Language of document : ECLI:EU:T:2014:125

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

14 mars 2014 (*)

« Concurrence – Procédure administrative – Décision de demande de renseignements – Caractère nécessaire des renseignements demandés – Obligation de motivation – Proportionnalité »

Dans l’affaire T‑292/11,

Cemex SAB de CV, établie à Monterrey (Mexique),

New Sunward Holding BV, établie à Amsterdam (Pays-Bas),

Cemex España, SA, établie à Madrid (Espagne),

Cemex Deutschland AG, établie à Ratingen (Allemagne),

Cemex UK, établie à Egham (Royaume-Uni),

Cemex Czech Operations s.r.o., établie à Prague (République tchèque),

Cemex France Gestion, établie à Rungis (France),

Cemex Austria AG, établie à Langenzersdorf (Autriche),

représentées par Mes J. Folguera Crespo, P. Vidal Martínez, H. González Durántez et B. Martínez Corral, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par M. É. Gippini Fournier, Mme F. Castilla Contreras et M. C. Hödlmayr, en qualité d’agents, assistés de Me J. Rivas Andrés, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision C (2011) 2360 final de la Commission, du 30 mars 2011, relative à une procédure d’application de l’article 18, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil (affaire 39520 – Ciment et produits connexes),

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de M. A. Dittrich, président, Mme I. Wiszniewska-Białecka et M. M. Prek (rapporteur), juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 6 février 2013,

rend le présent

Arrêt

 Faits à l’origine du litige et procédure

1        Les requérantes dans le cadre du présent recours sont, d’une part, Cemex SAB de CV (ci-après « Cemex »), dont le siège social est situé au Mexique, et, d’autre part, ses filiales New Sunward Holding BV, Cemex España, SA, Cemex Deutschland AG, Cemex UK, Cemex Czech Operations s.r.o., Cemex France Gestion et Cemex Austria AG.

2        Au cours des mois de novembre 2008 et de septembre 2009, la Commission des Communautés européennes a effectué, en application de l’article 20 du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101 TFUE] et [102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1), plusieurs inspections dans les locaux de sociétés actives dans le secteur cimentier, y compris dans les locaux de Cemex UK, de Cemex Deutschland et de Cemex España.

3        Le 30 septembre 2009, la Commission a adressé à Cemex UK et à Cemex Deutschland une demande de renseignements comprenant deux questionnaires. Le premier questionnaire portait sur des documents saisis lors des inspections. Dans le second questionnaire annexé à cette demande de renseignements, la Commission a adressé à Cemex UK et à Cemex Deutschland une liste initiale de 57 questions (ci-après les « questions initiales » ou le « questionnaire initial »).

4        Les 9 et 23 octobre 2009, Cemex UK et Cemex Deutschland ont demandé une prorogation du délai de réponse au questionnaire initial. Les 12 et 27 octobre 2009, la Commission leur a accordé une prolongation de 20 jours ouvrables.

5        Le 21 octobre 2009, la Commission a adressé à Cemex UK et à Cemex Deutschland un courriel présenté comme un éclaircissement du sens de la huitième question du questionnaire initial.

6        Les 15 octobre, 26 novembre et 14 décembre 2010, la Commission a adressé à Cemex España plusieurs demandes de renseignements portant sur les documents saisis lors des inspections conduites dans ses locaux ainsi que sur la structure des requérantes.

7        Par lettre du 8 novembre 2010, la Commission a informé Cemex España de son intention de lui adresser une décision de demande de renseignements au titre de l’article 18, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003 et lui a communiqué le projet de questionnaire qu’elle envisageait d’annexer à cette décision.

8        Le 16 novembre 2010, Cemex España a présenté ses observations sur ce projet de questionnaire, en en contestant la nécessité et en demandant qu’un délai de réponse de six mois au minimum lui soit octroyé.

9        Le 6 décembre 2010, la Commission a informé les requérantes qu’elle avait décidé d’ouvrir une procédure au titre de l’article 11, paragraphe 6, du règlement n° 1/2003 à leur égard ainsi qu’à l’égard de sept autres entreprises actives dans le secteur cimentier, pour des infractions présumées à l’article 101 TFUE visant « des restrictions des flux commerciaux dans l’Espace économique européen (EEE), y compris des restrictions d’importations dans l’EEE en provenance de pays extérieurs à l’EEE, des répartitions de marchés, des coordinations des prix et des pratiques anticoncurrentielles connexes sur le marché du ciment et les marchés des produits connexes » (ci-après la « décision d’ouverture de la procédure »).

10      Le 30 mars 2011, la Commission a adopté la décision C (2011) 2360 final relative à une procédure d’application de l’article 18, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003 (affaire 39520 – Ciment et produits connexes) (ci-après la « décision attaquée »).

11      Dans la décision attaquée, la Commission indique que, conformément à l’article 18 du règlement n° 1/2003, pour l’accomplissement des tâches qui lui sont assignées par ledit règlement, elle peut, par simple demande ou par voie de décision, demander aux entreprises et associations d’entreprises de fournir tous les renseignements nécessaires (considérant 3 de la décision attaquée). Après avoir rappelé que Cemex España et ses filiales situées dans l’Union européenne avaient été informées de son intention d’adopter une décision conformément à l’article 18, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003 et qu’elles avaient pu présenter leurs observations sur un projet de questionnaire (considérants 4 et 5 de la décision attaquée), la Commission a demandé par voie de décision, à Cemex de répondre au questionnaire figurant en annexe I, comprenant 94 pages et constitué de onze séries de questions (considérant 6 de la décision attaquée).

12      La Commission a également rappelé la description des infractions présumées, figurant au point 9 ci-dessus (considérant 2 de la décision attaquée).

13      En se référant à la nature et à la quantité des renseignements demandés ainsi qu’à la gravité des infractions présumées aux règles de concurrence, la Commission a estimé qu’il convenait d’accorder à Cemex un délai de réponse de douze semaines pour les dix premières séries de questions et de deux semaines pour la onzième, relative aux « Contacts et réunions » (considérant 8 de la décision attaquée).

14      L’article 1er du dispositif se lit comme suit :

« [Cemex,] avec ses filiales situées dans l’UE et contrôlées directement ou indirectement par elle, fournira les renseignements mentionnés à l’annexe I de la présente décision, sous la forme demandée à l’annexe II et à l’annexe III de cette dernière, dans un délai de réponse de douze semaines pour les questions 1-10 et de deux semaines pour la question 11, à compter de la date de notification de la présente décision. Toutes les annexes font partie intégrante de la présente décision. »

15      L’article 2 du dispositif de la décision attaquée précise que « [Cemex] avec ses filiales situées dans l’UE et contrôlées directement ou indirectement par elle […] est destinataire de la présente décision ». L’adresse de notification figurant à l’article 2 du dispositif est celle de Cemex España.

16      Le 14 avril 2011, Cemex a demandé une prolongation de deux semaines aux fins de répondre à la onzième série de questions. Par courriel du 15 avril 2011, la Commission a refusé de faire droit à cette demande.

17      Le même jour, Cemex a demandé à la Commission de lui communiquer les versions officielles des annexes I et II de la décision attaquée en allemand, en français, en néerlandais et en tchèque. La Commission a refusé de faire droit à cette demande.

18      Le 18 avril 2011, la réponse à la onzième série de questions a été fournie à la Commission.

19      Le 11 mai 2011, une prorogation de 20 semaines a été demandée s’agissant du délai de réponse pour les dix premières séries de questions. Le 19 mai 2011, la Commission a refusé cette demande, tout en soulignant qu’elle n’imposerait pas de sanction immédiate si Cemex fournissait la plupart des renseignements dans les délais impartis et si, sur la base d’une justification préalable, elle complétait les réponses dans un délai raisonnable.

20      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 9 juin 2011, les requérantes ont introduit le présent recours, visant l’annulation de la décision attaquée.

21      Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 17 juin 2011, les requérantes ont introduit une demande en référé, dans laquelle elles ont conclu à ce qu’il plaise au président du Tribunal d’ordonner le sursis à l’exécution de la décision attaquée.

22      Par lettre du 23 juin 2011, la Commission a informé Cemex que cinq semaines supplémentaires seraient accordées pour répondre aux dix premières séries de questions, soit jusqu’au 2 août 2011.

23      Par ordonnance du 29 juillet 2011, Cemex e.a./Commission (T‑292/11 R, non publiée au Recueil), le président du Tribunal a rejeté la demande en référé.

24      Le 2 août 2011, Cemex a fourni sa réponse aux dix premières séries de questions, tout en lui associant une réserve quant à son caractère complet. Le 18 novembre 2011, Cemex a informé la Commission de l’existence de certaines erreurs dans sa réponse et en a communiqué une nouvelle version le 24 novembre 2011.

25      Le 25 novembre 2012, la Commission a adopté à l’encontre de Cemex une décision relative à une procédure d’application de l’article 24, paragraphe 1, sous d), du règlement n° 1/2003.

26       Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (septième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure du Tribunal, a demandé à la Commission de fournir certaines documents, ce à quoi elle a déféré dans les délais impartis.

27      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal à l’audience du 6 février 2013.

 Conclusions des parties      

28      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

29      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

 En droit

30      À l’appui du recours, les requérantes avancent six moyens, tirés, respectivement, d’une violation de l’article 18 du règlement n° 1/2003 aux motifs que la Commission aurait excédé les pouvoirs que lui confère cet article (premier moyen) et que les renseignements demandés ne seraient pas nécessaires au sens de l’article 18, paragraphe 1, dudit règlement (deuxième moyen), d’une violation des principes de proportionnalité et de bonne administration (troisième moyen), d’une insuffisance de motivation (quatrième moyen), d’une violation du principe de sécurité juridique (cinquième moyen), d’une violation de l’article 3 du règlement nº 1 du Conseil, du 15 avril 1958, portant fixation du régime linguistique de la Communauté économique européenne (JO 1958, 17, p. 385), en ce que la Commission a refusé de transmettre la décision attaquée à chaque requérante dans sa langue (sixième moyen).

 Sur le quatrième moyen, tiré d’une insuffisance de motivation

31      Les requérantes estiment que, au titre de son obligation de motivation, la Commission était tenue de mettre clairement en évidence les liens entre les renseignements demandés et les faits concrets objet de l’enquête, en mentionnant les indices qui l’ont conduite à présumer que les renseignements demandés avaient un lien avec l’enquête et qu’ils étaient nécessaires pour analyser les pratiques prétendument restrictives de concurrence sur lesquelles elle portait. L’importance exceptionnelle des renseignements demandés aurait justifié que la Commission prêtât une importance particulière à la motivation de la décision attaquée. Elles estiment que, s’agissant des renseignements qui sont demandés pour la première fois par la Commission, la décision attaquée est insuffisamment motivée, ce qui les empêche d’apprécier la proportionnalité et la nécessité de ces renseignements.

32      La Commission soutient que la décision attaquée est motivée à suffisance de droit.

33      L’obligation de motiver une décision individuelle a pour but de permettre au juge d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision et de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si la décision est bien fondée ou si elle est éventuellement entachée d’un vice permettant d’en contester la validité, étant précisé que la portée de cette obligation dépend de la nature de l’acte en cause et du contexte dans lequel il a été adopté ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêt de la Cour du 25 octobre 1984, Interfacultair Instituut Electronenmicroscopie der Rijksuniversiteit te Groningen, 185/83, Rec. p. 3623, point 38 ; arrêts du Tribunal du 15 juin 2005, Corsica Ferries France/Commission, T‑349/03, Rec. p. II‑2197, points 62 et 63, et du 12 juillet 2007, CB/Commission, T‑266/03, non publié au Recueil, point 35).

34      En application d’une jurisprudence bien établie, les éléments essentiels de la motivation d’une décision de demande de renseignements sont définis par l’article 18, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003 lui-même (voir arrêt du Tribunal du 22 mars 2012, Slovak Telekom/Commission, T‑458/09 et T‑171/10, non encore publié au Recueil, points 76 et 77, et la jurisprudence citée).

35      L’article 18, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003 prévoit que la Commission « indique la base juridique et le but de la demande, précise les renseignements demandés et fixe le délai dans lequel ils doivent être fournis ». L’article 18, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003 précise, en outre, que la Commission « indique également les sanctions prévues à l’article 23 », qu’elle « indique ou inflige les sanctions prévues à l’article 24 » et qu’« elle indique encore le droit de recours ouvert devant la Cour de justice contre la décision ».

36      Cette délimitation de l’obligation de motivation s’explique par le caractère de mesure d’instruction des décisions de demandes de renseignements.

37      Il convient, en effet, de garder à l’esprit que la procédure administrative au titre du règlement n° 1/2003, qui se déroule devant la Commission, se subdivise en deux phases distinctes et successives dont chacune répond à une logique interne propre, à savoir une phase d’instruction préliminaire, d’une part, et une phase contradictoire, d’autre part. La phase d’instruction préliminaire, durant laquelle la Commission fait usage des pouvoirs d’instruction prévus par le règlement n° 1/2003 et qui s’étend jusqu’à la communication des griefs, est destinée à permettre à la Commission de rassembler tous les éléments pertinents confirmant ou non l’existence d’une infraction aux règles de concurrence et de prendre une première position sur l’orientation ainsi que sur la suite ultérieure à réserver à la procédure. En revanche, la phase contradictoire, qui s’étend de la communication des griefs à l’adoption de la décision finale, doit permettre à la Commission de se prononcer définitivement sur l’infraction reprochée (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 8 juillet 2008, AC-Treuhand/Commission, T‑99/04, Rec. p. II‑1501, point 47).

38      D’une part, s’agissant de la phase d’instruction préliminaire, elle a pour point de départ la date à laquelle la Commission, dans l’exercice des pouvoirs qui lui sont conférés par les articles 18 et 20 du règlement n° 1/2003, prend des mesures impliquant le reproche d’avoir commis une infraction et entraînant des répercussions importantes sur la situation des entreprises suspectées. D’autre part, ce n’est qu’au début de la phase contradictoire administrative que l’entreprise concernée est informée, moyennant la communication des griefs, de tous les éléments essentiels sur lesquels la Commission se fonde à ce stade de la procédure et que cette entreprise dispose d’un droit d’accès au dossier afin de garantir l’exercice effectif de ses droits de la défense. Par conséquent, c’est seulement après l’envoi de la communication des griefs que l’entreprise concernée peut pleinement se prévaloir de ses droits de la défense. En effet, si ces droits étaient étendus à la phase précédant l’envoi de la communication des griefs, l’efficacité de l’enquête de la Commission serait compromise, puisque l’entreprise concernée serait, déjà lors de la phase d’instruction préliminaire, en mesure d’identifier les informations qui sont connues de la Commission et, partant, celles qui peuvent encore lui être cachées (voir, en ce sens, arrêt AC-Treuhand/Commission, point 37 supra, point 48, et la jurisprudence citée).

39      Toutefois, les mesures d’instruction prises par la Commission au cours de la phase d’instruction préliminaire, notamment les mesures de vérification et les demandes de renseignements, impliquent par nature le reproche d’une infraction et sont susceptibles d’avoir des répercussions importantes sur la situation des entreprises suspectées. Partant, il importe d’éviter que les droits de la défense puissent être irrémédiablement compromis au cours de cette phase de la procédure administrative dès lors que les mesures d’instruction prises peuvent avoir un caractère déterminant pour l’établissement de preuves du caractère illégal de comportements d’entreprises de nature à engager leur responsabilité (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 21 septembre 1989, Hoechst/Commission, 46/87 et 227/88, Rec. p. 2859, point 15, et arrêt AC-Treuhand/Commission, point 37 supra, points 50 et 51).

40      Dans ce contexte, il convient de rappeler que l’obligation imposée par l’article 18, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003 à la Commission d’indiquer la base juridique et le but de la demande de renseignements constitue une exigence fondamentale en vue de faire apparaître le caractère justifié des informations sollicitées auprès des entreprises concernées, mais aussi de mettre celles-ci en mesure de saisir la portée de leur devoir de collaboration tout en préservant en même temps leurs droits de la défense. Il en découle que seule peut être requise par la Commission la communication de renseignements susceptibles de lui permettre de vérifier les présomptions d’infraction qui justifient la conduite de l’enquête et qui sont indiquées dans la demande de renseignements (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du Tribunal du 12 décembre 1991, SEP/Commission, T‑39/90, Rec. p. II‑1497, point 25, et du 8 mars 1995, Société Générale/Commission, T‑34/93, Rec. p. II‑545, point 40).

41      Ainsi que l’avocat général M. Jacobs l’a souligné au point 30 de ses conclusions sous l’arrêt de la Cour du 19 mai 1994, SEP/Commission (C‑36/92 P, Rec. p. I‑1911, I‑1914), l’obligation d’indiquer le but de la demande de renseignements signifie « évidemment [que la Commission] doit identifier l’infraction alléguée aux règles de concurrence », « [l]e caractère nécessaire du renseignement doit être apprécié par rapport au but mentionné dans la demande de renseignements » et « [l]e but doit être indiqué avec suffisamment de précision, sans quoi il serait impossible de déterminer si le renseignement est nécessaire et la Cour ne pourrait pas exercer son contrôle ».

42      Il résulte également d’une jurisprudence constante que la Commission n’est pas tenue de communiquer au destinataire d’une telle décision toutes les informations dont elle dispose à propos d’infractions présumées, ni de procéder à une qualification juridique rigoureuse de ces infractions, mais qu’elle doit indiquer clairement les présomptions qu’elle entend vérifier (arrêts Société Générale/Commission, point 40 supra, points 62 et 63, et Slovak Telekom/Commission, point 34 supra, point 77).

43      Il ne saurait cependant être imposé à la Commission d’indiquer, au stade de la phase d’instruction préliminaire, outre les présomptions d’infraction qu’elle entend vérifier, les indices, c’est-à-dire les éléments la conduisant à envisager l’hypothèse d’une violation de l’article 101 TFUE. En effet, une telle obligation remettrait en cause l’équilibre que la jurisprudence établit entre la préservation de l’efficacité de l’enquête et la préservation des droits de la défense de l’entreprise concernée.

44      En l’espèce, il est clairement indiqué dans la décision attaquée qu’elle est adoptée sur le fondement de l’article 18, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003 et que les pratiques sous investigation pourraient constituer une violation de l’article 101 TFUE. Ses considérants 10 et 11 se réfèrent expressément aux sanctions et au droit de recours visés au point 35 ci-dessus.

45      Le caractère suffisamment motivé ou non de la décision attaquée dépend donc exclusivement du point de savoir si les présomptions d’infraction que la Commission entend vérifier sont précisées avec suffisamment de clarté.

46      La motivation de la décision attaquée sur ce point est constituée par la mention figurant au considérant 2 de la décision attaquée selon laquelle « [l]es infractions présumées concernent des restrictions des flux commerciaux dans l’Espace économique européen (EEE), y compris des restrictions d’importations dans l’EEE en provenance de pays extérieurs à l’EEE, des répartitions de marchés, des coordinations des prix et des pratiques anticoncurrentielles connexes sur le marché du ciment et les marchés des produits connexes ».

47      Par ailleurs, la décision attaquée renvoie explicitement à la décision d’ouverture de la procédure mentionnée au point 9 ci-dessus, laquelle contient des informations supplémentaires sur l’étendue géographique des présomptions d’infraction ainsi que sur le type de produits visés.

48      Le Tribunal relève que la motivation de la décision attaquée est rédigée en des termes très généraux qui auraient mérité d’être précisés et encourt donc la critique à cet égard. Il peut néanmoins être considéré que la référence à des restrictions d’importations dans l’Espace économique européen (EEE), à des répartitions de marchés ainsi qu’à des coordinations des prix sur le marché du ciment et les marchés des produits connexes, lue conjointement avec la décision d’ouverture de la procédure, équivaut au degré minimal de clarté permettant de conclure au respect des prescriptions de l’article 18, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003.

49      Il doit en être déduit que la décision attaquée est motivée à suffisance de droit.

50      Cette conclusion n’est pas infirmée par la critique des requérantes portant sur l’absence de motivation quant à la nécessité des renseignements demandés, la Commission n’étant pas tenue, en application de l’article 18, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003, de fournir une motivation spécifique sur ce point. C’est, en effet, au travers de l’indication des présomptions d’infraction que l’entreprise concernée peut apprécier la nécessité des renseignements demandés et, le cas échéant, contester la décision de demande de renseignements devant le Tribunal.

51      De même, pour les raisons exposées au point 38 ci-dessus, les requérantes ne sauraient reprocher à la Commission de ne pas avoir, à ce stade de la procédure, fait figurer dans la décision attaquée les indices sur la base desquels elle estimait que les renseignements demandés étaient nécessaires à la vérification de présomptions d’infraction.

52      Il convient, dès lors, de rejeter le quatrième moyen.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 18 du règlement n° 1/2003 au regard du caractère non nécessaire des renseignements demandés

53      Les requérantes soutiennent que l’article 18, paragraphe 1, du règlement n° 1/2003 a été violé dans la mesure où la Commission a exigé la communication de renseignements qui n’étaient pas nécessaires, au sens de cette disposition. Elles font valoir que, au titre de la condition de nécessité, un rapport entre les faits concrets sur lesquels porte l’enquête et la demande de renseignements doit ressortir en toute certitude de la demande de renseignements elle-même et que les renseignements exigés doivent aider à clarifier ces faits. En l’espèce, en dépit de l’insuffisance dans la motivation de la décision attaquée quant aux présomptions d’infraction, il serait possible de conclure que certains des renseignements requis ne remplissent pas cette condition.

54      La Commission conclut au rejet du présent moyen.

55      Ainsi qu’il a déjà été souligné au point 40 ci-dessus seule peut être requise par la Commission la communication de renseignements susceptibles de lui permettre de vérifier les présomptions d’infraction qui justifient la conduite de l’enquête et qui sont indiquées dans la demande de renseignements (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 12 décembre 1991, SEP/Commission, point 40 supra, point 25, et Société Générale/Commission, point 40 supra, point 40).

56      Eu égard au large pouvoir d’investigation et de vérification de la Commission, c’est à cette dernière qu’il appartient d’apprécier la nécessité des renseignements qu’elle demande aux entreprises concernées (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 18 mai 1982, AM & S Europe/Commission, 155/79, Rec. p. 1575, point 17, et du 18 octobre 1989, Orkem/Commission, 374/87, Rec. p. 3283, point 15). En ce qui concerne le contrôle que le Tribunal exerce sur cette appréciation de la Commission, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, la notion de « renseignements nécessaires » doit être interprétée en fonction des finalités en vue desquelles les pouvoirs d’enquête en cause ont été conférés à la Commission. Ainsi, il est satisfait à l’exigence d’une corrélation entre la demande de renseignements et l’infraction présumée, dès lors que, à ce stade de la procédure, ladite demande peut être légitimement regardée comme présentant un rapport avec l’infraction présumée, en ce sens que la Commission puisse raisonnablement supposer que le document l’aidera à déterminer l’existence de l’infraction alléguée (arrêts du 12 décembre 1991, SEP/Commission, point 40 supra, point 29, et Slovak Telekom/Commission, point 34 supra, point 42).

57      Les requérantes invoquent, en substance, quatre griefs selon qu’elles se fondent sur, premièrement, la circonstance que certains des renseignements demandés auraient déjà été en possession de la Commission, deuxièmement, le caractère non adéquat, ni indispensable, des renseignements supplémentaires demandés, troisièmement, le caractère public de certains renseignements demandés et, quatrièmement, une absence de lien ou de corrélation avec les présomptions d’infraction.

 Sur le grief tiré de ce que la Commission aurait été en possession de certains des renseignements demandés antérieurement à la décision attaquée

58      Dans le cadre de leur premier grief, les requérantes rappellent que la Commission dispose déjà d’une grande partie des renseignements exigés et que, partant, ceux-ci ne sauraient être considérés comme nécessaires.

59      Le Tribunal relève qu’il est précisé au considérant 6 de la décision attaquée que « [le questionnaire] prend en compte dans la mesure nécessaire les réponses aux lettres mentionnées au [considérant 4] de la présente décision et les soumissions effectuées par les entreprises sous investigation tout au long de l’enquête ». Le considérant 6 indique également que « [c]ertains renseignements avaient déjà été réclamés lors de simples demandes de renseignements (article 18, paragraphe 2) adressées à [Cemex UK] et à [Cemex Deutschland], mais [qu’ils] le sont à nouveau en vue d’obtenir une réponse exhaustive, cohérente et consolidée ». Il ajoute que, « [e]n outre, dans l’annexe I sont demandés des renseignements supplémentaires également nécessaires pour pouvoir apprécier la compatibilité des pratiques sous investigation avec les règles de concurrence de l’UE en ayant pleinement connaissance des faits et de leur contexte économique exact ».

60      Il en découle que la Commission avance essentiellement deux justifications au soutien de sa demande de renseignements : d’une part, la volonté « d’obtenir une réponse exhaustive, cohérente et consolidée » et, d’autre part, la recherche de renseignements supplémentaires par rapport à ceux fournis antérieurement.

61      En ce qui concerne la première justification avancée par la Commission, force est de constater que la décision attaquée semble effectivement avoir été, au moins en partie, adoptée aux fins d’obtenir, notamment, de Cemex une version consolidée des réponses antérieures fournies par certaines de ses filiales.

62      D’une part, il convient d’observer que les questions 1A, 1Ei), 1Eii), 1Eiii), 1F, 2 à 5, 9A, 9B ainsi que 10 de l’annexe I de la décision attaquée disposent d’un objet proche, respectivement, de celui des questions initiales 8, 31, 39, 10, 18, 17, 28, de la question 40, sous a), et b), et de la question 7 adressées à Cemex UK et à Cemex Deutschland.

63      D’autre part, si la Commission fournit en annexe au mémoire en défense une liste de réponses erronées de Cemex UK et de Cemex Deutschland (annexe B.3.), les erreurs et imprécisions qui y figurent sont inhérentes à des demandes de renseignements de l’ampleur du questionnaire initial. S’il appartenait aux requérantes de les clarifier à la suite d’une demande de la Commission en ce sens, de telles erreurs et imprécisions ne sauraient cependant justifier que la Commission redemande l’ensemble des informations antérieurement fournies.

64      À cet égard, il doit être relevé, ainsi que la Commission l’a admis lors de l’audience, que les dix premières questions du questionnaire figurant à l’annexe I de la décision attaquée sont identiques à celles figurant en annexe aux décisions adressées aux sept autres entreprises concernées par la procédure mentionnée au point 9 ci-dessus. Il ne peut qu’en être déduit que la Commission n’a pas procédé à une individualisation des questions adressées à chacune des entreprises concernées, en fonction du degré de précision et de la qualité des réponses antérieures.

65      Partant, il pourrait être considéré que la décision attaquée a, au moins en partie, pour objectif d’obtenir une version consolidée des renseignements antérieurement fournis. Cette impression est renforcée par le caractère excessivement précis des prescriptions du questionnaire relatives à la forme sous laquelle les réponses doivent être présentées. Il y a donc indéniablement une volonté de la Commission d’obtenir des réponses sous un format permettant une plus grande facilité dans la comparaison des données recueillies auprès des entreprises concernées.

66      Il convient cependant de rappeler que le Tribunal, dans son arrêt du 30 septembre 2003, Atlantic Container Line e.a./Commission (T‑191/98, T‑212/98 à T‑214/98, Rec. p. II‑3275, point 425), a souligné que des demandes de renseignements visant à obtenir des informations sur un document déjà en possession de la Commission ne pouvaient être considérées comme justifiées par les nécessités de l’enquête.

67      En outre, il y a lieu de souligner que, pour qu’une décision de demande de renseignements respecte le principe de proportionnalité, il ne suffit pas que l’information demandée soit liée à l’objet de l’enquête. Il importe également que l’obligation de fournir un renseignement, imposée à une entreprise, ne représente pas pour cette dernière une charge disproportionnée par rapport aux nécessités de l’enquête (arrêts Atlantic Container Line e.a./Commission, point 66 supra, point 418, et Slovak Telekom/Commission, point 34 supra, point 81).

68      Il doit en être déduit qu’une décision imposant au destinataire de fournir à nouveau des renseignements antérieurement demandés au motif que certains d’entre eux seulement seraient, de l’avis de la Commission, incorrects pourrait apparaître comme représentant une charge démesurée par rapport aux nécessités de l’enquête et ne serait conforme, dès lors, ni au principe de proportionnalité ni à l’exigence de nécessité. Il est en effet loisible à la Commission, dans une telle configuration, de cerner avec précision les informations qu’elle estime devoir être corrigées par l’entreprise concernée.

69      De même, la recherche d’une facilité de traitement des réponses fournies par les entreprises ne saurait justifier qu’il soit imposé audites entreprises de fournir sous un nouveau format des renseignements déjà en possession de la Commission. Si les entreprises sont sous une obligation de collaboration active, qui implique qu’elles tiennent à la disposition de la Commission tous les éléments d’information relatifs à l’objet de l’enquête (arrêts Orkem/Commission, point 56 supra, point 27, et Société Générale/Commission, point 40 supra, point 72), cette obligation de collaboration active ne saurait aller jusqu’à la mise en forme de renseignements déjà en possession de la Commission.

70      Il y a donc lieu, dans les circonstances de l’espèce, de vérifier le bien-fondé de la seconde justification avancée par la Commission, tirée de la nécessité d’obtenir des renseignements supplémentaires.

71      Au vu de la jurisprudence citée aux points 55 et 56 ci-dessus, il convient de considérer qu’une décision de la Commission demandant la fourniture de renseignements plus précis que ceux qui l’ont été jusqu’alors doit être considérée comme justifiée par les nécessités de l’enquête. En effet, la recherche de tous les éléments pertinents confirmant ou infirmant l’existence d’une infraction aux règles de concurrence peut impliquer que la Commission demande aux entreprises de préciser ou de détailler certains renseignements d’ordre factuel qui lui ont été précédemment communiqués.

72      À cet égard, il convient de relever que certaines questions concernent des renseignements non demandés au titre des demandes de renseignements antérieures. Il en est ainsi des séries de questions 1B, 1C, 1G, 6A, 6B, 7, 8A, 8B, 8C, 9C et 11.

73      En outre, en ce qui concerne les questions 1A, 1Ei), 1Eii), 1Eiii), 1F, 2 à 5, 9A, 9B et 10 de l’annexe I de la décision attaquée, force est de constater qu’elles impliquent, en réalité, la fourniture d’informations supplémentaires par rapport à celles fournies au titre des demandes de renseignements antérieures, en ce qu’elles présentent un niveau de précision supérieur, en raison de la modification de leur champ d’application ou de l’ajout de variables supplémentaires.

74      Partant, il convient de conclure que la circonstance que le questionnaire constituant l’annexe I de la décision attaquée vise à obtenir soit de nouveaux renseignements, soit des renseignements plus détaillés est à même de justifier le caractère nécessaire des renseignements demandés.

75      Le présent grief doit donc être rejeté.

 Sur le grief contestant la nécessité des renseignements supplémentaires demandés par la décision attaquée

76      Selon les requérantes, la Commission n’aurait pas démontré la nécessité du niveau de précision supplémentaire du questionnaire figurant à l’annexe I de la décision attaquée par rapport aux questionnaires antérieurs. Elles se réfèrent notamment à la circonstance que le questionnaire vise explicitement les transactions portant sur le clinker et le CEM I en vrac, alors que seules les ventes de ciment étaient antérieurement concernées. Les requérantes fournissent également plusieurs exemples de questions présentant un degré de précision qu’elles estiment indu.

77      Il a été exposé au point 71 ci-dessus que les nécessités de l’enquête sont à même de justifier que la Commission demande aux entreprises de préciser ou de détailler certains renseignements d’ordre factuel qui lui ont été précédemment communiqués.

78      En outre, il convient de prendre en compte la grande technicité du secteur économique concerné par l’enquête, une telle complexité rendant d’autant plus compréhensible le recours à un second questionnaire visant à ajuster et à préciser les renseignements déjà en possession de la Commission.

79      Dans ces conditions, le Tribunal estime que le degré élevé de précision des questions contesté par les requérantes doit être considéré comme nécessaire à l’examen des présomptions d’infraction visés par la décision attaquée.

 Sur le grief tiré du caractère public de certains des renseignements demandés

80      Dans le cadre d’un troisième grief, les requérantes contestent, en substance, le caractère nécessaire des questions demandant la communication d’informations que la Commission aurait pu obtenir par elle-même. Ce grief est dirigé à l’égard de questions qui imposeraient à Cemex d’identifier les groupes d’entreprises auxquels appartiennent ses clients, de fournir l’adresse complète et des codes postaux de tous les lieux de livraison de ciment, clinker et CEM I en vrac qu’elle commercialise ainsi que des installations d’approvisionnement des produits qu’elle achète et, enfin, de fournir une liste de codes postaux regroupés selon les différentes régions de chaque pays.

81      Le Tribunal estime que le présent grief ne saurait non plus prospérer.

82      S’agissant, en premier lieu, de l’allégation tirée de ce que la question 1A, points N et O, la question lB, point D, la question 1Ei), point D, la question 3, point D, et la question 4, points N et O, imposeraient aux requérantes d’identifier les groupes d’entreprises dont font partie ou avec lesquels ont un lien tous leurs clients et fournisseurs, il convient de souligner qu’elles imposent seulement à Cemex de préciser si l’entreprise concernée par lesdites questions relève de l’un des groupes cimentiers visés par l’enquête de la Commission et non, comme semble l’impliquer le présent grief, d’identifier l’ensemble des groupes d’entreprises auxquels appartiennent ses clients. Il s’agit donc d’une information tout à fait pertinente au regard de l’enquête diligentée par la Commission et dont il peut raisonnablement être escompté qu’elle est en possession de Cemex. En outre, il est expressément souligné dans lesdites questions : « Si cette donnée n’est pas enregistrée dans les systèmes informatiques de votre entreprise, ni utilisée au sein de votre entreprise, répondez par la mention ‘inconnu’ (code :UNK). »

83      Cette allégation ne saurait, dès lors, être retenue.

84      S’agissant, en deuxième lieu, de la critique tirée de ce que question 1A, point S, la question 1B, point K, la question 1Ei), point N, la question 1Eii), point L, la question 3, point R, et la question 4, point S, imposent de communiquer l’adresse complète des lieux de livraison et des installations d’approvisionnement ainsi que les codes postaux correspondant, il en va de même dans la mesure où de tels renseignements constituent le complément logique d’informations en la seule possession de Cemex.

85      S’agissant, en troisième lieu, de la critique tirée de ce que la question 9A imposerait à Cemex d’élaborer une liste de tous les codes postaux regroupés selon les différentes régions de chaque pays concerné, il convient de constater que l’objet de ladite question est de permettre à la Commission d’appréhender comment Cemex délimite ses différentes zones géographiques pour le besoin de sa politique tarifaire. Une telle information ne saurait, dès lors, être considérée comme revêtant un caractère public.

 Sur le grief pris de ce que certains renseignements seraient sans rapport avec les présomptions d’infraction figurant dans la décision attaquée

86      Dans le cadre de leur quatrième grief, les requérantes contestent la nécessité de renseignements qui portent sur un ressort géographique plus large que le marché défini dans la décision attaquée, sur des entreprises et des produits qui ne sont pas visés par l’enquête et sur des opérations « intragroupe » qui ne relèvent pas du champ d’application de l’article 101 TFUE.

87      En ce qui concerne, en premier lieu, la critique des requérantes tirée de ce que les questions 1A, 1B, 3 et 4 imposeraient le même niveau de précision pour les opérations « intragoupe » que pour les transactions avec des entreprises tiers, alors même que de telles transactions ne relèvent pas du champ d’application de l’article 101 TFUE, le Tribunal estime que la justification avancée par la Commission dans ses écritures, à savoir que des données portant sur des opérations permettent de fournir un point de comparaison entre le comportement d’une entreprise par rapport à ses filiales et celui qu’elle affiche vis-à-vis de ses concurrents, est à même de démontrer le caractère nécessaire de ces renseignements.

88      En ce qui concerne, en deuxième lieu, l’allégation que la question 1F imposerait à Cemex de communiquer ses participations minoritaires dans des entreprises étrangères au marché du ciment, le Tribunal observe que les exemples mis en avant par les requérantes concernent des entreprises dont l’activité est pertinente s’agissant de la production ou de l’utilisation des différents types de ciment. Partant, une telle question, dans la mesure où elle apparaît avoir pour objet d’identifier les entreprises dans lesquelles pourrait exister une participation croisée des différents groupes cimentiers visés par l’enquête, peut être considérée comme répondant à l’exigence de nécessité.

89      En ce qui concerne, en troisième lieu, la critique tirée de ce que les renseignements demandés couvriraient un ressort géographique plus large que celui défini par la Commission, les requérantes contestent l’obligation de fournir des renseignements portant sur des transactions afférant au Danemark et à la Grèce, au motif que ces deux pays ne sont pas mentionnés dans la décision d’ouverture de la procédure.

90      À cet égard, il suffit de rappeler que les présomptions d’infraction définies dans la décision attaquée se réfèrent à de possibles pratiques anticoncurrentielles dans l’EEE et que la liste des marchés géographiques figurant dans la décision d’ouverture de la procédure n’est présentée qu’à titre illustratif.

91      Les requérantes soutiennent également être tenues au titre des questions 1A, 3 et 4, de fournir des renseignements sur des transactions entre pays ne relevant pas de l’EEE, c’est-à-dire pour lesquelles tant le pays d’origine que le pays de destination ne relèvent pas de l’EEE. Elles avancent en annexe à leur réplique une liste de transactions de ce type qu’elles ont été amenées à fournir.

92      Il peut, certes, apparaître pour le moins douteux que des renseignements portant sur des transactions entre des pays hors de l’EEE puissent être considérés comme disposant d’une corrélation suffisante avec les présomptions d’infraction visées par la décision attaquée pour qu’ils soient considérés comme étant nécessaires au sens de l’article 18, paragraphe 1, du règlement n° 1/2003.

93      Toutefois, force est de constater que c’est à juste titre que la Commission observe que les questions 1A, 3 et 4 ont en commun d’avoir pour référence un pays cible, défini comme étant l’un de douze États membres de l’Union. Ainsi dans le cadre de sa réponse à la question 1A, Cemex était tenue de fournir des informations sur ses ventes intérieures dans chacun des pays cibles, au titre de la question 3, sur ses importations à destination des pays cibles et, pour la question 4, sur les exportations en provenance de ces pays cibles. Il en découle que lesdites questions n’ont pas pour objet d’obtenir des renseignements sur des transactions entre pays ne relevant pas de l’EEE.

94      Aux fins de démontrer que les questions 1A, 3 et 4 disposaient, en pratique, d’une ampleur supérieure à celle qui peut être déduite de leur libellé, les requérantes font valoir que leur portée doit être appréciée à la lumière de la définition des termes et expressions qu’elles utilisent. Elles notent, à cet égard, que lesdites questions font usage des notions d’ « acheteur » et de « vendeur », lesquelles sont fondées sur l’adresse de facturation, plutôt que de celles de « pays de l’installation de fourniture », de « pays de livraison » et de « pays de destination de l’acheteur » et en déduisent être obligées de mentionner une transaction, dès lors que l’une des adresses de facturation relève de l’un des douze pays cibles figurant dans ces questions, quelle que soit l’origine ou la destination des produits visés par les transactions concernées.

95      À cet égard, le Tribunal relève que si la référence à l’adresse de facturation dans lesdites définitions pouvait effectivement être à l’origine d’une certaine ambiguïté quant à l’étendue des renseignements demandés au titre des questions 1A, 3 et 4, l’interprétation privilégiée par les requérantes ne s’imposait pas non plus d’elle-même. Il était dès lors loisible à Cemex de rechercher à obtenir une clarification de la Commission sur la portée exacte de ces questions.

96      Dans ces circonstances, le Tribunal estime qu’il convient également de rejeter le présent grief et, partant, le deuxième moyen dans son ensemble.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 18 du règlement n° 1/2003 au regard de la nature des renseignements demandés

97      Les requérantes soutiennent que la Commission a excédé les pouvoirs que lui confère l’article 18 du règlement n° 1/2003 à l’occasion de l’adoption de la décision attaquée. Alors que la Commission serait seulement en droit de leur demander la communication d’éléments d’information qui se trouveraient en leur possession, elle leur aurait imposé de traiter et d’organiser les renseignements demandés, tâche qui lui incomberait. Dans ce cadre, les requérantes reprochent à la Commission de leur avoir imposé de procéder à des estimations et de construire des hypothèses de scénarios commerciaux (premier grief), de leur avoir demandé la fourniture de renseignements qui ne se trouvaient pas en leur possession (deuxième grief), d’exiger sous un format différent des renseignements fournis antérieurement (troisième grief), d’avoir requis l’incorporation et la mise en forme de renseignements publics, mais ne figurant pas dans leurs systèmes informatiques (quatrième grief), enfin, de les contraindre à effectuer des tâches de calcul, de traitement et de codification de données (cinquième grief).

98      En ce qui concerne les premier et cinquième griefs, le Tribunal relève qu’ils portent sur le point de savoir si la Commission était en droit non seulement de demander aux requérantes la communication de données sous un format « brut », mais également de leur imposer de participer à la mise en forme de ces données.

99      Selon le considérant 23 du règlement n° 1/2003, la « Commission doit disposer dans toute [l’Union] du pouvoir d’exiger les renseignements qui sont nécessaires pour déceler les accords, décisions et pratiques concertées interdits par l’article [101 TFUE] ainsi que l’exploitation abusive d’une position dominante interdite par l’article [102 TFUE] ». Il ajoute que, « [l]orsqu’elles se conforment à une décision de la Commission, les entreprises ne peuvent être contraintes d’admettre qu’elles ont commis une infraction, mais elles sont en tout cas obligées de répondre à des questions factuelles et de produire des documents, même si ces informations peuvent servir à établir à leur encontre ou à l’encontre d’une autre entreprise l’existence d’une infraction ».

100    Partant, dès lors qu’il convient d’entendre par la fourniture de « renseignements » au sens de l’article 18 du règlement n° 1/2003 non seulement la production de documents, mais également les réponses à des questions portant sur lesdits documents, la Commission n’est pas limitée à la seule demande de production de données existant indépendamment de toute intervention de l’entreprise concernée. Il lui est, dès lors, loisible d’adresser à une entreprise des questions impliquant la formalisation des données demandées (voir, en ce sens et par analogie, conclusions de l’avocat général M. Darmon sous l’arrêt Orkem/Commission, point 56 supra, Rec. p. 3301, point 55).

101    Il convient, cependant, de souligner que l’exercice de cette prérogative est encadré par le respect d’au moins deux principes. D’une part, ainsi qu’il est rappelé au considérant 23 du règlement n° 1/2003, les questions adressées à une entreprise ne peuvent la contraindre à admettre qu’elle a commis une infraction. D’autre part, en application de la jurisprudence citée au point 67 ci-dessus, la fourniture des réponses auxdites questions ne doit pas représenter une charge disproportionnée par rapport aux nécessités de l’enquête.

102    En l’espèce, il n’est pas soutenu que certaines des questions adressées à Cemex lui imposaient une obligation d’apporter des réponses par lesquelles elle aurait été amenée à admettre l’existence de l’infraction dont il appartenait à la Commission d’établir la preuve. Dans ces conditions, et sous réserve de l’examen de la proportionnalité de la charge imposée par le questionnaire, les premier et cinquième griefs doivent être rejetés.

103    En ce qui concerne le deuxième grief, il suffit de souligner que l’annexe II, sous a), paragraphe 4, de la décision attaquée envisage l’hypothèse qu’une entreprise ne soit pas en possession des renseignements demandés au titre de l’une des questions du questionnaire. Il y est, en effet, précisé : « Si les renseignements demandés ne sont pas détenus sous quelque forme que ce soit par votre entreprise […] vous devez signaler clairement et de façon systématique les données manquantes dans les fichiers Excel en utilisant l’abréviation ‘UNK’ (non disponible/inconnu). » Dans ces conditions, il ne saurait être fait grief à la décision attaquée d’avoir imposé aux requérantes de fournir des renseignements qui ne se trouvaient pas en leur possession.

104    Enfin, en ce qui concerne les troisième et quatrième griefs, ils doivent être rejetés, respectivement, pour les raisons exposées aux points 58 à 75 et 80 à 85 ci-dessus.

105     Le premier moyen doit, dès lors, être rejeté.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une violation des principes de proportionnalité et de bonne administration

106    Par le présent moyen, les requérantes contestent la proportionnalité, premièrement, du recours même à une décision de demande de renseignements au titre de l’article 18, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003, deuxièmement, de la charge impliquée par la réponse audit questionnaire et, troisièmement, du délai de réponse imposé par la Commission.

107    La Commission conclut au rejet du présent moyen.

 Sur la première branche du moyen, portant sur le caractère disproportionné de l’adoption d’une décision de demande de renseignements au titre de l’article 18, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003

108    Les requérantes rappellent que, au titre du principe de proportionnalité, la Commission doit recourir à la mesure la moins contraignante. Elles soulignent que les supposées erreurs et incohérences mises en exergue par la Commission revêtent un caractère mineur et auraient tout à fait pu être corrigées sans que la Commission adoptât la décision attaquée.

109    Il ressort d’une jurisprudence constante que le principe de proportionnalité, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union, exige que les actes des institutions ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (arrêt de la Cour du 12 juillet 2001, Jippes e.a., C‑189/01, Rec. p. I‑5689, point 81).

110    En vertu de l’article 18, paragraphe 1, du règlement n° 1/2003, la Commission est en droit de demander des renseignements « par simple demande ou par voie de décision », sans que cette disposition subordonne l’adoption d’une décision à une « simple demande » préalable. En cela l’article 18 du règlement n° 1/2003 se distingue de l’article 11 du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81 CE] et [82 CE] (JO 1962, 13, p. 204), qui, en son paragraphe 5, conditionnait la possibilité de demander par voie de décision des renseignements à l’échec d’une demande préalable de renseignements.

111    Contrairement à ce que semble soutenir la Commission, il convient de souligner que le choix qu’elle doit opérer entre une simple demande de renseignements au titre de l’article 18, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 et une décision de demande de renseignements au titre de l’article 18, paragraphe 3, de ce même règlement relève du contrôle de proportionnalité. Cela ressort nécessairement de la définition même du principe de proportionnalité figurant au point 109 ci-dessus, en ce qu’il y est mentionné que, « lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante ». De même, il peut être observé que le choix offert à la Commission par l’article 18, paragraphe 1, du règlement n° 1/2003 présente une analogie certaine avec celui existant entre la vérification par simple mandat et la vérification ordonnée par voie de décision sous l’empire de l’article 14 du règlement n° 17 et de l’article 20 du règlement n° 1/2003. Or l’exercice de ce choix fait l’objet d’un contrôle par le juge de l’Union au titre du principe de proportionnalité (arrêts de la Cour du 26 juin 1980, National Panasonic/Commission, 136/79, Rec. p. 2033, point 29, et du 22 octobre 2002, Roquette Frères, C‑94/00, Rec. p. I‑9011, point 77 ; arrêt du Tribunal du 8 mars 2007, France Télécom/Commission, T‑340/04, Rec. p. II‑573, point 147).

112    Au vu de l’approche privilégiée dans la jurisprudence à l’égard du contrôle de proportionnalité du recours à une vérification ordonnée par voie de décision, il apparaît qu’un tel contrôle, à l’égard du choix à opérer entre une simple demande de renseignements et une décision, doit dépendre des nécessités d’une instruction adéquate, eu égard aux particularités de l’espèce (arrêts National Panasonic/Commission, point 111 supra, point 29 ; Roquette Frères, point 111 supra, point 77, et France Télécom/Commission, point 111 supra, point 147).

113    En l’espèce, force est de constater que, pour les motifs déjà mentionnés aux points 63 et 64 ci-dessus, la justification avancée par la Commission tirée du caractère erroné de certaines réponses antérieures n’apparaît pas convaincante.

114    Il n’en résulte cependant pas que le recours à une décision au titre de l’article 18, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003, dans les circonstances de l’espèce, méconnaît le principe de proportionnalité.

115    D’une part, il convient de prendre en compte la circonstance que, par la décision attaquée, la Commission demande la communication de renseignements supplémentaires ou plus précis que dans le questionnaire initial.

116    D’autre part, il y a également lieu de prendre en compte la circonstance que la décision attaquée s’inscrit dans le cadre d’une enquête portant sur des pratiques restrictives de concurrence impliquant, outre les requérantes, sept autres groupes d’entreprises actifs dans le secteur cimentier.

117    Une décision se distingue d’une simple demande de renseignements par le fait qu’il est possible à la Commission d’infliger une amende ou des astreintes en cas de fourniture de renseignements incomplets ou tardifs, en application, respectivement, de l’article 23, paragraphe 1, sous b), et de l’article 24, paragraphe 1, sous d), du règlement n° 1/2003.

118    Dès lors, au vu de la quantité des renseignements à recueillir et à recouper, il n’apparaît ni inapproprié ni démesuré de la part de la Commission de procéder par le biais de l’instrument juridique lui offrant la plus grande assurance d’obtenir une réponse complète et dans les délais.

119    Partant, dans les circonstances de l’espèce, le Tribunal considère que la Commission n’a pas violé le principe de proportionnalité en adoptant une décision de demande de renseignements au titre de l’article 18, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003.

120    La première branche du moyen doit, dès lors, être rejetée.

 Sur la deuxième branche du moyen, portant sur le caractère disproportionné de la charge impliquée par la réponse au questionnaire

121    Selon les requérantes, l’ampleur des renseignements exigés entraîne une charge démesurée et injustifiée, notamment en ce que la préparation de la réponse a mobilisé une partie substantielle de leur ressources pendant près de trois mois.

122    Ainsi qu’il a été souligné au point 67 ci-dessus, les demandes de renseignements adressées par la Commission à une entreprise doivent respecter le principe de proportionnalité, et l’obligation imposée à une entreprise de fournir un renseignement ne doit pas représenter pour cette dernière une charge manifestement démesurée par rapport aux nécessités de l’enquête.

123    Certes, ne sauraient être valablement contestés l’importance des renseignements demandés au titre du questionnaire ainsi que son degré très élevé de précision. Il en résulte indéniablement que la réponse à ce questionnaire a impliqué une charge de travail particulièrement importante.

124    Toutefois, il ne saurait être conclu que cette charge de travail revêt un caractère démesuré au vu des nécessités de l’enquête liées notamment aux présomptions d’infraction que la Commission entend vérifier et aux circonstances de la présente procédure.

125    À cet égard, il convient de rappeler que la décision attaquée s’inscrit dans une procédure visant « des restrictions des flux commerciaux dans l’Espace économique européen (EEE), y compris des restrictions d’importations dans l’EEE en provenance de pays extérieurs à l’EEE, des répartitions de marchés, des coordinations des prix et des pratiques anticoncurrentielles connexes sur le marché du ciment et les marchés des produits connexes ». Elle dispose, partant, d’un champ d’application large de nature à justifier la fourniture d’un nombre élevé de renseignements.

126    En outre, ainsi qu’il a été souligné au point 116 ci-dessus, il y a lieu de prendre en compte la circonstance que la décision attaquée s’inscrit dans le cadre d’une enquête portant sur des pratiques restrictives de concurrence susceptibles d’impliquer un grand nombre d’entreprises actives dans le secteur cimentier.

127    Partant, le raisonnement mis en avant au point 118 ci-dessus est également applicable ici. En effet, au vu de la quantité des renseignements à recouper, il n’apparaît pas démesuré de la part de la Commission d’imposer que les réponses soient fournies sous un format permettant leur comparaison, en dépit de la charge élevée que cela a pu représenter pour Cemex.

128    Il convient, dès lors, de rejeter la deuxième branche du moyen.

 Sur la troisième branche du moyen, tirée du caractère disproportionné du délai de réponse

129    Les requérantes soutiennent que, dans le délai de douze semaines imparti, il était matériellement impossible de recueillir, de réviser et de mettre en forme les renseignements demandés et que le refus de la Commission de proroger ce délai revêtait un caractère arbitraire.

130    La Commission fait valoir que les délais impartis étaient suffisamment longs pour permettre aux requérantes de fournir leur réponse.

131    Le Tribunal relève, de manière liminaire, que, si les requérantes ont, au cours de la procédure administrative, sollicité de la Commission une prorogation non seulement du délai de réponse de douze semaines imparti pour les dix premières séries de questions, mais également de celui de deux semaines relatif à la onzième série de questions, ce dernier délai n’est pas contesté dans le cadre du présent moyen.

132    Aux fins d’apprécier le caractère éventuellement disproportionné de la charge impliquée par l’obligation de répondre aux dix premières séries de questions dans un délai de douze semaines, il convient de prendre en compte la circonstance que Cemex, en tant que destinataire d’une décision de demande de renseignements au titre de l’article 18, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003, encourait le risque de se voir infliger non seulement une amende ou une astreinte en cas de fourniture de renseignements incomplets ou tardifs ou en l’absence de fourniture de renseignements, en application, respectivement, de l’article 23, paragraphe 1, sous b), et de l’article 24, paragraphe 1, sous d), du règlement n° 1/2003, mais également une amende en cas de communication d’un renseignement qualifié par la Commission d’inexact ou de « dénaturé », en application de l’article 23, paragraphe 1, sous b), dudit règlement.

133    Il s’en déduit que l’examen de l’adéquation du délai prescrit par une décision de demande de renseignements revêt une importance particulière. Il convient, en effet, que ledit délai puisse permettre au destinataire non seulement de fournir matériellement une réponse, mais également de s’assurer du caractère complet, exact et non dénaturé des renseignements fournis.

134    Certes, ainsi qu’il a déjà été exposé au point 123 ci-dessus, il ne peut être nié que le nombre de renseignements demandés, ainsi que le format particulièrement exigeant dans lequel les réponses devaient être transmises, représentaient une charge de travail particulièrement importante.

135    Toutefois, le Tribunal estime que Cemex, au vu des moyens à sa disposition liés à son envergure économique, pouvait raisonnablement être considérée à même de fournir une réponse satisfaisant aux exigences précisées au point 133 ci-dessus dans le délai imparti, lequel a, au demeurant, été finalement porté à 17 semaines par la Commission.

136    Il convient, dès lors, de rejeter la troisième branche.

137    Il résulte de ce qui précède que la Commission n’a pas manqué à ses obligations au titre du principe de proportionnalité. En ce qui concerne l’allégation tirée d’une violation du principe de bonne administration, il doit être constaté que celle-ci ne revêt pas un caractère autonome par rapport aux critiques tirées de la violation du principe de proportionnalité. Elle doit, dès lors, également être rejetée.

138    Au vu de ce qui précède, il convient de rejeter le troisième moyen.

 Sur le cinquième moyen, tiré d’une violation du principe de sécurité juridique

139    Les requérantes soulignent l’importance des exigences de clarté et de précision des actes juridiques, découlant du principe de sécurité juridique, surtout dans les domaines où la Commission est en droit d’infliger des sanctions. En l’espèce, le principe de sécurité juridique serait violé en raison de l’ampleur et de la complexité tant du questionnaire que des instructions qui l’accompagnent. Les requérantes rappellent également que le caractère incomplet ou erroné des réponses est susceptible de les exposer à des amendes et à des astreintes. Elles estiment également que le refus de la Commission de leur fournir d’autres versions linguistiques de la décision attaquée a sensiblement augmenté les difficultés d’interprétation du questionnaire.

140    La Commission réfute l’argumentation des requérantes.

141    Il est, certes, exact que le principe de sécurité juridique exige que tout acte de l’administration produisant des effets juridiques soit clair et précis, afin que l’intéressé puisse connaître sans ambiguïté ses droits et obligations et prendre ses dispositions en conséquence (voir arrêt de la Cour du 1er octobre 1998, Langnese-Iglo/Commission, C‑279/95 P, Rec. p. I‑5609, point 78, et la jurisprudence citée).

142    Cependant, la circonstance que certaines questions fassent usage de termes relativement vagues ne saurait être considérée comme la source d’une ambiguïté telle que le Tribunal doive conclure à une violation du principe de sécurité juridique viciant la légalité de la décision attaquée. Il en va de même de la complexité alléguée du questionnaire et de ses instructions, celle-ci n’étant, en outre, que le reflet de la technicité du marché de produits concerné par la décision attaquée.

143    Il n’en demeure pas moins que la Commission ne saurait valablement reprocher à Cemex une insuffisance dans ses réponses qui pourrait avoir pour origine une imprécision de ses propres questions. Il s’agit là d’un élément qui devrait être pris en compte dans le cadre d’un éventuel recours à l’encontre d’une décision infligeant une amende ou une astreinte en application, respectivement, de l’article 23, paragraphe 1, sous b), ou de l’article 24, paragraphe 1, sous d), du règlement n° 1/2003.

144    Enfin, en ce qui concerne la critique portant sur le refus de la Commission de communiquer d’autres versions de la décision attaquée, le Tribunal estime qu’elle se confond avec le sixième moyen des requérantes et sera donc étudiée dans ce cadre.

145    Il convient, dès lors, de rejeter le cinquième moyen.

 Sur le sixième moyen, tiré d’une violation de l’article 3 du règlement n° 1

146    Les requérantes rappellent que, en application de l’article 3 du règlement n° 1, « les textes adressés par les institutions à un État membre ou à une personne relevant de la juridiction d’un État membre sont rédigés dans la langue de cet État » et estiment que le respect de cette disposition est une garantie essentielle pour l’exercice de leurs droits de la défense, importance mise en exergue tant par le juge de l’Union que par la Cour européenne des droits de l’homme. En refusant de fournir les versions linguistiques demandées des annexes I et II de la décision attaquée, la Commission aurait violé cette disposition à l’égard des filiales de Cemex, lesquelles n’auraient pas renoncé à son bénéfice. En outre, les requérantes font valoir que des traductions par Cemex de la décision attaquée, outre qu’elles représenteraient un coût qu’il ne lui appartiendrait pas de supporter, limiteraient leur capacité à répondre dans les délais et risqueraient de ne pas être d’une qualité suffisante.

147    La Commission souligne que la décision attaquée a pour destinataire Cemex, dont le siège social est au Mexique, et qu’elle a été notifiée auprès de sa filiale espagnole. Partant, l’envoi d’une version en espagnol de la décision attaquée serait pleinement conforme à l’article 3 du règlement n° 1.

148    Il est, certes, exact que la Commission était en droit de notifier à Cemex une version de la décision attaquée en espagnol. Celle-ci ayant son siège social dans un pays tiers, le choix de la langue officielle de la décision attaquée devait tenir compte du rapport établi entre Cemex et un État membre de l’Union (voir, en ce sens et par analogie, arrêt de la Cour du 21 février 1973, Europemballage et Continental Can/Commission, 6/72, Rec. p. 215, 242, point 12). Dans la mesure où le Mexique a pour langue officielle l’espagnol et qu’une des filiales de Cemex a son siège social en Espagne, ce choix apparaît conforme à l’article 3 du règlement n° 1/1958. En outre, la décision attaquée n’ayant été adressée, au sens de l’article 3 du règlement n° 1, qu’à Cemex par l’intermédiaire de sa filiale espagnole, la Commission n’était légalement tenue que de fournir une version en espagnol.

149    Il n’en demeure pas moins que le refus de la Commission de fournir les versions linguistiques allemande et française des dix premières séries de questions du questionnaire ainsi que de l’annexe II de la décision attaquée, alors qu’elles se trouvaient en sa possession, peut apparaître pour le moins critiquable, dans les circonstances de l’espèce.

150    En effet, dans la mesure où ces documents disposent d’un contenu identique pour l’ensemble des entreprises concernées par l’enquête diligentée et ont précisément été rédigés aux fins d’obtenir une réponse cohérente, leur communication à Cemex n’était pas de nature à préjudicier à l’enquête de la Commission, mais aurait, au contraire, été de nature à réduire la probabilité que d’éventuelles approximations dans les traductions effectuées par les requérantes affectassent la qualité et la fiabilité des renseignements fournis.

151    Force est de constater qu’un tel comportement de la Commission est susceptible d’être pris en compte dans le cadre d’un éventuel recours à l’encontre d’une décision infligeant une amende ou une astreinte en application, respectivement, de l’article 23, paragraphe 1, sous b), ou de l’article 24, paragraphe 1, sous d), du règlement n° 1/2003.

152    Sous cette réserve, il convient de rejeter le sixième moyen et, partant, le recours dans son ensemble.

  Sur les dépens

153    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, la partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner à supporter, outre leurs propres dépens, ceux exposés par la Commission, y compris ceux afférents à la procédure de référé.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Cemex SAB de CV, New Sunward Holding BV, Cemex España, SA, Cemex Deutschland AG, Cemex UK, Cemex Czech Operations s.r.o., Cemex France Gestion et Cemex Austria AG sont condamnées aux dépens, y compris ceux afférents à la procédure de référé.

Dittrich

Wiszniewska-Białecka

Prek

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 mars 2014.

Signatures

Table des matières


Faits à l’origine du litige et procédure

Conclusions des parties

En droit

Sur le quatrième moyen, tiré d’une insuffisance de motivation

Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 18 du règlement n° 1/2003 au regard du caractère non nécessaire des renseignements demandés

Sur le grief tiré de ce que la Commission aurait été en possession de certains des renseignements demandés antérieurement à la décision attaquée

Sur le grief contestant la nécessité des renseignements supplémentaires demandés par la décision attaquée

Sur le grief tiré du caractère public de certains des renseignements demandés

Sur le grief pris de ce que certains renseignements seraient sans rapport avec les présomptions d’infraction figurant dans la décision attaquée

Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 18 du règlement n° 1/2003 au regard de la nature des renseignements demandés

Sur le troisième moyen, tiré d’une violation des principes de proportionnalité et de bonne administration

Sur la première branche du moyen, portant sur le caractère disproportionné de l’adoption d’une décision de demande de renseignements au titre de l’article 18, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003

Sur la deuxième branche du moyen, portant sur le caractère disproportionné de la charge impliquée par la réponse au questionnaire

Sur la troisième branche du moyen, tirée du caractère disproportionné du délai de réponse

Sur le cinquième moyen, tiré d’une violation du principe de sécurité juridique

Sur le sixième moyen, tiré d’une violation de l’article 3 du règlement n° 1

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’espagnol.