance, deux moyens contestant la légalité de la décision attaquée, tiré de la violation de l’article 42, paragraphes 2 et 3, et de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 207/2009. Dans le cadre d’un troisième moyen, elle soutient que le motif d’opposition de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, trouve à s’appliquer en l’espèce.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 207/2009

18      La requérante reproche, en substance, à la chambre de recours d’avoir conclu que la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure n’avait pas été rapportée, alors que certaines factures se référaient à des produits et à des services relevant de la classe 37. Cela serait également à tort que la chambre de recours aurait soutenu que certaines factures ne permettraient pas d’identifier clairement la nature des services, alors qu’elles se réfèreraient explicitement à des services fournis sur le « chantier », terme se référant à une activité de construction, relevant des services relevant de la classe 37. La requérante soutient également que la chambre de recours a tiré des conclusions erronées de la description figurant dans le répertoire d’entreprises. Selon elle, son appartenance à un groupe d’entreprises n’implique pas que la marque antérieure ne soit pas utilisée publiquement et vers l’extérieur. Enfin, elle rappelle que, en application de la jurisprudence, il n’est pas nécessaire que l’usage de la marque soit toujours quantitativement important pour être qualifié de sérieux, car une telle qualification dépend des caractéristiques du produit ou du service concerné sur le marché correspondant.

19      L’OHMI et l’intervenante réfutent le bien-fondé des allégations de la requérante. Ils estiment qu’un examen détaillé des éléments avancés par la requérante au cours de la procédure, ou auxquelles elle a renvoyés confirme que c’est à bon droit que la chambre de recours a conclu que la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure n’avait pas été apportée.

20      Selon une jurisprudence constante, il ressort de l’article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 207/2009, lu à la lumière du considérant 10 dudit règlement, et de la règle 22, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil sur la marque communautaire (JO L 303, p. 1), que la ratio legis de l’exigence selon laquelle la marque antérieure doit avoir fait l’objet d’un usage sérieux pour être opposable à une demande de marque communautaire consiste à limiter les conflits entre deux marques, à moins qu’il n’existe un juste motif économique à l’absence d’usage sérieux de la marque antérieure découlant d’une fonction effective de celle-ci sur le marché. En revanche, lesdites dispositions ne visent ni à évaluer la réussite commerciale ni à contrôler la stratégie économique d’une entreprise ou encore à réserver la protection des marques à leurs seules exploitations commerciales quantitativement importantes [voir arrêt du Tribunal du 12 juillet 2011, Aldi Einkauf/OHMI – Illinois Tools Works (TOP CRAFT), T‑374/08, non publié au Recueil, point 24, et la jurisprudence citée].

21      Une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle, qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et services, à l’exclusion d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 11 mars 2003, Ansul, C‑40/01, Rec. p. I‑2439, point 43). De plus, la condition relative à l’usage sérieux de la marque exige que celle-ci, telle qu’elle est protégée sur le territoire pertinent, soit utilisée publiquement et vers l’extérieur [arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, Sunrider/OHMI – Espadafor Caba (VITAFRUIT), T‑203/02, Rec. p. II‑2811, point 39 ; voir également, en ce sens et par analogie, arrêt Ansul, précité, point 37].

22      L’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque doit reposer sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de celle-ci, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par la marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché, l’étendue et la fréquence de l’usage de la marque (arrêt VITAFRUIT, point 21 supra, point 40 ; voir également, par analogie, arrêt Ansul, point 21 supra, point 43).

23      Quant à l’importance de l’usage qui a été fait de la marque antérieure, il convient de tenir compte, notamment, du volume commercial de l’ensemble des actes d’usage, d’une part, et de la durée de la période pendant laquelle des actes d’usage ont été accomplis ainsi que de la fréquence de ces actes, d’autre part [arrêts du Tribunal VITAFRUIT, point 21 supra, point 41, et du 8 juillet 2004, MFE Marienfelde/OHMI – Vétoquinol (HIPOVITON), T‑334/01, Rec. p. II‑2787, point 35].

24      Pour examiner, dans un cas d’espèce, le caractère sérieux de l’usage d’une marque antérieure, il convient de procéder à une appréciation globale en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce. Cette appréciation implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte. Ainsi, un faible volume de produits commercialisés sous ladite marque peut être compensé par une forte intensité ou une grande constance dans le temps de l’usage de cette marque et inversement (arrêts VITAFRUIT, point 21 supra, point 42, et HIPOVITON, point 23 supra, point 36).

25      Le chiffre d’affaires réalisé ainsi que la quantité de ventes de produits sous la marque antérieure ne sauraient être appréciés dans l’absolu, mais doivent l’être en rapport avec d’autres facteurs pertinents, tels que le volume de l’activité commerciale, les capacités de production ou de commercialisation ou le degré de diversification de l’entreprise exploitant la marque ainsi que les caractéristiques des produits ou des services sur le marché concerné. De ce fait, il n’est pas nécessaire que l’usage de la marque antérieure soit toujours quantitativement important pour être qualifié de sérieux (arrêts VITAFRUIT, point 21 supra, point 42, et HIPOVITON, point 23 supra, point 36). Un usage même minime peut donc être suffisant pour être qualifié de sérieux, à condition qu’il soit considéré comme justifié, dans le secteur économique concerné, pour maintenir ou créer des parts de marché pour les produits ou les services protégés par la marque. Ainsi, il n’est pas possible de fixer a priori, de façon abstraite, quel seuil quantitatif devrait être retenu pour déterminer si l’usage avait ou non un caractère sérieux, de sorte qu’une règle de minimis, qui ne permettrait pas à l’OHMI ou, sur recours, au Tribunal d’apprécier l’ensemble des circonstances du litige qui leur est soumis, ne saurait être fixée (arrêt de la Cour du 11 mai 2006, Sunrider/OHMI, C‑416/04 P, Rec. p. I‑4237, point 72).

26      L’usage sérieux d’une marque ne peut pas être démontré par des probabilités ou des présomptions, mais doit reposer sur des éléments concrets et objectifs qui prouvent une utilisation effective et suffisante de la marque sur le marché concerné [arrêts du Tribunal du 12 décembre 2002, Kabushiki Kaisha Fernandes/OHMI – Harrison (HIWATT), T‑39/01, Rec. p. II‑5233, point 47, et du 6 octobre 2004, Vitakraft-Werke Wührmann/OHMI – Krafft (VITAKRAFT), T‑356/02, Rec. p. II‑3445, point 28].

27      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner le présent moyen.

28      Ainsi qu’il a été souligné au point 9 ci-dessus, la requérante a avancé au cours de la procédure administrative un certain nombre de documents et a renvoyé aux documents qu’elle avait produits dans le cadre d’autres procédures d’opposition. Pris ensemble, ces documents sont constitués par des copies de factures émises par la requérante, des fiches de données de commandes adressées par la requérante à des fournisseurs, un extrait d’un répertoire d’entreprises, des rapports relatifs aux sommes dues par la requérante à différents créanciers, des copies de factures adressées à la requérante.

29      Après avoir analysé ces documents, la chambre de recours a, notamment, conclu au point 29 de la décision attaquée que la condition tenant à ce que la marque soit utilisée publiquement et vers l’extérieur, énoncée au point 21 ci-dessus, n’apparaissait pas remplie en l’espèce.

30      Le Tribunal estime qu’une telle conclusion pouvait légitimement être déduite de l’examen des documents avancés par la requérante.

31      Ainsi, il ressort de l’extrait du répertoire d’entreprises fourni par la requérante que son activité consiste exclusivement dans la réalisation de construction et de transformations intérieures et extérieures pour les entreprises du groupe dont la société mère est El Corte Inglés, S.A. Il est également constant que la requérante constitue une société filiale de ce groupe. Il peut légitimement en être déduit que les destinataires des services fournis sous la marque demandée sont constitués par les seules sociétés appartenant audit groupe et non par l’ensemble du public pertinent susceptible d’être intéressé par la fourniture des services visés par la marque antérieure. Cette conclusion apparait, par ailleurs, confortée par l’argumentation de la requérante selon laquelle « le fait qu’une société « travaille pour les entreprises de son groupe n’implique pas que [les droits antérieurs] ne soient pas utilisés dans la vie des affaires, attendu que pour développer ses activités, ladite société doit prendre contact avec des fournisseurs, avec l’administration […] ». Ce passage de la requête pourrait s’interpréter comme la reconnaissance par la requérante de la circonstance qu’elle fournit ses services exclusivement aux sociétés du groupe en question et non au public potentiellement intéressé par les services pour lesquels la marque a été enregistrée.

32      En outre, force est de constater que les seuls éléments susceptibles de démontrer la prestation de services afférant au secteur de la construction sont constitués par des documents n’émanant pas de la requérante, mais qui lui sont destinés. Il en est ainsi, notamment, des différentes factures ayant pour origine des entreprises tierces. Or, de telles factures – pour des montant relativement importants et comprenant une indication précise des biens et des services fournis – permettent seulement de démontrer que la requérante a acquis des biens ou des services liés à l’activité de construction, mais non qu’elle a fourni les services désignés par la marque antérieure vers l’extérieur.

33      De même, en ce qui concerne les factures ayant pour origine la requérante elle-même, ainsi que le souligne l’OHMI dans ses écritures, elles ont pour particularité d’être adressées non à des clients, mais à des fournisseurs. Par ailleurs, la plupart de ces factures se limitent à la simple mention « services fournis pour votre compte dans l’ouvrage exécuté », sans indiquer la nature des services en question, ou à la fourniture de biens ou de services n’ayant, tout au plus, qu’un caractère accessoire à l’égard des services visés par la marque antérieure (fourniture de monte-charge de façade, de panneaux mélaminés ou en formica, baraques de chantier, chariots d’élévateurs, facturation de suppléments de polices d’assurance de responsabilité civile). Il convient, dès lors, de considérer que de tels éléments ne sont pas, en eux-mêmes, aptes à démontrer l’usage de la marque antérieure pour les services qu’elle désigne, à savoir les « services de construction, édifications, résidences, conservation et entretien de ces dernières ; installations et aménagement d’édifices, salles, établissements, bureaux et logements, installations d’éclairage, de chauffage et d’assainissement ».

34      De plus, l’examen de ces factures dans le cadre de l’ensemble des documents fournis par la requérante conforte l’impression qu’elles s’inscrivaient dans les relations de la requérante avec ses fournisseurs de services mentionnés au point 33 ci-dessus et revêtaient un caractère accessoire à la prestation principale, délivrée à la requérante. Cela apparait notamment dans le montant très supérieur des factures adressées à la requérante par ses fournisseurs par rapport à celles qu’elle a émises à leur attention. En outre, il convient de relever, ainsi que le fait l’OHMI dans son mémoire en réponse, que la comparaison de ces deux catégories de factures peut faire apparaître qu’elles concernent des prestations effectuées dans le cadre des mêmes projets de construction.

35      En outre, à supposer que, comme la requérante le soutient, elle soit en contact avec des fournisseurs ou l’administration, cela ne suffirait pas à démontrer un usage public de la marque et vers l’extérieur s’agissant des services en cause. À cet égard, il convient de rappeler que l’exigence que la marque soit utilisée publiquement et vers l’extérieur tient au maintien de la raison d’être commerciale de la marque, consistant à créer ou à conserver un débouché pour les produits ou les services portant le signe qui la constitue, par rapport aux produits ou aux services provenant d’autres entreprises (arrêt Ansul, point 21 supra, point 37). Or, l’utilisation de la marque aux fins de l’acquisition de services ou de biens ou dans le cadre de relations avec les administrations compétentes ne saurait être considérée comme effectuée en vue de la création ou la conservation de débouchés à l’égard des services pour lesquels elle a été enregistrée et, partant, comme tenant au maintien de sa raison d’être commerciale.

36      Enfin, en ce qui concerne les rapports relatifs aux sommes et aux soldes des différentes créanciers de la requérante, force est de constater que ces documents ne contiennent aucune indication portant sur les prestations à l’origine des créances en cause, de nature à démontrer l’usage sérieux de la marque antérieure pour les services visés par la marque antérieure.

37      Au vu de tout ce qui précède, il convient de rejeter le premier moyen.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 207/2009

38      La requérante soutient avoir démontré à suffisance de droit, au cours de la procédure administrative, l’usage du nom commercial Construcción, Promociones e Instalaciones, S.A.-C.P.I.. Elle estime que les rapports relatifs aux sommes et soldes de ses différents créanciers ainsi que les factures des fournisseurs de la requérante sont suffisantes à cet égard.

39      L’OHMI et l’intervenante concluent au rejet de ce moyen.

40      En vertu de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 207/2009, le titulaire d’un signe autre qu’une marque peut s’opposer à l’enregistrement d’une marque communautaire si celui-ci remplit cumulativement quatre conditions : ce signe doit être utilisé dans la vie des affaires ; il doit avoir une portée qui n’est pas seulement locale ; le droit à ce signe doit avoir été acquis conformément au droit de l’État membre où le signe était utilisé avant la date de dépôt de la demande de marque communautaire ; enfin, ce signe doit reconnaître à son titulaire la faculté d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente. Ces quatre conditions limitent le nombre des signes autres que des marques qui peuvent être invoqués pour contester la validité d’une marque communautaire sur l’ensemble du territoire de l’Union, conformément à l’article 1, paragraphe 2, du règlement nº 207/2009 [arrêt du Tribunal du 24 mars 2009, Moreira da Fonseca/OHMI – General Óptica (GENERAL OPTICA), T‑318/06 à T‑321/06, Rec. p. II‑649, point 32].

41      Les deux premières conditions, c’est-à-dire celles relatives à l’usage et à la portée du signe invoqué, cette dernière ne devant pas être seulement locale, résultent du libellé même de l’article 8, paragraphe 4, du règlement nº 207/2009 et doivent donc être interprétées à la lumière du droit de l’Union. Ainsi, ledit règlement établit des standards uniformes, relatifs à l’usage des signes et à leur portée, qui sont cohérents avec les principes qui inspirent le système mis en place par ce règlement (arrêt GENERAL OPTICA, point 40 supra, point 33).

42      En ce qui concerne la condition relative à l’usage dans la vie des affaires du signe invoqué, il ressort de la jurisprudence de la Cour que l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 207/2009 ne vise pas l’utilisation « sérieuse » du signe invoqué au soutien de l’opposition et rien dans le libellé de l’article 42, paragraphes 2 et 3, dudit règlement n’indique que l’exigence de la preuve de l’usage sérieux s’applique à un tel signe (arrêt de la Cour du 29 mars 2011, Anheuser-Busch/Budějovický Budvar, C‑96/09 P, Rec. p. I‑2131, point 143). En outre, si l’exigence d’un usage sérieux était imposée aux signes visés à l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 207/2009 dans les mêmes conditions que celles énoncées à l’article 42, paragraphes 2 et 3, de ce règlement, une telle interprétation reviendrait à faire peser sur ces signes des conditions propres aux oppositions fondées sur des marques antérieures et que, à la différence de ces oppositions, dans le cadre dudit article 8, paragraphe 4, l’opposant doit également démontrer que le signe en cause lui confère le droit, selon le droit de l’État membre concerné, d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente (arrêt Anheuser-Busch/Budějovický Budvar, précité, point 145). Une application par analogie de la condition relative à l’usage sérieux prévue pour les marques antérieures aux droits antérieurs visés à l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 207/2009 se heurterait également au caractère en principe autonome de ce motif relatif de refus d’enregistrement qui se manifeste par des conditions spécifiques et qui doit également être appréhendé au regard de la grande hétérogénéité des droits antérieurs susceptibles d’être couverts par un tel motif (arrêt Anheuser-Busch/Budějovický Budvar, précité, point 146).

43      En outre, si les termes « utilisé dans la vie des affaires » figurant à l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 207/2009 ne doivent pas nécessairement recevoir la même interprétation que celle retenue dans le cadre de l’article 9, paragraphe 1, de ce règlement ou des articles 5, paragraphe 1, et 6, paragraphe 1, de la directive 2008/95/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2008, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 2008, L 299, p. 25), dès lors qu’il convient de tenir compte de la finalité respective de ces dispositions, il n’en demeure pas moins qu’une interprétation de ces termes comme signifiant, en substance, que le signe doit seulement faire l’objet d’une utilisation commerciale correspond à l’acception habituelle de ceux-ci (voir, en ce sens, arrêt Anheuser-Busch/Budějovický Budvar, point 42 supra, point 144).

44      Il s’ensuit qu’un signe est utilisé dans la vie des affaires lorsque son usage se situe dans le contexte d’une activité commerciale visant un avantage économique et non dans le domaine privé [voir arrêt du Tribunal du 14 mai 2013, Morelli/OHMI – Associazone nazionale circolo del popolo della libertà (PARTITO DELLA LIBERTA' et Partito della Libertà), T‑321/11 et T‑322/11, non publié au Recueil, point 33, et la jurisprudence citée].

45      Il résulte par ailleurs de la jurisprudence que, pour pouvoir faire obstacle à l’enregistrement d’un nouveau signe sur le fondement de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 207/2009, le signe qui est invoqué à l’appui de l’opposition doit être effectivement utilisé d’une manière suffisamment significative dans la vie des affaires et avoir une étendue géographique qui ne soit pas purement locale, ce qui implique, lorsque le territoire de protection de ce signe peut être considéré comme autre que local, que cette utilisation ait lieu sur une partie importante de ce territoire (arrêt Anheuser-Busch/Budějovický Budvar, point 42 supra, point 159).

46      Afin de déterminer si tel est le cas, il doit être tenu compte de la durée et de l’intensité de l’utilisation de ce signe en tant qu’élément distinctif pour ses destinataires que sont tant les acheteurs et les consommateurs que les fournisseurs et les concurrents (arrêt Anheuser-Busch/Budějovický Budvar, point 42 supra, point 160).

47      Enfin, il y a lieu d’appliquer à la condition de l’usage dans la vie des affaires du signe invoqué au soutien de l’opposition le même critère temporel que celui expressément prévu à l’article 8, paragraphe 4, sous a), du règlement n° 207/2009 pour ce qui concerne l’acquisition du droit audit signe, à savoir celui de la date de dépôt de la demande d’enregistrement de la marque communautaire (arrêt Anheuser-Busch/Budějovický Budvar, point 42 supra, points 166 à 168).

48      En l’espèce, il y a lieu, de manière liminaire, de souligner que la requérante, aux fins de démontrer l’usage de son nom commercial dans la vie des affaires, s’est limitée dans son écrit en date du 25 novembre 2011 à renvoyer aux documents présentés dans le cadre d’une autre procédure devant l’OHMI, exclusivement constitués, d’une part, de rapports relatifs aux sommes et aux soldes de ses différents créanciers et, d’autre part, de factures ayant pour origine les fournisseurs de la requérante.

49      Il convient, en premier lieu, de relever que c’est à juste titre que la chambre de recours a estimé au considérant 35 de la décision attaquée que, dans la mesure où figurait sur les rapports relatifs aux sommes et aux soldes de ses différents créanciers exclusivement la mention « C.P.I , S.A. construcciones », ces documents n’étaient pas aptes à démontrer l’usage dans la vie des affaires du nom commercial allégué, à savoir le nom commercial Construcción, Promociones e Instalaciones, S.A.-C.P.I.

50      S’agissant, en second lieu, des différentes factures ayant pour origine les fournisseurs de la requérante, il ressort, certes, de la jurisprudence citée au point 46 ci-dessus que de tels documents sont potentiellement pertinents aux fins d’apprécier l’usage d’un nom commercial dans la vie des affaires. Il convient, cependant, de relever que, en l’espèce, à défaut d’être associés à d’autres documents attestant de la recherche de l’obtention d’un avantage économique, notamment par la commercialisation de biens ou de services à destination d’acheteurs ou de consommateurs, ils ne sauraient suffire à démontrer l’exercice d’une activité économique par la requérante.

51      Partant, c’est sans commettre d’erreur que la chambre de recours a estimé que la condition relative à l’usage dans la vie des affaires n’était pas remplie en l’espèce. Les conditions énoncées à l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 207/2009 revêtant un caractère cumulatif, c’est à bon droit qu’elle a rejeté ce motif d’opposition.

52      Il convient dès lors de rejeter le deuxième moyen et, par voie de conséquence, le recours et cela sans qu’il soit nécessaire d’examiner la demande figurant implicitement dans la requête, visant à ce que le Tribunal réforme la décision attaquée en rejetant la demande de marque communautaire, ni d’examiner le moyen portant sur l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 aux circonstances de l’espèce, nécessairement présenté au soutien de cette demande.

 Sur les dépens

53      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.


2)      Construcción, Promociones e Instalaciones, SA, est condamnée aux dépens.

Prek

Labucka

Kreuschitz

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 4 juillet 2014.

Signatures


* Langue de procédure : l’espagnol.