Language of document : ECLI:EU:T:2021:692

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

13 octobre 2021 (*)

« Pourvoi – Fonction publique – Fonctionnaires – Refus du Conseil de reclasser l’intéressé, après sa réussite à un concours général, au grade prévu dans l’avis de concours – Rejet du recours au fond – Pourvoi – Annulation – Arrêt de pourvoi réexaminé par la Cour et annulé – Renvoi au Tribunal en tant que juge du pourvoi – Obligation de motivation – Égalité de traitement »

Dans l’affaire T‑646/16 P‑RENV‑RX,

Erik Simpson, demeurant à Bruxelles (Belgique), représenté par Me M. Velardo, avocate,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. M. Bauer et R. Meyer, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

ayant pour objet un pourvoi formé contre l’ordonnance du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (deuxième chambre) du 24 juin 2016, Simpson/Conseil (F‑142/11 RENV, EU:F:2016:136), et tendant à l’annulation de cette ordonnance,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de MM. S. Gervasoni, président, L. Madise (rapporteur) et P. Nihoul, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu l’arrêt de la Cour du 26 mars 2020,

rend le présent

Arrêt

1        La présente procédure fait suite à l’arrêt du 26 mars 2020, Réexamen Simpson/Conseil et HG/Commission (C‑542/18 RX‑II et C‑543/18 RX‑II, ci-après l’« arrêt sur réexamen », EU:C:2020:232), par lequel la Cour, après avoir constaté que l’arrêt du 19 juillet 2018, Simpson/Conseil (T‑646/16 P, non publié, ci-après le « second arrêt sur pourvoi », EU:T:2018:493), ayant pour objet un pourvoi formé contre l’ordonnance du 24 juin 2016, Simpson/Conseil (F‑142/11 RENV, ci-après l’« ordonnance attaquée », EU:F:2016:136), portait atteinte à l’unité et à la cohérence du droit de l’Union européenne, a annulé le second arrêt sur pourvoi et renvoyé l’affaire devant le Tribunal. 

2        Par son pourvoi introduit au titre de l’article 9 de l’annexe I du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, le requérant, M. Erik Simpson, demande l’annulation de l’ordonnance attaquée, par laquelle le Tribunal de la fonction publique a rejeté son recours tendant, d’une part, à l’annulation de la décision du Conseil de l’Union européenne du 9 décembre 2010 (ci-après la « décision litigieuse ») rejetant sa demande d’avancement au grade AD 9 à la suite de sa réussite au concours général EPSO/AD/113/07 organisé pour le recrutement de chefs d’unité de grade AD 9, notamment de langue estonienne, dans le domaine de la traduction (ci‑après le « concours EPSO/AD/113/07 »), et de la décision du 7 octobre 2011 rejetant sa réclamation et, d’autre part, à la condamnation du Conseil à réparer le préjudice subi. Cette ordonnance a été rendue à la suite de l’arrêt du 22 octobre 2015, Conseil/Simpson (T‑130/14 P, ci-après le « premier arrêt sur pourvoi », EU:T:2015:796), annulant l’arrêt du 12 décembre 2013, Simpson/Conseil (F‑142/11, ci-après l’« arrêt initial », EU:F:2013:201), et renvoyant l’affaire devant le Tribunal de la fonction publique.

3        Le second arrêt sur pourvoi a annulé l’ordonnance attaquée au motif de l’irrégularité de la composition de la formation de jugement l’ayant rendue, caractérisant selon le Tribunal une violation du principe du juge légal consacré à l’article 47, deuxième alinéa, première phrase, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Cet arrêt a été annulé par la Cour dans l’arrêt sur réexamen au motif que le Tribunal avait commis une erreur de droit en estimant que l’irrégularité qu’il avait relevée était suffisante pour constater une violation de l’article 47, deuxième alinéa, première phrase, de la charte des droits fondamentaux et au motif que cette erreur de droit était de nature à porter atteinte à l’unité et à la cohérence du droit de l’Union. La Cour a renvoyé l’examen du pourvoi au Tribunal après avoir souligné que, dans le second arrêt sur pourvoi, celui-ci n’avait pas examiné les moyens invoqués au soutien de ce pourvoi.

 Antécédents du litige

4        Les faits à l’origine du litige sont énoncés, aux points 3 à 9 de l’ordonnance attaquée, dans les termes suivants :

« 3      Le requérant, qui était agent auxiliaire au sein de l’unité de traduction de langue estonienne du Conseil depuis le 1er juin 2004, a été recruté le 1er janvier 2005 en tant que fonctionnaire stagiaire au grade AD 5, après avoir réussi le concours général EPSO/LA/3/03 destiné à la constitution d’une liste de réserve pour le recrutement de traducteurs adjoints de grade [LA] 8. Il a été promu au grade AD 6 le 1er janvier 2008.

4      En 2009, le requérant a réussi le concours […] EPSO/AD/113/07. La liste de réserve du concours a été publiée le 28 avril 2009.

5      Le 25 juin 2010, le requérant a demandé, sur le fondement de l’article 90, paragraphe 1, du statut, à bénéficier d’un avancement au grade AD 9, invoquant le fait qu’il avait réussi le concours EPSO/AD/113/07 correspondant à ce grade et que trois fonctionnaires des unités de traduction de langues polonaise et slovaque, dont M. F, se trouvant, selon le requérant, dans une situation comparable à la sienne, avaient bénéficié d’un avancement de grade, respectivement en 2006 et 2007, à la suite de la réussite à un concours d’un grade plus élevé que le leur.

6      Par une note du 9 décembre 2010 [la décision litigieuse], le Conseil, rejetant cette demande […], a indiqué que, en l’absence de disposition statutaire conférant un droit aux fonctionnaires de bénéficier automatiquement d’un avancement de grade sur le fondement d’une réussite à un concours d’un grade plus élevé que le leur, une telle décision ne pouvait être accordée qu’à la lumière de l’intérêt du service et que, en l’occurrence, cet intérêt faisait défaut concernant la situation, en 2010, de l’unité de traduction de langue estonienne […]

7      Le requérant a été promu au grade AD 7 le 1er janvier 2011.

8      Le 8 mars 2011, le requérant a introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut en vue du retrait de la décision [litigieuse].

9      Par décision du 7 octobre 2011, le Conseil a rejeté la réclamation en relevant, d’une part, une série de différences entre la situation du requérant et celles des trois fonctionnaires des unités de traduction de langues polonaise et slovaque, de sorte que le principe d’égalité de traitement n’avait pas été enfreint du fait des avancements de grade accordés dans le passé auxdits fonctionnaires. En outre, cette institution a précisé que l’intérêt du service n’était pas une notion immuable et qu’il pouvait varier au fil du temps. D’autre part, le Conseil a souligné que le fait d’être lauréat d’un concours ne conférait ni le droit d’être recruté ni, par analogie, le droit, pour un lauréat de concours déjà fonctionnaire, d’obtenir un avancement de grade sur le même poste. » 

 Procédures initiales devant le Tribunal de la fonction publique et le Tribunal

5        Le 27 décembre 2011, le requérant a introduit auprès du Tribunal de la fonction publique un recours, enregistré sous la référence F‑142/11, contre la décision litigieuse.

6        Par l’arrêt initial, le Tribunal de la fonction publique a annulé la décision litigieuse pour violation de l’obligation de motivation, rejeté le recours pour le surplus et condamné le Conseil aux entiers dépens.

7        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 24 février 2014, le Conseil a formé un pourvoi contre l’arrêt initial, enregistré sous la référence T‑130/14 P.

8        Par le premier arrêt sur pourvoi, le Tribunal a accueilli le pourvoi et annulé l’arrêt initial.

9        En effet, en examinant le moyen unique, tiré, en substance, d’une dénaturation des éléments de preuve de la part du Tribunal de la fonction publique, le Tribunal a constaté que celui-ci avait entaché son raisonnement d’une inexactitude matérielle en ce que, dans l’arrêt initial, il avait toujours fait référence, en ce qui concerne les écrits des parties durant la procédure administrative, à la notion de « promotion » alors qu’il ressortait clairement du dossier administratif que l’expression utilisée tant par le requérant, dans sa demande et sa réclamation, que par le Conseil, dans la décision litigieuse et dans la décision de rejet de la réclamation, était celle d’« avancement de grade ».

10      Dès lors, le Tribunal a considéré que la conclusion du Tribunal de la fonction publique, selon laquelle le Conseil avait méconnu l’obligation de motivation en s’abstenant d’expliquer que, dans le cas des trois fonctionnaires des unités de traduction de langues polonaise et slovaque auxquels avait fait référence le requérant dans sa demande, il ne s’agissait ni d’une promotion, au sens de l’article 45 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne, ni d’un recrutement, mais d’une mesure non prévue par le statut des fonctionnaires de l’Union européenne, à savoir un avancement de grade à la suite de la réussite d’un concours, reposait sur une prémisse erronée. Cette prémisse aurait résulté d’une dénaturation de certains éléments de preuve, survenue vraisemblablement en raison d’erreurs de traduction ayant pu entraîner une ambiguïté dans l’appréhension de la décision litigieuse et de la décision de rejet de la réclamation.

11      Après avoir annulé l’arrêt initial, le Tribunal n’a pas statué lui-même sur le litige, qu’il a estimé ne pas être en l’état d’être jugé, et a renvoyé l’affaire devant le Tribunal de la fonction publique pour que celui-ci statue sur les trois moyens soulevés par le requérant à l’encontre de la décision litigieuse.

 Procédure devant le Tribunal de la fonction publique après renvoi et ordonnance attaquée

12      À la suite du renvoi de l’affaire devant le Tribunal de la fonction publique (deuxième chambre), le requérant et le Conseil ont présenté des mémoires en observations écrites.

13      Dans l’ordonnance attaquée, le Tribunal de la fonction publique a rejeté le recours dans son intégralité.

14      À titre liminaire, le Tribunal de la fonction publique a considéré que, la décision de rejet de la réclamation étant dépourvue de contenu autonome par rapport à celui de la décision litigieuse, les conclusions en annulation devaient être regardées comme étant uniquement dirigées contre la décision litigieuse.

15      Ensuite, le Tribunal de la fonction publique a rejeté les conclusions tendant à l’annulation de la décision litigieuse.

16      En premier lieu, au regard du premier moyen d’annulation de la décision litigieuse tiré d’une violation de l’obligation de motivation, après avoir constaté, au point 30 de l’ordonnance attaquée, que, dans le premier arrêt sur pourvoi, le Tribunal n’avait pas constaté l’absence de violation de l’obligation de motivation en tant que telle, mais avait relevé que le constat effectué dans l’arrêt initial d’une violation de ladite obligation reposait sur une prémisse erronée résultant d’une dénaturation de certains éléments de preuve, le Tribunal de la fonction publique a considéré qu’il convenait d’examiner le moyen tiré de l’obligation de motivation.

17      Ainsi, au point 32 de l’ordonnance attaquée, en s’appuyant sur le point 35 du premier arrêt sur pourvoi, premièrement, il a observé que, dans la décision litigieuse, le Conseil avait, tout d’abord, rappelé l’absence de disposition statutaire conférant le droit à un fonctionnaire lauréat d’un concours d’un grade plus élevé que le sien d’obtenir automatiquement un avancement de grade, ensuite, indiqué qu’une telle mesure ne pouvait être adoptée que dans l’intérêt du service et, enfin, conclu qu’un tel critère n’était pas satisfait dans le cadre de la demande du requérant, dès lors que la situation de l’unité de traduction à laquelle appartenait celui-ci était différente, au moment de sa demande, de celles des unités concernées au moment où les trois fonctionnaires par rapport auxquels le requérant estimait avoir subi une différence de traitement avaient obtenu un avancement de grade.

18      Deuxièmement, au point 33 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal de la fonction publique a constaté que le Conseil avait explicitement répondu au grief tiré de la violation du principe d’égalité de traitement, dès lors qu’il avait relevé que les trois fonctionnaires par rapport auxquels le requérant estimait avoir subi une différence de traitement se trouvaient dans des situations différentes de celui-ci, qu’un fonctionnaire lauréat d’un concours n’était pas titulaire d’un droit à un avancement de grade en restant au même poste et que, en l’absence de disposition statutaire, il s’était fondé sur l’intérêt du service, qui ne justifiait pas de recrutement de grade AD 9 dans l’unité linguistique du requérant. Le Tribunal de la fonction publique a ainsi conclu, au point 34 de l’ordonnance attaquée, que le Conseil avait motivé à suffisance de droit la décision litigieuse.

19      En deuxième lieu, au regard du deuxième moyen d’annulation de la décision litigieuse, tiré de la violation du principe d’égalité de traitement, après avoir rappelé, aux points 45 à 47 de l’ordonnance attaquée, qu’il ressortait de la jurisprudence, d’une part, que l’intérêt du service figurait parmi les critères objectifs et raisonnables susceptibles de justifier une différence de traitement entre fonctionnaires et, d’autre part, que, pour décider des mesures à prendre dans l’intérêt du service, l’administration disposait d’un large pouvoir d’appréciation, de sorte que le contrôle du juge devait se limiter à vérifier que l’institution concernée n’avait pas procédé à une différenciation arbitraire ou manifestement contraire audit intérêt, le Tribunal de la fonction publique a relevé, au point 50 de l’ordonnance attaquée, que l’appréciation de la notion d’intérêt du service n’était pas immuable et pouvait évoluer au fil du temps en fonction de facteurs objectifs. Ainsi, il a considéré, aux points 51 et 52 de l’ordonnance attaquée, que l’intérêt des unités de traduction des langues des nouveaux États membres, tel qu’il se présentait en 2006, ne pouvait manifestement pas être le même que celui prévalant en 2010, soit six ans après leur création, de sorte que l’intérêt du service consistant à ce que les ressources humaines desdites unités soient préservées était, de toute évidence, moins prégnant qu’en 2006. Après avoir encore notamment relevé que le Conseil avait indiqué, sans être contredit, que six fonctionnaires dans une situation analogue à celle du requérant s’étaient aussi vu refuser un avancement de grade entre 2008 et 2011 et que ni l’avancement de grade octroyé à M. F., le fonctionnaire dont la situation personnelle était la plus comparable à celle du requérant, ni l’avancement de grade demandé par le requérant ne constituaient des promotions, au sens de l’article 45 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne, qui auraient demandé une comparaison des mérites des intéressés, le Tribunal de la fonction publique a, au point 58 de l’ordonnance attaquée, conclu que, en refusant en l’espèce d’accorder un avancement de grade au requérant, le Conseil n’avait pas procédé à une différenciation arbitraire ou manifestement contraire à l’intérêt du service.

20      En troisième lieu, aux points 62 à 64 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal de la fonction publique a écarté comme étant manifestement non fondé le troisième moyen d’annulation de la décision litigieuse, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation, au motif que le requérant s’était borné à réitérer les arguments déjà soulevés à l’appui de son deuxième moyen d’annulation, sans évoquer d’autres éléments supplémentaires.

21      En quatrième lieu, le Tribunal de la fonction publique a rejeté les demandes indemnitaires présentées par le requérant, par voie de conséquence du rejet de ses demandes en annulation.

22      Enfin, le Tribunal de la fonction publique a condamné le requérant à supporter ses propres dépens exposés, respectivement, dans les affaires F‑142/11, T‑130/14 P et F‑142/11 RENV ainsi que ceux exposés par le Conseil dans l’affaire F‑142/11.

 Procédure du présent pourvoi et conclusions des parties

23      Par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 6 septembre 2016, le requérant a formé le présent pourvoi, sur le fondement de l’article 9 de l’annexe I du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.

24      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 20 décembre 2016, le Conseil a présenté un mémoire en réponse.

25      Par décision du président de la chambre des pourvois du 10 février 2017, le requérant a été autorisé à produire une réplique, conformément à l’article 201, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

26      Le 23 mars 2017, le requérant a présenté une réplique.

27      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 11 mai 2016, le Conseil a déposé une duplique.

28      La phase écrite de la procédure a été close le 16 mai 2017.

29      Par lettres déposées au greffe du Tribunal, respectivement, le 13 et le 19 juin 2017, le requérant et le Conseil ont indiqué qu’ils ne demandaient pas la tenue d’une audience.

30      Le Tribunal (chambre des pourvois) a décidé, en application de l’article 207, paragraphe 2, du règlement de procédure, de statuer sur le pourvoi sans phase orale de la procédure.

31      Par décision du 21 mars 2018, le président de la chambre des pourvois a décidé de rouvrir la phase écrite de la procédure.

32      Le 22 mars 2018, le Tribunal a invité les parties à présenter des observations quant aux conséquences qu’elles tiraient, pour la procédure, de l’arrêt du 23 janvier 2018, FV/Conseil (T‑639/16 P, EU:T:2018:22), par lequel le Tribunal a annulé un arrêt du Tribunal de la fonction publique au motif que la formation de jugement l’ayant rendu n’avait pas été constituée de manière régulière. Les parties ont déféré à cette invitation dans le délai imparti.

33      La phase écrite de la procédure a été de nouveau close le 17 avril 2018.

34      Le second arrêt sur pourvoi, annulant l’ordonnance attaquée au motif de l’irrégularité de la composition de la formation de jugement du Tribunal de la fonction publique ayant statué, a été rendu à la suite de cette procédure, mais il a été réexaminé, puis annulé par la Cour, ainsi qu’il a été exposé aux points 1 et 3 ci-dessus, et le pourvoi a été renvoyé au Tribunal. De ce fait, l’affaire qui avait été renvoyée pour jugement au fond en vertu du second arrêt sur pourvoi (affaire T‑441/18 RENV) a été clôturée par décision du greffe.

35      En raison de la réorganisation du Tribunal consécutive à la mise en œuvre de l’article 4 du règlement (UE, Euratom) 2016/1192 du Parlement européen et du Conseil, du 6 juillet 2016, relatif au transfert au Tribunal de la compétence pour statuer, en première instance, sur les litiges entre l’Union européenne et ses agents (JO 2016, L 200, p. 137), le Tribunal ne comportait plus, au moment du renvoi du pourvoi, de chambre des pourvois. Le pourvoi a, dès lors, été attribué à la quatrième chambre, qui fait partie de celles spécifiquement chargées, en vertu de la décision du Tribunal du 11 mars 2020 relative à la constitution des chambres et à l’affectation des juges aux chambres (JO 2020, C 114, p. 2), des affaires introduites au titre de l’article 270 TFUE concernant les litiges entre l’Union et ses agents.

36      L’article 222 du règlement de procédure prévoyant que, à la suite du renvoi au Tribunal d’un pourvoi, les parties à la procédure devant le Tribunal peuvent, dans un délai d’un mois à compter de la signification de l’arrêt de la Cour, déposer des observations écrites sur les conclusions à tirer de cet arrêt, le Conseil a déposé des observations écrites le 5 mai 2020. Le requérant n’a pas déposé de telles observations dans le délai imparti.

37      Le Conseil n’a pas formulé d’observations spécifiques sur les conséquences à tirer de l’arrêt sur réexamen pour la solution du litige et a résumé les arguments qu’il avait développés dans le mémoire en réponse et la duplique.

38      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler l’ordonnance attaquée ;

–        renvoyer l’affaire devant le juge de première instance ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

39      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le pourvoi ;

–        condamner le requérant aux dépens. 

 En droit

40      Le pourvoi porte sur l’examen par le Tribunal de la fonction publique, dans l’ordonnance attaquée, des moyens d’annulation de la décision litigieuse mentionnés aux points 16 à 20 ci-dessus, à savoir la violation de l’obligation de motivation, la violation du principe d’égalité de traitement et l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation .

 Sur l’examen par le Tribunal de la fonction publique du moyen tiré de la violation de l’obligation de motivation

41      Le requérant rappelle les motifs de l’ordonnance attaquée sur la base desquels le Tribunal de la fonction publique a rejeté le moyen tiré de la violation de l’obligation de motivation, qui sont résumés aux points 17 et 18 ci-dessus. Or, selon le requérant, la base juridique de la décision litigieuse resterait toujours inconnue, ce qui montrerait qu’un élément essentiel de la motivation de cette décision fait défaut. À cet égard, le requérant expose que le Conseil a avancé au cours de la procédure juridictionnelle successivement trois fondements juridiques, à savoir l’intérêt du service dans le mémoire en défense, l’article 31, paragraphe 2, du statut à l’occasion de l’audience ayant précédé l’arrêt initial et, dans les observations après le renvoi de l’affaire au Tribunal de la fonction publique, une note de service du secrétariat général du Conseil sur les reclassements de grade après réussite à un concours, indiquant que le statut ne comporte pas de dispositions spécifiques à cet égard.  Le requérant précise que le défaut d’intérêt du service invoqué pour ne pas le reclasser serait une raison factuelle, mais non une base juridique. En effet, les circonstances ne pourraient pas en tant que telles constituer une base juridique, d’autant plus qu’en l’espèce le Conseil aurait brusquement changé de pratique. Le Tribunal de la fonction publique n’aurait pas identifié lui-même dans l’ordonnance attaquée les éléments permettant de déterminer une base juridique à la décision litigieuse. Ainsi, l’ordonnance attaquée souffrirait elle-même d’un manque de motivation.

42      Le requérant soutient, en substance, que l’indication de la base juridique d’une décision d’une institution est essentielle pour s’assurer que celle-ci agit dans les limites de ses compétences. Ainsi, en omettant d’indiquer la base juridique de la décision litigieuse, le Conseil ne l’aurait pas motivée à suffisance de droit et, en estimant le contraire, le Tribunal de la fonction publique aurait commis une erreur de droit. En jugeant ainsi, le juge du fond aurait également dénaturé les éléments de preuve en estimant que le Conseil avait indiqué, en invoquant l’intérêt du service comme disposition spécifique dans la législation l’autorisant à accorder un avancement de grade, une base juridique. En effet, la note de service mentionnée au point 41 ci-dessus indiquerait qu’il n’existe aucune disposition statutaire permettant d’accorder un tel avancement.

43      En substance donc, selon le requérant, alors que le Conseil n’a pas satisfait à son obligation de motivation de la décision litigieuse en n’y indiquant pas sa base juridique, le Tribunal de la fonction publique a lui-même méconnu cette obligation en n’indiquant pas la base juridique d’une décision qu’il confirmait, a commis une erreur de droit en estimant cette décision suffisamment motivée et a dénaturé le dossier en estimant que le Conseil avait retenu l’intérêt du service en tant que base juridique.

44      S’agissant du premier de ces trois griefs à l’encontre de l’ordonnance attaquée, il ressort d’une jurisprudence constante que le juge du pourvoi peut contrôler si le juge du fond a répondu à suffisance de droit à l’ensemble des arguments invoqués par la partie requérante. Le moyen tiré du défaut de réponse du juge du fond à un moyen ou à un argument revient, en substance, à invoquer une violation de l’obligation de motivation qui découle de l’article 36 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lequel était applicable au Tribunal de la fonction publique en vertu de l’article 7, paragraphe 1, de l’annexe I du même statut (voir, en ce sens, arrêts du 1er octobre 1991, Vidrányi/Commission, C‑283/90 P, EU:C:1991:361, point 29 ; du 17 juillet 1997, Ferriere Nord/Commission, C‑219/95 P, EU:C:1997:375, point 31, et du 11 septembre 2013, L/Parlement, T‑317/10 P, EU:T:2013:413, point 29).

45      En l’espèce, il doit, d’abord, être constaté que, dans ses écritures devant le juge du fond, le requérant n’a jamais soulevé, comme argument au soutien de son moyen tiré de la violation de l’obligation de motivation, l’absence d’indication d’une base juridique de la décision litigieuse, dans celle-ci ou dans la décision rejetant sa réclamation. En effet, le requérant n’y a dénoncé que le manque d’explications, dans ces décisions, quant à la différence d’appréciation en matière d’intérêt du service qui avait conduit à reclasser en grade certains de ses collègues et pas lui. Dans ces conditions, il ne peut reprocher au Tribunal de la fonction publique d’avoir omis de répondre à l’un de ses arguments qu’il aurait soulevés concernant l’absence d’indication d’une base juridique de la décision litigieuse.

46      Ensuite, il ressort, certes, d’une jurisprudence constante que, dans le cadre d’un recours en annulation, le moyen tiré d’un défaut ou d’une insuffisance de motivation d’un acte constitue un moyen d’ordre public qui peut, voire doit, être soulevé d’office par le juge de l’Union (arrêt du 20 février 1997, Commission/Daffix, C‑166/95 P, EU:C:1997:73, point 24 ; voir, également, arrêt du 20 juillet 2017, Badica et Kardiam/Conseil, T‑619/15, EU:T:2017:532, point 42 et jurisprudence citée).

47      En l’espèce, au regard de l’argumentation de pourvoi développée par le requérant, il peut être d’emblée vérifié, par économie de procédure, si le Tribunal de la fonction publique a identifié dans la décision litigieuse l’indication d’une base juridique à celle-ci. Toutefois, dans l’affirmative, il n’y aura pas lieu d’examiner si le motif de la décision litigieuse identifié comme constituant sa base juridique pouvait valablement être considéré comme tel. En effet, les moyens de pourvoi présentement examinés, mentionnés aux points 42 et 43 ci-dessus, portent uniquement sur l’examen par le Tribunal de la fonction publique du respect de l’obligation de motivation par le Conseil et non sur l’examen par ce tribunal d’un moyen mettant en cause le bien-fondé de la motivation retenue par le Conseil.

48      Il y a lieu de relever, en outre, qu’est en cause en l’espèce un refus d’accorder à un fonctionnaire d’un certain grade un avancement de grade dans le même poste à la suite de sa réussite à un concours de recrutement pour des fonctions correspondant à un grade plus élevé, et non la décision contraire. Par conséquent, n’est pas en cause l’identification par le Tribunal de la fonction publique, au sein de la décision litigieuse, d’une disposition permettant l’avancement de grade du requérant dans le même poste à la suite de sa réussite à un tel concours, mais celle des motifs retenus comme constituant la base juridique du refus d’accorder cet avancement au requérant. À cet égard, le Tribunal de la fonction publique a relevé à juste titre, au regard de l’obligation de motivation, aux points 32 et 33 de l’ordonnance attaquée, que le Conseil avait justifié son refus, en l’absence de disposition statutaire régissant les avancements tels que celui demandé par le requérant, par le manque d’intérêt du service à procéder à un tel avancement à son profit. Il s’en déduit que le Tribunal de la fonction publique a bien identifié une motivation concernant la base juridique de la décision litigieuse et qu’il n’y avait aucune obligation pour lui d’examiner d’office si le Conseil avait fourni des motifs justifiant une décision contraire d’accorder à un fonctionnaire d’un certain grade un avancement de grade dans le même poste à la suite de sa réussite à un concours de recrutement pour des fonctions correspondant à un grade plus élevé. L’argument avancé à cet égard par le requérant au soutien du troisième grief mentionné aux points 42 et 43 ci-dessus, selon lequel le Tribunal de la fonction publique a dénaturé le dossier qui comporterait un document indiquant qu’il n’existe aucune disposition statutaire permettant d’accorder un tel avancement est par conséquent un argument inopérant en ce sens qu’il ne peut, par définition, pas être avancé à l’encontre d’un refus d’accorder un tel avancement, quel que soit le motif expliquant ce refus. Partant, le Tribunal de la fonction publique n’a ni méconnu lui-même l’obligation de motivation, ni, au regard des deuxième et troisième griefs avancés contre l’ordonnance attaquée mentionnés aux points 42 et 43 ci-dessus, commis à ce propos d’erreur de droit, ni encore dénaturé le dossier.

49      Les moyens du pourvoi concernant l’examen par le Tribunal de la fonction publique du moyen d’annulation de la décision litigieuse, tiré de la violation de l’obligation de motivation, doivent donc être rejetés.

 Sur l’examen par le Tribunal de la fonction publique du moyen tiré de la violation du principe d’égalité de traitement

50      Selon le requérant, le Tribunal de la fonction publique a dénaturé les faits dans l’ordonnance attaquée. Il rappelle que, dans celle-ci, il a été indiqué que le refus de lui accorder un avancement de grade a été motivé par une absence d’intérêt du service à adopter une telle mesure, la situation de son unité de traduction étant, d’après cette motivation, différente, au regard du principe d’égalité de traitement, au moment de sa demande de reclassement, en 2010, de celle de l’unité de traduction de M. F., dont la situation personnelle était la plus comparable à la sienne, au moment où celui-ci avait obtenu un tel avancement en 2006. Or, le Tribunal de la fonction publique aurait totalement négligé, en les estimant inutiles, au point 53 de l’ordonnance attaquée, les documents que le requérant avait produits et qui auraient démontré que la situation de ces deux unités était comparable. Ces documents, dont l’authenticité n’était pas contestée par le Conseil, indiqueraient que l’unité de traduction de M. F. était entièrement pourvue en fonctionnaires titulaires de haut niveau en 2006 et que cette unité était alors bien stabilisée. Le Tribunal de la fonction publique aurait également dénaturé les faits en indiquant en substance, aux points 51 et 52 de l’ordonnance attaquée, que si, en 2006, il y avait un vif intérêt à retenir dans les unités de traduction des langues des nouveaux États membres les traducteurs les plus qualifiés et expérimentés, très sollicités à l’extérieur, un tel intérêt n’existait plus en 2010. En effet, d’une part, le Conseil n’aurait lui-même jamais avancé cet argument, y compris pendant la procédure juridictionnelle, et rien n’aurait prouvé que M. F. avait fait l’objet de sollicitations pour un poste dans une autre institution. Au demeurant, il y aurait toujours eu des candidats ayant réussi les concours de recrutement de traducteurs sur les listes de réserve. De même, au point 55 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal de la fonction publique aurait avalisé sans preuves une affirmation tardive du Conseil dans la procédure, indiquant que six autres refus d’avancement de grade avaient été opposés entre 2008 et 2011 à des traducteurs dans une situation personnelle comparable à celle du requérant. La prise en compte de la circonstance que le requérant n’a pas réfuté cette affirmation dénaturerait également les faits, car il lui aurait été impossible de vérifier la véracité de cette affirmation, le Conseil opposant la confidentialité des données personnelles concernant des fonctionnaires comme le montrerait la réponse faite au requérant lorsqu’il a demandé à accéder à la décision de classement au grade supérieur de collègues. Le Tribunal de la fonction publique aurait encore dénaturé les éléments de preuve en ne tenant pas compte de la note de service du secrétariat général du Conseil sur les reclassements de grade après la réussite à un concours, mentionnée au point 41 ci-dessus.

51      En outre, l’absence d’explication, au point 55 de l’ordonnance attaquée, sur les raisons ayant conduit à accepter telle quelle l’affirmation du Conseil, d’après laquelle six autres refus d’avancement de grade ont été opposés entre 2008 et 2011 à des traducteurs dans une situation personnelle comparable à celle du requérant, traduirait également une méconnaissance de l’obligation de motivation de la part du Tribunal de la fonction publique.

52      En ce qui concerne l’office du juge du pourvoi, il convient de rappeler qu’il découle de l’article 11 de l’annexe I du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, relative au Tribunal de la fonction publique, que ce dernier était seul compétent, d’une part, pour constater les faits, sauf dans le cas où l’inexactitude matérielle de ses constatations aurait résulté des pièces du dossier qui lui ont été soumises, et, d’autre part, pour apprécier ces faits, sous réserve de la dénaturation, de sa part, des éléments de preuve [voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 1er juin 1994, Commission/Brazzelli Lualdi e.a., C‑136/92 P, EU:C:1994:211, point 49 ; du 25 janvier 2007, Sumitomo Metal Industries et Nippon Steel/Commission, C‑403/04 P et C‑405/04 P, EU:C:2007:52, point 39, et ordonnance du 8 octobre 2015, Nieminen/Conseil, T‑464/14 P, EU:T:2015:787, points 26 et 35].

53      En l’espèce, le requérant dénonce d’abord une dénaturation par le Tribunal de la fonction publique des éléments qu’il a produits pour montrer qu’en 2006 l’unité de traduction de M. F. était entièrement pourvue en fonctionnaires titulaires de haut niveau et que cette unité était alors bien stabilisée, car le Tribunal de la fonction publique a estimé, au point 53 de l’ordonnance attaquée, cette démonstration inutile. Le raisonnement suivi par le Tribunal de la fonction publique dans ce passage de l’ordonnance attaquée est que l’intérêt du service à accorder, ou non, un avancement de grade tel que celui demandé par le requérant n’était pas lié au caractère complet ou incomplet des effectifs, mais au degré de consolidation des unités de traduction sur les plans organisationnel, fonctionnel et structurel. Il est exact que le requérant n’entendait pas montrer uniquement, avec les éléments qu’il a produits, qu’en 2006 l’unité de traduction de M. F. était à effectifs complets, ce qui ressort du point 3 de la réplique, mais aussi que ses traducteurs étaient tous des fonctionnaires titulaires, ce qui ressort du point 4 de la réplique. Ainsi qu’il ressort du point 33 de la réplique, l’accent mis sur ce second aspect visait à établir que cette unité était bien stabilisée dès 2006, les fonctionnaires titulaires étant, selon le requérant, supposés être enclins à rester dans leur institution. Au contraire, en 2010, l’unité de traduction du requérant aurait encore compté des agents temporaires et un poste était vacant, ce qui aurait davantage justifié d’inciter le requérant à conserver son poste en lui accordant l’avancement de grade qu’il sollicitait que d’accorder un tel avancement à M. F. en 2006.

54      Toutefois, l’appréciation portée par le Tribunal de la fonction publique au point 53 de l’ordonnance attaquée, qui commence par « à cet égard », s’inscrit dans une motivation plus large, qui débute au point 51 de cette ordonnance, et qui consiste à approuver l’argumentation du Conseil, selon laquelle, en 2006, en substance, il était dans l’intérêt du service de retenir les traducteurs présents au sein d’unités de traduction qui avaient tout juste deux ans d’existence, alors qu’ils étaient l’objet de fortes sollicitations de l’extérieur, tandis que cette situation avait largement changé en 2010, année où le requérant a demandé son reclassement de grade, ces unités étant alors stabilisées sur les plans organisationnel, fonctionnel et structurel. Au regard de ces considérations, il apparaît en effet peu déterminant qu’en 2006 tous les traducteurs de l’unité de M. F. aient déjà été des fonctionnaires titulaires, car de tels agents peuvent aussi partir travailler en dehors de leur institution d’origine, et qu’en 2010 il y ait eu des agents temporaires et un poste vacant au sein de l’unité du requérant, situation qui n’a rien d’exceptionnel en temps normal au sein d’une structure « de base » d’une institution de l’Union.

55      Il en résulte que le Tribunal de la fonction publique n’a nullement dénaturé les éléments mentionnés au point 53 ci-dessus, puisqu’il n’a pas mis en doute leur véracité, mais qu’il a écarté à juste titre leur pertinence dans le cadre du raisonnement qu’il a suivi.

56      En ce qui concerne la deuxième dénaturation des faits dénoncée par le requérant, qui se traduirait précisément par la considération que si, en 2006, il y avait un intérêt à retenir dans les unités de traduction des langues des nouveaux États membres les traducteurs les plus qualifiés et expérimentés, très sollicités à l’extérieur, un tel intérêt n’existait plus en 2010, aucun argument du requérant ne permet de retenir une telle dénaturation.

57      En premier lieu, il est inexact que le Conseil n’a jamais avancé lui-même cet argument, y compris pendant la procédure juridictionnelle. Dans la décision litigieuse, il est indiqué : « J’ai le regret de vous informer que la situation actuelle de l’unité de traduction estonienne, qui est différente de celle des unités de traduction polonaise et slovaque quand [notamment M. F. a] obtenu un avancement de grade, ne justifie pas de vous accorder un avancement de grade dans l’intérêt du service ». Cette motivation a été précisée dans le mémoire en défense, au point 34, comme suit : « Le critère de l’intérêt du service n’est pas un facteur immuable ; il peut évoluer avec le temps [ ; à] l’époque où [notamment M. F. a] bénéficié d’un avancement, les unités linguistiques des “nouveaux États membres” étaient encore relativement récentes et, par conséquent, encore en cours de mise en place [ ; d]ès lors, il était impératif de conserver des traducteurs qualifiés afin de préserver la cohérence des traductions ainsi que les connaissances et l’expérience acquises à ce stade, notamment en ce qui concerne la terminologie [ ; l]a situation avait changé en 2010, année où le requérant a introduit sa demande, car les unités linguistiques en question s’étaient renforcées et avaient déjà accumulé une certaine expérience ». La même motivation a été en substance rappelée au point 16 de la duplique. Le Tribunal de la fonction publique n’a donc pas, contrairement à ce qu’avance le requérant, fondé sa motivation sur des éléments non invoqués dans le dossier.

58      En deuxième lieu, au regard de l’argument d’après lequel rien ne prouve que M. F. avait fait l’objet de sollicitations pour un poste dans une autre institution avant d’obtenir un avancement de grade, il doit être constaté qu’une telle circonstance n’est nullement alléguée dans l’ordonnance attaquée, seule la situation générale des unités de traduction des langues des nouveaux États membres étant prise en compte. Au demeurant, inciter des fonctionnaires à la stabilité dans leur affectation en répondant favorablement à certaines de leurs demandes ne se réduit pas à surenchérir par rapport à des propositions qui leur seraient faites ailleurs et dont ils feraient état.

59      En troisième lieu, l’argument d’après lequel il y aurait toujours eu en 2006 des candidats ayant réussi les concours de recrutement de traducteurs pour les langues concernées sur les listes de réserve, constitue un élément de fait avancé par le requérant seulement au stade du pourvoi et qu’il ne saurait être reproché au Tribunal de la fonction publique de ne pas avoir pris en compte (voir, en ce sens, arrêt du 26 février 2016, Bodson e.a./BEI, T‑240/14 P, EU:T:2016:104, point 80). En outre, une dénaturation des éléments de preuve existe lorsque, sans qu’il soit nécessaire d’avoir recours à de nouveaux éléments de preuve, l’appréciation des éléments de preuve existants apparaît manifestement erronée (voir arrêt du 18 juillet 2007, Industrias Químicas del Vallés/Commission, C‑326/05 P, EU:C:2007:443, point 60 et jurisprudence citée).

60      En ce qui concerne la troisième dénaturation des faits dénoncée par le requérant, qui se traduirait au point 55 de l’ordonnance attaquée par la reprise, sans preuves, de l’affirmation du Conseil que six autres refus d’avancement de grade ont été opposés entre 2008 et 2011 à des traducteurs dans une situation personnelle comparable à celle du requérant, il doit être constaté que cette affirmation a été formulée au stade du mémoire en défense, au point 36, et qu’il ressort en substance de l’indication, par le Tribunal de la fonction publique, qu’elle n’était pas contestée par le requérant et que, si le requérant avait des doutes sur sa véracité, il aurait dû en faire part dans la réplique ou encore dans ses observations dans le cadre du renvoi de l’affaire après le premier arrêt sur pourvoi, observations au point 32 desquelles il a d’ailleurs fait état de ces refus. La circonstance, avancée par le requérant, qu’il ne disposait pas lui-même des moyens de vérifier cette véracité, compte tenu de l’opposition du Conseil à dévoiler des données personnelles, ne l’empêchait pas d’exprimer des doutes sur l’affirmation en question et, le cas échéant, de demander qu’il n’en soit pas tenu compte ou que sa preuve soit apportée. En l’absence de réaction de la sorte du requérant en temps utile, il ne saurait être considéré que le Tribunal de la fonction publique a dénaturé des éléments de preuve à ce propos.

61      Enfin, s’agissant de la quatrième dénaturation des faits dénoncée, résultant de ce que le Tribunal de la fonction publique n’aurait pas tenu compte de la note de service du secrétariat général du Conseil sur les reclassements de grade après la réussite à un concours, mentionnée au point 41 ci-dessus, l’argument du requérant n’est pas clair, car on ne comprend pas comment et dans quel sens la prise en compte de cette note, postérieure aux faits, aurait dû jouer selon le requérant. Dans ces conditions, le Tribunal ne peut que rejeter le grief en question.

62      Il résulte des points 53 à 61 ci-dessus que la dénaturation des faits par le Tribunal de la fonction publique dans le cadre de son examen du moyen d’annulation de la décision litigieuse tiré d’une méconnaissance du principe d’égalité de traitement, dénoncée par le requérant, n’est pas établie.

63      Ainsi qu’il est indiqué au point 51 ci-dessus, le requérant soutient par ailleurs que l’absence d’explication, dans l’ordonnance attaquée, quant aux raisons ayant conduit à accepter telle quelle l’affirmation du Conseil, d’après laquelle six autres refus d’avancement de grade ont été opposés à des traducteurs dans une situation personnelle comparable à celle du requérant, traduit également une méconnaissance de l’obligation de motivation.

64      Il doit cependant être constaté que, au point 55 de l’ordonnance attaquée, dans lequel cette affirmation a été prise en compte, le Tribunal de la fonction publique a indiqué, sans dénaturer le dossier ainsi qu’il résulte du point 60 ci-dessus, que le requérant n’avait pas contesté cette affirmation. Or, cette indication constitue un élément de motivation suffisant expliquant pourquoi le Tribunal de la fonction publique a pris en compte cette affirmation.

65      Les moyens du pourvoi concernant l’examen par le Tribunal de la fonction publique du moyen d’annulation de la décision litigieuse, tiré d’une méconnaissance du principe d’égalité de traitement, doivent donc être rejetés.

 Sur l’examen par le Tribunal de la fonction publique du moyen tiré d’une erreur manifeste d’appréciation

66      Le requérant souligne que, pour réfuter le moyen d’annulation de la décision litigieuse tiré d’une erreur manifeste d’appréciation, le Tribunal de la fonction publique s’est référé, dans l’ordonnance attaquée, à son analyse du moyen d’annulation de la décision litigieuse tiré de la violation du principe d’égalité de traitement dans la mesure où le requérant avançait les mêmes arguments au soutien de ces deux moyens. Dès lors, le requérant se réfère à ses moyens du pourvoi dirigés contre l’examen du second de ces moyens pour contester celle du premier.

67      Compte tenu de l’analyse des moyens du pourvoi dirigés contre l’examen du moyen d’annulation de la décision litigieuse tiré de la violation du principe d’égalité de traitement, effectuée aux points 52 à 65 ci-dessus, les moyens du pourvoi dirigés contre l’examen du moyen d’annulation de la décision litigieuse tiré d’une erreur manifeste d’appréciation ne peuvent par conséquent qu’être rejetés.

 Sur l’examenpar le Tribunal de la fonction publique des conclusions indemnitaires

68      Rappelant que, aux points 67 et 68 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal de la fonction publique s’est appuyé sur le lien étroit entre la demande d’annulation de la décision litigieuse et la demande d’indemnisation pour rejeter cette dernière après avoir rejeté la première, le requérant estime que, l’ordonnance attaquée devant être annulée en ce qu’elle porte sur sa demande d’annulation de la décision litigieuse, elle doit l’être également en ce qu’elle porte sur sa demande d’indemnisation. Cette dernière devrait être accueillie au titre d’un préjudice d’inégalité de traitement par rapport à M. F, d’un préjudice au titre de perspectives de carrière auxquelles il aurait été porté atteinte et au titre d’un préjudice moral.

69      Toutefois, l’ordonnance attaquée étant confirmée en ce que la demande d’annulation de la décision litigieuse y est rejetée et la légalité de cette dernière étant par conséquent confirmée, le lien étroit entre cette demande et la demande d’indemnisation n’étant pas contesté, l’ordonnance attaquée doit également être confirmée en ce que la demande d’indemnisation y est aussi rejetée. À cet égard, ainsi que le Tribunal de la fonction publique l’a exposé à juste titre au point 67 de cette ordonnance, il ressort d’une jurisprudence constante que, si une demande en indemnité présente un lien étroit avec une demande d’annulation, le rejet de cette dernière soit comme irrecevable, soit comme non fondée, entraîne également le rejet de la demande indemnitaire (voir, en ce sens, arrêt du 30 septembre 2003, Martínez Valls/Parlement, T‑214/02, EU:T:2003:254, point 43 et jurisprudence citée).

70      Il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur les dépens

71      Conformément à l’article 223 du règlement de procédure, le Tribunal statue sur les dépens relatifs à la procédure engagée devant lui après le réexamen et, conformément à l’article 211, paragraphe 2, du même règlement, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, le Tribunal statue sur les dépens.

72      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 211, paragraphe 1, du même règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s’il est conclu en ce sens. Aux termes de l’article 211, paragraphe 4, du même règlement, par dérogation à cette disposition, dans les pourvois formés par les fonctionnaires, le Tribunal peut décider de répartir les dépens entre les parties dans la mesure où l’équité l’exige.

73      En l’espèce, il convient de tenir compte de ce que le réexamen intervenu dans la présente affaire, la procédure reprise devant le Tribunal après le réexamen et la clôture de la procédure de renvoi au fond reprise après le second arrêt sur pourvoi ne sont pas consécutifs à l’accueil d’un moyen avancé par l’une des parties dans le cadre de la procédure clôturée par le second arrêt sur pourvoi qui a été annulé par la Cour. Le Tribunal estime donc en équité que chaque partie doit supporter ses propres dépens relatifs, d’une part, à la procédure de renvoi devant le Tribunal clôturée par décision du greffe après l’annulation du second arrêt sur pourvoi par la Cour (T‑441/18 RENV), étant noté que cette dernière a décidé que chaque partie supportait ses propres dépens relatifs à la procédure de réexamen et, d’autre part, à la procédure devant le Tribunal après le réexamen (T‑646/16 P RENV‑RX).

74      Par ailleurs, le requérant ayant succombé et le Conseil ayant conclu à sa condamnation aux dépens, il y a lieu de condamner le requérant à supporter les dépens de la procédure de pourvoi qui ont été exposés avant que le second arrêt sur pourvoi ne soit rendu (T‑646/16 P).

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      M. Erik Simpson supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par le Conseil de l’Union européenne dans l’affaire T646/16 P.

3)      Chaque partie supportera ses propres dépens dans les affaires T441/18 RENV et T646/16 PRENV-RX.

Gervasoni

Madise

Nihoul

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 octobre 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.