Language of document : ECLI:EU:T:2014:19

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

21 janvier 2014(*)

« Responsabilité non contractuelle – Dispositifs médicaux – Articles 8 et 18 de la directive 93/42/CEE – Inaction de la Commission à la suite de la notification d’une décision d’interdiction de mise sur le marché – Violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit conférant des droits aux particuliers »

Dans l’affaire T‑309/10,

Christoph Klein, demeurant à Groβgmain (Autriche), représenté par Me D. Schneider-Addae-Mensah, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. A. Sipos et G. von Rintelen, en qualité d’agents, assistés de Me C. Winkler, avocat,

partie défenderesse,

soutenue par

République fédérale d’Allemagne, représentée initialement par MM. T. Henze et N. Graf Vitzthum, puis par MM. Henze et J. Möller, en qualité d’agents,

partie intervenante,

ayant pour objet un recours en indemnité, fondé sur les dispositions combinées de l’article 268 TFUE et de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, visant à obtenir réparation du préjudice que le requérant aurait prétendument subi à la suite de la violation par la Commission des obligations qui lui incombent en vertu de l’article 8 de la directive 93/42/CEE du Conseil, du 14 juin 1993, relative aux dispositifs médicaux (JO L 169, p. 1),

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de M. S. Frimodt Nielsen, faisant fonction de président, Mme M. Kancheva (rapporteur) et M. E. Buttigieg, juges,

greffier : Mme K. Andová, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 18 juin 2013,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1        La directive 93/42/CEE du Conseil, du 14 juin 1993, relative aux dispositifs médicaux (JO L 169, p. 1), vise notamment à harmoniser les procédures de certification et de contrôle des dispositifs médicaux. Elle prévoit l’attribution du marquage CE aux dispositifs médicaux qui, après avoir fait l’objet d’une procédure d’évaluation de leur conformité, sont considérés comme satisfaisant aux exigences essentielles établies dans cette directive. La conformité aux exigences essentielles est attestée par le fabricant sous sa propre responsabilité, ou bien par les organismes de certification désignés par les États membres.

2        L’article 1er, paragraphe 1, de la directive 93/42, intitulé « Définitions, champ d’application », énonce :

« La présente directive s’applique aux dispositifs médicaux et à leurs accessoires […] Les dispositifs et leurs accessoires sont dénommés ci-après ‘dispositifs’. »

3        L’article 2 de la directive 93/42, intitulé « Mise sur le marché et mise en service », dispose :

« Les États membres prennent toutes les dispositions nécessaires pour que les dispositifs ne puissent être mis sur le marché et mis en service que s’ils ne compromettent pas la sécurité et la santé des patients, des utilisateurs et, le cas échéant, d’autres personnes, lorsqu’ils sont correctement installés, entretenus et utilisés conformément à leur destination. »

4        L’article 3 de la directive 93/42, intitulé « Exigences essentielles », établit :

« Les dispositifs doivent satisfaire aux exigences essentielles figurant à l’annexe I qui leur sont applicables en tenant compte de la destination des dispositifs concernés. »

5        L’article 4, paragraphe 1, de la directive 93/42 prévoit :

« 1. Les États membres ne font pas obstacle, sur leur territoire, à la mise sur le marché et à la mise en service des dispositifs portant le marquage CE prévu à l’article 17 indiquant qu’ils ont été soumis à une évaluation de leur conformité conformément à l’article 11. »

6        L’article 8 de la directive 93/42, intitulé « Clause de sauvegarde », stipule :

« 1. Lorsqu’un État membre constate que des dispositifs visés à l’article 4, paragraphe 1 et paragraphe 2, deuxième tiret, correctement installés, entretenus et utilisés conformément à leur destination risquent de compromettre la santé et/ou la sécurité des patients, des utilisateurs ou, le cas échéant, d’autres personnes, il prend toutes mesures utiles provisoires pour retirer ces dispositifs du marché, interdire ou restreindre leur mise sur le marché ou leur mise en service. L’État membre notifie immédiatement ces mesures à la Commission, indique les raisons de sa décision et, en particulier, si la non-conformité avec la présente directive résulte :

a)      du non-respect des exigences essentielles visées à l’article 3 ;

b)      d’une mauvaise application des normes visées à l’article 5 pour autant que l’application de ces normes est prétendue ;

c)      d’une lacune dans lesdites normes elles-mêmes.

2. La Commission entre en consultation avec les parties concernées dans les plus brefs délais. Lorsque la Commission constate, après cette consultation :

–        que les mesures sont justifiées, elle en informe immédiatement l’État membre qui a pris l’initiative, ainsi que les autres États membres ; au cas où la décision visée au paragraphe 1 est motivée par une lacune des normes, la Commission, après consultation des parties concernées, saisit le comité visé à l’article 6 dans un délai de deux mois si l’État membre ayant pris la décision entend la maintenir et entame la procédure prévue à l’article 6,

–        que les mesures sont injustifiées, elle en informe immédiatement l’État membre qui a pris l’initiative ainsi que le fabricant ou son mandataire établi dans [l’Union européenne].

3. Lorsqu’un dispositif non conforme est muni du marquage CE, l’État membre compétent prend, à l’encontre de celui qui a apposé le marquage, les mesures appropriées et en informe la Commission et les autres États membres.

4. La Commission s’assure que les États membres sont tenus informés du déroulement et des résultats de cette procédure. »

7        L’article 9 de la directive 93/42, intitulé « Classification », prévoit une classification des dispositifs médicaux conformément aux règles figurant à l’annexe IX.

8        L’article 11, paragraphe 5, de la directive 93/42 énonce :

« 5. Pour les dispositifs de la classe I, autres que ceux sur mesure et ceux destinés à des investigations cliniques, le fabricant suit, pour apposer le marquage CE, la procédure visée à l’annexe VII et établit, avant la mise sur le marché du dispositif, la déclaration CE de conformité requise. »

9        L’article 17, paragraphe 1, de la directive 93/42 dispose :

« 1. Les dispositifs, autres que ceux sur mesure et ceux destinés à des investigations cliniques, qui sont réputés satisfaire aux exigences essentielles visées à l’article 3, doivent porter le marquage CE de conformité lors de leur mise sur le marché. »

10      L’article 18 de la directive 93/42, intitulé « Marquage CE indûment apposé », établit :

« Sans préjudice de l’article 8 :

a)      tout constat par un État membre de l’apposition indue du marquage CE entraîne pour le fabricant ou son mandataire établi dans [l’Union européenne] l’obligation de faire cesser l’infraction dans les conditions fixées par l’État membre ;

b)      en cas de persistance de l’infraction, l’État membre prend toutes mesures utiles pour restreindre ou interdire la mise sur le marché du produit en question et pour veiller à ce qu’il soit retiré du marché, conformément à la procédure prévue à l’article 8. »

11      L’article 19 de la directive 93/42, intitulé « Décisions de refus ou de restriction », prévoit :

« 1. Toute décision prise en application de la présente directive :

a)      consistant à refuser ou à restreindre la mise sur le marché, la mise en service d’un dispositif ou la conduite des investigations cliniques

ou

b)      imposant le retrait des dispositifs du marché

est motivée de façon précise. Elle est notifiée à l’intéressé, dans les meilleurs délais, avec l’indication des voies de recours ouvertes suivant le droit national en vigueur dans l’État membre en question et des délais dans lesquels ces recours doivent être introduits.

2. En cas de décision visée au paragraphe 1, le fabricant ou son mandataire établi dans [l’Union] doit avoir la possibilité de soumettre son point de vue préalablement, à moins qu’une telle consultation ne soit pas possible en raison de l’urgence de la mesure à prendre. »

12      L’annexe I de la directive 93/42 comporte les exigences essentielles auxquelles doivent satisfaire les dispositifs médicaux ressortant de son champ d’application. En particulier, elle prévoit :

« I. EXIGENCES GÉNÉRALES

1. Les dispositifs doivent être conçus et fabriqués de telle manière que leur utilisation ne compromette pas l’état clinique et la sécurité des patients ni la sécurité et la santé des utilisateurs ou, le cas échéant, des autres personnes, lorsqu’ils sont utilisés dans les conditions et aux fins prévues, étant entendu que les risques éventuels liés à leur utilisation constituent des risques acceptables au regard du bienfait apporté au patient et compatibles avec un niveau élevé de protection de la santé et de la sécurité.

[…]

3. Les dispositifs doivent atteindre les performances qui leur sont assignées par le fabricant et être conçus, fabriqués et conditionnés de manière à être aptes à remplir une ou plusieurs des fonctions visées à l’article 1er paragraphe 2 point a) et telles que spécifiées par le fabricant.

[…]

II. EXIGENCES RELATIVES À LA CONCEPTION ET LA CONSTRUCTION

[…]

13. Informations fournies par le fabricant

[…]

13.6. La notice d’instruction doit comprendre, le cas échéant, les indications suivantes :

[…]

c)      si le dispositif doit être installé avec d’autres dispositifs ou équipements médicaux ou raccordé à ceux-ci pour fonctionner conformément à sa destination, des indications suffisantes sur ses caractéristiques pour identifier les dispositifs ou équipements corrects qui doivent être utilisés afin d’obtenir une combinaison sûre ;

[…]

m)      des informations suffisantes sur le (les) médicament(s) que le dispositif en question est destiné à administrer, y compris toute restriction dans le choix des substances à administrer ;

[…]

p)      le degré de précision indiqué pour les dispositifs de mesurage ;

[…] »

13      L’annexe VII de la directive 93/42, intitulée « Déclaration CE de conformité », décrit la procédure que les fabricants des dispositifs médicaux appartenant à la classe I doivent suivre aux fins d’assurer et de déclarer que les produits concernés satisfont aux dispositions de la directive qui leur sont applicables. De même, cette annexe définit la documentation technique que le fabricant des dispositifs médicaux appartenant à la classe I doit tenir à la disposition des autorités nationales à des fins d’inspection pendant une période prévue dans la même annexe. La documentation technique comporte, entre autres éléments, une analyse des risques et des données cliniques à effectuer conformément à l’annexe X de la directive 93/42, ainsi que l’étiquetage et les instructions d’utilisation.

14      L’annexe IX de la directive 93/42, intitulée « Critères utilisés pour la classification », établit les règles destinées à déterminer la classification des dispositifs médicaux ressortant du champ d’application de la directive 93/42. En particulier, elle prévoit :

« III. CLASSIFICATION

1.      Dispositifs non invasifs

1.1.      Règle 1

Tous les dispositifs non invasifs font partie de la classe I, sauf si l’une des règles suivantes est d’application.

1.2.      Règle 2

Tous les dispositifs non invasifs destinés à conduire ou à stocker du sang, des liquides ou tissus corporels, des liquides ou des gaz en vue d’une perfusion, administration ou introduction dans le corps appartiennent à la classe IIa :

–        s’ils peuvent être raccordés à un dispositif médical actif de la classe IIa ou d’une classe supérieure,

–        s’ils sont destinés à être utilisés pour le stockage ou la canalisation du sang ou d’autres liquides corporels ou le stockage d’organes, de parties d’organes ou tissus corporels.

Dans tous les autres cas, ils appartiennent à la classe I.

[…] »

15      L’annexe X, point 1, de la directive 93/42, intitulé « Évaluation clinique », prévoit, dans sa version applicable aux faits de l’espèce, ce qui suit :

« 1.      Dispositions générales

1.1. En règle générale, la confirmation du respect des exigences concernant les caractéristiques et performances visées à l’annexe I, points 1 et 3 dans des conditions normales d’utilisation d’un dispositif ainsi que l’évaluation des effets secondaires indésirables doivent être fondées sur des données cliniques, en particulier en ce qui concerne les dispositifs implantables et les dispositifs de la classe III. L’adéquation des données cliniques se base, en tenant compte le cas échéant des normes harmonisées pertinentes, sur :

1.1.1. soit un recueil de la littérature scientifique pertinente actuellement disponible au sujet de l’utilisation prévue du dispositif et des techniques qu’il met en œuvre, ainsi que, le cas échéant, un rapport écrit contenant une évaluation critique de ce recueil ;

1.1.2. soit les résultats de toutes les investigations cliniques réalisées, y compris celles effectuées conformément au point 2.

1.2. Toutes les données doivent demeurer confidentielles conformément à l’article 20. »

 Antécédents du litige

16      Le requérant, M. Christoph Klein, est le directeur d’atmed AG, une société anonyme de droit allemand actuellement en situation d’insolvabilité. Il est également l’inventeur d’un dispositif d’aide à l’inhalation pour personnes asthmatiques qu’il a breveté au début des années 90.

 Décision d’interdiction du dispositif Inhaler

17      De 1996 à 2001, le dispositif d’aide à l’inhalation du requérant a été fabriqué par Primed Halberstadt GmbH et distribué par la société allemande Broncho-Air Medizintechnik AG sous le nom « Inhaler Broncho Air® » (ci-après le « dispositif Inhaler »). Lors de sa mise en circulation sur le marché allemand, ce dispositif portait le marquage CE, en vue de désigner sa conformité aux exigences essentielles de la directive 93/42.

18      En 1996, les autorités allemandes ont transmis à Broncho-Air Medizintechnik un projet de décision visant à l’interdiction de la distribution du dispositif Inhaler. Dans ce projet, lesdites autorités ont expliqué que, en raison de l’absence d’une évaluation clinique exhaustive, elles entretenaient des doutes quant à la conformité de ce dispositif aux exigences essentielles prévues par la directive 93/42. Elles ont également exprimé leur volonté de procéder au rappel des exemplaires de ce dispositif déjà mis en circulation.

19      Le 22 mai 1997, Broncho-Air Medizintechnik, à la suite d’un entretien avec les autorités allemandes, a adressé à celles-ci une lettre les informant que le dispositif Inhaler n’avait plus été mis sur le marché depuis le 1er janvier 1997 et que sa distribution serait suspendue jusqu’à ce que des études et des essais supplémentaires sur la conformité de ce produit à la directive 93/42 fussent disponibles. Elle a également fait savoir aux autorités allemandes que le dispositif concerné n’avait pas été distribué à l’étranger.

20      Le 23 septembre 1997, les autorités allemandes ont néanmoins adopté une décision interdisant la mise sur le marché du dispositif Inhaler. Dans cette décision, les autorités allemandes ont relevé, en substance, que, conformément à l’avis du Bundesinstitut für Arzneimittel und Medizinprodukte (Institut fédéral des médicaments et des dispositifs médicaux, ci-après le « BfArM »), le dispositif médical concerné ne satisfaisait pas aux exigences essentielles de l’annexe I de la directive 93/42 dans la mesure où son innocuité n’avait pas été suffisamment établie de manière scientifique à la lumière des éléments mis à disposition par le fabricant.

21      Le 7 janvier 1998, les autorités allemandes ont transmis à la Commission des Communautés européennes une lettre, intitulée « Procédure de clause de sauvegarde au titre de l’article 8 de la directive 93/42/CEE relative à l’appareil d’inhalation […] ‘Inhaler Broncho Air’ », dans laquelle elles faisaient part à celle-ci de leur décision d’interdiction ainsi que des motifs fondant une telle décision.

22      La Commission n’a pas, à la suite de la notification des autorités allemandes, adopté de décision.

 Décision d’interdiction du dispositif effecto

23      À partir de 2002, le dispositif d’aide à l’inhalation du requérant a été distribué de façon exclusive par atmed sous le nom « effecto® » (ci-après le « dispositif effecto »). En 2003, cette société a également pris en charge sa fabrication. Lors de sa mise sur le marché allemand, ce dispositif portait le marquage CE désignant sa conformité aux exigences essentielles de la directive 93/42.

24      Le 18 mai 2005, les autorités allemandes ont adopté une décision interdisant à atmed de mettre sur le marché le dispositif effecto. En substance, elles ont estimé que la procédure d’évaluation de conformité, notamment l’évaluation clinique, n’avait pas été effectuée de manière appropriée et que, pour cette raison, ledit dispositif ne pouvait pas être considéré comme satisfaisant aux exigences essentielles prévues par la directive 93/42. Cette décision n’a pas été notifiée à la Commission par les autorités allemandes au titre de l’article 8, paragraphe 1, de la directive 93/42.

25      Les 16 janvier et 17 août 2006, atmed a contacté les services de la Commission en dénonçant le fait que les autorités allemandes n’avaient pas notifié à la Commission la décision d’interdiction de mise sur le marché du dispositif effecto. Selon elle, une procédure de clause de sauvegarde devait être déclenchée au titre de l’article 8 de la directive 93/42.

26      Le 6 octobre 2006, au vu des informations reçues de la part d’atmed, la Commission a demandé aux autorités allemandes si les conditions d’une procédure de clause de sauvegarde au titre de l’article 8, paragraphe 1, de la directive 93/42 étaient, à leur avis, remplies.

27      Le 12 décembre 2006, la République fédérale d’Allemagne a expliqué à la Commission que, selon elle, la procédure engagée en 1998 concernant le dispositif Inhaler constituait une procédure de clause de sauvegarde au sens de ladite disposition et qu’une nouvelle procédure, pour un même dispositif portant un autre nom, n’était pas justifiée. En outre, les autorités allemandes ont informé la Commission de leurs doutes persistants quant à la conformité du dispositif effecto aux exigences essentielles visées par la directive 93/42 et ont, dès lors, demandé à la Commission de confirmer leur décision d’interdiction.

28      Le 13 décembre 2006, la Commission a informé atmed de la réponse des autorités allemandes.

29      Le 18 décembre 2006, atmed a demandé à la Commission d’ouvrir une procédure en manquement au titre de l’article 226 CE contre la République fédérale d’Allemagne, ainsi que de poursuivre la procédure de clause de sauvegarde qui, selon elle, avait été activée en 1998.

30      Le 22 février 2007, la Commission a proposé aux autorités allemandes d’évaluer la décision du 18 mai 2005 dans le contexte de la procédure de clause de sauvegarde de 1998 et de la traiter sur la base des nouvelles informations. Selon la Commission, cette voie permettait d’éviter une nouvelle notification et assurait une plus grande efficacité.

31      Le 18 juillet 2007, la Commission a fait part aux autorités allemandes de sa conclusion selon laquelle la présente espèce répondait à un cas de marquage CE indu et, pour cette raison, devait être traitée à la lumière de l’article 18 de la directive 93/42. À cet égard, la Commission a mis en doute le fait que le dispositif effecto ne pouvait pas satisfaire aux exigences essentielles prévues dans cette directive. En revanche, elle a estimé que des données cliniques supplémentaires étaient nécessaires pour prouver que le dispositif effecto était conforme auxdites exigences et a invité les autorités allemandes à coopérer étroitement avec atmed afin d’établir quelles étaient les données manquantes. La Commission a remis au requérant une copie de la lettre adressée aux autorités allemandes à cet effet.

32      En 2008, le requérant a présenté une pétition au Parlement européen sur le suivi insuffisant de son affaire par la Commission et ses effets dommageables pour l’entreprise concernée.

33      Le 12 janvier 2011, le Parlement a adopté la résolution B7‑0026/2011.

34      Le 9 mars 2011, le requérant a demandé à la Commission le paiement d’une indemnité de 170 millions d’euros pour la société atmed AG et de 130 millions d’euros pour lui-même.

35      Le 11 mars 2011, la Commission a rejeté la demande d’indemnité du requérant.

 Procédure et conclusions des parties

36      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 27 juillet 2010, le requérant a demandé au Tribunal de l’admettre au bénéfice de l’aide judiciaire gratuite, au titre des articles 94 et 95 du règlement de procédure du Tribunal, préalablement à l’introduction d’un recours en indemnité.

37      Par ordonnance du président du Tribunal en date du 13 septembre 2010, le Tribunal a fait droit à cette demande.

38      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 2 mai 2011, le requérant a demandé au Tribunal de l’admettre au bénéfice d’une aide judiciaire supplémentaire, au titre des articles 94 et 95 du règlement de procédure.

39      Par ordonnance du président du Tribunal en date du 9 juin 2011, le Tribunal a rejeté cette demande.

40      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 15 septembre 2011, le requérant a introduit le présent recours.

41      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 12 janvier 2012, la République fédérale d’Allemagne a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la Commission. Par ordonnance du 19 avril 2012, le président de la septième chambre du Tribunal a admis cette intervention. La République fédérale d’Allemagne a déposé son mémoire en intervention le 4 juin 2012.

42      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la première chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

43      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (première chambre) a décidé d’inviter les parties, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure, à répondre par écrit à quelques questions. Les parties ont déféré à cette demande dans le délai imparti.

44      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal à l’audience du 18 juin 2013.

45      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        constater que la Commission, du fait de sa carence dans la procédure de clause de sauvegarde en cours depuis 1998 pour les dispositifs médicaux litigieux et du fait de l’absence d’engagement d’une procédure de clause de sauvegarde au titre de l’article 8 de la directive 93/42 après l’adoption par les autorités allemandes de la décision d’interdiction de distribution, a violé les obligations qui lui incombaient en vertu de la directive 93/42 et du droit de l’Union, et a ainsi directement causé un préjudice au requérant ;

–        condamner la Commission à réparer le préjudice, encore à déterminer, qui a été causé au requérant ;

–        condamner la Commission aux dépens.

46      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable en tant qu’il porte sur les préjudices prétendument survenus avant le 29 juillet 2006, et en tout état de cause comme non fondé ;

–        condamner le requérant aux dépens.

47      La République fédérale d’Allemagne soutient les conclusions de la Commission tendant au rejet du recours en indemnité comme non fondé ainsi qu’à la condamnation du requérant aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité

48      La Commission considère que les droits à réparation invoqués par le requérant sont partiellement prescrits conformément à l’article 46 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.

49      Le requérant conteste les allégations de la Commission.

50      Il convient de rappeler que, en vertu de l’article 46 du statut de la Cour, applicable à la procédure devant le Tribunal, conformément à l’article 53, premier alinéa, du même statut, les actions contre l’Union en matière de responsabilité non contractuelle se prescrivent par cinq ans à compter de la survenance du fait qui y donne lieu. La prescription est interrompue soit par la requête formée devant le Tribunal, soit par la demande préalable que la victime peut adresser à l’institution compétente de l’Union. Dans ce dernier cas, la requête doit être formée dans le délai de deux mois prévu à l’article 263 TFUE.

51      Suivant une jurisprudence constante, le délai de prescription commence à courir lorsque sont réunies toutes les conditions auxquelles se trouve subordonnée l’obligation de réparation et, notamment, lorsque le dommage à réparer s’est concrétisé [arrêt de la Cour du 19 avril 2007, Holcim (Deutschland)/Commission, C‑282/05 P, Rec. p. I‑2941, points 29 et 30, et ordonnance du Tribunal du 1er avril 2009, Perry/Commission, T‑280/08, non publiée au Recueil, point 36].

52      Par ailleurs, dans le cas d’un préjudice continu, la prescription visée à l’article 46 du statut de la Cour s’applique, en fonction de la date de l’acte interruptif, à la période antérieure de plus de cinq ans à cette date, sans affecter d’éventuels droits nés au cours des périodes postérieures (ordonnances du Tribunal du 14 décembre 2005, Arizona Chemical e.a./Commission, T‑369/03, Rec. p. II‑5839, point 116, et du 10 avril 2008, 2K‑Teint e.a./Commission et BEI, T‑336/06, non publiée au Recueil, point 106).

53      En l’espèce, il ressort du dossier que le requérant a adressé une demande préalable à la Commission aux fins de l’obtention d’un dédommagement de son préjudice. Or, ladite demande, présentée le 9 mars 2011, ne peut pas être considérée comme constituant un acte interruptif de prescription au sens de l’article 46 du statut de la Cour au motif qu’elle n’a pas été suivie de la formation d’une requête dans les deux mois suivants comme l’exige ladite disposition. Dans ces circonstances, seule la requête déposée dans la présente affaire le 15 septembre 2011 peut être considérée comme constituant un acte interruptif de prescription.

54      Au vu de ce qui précède, la présente demande, dans l’hypothèse d’un préjudice continu, doit, en tout état de cause, être rejetée comme irrecevable pour autant qu’elle concerne le préjudice prétendument subi avant le 15 septembre 2006.

 Sur le fond

 Observations liminaires

55      En vertu de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, en matière de responsabilité non contractuelle, l’Union doit réparer, conformément aux principes généraux communs aux droits des États membres, les dommages causés par ses institutions ou par ses agents dans l’exercice de leurs fonctions.

56      Selon une jurisprudence constante, l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union, au sens de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, pour comportement illicite de ses organes est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions cumulatives, à savoir l’illégalité du comportement reproché à l’institution, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué (arrêt de la Cour du 29 septembre 1982, Oleifici Mediterranei/CEE, 26/81, Rec. p. 3057, point 16, et arrêt du Tribunal du 14 décembre 2005, Beamglow/Parlement e.a., T‑383/00, Rec. p. II‑5459, point 95).

57      Tout d’abord, s’agissant de la condition relative au comportement illégal reproché à l’institution ou à l’organe concerné, la jurisprudence exige que soit établie une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers (arrêt de la Cour du 4 juillet 2000, Bergaderm et Goupil/Commission, C‑352/98 P, Rec. p. I‑5291, point 42). Pour ce qui est de l’exigence selon laquelle la violation doit être suffisamment caractérisée, le critère décisif permettant de considérer qu’elle est remplie est celui de la méconnaissance manifeste et grave, par l’institution ou l’organe de l’Union concerné, des limites qui s’imposent à son pouvoir d’appréciation. Lorsque cette institution ou cet organe ne dispose que d’une marge d’appréciation considérablement réduite, voire inexistante, la simple infraction au droit de l’Union peut suffire pour établir l’existence d’une violation suffisamment caractérisée (arrêt de la Cour du 10 décembre 2002, Commission/Camar et Tico, C‑312/00 P, Rec. p. I‑11355, point 54, et arrêt du Tribunal du 12 juillet 2001, Comafrica et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, T‑198/95, T‑171/96, T‑230/97, T‑174/98 et T‑225/99, Rec. p. II‑1975, point 134).

58      Ensuite, s’agissant de la condition relative à la réalité du dommage, la responsabilité de l’Union ne saurait être engagée que si le requérant a effectivement subi un préjudice réel et certain (arrêt du Tribunal du 16 janvier 1996, Candiotte/Conseil, T‑108/94, Rec. p. II‑87, point 54). Il incombe au requérant d’apporter des éléments de preuve au juge de l’Union afin d’établir l’existence et l’ampleur d’un tel préjudice (arrêt de la Cour du 21 mai 1976, Roquette frères/Commission, 26/74, Rec. p. 677, points 22 à 24, et arrêt du Tribunal du 9 janvier 1996, Koelman/Commission, T‑575/93, Rec. p. II‑1, point 97).

59      Enfin, s’agissant de la condition relative à l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué, ledit préjudice doit découler de façon suffisamment directe du comportement reproché, ce dernier devant constituer la cause déterminante du préjudice, alors qu’il n’y a pas d’obligation de réparer toute conséquence préjudiciable, même éloignée, d’une situation illégale (voir arrêt de la Cour du 4 octobre 1979, Dumortier e.a./Conseil, 64/76, 113/76, 167/78, 239/78, 27/79, 28/79 et 45/79, Rec. p. 3091, point 21, et arrêt du Tribunal du 10 mai 2006, Galileo International Technology e.a./Commission, T‑279/03, Rec. p. II‑1291, point 130, et la jurisprudence citée). Il appartient au requérant d’apporter la preuve de l’existence d’un lien de causalité entre le comportement reproché et le préjudice invoqué (voir arrêt du Tribunal du 30 septembre 1998, Coldiretti e.a./Conseil et Commission, T‑149/96, Rec. p. II‑3841, point 101, et la jurisprudence citée).

60      Dès lors que l’une des trois conditions d’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union n’est pas remplie, les prétentions indemnitaires doivent être rejetées, sans qu’il soit nécessaire d’examiner si les deux autres conditions sont réunies (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 15 septembre 1994, KYDEP/Conseil et Commission, C‑146/91, Rec. p. I‑4199, point 81, et arrêt du Tribunal du 20 février 2002, Förde-Reederei/Conseil et Commission, T‑170/00, Rec. p. II‑515, point 37). Par ailleurs, le juge de l’Union n’est pas tenu d’examiner ces conditions dans un ordre déterminé (arrêt de la Cour du 9 septembre 1999, Lucaccioni/Commission, C‑257/98 P, Rec. p. I‑5251, point 13).

61      En l’espèce, le requérant soutient que les trois conditions d’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union exigées par la jurisprudence sont remplies. Le Tribunal estime qu’il y a lieu d’examiner, tout d’abord, l’existence du comportement illégal reproché à la Commission, ensuite, celle du préjudice allégué et, enfin, celle du lien de causalité entre les deux éléments précédents.

 Sur le comportement illégal

62      Le requérant fait valoir, en substance, que la Commission a violé les obligations qui lui incombaient en vertu de l’article 8 de la directive 93/42. Premièrement, il reproche à la Commission de n’avoir adopté aucune décision à la suite de la réception de la lettre du 7 janvier 1998 relative à l’interdiction de mise sur le marché du dispositif Inhaler. Deuxièmement, il soutient que la Commission aurait dû initier une procédure de clause de sauvegarde au moment où elle a eu connaissance de la décision d’interdiction de mise sur le marché du dispositif effecto, adoptée le 18 mai 2005. Troisièmement, le requérant soutient que les deux carences de la Commission violent la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

–       Sur l’interdiction du dispositif Inhaler

63      S’agissant de la décision d’interdiction du dispositif Inhaler, le requérant relève que les autorités allemandes ont, par lettre du 7 janvier 1998, engagé une procédure de clause de sauvegarde, mais que la Commission ne l’a jamais clôturée au moyen d’une décision définitive. Le requérant allègue que cela constitue une carence contraire à la directive 93/42, puisque, ainsi qu’il ressort de l’article 8, paragraphe 2, de cette directive, lorsque la Commission reçoit la notification d’une décision nationale interdisant la mise sur le marché d’un dispositif médical, elle est tenue d’adopter une décision en constatant si une telle mesure est justifiée ou non. Par ailleurs, conformément à l’article 8, paragraphe 4, de la directive 93/42, la Commission aurait dû informer l’État membre de sa décision ainsi que les parties concernées par ladite procédure.

64      La Commission réfute ces allégations.

65      À titre liminaire, le Tribunal rappelle que la directive 93/42, ainsi qu’il ressort de son troisième considérant, a pour objectif d’harmoniser les exigences liées à la sécurité et à la protection de la santé en vue de l’utilisation des dispositifs médicaux, afin de garantir la libre circulation de ceux-ci sur le marché intérieur (arrêt de la Cour du 19 novembre 2009, Nordiska Dental, C‑288/08, Rec. p. I‑11031, point 19). La directive 93/42 vise dès lors à concilier l’objectif de protection de la santé publique avec le principe de libre circulation des marchandises (arrêts de la Cour du 14 juin 2007, Medipac-Kazantzidis, C‑6/05, Rec. p. I‑4557, point 52, et du 22 novembre 2012, Brain Products, C‑219/11, point 28).

66      En vertu de l’article 2 de la directive 93/42, les dispositifs médicaux relevant de son champ d’application ne peuvent être mis sur le marché que s’ils satisfont aux exigences énoncées dans la même directive. Selon l’article 3 de la directive 93/42, cela signifie, en substance, que les dispositifs médicaux doivent respecter les exigences essentielles figurant à son annexe I.

67      Par ailleurs, l’article 4 de la directive 93/42 prévoit que les États membres ne font pas obstacle, sur leur territoire, à la mise sur le marché et à la mise en service des dispositifs médicaux qui remplissent les exigences essentielles établies dans la même directive et qui sont munis, conformément à l’article 17, paragraphe 1, de cette directive, du marquage CE. Ces produits, dès lors qu’ils sont conformes aux normes harmonisées et certifiés suivant les procédures prévues par ladite directive, doivent être présumés conformes auxdites exigences essentielles et, partant, être considérés comme appropriés à l’usage auquel ils sont destinés. En outre, ces dispositifs médicaux doivent bénéficier de la libre circulation dans l’Union (arrêts Medipac-Kazantzidis, point 65 supra, point 42, et Nordiska Dental, point 65 supra, point 22).

68      La présomption de conformité des dispositifs médicaux peut toutefois être renversée (arrêts Medipac-Kazantzidis, point 65 supra, point 44, et Nordiska Dental, point 65 supra, point 23).

69      En particulier, l’article 8, paragraphe 1, de la directive 93/42 impose aux États membres ayant constaté des risques liés à des dispositifs médicaux certifiés conformes à cette directive de prendre toutes les mesures provisoires utiles pour retirer ces dispositifs médicaux du marché et pour interdire ou restreindre leur mise sur le marché ou leur mise en service. Dans ces conditions, l’État membre concerné est, selon cette même disposition, tenu de notifier immédiatement à la Commission les mesures adoptées, en précisant, notamment, les raisons pour lesquelles celles-ci ont été prises. Aux termes de l’article 8, paragraphe 2, de la directive 93/42, la Commission, à son tour, est tenue d’examiner si ces mesures provisoires sont justifiées et, si tel est le cas, d’informer immédiatement l’État membre qui a pris l’initiative de telles mesures ainsi que les autres États membres (arrêts Medipac-Kazantzidis, point 65 supra, point 46, et Nordiska Dental, point 65 supra, point 24).

70      Pour sa part, l’article 8, paragraphe 3, de la directive 93/42 dispose que, s’il s’avère qu’un dispositif médical, bien qu’il soit muni du marquage CE, n’est cependant pas conforme aux exigences essentielles prévues par la même directive, l’État membre concerné est tenu de prendre les mesures appropriées et d’en informer la Commission ainsi que les autres États membres. Par ailleurs, il résulte de l’article 18 de ladite directive que, lorsqu’un État membre constate l’apposition indue dudit marquage, le fabricant ou son mandataire établi dans l’Union est tenu de cesser l’infraction dans les conditions fixées par cet État membre (arrêt Medipac-Kazantzidis, point 65 supra, point 47).

71      En l’espèce, il est constant entre les parties que la Commission n’a adopté aucune décision après avoir reçu la lettre du 7 janvier 1998 relative à l’interdiction de mise sur le marché du dispositif Inhaler. Toutefois, les parties s’opposent quant à l’obligation qui incombait à la Commission à la suite de la réception de cette lettre. En effet, alors que le requérant soutient que la lettre du 7 janvier 1998 constituait la notification d’une clause de sauvegarde au sens de l’article 8, paragraphe 2, de la directive 93/42 et que la Commission aurait donc dû adopter une décision au titre de cette même disposition, cette dernière considère, en revanche, que ladite lettre se bornait à l’informer d’un cas de marquage CE indu au titre de l’article 18 de la directive 93/42 et que, par conséquent, à la lumière de l’article 8, paragraphe 3, de cette même directive, elle n’était pas tenue d’agir.

72      À cet égard, le Tribunal observe, tout d’abord, que le requérant ne conteste pas que le dispositif Inhaler était un dispositif médical au sens de l’article 1er de la directive 93/42, dès lors soumis aux dispositions de cette directive, ni que, pour sa mise sur le marché, il devait satisfaire aux exigences essentielles prévues à l’annexe I. Le requérant admet également que ledit dispositif avait été initialement mis sur le marché avec le marquage CE, aux fins de désigner sa conformité aux dispositions de la directive 93/42.

73      Ensuite, lors de l’audience, la Commission a précisé, sans que cela ait été davantage contesté par le requérant, que le dispositif Inhaler appartenait à la classe I des dispositifs médicaux au sens de l’article 9 et de l’annexe IX de la directive 93/42. À cet égard, il convient de relever que, conformément à l’article 11, paragraphe 5, de la directive 93/42, pour les dispositifs de la classe I, c’est le fabricant du dispositif médical qui a la charge d’assurer, sous sa propre responsabilité, la conformité dudit dispositif avec les exigences essentielles de la directive 93/42 aux fins d’apposer le marquage CE avant sa mise sur le marché. Par ailleurs, conformément à la procédure visée à l’annexe VII, le fabricant est censé tenir à la disposition des autorités nationales à des fins d’inspection, outre une déclaration CE de conformité assurant et déclarant la conformité du dispositif aux exigences essentielles, la documentation technique apte à prouver cette conformité. En particulier, la documentation technique comprend une analyse des risques et les données cliniques à effectuer conformément à l’annexe X de la directive 93/42 ainsi que l’étiquetage et les instructions d’utilisation.

74      Enfin, par la lettre du 7 janvier 1998, la République fédérale d’Allemagne a communiqué à la Commission, à l’instar de ce que les autorités allemandes avaient déjà constaté dans leur projet de décision de 1996 et dans la décision du 23 septembre 1997 (voir points 18 et 20 ci-dessus), que le fabricant du dispositif Inhaler n’avait pas été en mesure de présenter de données cliniques susceptibles d’établir l’innocuité et l’efficacité assurée du dispositif au sens des exigences essentielles de la directive 93/42. En particulier, selon lesdites autorités, qui se fondaient à cet égard sur l’avis du BfArM, les éléments fournis par le fabricant dudit dispositif ne suffisaient pas à écarter les doutes quant à une mise en danger par l’inhalateur, ni à prouver que les exigences essentielles prévues aux points 1 et 3 de l’annexe I de la directive 93/42 étaient satisfaites. De plus, les autorités allemandes ont informé la Commission que les informations qui étaient censées accompagner le dispositif médical pour que celui-ci pût être utilisé correctement et en toute sécurité conformément au point 13.6 de l’annexe I de la directive 93/42 faisaient défaut.

75      Il s’ensuit que les autorités allemandes étaient confrontées à un cas où le marquage CE avait été indûment apposé par le fabricant sur le dispositif Inhaler, puisque, en substance, la vérification de la conformité dudit dispositif aux exigences essentielles n’avait pas été effectuée conformément à la directive 93/42, et, en particulier, n’avait respecté ni l’annexe VII ni l’annexe X de la même directive. À cet égard, il y a lieu de relever que la société distributrice elle-même avait reconnu, dans la lettre qu’elle avait fait parvenir aux autorités allemandes le 22 mai 1997 (voir point 19 ci-dessus), le besoin de procéder à des études et à des essais supplémentaires sur la conformité du dispositif médical à la directive 93/42.

76      Dans ces circonstances, la lettre adressée par les autorités allemandes à la Commission le 7 janvier 1998 ne saurait être considérée que comme étant destinée à informer celle-ci d’une décision d’interdiction de mise sur le marché adoptée conformément à l’article 18 de la directive 93/42.

77      Par ailleurs, dans la mesure où l’article 8, paragraphe 3, de la directive 93/42 n’établit qu’une obligation, pour l’État membre, d’informer la Commission de la décision d’interdiction de mise sur le marché, et non une obligation d’agir à la charge de celle-ci (voir également la jurisprudence cité au point 70 ci-dessus), il y a lieu de considérer que la Commission n’était tenue d’adopter aucune décision à la suite de la réception de ladite lettre.

78      L’appréciation qui précède ne saurait être remise en cause par la circonstance que la lettre du 7 janvier 1998 faisait référence, dans son intitulé, à la procédure de clause de sauvegarde prévue à l’article 8 de la directive 93/42.

79      En effet, il convient de rappeler, à cet égard, que, conformément à la jurisprudence constante, l’examen de la valeur juridique de tout acte administratif doit être effectué en s’attachant à sa substance, et non à sa présentation formelle (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60/81, Rec. p. 2639, point 9, et arrêt du Tribunal du 29 janvier 2002, Van Parys et Pacific Fruit Company/Commission, T‑160/98, Rec. p. II‑233, point 60).

80      En l’espèce, le fait que l’intitulé de la lettre du 7 janvier 1998 faisait référence à la procédure de clause de sauvegarde conformément à l’article 8 de la directive 93/42 ne saurait infirmer la conclusion selon laquelle ladite lettre, à la lumière de son contenu et de son fondement sur la décision d’interdiction du 23 septembre 1997, informait la Commission d’un cas de marquage CE indu, de sorte qu’aucune obligation d’adopter une décision ne pouvait être établie à la charge de la Commission au titre de l’article 8, paragraphe 2, de la directive 93/42. Par ailleurs, il convient de relever que, lors de l’audience, les autorités allemandes ont reconnu, en réponse à une question posée par le Tribunal, que le libellé de la lettre du 7 janvier 1998 était erroné et que cette erreur était due au fait que la décision relative au dispositif Inhaler était une des premières décisions que lesdites autorités avaient adoptées dans le cadre de la directive 93/42.

81      Le requérant soutient, en outre, que l’exigence d’adoption d’une décision définitive par la Commission, au titre de l’article 8, paragraphe 2, de la directive 93/42, repose sur le fait que tout fabricant concerné par une décision d’interdiction doit avoir la possibilité de savoir si la décision d’interdiction de mise sur le marché des autorités nationales est ou non justifiée. En substance, il considère que, en l’absence d’une intervention de la Commission, le droit à la libre circulation des dispositifs médicaux préconisé par la directive 93/42 serait réduit à néant.

82      Cependant, le Tribunal constate que la directive 93/42 prévoit qu’il incombe aux tribunaux nationaux de vérifier la légalité des décisions d’interdiction de mise sur le marché adoptées par les autorités nationales en la matière. En effet, l’article 19 de la directive 93/42 prévoit notamment que toute décision prise en application de cette directive par les autorités nationales, consistant à refuser ou à restreindre la mise sur le marché ou imposant le retrait des dispositifs du marché, doit être notifiée à l’intéressé en indiquant de façon précise les voies de recours ouvertes selon le droit national en vigueur dans l’État membre en question et les délais dans lesquels ces recours doivent être introduits. En l’espèce, il ressort de la lettre du 23 septembre 1997 que les autorités allemandes ont indiqué au requérant quelles étaient les voies de recours à sa disposition aux fins de contester la décision desdites autorités. En outre, le requérant indique dans ses écritures qu’il a introduit un recours en opposition devant l’autorité nationale allemande compétente aux fins de contester la légalité de la décision d’interdiction du dispositif Inhaler.

83      Enfin, le requérant fait valoir que, en l’espèce, l’obligation, pour la Commission, d’adopter une décision au titre de l’article 8, paragraphe 2, de la directive 93/42 découle du principe de bonne gouvernance, tel que décrit, d’une part, par le livre blanc sur la gouvernance européenne (JO 2001, C 287, p. 1, ci-après le « livre blanc »), et, d’autre part, par le Guide relatif à la mise en application des directives élaborées sur la base des dispositions de la nouvelle approche et de l’approche globale de la Commission (ci-après le « guide »).

84      Or, à cet égard, premièrement, il importe de rappeler que le livre blanc n’est qu’un document contenant des propositions d’action de l’Union dans un domaine spécifique. À titre général, un livre blanc s’inscrit souvent dans le prolongement d’un livre vert, dont le but est de lancer un processus de consultation au niveau européen. Il s’agit, dès lors, d’une communication destinée à lancer un débat politique et non à créer des obligations à la charge de la Commission dans un cas comme celui de l’espèce.

85      Deuxièmement, le guide, outre qu’il ne peut pas constituer le fondement juridique d’une obligation à charge de la Commission dans le sens allégué par le requérant, indique que les actions à entreprendre par les autorités nationales et par la Commission, dans le cadre de la gestion d’une violation des dispositions des directives dites « nouvelle approche », comme la directive 93/42, doivent être décidées, au cas par cas, en fonction du type de non-conformité constatée. En particulier, selon le guide, les cas où, comme celui de l’espèce, l’obligation de tenir à la disposition des autorités compétentes les informations requises par la directive, telles que la documentation technique ou les données cliniques, n’est pas entièrement remplie, constituent des illustrations de « non-conformité non substantielle ». Dans ces cas, les autorités nationales sont tenues d’enjoindre au fabricant de mettre un terme à l’infraction, de restreindre ou d’interdire la mise sur le marché du produit concerné et, au besoin, d’assurer que ledit produit est également retiré du marché. Les cas de « non-conformité non substantielle », à la différence de ceux découlant d’une « non-conformité substantielle », visés également par le guide, ne justifient pas le déclenchement de la procédure de clause de sauvegarde prévue à l’article 8, paragraphe 2, de la directive 93/42 (voir point 8.2.2 du guide sous l’intitulé « Actions correctives »).

86      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que, contrairement à ce que soutient le requérant, et aussi regrettable que fût l’absence de réaction de la Commission à la suite de la notification par les autorités allemandes de la décision d’interdiction du dispositif Inhaler, aucun comportement illégal de cette institution ne peut être déduit du fait qu’elle n’a pas adopté une décision au titre de l’article 8, paragraphe 2, de la directive 93/42, à la suite de ladite notification.

–       Sur l’interdiction du dispositif effecto

87      S’agissant de la décision d’interdiction du dispositif effecto, le requérant fait valoir, en substance, deux griefs. Le premier est tiré de ce que la Commission aurait dû adopter une décision au titre de l’article 8, paragraphe 2, de la directive 93/42, même en l’absence de notification formelle de la part des autorités allemandes. À cet égard, le requérant considère que la Commission aurait dû agir au moment où elle a eu connaissance de l’existence de la décision d’interdiction du dispositif effecto. Le second grief est tiré de ce que la Commission aurait à tout le moins dû engager une procédure d’infraction contre la République fédérale d’Allemagne afin d’obliger cette dernière à notifier ladite décision d’interdiction.

88      La Commission conteste ces allégations.

89      S’agissant du premier grief, visant à constater, en substance, que la Commission aurait dû entamer de sa propre initiative une procédure de clause de sauvegarde à l’égard du dispositif effecto, il y a lieu de considérer, tout d’abord, à l’instar de la Commission, que ce grief méconnaît la répartition des compétences établie entre elle-même et les États membres par la directive 93/42. En effet, il convient de relever que, conformément à l’article 8, paragraphe 1, de cette directive, c’est aux États membres qu’il appartient de prendre les dispositions nécessaires pour que les dispositifs médicaux ne puissent être mis sur le marché s’ils compromettent la sécurité et la santé des patients. Dans ces circonstances, la directive prévoit un système dans lequel la surveillance du marché incombe aux autorités nationales, et non à la Commission. De plus, selon l’article 8 de la directive 93/42, l’initiative d’une procédure de clause de sauvegarde relève de la compétence exclusive des États membres, de sorte qu’il appartient uniquement à ces derniers d’engager ladite procédure. À cet égard, force est de constater que l’article 8 de la directive 93/42 ne prévoit pas que la Commission puisse, de sa propre initiative, informer les États membres de ses constatations relatives à des mesures nationales.

90      Ensuite, le requérant allègue que toute solution autre qu’une obligation de la Commission d’engager d’office la procédure de clause de sauvegarde dans un cas tel qu’en l’espèce ne serait pas efficace. Or, à cet égard, il suffit de rappeler que, conformément au principe d’attribution des compétences consacré à l’article 5, paragraphe 2, TUE, l’Union n’agit que dans les limites des compétences que les États membres lui ont attribuées dans les traités pour atteindre les objectifs que ces traités établissent. En l’espèce, la Commission ne pouvait pas agir en dehors des compétences ainsi établies par la directive 93/42 et cela ne peut lui être reproché sur le fondement d’un critère d’efficacité.

91      Enfin, quant à l’allégation du requérant selon laquelle la Commission aurait manqué à ses obligations en s’abstenant d’agir lorsqu’elle a eu connaissance de la décision d’interdiction du dispositif effecto, il y a lieu de considérer que cette allégation manque en fait.

92      En effet, premièrement, le courriel du 16 janvier 2006, qui, selon le requérant, aurait dû servir de fondement à l’action de la Commission, ne contenait que des questions abstraites, sans aucune référence concrète à la décision d’interdiction du 18 mai 2005. La Commission n’était pas en mesure de savoir, à la lumière du contenu de ce courriel, que les autorités allemandes avaient adopté une décision d’interdiction à l’encontre du dispositif médical litigieux. Deuxièmement, dès que la Commission a eu connaissance de la décision d’interdiction du dispositif effecto, par des informations supplémentaires du requérant, elle a entamé une série de démarches aux fins de savoir si la décision d’interdiction des autorités allemandes était ou non justifiée. En particulier, la Commission s’est adressée, dans un premier temps, auxdites autorités en leur demandant les raisons qui les avaient amenées à ne pas procéder à la notification de la décision d’interdiction en vertu de l’article 8, paragraphe 1, de la directive 93/42. Dans un deuxième temps, la Commission a exprimé son intention d’examiner la décision allemande sur la base de l’article 18 de la directive 93/42 afin d’éviter une nouvelle notification. Par ailleurs, la Commission a régulièrement informé le requérant tant des réponses des autorités allemandes aux questions posées par elle que de ses propres actions (voir points 26 à 31 ci-dessus).

93      Partant, le premier grief doit être rejeté.

94      S’agissant du second grief, par lequel le requérant fonde sa demande de dommages et intérêts sur le fait que la Commission n’a pas initié de procédure en manquement contre la République fédérale d’Allemagne conformément à l’article 226 CE, il suffit de rappeler que, selon la jurisprudence constante, la Commission dispose d’un pouvoir discrétionnaire pour engager ou non une procédure d’infraction (arrêt de la Cour du 14 février 1989, Star Fruit/Commission, 247/87, Rec. p. 291, point 11, et ordonnance du Tribunal du 12 novembre 1996, SDDDA/Commission, T‑47/96, Rec. p. II‑1559, point 42). En dépit de l’invitation à la Commission d’initier une procédure en manquement, il y a lieu de considérer que la Commission n’était pas tenue d’ouvrir une telle procédure, de sorte que sa non-introduction ne constitue pas une violation d’une règle de droit de l’Union.

95      Partant, le second grief doit être rejeté.

96      Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutient le requérant, aucun comportement illégal de la Commission ne peut être déduit du fait qu’elle n’a pas initié une procédure de clause de sauvegarde au titre de l’article 8, paragraphe 2, de la directive 93/42 et du fait qu’elle n’a pas engagé non plus une procédure au titre de l’article 226 CE, au moment où elle a eu connaissance de la décision d’interdiction du dispositif effecto par les autorités allemandes en 2005.

–       Sur la violation de la charte des droits fondamentaux

97      Dans le cadre de la réplique, le requérant fait grief à la Commission d’avoir violé ses droits fondamentaux tels que prévus dans la charte des droits fondamentaux. En substance, il considère que la carence de la Commission, ainsi que l’impossibilité de commercialiser ses dispositifs médicaux, constitue une violation de la liberté professionnelle, de la liberté d’entreprendre et du droit de propriété tels que prévus respectivement aux articles 15, 16 et 17 de ladite charte.

98      Le Tribunal rappelle que, en vertu de l’article 48, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de procédure, la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite, à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit ou de fait qui se sont révélés pendant la procédure.

99      En l’espèce, il y a lieu de constater que les allégations du requérant relatives à la violation des droits fondamentaux ont été avancées pour la première fois au stade de la réplique et qu’elles ne se fondent pas sur des éléments de droit ou de fait qui se sont révélés pendant la procédure. Elles ne constituent pas non plus l’ampliation d’un moyen énoncé antérieurement par le requérant.

100    Partant, les allégations du requérant doivent être rejetées comme étant irrecevables.

–       Conclusion sur le comportement illégal

101    Il ressort des points 62 à 100 ci-dessus que le requérant n’a pas démontré que la Commission a manqué aux obligations qui lui incombaient au titre de l’article 8 de la directive 93/42, ni qu’elle a violé une autre règle de droit de l’Union au sens de la jurisprudence citée au point 57 ci-dessus. Par conséquent, aucun comportement illégal ne peut être constaté en l’espèce.

 Sur le préjudice et le lien de causalité

102    Conformément à la jurisprudence citée au point 60 ci-dessus, les conditions pour que la responsabilité non contractuelle de l’Union soit engagée sont cumulatives. L’absence d’une seule desdites conditions suffit dès lors à conclure à l’inexistence de ladite responsabilité.

103    En l’espèce, ainsi qu’il ressort du point 101 ci-dessus, le requérant n’a pas démontré que la condition relative à la réalité du comportement illégal de la Commission était remplie.

104    Par conséquent, la demande en indemnité du requérant pour le dommage prétendument subi au motif de l’interdiction de mise sur le marché des dispositifs Inhaler et effecto, en 1998 et en 2005 respectivement, doit, pour autant qu’elle n’est pas prescrite, être de toute manière rejetée comme non fondée, sans qu’il y ait lieu d’examiner si les deux autres conditions de ladite responsabilité sont réunies en l’espèce.

105    Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

106    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé en l’ensemble de sa demande et la Commission ayant conclu en ce sens, il y a lieu de condamner le requérant à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission.

107    Aux termes de l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa, du même règlement, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs dépens. Il y a donc lieu d’ordonner que la République fédérale d’Allemagne supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Christoph Klein est condamné à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.

3)      La République fédérale d’Allemagne supportera ses propres dépens.

Frimodt Nielsen

Kancheva

Buttigieg

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 21 janvier 2014.

Signatures


* Langue de procédure : l’allemand.