Language of document : ECLI:EU:T:2003:39

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

26 février 2003 (*)

« Fonctionnaires - Pensions - Coefficient correcteur - Légalité de l’article 82, paragraphe 1, deuxième alinéa, du statut - Principe d’égalité de traitement - Principes de libre circulation des travailleurs et de libre établissement à l’intérieur de la Communauté »

Dans l’affaire T‑184/00,

Zissis Christou Drouvis, ancien fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Maroussi-Attikis (Grèce), représenté par MeI. Stamoulis, avocat, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. J. Currall, en qualité d’agent, assisté par M P. Anestis, avocat, ayant élu domicile à Luxembourg

partie défenderesse,

soutenue par

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mme D. Zahariou et M. A. Pilette, en qualité d’agents,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande tendant à ce que la décision de la Commission notifiée au requérant le 30 novembre 1999, portant état de liquidation de sa pension avec application du coefficient correcteur pour la Grèce, soit modifiée par application du même coefficient correcteur que celui qui affecte les pensions dont bénéficient les pensionnés résidant au Royaume-Uni ou, à titre subsidiaire, de celui appliqué aux pensionnés résidant en Belgique,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre),

composé de M. M. Vilaras, président, Mme V. Tiili et M. P. Mengozzi, juges,

greffier : Mme B. Pastor, greffier adjoint,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 13 novembre 2002,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1        En vertu de l'article 82, paragraphe 1, deuxième alinéa, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le «statut»), les pensions dont bénéficient ces fonctionnaires «sont affectées du coefficient correcteur fixé pour le pays, situé à l'intérieur des Communautés où le titulaire de la pension justifie avoir sa résidence».

2        Le coefficient correcteur affectant les pensions est celui qui, aux termes de l'article 64, premier alinéa, du statut, affecte la rémunération des fonctionnaires. Cet article stipule:

«La rémunération du fonctionnaire exprimée en euros, après déduction des retenues obligatoires visées au présent statut ou aux règlements pris pour son application, est affectée d'un coefficient correcteur supérieur, inférieur ou égal à 100 %, selon les conditions de vie aux différents lieux d'affectation».

3        Conformément aux articles 64, deuxième alinéa, 65, deuxième alinéa, et 65 bis du statut, ces coefficients sont fixés et périodiquement adaptés, en cas de variation sensible du coût de la vie, par le Conseil sur proposition de la Commission, sur la base des critères fixés à l'annexe XI du statut et des enquêtés auxquelles l’Office statistique des Communautés européennes procède conformément à cette annexe.

4        Selon l'article 83, paragraphe 2, du statut, les fonctionnaires contribuent pour un tiers au financement de leur régime de pensions. Cet article précise que «[c]ette contribution est fixée à 8,25 % du traitement de base de l'intéressé, compte non tenu des coefficients correcteurs prévus à l'article 64. Cette contribution est déduite mensuellement du traitement de l'intéressé».

 Faits et procédure

5        Le requérant, de nationalité grecque, est entré au service des Communautés européennes en tant que fonctionnaire le 16 juillet 1982. Il a été admis au bénéfice de la pension d'ancienneté à compter du 1er novembre 1999.

6        Lors de la cessation de ses fonctions, le requérant a indiqué aux services de la Commission, son institution d'appartenance, qu'il choisissait la Grèce (Athènes) comme lieu de résidence.

7        L'autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l‘«AIPN») a donc fixé le montant de sa pension, comprenant l’allocation de foyer, en faisant application du coefficient correcteur prévu à l'époque pour la Grèce (86,5 %), conformément à l'article 82 et aux annexes VIII et XI du statut ainsi qu'à la décision n° (99) 3773 du Conseil. Le montant de la pension ainsi déterminé a été communiqué au requérant le 30 novembre 1999.

8        Par lettre du 14 février 2000, enregistrée au Secrétariat général de la Commission le 16 février 2000, le requérant a introduit une réclamation au titre de l'article 90 du statut contre cette décision de l’AIPN.

9        N'ayant reçu aucune réponse à sa réclamation dans le délai de quatre mois prévu à l'article 90, paragraphe 2, deuxième alinéa, du statut, le requérant, par requête déposée au greffe du Tribunal le 13 juillet 2000, a introduit le présent recours.

10      Le 14 juillet 2000, le requérant a reçu communication de la décision de l'AIPN de ce même jour portant rejet de sa réclamation.

11      Suite au dépôt par la défenderesse du mémoire en défense, un deuxième échange de mémoire n'a pas eu lieu, le requérant ayant omis de déposer un mémoire en réplique dans le délai qui lui avait été imparti.

12      Le 23 février 2001, le Conseil a introduit une demande en intervention à l'appui des conclusions de la défenderesse.

13      Les parties principales n'ayant soulevé aucune objection sur la demande en intervention du Conseil, celui-ci a été admis à intervenir par ordonnance du président de la quatrième chambre du Tribunal du 3 avril 2001.

14      Le Conseil a déposé son mémoire en intervention le 15 mai 2001, sur lequel les parties principales ont présenté leurs observations.

15      La procédure écrite a été close le 5 juillet 2001.

16      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale et, au titre des mesures d'organisation de la procédure, a demandé à la partie défenderesse de produire certains documents. La partie défenderesse a déféré à cette demande dans le délai imparti.

 Conclusions des parties

17      Le requérant conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

–        modifier la décision de l'AIPN portant liquidation de sa pension en fixant le taux de coefficient correcteur applicable à celle-ci au même niveau que celui applicable aux personnes établies au Royaume-Uni ou, à titre subsidiaire, au niveau applicable aux personnes établies en Belgique.

18      La défenderesse conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

–        rejeter le recours;

–        condamner le requérant aux entiers dépens.

19      Le Conseil soutient les conclusions de la défenderesse.

 En droit

20      Au soutien de son recours, le requérant soulève une exception d'illégalité de l'article 82, paragraphe 1, deuxième alinéa, du statut, dont la décision attaquée fait application. Cette exception s'appuie sur deux moyens. Le premier est tiré d'une violation du principe d'égalité de traitement et le second d'une violation des principes de libre circulation et de libre établissement sur le territoire des Etats membres.

 Sur le premier moyen, tiré de l'illégalité de l'article 82, paragraphe 1, deuxième alinéa, du statut pour violation du principe d'égalité de traitement

 Arguments des parties

21      Selon le requérant, la différenciation du montant de la pension découlant de l'article 82, paragraphe 1, deuxième alinéa, du statut, fondée sur le seul critère de l'endroit où les fonctionnaires établissent leur résidence après leur départ à la retraite et des conditions de vie qui y régnent, viole le principe d'égalité de traitement, dans la mesure où une pension de montant différent est versée à des fonctionnaires qui ont fourni le même service et ont été soumis aux mêmes contributions, celles-ci étant calculées, en vertu de l’article 83, paragraphe 2, du statut, sans tenir compte des coefficients correcteurs applicables aux traitements.

22      A cet égard, il souligne, en premier lieu, que le droit du fonctionnaire à pension de vieillesse, en ce qu'il présuppose le versement d'une contribution au sens de l'article 83, paragraphe 2, du statut, constitue un droit patrimonial au sens de l'article 1er du protocole n° 1 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la «CEDH») (Cour eur. D.H., arrêt Gaygusuz c. Autriche du 16 septembre 1996, Recueil des arrêts et décisions, 1996-IV, p. 1129), dont la jouissance doit être assurée, conformément à l'article 14 de la CEDH, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. Dès lors, la différenciation de la pension en application de l'article 82, paragraphe 1, deuxième alinéa, du statut, sur la base du lieu où le bénéficiaire de la pension entend s'établir, serait contraire à l'article 14 de la CEDH combiné avec l'article 1er du protocole n° 1 à la CEDH, ces derniers articles constituant, selon le requérant, l'énonciation d'autant de principes généraux du droit communautaire aux termes de l'article 6, paragraphe 2, UE.

23      Le requérant rappelle, en deuxième lieu, que le principe d'égalité de traitement, exigeant que toutes les personnes se trouvant dans une situation identique ou analogue soient traitées de la même façon, constitue également une tradition constitutionnelle commune à tous les États membres et qu'il lie les institutions communautaires lors de l'établissement de règles de droit communautaire dérivé.

24      Le requérant est d'avis que, une fois que le juge communautaire constate qu'un acte de droit communautaire dérivé est entaché d'une violation du principe d'égalité de traitement, il doit également reconnaître aux victimes de la discrimination les mêmes droits que ceux alloués aux autres personnes se trouvant dans une situation identique ou analogue.

25      En l'espèce, il y aurait donc lieu de ramener la pension du requérant au niveau de celle des fonctionnaires retraités établis au Royaume-Uni, qui bénéficient du coefficient correcteur le plus élevé. En effet, un rétablissement de l'égalité de traitement par le versement à tous les retraités de la pension revenant aux personnes établies en Belgique, affectée d'un coefficient correcteur de 100 %, serait contraire aux droits acquis de ceux dont la pension a été liquidée et est versée à un taux supérieur à 100 %. Ce n'est donc qu'à titre subsidiaire que le requérant demande la modification de la décision attaquée par application de ce dernier taux.

26      La défenderesse conteste que l'article 82, paragraphe 1, deuxième alinéa, du statut soit contraire au principe d'égalité de traitement, en faisant valoir que l'adaptation du montant de la pension en fonction du coût de la vie dans le lieu où le pensionné a fixé sa résidence, et où il est partant censé encourir la majeure partie de ses dépenses, assure précisément l'égalité de traitement entre les titulaires de pensions en cours de liquidation.

27      Elle fait observer que le Tribunal a jugé à plusieurs reprises que le coefficient correcteur visé à cet article poursuit un but légitime, en ce qu'il vise à assurer que tous les fonctionnaires pensionnés de la même catégorie disposent du même pouvoir d'achat indépendamment du lieu qu'ils ont choisi comme lieu de résidence après la cessation de leurs fonctions (arrêts du Tribunal du 7 juillet 1998, Telchini e.a./Commission, T-l 16/96, T-212/96 et T-215/96, RecFP p. I-A-327 et 11-947, points 101 à 109, et Mongelli e.a./Commission, T-238/95 à T-242/95, RecFP p. I-A-319 et 11-925, points 41 à 43).

28      La défenderesse ajoute que la jurisprudence communautaire a précisé que l'utilisation du coefficient correcteur répond au principe d'égalité, puisqu'elle garantit le même pouvoir d'achat à tous en tenant compte des différences entre les différents lieux (arrêt de la Cour du 23 janvier 1992, Commission/Conseil, C-301/90, Rec. p. 1-221 et arrêt du Tribunal du 7 décembre 1995, Abello e.a./Commission, T-544/93 et T-566/93, RecFP p. I- A-271 et 11-815). La jurisprudence de la Cour aurait même considéré que ledit principe oblige le Conseil à fixer un coefficient correcteur s'il existe une différence du coût de la vie dans les différents lieux (arrêt de la Cour du 5 octobre 1999, Apostolidis e.a./Commission, C-327/97 P, Rec. p. 1-6709).

29      L'intervenant fait observer que le coefficient correcteur appliqué aux pensions a pour but d'assurer un pouvoir d'achat équivalent à tous les titulaires de pensions quel que soit le pays dans lequel ils doivent faire face à leurs dépenses. Il se rallie aux observations de la défenderesse selon lesquelles une jurisprudence constante du Tribunal a confirmé la légalité de l'article 82, paragraphe 1, deuxième alinéa, du statut au regard du principe d'égalité de traitement.

30      Dans ses observations sur le mémoire en intervention du Conseil, le requérant objecte que la jurisprudence de la Cour et du Tribunal invoquée par l'intervenant et par la défenderesse concerne uniquement le coefficient correcteur applicable au traitement des fonctionnaires en activité, et non pas celui applicable à leur pension de retraite. Or, le requérant allègue qu'une différence manifeste existe entre ces deux cas de figure. D'une part, contrairement au traitement versé aux fonctionnaires en activité, la pension constituerait la contrepartie des cotisations versées à l'organisme d'assurance. D'autre part, contrairement au fonctionnaire en activité, le retraité ne serait pas tenu de s'établir à un endroit déterminé.

31      II fait observer que, si pour des raisons d'égalité la pension devait garantir le même pouvoir d'achat à tous, il faudrait nécessairement que les cotisations, ayant pour contrepartie la pension escomptée, soient fixées à des montants «correspondant au pouvoir d'achat indéterminable des réserves exigées pour que l'institution d'assurance puisse financer les futures pensions de ses assurés».

32      Puisque l'article 83, paragraphe 2, du statut impose toutefois des cotisations de même valeur nominale, le principe d'égalité de traitement exige, selon le requérant, que de telles cotisations aient pour contrepartie des prestations de pension identiques.

33      Le requérant relève que, à sa connaissance, aucun autre organisme de sécurité sociale ou assureur privé n'a adopté, pour la fixation du montant des prestations qu'il est tenu de verser aux assurés, un critère fondé sur le pouvoir d'achat de la prestation au lieu d'établissement de l’assuré, s'écartant du principe de la correspondance entre cotisations perçues et prestations versées. Ainsi, dans aucun Etat membre les différences, même sensibles, du coût de la vie dans les différentes localités n'auraient conduit le législateur national à faire varier le montant des prestations sociales par l'application de coefficients correcteurs. Aucune autre organisation internationale n'aurait non plus appliqué aux pensions de son personnel retraité de tels coefficients.

34      Enfin, le requérant soutient que le système mis en place par l'article 82, paragraphe 1, deuxième alinéa, du statut est irrationnel et aboutit à des conséquences diamétralement opposées à celles qu'il vise à atteindre. En effet, d'une part, il ne tient pas compte du fait que le coût de la vie est beaucoup plus élevé dans les capitales (Athènes, Lisbonne, Madrid) de pays pour lesquels le coefficient correcteur est inférieur à 100 que dans un village reculé du Royaume-Uni ou du Danemark, pays auxquels sont associés les coefficients correcteurs les plus élevés. D'autre part, ce système se prête facilement à des contournements, les anciens fonctionnaires pouvant déclarer s'installer dans l'un de ces derniers pays alors que, en fait, ils résident ailleurs, sans que les institutions disposent de ressources suffisantes pour vérifier leur véritable lieu de résidence.

 Appréciation du Tribunal

35      A titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, afin d'assurer à tous les fonctionnaires une rémunération comportant le même pouvoir d'achat, quel que soit leur lieu d'affectation, l'article 64, premier alinéa, du statut prévoit que la rémunération du fonctionnaire exprimée en euros est affectée d'un coefficient correcteur supérieur, inférieur ou égal à 100 %, selon les conditions de vie aux différents lieux d'affectation. Sur la base des articles 64, deuxième alinéa, et 65 du statut, le coefficient correcteur est de 100 pour Bruxelles et Luxembourg et, pour les autres pays, est déterminé par le Conseil statuant sur proposition de la Commission à la majorité qualifiée (arrêt Telchini e.a./Commission, précité, point 45).

36      L'application à la rémunération de coefficients correcteurs exprimant le rapport entre le coût de la vie à Bruxelles, ville de référence, et celui des différents lieux d'affectation met donc en œuvre le principe d'équivalence de pouvoir d'achat entre les fonctionnaires, lequel implique que les droits pécuniaires des fonctionnaires et agents, procurent, à situations professionnelle et familiale équivalentes, un pouvoir d'achat identique quel que soit le lieu d'affectation (arrêt du Tribunal du 25 septembre 2002, Ajour/Commission, T-201/00 et T-384/00, non encore publié au Recueil, point 45).

37      En ce qui concerne les pensions visées aux articles 77 à 81 bis du statut, parmi lesquelles figurent les pensions d'ancienneté et d'invalidité versées aux anciens fonctionnaires, l'article 82, paragraphe 1, deuxième alinéa, du statut dispose qu'elles sont affectées du coefficient correcteur fixé pour le pays où le titulaire de la pension justifie avoir sa résidence. Même s'il ne renvoie pas expressément à l'article 64 du statut, applicable aux rémunérations des fonctionnaires, l'article 82 du statut se réfère néanmoins au coefficient correcteur fixé pour chaque pays, qui est précisément établi sur la base des critères mentionnés par cet article (arrêts du Tribunal du 14 décembre 1995, Pfloeschner/Commission, T-285/94, RecFP p. I-A-291 et 11-889, point 48, et Telchini e.a./Commission, précité, point 46).

38      Par son premier moyen, le requérant soutient en substance que la décision attaquée est illégale, dans la mesure où elle fait application du coefficient correcteur visé à l'article 82, paragraphe 1, deuxième alinéa, du statut, lequel aurait dû être écarté en l'espèce au motif de sa contrariété au principe d’égalité de traitement.

39      Selon une jurisprudence constante, le principe général d'égalité est un des principes fondamentaux du droit communautaire. Ce principe veut que les situations comparables ne soient pas traitées de manière différente, à moins qu’une différenciation ne soit objectivement justifiée (arrêts de la Cour du 19 octobrè 1977, Ruckdeschel et Hansa-Lagerhaus Strôh, 117-76 et 16-77, Rec. p. 1753, point 7, du 8 octobre 1980, Überschr, 810/79, Rec. p. 2747, point 16, et du 16 octobre 1980, Hochstrass/Cour de justice, 147/79, Rec. p. 3005, point 7; arrêt du Tribunal du 26 septembre 1990, Beltrante e.a./Conseil, T- 48/89, Rec. p. 11-493, point 34). Il exige, à l’évidence, que des agents placés dans des situations identiques soient régis par les mêmes règles, mais il n’interdit pas au législateur communautaire de tenir compte des différences objectives de conditions ou de situations dans lesquelles se trouvent placés les intéressés (arrêt Hochstrass/Cour de justice, précité, point 7).

40      II ressort ainsi de la jurisprudence qu’il y a violation du principe d'égalité lorsque deux catégories de personnes, dont les situations factuelle et juridique ne présentent pas de différences essentielles, se voient appliquer un traitement différent ou lorsque des situations différentes sont traitées de manière identique (arrêt du Tribunal du 15 mars 1994, La Pietra/Commission, T-100/92, RecFP p. 11-275, point 50, et du 16 avril 1997, Kuchlenz-Winter/Commission, T-66/95, RecFP p. I-A-79 et 11-235, point 55).

41      Dans une matière qui relève de l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire, le principe d'égalité de traitement est méconnu lorsque l'institution concernée procède à une différenciation arbitraire ou manifestement inadéquate par rapport à l'objectif de la réglementation en cause (arrêts du Tribunal du 30 septembre 1998, Chvatal e.a./Cour de justice, T-154/96, RecFP p. I-A-527 et 11-1579, point 126, et Losch/Cour de justice, T-13/97, RecFP p. I-A-543 et 11-1633, point 113, annulés sur d'autres points par l'arrêt de la Cour du 5 octobre 2000, Conseil/Chvatal e.a., C-432/98 P et C-433/98 P, Rec. p.I- 8535).

42      En l'espèce, il convient tout d'abord de rappeler, ainsi que la Commission l'a fait au cours de l'audience, qu'une distinction nette doit être faite entre la fixation du droit à pension et le paiement des prestations (voir arrêts de la Cour du 11 mars 1982, Grogan/Commission, 127/80, Rec. p. 869, point 14, De Pascale/Commission, 164/80, Rec. p. 909, point 16, et Curtis/Parlement, 167/80, Rec. p. 931, point 16). Les arguments avancés par le requérant partent de l'idée que son droit à pension, au sens du statut, aurait subi une diminution au motif qu'il a choisi la Grèce comme pays de résidence pour la période de sa retraite.

43      Or, le fait que le requérant reçoive au titre de sa pension un montant inférieur à celui qu'obtient à ce même titre un collègue ayant effectué un service équivalent mais résidant, pendant sa retraite, au Royaume-Uni ou en Belgique résulte du jeu des coefficients correcteurs, lesquels, bien qu'affectant le paiement des prestations, ne portent pour autant pas atteinte au droit à pension du requérant, tel qu'il a été établi en application du chapitre 2 de l'annexe VII du statut et tel qu'il continue de servir de base au calcul des montants effectivement payés des prestations (voir arrêts Grogan/Commission, précité, point 15, De Pascale/Commission, précité, point 17, et Curtis/Parlement, précité, point 17).

44      En substance, par la fixation du droit à pension, l'ancien fonctionnaire se voit liquider un montant nominal qui correspond, par rapport au coût de la vie à Bruxelles et au Luxembourg au moment de la cessation de ses fonctions, à un pouvoir d'achat, et donc à un niveau de vie, déterminé. Ce pouvoir d'achat est nécessairement le même pour des fonctionnaires se trouvant dans des situations professionnelle et familiale identiques.

45      Ce n'est que dans la phase du paiement de la pension que des ajustements sont apportés, précisément moyennant l'application des coefficients correcteurs au montant nominal résultant de la fixation du droit à pension, conformément à l'article 82, paragraphe 1, deuxième alinéa, du statut, afin d'assurer que ledit pouvoir d'achat reste le même quel que soit le lieu où le fonctionnaire retraité choisit de s'établir.

46      II y a lieu, en effet, d'observer que, dans les faits, des différences significatives ont existé et existent dans le coût de la vie entre les Etats membres, lesquelles sont relevées périodiquement selon les modalités prévues par l'article 65 et l'annexe XI du statut et reflétées par les coefficients correcteurs fixés et adaptés par le Conseil.

47      Or, l'écart dans les conditions de vie existant dans les différents pays à l'intérieur de la Communauté constitue un élément objectif qui entraîne une différence essentielle dans la situation des anciens fonctionnaires ayant effectué pour les Communautés un service équivalent à tous égards (grade, ancienneté, etc.) et qui, contrairement à ce que prétend le requérant, justifie la différence de traitement découlant pour ceux-ci, lors du paiement des prestations, de l'application des coefficients correcteurs en cause au montant nominal de leur pension de retraite.

48      À cet égard, ainsi que la défenderesse et l'intervenant le rappellent à juste titre, le Tribunal a déjà jugé que le principe d'égalité de traitement est garanti à l'égard des titulaires de pension en ce sens que les coefficients correcteurs applicables visent à assurer à tous les anciens fonctionnaires des prestations comportant le même pouvoir d'achat, quel que soit le lieu de leur résidence. À cette fin, l'article 82, paragraphe 1, deuxième alinéa, du statut requiert que les pensions soient affectées du coefficient correcteur fixé pour le pays où le titulaire de la pension justifie avoir sa résidence (arrêts Telchini e.a./Commission, précité, point 101, et Mongelli e.a./Commission, précité, point 41).

49      Le Tribunal a souligné que le choix du pays de résidence comme critère de référence aux fins de l'évaluation des conditions de vie et du pouvoir d'achat des titulaires de pension est justifié par le fait que la notion de résidence, au sens de l'article 82 du statut, doit être comprise comme le lieu où l'ancien fonctionnaire a effectivement établi le centre de ses intérêts et, donc, comme le lieu où il est censé exposer ses dépenses (arrêt Telchini e.a., précité, point 108).

50      Par ailleurs, la Cour elle-même, s’agissant de la rémunération des fonctionnaires, a précisé par une jurisprudence constante que le principe d'égalité de traitement est à la base des articles 64 et 65 du statut (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 28 juin 1988, Commission/Conseil, 7/87, Rec. p. 3401, points 25 et 26, et du 23 janvier 1992, Commission/Conseil, précité, points 15, 22 et 29). La finalité de ces dispositions, en effet, est de garantir le maintien d'un pouvoir d'achat équivalent pour tous les fonctionnaires quel que soit leur lieu d'affectation, conformément au principe d’égalité de traitement (arrêts de la Cour du 6 octobre 1982, Commission/Conseil, 59/81, Rec. p. 3329, point 33, du 23 janvier 1992, Commission/Conseil, précité, point 22, et Apostolidis e.a./Commission, précité, point 19; arrêt du Tribunal Abello e.a./Commission, précité, points 40 et 54).

51      Or, le requérant n’a pas apporté d'éléments susceptibles de remettre en cause ces appréciations et de démontrer que les auteurs du statut ont procédé à une différenciation arbitraire ou manifestement inadéquate par rapport à l'objectif qu'ils ont poursuivi, dans l'exercice de leur pouvoir discrétionnaire, par les dispositions combinées de l'article 82, paragraphe 1, deuxième alinéa, et des articles 64 et 65 du statut.

52      A cet égard, l'argumentation du requérant, tirée de ce que, conformément à l'article 83, paragraphe 2, du statut, il n'est pas tenu compte des coefficients correcteurs prévus à l'article 64 du statut lors du calcul de la contribution du fonctionnaire en service au régime de pension, ne saurait aboutir.

53      En effet, la circonstance que des anciens fonctionnaires aient effectué un service équivalent à tous égards et qu'ils aient subi, pendant la période de service, des retenues de montants identiques sur leur rémunération, au titre de contribution au régime de pension, n'implique pas nécessairement, au regard du principe d'égalité de traitement, qu'ils doivent se voir verser, lors du paiement des prestations, des montants identiques, aussi longtemps que subsiste la différence objective et essentielle que crée dans leur situation l'écart dans les conditions de vie existant aux différents lieux de résidence.

54      II convient d'ajouter que c'est précisément le fait que la contribution au régime de pension soit calculée sur la rémunération avant application du coefficient correcteur (voir, outre l'article 83, paragraphe 2, du statut, l'article 64, premier alinéa, du statut) qui assure l'équivalence du pouvoir d'achat de tous les fonctionnaires en service dont les situations professionnelles et familiales sont équivalentes.

55      Or, ce qui importe est que le système en cause prélève de tels fonctionnaires des contributions d'un même montant, n'affectant pas pour autant l'équivalence du pouvoir d'achat de leurs rémunérations, pour ensuite attribuer à ceux-ci, après la cessation de leurs fonctions, une pension conférant un même pouvoir d'achat, indépendamment du lieu de résidence.

56      S'agissant, en outre, de l'allégation du requérant selon laquelle la correction du montant de la pension de retraite en fonction du coût de la vie au lieu de résidence du bénéficiaire est inconnue des systèmes de sécurité sociale des Etats membres et des autres organisations internationales, ainsi que de l'assurance vie dans le secteur privé, à la supposer établie, elle est dépourvue de pertinence aux fins de l'appréciation, dans le contexte de l'ordre juridique communautaire, de la compatibilité de la disposition contestée avec le principe d'égalité de traitement. La fonction publique européenne présente d'ailleurs des caractéristiques propres - comme la nécessité de recruter le personnel dans tous les Etats membres et la condition d'expatriation de la plupart de ce personnel - qu'il était parfaitement loisible au législateur communautaire de prendre en compte lors de l'aménagement du régime de pension communautaire, afin précisément d'en assurer la conformité avec le principe d'égalité de traitement.

57      Par ailleurs, au vu de la marge d'appréciation qu'il faut reconnaître à tout législateur dans l'aménagement d'un système de sécurité sociale, il ne saurait être inféré de la conformité au principe fondamental d'égalité de traitement du mécanisme visé à l'article 82, paragraphe 1, deuxième alinéa, du statut, caractérisant le régime de pension communautaire, que tout autre système de sécurité sociale n'adoptant pas un tel mécanisme soit de ce fait incompatible avec ce même principe.

58      Sont, enfin, également dépourvus de pertinence les arguments du requérant, avancés lors de l'audience, selon lesquels le système mis en place par l'article 82, paragraphe 1, deuxième alinéa, du statut est irrationnel et aboutit à des conséquences diamétralement opposées à celles qu'il vise à atteindre.

59      Premièrement, quant au fait que le coût de la vie puisse être plus élevé dans des villes comme Athènes, Lisbonne ou Madrid que dans un village reculé du Royaume-Uni ou du Danemark, il y a lieu de relever que, dans la mesure où par cet argument le requérant vise la fixation du coefficient correcteur d'un Etat membre par rapport au coût de la vie dans la capitale, ce même argument ne saurait venir à l'appui de l'exception d'illégalité de l'article 82, paragraphe 1, deuxième alinéa, du statut. En effet, un tel critère de fixation des coefficients correcteurs ne résulte que de l'article 1er, paragraphe 3, sous a), de l'annexe XI du statut, dont le requérant n'a pas, par ailleurs, invoqué l’illégalité.

60      Dans la mesure où ledit argument vise le principe même de la fixation d'un coefficient correcteur unique par pays, alors que le coût de la vie peut varier au sein d'un même pays, il convient d'observer que l'on ne saurait prétendre que les institutions procèdent à relever le coût de la vie et ses variations dans toutes les localités de la Communauté où les anciens fonctionnaires sont susceptibles de fixer leur résidence. Un tel système, quoique abstraitement souhaitable, n'est, de toute évidence, pas viable. En revanche, un système fondé, en principe, sur l'application aux pensions d'un seul coefficient correcteur par pays ne saurait en tant que tel être qualifié de manifestement arbitraire ou inadéquat par rapport à l'objectif de la réglementation en cause, à savoir celui d'assurer l'égalité de traitement entre anciens fonctionnaires. En effet, un coefficient unique fixé selon des critères qui en garantissent la représentativité peut constituer un indicateur approprié pour refléter, de façon nécessairement approximative, le coût de la vie à l'intérieur d'un pays et, partant, servir convenablement ledit objectif.

61      Deuxièmement, puisque, conformément à la disposition litigieuse, il incombe au titulaire de la pension de justifier la résidence déclarée, l'institution compétente, en appréciant les preuves apportées à cet égard et, en procédant, le cas échéant, à des contrôles, est à même d'éviter les abus et d'assurer l'application correcte et uniforme de ladite disposition, laquelle, par ailleurs, ne saurait aucunement être qualifiée d'illégale du seul fait des risques de contournement auxquels prétendument elle se prête.

62      Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que l'examen des arguments avancés par le requérant n’a pas révélé d'éléments susceptibles de montrer que l'article 82, paragraphe 1, deuxième alinéa, du statut, en ce qu'il prévoit l'application de coefficients correcteurs adaptant le montant des prestations versées au titre de pension aux conditions de vie existant dans le pays de résidence de l'ancien fonctionnaire, comporte une différenciation arbitraire ou manifestement inadéquate par rapport à l'objectif poursuivi. Par conséquent, l'exception d'illégalité dudit article, pour autant qu'elle est fondée sur la prétendue violation du principe d'égalité de traitement, doit être rejetée.

 Sur le deuxième moyen, tiré de l'illégalité de l'article 82, paragraphe 1, deuxième alinéa, du statut pour violation des principes de libre circulation et de libre établissement sur le territoire des Etats membres

 Arguments des parties

63      Selon le requérant, l'article 42 CE, obligeant le Conseil, dans le domaine de la sécurité sociale, à prendre les mesures nécessaires pour l'établissement de la libre circulation des travailleurs, et l'article 43 CE, interdisant les restrictions à la liberté d'établissement des ressortissants d'un État membre dans lé territoire d'un autre État membre, font obstacle à l'adoption de règles qui, fut-ce indirectement, comportent des incitations contraires à la libre circulation ou au libre choix du lieu d'établissement des citoyens européens au sein de la Communauté.

64      Or, l'application du coefficient correcteur aux pensions des fonctionnaires, en ce qu'elle comporte des variations importantes et substantielles du montant de la pension en fonction du lieu de résidence du fonctionnaire retraité, constituerait une incitation indirecte pour que celui-ci s'établisse dans le pays où le coefficient correcteur est le plus élevé.

65      Au cours de l'audience, le requérant a invoqué à l'appui de son argumentation les arrêts de la Cour du 15 janvier 1986, Pinna, 41/84, Rec. p. 1, du 24 février 1987, Giletti, 379, 380, 381/85 et 93/86, Rec. p. 955 et du 12 juillet 1990, Commission/France, C-236/88, Rec. p. 1-3163. En particulier, il a rappelé que, dans l'arrêt Commission/France, précité, s'appuyant sur l'arrêt Giletti, précité, la Cour a affirmé l'incompatibilité avec l'article 10 du règlement n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociales aux travailleurs salariés et à leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté (JO L 149, p. 2), d'une réglementation d'un État membre ne réservant qu'aux intéressés résidant sur le territoire de cet État l'octroi ou le maintien d'une allocation supplémentaire versée par un fonds national de solidarité et visant à assurer aux titulaires de pensions un minimum de moyens d'existence, ledit article prévoyant que les rentes, prestations et allocations acquises en vertu des législations d'un ou de plusieurs États membres ne peuvent subir de réduction du fait que le bénéficiaire réside sur le territoire d'un État membre autre que celui où se trouve l'institution débitrice. S'agissant de l'arrêt Pinna, précité, le requérant a rappelé que la Cour y a constaté l'invalidité de l'article 73, paragraphe 2, dudit règlement en tant qu'il excluait l'octroi de prestations familiales françaises aux travailleurs soumis à la législation française, pour les membres de leur famille résidant sur le territoire d'un autre État membre.

66      La défenderesse et l'intervenant contestent l'argumentation du requérant en relevant que l'application du coefficient correcteur, assurant l'égalité de traitement de tous les pensionnés, en termes de pouvoir d'achat, entre les lieux à l'intérieur de la Communauté, a précisément pour objet et pour effet de garantir que le choix du lieu de résidence après la cessation des fonctions puisse être fait en toute liberté et toute neutralité. L'article 82, paragraphe 1, deuxième alinéa, du statut faciliterait donc la libre circulation et le libre établissement.

 Appréciation du Tribunal

67      Par son deuxième moyen, le requérant sollicite le Tribunal à se prononcer sur la validité de l'article 82, paragraphe 1, deuxième alinéa, du statut au regard des principes de libre circulation des travailleurs salariés et de libre établissement des travailleurs non salariés, respectivement consacrés aux articles 39 CE à 42 CE et à l'article 43 CE.

68      Lesdites dispositions visent à faciliter, pour les ressortissants communautaires, l'exercice d'activités professionnelles de toute nature sur l'ensemble du territoire de la Communauté et s'opposent aux mesures qui pourraient défavoriser ces ressortissants lorsqu'ils souhaitent exercer une activité économique sur le territoire d'un autre Etat membre (arrêts de la Cour du 7 juillet 1988, Stanton, 143/87, Rec. p. 3877, point 13, du 7 juillet 1992, Singh, C-370/90, Rec. p. 1-4265, point 16, et du 19 mars 2002, Hervein e.a., C-393/99 et C-394/99, Rec. p. 1-2829, point 47).

69      En outre, il convient de rappeler que l'article 39, paragraphe 3, sous d), CE et le règlement (CEE) n° 1251/70 de la Commission, du 29 juin 1970, relatif au droit des travailleurs de demeurer sur le territoire d'un État membre après y avoir occupé un emploi (JO L 142, p. 24), accordent, sous certaines conditions, le droit de demeurer sur le territoire d'un État membre aux ressortissants communautaires qui y ont occupé, au préalable, un emploi salarié dans le cadre de la libre circulation des travailleurs. Enfin, l'article 1er, paragraphe 1, de la directive 90/365/CEE du Conseil, du 28 juin 1990, relative au droit de séjour des travailleurs salariés et non salariés ayant cessé leur activité professionnelle (JOL 180, p. 28), accorde le droit de séjour sur le territoire de l’État membre d'accueil «à tout ressortissant d'un État membre qui a exercé dans la Communauté une activité en tant que travailleur salarié ou non salarié, ainsi qu'aux membres de sa famille [...], à condition qu'il bénéficie d'une pension d'invalidité, de préretraite ou de vieillesse [...] et à condition qu'il dispose d'une assurance maladie couvrant l’ensemble des risques dans l’État membre d’accueil [...]».

70      II s'ensuit que les fonctionnaires de la Communauté, qui ont la qualité de travailleur au sens du traité CE (arrêt de la Cour du 3 octobre 2000, Ferlini, C-411/98, Rec. p. 1-8081, point 42, et la jurisprudence citée), bénéficient, après leur admission à la retraite, du droit de demeurer et de séjour à l'intérieur de la Communauté dès lors qu'ils remplissent les conditions prévues par le règlement n° 1251/79 et la directive 90/365. En l'espèce, il n'est nullement contesté que le requérant remplisse ces conditions.

71      Les arguments du requérant tendant à démontrer que l'article 82, paragraphe 1, deuxième alinéa, du statut n'est pas compatible avec les principes de libre circulation et de séjour à l'intérieur de la Communauté susvisés ne sauraient être accueillis.

72      A cet égard, il convient de constater que, ainsi que les parties défenderesse et intervenante l'ont souligné à juste titre, l'application des coefficients correcteurs en cause a précisément pour effet de garantir que le choix, par le titulaire de pension, du lieu de sa résidence après la cessation de ses fonctions puisse être fait en toute liberté et en toute neutralité.

73      En effet, c'est grâce au mécanisme prévu à l'article 82, paragraphe 1, deuxième alinéa, du statut, permettant à l'ancien fonctionnaire de bénéficier d'une pension ayant le même pouvoir d'achat dans n'importe quel État membre dans lequel il décide de s'installer, que celui-ci est effectivement mis en mesure d'exercer son droit de séjourner librement à l'intérieur de la Communauté.

74      Comme il a été relevé ci-dessus aux points 44 et 45, le droit à pension du fonctionnaire n'est pas influencé par le lieu où celui-ci décide de s'établir après la cessation de ses fonctions. Par suite de l'application des coefficients correcteurs lors du paiement des prestations, le fonctionnaire qui part à la retraite peut compter, dans n'importe quel pays de la Communauté il décide de fixer sa résidence, sur le pouvoir d'achat que lui conférerait à Bruxelles son droit à pension, alors que l'adaptation desdits coefficients prévue à l'article 65, paragraphe 2, du statut permet de neutraliser l'incidence sur ce pouvoir d'achat des variations relatives du coût de la vie dans les différents États membres.

75      Ainsi, d'une part, il ne saurait être considéré que le droit à pension du requérant ait subi une diminution du fait que celui-ci, lors de la cessation de ses fonctions, a quitté Bruxelles pour rentrer en Grèce. Une telle conclusion ne pourrait être tirée qu'après avoir mis en cause les coefficients correcteurs fixés pour la Grèce par les règlements du Conseil successivement adoptés, conformément à l'article 65 du statut, depuis le départ à la retraite du requérant et jusque-là appliqués à sa pension. Or, le requérant n'a nullement excipé de l'illégalité de tels règlements pour des vices propres à ceux-ci.

76      D'autre part, le droit à pension du requérant ne subirait non plus une augmentation au cas où son titulaire transférerait ultérieurement sa résidence au Royaume-Uni ou dans tout autre pays de la Communauté. En ce sens, l’application des coefficients correcteurs empêche que la fixation de la résidence dans le pays qui plus intéresse le fonctionnaire puisse être entravée ou rendue moins attrayante par le coût de la vie relativement plus élevé auquel, le cas échéant, il se trouverait confronté dans ce pays.

77      S'agissant, enfin, des arrêts invoqués par le requérant au cours de l'audience (voir point 65 ci-dessus), il suffit de relever que, à la différence des affaires ayant donné lieu à ces arrêts, il n'est pas question, en l'espèce, d'une limitation à la faculté d'exporter des prestations de sécurité sociale à l'intérieur de la Communauté. En effet, ainsi qu'il ressort des considérations effectuées aux points 74 à 76 ci-dessus, le principe d'appliquer les coefficients correcteurs en cause ne touche pas aux droits à pension des anciens fonctionnaires et n'a aucunement pour effet de dissuader ceux-ci à déplacer leur résidence vers les pays de la Communauté pour lesquels des coefficients correcteurs inférieurs ont été fixés.

78      Au vu de tout ce qui a été exposé ci-dessus, il y a lieu de conclure qu’aucun élément de nature à affecter la légalité de l'article 82, paragraphe 1, deuxième alinéa, du statut n'a été apporté par le requérant. En conséquence, le présent recours ne s'appuyant que sur la prétendue illégalité de cet article, il doit être rejeté comme étant non-fondé.

 Sur les dépens

79      La défenderesse estime que les moyens invoqués par le requérant à l'appui de son exception d'illégalité sont manifestement dénués de fondement, comme celui-ci aurait dû le percevoir clairement déjà avant l'introduction de son recours sur la base de l'abondante jurisprudence s’étant formée en la matière. Dans ces conditions, le recours devrait être considéré comme vexatoire, de sorte que le requérant devrait être condamné aux entiers dépens de l'instance, conformément à l'article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure.

80      Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe doit être condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. En vertu de l'article 88 de ce règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci, sous réserve, toutefois, de l'application de l'article 87, paragraphe 3, deuxième alinéa, de ce règlement, qui prévoit que le Tribunal peut condamner une partie, même gagnante, à rembourser à l'autre partie les frais qu'elle lui a fait exposer et qui sont jugés frustratoires ou vexatoires.

81      En l'espèce, compte tenu, d'une part, de ce que, par le présent recours, les questions de la légalité de l'article 82, paragraphe 1, deuxième alinéa, du statut au regard des principes d’égalité de traitement et de libre circulation ont été expressément soumises pour la première fois à l'appréciation du juge communautaire, ainsi que, d'autre part, de l'absence de circonstances particulières, révélant une attitude négligente ou de mauvaise fois de la part du requérant, le Tribunal estime qu'il n'y a pas lieu de faire application de l'article 87, paragraphe 3, deuxième alinéa, du règlement de procédure. Par conséquent, chacune des parties principales supportera ses propres dépens.

82      En outre, conformément à l'article 87, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement de procédure, le Conseil, partie intervenante, devra supporter ses dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Chacune des parties requérante et défenderesse supportera ses propres dépens.

3)      Le Conseil supportera ses propres dépens.

Vilaras

Tiili

Mengozzi

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 26 février 2003.

Le greffier

 

      Le président

H. Jung

 

      M. Vilaras


*      Langue de procédure : le grec.