Language of document : ECLI:EU:C:2019:409

ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre)

15 mai 2019 (*)

« Pourvoi – Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA), section “Garantie”, Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) – Dépenses exclues du financement de l’Union européenne – Dépenses effectuées par la République hellénique – Règlement (CE) no 1782/2003 – Règlement (CE) no 796/2004 – Régime d’aides à la surface – Notion de “pâturages permanents” – Corrections financières forfaitaires – Déduction de correction antérieure »

Dans l’affaire C‑341/17 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 6 juin 2017,

République hellénique, représentée par M. G. Kanellopoulos ainsi que par Mmes A. Vasilopoulou et E. Leftheriotou, en qualité d’agents,

partie requérante,

soutenue par :

Royaume d’Espagne, représenté par M. M. A. Sampol Pucurull, en qualité d’agent,

partie intervenante au pourvoi,

l’autre partie à la procédure étant :

Commission européenne, représentée par MM. D. Triantafyllou et A. Sauka, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (huitième chambre),

composée de M. J. Malenovský, faisant fonction de président de la huitième chambre, MM. M. Safjan et D. Šváby (rapporteur), juges,

avocat général : Mme J. Kokott,

greffier : M. R. Schiano, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 13 septembre 2018,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 5 décembre 2018,

rend le présent

Arrêt

1        Par son pourvoi, la République hellénique demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 30 mars 2017, Grèce/Commission (T‑112/15, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2017:239), par lequel celui-ci a rejeté son recours contre la décision d’exécution 2014/950/UE de la Commission, du 19 décembre 2014, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA), section « Garantie », du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO 2014, L 369, p. 71, ci-après la « décision litigieuse »).

 Le cadre juridique

 Le règlement (CE) no 1782/2003

2        Les considérants 3, 4, 21 et 24 du règlement (CE) no 1782/2003 du Conseil, du 29 septembre 2003, établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs et modifiant les règlements (CEE) no 2019/93, (CE) no 1452/2001, (CE) no 1453/2001, (CE) no 1454/2001, (CE) no 1868/94, (CE) no 1251/1999, (CE) no 1254/1999, (CE) no 1673/2000, (CEE) no 2358/71 et (CE) no 2529/2001 (JO 2003, L 270, p. 1), énonçaient :

« (3)      Afin d’éviter que les terres agricoles ne soient abandonnées et d’assurer leur maintien dans de bonnes conditions agricoles et environnementales, il convient d’établir des normes qui procèdent ou non de dispositions des États membres. Par conséquent, il y a lieu de définir un cadre communautaire dans lequel les États membres puissent adopter des normes qui prennent en compte les caractéristiques des zones concernées, notamment les conditions pédologiques et climatiques ainsi que les modes d’exploitation existants (utilisation des terres, rotation des cultures, pratiques agricoles) et la structure des exploitations.

(4)      Étant donné que les pâturages permanents ont un effet positif sur l’environnement, il convient d’adopter des mesures visant à encourager le maintien des pâturages permanents existants afin de prévenir leur transformation généralisée en terres arables.

[...]

(21)      Les régimes de soutien relevant de la politique agricole commune fournissent une aide directe au revenu, notamment en vue d’assurer un niveau de vie équitable à la population agricole. Cet objectif est étroitement lié à la conservation des zones rurales. Dans le but d’éviter une mauvaise affectation des ressources communautaires, il convient de n’effectuer aucun paiement de soutien en faveur d’agriculteurs qui ont créé artificiellement les conditions requises pour bénéficier de tels paiements.

[...]

(24)      L’amélioration de la compétitivité de l’agriculture communautaire et le développement des normes en matière de qualité des denrées alimentaires et d’environnement entraînent nécessairement une baisse des prix institutionnels des produits agricoles et une augmentation des coûts de production pour les exploitations agricoles dans la Communauté. Pour atteindre ces objectifs et promouvoir une agriculture durable et plus orientée vers le marché, il y a lieu de passer du soutien de la production au soutien du producteur en introduisant un système découplé d’aide au revenu pour chaque exploitation agricole. Tout en ne modifiant pas les montants effectivement versés aux agriculteurs, le découplage améliorera sensiblement l’efficacité de l’aide au revenu. Il y a donc lieu de subordonner le paiement unique par exploitation au respect des normes en matière d’environnement, de sécurité des aliments, de santé et de bien-être des animaux ainsi qu’au maintien de l’exploitation en bonnes conditions agricoles et environnementales. »

3        Ce règlement contenait un titre III, intitulé « Régime de paiement unique », dans lequel figurait un chapitre 3, relatif aux « [d]roits au paiement ». La section 1 de ce chapitre, portant sur les « [d]roits au paiement fondés sur les superficies », comprenait l’article 44 dudit règlement, relatif à l’« [u]tilisation des droits au paiement », dont le paragraphe 2 prévoyait :

« Par “hectare admissible au bénéfice de l’aide”, on entend toute superficie agricole de l’exploitation occupée par des terres arables et des pâturages permanents, à l’exclusion des superficies occupées par des cultures permanentes et des forêts ou affectées à une activité non agricole. »

4        Sous ce même titre III, le chapitre 4, intitulé « Utilisation des terres dans le cadre du régime de paiement unique », comportait, sous la section 1 de ce chapitre, l’article 51 du même règlement, relatif à l’« [u]tilisation agricole des terres ». Cet article disposait :

« Les agriculteurs peuvent utiliser les parcelles déclarées conformément à l’article 44, paragraphe 3, pour toute activité agricole à l’exception des cultures permanentes et de la production de produits visés à l’article 1er, paragraphe 2, du règlement (CE) no 2200/96 du Conseil[,] du 28 octobre 1996[,] portant organisation commune des marchés dans le secteur des fruits et légumes [(JO 1996, L 297, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) no 47/2003 de la Commission, du 10 janvier 2003 (JO 2003, L 7, p. 64)] et à l’article 1er, paragraphe 2, du règlement (CE) no 2201/96 du Conseil[,] du 28 octobre 1996[,] portant organisation commune des marchés dans le secteur des produits transformés à base de fruits et légumes [(JO 1996, L 297, p. 29), tel que modifié par le règlement (CE) no 453/2002 de la Commission, du 13 mars 2002 (JO 2002, L 72, p. 9)] [...] »

5        Au sein du titre IV du règlement no 1782/2003, intitulé « Autres régimes d’aide », le chapitre 12 relatif aux « [p]aiements pour la viande bovine », contenait l’article 132 de ce règlement, intitulé « Paiement à l’extensification ». Aux termes du paragraphe 3 de cet article :

« Aux fins de l’application du paragraphe 2 :

a)      par dérogation aux dispositions de l’article 131, paragraphe 2, point a), le facteur de densité des exploitations est déterminé sur la base du nombre de bovins mâles, de vaches et de génisses présents dans l’exploitation au cours de l’année civile considérée, ainsi que du nombre d’ovins et/ou de caprins pour lesquels des demandes de prime ont été introduites pour la même année civile. Le nombre d’animaux ainsi obtenu est converti en [unités de gros bétail (UGB)] à l’aide du tableau de conversion figurant à l’article 131, paragraphe 2, point a) ;

b)      sans préjudice des dispositions de l’article 131, paragraphe 2, point b), troisième tiret, les superficies utilisées pour la production de grandes cultures telles que définies à l’annexe IX ne sont pas considérées comme “superficies fourragères” ;

c)      la superficie fourragère à prendre en considération pour le calcul du facteur de densité doit comprendre au moins 50 % de pâturages.

Les États membres déterminent leurs superficies de pâturages en tenant compte au moins du critère suivant : les pâturages sont des prairies qui, selon la pratique agricole locale, sont reconnues comme étant destinées au pacage des bovins et/ou des ovins. Cela n’exclut toutefois pas une utilisation mixte des terres au cours de la même année (pâturage, foin, herbe d’ensilage). »

 Le règlement no 796/2004

6        L’article 2, premier alinéa, du règlement (CE) no 796/2004 de la Commission, du 21 avril 2004, portant modalités d’application de la conditionnalité, de la modulation et du système intégré de gestion et de contrôle prévus par le règlement no 1782/2003 (JO 2004, L 141, p. 18), tel que modifié par le règlement (CE) no 972/2007 de la Commission, du 20 août 2007 (JO 2007, L 216, p. 3) (ci-après le « règlement no 796/2004 »), était libellé comme suit :

« Aux fins du présent règlement, on entend par :

[...]

1 bis)      “parcelle agricole” : une surface continue de terres sur laquelle un seul groupe de cultures est cultivé par un seul agriculteur ; cependant, dans le cas où une déclaration séparée d’utilisation concernant une surface faisant partie d’un groupe de cultures est requise dans le cadre du présent règlement, cette utilisation spécifique limite également la parcelle agricole ;

[...]

2)      “pâturages permanents” : les terres consacrées à la production d’herbe et d’autres plantes fourragères herbacées (ensemencées ou naturelles) qui ne font pas partie du système de rotation des cultures de l’exploitation depuis cinq ans ou davantage, à l’exclusion des terres relevant de régimes de jachère [...] ;

2 bis)      “Herbe et autres plantes fourragères herbacées” : toutes les plantes herbacées se trouvant traditionnellement dans les pâturages naturels ou normalement comprises dans les mélanges de semences pour pâturages ou prairies dans l’État membre (qu’ils soient ou non utilisés pour faire paître les animaux). Les États membres peuvent inclure les cultures figurant à l’annexe IX du règlement (CE) no 1782/2003 ;

[...] »

7        À cet égard, le considérant 1 du règlement (CE) no 239/2005 de la Commission, du 11 février 2005 (JO 2005, L 42, p. 3), qui a modifié le règlement no 796/2004 dans sa version initiale, énonçait :

« L’article 2 du règlement [no 796/2004 dans sa version initiale] contient plusieurs définitions qui doivent être clarifiées. Il est en particulier nécessaire de clarifier la définition des “pâturages permanents” au point 2 dudit article, et il est également nécessaire d’introduire une définition du terme “herbe et autres plantes fourragères herbacées”. Cependant, dans ce contexte, il faut considérer que les États membres ont besoin d’une certaine flexibilité pour pouvoir tenir compte des conditions agronomiques locales. »

8        L’article 8 du règlement no 796/2004, intitulé « Principes généraux applicables aux parcelles agricoles », prévoyait, à son paragraphe 1 :

« Une parcelle boisée est considérée comme une parcelle agricole aux fins du régime d’aide “surfaces” sous réserve que les activités agricoles visées à l’article 51 du règlement [no 1782/2003] ou, le cas échéant, que la production envisagée puissent se dérouler comme elles se dérouleraient sur des parcelles non boisées situées dans la même zone. »

9        Le titre III de ce règlement, relatif aux « [c]ontrôles », comprenait l’article 30 de celui-ci, intitulé « Détermination des superficies ». Aux termes du paragraphe 2 de cet article :

« La superficie totale d’une parcelle agricole peut être prise en compte à condition qu’elle soit entièrement utilisée selon les normes usuelles de l’État membre ou de la région concernée. Dans les autres cas, c’est la superficie réellement utilisée qui est prise en compte.

Dans les régions où certaines caractéristiques, en particulier les haies, les fossés et les murs, font traditionnellement partie des bonnes pratiques agricoles en matière de cultures ou d’utilisation des sols, les États membres peuvent considérer que la superficie correspondante fait partie de la superficie totale utilisée, pour autant qu’elle ne dépasse pas une largeur totale à déterminer par les États membres. Cette largeur doit correspondre à une valeur traditionnelle en usage dans la région concernée, sans toutefois excéder deux mètres.

[...] »

 Le règlement (CE) no 1290/2005

10      Sous le titre IV, intitulé « Apurement des comptes et surveillance par la Commission », du règlement (CE) no 1290/2005 du Conseil, du 21 juin 2005, relatif au financement de la politique agricole commune (JO 2005, L 209, p. 1), figurait l’article 31 de ce dernier, lui-même intitulé « Apurement de conformité ». Cet article comportait un paragraphe 3 libellé comme suit :

« Préalablement à toute décision de refus de financement, les résultats des vérifications de la Commission ainsi que les réponses de l’État membre concerné font l’objet de notifications écrites, à l’issue desquelles les deux parties tentent de parvenir à un accord sur les mesures à prendre.

À défaut d’accord, l’État membre peut demander l’ouverture d’une procédure visant à concilier les positions respectives dans un délai de quatre mois, dont les résultats font l’objet d’un rapport communiqué à la Commission et examiné par elle avant qu’elle ne se prononce sur un éventuel refus de financement. »

 Le règlement (CE) no 885/2006

11      Le règlement (CE) no 885/2006 de la Commission, du 21 juin 2006, portant modalités d’application du règlement no 1290/2005 en ce qui concerne l’agrément des organismes payeurs et autres entités ainsi que l’apurement des comptes du FEAGA et du Feader (JO 2006, L 171, p. 90, et rectificatif JO 2007, L 291, p. 30) comprenait un article 11, intitulé « Apurement de conformité ». Cet article disposait, à ses paragraphes 1 à 3 :

« 1.      Si, à la suite d’une enquête, la Commission considère que des dépenses n’ont pas été effectuées conformément à la réglementation communautaire, elle communique ses constatations à l’État membre concerné et lui indique les mesures correctives qui s’imposent afin d’assurer à l’avenir le respect de ladite réglementation.

La communication fait référence au présent article. L’État membre répond dans un délai de deux mois à compter de la réception de la communication et la Commission peut modifier sa position en conséquence. Dans des cas justifiés, la Commission peut accorder une prorogation du délai de réponse.

À l’expiration du délai de réponse, la Commission convoque une réunion bilatérale et les deux parties s’efforcent de parvenir à un accord sur les mesures à prendre ainsi que sur l’évaluation de la gravité de l’infraction et du préjudice financier causé à la Communauté.

2.      Dans les deux mois suivant la réception du procès-verbal de la réunion bilatérale visée au paragraphe 1, troisième alinéa, l’État membre communique les informations éventuellement demandées au cours de la réunion ainsi que toute information complémentaire qu’il juge utile au traitement du dossier.

Dans des cas justifiés et sur demande motivée de l’État membre, la Commission peut accorder une prolongation de la période visée au premier alinéa. La demande en est adressée à la Commission avant le terme de ladite période.

Au terme de la période visée au premier alinéa, la Commission communique officiellement à l’État membre les conclusions auxquelles elle est parvenue sur la base des informations reçues dans le cadre de la procédure d’apurement de conformité. Cette communication présente l’évaluation des dépenses que la Commission envisage d’exclure du financement communautaire en vertu de l’article 31 du règlement [no 1290/2005] et fait référence à l’article 16, paragraphe 1, du présent règlement.

3.      L’État membre informe la Commission des mesures correctives qu’il a prises en vue d’assurer le respect de la réglementation communautaire, en précisant la date de leur mise en œuvre effective.

Après avoir examiné tout rapport éventuellement établi par l’organe de conciliation conformément au chapitre 3 du présent règlement, la Commission adopte, le cas échéant, une ou plusieurs décisions au titre de l’article 31 du règlement [no 1290/2005], visant à exclure du financement communautaire les dépenses concernées par le non-respect de la réglementation communautaire jusqu’à la mise en œuvre effective par l’État membre des mesures correctives.

Lors de l’évaluation des dépenses à exclure du financement communautaire, la Commission peut prendre en compte toute information transmise par l’État membre après le terme de la période visée au paragraphe 2 si cela est nécessaire pour mieux estimer le préjudice financier causé au budget communautaire, dès lors que le retard dans la transmission desdites informations est justifié par des circonstances exceptionnelles. »

12      Sous le titre « Procédure de conciliation », l’article 16 de ce règlement prévoyait, à son paragraphe 1 :

« Tout État membre peut soumettre une question à l’organe de conciliation dans les trente jours ouvrables suivant la réception de la communication officielle de la Commission visée à l’article 11, paragraphe 2, troisième alinéa, en adressant une demande de conciliation motivée au secrétariat de l’organe de conciliation.

La procédure et l’adresse du secrétariat sont communiquées aux États membres par l’intermédiaire du comité des Fonds agricoles. »

 Le règlement (UE) no 1307/2013

13      L’article 4, paragraphe 1, sous h), du règlement (UE) no 1307/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, établissant les règles relatives aux paiements directs en faveur des agriculteurs au titre des régimes de soutien relevant de la politique agricole commune et abrogeant le règlement (CE) no 637/2008 du Conseil et le règlement (CE) no 73/2009 du Conseil (JO 2013, L 347, p. 608), énonce la définition suivante :

« “prairies permanentes et pâturages permanents” (ci-après dénommés conjointement “prairies permanentes”), les terres consacrées à la production d’herbe ou d’autres plantes fourragères herbacées (ensemencées ou naturelles) qui ne font pas partie du système de rotation des cultures de l’exploitation depuis cinq ans au moins ; d’autres espèces adaptées au pâturage comme des arbustes et/ou des arbres peuvent être présentes, pour autant que l’herbe et les autres plantes fourragères herbacées restent prédominantes ; les prairies permanentes peuvent également comprendre, lorsque les États membres le décident, des surfaces adaptées au pâturage et relevant des pratiques locales établies dans lesquelles l’herbe et les autres plantes fourragères herbacées ne prédominent pas traditionnellement ».

 Les antécédents du litige

14      Les antécédents du litige ont été exposés par le Tribunal aux points 1 à 11 de l’arrêt attaqué et peuvent, pour les besoins de la présente procédure, être résumés de la manière suivante.

15      Aux mois de septembre 2008 et de février 2009, la Commission européenne a procédé à deux enquêtes concernant les dépenses effectuées par la République hellénique au titre, respectivement, des aides à la surface et des mesures de développement rural, dans le cadre du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA), section « Garantie », ainsi que du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) pour l’année de demande 2008.

16      Ainsi, par une lettre du 21 novembre 2008, la Commission a relevé que les contrôles sur place effectués lors des enquêtes en cause avaient démontré que certaines superficies admises au bénéfice de l’aide ne respectaient pas les critères d’éligibilité prévus à l’article 44, paragraphe 2, du règlement no 1782/2003 et à l’article 2 du règlement no 796/2004. Au soutien de cette constatation, la Commission a mentionné un ensemble d’exemples qui sont rappelés au point 40 de l’arrêt attaqué.

17      À la suite de la communication des observations de la Commission et des réponses de la République hellénique, une réunion bilatérale s’est tenue le 8 avril 2010. Le 2 juin 2010, la Commission a adressé à la République hellénique ses conclusions, auxquelles cette dernière a répondu le 2 août 2010.

18      Le 31 mai 2013, la Commission a informé la République hellénique qu’elle maintenait sa position concernant le montant net des corrections envisagées ainsi que les motifs qui les justifiaient.

19      La République hellénique a saisi l’organe de conciliation, le 11 juillet 2013. Celui‑ci a rendu son avis le 31 janvier 2014, avant que la Commission n’adopte sa position finale le 26 mars 2014. Par celle-ci, la Commission constatait, premièrement, des faiblesses dans le fonctionnement du système d’identification des parcelles agricoles et du système d’information géographique (ci-après le « SIPA-SIG ») affectant les contrôles croisés et les contrôles administratifs, deuxièmement, des faiblesses dans les contrôles sur place ainsi que, troisièmement, des calculs erronés des paiements et des sanctions. Par ailleurs, la Commission soulignait le caractère récurrent de ces constatations. Le montant final net de la correction imposée à la République hellénique s’élevait alors à 86 007 771,11 euros.

20      En conséquence, la Commission a adopté, le 19 décembre 2014, la décision litigieuse, par laquelle elle écarte du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par la République hellénique au titre du FEOGA, section « Garantie », du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Feader.

21      Par cette décision, la Commission a appliqué des corrections forfaitaires au titre de l’année de demande 2008, d’une part, dans le domaine des aides à la surface pour un montant total de 61 012 096,85 euros, dont elle a déduit un montant de 2 135 439,32 euros. Cette correction tient notamment compte d’un taux de correction forfaitaire de 10 % pour les agriculteurs qui n’avaient déclaré que des pâturages, soit 32 542 837,74 euros. D’autre part, la Commission a imposé des corrections au titre de l’année de demande 2008 dans le domaine du développement rural pour un montant de 5 007 867,36 euros imputé à l’exercice financier 2009 et pour un montant de 5 496 524,54 euros imputé à l’exercice financier 2010, soit pour un montant total de 10 504 391,90 euros, dont elle a déduit un montant total de 2 588 231,20 euros correspondant à 2 318 055,75 euros pour l’exercice financier 2009 et 270 175,45 euros pour l’exercice financier 2010. Il en résulte que les incidences financières découlant de la décision litigieuse, à charge de la République hellénique, au titre des corrections forfaitaires dans les domaines des aides à la surface et du développement rural ont été respectivement de 58 876 657,53 euros et de 7 916 160,70 euros.

22      Dans le rapport de synthèse joint à la décision litigieuse, mentionné au point 41 de l’arrêt attaqué, la Commission a justifié l’imposition des corrections forfaitaires par les motifs suivants : 

–        s’agissant du SIPA-SIG : les services de la Commission étaient d’avis qu’il n’était pas conforme aux exigences découlant de l’article 20 du règlement no 1782/2003. En particulier :

–      des erreurs avaient été constatées concernant les limites des parcelles de référence et leur superficie maximale admissible, ces données étant pour l’essentiel inexactes. En particulier, ces erreurs ont été constatées par rapport aux superficies utilisées en tant que pâturages qui, selon les vérifications, ne pouvaient pas toujours être considérées comme éligibles au bénéfice de l’aide sur la base de l’article 2, premier alinéa, points 2 et 2 bis, du règlement no 796/2004. Par conséquent, les agriculteurs n’étaient pas correctement informés de l’éligibilité des parcelles qu’ils entendaient déclarer. Par ailleurs, les contrôles croisés visant à éviter qu’une même aide ne soit indûment octroyée plusieurs fois au titre de la même parcelle n’étaient pas concluants, sauf si des contrôles sur place, détectant la localisation incorrecte des parcelles et leur éligibilité, avaient eu lieu ;

–      à partir de l’année 2009, une nouvelle information dans le SIPA-SIG était utilisée pour les déclarations et les contrôles croisés. Or, les résultats des contrôles croisés ne pouvaient pas être utilisés pour évaluer le risque pour le fonds pour l’année 2008. En effet, durant cette année, les agriculteurs déclaraient leurs parcelles sur la base des anciens SIPA-SIG. Or, si le système avait fonctionné correctement au cours de l’année 2008, une partie de ces parcelles aurait été refusée comme inéligible, dont une proportion importante concernant les pâturages permanents que les autorités grecques considéraient comme éligibles et pour lesquels la Commission avait déjà, dans la correspondance antérieure, indiqué leur inéligibilité pour cause de non-respect des dispositions légales pertinentes ;

–        les contrôles sur place ne répondaient pas, pour l’année de demande 2008, aux exigences des articles 23 et 30 du règlement no 796/2004. Plus particulièrement :

–      s’agissant des pâturages : l’absence de mesurage des pâturages a été jugée particulièrement préoccupante. Dans plusieurs cas, les surfaces éligibles étaient couvertes de plantes ligneuses et d’autres parcelles étaient en partie couvertes de plantes fourragères herbacées, de sorte qu’elles ne remplissaient pas les critères de « pâturages permanents », au sens de l’article 2, premier alinéa, point 2, du règlement no 796/2004. Les surfaces déclarées étaient souvent localisées dans des zones éloignées, sans limites visibles et difficilement accessibles. Il a été constaté que les inspecteurs n’avaient pas procédé au mesurage des surfaces, conformément aux exigences de l’article 30 du règlement no 796/2004. Alors que la République hellénique avait à plusieurs reprises indiqué que les superficies contestées avaient toujours été utilisées comme pâturages sans que leur éligibilité soit contestée par la Commission, ces surfaces avaient également été inéligibles au regard des règles applicables avant l’année 2006 et la direction générale (DG) « Agriculture » avait également critiqué leur éligibilité (enquête AP/2001/06) ;

–      s’agissant des contrôles sur place par télédétection, la procédure appliquée n’était pas conforme aux exigences en la matière. Par conséquent, des aides ont été versées au titre de parcelles inéligibles en vertu de l’article 44, paragraphe 2, du règlement no 1782/2003 et de l’article 2 du règlement no 796/2004 ;

–      s’agissant des contrôles sur place classiques, le « re-mesurage » a fait apparaître des différences sans pour autant démontrer une défaillance systématique dans le fonctionnement de ce type de contrôle, à l’exception des pâturages. Au cours de l’année 2008, en vue de l’introduction d’un nouveau SIPA-SIG, la République hellénique n’a pas intégré dans ce système les coordonnées des parcelles soumises aux contrôles sur place classiques. Par conséquent, il n’existait aucune représentation graphique permettant de détecter des déclarations multiples ;

–      les lacunes constatées constituaient une défaillance continue dans le fonctionnement des contrôles clés et des contrôles secondaires et généraient un risque pour le fonds à l’égard des aides à la surface. Par ailleurs, ces constatations étaient récurrentes ;

–      les lacunes constatées se répercutaient sur les aides « couplées » à la surface supplémentaires.

23      Au vu des constatations relatives aux faiblesses dans le SIPA-SIG et dans les contrôles sur place, la Commission a appliqué des corrections réparties selon la classification suivante :

–      pour les agriculteurs ne déclarant que des pâturages, une correction forfaitaire de 10 % a été imposée du fait d’une situation problématique dans le SIPA et du résultat des contrôles sur place, révélateurs du taux élevé d’erreurs et, partant, d’irrégularités importantes. Bien que, selon la Commission, une correction de 25 % soit justifiée, l’application d’une correction forfaitaire de 10 % semblait plus appropriée en tenant compte de l’« effet tampon » ;

–      pour les agriculteurs qui ne déclaraient pas de pâturages, une correction forfaitaire de 2 % a été imposée en tenant compte de l’« effet tampon », de l’amélioration des contrôles sur place classiques et du fait que, dans cette catégorie d’agriculteurs, le niveau d’irrégularités identifiées était plus bas et que les contrôles sur place classiques représentaient une part substantielle des contrôles ;

–      pour les aides liées à la surface complémentaires, une correction forfaitaire de 5 % a été imposée du fait de leur affectation négative par le lancement tardif de contrôles sur place et du fait de l’absence de l’« effet tampon » ;

–      pour toutes les mesures de développement rural fondées sur la surface, une correction forfaitaire de 5 % a été imposée.

 La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

24      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 2 mars 2015, la République hellénique a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse en invoquant, en substance, trois moyens.

25      Le premier moyen, relatif à la correction financière forfaitaire de 10 % appliquée aux agriculteurs qui n’avaient déclaré que des pâturages pour un montant de 32 542 837,74 euros, était tiré de l’interprétation et de l’application erronées de l’article 2, premier alinéa, point 2, du règlement no 796/2004, d’une motivation insuffisante et d’une violation du principe de proportionnalité ainsi que des limites s’imposant au pouvoir discrétionnaire de la Commission. Le deuxième moyen, relatif à la correction financière forfaitaire de 5 % pour les aides liées complémentaires, était tiré d’une erreur de fait, d’une motivation insuffisante et d’une violation du principe de proportionnalité. Le troisième moyen, relatif à la correction financière de 5 % appliquée pour les aides du second pilier de la politique agricole commune (PAC), consacré au développement rural, était tiré d’un défaut de motivation, d’une erreur de fait et d’une violation du principe de proportionnalité.

26      Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté les deux premiers moyens et a accueilli le recours quant au troisième moyen. Il a, partant, au point 1 du dispositif de l’arrêt attaqué, annulé la décision litigieuse « en ce qui concerne les montants de la correction de 5 007 867,36 euros, de la déduction de 2 318 055,75 euros et de l’incidence financière de 2 689 811,61 euros, s’agissant des dépenses effectuées par la République hellénique dans le secteur du développement rural Feader Axe 2 (2007-2013, mesures liées à la surface), pour l’année d’exercice fiscal 2009, au titre des faiblesses concernant le [SIPA] et les contrôles sur place (second pilier, année de demande 2008) » et, au point 2 de ce dispositif, rejeté le recours pour le surplus.

 Les conclusions des parties devant la Cour

27      Par son pourvoi, la République hellénique demande à la Cour :

–        d’annuler l’arrêt attaqué ;

–        d’annuler la décision litigieuse, et

–        de condamner la Commission aux dépens.

28      La Commission demande à la Cour :

–        de rejeter le pourvoi, comme étant pour partie irrecevable et pour partie non fondé, et

–        de condamner la République hellénique aux dépens.

29      Le Royaume d’Espagne, intervenant au soutien de la République hellénique, demande à la Cour :

–        d’annuler l’arrêt attaqué et

–        de condamner la Commission aux dépens.

 Sur le pourvoi

30      À l’appui de son pourvoi, la République hellénique soulève six moyens. Les trois premiers moyens ont trait à l’appréciation du Tribunal relative à la correction financière de 10 % appliquée aux aides à la surface pour les agriculteurs n’ayant déclaré que des pâturages. Les quatrième et cinquième moyens portent sur l’appréciation du Tribunal relative à la correction financière de 5 % appliquée aux aides liées à la surface complémentaires. Le sixième moyen vise l’appréciation du Tribunal quant à la correction financière de 5 % appliquée aux aides du second pilier de la PAC, consacré au développement rural.

 Sur le premier moyen

 Argumentation des parties

31      Le premier moyen se divise en trois branches.

32      Par la première branche de son premier moyen, la République hellénique fait grief, en substance, au Tribunal d’avoir interprété et appliqué de manière erronée, aux points 24 à 67 de l’arrêt attaqué, l’article 2, premier alinéa, point 2, du règlement no 796/2004 qui énonce la définition de « pâturages permanents ». Plus particulièrement, elle reproche au Tribunal d’avoir retenu, aux points 34 à 36 de l’arrêt attaqué, une interprétation trop étroite de cette notion, en adoptant un critère tenant exclusivement au type de végétation recouvrant la surface en cause. À l’opposé, la République hellénique, soutenue par le Royaume d’Espagne, défend une acception large de cette notion, qui refléterait l’intention du législateur de l’Union et qui couvrirait les pâturages dits « méditerranéens », c’est-à-dire les surfaces couvertes de végétation ligneuse ou boisée qui sont adaptées au pâturage et sur lesquelles l’herbe ainsi que les autres plantes fourragères herbacées ne prédominent pas traditionnellement.

33      Selon la République hellénique, cette interprétation est autorisée par le libellé de l’article 2, premier alinéa, point 2, du règlement no 796/2004 ainsi que par le contexte et les objectifs poursuivis par ce règlement. Elle souligne ainsi que cette conception large de la notion de « pâturages permanents » ressort tant de l’article 4, paragraphe 1, sous h), du règlement no 1307/2013 que du guide destiné à fournir aux États membres des orientations sur les meilleures façons de respecter les dispositions légales en vigueur relatives à la PAC, publié par le Centre commun de recherche (JRC) de la Commission, le 2 avril 2008, ainsi que du plan d’action, élaboré au mois d’octobre 2012, par les autorités helléniques et la Commission (ci-après le « plan d’action de 2012 »).

34      Au soutien de cette argumentation, le Royaume d’Espagne fait valoir, en substance, que le Tribunal n’a pas pris en compte l’ensemble du contexte et des objectifs poursuivis par le règlement no 1782/2003, parmi lesquels figure le maintien de certains paiements associés à la production. Plus particulièrement, l’article 132 du règlement no 1782/2003, relatif à la prime d’extensification, se référerait aux pâturages sans préciser que ces derniers doivent être exclusivement couverts d’une végétation herbacée.

35      La Commission rétorque que le Tribunal a correctement interprété et appliqué la notion de « pâturages permanents » figurant à l’article 2, premier alinéa, point 2, du règlement no 796/2004. Il ressortirait de cette définition que le critère tenant à la nature de la végétation recouvrant la surface agricole concernée serait déterminant. En outre, ni les orientations visées au point 33 du présent arrêt, ni le plan d’action de 2012, ni le règlement no 1307/2013, applicable à compter du 1er janvier 2015, et qui contient une définition élargie de la notion de « pâturages permanents » ne seraient pertinents pour interpréter le droit applicable au moment des faits de l’espèce ainsi que pour apprécier la correction financière décidée par la Commission.

36      Par la deuxième branche du premier moyen, la République hellénique fait grief, en substance, au Tribunal, d’avoir, au point 66 de l’arrêt attaqué, considéré que, indépendamment de l’interprétation retenue de la notion de « pâturages permanents », les surfaces litigieuses demeuraient inéligibles, compte tenu des défaillances constatées dans l’application des règles relatives aux pâturages et dans le fonctionnement du système des contrôles du SIPA-SIG.

37      La République hellénique estime en effet que, en application de l’« effet tampon », le Tribunal ne pouvait pas déduire des défaillances ponctuelles constatées dans le fonctionnement du SIPA-SIG pour quelques parcelles identifiées au point 40 de l’arrêt attaqué, que, en tout état de cause, l’ensemble des surfaces déclarées en tant que pâturages en ce qui concerne l’année 2008 et visées par la correction financière auraient été inéligibles que l’on retienne la définition étroite de l’article 2 du règlement no 796/2004 ou celles plus favorables, découlant du plan d’action de 2012, ou de l’article 4, paragraphe 1, sous h), du règlement no 1307/2013.

38      La Commission conclut au rejet de cette argumentation.

39      Dans le cadre de la troisième branche de son premier moyen, la République hellénique fait grief au Tribunal une insuffisance de motivation dans la mesure où, aux points 20 à 22 de l’arrêt attaqué, il a inscrit son appréciation dans le sillage de la jurisprudence relative à la répartition de la charge de la preuve dans le cadre de la procédure d’apurement de conformité. Or, cette jurisprudence ne serait pas pertinente au regard de l’interprétation de la notion de « pâturages permanents », au sens de l’article 2, premier alinéa, point 2, du règlement no 796/2004.

40      La Commission conclut au rejet de cette argumentation.

 Appréciation de la Cour

41      À titre liminaire, il y a lieu de relever que, sans soulever formellement une fin de non-recevoir, la Commission doute de la recevabilité du pourvoi dans la mesure où la République hellénique se serait limitée à répéter son argumentation présentée en première instance.

42      Il convient toutefois de rejeter cet argument de la Commission.

43      Certes, il est de jurisprudence constante qu’un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande (arrêt du 4 juillet 2000, Bergaderm et Goupil/Commission, C‑352/98 P, EU:C:2000:361, point 34).

44      Toutefois, en l’occurrence, la République hellénique ne se limite pas à répéter ou à reproduire textuellement les moyens et les arguments qu’elle avait présentés devant le Tribunal, mais conteste devant la Cour l’interprétation ou l’application du droit de l’Union opérée par le Tribunal dans l’arrêt attaqué.

45      Dès lors, il convient d’apprécier au fond les moyens invoqués par la République hellénique.

46      S’agissant de la première branche du premier moyen, conformément à une jurisprudence constante de la Cour, il convient, pour l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie.

47      Il ressort du libellé de l’article 2, premier alinéa, point 2, du règlement no 796/2004 que, constituent des « pâturages permanents » les « terres consacrées à la production d’herbe et d’autres plantes fourragères herbacées (ensemencées ou naturelles) qui ne font pas partie du système de rotation des cultures de l’exploitation depuis cinq ans ou davantage ».

48      Il en découle que, si cet article mentionne expressément la présence d’« herbe et d’autres plantes fourragères herbacées », de telle sorte qu’une surface sur laquelle sont présentes exclusivement des plantes herbacées constitue assurément un « pâturage permanent », la présence d’autres types de végétation, tels que les végétations ligneuses ou arbustives n’est cependant pas exclue. Dès lors, à l’instar de ce que Mme l’avocate générale a relevé au point 56 de ses conclusions, le libellé de l’article 2, premier alinéa, point 2, du règlement no 796/2004 reste ambigu quant au point de savoir si la qualification de « pâturages permanents » est soumise au critère tenant au type de végétation couvrant la surface concernée et, partant, est réservée à la présence exclusive d’herbe ou d’autres plantes herbacées.

49      S’agissant du contexte dans lequel s’inscrit l’article 2, premier alinéa, point 2, du règlement no 796/2004, il ressort, tout d’abord, du considérant 1 du règlement no 239/2005 que, compte tenu du besoin de clarification de la notion de « pâturages permanents », l’intention du législateur de l’Union a été de réserver aux États membres une certaine flexibilité pour tenir compte des diverses conditions agronomiques locales.

50      Ensuite, il ressort du libellé même de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 796/2004, lequel renvoie à l’article 51 du règlement no 1782/2003, que l’utilisation agricole effective d’une surface agricole constitue un critère plus pertinent que celui du type de végétation couvrant la surface concernée. En effet, aux termes de cet article 8, paragraphe 1, est considérée comme une « parcelle agricole » la parcelle boisée sur laquelle la production envisagée peut se dérouler comme elle se déroulerait sur une parcelle non boisée dans la même zone.

51      En outre, force est de relever que le critère tenant au type de végétation couvrant la surface concernée est également relativisé à l’article 30, paragraphe 2, du règlement no 796/2004, dans le cadre du contrôle de la superficie d’une parcelle agricole. Conformément à cette disposition, les États membres peuvent considérer que la superficie totale d’une parcelle agricole peut couvrir la surface occupée par des haies, à condition que cette caractéristique fasse traditionnellement partie des bonnes pratiques agricoles en matière d’utilisation des sols.

52      Enfin, dans la mesure où la définition de « pâturages permanents » figure au sein du règlement no 796/2004, lequel vise à l’exécution du règlement no 1782/2003, il convient, en vertu d’une jurisprudence constante de la Cour, d’interpréter cette notion en conformité avec l’acte de base (arrêt du 26 juillet 2017, République tchèque/Commission, C‑696/15 P, EU:C:2017:595, point 33).

53      Or, le règlement no 1782/2003 ne subordonne pas la qualification de « pâturages permanents » à la présence d’une végétation d’un type donné, l’article 44, paragraphe 2, de ce règlement n’excluant de la qualité « d’hectare admissible au bénéfice de l’aide » que les « cultures permanentes », les « forêts » ainsi que les surfaces « affectées à une activité non agricole ».

54      Dès lors, il résulte de ce qui précède que, ainsi que l’a exposé Mme l’avocate générale au point 63 de ses conclusions, le critère déterminant quant à la définition de « pâturages permanents » n’est pas le type de végétation couvrant la surface agricole, mais l’utilisation effective de ladite surface pour une activité agricole typique aux fins de « pâturages permanents ». Par conséquent, la présence de plantes ligneuses ou arbustives ne saurait faire, en tant que telle, obstacle à la qualification d’une surface de « pâturages permanents », tant que cette présence ne porte pas atteinte à l’utilisation effective de ladite surface pour une activité agricole (voir, en ce sens, arrêt du 9 juin 2016, Planes Bresco, C‑333/15 et C‑334/15, EU:C:2016:426, point 35).

55      Une telle interprétation est d’ailleurs corroborée par les objectifs poursuivis par le règlement no 1782/2003, à savoir la stabilisation du revenu agricole et la protection de l’environnement.

56      En premier lieu, s’agissant de l’objectif de stabilisation du revenu agricole, il ressort des considérants 21 et 24 du règlement no 1782/2003 que le régime de paiement unique est subordonné au maintien de l’exploitation dans de bonnes conditions agricoles et environnementales et vise à assurer un niveau de vie équitable aux agriculteurs. Aussi, ce régime de paiement unique vise à s’appliquer à l’ensemble de ces derniers, sans que l’accès à ce paiement puisse être déterminé par le type de végétation présent sur les surfaces concernées.

57      En second lieu, les considérants 3 et 4 du règlement no 1782/2003 soulignent l’effet positif sur l’environnement des pâturages permanents et inscrivent le règlement no 1782/2003 dans la poursuite d’un double objectif, à savoir la prévention, d’une part, de l’abandon de surfaces agricoles et, d’autre part, de la transformation des pâturages permanents existants en terres arables. Il s’ensuit, comme l’a constaté Mme l’avocate générale au point 68 de ses conclusions, que la poursuite de ces objectifs ne s’accorde pas avec une interprétation restrictive de la notion de « pâturages permanents », comme portant exclusivement sur le type de végétation recouvrant la surface agricole.

58      Il découle de l’ensemble des considérations qui précèdent que, aux fins de déterminer si la surface concernée doit être qualifiée de « pâturages permanents », au sens de l’article 2, premier alinéa, point 2, du règlement no 796/2004, le critère déterminant à prendre en considération n’est pas le type de végétation couvrant cette surface, mais bien l’utilisation effective de celle-ci pour une activité agricole typique des « pâturages permanents ».

59      Dès lors, en jugeant aux points 35 et 36 de l’arrêt attaqué, que le critère pertinent était le type de végétation présent sur la surface en cause et en effectuant ensuite son examen au regard de ce critère, le Tribunal a commis une erreur de droit dans l’interprétation et l’application de la notion de « pâturages permanents », telle qu’elle résulte de l’article 2, premier alinéa, point 2, du règlement no 796/2004. Il s’ensuit que la considération du Tribunal, figurant au point 65 de l’arrêt attaqué, selon laquelle la République hellénique reste en défaut de démontrer l’inexactitude des appréciations de la Commission, est erronée.

60      Cela étant, il convient de relever que le taux de correction forfaitaire de 10 % appliqué pour les agriculteurs qui n’avaient déclaré que des pâturages est justifié, dans le rapport de synthèse, au regard d’un ensemble de défaillances exposées aux points 16, 21 et 22 du présent arrêt, lesquels reprennent, en substance, les points 40 et 41 de l’arrêt attaqué. La Commission a ainsi justifié ce taux de correction au regard, d’une part, des faiblesses dans le SIPA-SIG affectant le caractère probant des procédures administratives et des contrôles croisés et, d’autre part, des faiblesses dans les contrôles sur place.

61      À cet égard, dans le cadre de son appréciation du premier moyen du recours introduit devant lui, le Tribunal a considéré, aux points 23 à 106 de l’arrêt attaqué, que le taux de 10 % appliqué pour les agriculteurs qui n’avaient déclaré que des pâturages demeurait toutefois justifié au regard des autres défaillances constatées.

62      Plus particulièrement, aux points 66, 88 et 95 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté que les insuffisances du SIPA-SIG justifiaient, indépendamment de la controverse portant sur la définition des « pâturages permanents », la fixation d’un taux de correction forfaitaire de 10 % pour les agriculteurs qui n’avaient déclaré que des pâturages. Dans cette circonstance, l’erreur de droit commise par le Tribunal, telle qu’exposée au point 59 du présent arrêt, est sans incidence sur le dispositif de l’arrêt attaqué, dès lors que les appréciations figurant aux points 66, 88 et 95 de celui-ci suffisent à le justifier.

63      Dès lors, l’erreur de droit identifiée au point 59 du présent arrêt n’est pas de nature à entraîner l’annulation de l’arrêt attaqué.

64      S’agissant de la deuxième branche du premier moyen, il suffit de relever que, au point 66 de l’arrêt attaqué, le Tribunal s’est borné à juger que, à supposer même que la définition de « pâturages permanents », telle qu’elle a été appliquée, n’ait pas été conforme au libellé de l’article 2, premier alinéa, point 2, du règlement no 796/2004, « eu égard aux défaillances constatées dans l’application des règles relatives aux pâturages et dans le fonctionnement du système des contrôles du SIPA-SIG, visées aux points 40 et 41 [de l’arrêt attaqué] », les surfaces litigieuses auraient été en tout état de cause inéligibles.

65      En effet, au point 40 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a énuméré un ensemble d’exemples de parcelles retenus par la Commission aux fins de justifier la correction forfaitaire et qui, à supposer qu’elles puissent être localisées, ne respectaient pas les critères d’éligibilité prévus à l’article 44, paragraphe 2, du règlement no 1782/2003, dans la mesure où elles n’étaient pas affectées à des activités agricoles.

66      Par conséquent, la deuxième branche du premier moyen doit être écartée et rejetée comme étant non fondée.

67      S’agissant de la troisième branche du premier moyen, il convient de relever que, aux points 20 à 22 de l’arrêt attaqué, le Tribunal s’est borné à rappeler préalablement à son appréciation spécifique de chacun des moyens soulevés par la République hellénique et sans en tirer, à ce stade, de conséquences en droit, les principes généraux qui résultent de la jurisprudence constante relative à la répartition de la charge de la preuve dans le cadre du contentieux en matière de fonds européens entre la Commission, d’une part, et l’État membre concerné, d’autre part.

68      Il s’ensuit que la troisième branche du premier moyen doit être écartée et rejetée comme irrecevable.

69      Dès lors, quand bien même le premier moyen serait fondé en sa première branche, il ne serait pas de nature à entraîner l’annulation de l’arrêt attaqué.

70      Compte tenu de ce qui précède, le premier moyen doit être écarté comme étant pour partie inopérant, pour partie irrecevable et pour partie non fondé.

 Sur le deuxième moyen

 Argumentation des parties

71      Par son deuxième moyen, la République hellénique allègue, en substance, que le Tribunal a manqué à son obligation de motivation, aux points 68 à 76 de l’arrêt attaqué, en ce qu’il aurait omis de répondre à l’ensemble des arguments exposés par la République hellénique relatifs à la notion de « pâturages permanents » et en particulier quant à la notion de « pâturages méditerranéens ».

72      La Commission conclut au rejet de ce moyen.

 Appréciation de la Cour

73      Il résulte d’une jurisprudence constante que l’obligation pour le Tribunal de motiver ses décisions ne saurait être interprétée comme impliquant qu’il soit tenu de répondre dans le détail à chaque argument invoqué par une partie, en particulier s’il ne revêt pas un caractère suffisamment clair et précis et ne repose pas sur des éléments de preuve circonstanciés (arrêt du 11 janvier 2007, Technische Glaswerke Ilmenau/Commission, C‑404/04 P, non publié, EU:C:2007:6, point 90).

74      À cet égard, force est de relever, d’une part, que le Tribunal a consacré les points 24 à 65 de l’arrêt attaqué à un examen détaillé des arguments de la République hellénique quant à l’interprétation de la notion de « pâturages permanents » et, en particulier, quant à l’importance du type de végétation couvrant les surfaces agricoles.

75      D’autre part, aux points 15 et 16 de la requête introductive d’instance déposée devant le Tribunal, la requérante s’est bornée à alléguer les « caractéristiques particulières de l’ensemble des pâturages de type méditerranéen » lesquels « présente[raie]nt une grande valeur environnementale ». Cette allégation ne satisfaisant pas à l’exigence de clarté et de précision requise, il ne saurait être fait grief au Tribunal de ne pas y avoir répondu spécifiquement.

76      Il s’ensuit que le Tribunal n’a pas manqué à son obligation de motivation. Par conséquent, le deuxième moyen doit être rejeté comme non fondé.

 Sur le troisième moyen

 Argumentation des parties

77      Le troisième moyen se divise en deux branches.

78      Par la première branche de ce moyen, la République hellénique fait valoir, en substance, que le Tribunal a manqué à plusieurs titres à son obligation de motivation aux points 88 à 103 de l’arrêt attaqué. Selon la République hellénique, le Tribunal a en effet complété de manière illicite la motivation de la décision litigieuse en estimant que les irrégularités du système de gestion et de contrôle suffisaient à elles seules à justifier le taux de correction de 10 %, alors qu’il ressort du rapport de synthèse que ce taux de correction ne serait justifié qu’au regard de l’inéligibilité des surfaces déclarées en tant que « pâturages permanents ». En outre, le Tribunal n’aurait dûment motivé sa décision ni au regard de l’augmentation du taux de correction à 10 % par rapport au taux de correction de 5 % retenu pour l’année précédente ni au regard des améliorations constatées lors des contrôles sur place. Enfin, la République hellénique fait grief au Tribunal de ne pas avoir suffisamment tenu compte de l’« effet tampon ».

79      Par la seconde branche de ce moyen, la République hellénique soutient que le Tribunal a violé le principe de proportionnalité en entérinant, aux points 88 à 103 de l’arrêt attaqué, le taux de correction de 10 % à l’égard des aides pour les agriculteurs qui n’ont déclaré que des pâturages. Selon la République hellénique, un taux de correction de 5 % serait justifié notamment en tenant compte de l’« effet tampon ».

80      La Commission fait valoir qu’il convient de rejeter l’intégralité de ce moyen comme non fondé.

 Appréciation de la Cour

81      S’agissant de la première branche du troisième moyen, il convient de relever tout d’abord que, contrairement à ce que soutient la République hellénique, le taux de correction forfaitaire de 10 % retenu par la Commission ne repose pas uniquement sur l’inéligibilité des surfaces concernées, mais sur l’ensemble des insuffisances du système de contrôle que la Commission a constaté dans le rapport de synthèse et que le Tribunal rappelle aux points 10 et 89 à 94 de l’arrêt attaqué.

82      Aussi, c’est sans commettre d’erreur que le Tribunal a pu considérer, au point 95 de l’arrêt attaqué, que ce sont les carences dans le système de contrôle, prises ensemble avec toutes les autres carences constatées, qui constituent une mise en œuvre gravement déficiente du système de contrôle impliquant un niveau élevé d’erreurs.

83      Il s’ensuit que l’allégation de la République hellénique selon laquelle il ressort du rapport de synthèse que le taux de correction forfaitaire de 10 % n’est justifié qu’au regard de l’inéligibilité des surfaces déclarées en tant que « pâturages permanents » doit être écartée.

84      Ensuite, s’agissant de l’allégation relative à l’absence de prise en compte de l’amélioration constatée quant aux contrôles sur place ainsi que du taux de correction financière de 5 % adoptée pour l’année de demande 2007, il y a lieu de relever que, contrairement à ce que soutient la République hellénique, le Tribunal a apprécié l’importance de ces éléments aux points 98 à 101 de l’arrêt attaqué.

85      À cet égard, le Tribunal a souligné, au point 99 de l’arrêt attaqué, que, si le rapport de synthèse constatait une amélioration quantitative des contrôles sur place lors de l’année 2008, il n’en demeurait pas moins que ce rapport relevait également que les contrôles sur place ne faisaient pas l’objet d’une amélioration d’un point de vue qualitatif. Sur la base de ce constat et sur celui selon lequel la République hellénique demeurait en défaut d’étayer son allégation quant à l’amélioration qualitative des contrôles sur place, le Tribunal a pu valablement, au point 100 de l’arrêt attaqué, rejeter cette dernière allégation sans méconnaître son obligation de motivation.

86      Dès lors, une telle allégation procède d’une lecture erronée de l’arrêt attaqué et manque, partant, en fait.

87      Enfin, s’agissant de l’allégation relative à l’absence de prise en compte de l’« effet tampon » par le Tribunal, il y a lieu de relever que, aux points 95, 102 et 103 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a bien pris en considération cet effet.

88      Plus particulièrement, à la suite de son examen relatif à l’existence d’une mise en œuvre gravement déficiente du système de contrôle, aux points 85 à 94 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé, au point 95 de l’arrêt attaqué, que l’ensemble des carences dans le système de contrôle, prises dans leur ensemble, constituaient une telle mise en œuvre gravement déficiente, justifiant dès lors l’application d’un taux de correction forfaitaire de 25 %. Cela étant, à ce point 95 de l’arrêt attaqué, il a ensuite considéré que la Commission avait tenu compte du risque inférieur de pertes encouru par le fonds découlant de l’« effet tampon », en vertu duquel seule une partie des superficies déclarées est prise en compte pour activer des droits au paiement, pour appliquer, sans commettre d’erreur, une correction forfaitaire de 10 %.

89      Dès lors, une telle allégation procède d’une lecture erronée de l’arrêt attaqué et manque, partant, en fait.

90      Il s’ensuit que la première branche du troisième moyen doit être écartée comme étant non fondée.

91      La seconde branche du troisième moyen est tirée d’une violation du principe de proportionnalité par le Tribunal en ce que le taux de correction forfaitaire n’aurait pas dû s’élever à 10 %, mais à 5 % compte tenu des carences du système de contrôle.

92      À cet égard, il y a lieu de relever que, au terme d’une analyse circonstanciée aux points 85 à 94 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que les carences dans le système de contrôle, prises ensemble avec toutes les autres carences constatées, constituaient une mise en œuvre gravement déficiente du système de contrôle impliquant un niveau élevé d’erreurs attestant d’irrégularités généralisées, ayant entraîné vraisemblablement des pertes extrêmement élevées pour le fonds.

93      Or, le Tribunal a souligné, au point 82 de l’arrêt attaqué, sans être critiqué sur ce point par la République hellénique dans le cadre du présent pourvoi, qu’il ressort du document no VI/5330/97 de la Commission, du 23 décembre 1997, qui définit les orientations en matière de corrections financières, qu’une telle mise en œuvre gravement déficiente du système de contrôle est susceptible de justifier l’application d’une correction de 25 % des dépenses, dans la mesure où il existe un risque de pertes particulièrement élevées pour le fonds.

94      Dès lors, en constatant, au point 96 de l’arrêt attaqué, que la Commission a pu, sans commettre d’erreur, appliquer une correction forfaitaire de 10 %, le Tribunal n’a pas violé le principe de proportionnalité.

95      Il découle de ce qui précède que la seconde branche du troisième moyen doit être écartée comme étant non fondée.

96      Compte tenu des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le troisième moyen comme étant non fondé.

 Sur le quatrième moyen

 Argumentation des parties

97      Le quatrième moyen est tiré, en substance, d’une erreur de droit prétendument commise par le Tribunal, aux points 110 à 120 de l’arrêt attaqué, dans l’interprétation et l’application de l’article 31 du règlement no 1290/2005, lu en combinaison avec l’article 11 du règlement no 885/2006, ainsi que d’une motivation insuffisante. Plus particulièrement, la République hellénique fait valoir que constitue une violation de ses garanties procédurales le défaut pour la Commission de l’avoir invitée à discuter lors de la réunion bilatérale sur les constatations de cette dernière relatives aux retards dans la réalisation des contrôles sur place concernant les aides à la surface complémentaires.

98      La Commission rétorque qu’il y a lieu de rejeter ce moyen comme étant non fondé.

 Appréciation de la Cour

99      D’emblée, il convient de relever que, dans le cadre de la procédure d’apurement de conformité, il ressort de l’article 31, paragraphe 3, du règlement no 1290/2005, que, préalablement à toute décision de refus de financement, les résultats des vérifications de la Commission ainsi que les réponses de l’État membre concerné font l’objet de notifications écrites, à l’issue desquelles les deux parties tentent de parvenir à un accord sur les mesures à prendre.

100    En outre, l’article 11 du règlement no 885/2006 concrétise cette procédure en établissant les modalités de celle-ci. Ainsi, il ressort de l’article 11, paragraphe 1, premier alinéa, de ce règlement que, si, à la suite d’une enquête, la Commission considère que des dépenses n’ont pas été effectuées conformément au droit de l’Union, elle communique ses constatations à l’État membre concerné et lui indique les mesures correctives qui s’imposent. L’article 11, paragraphe 1, deuxième alinéa, dudit règlement dispose ensuite que l’État membre répond dans un délai de deux mois à compter de la réception de la communication de la Commission, laquelle peut modifier sa position en conséquence. L’article 11, paragraphe 1, troisième alinéa, du même règlement énonce enfin que, à l’expiration du délai de réponse, la Commission convoque une réunion bilatérale et les deux parties s’efforcent de parvenir à un accord sur les mesures à prendre ainsi que sur l’évaluation de la gravité de l’infraction et du préjudice financier causé à l’Union.

101    Il découle ainsi clairement, d’une part, de l’article 11, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement no 885/2006 que la Commission peut modifier sa position en fonction des éléments de réponse fournis par l’État membre concerné et, d’autre part, de l’article 11, paragraphe 1, troisième alinéa, de ce règlement que la convocation à la réunion bilatérale n’exige pas de la Commission qu’elle précise tous les aspects des constatations qui feront l’objet du débat lors de cette réunion.

102    Au contraire, comme l’a relevé Mme l’avocate générale au point 112 de ses conclusions, la tenue de la réunion bilatérale ne vise pas tant à informer cet État membre de l’étendue des constatations de la Commission qu’à rendre possible, sur la base de l’échange d’informations qui a eu lieu en amont, l’accord exigé par l’article 31, paragraphe 3, du règlement no 1290/2005 quant aux mesures correctives à prendre.

103    Il s’ensuit que l’allégation de la République hellénique relative à une prétendue violation de ses garanties procédurales, tirée de l’article 11 du règlement no 885/2006 en ce que la Commission ne l’aurait pas invitée à discuter, lors de la réunion bilatérale, des retards dans la réalisation des contrôles sur place concernant les aides à la surface complémentaires, doit être écartée.

104    Enfin, quant à l’allégation de la République hellénique tirée d’une motivation insuffisante et contradictoire de l’arrêt attaqué, il suffit de relever que, après avoir exposé l’importance de la première communication écrite, au sens de l’article 11 du règlement no 885/2006, aux points 113 à 116 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré, au terme d’une analyse claire et circonstanciée aux points 118 à 120 de cet arrêt, que la communication des résultats de l’enquête identifiait à suffisance de droit la tardiveté des contrôles sur place concernant les aides à la surface complémentaires.

105    Compte tenu de ce qui précède, le quatrième moyen doit être rejeté.

 Sur le cinquième moyen

 Argumentation des parties

106    Dans le cadre de son cinquième moyen, la République hellénique fait grief, en substance, au Tribunal d’avoir complété, aux points 126 à 128 et 132 à 133 de l’arrêt attaqué, la motivation de la décision litigieuse pour justifier le taux de correction de 5 % fixé à l’égard des aides liées à la surface complémentaires. Plus précisément, elle fait valoir que le Tribunal aurait complété la motivation de la décision litigieuse afin de justifier la différence entre le taux de correction appliqué pour les aides liées à la surface complémentaires fixé à 5 % et celui appliqué pour les aides à la surface autres que les pâturages, fixé à 2 %.

107    Selon la Commission, ce moyen doit être rejeté, à titre principal, comme irrecevable, en application de l’article 168, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure de la Cour, dans la mesure où ce moyen est formulé de manière trop succincte et vague. À titre subsidiaire, la Commission estime que l’arrêt attaqué est correctement motivé. Il s’ensuivrait que ce moyen devrait être rejeté.

 Appréciation de la Cour

108    S’agissant de l’exception d’irrecevabilité de la Commission fondée sur le caractère vague et succinct du cinquième moyen, qui l’aurait mise dans l’impossibilité d’y répondre, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, il résulte de l’article 256, paragraphe 1, second alinéa, TFUE, de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne ainsi que de l’article 168, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure de la Cour qu’un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande. À cet égard, il est précisé, à l’article 169, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour que les moyens et les arguments de droit invoqués identifient avec précision les points des motifs de la décision du Tribunal qui sont contestés (voir, en ce sens, arrêt du 4 septembre 2014, Espagne/Commission, C‑197/13 P, EU:C:2014:2157, points 42 et 43, ainsi que jurisprudence citée).

109    En l’occurrence, il y a lieu de constater que la République hellénique a identifié, au point 79 de son pourvoi, les points précis de l’arrêt attaqué critiqués dans le cadre de son cinquième moyen, et a développé une argumentation suffisamment concrète pour permettre à la Cour d’examiner ce moyen. Dès lors, le cinquième moyen de la République hellénique est recevable.

110    Cela étant, quant au fond, contrairement à ce que soutient la République hellénique, aux points 126 à 128 ainsi que 132 et 133 de l’arrêt attaqué, le Tribunal n’a pas complété la motivation de la décision litigieuse aux fins de justifier la différence entre le taux de correction forfaitaire de 5 % fixé pour les aides liées à la surface complémentaires et celui de 2 % fixé pour les aides à la surface autres que les pâturages.

111    En effet, en premier lieu, il ressort des considérations exposées par le Tribunal aux points 123 à 131 de l’arrêt attaqué que la Commission a justifié le taux de 5 % dans son rapport de synthèse au regard des irrégularités du système de contrôle portant sur des contrôles clés. En deuxième lieu, il résulte du point 136 de l’arrêt attaqué que le taux de 2 % fixé pour les aides à la surface autres que les pâturages est justifié en raison de l’« effet tampon ». Or, comme l’a relevé Mme l’avocate générale aux points 79 et 118 de ses conclusions, cet « effet tampon » n’est pas pertinent pour les aides liées à la surface complémentaires, dans la mesure où ces dernières aides sont couplées à la production, sans qu’il y ait usage des droits à paiement. En dernier lieu, et pour autant que la République hellénique conteste le point 133 de l’arrêt attaqué, il convient de relever que, à ce point, le Tribunal se borne à effectuer une appréciation de nature factuelle en réfutant que les améliorations alléguées au SIPA-SIG étaient d’application pendant l’année de demande 2008.

112    Par conséquent, le cinquième moyen du pourvoi repose sur une lecture erronée de l’arrêt attaqué et doit être écarté comme non fondé.

 Sur le sixième moyen

 Argumentation des parties

113    Par son sixième moyen, la République hellénique allègue l’absence totale de motivation du Tribunal quant au rejet du second grief invoqué dans le cadre de son troisième moyen à l’appui de son recours en annulation, relatif à la correction imposée dans le domaine du développement rural, selon lequel la décision litigieuse devait être annulée en ce que des corrections imposées par une décision antérieure de la Commission n’ont pas été retranchées du montant des corrections appliquées et imputées dans le cadre de la décision litigieuse. Plus particulièrement, le Tribunal aurait limité, sans fournir de motivation à cet égard, le chef de conclusions de la République hellénique au montant de 5 007 867,36 euros correspondant à la correction imputée à l’exercice financier 2009, alors qu’elle contestait le montant total de la correction imposée par la décision litigieuse, soit un montant de 10 504 391,90 euros, correspondant à la somme des corrections imputées aux exercices financiers 2009 (5 007 867,36 euros) et 2010 (5 496 524,54 euros).

114    La Commission rétorque que ce moyen est irrecevable. D’une part, la République hellénique se bornerait à contester le montant final net de la correction imposée par la décision litigieuse ainsi que le montant à la hauteur duquel la correction finale a été réduite, ce qui constituerait, par nature, une contestation de nature factuelle qui échapperait au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi. D’autre part, le grief de la République hellénique portant sur le montant brut de 10 504 391,90 euros n’aurait été contesté à aucun moment de la procédure devant le Tribunal, de sorte que ce grief constituerait un élargissement de l’objet du recours dans le cadre du pourvoi et s’analyserait comme un moyen nouveau devant, à ce titre, être rejeté comme étant irrecevable.

 Appréciation de la Cour

115    Il convient de constater que, aux points 9 et 41 à 43 de sa requête en première instance, la République hellénique a demandé l’annulation de la décision litigieuse en ce qu’elle prévoit l’application de corrections forfaitaires dans le domaine des aides à la surface de 5 % du montant total des dépenses effectuées dans le domaine du développement de l’espace rural pour un montant de 10 504 391,90 euros, correspondant à la somme des corrections imputées aux exercices financiers 2009 (5 007 867,36 euros) et 2010 (5 496 524,54 euros). Plus précisément, la République hellénique a contesté devant le Tribunal la prise en compte insuffisante de la correction antérieure appliquée au titre de la décision d’exécution 2013/214/UE de la Commission, du 2 mai 2013, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA), section « Garantie », du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO 2013, L 123, p. 11). à l’égard des aides au développement rural, s’agissant de l’année de demande 2008, pour les exercices financiers 2009 et 2010.

116    Or, il convient de constater que, en l’occurrence, aux points 155 à 168 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté le recours de la République hellénique en limitant son examen, sans autre forme de motivation, à la seule correction pour l’année de demande 2008 au titre de l’exercice financier 2009.

117    Dès lors, en omettant de répondre à une partie centrale de l’argumentation de la République hellénique, le Tribunal a violé l’obligation de motivation qui lui incombait en vertu de l’article 36 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, rendu applicable à celui-ci en vertu de l’article 53, premier alinéa, du même statut, et de l’article 117 du règlement de procédure du Tribunal.

118    Par conséquent, le sixième moyen de la République hellénique doit être accueilli pour autant que le Tribunal a rejeté le recours introduit devant lui en limitant son examen du second grief à l’appui du troisième moyen de ce recours à la seule correction pour l’année de demande 2008 imputée à l’exercice financier 2009.

119    Il s’ensuit que, le sixième moyen du pourvoi devant être déclaré fondé, il y a lieu d’annuler le point 2 du dispositif de l’arrêt attaqué, en ce que le Tribunal a rejeté le recours de la République hellénique en limitant son examen à la correction pour l’année de demande 2008 imputée à l’exercice financier 2009 s’agissant de la correction financière de 5 % appliquée aux aides du second pilier de la PAC, consacré au développement rural et en n’examinant pas la correction pour l’année de demande 2008 imputée à l’exercice financier 2010 d’un montant de 5 496 524,54 euros s’agissant de la correction financière de 5 % appliquée aux aides du second pilier de la PAC, consacré au développement rural.

 Sur le recours devant le Tribunal

120    Conformément à l’article 61, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, celle-ci peut, en cas d’annulation de la décision du Tribunal, soit renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour que celui-ci statue, soit statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d’être jugé.

121    S’agissant du second grief à l’appui du troisième moyen du recours introduit devant le Tribunal, il ressort des points 155 à 168 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a restreint l’étendue de la demande de la République hellénique portant sur l’existence d’une double correction à l’égard du seul exercice financier pour l’année 2009 alors même que, dans sa requête introductive d’instance, la République hellénique avait visé tant l’exercice financier 2009 que l’exercice financier 2010.

122    Or, il y a lieu de constater, en premier lieu, que, s’agissant de la correction portant sur l’année de demande 2008 au titre de l’exercice financier 2010, la décision litigieuse ne précise pas à suffisance de droit dans quelle mesure la correction imposée au titre de la décision 2013/214 a bien été répercutée sur le montant de la correction décidée aux termes de la décision litigieuse aux fins d’éviter une double correction.

123    En second lieu, ce défaut de motivation ne permet pas de déterminer à suffisance de droit si – et le cas échéant dans quelle mesure – la Commission a tenu compte de la correction résultant de la décision 2013/214 lors du calcul de la correction relative à l’année de demande 2008 au titre de l’exercice financier 2010.

124    Il s’ensuit qu’il y a lieu d’accueillir le second grief à l’appui du troisième moyen du recours introduit devant le Tribunal et, par conséquent, d’annuler la décision litigieuse pour défaut de motivation, en ce qu’elle concerne la prise en compte de la décision 2013/214 lors du calcul du montant de la correction de 5 496 524,54 euros, de la déduction de 270 175,45 euros et de l’incidence financière de 5 226 349,09 euros, concernant les dépenses effectuées par la République hellénique dans le secteur du développement rural Feader Axe 2 (2007-2013, mesures liées à la surface) et imposées au titre de l’exercice financier 2010, en raison des faiblesses concernant le SIPA et les contrôles sur place (second pilier, année de demande 2008).

 Sur les dépens

125    Aux termes de l’article 184, paragraphe 2, de son règlement de procédure, lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle-même définitivement le litige, elle statue sur les dépens.

126    Aux termes de l’article 138, paragraphe 3, de ce règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui‑ci, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, chaque partie supporte ses propres dépens.

127    La République hellénique et la Commission ayant chacune succombé sur un ou plusieurs chefs de demande, elles supporteront leurs propres dépens afférents à la procédure de première instance et au pourvoi.

128    Aux termes de l’article 140, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens.

129    Le Royaume d’Espagne, en tant que partie intervenante au pourvoi, supportera ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) déclare et arrête :

1)      Les points 2 et 3 du dispositif de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 30 mars 2017, Grèce/Commission (T112/15, EU:T:2017:239), sont annulés en tant, d’une part, que le Tribunal a rejeté le recours de la République hellénique en limitant son examen à la correction pour l’année de demande 2008 imputée à l’exercice financier 2009 s’agissant de la correction financière de 5 % appliquée aux aides du second pilier de la politique agricole commune (PAC), consacré au développement rural et en n’examinant pas la correction pour l’année de demande 2008 imputée à l’exercice financier 2010 d’un montant de 5 496 524,54 euros s’agissant de la correction financière de 5 % appliquée aux aides du second pilier de la PAC, consacré au développement rural et, d’autre part, qu’il a statué sur les dépens.

2)      Le pourvoi est rejeté pour le surplus.

3)      La décision d’exécution 2014/950/UE de la Commission, du 19 décembre 2014, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA), section « Garantie », du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), est annulée en ce qu’elle concerne la prise en compte de la décision d’exécution 2013/214/UE de la Commission, du 2 mai 2013, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA), section « Garantie », du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), lors du calcul du montant de la correction de 5 496 524,54 euros, de la déduction de 270 175,45 euros et de l’incidence financière de 5 226 349,09 euros, concernant les dépenses effectuées par la République hellénique dans le secteur du développement rural Feader Axe 2 (2007-2013, mesures liées à la surface) et imposées au titre de l’exercice financier 2010, en raison des faiblesses concernant le système d’identification des parcelles agricoles (SIPA) et les contrôles sur place (second pilier, année de demande 2008).

4)      La République hellénique et la Commission européenne supportent leurs propres dépens afférents à la procédure de première instance et au pourvoi.

5)      Le Royaume d’Espagne supporte ses propres dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : le grec.