Language of document : ECLI:EU:T:2020:418

DOCUMENT DE TRAVAIL


ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

23 septembre 2020 (*)

« Fonction publique – Personnel de la BCE – Aide à la transition professionnelle – Éligibilité – Sécurité juridique – Égalité de traitement – Confiance légitime – Devoir de sollicitude – Discrimination fondée sur le sexe – Proportionnalité – Responsabilité »

Dans l’affaire T‑433/18,

Annemieke Bax, demeurant à Francfort (Allemagne), représentée par Mes L. Levi et A. Champetier, avocates,

partie requérante,

contre

Banque centrale européenne (BCE), représentée par MM. F. Malfrère et D. Camilleri Podestà, en qualité d’agents, assistés de Me B. Wägenbaur, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et sur l’article 50 bis du statut de la Cour de justice de l’Union européenne  et tendant, d’une part, à l’annulation de la décision de la BCE du 14 décembre 2017 rejetant la candidature de la requérante au programme d’aide à la transition professionnelle et, pour autant que de besoin, de la décision de la BCE du 8 mai 2018 rejetant le recours spécial introduit par la requérante contre la décision susmentionnée du 14 décembre 2017 et, d’autre part, à la réparation du préjudice moral que la requérante aurait prétendument subi,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de MM. P. Nihoul, faisant fonction de président, J. Svenningsen et U. Öberg (rapporteur), juges,

greffier : M. P. Cullen, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 27 novembre 2019,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

 Cadre juridique 

1        L’article 36, intitulé « Personnel », du protocole no 4 sur les statuts du Système européen de banques centrales et de la Banque centrale européenne (ci-après les « statuts du SEBC »), annexé au traité UE et au traité FUE, dispose :

« 36.1. Le conseil des gouverneurs arrête, sur proposition du directoire, le régime applicable au personnel de la BCE.

36.2. La Cour de justice de l’Union européenne est compétente pour connaître de tout litige entre la BCE et ses agents dans les limites et selon les conditions prévues par le régime qui leur est applicable. »

2        Sur le fondement de l’article 36.1 du protocole sur les statuts du SEBC, le conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne (BCE) a adopté, par décision du 9 juin 1998, modifiée le 31 mars 1999 (JO 1999, L 125, p. 32), les conditions d’emploi du personnel de la BCE (ci-après les « conditions d’emploi »).

3        L’article 9, sous c), des conditions d’emploi prévoit ce qui suit :

« Les conditions d’emploi ne sont régies par aucun droit national spécifique. La BCE applique i) les principes généraux du droit commun aux États membres, ii) les principes généraux du droit communautaire (CE) et iii) les règles contenues dans les règlements et directives (CE) concernant la politique sociale adressés aux États membres. Chaque fois que cela est nécessaire, ces actes juridiques seront mis en œuvre par la BCE […] »

4        Sur le fondement de l’article 12.3 des statuts du SEBC, la BCE a adopté la décision BCE/2004/2, du 19 février 2004, portant adoption de son règlement intérieur (JO 2004, L 80, p. 33, ci-après le « règlement intérieur »).

5        L’article 21 du règlement intérieur dispose :

« 21.1. Les conditions d’emploi et les règles applicables au personnel déterminent les relations de travail entre la BCE et son personnel.

21.2. Sur proposition du directoire et après consultation du conseil général, le conseil des gouverneurs adopte les conditions d’emploi.

21.3. Le directoire adopte les règles applicables au personnel, qui mettent en application les conditions d’emploi […] »

6        Sur le fondement de l’article 36.1 des statuts du SEBC, le directoire de de la BCE (ci-après « le directoire ») a adopté la décision ECB/2017/NP19, du 17 mai 2017, entrée en vigueur le 1er juillet 2017, amendant les règles du personnel de la BCE en ce qui concerne le soutien à une transition volontaire pour une carrière en dehors de la BCE.

7        Par cette décision, le directoire a déterminé les conditions régissant un programme relatif à l’aide à la transition professionnelle applicable au personnel de la BCE (ci-après le « programme ATP »), y compris les conditions à remplir par les candidats afin de pouvoir bénéficier dudit programme, lesquelles étaient prévues à l’annexe V de la décision ECB/2017/NP19 (ci-après l’« annexe V »).

8        Le programme ATP remplace un précédent programme « pilote » d’aide à la transition professionnelle, mis en place par la décision BCE/2012/NP18, qui a fait l’objet d’un examen par le Tribunal dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 26 mars 2020, Teeäär/BCE (T‑547/18, EU:T:2020:119).

9        L’article 11, paragraphe e), des conditions d’emploi mentionnées au point 2 ci-dessus dispose que « [l]es contrats de travail peuvent être résiliés par consentement mutuel afin de favoriser une transition professionnelle volontaire hors de la BCE dans les conditions et suivant la procédure énoncées dans les règles applicables au personnel ».

10      L’article 3 de l’annexe V, intitulé « Conditions d’éligibilité », dispose que :

« 3.1. Les membres du personnel titulaires d’un contrat de travail à durée déterminée convertible ou d’un contrat de travail à durée indéterminée qui ont été dans la même tranche de salaire pendant au moins huit années consécutives et sont encore dans cette tranche de salaire à la date limite remplissent les conditions requises pour se porter candidats au [programme] ATP.

[…]

3.2.      Le directoire peut déroger aux conditions d’accès énoncées au paragraphe 3.1 en ce qui concerne les membres du personnel intéressés dont la participation au programme ATP est justifiée dans l’intérêt du service. »

 Cadre factuel 

11      La requérante, Mme Annemieke Bax, a été recrutée par la BCE en 1999 dans la tranche de salaire F de la structure salariale de la BCE sur la base d’un contrat à durée déterminée s’étendant du 16 juin 1999 au 15 juin 2001. Au mois de décembre 2000, ce contrat a été converti en contrat permanent dans la tranche de salaire F/G, avec effet au 1er janvier 2001.

12      La requérante a été promue temporairement dans la tranche de salaire H à deux reprises, premièrement, du 15 octobre 2009 au 15 mars 2010 (cinq mois) et, deuxièmement, du 1er mars 2013 au 31 décembre 2016 (trois ans et dix mois). Au terme de la première promotion temporaire, elle a réintégré la tranche de salaire F/G, pour la période s’étant écoulée entre le 16 mars 2010 et le 28 février 2013.

13      À compter du 1er janvier 2017, la requérante a été promue définitivement dans la tranche de salaire H.

14      Le 3 juillet 2017, la requérante a soumis, dans le délai imparti, sa candidature au programme ATP.

15      Le document SEC/EB/X/17/398a.rev-1/final, intitulé « Méthodologie générale pour la mise en œuvre pratique du programme d’aide à la transition professionnelle (Career Transition Support, CTS) » (ci-après la « méthodologie générale »), a été établi dans sa version finale le 14 décembre 2017, par le directoire, postérieurement à la décision ECB/2017/NP19, du 17 mai 2017, et une fois écoulé le délai applicable pour le dépôt des candidatures au programme ATP (du 1er juillet au 31 octobre 2017).

16      Par courrier électronique du 15 décembre 2017, la BCE a informé la requérante que, par décision du 14 décembre 2017, le directoire avait rejeté sa candidature au programme ATP (ci-après la « première décision attaquée ») aux motifs que, après considération de l’avis de son chef de secteur et de celui du secrétaire général des services, d’une part, elle ne remplissait pas la condition relative au fait d’« avoir été dans la même tranche de salaire pendant au moins huit années consécutives et être encore dans cette tranche de salaire à la date limite » et, d’autre part, elle ne remplissait pas les critères dérogatoires à ce régime.

17      Le 20 janvier 2018, la requérante a déposé une demande d’accès aux documents contenant les avis du chef de secteur et du secrétaire général des services et à tout document ayant été utilisé et faisant partie du dossier sur la base duquel le directoire avait décidé de ne pas l’admettre au programme ATP.

18      Le 4 février 2018, la requérante a introduit un recours spécial sur le fondement de l’article 8.1.6 des règles applicables au personnel de la BCE, contre la première décision attaquée complété, le 28 février suivant, par une soumission additionnelle.  Le recours spécial a été rejeté par décision du 8 mai 2018 (ci-après la « seconde décision attaquée »).

19      Le 9 février 2018, en réponse à sa demande d’accès aux documents présentée le 20 janvier 2018, la requérante a reçu la méthodologie générale et un extrait d’un tableau Excel contenant les avis du chef de secteur et du secrétaire général des services, sur la question de savoir s’il était dans l’intérêt du service d’accorder à la requérante l’accès au programme ATP. Ces deux avis étaient négatifs.

20      Parmi les trois principes généraux définis dans la méthodologie générale, le principe général no 1, intitulé « Méthodologie générale aux fins de la dérogation aux conditions d’accès dans l’intérêt du service », est relatif à l’exception prévue à l’article 3.2 de l’annexe V et décrit la notion d’« intérêt du service ». Ledit principe est libellé comme suit :

« En vertu de l’article 3.2 de [l’annexe V], les conditions d’éligibilité visées à l’article 3.1 de [l’annexe V] sont écartées dans l’intérêt du service pour les candidats au [programme ATP] qui :

a)      ont été promus ad personam ou qui ont été promus d’une tranche de salaire unique à des tranches de salaire jumelées plus larges (par exemple de E à E/F ou de F à F/G) et dont les tâches n’ont pas fortement changé ; ou

b)      satisfont à au moins trois des quatre critères suivants (ci-après les « critères dérogatoires ») :

i)       [ils] ont au moins quinze ans de service en étant titulaires d’un contrat de travail à durée déterminée convertible et/ou d’un contrat de travail à durée indéterminée. Aux fins du calcul de cette période de service, les dispositions de l’article 3.1, [sous] a) et b), s’appliquent ;

ii)       [ils] sont âgés d’au moins 50 ans au 31 octobre 2017 ;

iii)       [ils] ont une moyenne de six échelons [au titre de la révision annuelle des salaires et des primes (ASBR)] ou moins au cours des trois derniers exercices ASBR précédant le 31 octobre 2017. Dans le cas des candidats au [programme] ATP qui ne relèvent pas de la direction du directoire au 31 octobre 2017, ce critère est remplacé par l’appréciation du chef du service concerné selon lequel la participation au [programme] ATP est dans l’intérêt du service ;

iv)       [ils] sont dans une tranche de salaire I ou supérieure au 31 octobre 2017. »

21      Ainsi, suivant la méthodologie générale, une candidature n’est acceptée par la BCE que si 1) le candidat remplit la condition de principe d’avoir été huit années dans la même tranche de salaire, quelle qu’elle soit ; ou si 2a) (condition dérogatoire no 1) le candidat a été promu ad personam ou a été promu d’une tranche de salaire simple à une des tranches de salaire double et que ses tâches n’ont pas fortement changé, ou 2b) (condition dérogatoire no 2) le candidat remplit trois des quatre critères dérogatoires mentionnés au point 20 ci-dessus.

 Procédure et conclusions des parties

22      La requérante a introduit le présent recours auprès du greffe du Tribunal le 13 juillet 2018.

23      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la première décision attaquée ;

–        s’il y a lieu, annuler la seconde décision attaquée ;

–        condamner la BCE au paiement de la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice moral subi ;

–        condamner la BCE aux dépens.

24      La BCE conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur les conclusions à fin d’annulation

25      À l’appui de ses conclusions en annulation, la requérante soulève cinq moyens tirés, le premier, de la violation des principes de sécurité juridique, de transparence et de non-discrimination ; le deuxième, de l’illégalité de la décision portant adoption de la méthodologie générale au regard de la décision ECB/2017/NP19 ; le troisième, de la méconnaissance du devoir de sollicitude ; le quatrième, d’une discrimination fondée sur le sexe et, le cinquième, de la violation du principe de proportionnalité par l’utilisation de critères dérogatoires disproportionnés.

26      Le Tribunal estime qu’il convient d’analyser les moyens dans l’ordre suivant : le deuxième moyen, le quatrième moyen à l’exception de l’examen de la proportionnalité de la mesure en cause, le cinquième moyen pris conjointement avec la partie du quatrième moyen relative à la proportionnalité, le premier moyen et, enfin, le troisième moyen.

 Sur la prétendue illégalité de la méthodologie générale

27      La BCE fait valoir que le deuxième moyen est irrecevable.

28      À cet égard, il convient de considérer que la requérante n’est pas recevable à contester par voie incidente la légalité de la méthodologie générale qui lui a été communiquée le 9 février 2018 par le directoire.

29      En effet, ce document, établi dans sa version finale le même jour que celui de l’adoption de la première décision attaquée, s’apparente, par sa nature, à un simple document interne de l’organe compétent et a une portée limitée.

30      En l’espèce, la méthodologie générale a été utilisée comme outil visant à aider l’organe compétent dans la sélection et l’admission des candidatures dans la perspective d’assurer une égalité de traitement, en particulier quant à l’usage de la dérogation, relative à l’intérêt du service, prévue à l’article 3.2 de l’annexe V. Une telle démarche, en vue d’atteindre cet objectif, face à un nombre important de décisions à adopter, relève d’une bonne administration, dès lors qu’il s’agissait d’un moyen utile pour assurer une application uniforme de la notion d’intérêt du service à l’ensemble des candidats.

31      À cet égard, il convient de relever que ce document n’avait pas pour objet ou effet de lier la BCE dans les décisions individuelles que cette institution avait à prendre. En effet, un organe disposant d’une certaine marge d’appréciation ne saurait être contraint de déterminer préalablement la façon dont il va exercer cette marge d’appréciation. Il en est particulièrement ainsi s’agissant de décisions à intervenir dans le cadre de la sélection des candidatures à recevoir dans un programme de dégagement tel que l’ATP, dont la réalisation, en conformité avec les objectifs qu’il poursuit, dépend de plusieurs facteurs, parmi lesquels le nombre et le type des candidatures que suscitera ce programme auprès des membres du personnel et les limites du budget alloué, comme l’a fait valoir la BCE.

32      La méthodologie générale a, ensuite, été utilisée dans la motivation des décisions individuelles ou, en tout cas, dans la motivation de la première décision attaquée, par la mention des critères pris en compte pour l’appréciation de l’intérêt du service dans le cadre de la seconde dérogation prévue à l’article 3.2 de l’annexe V. Cette utilisation dans la motivation de la première décision attaquée est, par conséquent, uniquement pertinente dans le cadre de l’appréciation du bien-fondé de la deuxième branche du premier moyen, relative au principe de transparence, en tant que la requérante soutient que la méthodologie générale aurait dû être communiquée préalablement et telle quelle aux membres du personnel. 

33      Il convient d’observer, en outre, que la seule disposition réglementaire spécifique qui pouvait être invoquée par la requérante pour solliciter le bénéfice de mesures de dégagement et dont la légalité pourrait être contestée était la décision ECB/2017/NP19, du 17 mai 2017, entrée en vigueur le 1er juillet 2017.

34      En effet, des mesures de cessation définitive des fonctions ne trouvent pas leur origine légale dans le statut du SEBC et ne constituent pas un élément ordinaire de la carrière des personnes concernées. De telles mesures doivent au contraire être analysées comme une pratique à laquelle l’Union européenne a eu recours de façon ponctuelle dans l’intérêt du bon fonctionnement de ses institutions.

35      Il en résulte, d’une part, qu’une demande de bénéficier d’une telle mesure de dégagement suppose l’existence d’une disposition réglementaire spécifique et légale qui lui fournisse une base juridique et, d’autre part, que, même en présence d’une telle disposition, l’institution concernée n’est tenue ni de faire droit aux demandes qui lui sont présentées ni d’utiliser, même partiellement, la faculté qui lui est offerte de décider de la cessation définitive des fonctions d’une partie de ses fonctionnaires ou agents (voir, par analogie, arrêt du 5 octobre 2000, Conseil/Chvatal e.a., C‑432/98 P et C‑433/98 P, EU:C:2000:545, point 29).

36      Dans ces conditions, il convient de rejeter le deuxième moyen comme irrecevable.

 Sur la discrimination alléguée fondée sur le sexe

37      La BCE fait valoir que le quatrième moyen est irrecevable.

38      À cet égard, il convient de rappeler que, dans un souci d’économie de procédure et dans le respect du principe de bonne administration de la justice, le juge de l’Union est en droit d’apprécier, suivant les circonstances de chaque espèce, si une bonne administration de la justice justifie de rejeter au fond un moyen, sans statuer préalablement sur sa recevabilité (arrêts du 11 juillet 2014, DTS Distribuidora de Televisión Digital/Commission, T‑533/10, EU:T:2014:629, point 170, et du 14 septembre 2015, Brouillard/Cour de justice, T‑420/13, non publié, EU:T:2015:633, point 18 ; voir également, en ce sens, arrêt du 26 février 2002, Conseil/Boehringer, C‑23/00 P, EU:C:2002:118, points 51 et 52).

39      Dans les circonstances de l’espèce, le Tribunal considère qu’il y a lieu d’examiner d’emblée le bien-fondé du quatrième moyen, sans statuer préalablement sur sa recevabilité.

40      Dans le cadre de son quatrième moyen, la requérante fait valoir, en premier lieu, que la première et la seconde décisions attaquées créeraient une discrimination indirecte fondée sur le sexe et soutient, en s’appuyant sur des données statistiques, que nettement moins de femmes que d’hommes ont bénéficié du programme ATP.

41      Concernant les candidatures admises, sur un total de 217 personnes s’étant portées candidates au programme ATP, 192 personnes se seraient vues proposer de participer audit programme et 183 personnes auraient accepté l’offre. Or, il apparaîtrait que, sur les 183 candidats ayant été retenus, seuls 49 candidats auraient été des femmes, ce qui équivaudrait à un pourcentage de 27 %.

42      Concernant les candidatures refusées, 25 candidatures auraient été rejetées, dont 19 candidatures de femmes et six candidatures d’hommes, ce qui signifie que 75 % des candidatures refusées émanaient de femmes.

43      La requérante soutient que, en l’absence d’une quelconque justification objective pouvant expliquer cette différence de traitement, ladite différence constituerait une discrimination indirecte fondée sur le sexe, au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous b), de la directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil, du 5 juillet 2006, relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail (JO 2006, L 204, p. 23), proscrite par l’article 14 de ladite directive.

44      La requérante fait valoir, en second lieu, que, comme le reconnaît la BCE, la majorité des membres du personnel qui se situent dans la tranche de salaire I ou dans une tranche supérieure sont des hommes. La condition nécessitant l’appartenance à la tranche de salaire I ou à une tranche supérieure, laquelle constituait l’une des conditions à remplir pour que des membres du personnel soient acceptés dans l’« intérêt du service » à poser sa candidature au programme ATP, aurait ainsi favorisé les hommes.

45      Sans remettre en cause les allégations factuelles et statistiques de la requérante, la BCE conteste son argumentation tirée d’une discrimination fondée sur le sexe.

–       Sur le cadre juridique applicable

46      À titre liminaire, le Tribunal constate que le principe d’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et, corrélativement, l’absence de toute discrimination, directe ou indirecte, fondée sur le sexe, tels que consacrés à l’article 23, premier alinéa, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci‑après la « Charte »), font partie des droits fondamentaux dont le juge de l’Union assure le respect (voir, en ce sens, arrêt du 28 janvier 1992, Speybrouck/Parlement, T‑45/90, EU:T:1992:7, point 47).

47      Selon l’article 3, paragraphe 3, deuxième alinéa, TUE :

« [L’Union] combat l’exclusion sociale et les discriminations, et promeut la justice et la protection sociales, l’égalité entre les femmes et les hommes […] »

48      Aux termes de l’article 8 TFUE :

« Pour toutes ses actions, l’Union cherche à éliminer les inégalités, et à promouvoir l’égalité, entre les hommes et les femmes. »

49      Selon l’article 21, paragraphe 1, de la Charte :

« Est interdite toute discrimination fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, les origines ethniques ou sociales, les caractéristiques génétiques, la langue, la religion ou les convictions, les opinions politiques ou toute autre opinion, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance, un handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle. »

50      Aux termes de l’article 19, paragraphe 1, de la directive 2006/54, dès lors qu’une personne s’estime lésée par le non-respect à son égard du principe de l’égalité de traitement et établit, devant une juridiction ou toute autre instance compétente, des faits qui permettent de présumer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, il incombe à la partie défenderesse de prouver qu’il n’y a pas eu de violation du principe de l’égalité de traitement (voir, en ce sens, arrêts du 19 octobre 2017, Otero Ramos, C‑531/15, EU:C:2017:789, point 52, et du 19 septembre 2018, González Castro, C‑41/17, EU:C:2018:736, point 60).

51      Dans la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement, l’Union cherche pour toutes ses actions à éliminer les inégalités, et à promouvoir l’égalité, entre les hommes et les femmes, conformément à l’article 8 TFUE, en particulier du fait que les femmes sont souvent victimes de discriminations multiples, ainsi qu’il est rappelé au considérant 3 de la directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail (JO 2000, L 303, p. 16).

52      C’est pourquoi la règle fondamentale de la directive 2000/78, selon laquelle aucune discrimination en raison de l’un des motifs d’inégalité de traitement qu’elle prévoit ne doit se produire (article 2, paragraphe 1, lu en combinaison avec l’article 1er), doit valoir également pour les cas où une éventuelle discrimination repose sur une combinaison de plusieurs motifs.

53      Or, comme il est rappelé à l’article 9, sous c), des conditions d’emploi cité au point 3 ci-dessus, les principes généraux du droit commun aux États membres, les principes généraux du droit de l’Union et les règles contenues dans les règlements et directives concernant la politique sociale adressés aux États membres s’appliquent aux institutions de l’Union.

54      Selon une jurisprudence constante de la Cour, le principe de non-discrimination exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (arrêt du 20 juin 2019, Ustariz Aróstegui, C‑72/18, EU:C:2019:516, point 28 ; voir, également, arrêt du 19 décembre 2019, HK/Commission, C‑460/18 P, EU:C:2019:1119, point 66 et jurisprudence citée).

55      Le caractère comparable de situations différentes s’apprécie au regard de l’ensemble des éléments qui les caractérisent. Ces éléments doivent, notamment, être déterminés et appréciés à la lumière de l’objet et du but de l’acte de l’Union qui institue la distinction en cause. Doivent, en outre, être pris en considération les principes et les objectifs du domaine dont relève l’acte en cause (arrêts du 16 décembre 2008, Arcelor Atlantique et Lorraine e.a., C‑127/07, EU:C:2008:728, point 26 ; du 6 juin 2019, P. M. e.a., C‑264/18, EU:C:2019:472, point 29, et du 19 décembre 2019, HK/Commission, C‑460/18 P, EU:C:2019:1119, point 67).

56      Il convient de rappeler que l’article 2, paragraphe 1, sous b), de la directive 2006/54 dispose qu’une « discrimination indirecte » est une situation dans laquelle une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre désavantagerait particulièrement des personnes d’un sexe par rapport à des personnes de l’autre sexe, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour parvenir à ce but soient appropriés et nécessaires.

57      L’existence d’un désavantage particulier peut être établie, notamment, s’il est prouvé qu’une réglementation telle que celle en cause affecte négativement une proportion significativement plus importante de personnes d’un sexe par rapport à des personnes de l’autre sexe (voir, en ce sens, arrêt du 8 mai 2019, Villar Láiz, C‑161/18, EU:C:2019:382, point 38 et jurisprudence citée).

58      En effet, il ressort de la jurisprudence de la Cour qu’il y a discrimination indirecte en raison du sexe lorsque l’application d’une mesure, bien que formulée de façon neutre, désavantage en fait un nombre beaucoup plus élevé de travailleurs d’un sexe par rapport à l’autre (voir arrêt du 18 mars 2014, Z., C‑363/12, EU:C:2014:159, point 53 et jurisprudence citée).

59      À cet égard, la Cour a déjà jugé que, ainsi qu’il résultait également du considérant 30 de la directive 2006/54, l’appréciation des faits qui permettaient de présumer l’existence d’une discrimination indirecte appartenait à l’instance judiciaire saisie du litige et que la discrimination indirecte pouvait être établie par tous moyens, y compris sur la base de données statistiques (voir arrêt du 3 octobre 2019, Schuch-Ghannadan, C‑274/18, EU:C:2019:828, point 46 et jurisprudence citée).

60      S’agissant des données statistiques, la Cour a déjà jugé, d’une part, qu’il incombait à la juridiction saisie du litige de prendre en considération l’ensemble des travailleurs soumis à la réglementation dans laquelle la différence de traitement trouvait sa source et, d’autre part, que la meilleure méthode de comparaison consistait à comparer les proportions respectives des travailleurs qui étaient et qui n’étaient pas affectés par la règle en cause au sein de la main-d’œuvre masculine et les mêmes proportions au sein de la main-d’œuvre féminine (voir arrêt du 3 octobre 2019, Schuch-Ghannadan, C‑274/18, EU:C:2019:828, point 47 et jurisprudence citée).

61      Au cas où le Tribunal, sur le fondement des données statistiques produites et, le cas échéant, d’autres éléments de fait pertinents, parviendrait à la conclusion que la réglementation en cause désavantage particulièrement les femmes par rapport aux hommes, une telle réglementation serait contraire à la règle énoncée par l’article 2, paragraphe 1, sous b), de la directive 2006/54, à moins qu’elle ne soit objectivement justifiée par un but légitime et que les moyens pour parvenir à ce but soient appropriés et nécessaires.

62      C’est à l’aune de ces principes, dégagés de la jurisprudence de la Cour, qu’il convient d’examiner si la requérante a établi des faits qui permettaient de présumer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, auquel cas il incomberait à la BCE de prouver qu’il n’y a pas eu violation du principe de l’égalité de traitement et, notamment, que la différence de traitement dont procède éventuellement la première décision attaquée était justifiée par des facteurs objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe.

–       Sur la présomption de l’existence d’une discrimination directe ou indirecte

63      Il est constant que tant les agents masculins que les agents féminins de la BCE peuvent bénéficier des mesures de dégagement prévues par le programme ATP.

64      Toutefois, nonobstant cette apparence de neutralité, force est de constater que les critères d’éligibilité et le nombre de candidates non retenues au programme ATP semblent avoir pu conduire à ce qu’un pourcentage beaucoup plus élevé de femmes que d’hommes aient vu leurs candidatures rejetées. En effet, comme l’a fait valoir à juste titre la requérante, sur les 25 candidatures rejetées, 19 candidatures ou 75 % émanaient de femmes. Par rapport au nombre total des candidatures, environ 29 % de celles émanant de femmes et 4 % seulement de celles émanant d’hommes ont été refusées.

65      Le Tribunal constate néanmoins que la présence d’un nombre plus élevé de femmes dans la catégorie des personnes non admises à bénéficier du programme pourrait être expliquée par la présence d’un nombre plus élevé d’hommes dans le personnel de l’institution aux tranches de salaires les plus élevées. En effet, 146 hommes et 71 femmes se sont portés candidats au programme ATP, ce qui implique que le ratio candidats/candidates était approximativement de 2 pour 1 (ou 33 % de femmes pour 66 % d’hommes). Ainsi, la plus grande proportion d’hommes sélectionnés (73 %) s’explique à première vue en raison du fait que les hommes ont été plus nombreux à présenter une candidature, la différence entre ces deux derniers pourcentages n’étant pas significative.

66      Toutefois, la BCE a reconnu qu’il y avait plus d’hommes que de femmes dans la tranche I de salaire ou dans les tranches de salaire supérieures et qu’elle était consciente, en fixant les critères d’éligibilité et les critères dérogatoires du programme ATP, que plus d’hommes que de femmes seraient éligibles.

67      Dès lors, il est en l’espèce établi que le critère dérogatoire relatif à l’appartenance à la tranche de salaire I ou à une tranche de salaire supérieure, pour l’application de la notion d’intérêt du service, favorise les hommes, puisque la majorité des membres du personnel de la BCE qui se situent dans la tranche de salaire I ou dans une tranche supérieure sont des hommes.

68      En revanche, s’agissant des agents féminins de la BCE, le même critère a eu pour effet, en l’occurrence, de réduire considérablement le nombre d’entre eux étant effectivement susceptibles de bénéficier de la mesure de dégagement.

69      À cet égard, afin d’apporter un début de preuve d’une discrimination fondée sur le sexe, il n’est pas nécessaire de démontrer que les critères dérogatoires permettent d’expliquer, à eux seuls, que plus d’hommes que de femmes ont vu leur candidature sélectionnée et que plus de femmes que d’hommes ont vu leur candidature rejetée.

70      En effet, il n’est pas nécessaire d’établir un rapport direct avec le facteur générateur d’une discrimination indirecte en raison du sexe, dès lors qu’il n’est pas indispensable que les motifs de discrimination en cause soient les seuls, voire les raisons décisives, de la décision de désavantager une partie requérante. Le lien de causalité est donc présent même lorsque le motif de discrimination est l’un des facteurs multiples qui constituent la cause du traitement désavantageux. Autrement dit, la charge de la preuve qui incombe à la partie requérante ne peut être exprimée comme une nécessité que le critère de la discrimination fonde, à lui seul, un désavantage. Il suffit en effet que l’inconvénient ou le traitement désavantageux soit lié à l’un des motifs de discrimination invoqués (voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2015, CHEZ Razpredelenie Bulgaria, C‑83/14, EU:C:2015:480, point 76).

71      La requérante a ainsi établi, à suffisance de droit, par les statistiques des candidatures rejetées mentionnées aux points 42 et 65 ci-dessus et par l’application du critère d’appartenance à la tranche I de salaire la plus élevée, des faits qui permettaient de présumer l’existence d’une discrimination indirecte.

72      Conformément à l’article 19, paragraphe 1, de la directive 2006/54, lorsqu’une personne qui s’estime lésée par le non-respect du principe de l’égalité de traitement établit, devant une juridiction ou une autre instance compétente, des faits qui permettent de présumer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, il incombe à la partie défenderesse de prouver qu’il n’y a pas eu violation dudit principe.

73      Autrement dit, si le Tribunal conclut à l’existence d’une présomption de discrimination, la mise en œuvre effective du principe de l’égalité de traitement exige que la charge de la preuve pèse alors sur les parties défenderesses concernées, qui doivent prouver qu’il n’y a pas eu une violation dudit principe (voir, par analogie, arrêt du 16 juillet 2015, CHEZ Razpredelenie Bulgaria, C‑83/14, EU:C:2015:480, point 85).

–       Sur l’objectif et le caractère légitime du programme ATP

74      C’est à la BCE, en sa qualité d’auteur du régime présumé discriminatoire, qu’il incombe de prouver que les critères d’éligibilité du programme ATP et leur application concrète répondent à un objectif légitime de politique sociale, que cet objectif est étranger à toute discrimination fondée sur le sexe et qu’elle pouvait raisonnablement estimer que les moyens choisis étaient de nature à permettre la réalisation dudit objectif (voir, en ce sens, arrêt du 17 juillet 2014, Leone, C‑173/13, EU:C:2014:2090, point 74 et jurisprudence citée).

75      Le Tribunal rappelle que, comme l’a fait valoir à juste titre la BCE, l’une des conditions permettant de déroger à la condition d’accès portant sur un minimum de huit années de service dans la même tranche de salaire était de se situer dans la tranche de salaire I ou une tranche de salaire supérieure. Cette dernière condition permettait ainsi aux membres du personnel d’être admis au programme ATP dans l’intérêt du service. Ce critère, qui favorise le départ anticipé de personnes qui se trouvent à des niveaux plus élevés de la hiérarchie, est objectivement justifié en raison, notamment, de son effet positif sur les opportunités de carrière que le départ anticipé de ces personnes crée pour le personnel occupant des niveaux inférieurs dans la hiérarchie qui aspirent à gravir les échelons de l’organisation.

76      Comme l’a rappelé la BCE, dans les institutions où les hommes occupent actuellement les postes les plus élevés, des critères comme ceux édictés dans le cas d’espèce peuvent inévitablement tendre à avantager les candidats masculins. Cependant, ce fait ne peut à lui seul impliquer qu’un tel critère opère une discrimination indirecte fondée sur le sexe, car il peut y avoir une raison légitime et nécessaire de promouvoir un taux de rotation accéléré aux échelons les plus élevés de la hiérarchie d’une organisation.

77      À cet égard, les conditions d’accès au programme ATP sont ainsi déterminées par des faits objectifs. Il est dans la logique de la conception du programme ATP de chercher à accroître le taux de rotation du personnel et les opportunités de mobilité interne – tant pour les hommes que pour les femmes – et de créer une incitation au départ anticipé pour ceux qui se situent dans les tranches de salaire les plus élevées de la hiérarchie.

78      Ainsi, la différence de traitement présumée entre les agents masculins et féminins répond à un objectif légitime, justifié par des facteurs objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe.

79      La BCE pouvait donc raisonnablement estimer que les moyens choisis pour atteindre les objectifs du programme ATP étaient de nature à permettre la réalisation dudit objectif.

80      Il convient par conséquent d’examiner, conjointement avec le cinquième moyen, la question de la proportionnalité de la mesure en question.

 Sur la prétendue violation du principe de proportionnalité

81      La requérante fait notamment valoir, dans le cadre de son cinquième moyen, qu’il appartient à l’administration de démontrer que les critères dérogatoires au programme ATP, mentionnés pour la première fois dans la première décision attaquée, sont proportionnels par rapport aux objectifs définis par la décision ECB/2017/NP19, visant à favoriser le fonctionnement optimal de la BCE et la rotation accrue du personnel permanent et à encourager davantage de possibilités de mobilité interne.

82      Selon la requérante, la BCE n’a pas mené d’évaluation d’impact qui aurait permis d’établir si les critères dérogatoires étaient pertinents et proportionnels, alors même que la réunion d’au moins trois critères dérogatoires sur les quatre permettait au directoire de déroger à l’application de la condition de huit années de service ininterrompu, dans une même tranche de salaire, pour bénéficier du programme ATP.

83      La BCE conteste l’argumentation de la requérante.

84      À cet égard, il convient de vérifier si les critères dérogatoires sont susceptibles d’être justifiés par des facteurs objectifs. Il ressort de la jurisprudence de la Cour que tel est en particulier le cas si les moyens choisis répondent à un but légitime de politique sociale, sont aptes à atteindre l’objectif poursuivi par la réglementation en cause et sont nécessaires à cet effet (voir arrêts du 9 février 1999, Seymour-Smith et Perez, C‑167/97, EU:C:1999:60, point 69 et jurisprudence citée ; du 20 octobre 2011, Brachner, C‑123/10, EU:C:2011:675, point 70 et jurisprudence citée, et du 17 juillet 2014, Leone, C‑173/13, EU:C:2014:2090, point 53 et jurisprudence citée).

85      En outre, de tels moyens ne sauraient être considérés comme étant propres à garantir l’objectif invoqué que s’ils répondent véritablement au souci de l’atteindre et s’ils sont mis en œuvre de manière cohérente et systématique (arrêts du 10 mars 2009, Hartlauer, C‑169/07, EU:C:2009:141, point 55, du 21 juillet 2011, Fuchs et Köhler, C‑159/10 et C‑160/10, EU:C:2011:508, point 85, du 20 octobre 2011, Brachner, C‑123/10, EU:C:2011:675, point 71 ; voir, également, arrêt du 17 juillet 2014, Leone, C‑173/13, EU:C:2014:2090, point 54 et jurisprudence citée ; voir, également, en ce sens, arrêt du 18 novembre 2010, Georgiev, C‑250/09 et C‑268/09, EU:C:2010:699, point 56).

86      Dès lors, il convient d’identifier l’objet et l’objectif du programme ATP en vue de déterminer si, notamment, les critères dérogatoires appliqués par la BCE étaient proportionnels à cet objectif.

87      À cet égard, il convient de rappeler que le programme ATP a pour objectif de faciliter la transition professionnelle volontaire hors de la BCE, afin de promouvoir l’excellence opérationnelle de la BCE, d’augmenter le taux de rotation du personnel et de créer davantage d’opportunités de mobilité interne. L’objectif de l’instauration du programme ATP consistait à parer préventivement à plusieurs risques susceptibles de porter atteinte au bon fonctionnement de la BCE dans un avenir plus ou moins proche, en créant de façon anticipée des vacances de postes de façon à permettre le recrutement de nouvelles personnes et d’augmenter les possibilités de promotion interne pour le personnel en place. Dès lors que cette mesure correspondait à une volonté de maintenir, voire d’améliorer, le niveau de qualité des prestations fournies dans le cadre de l’accomplissement des missions de la BCE, elle était liée à l’intérêt du service.

88      Ensuite, quant à la question de savoir si le critère dérogatoire au programme ATP consistant dans le fait d’avoir un âge minimal de 50 ans à la date du 31 octobre 2017 est directement discriminatoire sur le fondement de l’âge et ne se traduit pas par une discrimination fondée sur le sexe, le Tribunal constate que, même si tel était le cas, un tel constat ne permettrait toutefois pas, à lui seul, d’entraîner l’annulation des première et seconde décisions attaquées, dès lors que la motivation de la première décision attaquée n’était pas fondée sur le fait que la requérante ne remplissait pas le critère relatif au fait d’avoir un âge minimal de 50 ans à la date du 31 octobre 2017.

89      En ce qui concerne le critère dérogatoire relatif à l’existence de quinze années de service en étant titulaire d’un contrat de travail à durée déterminée convertible ou d’un contrat de travail à durée indéterminée, il apparaît qu’il correspond à des carrières et à des parcours plus longs et plus avancés et qu’il aura pour effet d’inciter les membres du personnel disposant d’une ancienneté importante à postuler au programme ATP, ayant ainsi pour conséquence de libérer leur poste au profit d’autres membres du personnel, plus jeunes et moins avancés dans leur carrière. Le critère dérogatoire de quinze années d’exercice remplit donc l’objectif du programme ATP, notamment d’augmenter les possibilités de promotion interne.

90      De plus, le critère dérogatoire relatif à six échelons aura vocation à inciter des membres du personnel disposant d’une certaine ancienneté, et déjà avancés dans leur carrière, à postuler au programme ATP. Ce critère dérogatoire, au même titre que le critère dérogatoire de quinze années d’exercice, aura pour effet de libérer des postes occupés par des membres du personnel qui ont un niveau élevé dans la hiérarchie, au profit d’autre membres du personnel, moins avancés dans leur carrière.

91      Enfin, le critère dérogatoire de la tranche de salaire I apparaît comme étant nécessaire au regard de l’objectif poursuivi par le programme ATP, dans la mesure où la libération de postes à ce niveau ouvre aux agents qui se situent à des niveaux de salaires inférieurs la possibilité de nouvelles promotions au sein de l’institution.

92      En effet, comme le souligne à juste titre la BCE, plus le poste libéré est élevé au sein de l’organisation, plus grandes sont les retombées possibles du point de vue de la création de nouvelles possibilités de promotion à différents niveaux. Autrement dit, ainsi que la BCE l’a expliqué lors de l’audience, en libérant des postes élevés, il existe un « effet de percolation » avec la libération de postes élevés, ouvrant ainsi des opportunités de demandes en interne pour occuper ces postes.

93      En outre, même si, comme l’a remarqué à juste titre la requérante lors de l’audience, à aucun moment en cours d’instance devant le Tribunal, la BCE n’avait fait valoir que l’objectif du programme ATP serait également d’assurer un équilibre plus équitable entre les sexes, il n’en reste pas moins que l’égalité et la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes sont des objectifs centraux de l’Union qui ont un impact fondamental sur toutes les politiques et activités de l’Union. Leur inscription dans des dispositions de nature transversale, telles que l’article 2 TUE, l’article 3, paragraphe 3, deuxième alinéa, TUE et l’article 8 TFUE, le démontre.

94      À cet égard, l’interdiction de toute discrimination fondée sur le sexe n’est qu’un aspect de la politique d’égalité de l’Union. En ce qui concerne le domaine du travail et de l’emploi, le traité CEE contenait déjà, à l’article 119, une telle interdiction de discrimination adressée aux États membres en ce qui concernait la rémunération, interdiction aujourd’hui inscrite à l’article 157 TFUE. Le traité d’Amsterdam a ajouté un quatrième paragraphe à l’article 157 TFUE, qui habilite en outre les États membres à adopter des mesures de « discrimination positive ».

95      Outre l’interdiction pure et simple de discriminer, d’une part, et l’habilitation pour prévoir certains avantages, d’autre part, une garantie globale de l’égalité des chances et de l’égalité de traitement des femmes et des hommes requiert également l’intégration de considérations relatives au sexe dans tous les concepts et les mesures de l’Union.

96      Les dispositions de la Charte qui, conformément à son article 51, paragraphe 1, s’adressent aux institutions, aux organes et aux organismes de l’Union montrent également qu’une garantie globale de l’égalité des sexes inclut cette exigence.

97      Dans ces conditions, il apparaît que les critères dérogatoires au programme ATP répondent de manière proportionnée aux objectifs de ce programme.

98      Par conséquent, il convient de rejeter les quatrièmes et cinquièmes moyens, qui se recoupent en partie sur la question de la proportionnalité, comme étant non fondés.

 Sur la prétendue violation des principes de sécurité juridique, de transparence et de non-discrimination

99      La BCE fait valoir que le premier moyen est en partie irrecevable.

100    Dans les circonstances de l’espèce, le Tribunal considère que, dans un souci d’économie de la procédure, et au vu de la jurisprudence citée au point 38 ci-dessus, il y a lieu d’examiner d’emblée le bien-fondé du premier moyen, sans statuer préalablement sur sa recevabilité.

101    À l’appui de son premier moyen, la requérante fait valoir que la première décision attaquée a été prise en violation des principes de transparence, de non-discrimination et de sécurité juridique. Ces arguments étant étroitement liés, ils seront examinés conjointement.

102    La requérante estime que la BCE a violé ces principes dans la mesure où, notamment, la première décision attaquée mentionne des critères d’accès au programme ATP qui ne sont pas évoqués dans la décision ECB/2017/NP19, de telle sorte qu’elle n’a pas eu connaissance des critères qui allaient lui être appliqués au moment de sa candidature et qu’elle a reçu des informations contradictoires tout au long du processus de sélection.

103    Selon la requérante, la première décision attaquée viole le principe de transparence et d’ouverture en ce qu’elle mentionne, pour la première fois, plusieurs critères dérogatoires qui auraient été pertinents pour écarter la condition d’accès au programme prévue à l’article 3.1 de l’annexe V, mais qui n’étaient pas mentionnés à l’article 3.2 de ladite annexe. Ledit article serait, malgré le troisième considérant de la décision ECB/2017/NP19, une « disposition assez vague » qui contiendrait une liste non exhaustive de considérations définissant « l’intérêt du service ».

104    En outre, la requérante n’aurait pas eu accès à la méthodologie générale lorsqu’elle s’est portée candidate au programme ATP le 3 juillet 2017 et lorsque le directoire a adopté la première décision attaquée le 14 décembre 2017. Elle considère ainsi qu’elle n’a pas eu connaissance des critères qui allaient lui être appliqués à la date de sa candidature au programme ATP.

105    La BCE estime qu’il n’existe pas de principe général de transparence auquel elle serait soumise, ni même de principe général du droit l’obligeant à définir à l’avance et par écrit la notion d’« intérêt du service » en vertu de laquelle les critères dérogatoires à la condition générale d’accès prévue à l’article 3.1 de l’annexe V ont été définis.

106    En tout état de cause, la procédure conduisant à l’adoption de la première décision attaquée serait transparente, puisqu’elle a exposé les motifs pour lesquels le directoire n’avait pas considéré que les critères dérogatoires prévus à l’article 3.2 de la décision ECB/2017/NP19 étaient applicables au cas spécifique de la requérante.

107    Lors de l’audience, la BCE a fait valoir qu’elle n’avait pas l’obligation de publier la méthodologie générale à un certain moment dans le temps, ni même de la publier en tant que telle, dans la mesure où celle-ci détermine l’intérêt du service, ce qui est une prérogative des institutions, et que le programme ATP est un régime facultatif d’indemnités de départ. En tout état de cause, la BCE a reconnu que la méthodologie générale avait été modifiée à plusieurs reprises et que la dernière version avait été adoptée le 14 décembre 2017, qui est la date de l’adoption de la première décision attaquée. Toutefois, la méthodologie générale prise en considération lors de l’examen de la situation de la requérante serait une version antérieure de ce texte, établie par le directoire le 7 novembre 2017, envoyée au chef de secteur, et qui existait donc déjà un mois avant la date de l’adoption de la première décision attaquée.

108    Le Tribunal rappelle à cet égard que le lien d’emploi entre la BCE et ses agents est défini par les conditions d’emploi, adoptées par le conseil des gouverneurs, sur proposition du directoire, sur le fondement de l’article 36.1 des statuts du SEBC. Celles-ci disposent, à l’article 9, sous a), que « les rapports d’emploi entre la BCE et ses agents sont régis par les contrats de travail conclus en conformité avec les présentes conditions d’emploi ». L’article 10, sous a), des mêmes conditions prévoit que « les contrats de travail entre la BCE et ses agents prennent la forme de lettres d’engagement qui sont contresignées par les agents ».

109    Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence, le lien d’emploi entre la BCE et ses agents est de nature contractuelle et non pas statutaire (arrêt du 22 octobre 2002, Pflugradt/BCE, T‑178/00 et T‑341/00, EU:T:2002:253, point 49 ).

110    À cet égard, il convient de noter que l’article 36.1 des statuts du SEBC dispose que « [l]e conseil des gouverneurs arrête, sur proposition du directoire, le régime applicable au personnel de la BCE ».

111    Ce régime, défini par les conditions d’emploi et les règles applicables au personnel selon l’article 21 du règlement intérieur (voir point 5 ci-dessus), est distinct des règles applicables aux fonctionnaires et de celles applicables aux autres agents de l’Union (arrêt du 22 octobre 2002, Pflugradt/BCE, T‑178/00 et T‑341/00, EU:T:2002:253, point 48).

112    La première phase de sélection au programme ATP met en œuvre une sélection fondée sur les conditions listées à l’article 3.1 de l’annexe V et sur la dérogation de l’article 3.2 de cette même annexe.

113    En tant que tels, les critères dérogatoires à la condition d’accès figurant à l’article 3.1 de l’annexe V énoncés au point 10 ci-dessus apparaissent suffisamment prévisibles au regard des objectifs du programme ATP et ne sauraient, à ce titre, entraîner une insécurité juridique pour les candidats au programme.

114    En outre, comme le rappelle la BCE dans son mémoire en défense, le programme ATP ne porte pas atteinte à un droit existant ou à une quelconque situation juridique établie. Il donne en effet aux membres du personnel l’occasion de participer à un programme de cessation volontaire de la relation de travail.

115    En l’espèce, il ressort de l’analyse du programme ATP et de la décision ECB/2017/NP19 que ce programme repose sur une politique adoptée sur la base du volontariat.

116    Par ailleurs, il convient de constater que le considérant 3 de la décision ECB/2017/NP19 contient des indications relativement précises quant à la définition de l’« intérêt du service » établie par le directoire, puisque celui-ci établit une liste certes non exhaustive, mais suffisamment prévisible, et complète ainsi la motivation de la décision attaquée par des éléments objectifs tels que la progression antérieure de la carrière d’un membre du personnel au regard de son ancienneté au sein de la BCE, ou encore le niveau de la contribution professionnelle du membre du personnel par rapport aux titulaires de postes similaires dans le même secteur.

117    Il en découle que l’argument de la requérante, tiré du fait que le considérant 3 de la décision ECB/2017/NP19 contient le terme « notamment » et que, à ce titre, une description exhaustive de l’« intérêt du service » n’est pas établie, ne saurait prospérer, puisqu’il est sans pertinence que le directoire, expressément chargé de définir l’intérêt du service, ait pu ne pas utiliser certains critères ou ait pu en utiliser d’autres.

118    Dès lors, même si la requérante ne pouvait avoir connaissance que d’une partie de la notion d’« intérêt du service » avant le dépôt de sa candidature, il convient de constater que cette notion et les critères pertinents à ce titre n’étaient pas exhaustifs et étaient circonstanciels.

119    De plus, il convient de rappeler que la transparence et un certain degré d’ouverture du processus de sélection des candidats au programme ATP ont été assurés par la motivation de la première décision attaquée, qui, en l’espèce, expose clairement à la requérante les motifs pour lesquels le directoire n’a pas dérogé à la condition d’éligibilité visée à l’article 3.1 de la décision ECB/2017/NP19.

120    En outre, l’argument de la requérante relatif aux informations contradictoires qui lui auraient été fournies par le personnel de la BCE tout au long de la procédure de sélection doit être rejeté comme étant non fondé.

121    À cet égard, la représentante des ressources humaines a averti la requérante qu’il était impossible de garantir sa participation au programme ATP, car le directoire sélectionnait les membres du personnel intéressés auxquels il serait proposé de participer audit programme. Il ressort, en outre, de l’acte de candidature signé par la requérante que le simple dépôt de sa candidature ne lui donnait aucun droit à bénéficier du programme ATP.

122    Il résulte de l’ensemble de ces considérations que l’argument tiré d’une violation des principes de transparence et d’ouverture par la BCE doit être rejeté.

123    La requérante fait enfin valoir, que, en vertu du principe de non-discrimination, la BCE avait l’obligation d’informer à l’avance les participants des conditions et des critères utilisés dans le cadre de la procédure de sélection, notamment dans la mesure où il existait, dans ladite procédure, un régime dérogatoire au régime ordinaire. Or, le directoire aurait adopté la méthodologie générale postérieurement à la période de candidature au programme ATP. De plus, selon la requérante, alors que le chef de secteur lui aurait assuré qu’il soutiendrait sa candidature, il ressortirait des première et seconde décisions attaquées que ce soutien n’aurait pas été apporté.

124    Selon la requérante, la sélection au programme ATP serait discriminatoire et injuste. En effet, les règles de sélection au programme ATP et, en particulier, les critères propres à « l’intérêt du service » auraient évolué entre la date à laquelle elle a déposé sa candidature (3 juillet 2017) et la date d’adoption de la première décision attaquée et de la méthodologie générale (14 décembre 2017), afin de tenir compte différemment de la situation des membres du personnel en congés. En outre, il semblerait que l’avis du chef de secteur n’a pas été pris en compte alors qu’une référence à cet avis était clairement mentionnée dans les publications sur Intranet des 12 juin et 6 décembre 2017.

125    La BCE estime que la requérante s’appuie sur une compréhension faussée du principe de non-discrimination.

126    À cet égard, il convient de noter que, à supposer vraies les affirmations de la requérante, aucun des membres du personnel ayant déposé sa candidature pour le programme ATP, y compris la requérante, n’a eu accès à la méthodologie générale jusqu’à la date de la clôture de la période de candidature dudit programme. Dès lors, la requérante et l’ensemble des candidats se sont trouvés dans une situation comparable et n’ont pas été traités de manière différente.

127    Dès lors, la BCE n’a pas adopté un comportement discriminatoire à l’égard de la requérante.

128    Il s’ensuit qu’il convient de rejeter le premier moyen dans son intégralité comme non fondé.

 Sur la méconnaissance alléguée du devoir de sollicitude

129    Par son troisième moyen, la requérante soutient que le directoire aurait dû tenir compte de son intérêt personnel, dont il avait connaissance, au moment de prendre une décision définitive concernant sa participation au programme ATP. La requérante réfute l’argument de la BCE selon lequel le critère d’admission au programme ATP était uniquement l’intérêt du service.

130    En effet, préalablement au dépôt de sa candidature, la requérante aurait fait part à son chef de division et à son chef de secteur des raisons personnelles pour lesquelles elle aurait particulièrement eu besoin de bénéficier du programme ATP.

131    La BCE estime que les arguments de la requérante sont manifestement dénués de fondement.

132    Par analogie avec la situation des fonctionnaires et des agents des autres institutions, le devoir de sollicitude reflète l’équilibre des droits et des obligations réciproques que les conditions d’emploi et les règles applicables au personnel ont créés dans les relations entre l’autorité publique et les agents du service public, ce qui implique notamment que, lorsqu’elle statue à propos de la situation d’un agent, l’autorité prenne en considération l’ensemble des éléments qui sont susceptibles de déterminer sa décision et que, ce faisant, elle tienne compte non seulement de l’intérêt du service, mais aussi de celui du fonctionnaire concerné (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 28 mai 1980, Kuhner/Commission, 33/79 et 75/79, EU:C:1980:139, point 22 ; du 29 juin 1994, Klinke/Cour de justice, C‑298/93 P, EU:C:1994:273, point 38, et du 12 décembre 2000, Dejaiffe/OHMI, T‑223/99, EU:T:2000:292, point 53).

133    Cette dernière obligation est imposée à l’administration également par le principe de bonne administration consacré à l’article 41 de la Charte (voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2017, Arango Jaramillo e.a./BEI, T‑482/16 RENV, EU:T:2017:901, point 131 et jurisprudence citée).

134    Toutefois, la protection des droits et des intérêts des fonctionnaires doit toujours trouver sa limite dans le respect des normes en vigueur (voir arrêt du 5 décembre 2006, Angelidis/Parlement, T‑416/03, EU:T:2006:375, point 117 et jurisprudence citée).

135    En l’espèce, l’intérêt de la requérante se manifeste par la possibilité qu’elle puisse partir à la retraite de manière anticipée en postulant au programme ATP, ce que confirment les discussions que la requérante a eues avec son chef de division et son chef de service en décembre 2016 et en février 2017. L’intérêt de la requérante a ainsi été pris en compte.

136    En tout état de cause, d’une part, lesdites discussions ont eu lieu avant que la requérante ne se porte candidate au programme ATP et, d’autre part, ces discussions n’ont pas été menées sur la base de la décision ECB/2017/NP19, entrée en vigueur le 1er juillet 2017.

137    Enfin, il convient de rappeler que le devoir de sollicitude implique la prise en considération de l’intérêt de la personne concernée. Or, un programme tel que le programme ATP intervient exclusivement dans l’intérêt du service et les dérogations au titre de l’article 3.2 doivent elles-mêmes être motivées par l’intérêt du service.

138    Le moyen de la requérante tiré d’une éventuelle méconnaissance par la BCE du devoir de sollicitude ne saurait donc prospérer et doit être écarté.

 Sur les conclusions indemnitaires

139    La requérante demande la condamnation de la BCE à lui payer une somme estimée ex æquo et bono à un montant de 20 000 euros.

140    La BCE conclut au rejet des conclusions indemnitaires dès lors que, selon elle, les conclusions en annulation qui leur sont étroitement liées doivent également être rejetées.

141    À cet égard, il convient de rappeler que, en matière de fonction publique, les conclusions tendant à la réparation d’un préjudice matériel ou moral doivent être rejetées lorsqu’elles présentent un lien étroit avec les conclusions à fin d’annulation qui ont, elles-mêmes, été rejetées comme non fondées (voir arrêt du 19 décembre 2019, HK/Commission, C‑460/18 P, EU:C:2019:1119, point 93 et jurisprudence citée).

142    En l’espèce, il y a lieu de constater que les conclusions indemnitaires présentent un lien étroit avec les conclusions à fin d’annulation.

143    Les conclusions à fin d’annulation ayant été rejetées, les conclusions indemnitaires doivent l’être également et, partant, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

144    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Aux termes de l’article 135, paragraphe 1, du règlement de procédure, lorsque l’équité l’exige, le Tribunal peut décider qu’une partie qui succombe supporte, outre ses propres dépens, uniquement une fraction des dépens de l’autre partie, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.

145    Dans son mémoire en défense, la BCE fait valoir que, puisque la requérante ne remplissait pas les critères d’accès au programme ATP, elle n’avait aucun motif valable de contester la première décision attaquée par un recours spécial. En outre, étant donné la réponse très circonstanciée de la BCE apportée à son recours spécial, il incombait, selon elle, à la requérante de laisser les choses en l’état, au lieu d’ester en justice.

146    En l’occurrence, compte tenu du fait que le Tribunal a constaté que les critères d’éligibilité au programme ATP comportaient, à première vue, une discrimination fondée sur le sexe, il convient de condamner chaque partie à supporter ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Chaque partie est condamnée à supporter ses propres dépens.

Nihoul

Svenningsen

Öberg

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 23 septembre 2020.

Le greffier

 

Le président faisant fonction

E. Coulon



*      Langue de procédure : l’anglais.