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Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. ATHANASIOS RANTOS

présentées le 30 mai 2024 (1)

Affaire C677/22

Przedsiębiorstwo Produkcyjno - Handlowo - Usługowe A.

contre

P. S.A.

[demande de décision préjudicielle formée par le Sąd Rejonowy Katowice – Wschód w Katowicach (tribunal d’arrondissement de Katowice-est à Katowice, Pologne)]

« Renvoi préjudiciel – Directive 2011/7/UE – Lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales – Article 3 – Transactions entre entreprises – Article 3, paragraphe 5 – Obligation des États membres de veiller à ce que le délai de paiement fixé dans le contrat n’excède pas 60 jours civils, “à moins qu’il ne soit expressément stipulé autrement par contrat” – Contrats conclus à l’issue d’une vente aux enchères ou d’un appel d’offres – Clause contractuelle stipulant un délai de paiement de 120 jours civils fixée unilatéralement par l’une des parties contractantes »






I.      Introduction

1.        La directive 2011/7/UE (2), dont l’objectif est de lutter contre le retard de paiement dans les transactions commerciales, prévoit, à son article 3, paragraphe 5, que les États membres veillent à ce que le délai de paiement fixé dans le contrat n’excède pas 60 jours civils, à moins qu’il ne soit « expressément stipulé » autrement par contrat et pourvu que cela ne constitue pas un abus manifeste à l’égard du créancier au sens de l’article 7 de cette directive.

2.        Dans le cadre de contrats conclus entre entreprises, un délai de paiement supérieur à 60 jours civils à compter de la date de remise de la facture au débiteur, fixé unilatéralement par l’une des parties contractantes, peut-il être considéré comme ayant été « expressément stipulé » au sens de l’article 3, paragraphe 5, de la directive 2011/7 ? Telle est, en substance, la question posée par le Sąd Rejonowy Katowice – Wschód w Katowicach (tribunal d’arrondissement de Katowice-est à Katowice, Pologne).

3.        La demande de décision préjudicielle a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Przedsiębiorstwo Produkcyjno – Handlowo – Usługowe A., une société à responsabilité limitée dans le domaine de la production d’équipements miniers (ci‑après « A. » ou la « requérante »), à P. S.A., une société par actions dans le domaine de l’extraction et de la vente de charbon (ci‑après « P. » ou la « défenderesse »), au sujet d’une demande de paiement d’intérêts de retard pour des factures non acquittées à l’échéance, par P., afférentes aux contrats conclus entre ces sociétés et, plus précisément, de la validité d’un délai de paiement de 120 jours prévu dans une clause contractuelle rédigée à l’avance par P.

4.        La présente affaire invite la Cour à se prononcer, pour la première fois, sur l’interprétation de la dérogation prévue à l’article 3, paragraphe 5, de la directive 2011/7. En vue de répondre à la question posée, il conviendra de déterminer si, dans le cadre de la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales, la notion de « stipulation expresse » au sens de cette disposition couvre l’acceptation d’un délai de paiement découlant de l’utilisation de documents élaborés exclusivement par l’une des parties contractantes, telle que des modèles de contrats standardisés ou des « contrats d’adhésion » qui prévoient des délais de paiement supérieurs à 60 jours civils au moyen de conditions générales.

II.    Le cadre juridique

A.      Le droit de l’Union

5.        Aux termes des considérants 12, 13 et 28 de la directive 2011/7 :

« (12)      Les retards de paiement constituent une violation du contrat qui est devenue financièrement intéressante pour les débiteurs dans la plupart des États membres, en raison du faible niveau ou de l’absence des intérêts pour retard de paiement facturés et/ou de la lenteur des procédures de recours. Un tournant décisif visant à instaurer une culture de paiement rapide, au sein de laquelle une clause contractuelle ou une pratique excluant le droit de réclamer des intérêts devrait toujours être considérée comme étant manifestement abusive, est nécessaire pour inverser cette tendance et pour décourager les retards de paiement. Ce tournant devrait aussi inclure l’introduction de dispositions particulières portant sur les délais de paiement et sur l’indemnisation des créanciers pour les frais encourus et devrait prévoir, notamment, que l’exclusion du droit à l’indemnisation pour les frais de recouvrement est présumée être un abus manifeste.

(13)      En conséquence, il convient de prendre des dispositions limitant les délais de paiement fixés par contrat entre entreprises à soixante jours civils, en règle générale. Cependant, dans certaines circonstances, il est possible que des entreprises aient besoin de délais de paiement plus longs, par exemple si elles souhaitent accorder des crédits commerciaux à leurs clients. Il devrait donc demeurer possible, pour les parties contractantes, de convenir explicitement de délais de paiement supérieurs à soixante jours civils, pourvu toutefois que cette prolongation ne constitue pas un abus manifeste à l’égard du créancier.

[...]

(28)      Il y a lieu que la présente directive interdise l’abus de la liberté contractuelle au détriment du créancier. En conséquence, lorsqu’une clause d’un contrat ou une pratique concernant la date ou le délai de paiement, le taux de l’intérêt pour retard de paiement ou l’indemnisation pour les frais de recouvrement ne se justifie pas au vu des conditions dont le débiteur bénéficie, ou qu’elle vise principalement à procurer au débiteur des liquidités supplémentaires aux dépens du créancier, elle peut être considérée comme constituant un tel abus. [...] »

6.        L’article 1er de cette directive, intitulé « Objet et champ d’application », énonce :

« 1.      Le but de la présente directive est la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales, afin d’assurer le bon fonctionnement du marché intérieur, en améliorant ainsi la compétitivité des entreprises et en particulier des [petites et moyennes entreprises (PME)].

2.      La présente directive s’applique à tous les paiements effectués en rémunération de transactions commerciales.

[...] »

7.        L’article 2 de ladite directive, intitulé « Définitions », prévoit :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

1)      “transactions commerciales”, toute transaction entre des entreprises ou entre des entreprises et les pouvoirs publics qui conduit à la fourniture de marchandises ou à la prestation de services contre rémunération ;

2)      “pouvoir public”, tout pouvoir adjudicateur, tel que défini à l’article 2, paragraphe 1, point a), de la directive 2004/17/CE [(3)] et à l’article 1er, paragraphe 9, de la directive 2004/18/CE [(4)], indépendamment de l’objet ou de la valeur du contrat ;

3)      “entreprise”, toute organisation, autre que les pouvoirs publics, agissant dans l’exercice d’une activité économique ou professionnelle indépendante, même lorsque cette activité n’est exercée que par une seule personne ;

4)      “retard de paiement”, tout paiement non effectué dans le délai de paiement contractuel ou légal et lorsque les conditions spécifiées à l’article 3, paragraphe 1, ou à l’article 4, paragraphe 1, sont remplies ;

5)      “intérêts pour retard de paiement”, les intérêts légaux pour retard de paiement ou les intérêts à un certain taux convenu par les entreprises concernées, soumis à l’article 7 ;

6)      “intérêts légaux pour retard de paiement”, les intérêts simples pour retard de paiement, dont le taux est égal à la somme du taux de référence et de huit points de pourcentage au moins ;

[...] »

8.        L’article 3, paragraphes 1, 3 et 5, de la même directive, intitulé « Transactions entre entreprises », dispose :

« 1.      Les États membres veillent à ce que, dans les transactions commerciales entre entreprises, le créancier soit en droit de réclamer des intérêts pour retard de paiement sans qu’un rappel soit nécessaire quand les conditions suivantes sont remplies :

a)      le créancier a rempli ses obligations contractuelles et légales ; et

b)      le créancier n’a pas reçu le montant dû à l’échéance, sauf si le débiteur n’est pas responsable du retard.

[...]

3.      Lorsque les conditions spécifiées au paragraphe 1 sont remplies, les États membres veillent à ce que :

a)      le créditeur ait droit à des intérêts pour retard de paiement le jour suivant la date de paiement ou la fin du délai de paiement fixé dans le contrat ;

[...]

5.      Les États membres veillent à ce que le délai de paiement fixé dans le contrat n’excède pas soixante jours civils, à moins qu’il ne soit expressément stipulé autrement par contrat et pourvu que cela ne constitue pas un abus manifeste à l’égard du créancier au sens de l’article 7. »

9.        L’article 7 de la directive 2011/7, intitulé « Clauses contractuelle et pratiques abusives », est libellé comme suit, à son paragraphe 1 :

« 1.      Les États membres prévoient qu’une clause contractuelle ou une pratique relative [...] au taux d’intérêt pour retard de paiement [...] ne soit pas applicable, ou donne lieu à une action en réparation du dommage lorsqu’elle constitue un abus manifeste à l’égard du créancier.

Pour déterminer si une clause contractuelle ou une pratique constitue un abus manifeste à l’égard du créancier, au sens du premier alinéa, tous les éléments de l’espèce sont pris en considération, y compris :

[...]

c)      si le débiteur a une quelconque raison objective de déroger au taux d’intérêt légal pour retard de paiement, aux délais de paiement visés à l’article 3, paragraphe 5 [...] »

B.      Le droit polonais

10.      L’ustawa o przeciwdziałaniu nadmiernym opóźnieniom w transakcjach handlowych (loi visant à lutter contre les retards excessifs dans les transactions commerciales), du 8 mars 2013 (5), qui a transposé la directive 2011/7 en droit polonais, dans sa version applicable au litige au principal (ci‑après la « loi du 8 mars 2013 »), énonce, à son article 5 :

« Lorsque les parties à une transaction commerciale, à l’exclusion des entités publiques du secteur médical [...], ont prévu dans le contrat un délai de paiement supérieur à 30 jours, le créancier peut réclamer des intérêts légaux à l’expiration d’un délai de 30 jours, calculés à partir de la date d’exécution de sa prestation et de remise au débiteur d’une facture ou d’un mémoire confirmant la livraison d’un bien ou la prestation d’un service, jusqu’à la date de paiement, sous réserve de ne pas aller au-delà de la date d’exigibilité de la prestation pécuniaire. »

11.      L’article 7 de la loi du 8 mars 2013 est ainsi libellé :

« 1.      Dans les transactions commerciales, à l’exception des transactions dans le cadre desquelles le débiteur est une entité publique, le créancier est en droit d’obtenir, sans mise en demeure, les intérêts légaux afférents au retard dans les transactions commerciales, à moins que les parties n’aient convenu d’intérêts plus élevés, pour la période qui s’étend du jour de l’exigibilité de la prestation pécuniaire jusqu’au jour du paiement, si les conditions suivantes sont cumulativement remplies :

1)      le créancier a exécuté sa prestation ;

2)      le créancier n’a pas obtenu le paiement dans le délai fixé dans le contrat.

2.      Le délai de paiement fixé dans le contrat ne peut excéder 60 jours à compter de la date de remise au débiteur de la facture ou du mémoire confirmant la livraison du bien ou la prestation du service, à moins qu’il ne soit expressément stipulé autrement dans le contrat par les parties et pourvu que cette stipulation ne constitue pas un abus manifeste à l’égard du créancier.

3.      Lorsque le délai de paiement fixé dans le contrat est supérieur à 60 jours à compter de la date de remise au débiteur de la facture ou du mémoire confirmant la livraison du bien ou la prestation du service et que la condition visée au paragraphe 2 n’est pas remplie, le créancier qui a exécuté sa prestation a droit, à l’expiration du délai de 60 jours, aux intérêts visés au paragraphe 1. »

12.      L’article 11b de cette loi énonce :

« Pour déterminer le montant des intérêts légaux de retard dans les transactions commerciales, il est fait application du taux de référence de la Banque nationale de Pologne en vigueur :

1)      au 1er janvier – pour les intérêts dus pour la période du 1er janvier au 30 juin ;

2)      au 1er juillet – pour les intérêts dus pour la période du 1er juillet au 31 décembre. »

III. Le litige au principal, la question préjudicielle et la procédure devant la Cour

13.      La procédure au principal porte sur un litige qui oppose la société A., une société de droit polonais à responsabilité limitée, exerçant une activité économique, notamment, dans le domaine de la production d’équipements électroniques miniers, à la société P., une société par actions de droit polonais – une des plus grandes sociétés minières d’Europe, dont l’activité économique consiste, notamment, en l’extraction et la vente de charbon.

14.      Au cours des années 2018 et 2019, P. a conclu avec A. plusieurs contrats de fourniture d’équipements miniers (ci-après « les contrats en cause »). Certains de ces contrats ont été conclus à l’issue d’une vente aux enchères (sous la forme d’enchères « spot ») organisée sur un site Internet géré par P. sur lequel étaient publiées les informations relatives au marché concerné ainsi qu’aux modalités de son exécution. La participation aux enchères qui se sont déroulées sous forme électronique impliquait donc l’acceptation de ces modalités. D’autres contrats ont été conclus à l’issue d’un appel d’offres, public ou non public, conformément aux conditions fixées unilatéralement dans le cahier des charges préparé par P. Ce document a été élaboré de façon autonome par cette dernière société sans que A. n’ait eu une quelconque influence sur son contenu. Afin de contester ces conditions, A. avait la possibilité de former un recours (6), ce qu’elle n’a pas fait en l’occurrence.

15.      Dans le cas de l’enchère comme dans celui de l’appel d’offres, le délai de paiement a été fixé par P. à 120 jours à compter de la date à laquelle celle-ci recevait la facture, sans possibilité pour l’autre partie de modifier ce délai de paiement. Les contrats en cause ne pouvaient être conclus qu’après acceptation par A. des conditions définies par P., y compris celle du délai de paiement de 120 jours à compter de la date de réception par P. de la facture (7).

16.      Ainsi, les deux parties ont conclu une série de contrats qui ont été exécutés par A. et pour lesquels cette dernière a envoyé des factures partielles à P., qui s’est acquittée de 354 factures émises par A. dans un délai de 120 à 122 jours à compter de la date de réception de ces factures. Par la suite, compte tenu du fait que le paiement avait été effectué après la date d’échéance du délai de 120 jours prévu par les contrats en cause, A. a adressé à P. une note comptable récapitulative comprenant, outre les montants principaux des créances, les montants dus à titre d’intérêts de retard et d’indemnisation forfaitaire (en l’occurrence, 40 euros par facture).

17.      Le 31 décembre 2021, par une requête introduite auprès du Sąd Rejonowy Katowice – Wschód w Katowicach (tribunal d’arrondissement de Katowice-est à Katowice), à savoir la juridiction de renvoi, A. a intenté une action tendant au paiement par P. d’un montant de 13 702,99 zlotys polonais (PLN) (environ 2 985 euros), majoré des intérêts légaux de retard entre le dépôt de la requête et la date de paiement, ainsi que d’un montant de 4 473,04 PLN (environ 975 euros) au titre de l’indemnisation des frais de recouvrement des créances. Pour la période allant du 31e au 60e jour suivant l’émission de la facture, la requérante a calculé les intérêts de retard à un taux réduit conformément à l’article 5 de la loi du 8 mars 2013. En revanche, pour la période allant du 61e jour jusqu’à la date de paiement, elle a calculé ces intérêts à un taux supérieur conformément à l’article 7 de cette loi.

18.      À l’appui de sa demande d’intérêts fondée sur l’article 7 de ladite loi, A. a fait valoir qu’elle était en droit de calculer les intérêts de cette manière, puisque le délai de paiement de 120 jours avait été non pas négocié par les parties mais imposé unilatéralement par P. dans le modèle de contrat annexé au cahier des charges publié (8).

19.      Le 26 janvier 2022, le referendarz sądowy (greffier, Pologne) de la juridiction de renvoi a émis une injonction de payer faisant droit à la demande de A. dans son intégralité.

20.      P. a formé un recours partiel contre cette injonction, contestant notamment la fraction des intérêts calculée conformément à l’article 7 de la loi du 8 mars 2013. À l’appui de son recours, elle a contesté que le délai de paiement des factures aurait dû être de 60 jours et a fait valoir que les factures avaient été payées à leur échéance, sans retard, de sorte que la requérante n’avait droit à aucune indemnisation au titre de frais de recouvrement. En effet, selon P., A. a accepté le délai de paiement de 120 jours et les factures qu’elle a émises mentionnaient également ce délai de paiement. Compte tenu du fait que A. avait pris connaissance du cahier des charges, puis avait elle-même soumis à P., dans le cadre des procédures d’appel d’offres, des offres dans lesquelles elle prévoyait un délai de paiement de 120 jours et que, après avoir été sélectionnée, elle a conclu plusieurs contrats dans lesquels elle a confirmé ce délai sans remettre en cause les stipulations à cet égard, il y aurait lieu de considérer que les parties ont convenu d’un délai de paiement prolongé. P. a également affirmé avoir conclu, en tant que vendeur, plusieurs contrats de fourniture avec des conditions financières identiques, au cours des années 2018 à 2020, de sorte que l’on ne saurait considérer que le délai indiqué est préjudiciable au créancier, car la requérante était certaine de vendre ses services, de percevoir des revenus et de conserver des liquidités (9).

21.      Dans ces circonstances, la juridiction de renvoi estime nécessaire de déterminer si le délai de paiement prévu dans les contrats en cause, excédant 60 jours à compter de la date de remise de la facture au débiteur, a été fixé dans le respect des conditions prévues à l’article 7, paragraphe 2, de la loi du 8 mars 2013, lequel transpose dans l’ordre juridique polonais l’article 3, paragraphe 5, de la directive 2011/7.

22.      À cet égard, cette juridiction tend notamment à considérer que les contrats dont les clauses sont définies exclusivement par l’une des parties ne remplissent ni la première condition prévue à cette dernière disposition, à savoir la « stipulation expresse », dans le contrat, d’un délai de paiement excédant 60 jours (10), ni la seconde condition, selon laquelle un délai de paiement fixé dans le contrat excédant 60 jours ne doit pas constituer un abus manifeste à l’égard du créancier (11).

23.      C’est dans ce contexte que le Sąd Rejonowy Katowice – Wschód w Katowicach (tribunal d’arrondissement de Katowice-est à Katowice) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« L’article 3, paragraphe 5, de la directive [2011/7] doit‑il être interprété en ce sens que la stipulation expresse, par des entreprises, d’un délai de paiement de plus de 60 jours ne peut concerner que des contrats dont les clauses ne sont pas définies exclusivement par l’une des parties contractantes ? »

24.      Des observations écrites ont été présentées à la Cour par P., par les gouvernements polonais et allemand ainsi que par la Commission européenne.

IV.    Analyse

A.      Sur la recevabilité de la question préjudicielle

25.      Avant d’entamer l’analyse de l’unique question préjudicielle formulée par la juridiction de renvoi, il y a lieu de se prononcer sur sa recevabilité.

26.      En effet, dans ses observations écrites, le gouvernement allemand soutient que la question préjudicielle est irrecevable au motif que l’interprétation du droit de l’Union sollicitée n’est pas pertinente pour l’issue de l’affaire au principal, car la décision que la juridiction de renvoi rendra dépend également d’une autre question, qui ne fait pas l’objet de la présente demande de décision préjudicielle, sur laquelle cette juridiction ne s’est pas encore prononcée, et qui est de savoir si le délai de paiement fixé dans les contrats en cause, allant au-delà du délai général de 60 jours, constitue « un abus manifeste à l’égard du créancier ».

27.      Sur ce point, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, dans le cadre de la coopération entre la Cour et les juridictions nationales instituée à l’article 267 TFUE, il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. En conséquence, dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation du droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer. Ainsi, le refus de la Cour de statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (12).

28.      Or, en l’occurrence, la question posée par la juridiction de renvoi répond clairement à un besoin objectif pour la solution effective du litige au principal. En effet, la question de savoir si le droit de l’Union s’oppose à l’application d’une réglementation nationale limitant la possibilité, pour les parties contractantes, de convenir explicitement de délais de paiement supérieurs à 60 jours aux seuls cas de contrats dont les clauses ne sont pas définies par l’une des parties contractantes, est nécessaire à la juridiction de renvoi pour trancher le litige au principal. La circonstance que, aux fins de la décision qu’elle rendra, cette juridiction sera amenée, le cas échéant, à trancher d’autres questions qu’elle n’a pas traitées dans la décision de renvoi ne signifie pas que la question préjudicielle ne demeure pas pertinente pour l’issue de l’affaire au principal.

29.      Partant, je considère que la présente demande de décision préjudicielle est recevable.

B.      Sur le fond

30.      Par sa question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 3, paragraphe 5, de la directive 2011/7 doit être interprété en ce sens que, lors de la conclusion d’un contrat entre entreprises, l’acceptation d’un délai de paiement découlant de l’utilisation de documents élaborés unilatéralement par le débiteur peut être assimilée à une « stipulation expresse », ou s’il convient de comprendre cette disposition en ce sens que cette notion ne concerne que les contrats individuellement négociés par les parties, un délai de paiement de plus de 60 jours ne pouvant être convenu que dans des contrats de ce type.

1.      Sur les dispositions applicables en l’espèce

31.      L’analyse juridique de la question préjudicielle présentée par la juridiction de renvoi requiert, à mon sens, de formuler au préalable quelques observations quant à la détermination des dispositions de la directive 2011/7 qui sont applicables en l’espèce.

32.      À cet égard, il importe de rappeler, d’une part, que, aux termes de son article 1er, paragraphe 2, la directive 2011/7 s’applique à tous les paiements effectués en rémunération de « transactions commerciales » et, d’autre part, que cette notion est définie, de façon large, à l’article 2, point 1), de cette directive comme « toute transaction entre des entreprises ou entre des entreprises et les pouvoirs publics qui conduit à la fourniture de marchandises ou à la prestation de services contre rémunération ». Ainsi, cette dernière disposition établit deux conditions cumulatives pour qu’une transaction puisse être qualifiée de « transaction commerciale ». Premièrement, elle doit être effectuée soit entre des entreprises, soit entre des entreprises et les pouvoirs publics, et, deuxièmement, elle doit conduire à la fourniture de marchandises ou à la prestation de services contre rémunération (13).

33.      En l’occurrence, il est constant que la seconde condition est remplie. En effet, A. a incontestablement fourni des marchandises à P. (à savoir, des « équipements d’automatisation et de contrôle des machines utilisées par P. pour assurer la continuité du fonctionnement de l’installation minière et la continuité du fonctionnement des machines ») en contrepartie d’une rémunération déterminée.

34.      En revanche, en ce qui concerne la première condition, il ne saurait, de prime abord, être exclu que certains des contrats en cause, notamment ceux qui ont été conclus à l’issue d’appels d’offres publics, soient qualifiés de transactions entre une « entreprise » (à savoir A.) et un « pouvoir public » (à savoir P.). En effet, ainsi que le relève la Commission dans ses observations écrites, d’une part, le Trésor public polonais serait l’unique actionnaire de P. et, d’autre part, l’activité économique de P. serait l’extraction minière, une activité qui pourrait être assimilée à l’activité consistant à « procéder à l’exploration ou à l’extraction de charbon ou d’autres combustibles solides » au sens de l’article 14, sous b), de la directive 2014/25/UE (14).

35.      Or, une telle qualification juridique de ces transactions est déterminante en ce qui concerne les dispositions applicables de la directive 2011/7, les transactions entre entreprises et pouvoirs publics étant soumises non pas aux conditions de son article 3 (intitulé « Transactions entre entreprises ») mais à celles de son article 4 (intitulé « Transactions entre entreprises et pouvoirs publics »), qui prévoit des conditions plus strictes tant pour le respect des délais de paiement (15) que pour la possibilité d’expressément stipuler contractuellement des délais de paiement plus longs (16), question centrale en l’espèce.

36.      Dans ces conditions, en application de l’article 101, paragraphe 1, de son règlement de procédure, la Cour a adressé à la juridiction de renvoi une demande d’informations afin que celle-ci clarifie le statut juridique de P.

37.      Dans sa réponse parvenue à la Cour le 4 octobre 2023, la juridiction de renvoi a confirmé, sur la base des éléments de preuve dont elle disposait, que P. devait être considérée comme une « entreprise » au sens de l’article 2, point 3), de la directive 2011/7 et non pas comme agissant en tant que « pouvoir public » au sens de l’article 2, point 2), de celle-ci. Selon elle, bien que le Trésor public polonais soit l’unique actionnaire de P., cette entreprise aurait été créée principalement afin de tirer profit de ses gisements minéraux et non pas pour satisfaire des besoins d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel ou commercial.

38.      Eu égard aux précisions apportées par la juridiction de renvoi, dont les appréciations factuelles liées à une qualification juridique ne sauraient, quoi qu’il en soit, être remises en cause par la Cour (17), je propose d’exclure une éventuelle reformulation de la question préjudicielle visant à englober également l’article 4 de la directive 2011/7 et de procéder ainsi à l’analyse de la question préjudicielle telle que cette juridiction l’a formulée.

2.      Sur la question préjudicielle

39.      À titre liminaire, il convient de constater que l’article 3, paragraphe 5, de la directive 2011/7 ne comporte pas de définition ou de précisions concernant la notion d’« expressément stipulé autrement dans le contrat », pas plus qu’elle ne renvoie au droit des États membres pour en déterminer le sens et la portée. Dans ces conditions, une telle notion doit trouver, dans toute l’Union européenne, une interprétation autonome et uniforme, eu égard aux exigences de l’application uniforme du droit de l’Union en lien avec le principe d’égalité. Pareille interprétation doit être recherchée en tenant compte à la fois des termes de cette disposition, du contexte dans lequel elle s’insère et des finalités qu’elle poursuit, ainsi que, le cas échéant, de sa genèse (18).

a)      Sur l’interprétation textuelle

40.      En ce qui concerne, en premier lieu, les termes de l’article 3, paragraphe 5, de la directive 2011/7, ainsi que la juridiction de renvoi l’a relevé (19), cette disposition subordonne la validité d’un délai de paiement convenu excédant 60 jours civils à deux conditions cumulatives, à savoir une condition de forme (ce délai devant être « expressément stipulé [...] par contrat ») et une condition de fond (il ne doit pas « constitue[r] un abus manifeste à l’égard du créancier au sens de l’article 7 »).

41.      Il ressort du libellé de ladite disposition que celle-ci ne règle pas directement la question de savoir si une « stipulation expresse » peut figurer dans des contrats dont le contenu a été unilatéralement élaboré par l’une des parties. En effet, la condition de forme tenant à une « stipulation expresse » (au sens de l’article 3, paragraphe 5, de la directive 2011/7), voire à une « convention explicite » (au sens du considérant 13 de cette directive) (20), fait référence non pas à la façon dont le contrat a été convenu (21), mais, au contraire, à l’exigence que ce contrat doit faire « expressément » ressortir la stipulation relative au délai de paiement, c’est-à-dire de façon suffisamment claire et non équivoque pour garantir que les parties contractantes en ont pleinement connaissance sans devoir déduire une éventuelle extension du délai de paiement des autres clauses contractuelles ou du comportement effectif des parties contractantes (22).

42.      A fortiori, et contrairement à l’analyse de la juridiction de renvoi, il ne peut être déduit du libellé de l’article 3, paragraphe 5, de la directive 2011/7 qu’il n’y a de « stipulation expresse » que lorsque cette stipulation a fait l’objet d’une négociation individuelle. En effet, le libellé de cet article s’oppose à une telle interprétation, dans la mesure où, en employant la formulation « expressément [...] stipulé », le législateur de l’Union ne précise pas quelle partie contractante a inclus la clause relative au délai de paiement dans le contrat et il n’opère aucune différenciation selon que la clause a fait ou non l’objet d’une négociation individuelle. De même, il n’opère aucune distinction entre « accord individuel » et « contrat d’adhésion ». Ainsi que le remarque à juste titre le gouvernement allemand, s’il avait souhaité établir une telle distinction afin de prendre en compte la circonstance qu’une clause a fait l’objet d’une négociation individuelle, le législateur de l’Union aurait opté pour une formulation différente qui exigerait l’obligation d’une telle négociation (23).

43.      Il ressort donc du libellé de l’article 3, paragraphe 5, de la directive 2011/7 que, dans leurs relations contractuelles, les parties contractantes sont autorisées à prolonger le délai légal de 60 jours, pour autant que le contenu de la clause prévoyant une telle prolongation soit suffisamment claire et non équivoque pour la partie contractante considérée comme étant la plus faible.

44.      Cette conclusion ne saurait, à mon sens, être remise en cause par l’argument avancé notamment par la Commission selon lequel, en substance, les termes « expressément stipulé » (employés à l’article 3, paragraphe 5, de cette directive) ou « convenir explicitement » (mentionnés au considérant 13 de ladite directive) renvoient nécessairement à une participation active du créancier lors de la conclusion du contrat, de sorte à exercer une réelle influence sur le contenu de celui-ci. Le fait qu’il devrait demeurer possible, pour les parties contractantes, de « convenir explicitement » de délais de paiement supérieurs à 60 jours ne peut pas être lu comme une exigence consistant en la participation active de toutes les parties contractantes à l’élaboration de la clause. En effet, la circonstance que les termes d’un contrat sont élaborés uniquement par l’une des parties contractantes ne peut pas, sauf en cas d’abus (24), être assimilée à une absence d’accord, voire à une « convention » invalide, entre les parties contractantes. Soutenir le contraire aboutirait à la conclusion paradoxale selon laquelle il existerait une présomption que les contrats standardisés, tels que les contrats d’adhésion, ne sauraient refléter la volonté commune des parties contractantes, à moins que chaque clause qu’ils contiennent ne fasse l’objet d’une négociation individualisée (25).

b)      Sur l’interprétation contextuelle

45.      S’agissant, en deuxième lieu, du contexte dans lequel cette disposition s’insère, il me semble que l’interprétation contextuelle corrobore l’interprétation textuelle précédemment développée.

46.      En effet, ainsi qu’il a été indiqué au point 40 des présentes conclusions, outre la condition de forme relative à l’inclusion d’une « stipulation expresse », la condition de fond exige que cette clause ne doit pas « constitue[r] un abus manifeste à l’égard du créancier au sens de l’article 7 [de la directive 2011/7] ». Or, cette dernière disposition, qui contient les éléments devant être pris en considération pour déterminer, notamment, si une clause contractuelle constitue un abus manifeste à l’égard du créancier, ne saurait être interprétée en ce sens qu’elle se limite aux clauses qui ont fait l’objet d’une « négociation individuelle ». En effet, l’article 7, paragraphe 1, second alinéa, de la directive 2011/7 indique que, pour déterminer si une clause est abusive, « tous les éléments de l’espèce sont pris en considération », y compris « si le débiteur a une quelconque raison objective de déroger au taux d’intérêt légal pour retard de paiement, [et notamment] aux délais de paiement visés à l’article 3, paragraphe 5, [...] [de cette directive] ». Il s’ensuit que la circonstance qu’une clause relative au délai de paiement a été fixée par l’une des parties contractantes peut constituer un des éléments de l’espèce qui seront pris en considération. En effet, l’interdiction de l’abus manifeste à l’égard du créancier garantit ainsi une protection globale de celui-ci, que les délais de paiement aient fait l’objet d’une négociation individuelle ou qu’ils aient été définis par l’une des parties. Partant, il apparaît cohérent que les deux types de clauses puissent être considérés comme des « stipulations expresses ».

c)      Sur l’interprétation téléologique

47.      S’agissant, en troisième lieu, de la finalité poursuivie par la directive 2011/7, celle-ci me paraît également corroborer cette interprétation.

48.      L’article 3, paragraphe 5, de la directive 2011/7, ainsi qu’il ressort du considérant 12 de celle-ci, s’inscrit dans l’objectif plus général de marquer « [u]n tournant décisif visant à instaurer une culture de paiement rapide [...]. Ce tournant dev[ant] aussi inclure l’introduction de dispositions particulières portant sur les délais de paiement [...] » (26). Partant, conformément au considérant 13 de cette directive, la disposition susmentionnée vise à mettre en œuvre l’intention du législateur de « limit[er] les délais de paiement fixés par contrat entre entreprises à [60] jours civils, en règle générale ». Cependant, le législateur de l’Union accepte que, « dans certaines circonstances, il est possible que des entreprises aient besoin de délais de paiement plus longs, par exemple si elles souhaitent accorder des crédits commerciaux à leurs clients. Il devrait donc demeurer possible, pour les parties contractantes, de convenir explicitement de délais de paiement supérieurs à [60] jours civils, pourvu toutefois que cette prolongation ne constitue pas un abus manifeste à l’égard du créancier ». L’article 3, paragraphe 5, de la directive 2011/7 codifie donc l’encadrement souhaité par le législateur de l’Union quant à la possibilité d’admettre une telle prolongation conventionnelle du délai légal de 60 jours (27).

49.      J’estime que cet objectif ne saurait être compromis par le fait que l’une des parties contractantes définit exclusivement la clause prévoyant un délai de paiement de plus de 60 jours, par exemple, par l’utilisation de conditions générales préétablies. Le choix de ce type de clause ne dispense pas les parties contractantes de respecter l’ensemble des conditions prévues à l’article 3, paragraphe 5, de la directive 2011/7. Un délai de paiement exclusivement défini par l’une des parties contractantes et qui excède la limite de 60 jours doit, lui aussi, résulter « expressément » – c’est-à-dire de façon suffisamment claire – des documents contractuels et ne doit pas constituer un abus manifeste à l’égard du créancier. Sur ce point, j’attire l’attention sur le fait que les mécanismes de sanction prévus à l’article 7 de cette directive, selon lesquels les États membres constatent que les clauses contractuelles abusives sont soit inapplicables, soit donnent lieu à une action en réparation, s’appliquent également dans ces situations.

50.      Ainsi, l’exigence d’une « stipulation expresse » a pour vocation de permettre à la partie considérée comme étant la plus faible des contractants (en principe, le créancier) de déterminer de façon suffisamment claire, à savoir avant la conclusion du contrat, si elle accepte une stipulation susceptible de porter atteinte à ses intérêts au sens de l’article 3, paragraphe 5, de la directive 2011/7. Cette partie dite « faible » a besoin de cette protection, indépendamment de la question de savoir si la clause préjudiciable à son égard figure dans un contrat qui a fait l’objet d’une négociation individuelle ou bien dans des conditions contractuelles rédigées à l’avance.

51.      Enfin, cette constatation ne saurait être infirmée par l’argument soulevé, notamment, par la juridiction de renvoi, selon lequel cette disposition vise à protéger le créancier contre des délais excessifs. En effet, la protection du créancier ne justifie pas de déclarer automatiquement illicites les délais de paiement convenus qui ont été exclusivement définit par le débiteur. Une telle interprétation irait au-delà de l’objectif poursuivi par la directive 2011/7. Ainsi, l’article 7, paragraphe 1, de cette directive ne prévoit pas que les délais de paiement excédant 60 jours qui ont été définis uniquement par l’une des parties contractantes sont, en eux-mêmes, constitutifs d’un « abus manifeste », mais il indique, en revanche, les éléments qui doivent être pris en compte, en énumérant les principaux critères d’appréciation (28). Partant, il n’est pas, d’emblée, exclu qu’un délai de paiement de plus de 60 jours, fixé par l’une des parties contractantes, remplisse également les critères d’une exception admise.

52.      De même, si la logique dans laquelle s’inscrit l’article 3, paragraphe 5, de la directive 2011/7 est celle de limiter le recours à des délais de paiement supérieurs à 60 jours aux situations exceptionnelles dans lesquelles les entreprises ont « des besoins de délais de paiement plus longs », cela ne signifie pas qu’admettre la possibilité, pour une entreprise, d’imposer unilatéralement une clause de prolongation du délai de paiement soit révélateur, en soi, de l’absence de tels « besoins de délais de paiement plus longs ». En tout état de cause, dans un cas de figure où un créancier estime qu’un tel « besoin » n’est pas présent ou justifié, celui-ci devrait pouvoir contester la validité de la clause en question en faisant valoir que, par exemple, par sa durée excessive ou par son absence de justification, cette clause ne remplit pas la seconde condition prévue à l’article 3, paragraphe 5, de cette directive en ce qu’elle constitue un « abus manifeste » à son égard. En effet, c’est cette seconde condition de fond qui, selon moi, est pertinente et qui garantit le recours à des délais de paiement prolongés uniquement lorsque de tels délais sont justifiés, notamment, en cas de « stipulation expresse » imposée à des entreprises économiquement plus faibles, comme des PME (29). Par ailleurs, l’article 7, paragraphes 4 et 5, de ladite directive prévoit que les États membres veillent à ce qu’il existe des « moyens appropriés et efficaces » pour mettre fin à l’utilisation de clauses manifestement abusives. Partant, et contrairement à ce que fait valoir la Commission dans ses observations écrites, je n’estime pas qu’il existe un réel risque d’« augmentation brutale » de l’utilisation de formulaires imposant des délais de paiement supérieurs à 60 jours du seul fait d’accepter qu’une clause contractuelle unilatéralement fixée par l’une des parties contractantes puisse remplir le critère de la « stipulation expresse » au sens de l’article 3, paragraphe 5, de la même directive (30).

d)      Sur la genèse de la directive 2011/7

53.      S’agissant, en quatrième et dernier lieu, de la genèse de la directive 2011/7, il y a lieu d’observer que celle-ci permet d’aboutir à la même conclusion. En effet, la proposition initiale de la Commission ne prévoyait pas d’exigences particulières en ce qui concerne des stipulations contractuelles en matière de délai de paiement excédant certains seuils, mais seulement une condition d’ordre général selon laquelle le délai de paiement convenu ne doit pas constituer un abus manifeste à l’égard du créancier (31). De même, si le Parlement européen a demandé une modification en ce sens que la stipulation de délais supérieurs à 60 jours devait être soumise à certaines conditions, il n’apparaît pas que cette institution ait souhaité interdire la fixation de délais de plus de 60 jours dans des clauses standardisées, rédigées préalablement (32).

54.      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, je propose de répondre à la question préjudicielle posée par la juridiction de renvoi que l’article 3, paragraphe 5, de la directive 2011/7 doit être interprété en ce sens que la « stipulation expresse » d’un délai de paiement supérieur à 60 jours civils est valide dans des contrats entre entreprises dont les clauses sont définies exclusivement par l’une des parties contractantes, pour autant que cette stipulation ressorte de façon suffisamment claire et non équivoque de ces contrats, de sorte à garantir que les parties contractantes en ont eu pleinement connaissance, une éventuelle extension du délai de paiement ne pouvant être simplement déduite de l’interprétation des autres clauses contractuelles ou du comportement effectif des parties contractantes.

V.      Conclusion

55.      Au vu des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre à la question préjudicielle posée par le Sąd Rejonowy Katowice – Wschód w Katowicach (tribunal d’arrondissement de Katowice-est à Katowice, Pologne) de la manière suivante :

L’article 3, paragraphe 5, de la directive 2011/7/UE du Parlement européen et du Conseil, du 16 février 2011, concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales,

doit être interprété en ce sens que :

la « stipulation expresse » d’un délai de paiement supérieur à 60 jours civils est valide dans des contrats entre entreprises dont les clauses sont définies exclusivement par l’une des parties contractantes, pour autant que cette stipulation ressorte de façon suffisamment claire et non équivoque de ces contrats, de sorte à garantir que les parties contractantes en ont eu pleinement connaissance, une éventuelle extension du délai de paiement ne pouvant être simplement déduite de l’interprétation des autres clauses contractuelles ou du comportement effectif des parties contractantes.


1      Langue originale : le français.


2      Directive du Parlement européen et du Conseil du 16 février 2011 concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales (JO 2011, L 48, p. 1).


3      Directive du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 portant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux (JO 2004, L 134, p. 1).


4      Directive du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services (JO 2004, L 134, p. 114).


5      Dz. U. de 2013, position 403.


6      Ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi, dans le cadre de la procédure d’appel d’offres, la façon pour A. d’intervenir sur les conditions essentielles des contrats en cause consistait à introduire un recours auprès du président de la Krajowa Izba Odwoławcza (chambre nationale de recours, Pologne), dont la décision peut faire l’objet d’une voie de recours devant le Sąd Okręgowy (tribunal régional, Pologne).


7      Selon la juridiction de renvoi, P. fait valoir qu’il ressortirait d’autres contrats conclus entre les parties, qui ne font pas l’objet de la présente procédure mais dont un récapitulatif a été produit dans le cadre de la procédure nationale, que le délai de paiement pour chacun de ces contrats était également de 120 jours.


8      Selon A., ce délai n’aurait à aucun moment été négocié mais a été fixé unilatéralement par P. du fait de la position dominante qu’elle occupe sur ce marché. En effet, pour participer à une procédure de passation de marché organisée par P., il aurait été nécessaire d’assurer la livraison aux termes et aux conditions spécifiés par celle-ci et non soumis à négociation. Selon la requérante, malgré les nombreuses tentatives engagées au fil des ans pour modifier, par le biais de questions sur le cahier des charges, les clauses contractuelles concernant le délai de paiement, celles-ci n’ont pas été modifiées de manière à ramener ce délai à 60 jours.


9      En outre, P. a estimé être en droit de définir les termes du contrat en fonction de ses propres capacités financières, spécifiques au marché, qui seraient adaptées à la situation des sociétés d’exploitation du charbon en Pologne. Elle a affirmé également que le délai de paiement de 120 jours est un délai long, mais que le cocontractant a eu connaissance de ces informations suffisamment à l’avance, à savoir au stade du lancement de l’appel d’offres, ce qui lui aurait permis de calculer son offre en conséquence.


10      En effet, la juridiction de renvoi rappelle que, dans le contexte des transactions commerciales, les contrats sont souvent conclus par l’acceptation des conditions préparées à l’avance par l’une des parties. Dans le cadre de tels contrats, un nombre considérable de dispositions, à savoir celles qui n’ont pas été préparées ou négociées conjointement, ne peuvent pas être modifiées. Les stipulations prennent ainsi la forme d’une acceptation du contrat tel qu’il est présenté par un contractant. Partant, selon elle, l’article 3, paragraphe 5, de la directive 2011/7 doit être interprété en ce sens que la « stipulation expresse », par des entreprises, d’un délai de paiement de plus de 60 jours ne concerne pas ce type de contrats dont les clauses sont définies exclusivement par l’une des parties contractantes. Cette interprétation serait corroborée par l’objectif de cette directive, qui vise à lutter contre les retards de paiement dans le marché intérieur ainsi qu’à améliorer la liquidité et la compétitivité des entreprises. En effet, en règle générale, pour les entreprises privées, le délai de paiement ne devait pas dépasser 60 jours. Il ne s’agirait cependant pas d’un délai rigide puisque, conformément au considérant 13 de la directive 2011/7, ce délai peut être prolongé lorsque les circonstances le justifient, et pourvu qu’il soit expressément stipulé entre les entreprises. Ainsi, tant le législateur de l’Union que le législateur national utiliseraient la notion de « stipulation expresse » au sens de « caractérisée ». Toutefois, selon la juridiction de renvoi, une prolongation du délai doit rester exceptionnelle et le créancier doit au moins connaître les raisons pour lesquelles l’autre partie souhaite faire usage de cette exception. En outre, connaissant ces raisons, il devrait être en mesure d’apprécier si le délai proposé par l’autre partie, même s’il est raisonnablement prolongé au-delà de 60 jours, n’est pas excessif et, éventuellement, de faire valoir ses propres arguments qui justifieraient d’accepter cette prolongation selon des modalités différentes. En revanche, tel ne serait pas le cas pour les contrats qui sont conclus par voie d’appel d’offres ou d’enchères, mais également pour d’autres contrats d’adhésion. Dans de tels cas, les parties pourraient soit accepter les termes du futur contrat fixés par l’une des parties, soit ne pas conclure ce contrat. Ce n’est que dans le cas d’un appel d’offres public qu’il serait possible de contester certaines conditions. Toutefois il ne s’agirait pas d’une stipulation des parties, mais d’une décision souveraine d’une entité extérieure au contrat lui-même.


11      Selon la juridiction de renvoi, cette condition se réfère à la personne du créancier et au fait que celui-ci ne soit pas manifestement lésé. Or, la situation du créancier, outre les éléments objectifs mentionnés à l’article 7 de la directive 2011/7, devrait également être prise en compte au stade de la conclusion du contrat et de la fixation de la durée du délai de paiement. En effet, il s’agirait du moment approprié pour apprécier cette situation et l’incidence réelle de la prolongation du délai sur le risque que le créancier soit manifestement lésé. Cela ne serait possible que lorsque la personne du créancier est connue. En effet, selon cette juridiction, il n’est pas exclu que, dans le cas d’un créancier donné, une prolongation substantielle du délai puisse être analysée comme un « abus caractérisé et manifeste », alors que dans le cas d’un autre créancier, il s’agirait d’un « simple abus ». Selon elle, il convient d’observer que le législateur de l’Union traite différemment la situation dans laquelle une transaction commerciale est conclue entre une entreprise et des autorités publiques, en indiquant que la fixation d’un délai supérieur à 30 jours doit également être stipulée de façon expresse, mais qu’il suffit qu’elle soit objectivement justifiée par la nature spécifique ou les éléments particuliers du contrat, et non par la situation du créancier. Dans le même temps, il est précisé que, dans tous les cas, le délai ne peut dépasser 60 jours. Enfin, ladite juridiction précise que l’interprétation exposée permet également de mieux répondre aux objectifs de la directive 2011/7. En effet, si le risque que les entreprises appliquent unilatéralement et de manière injustifiée des délais de paiement plus longs à leurs contractants afin de créditer leurs opérations courantes est faible, il n’est pas rare que cela ait une incidence négative sur la liquidité et la compétitivité de leurs contractants.


12      Voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2023, Infraestruturas de Portugal et Futrifer Indústrias Ferroviárias (C‑66/22, EU:C:2023:1016, points 33 et 34).


13      Voir arrêt du 1er décembre 2022, X (Fournitures de matériel médical) (C‑419/21, EU:C:2022:948, points 20 et 23, ainsi que jurisprudence citée).


14      Directive du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 relative à la passation de marchés par des entités opérant dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux et abrogeant la directive 2004/17/CE (JO 2014, L 94, p. 243).


15      Voir arrêt du 28 janvier 2020, Commission/Italie (Directive lutte contre le retard de paiement) (C‑122/18, EU:C:2020:41, point 43).


16      Voir article 4, paragraphe 6, de la directive 2011/7, qui, contrairement à l’article 3, paragraphe 5, de cette directive, prévoit que le délai de paiement fixé dans le contrat « n’excède en aucun cas soixante jours civils » (mise en italique par mes soins). Partant, cette disposition s’oppose, en tout état de cause, à ce que P., pour autant qu’elle puisse être qualifiée de « pouvoir public », établisse une clause prévoyant un délai de paiement de 120 jours. Voir, à cet égard, mes conclusions dans l’affaire BFF Finance Iberia (C‑585/20, EU:C:2022:329, points 36 à 54).


17      Voir, en ce sens, arrêt du 27 octobre 2022, Instituto do Cinema e do Audiovisual (C‑411/21, EU:C:2022:836, points 16 et 17).


18      Voir, en ce sens, arrêts du 9 juillet 2020, RL (Directive lutte contre le retard de paiement) (C‑199/19, EU:C:2020:548, point 27), et du 18 novembre 2020, Techbau (C‑299/19, EU:C:2020:937, point 38).


19      Voir point 22 des présentes conclusions.


20      J’observe que, dans la version en langue française de l’article 3, paragraphe 5, de la directive 2011/7, le verbe employé, à savoir « stipuler » – qui, par définition, se contente de manière neutre à « énoncer une clause, une conditions dans un contrat » (voir la définition figurant dans le dictionnaire Larousse, disponible à l’adresse suivante : https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/stipuler/74741) – ne correspond pas au verbe « convenir », qui est employé au considérant 13 de cette directive, au sens de « tomber d’accord sur quelque chose » (https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/convenir/18968). En revanche, dans la plupart des autres versions linguistiques, il y a une cohérence entre l’emploi du verbe au considérant 13 et à l’article 3, paragraphe 5 de ladite directive (voir, respectivement, les versions en langues anglaise « possible for the parties to expressly agree » / « unless otherwise expressly agreed in the contract », allemande « die Vertragsparteien sollten daher [...] ausdrücklich vereinbaren können » / « es sei denn im Vertrag wurde ausdrücklich etwas anderes vereinbart », italienne « la possibilità per le parti di concordare espressamente » / « se non diversamente concordato espressamente nel contratto », espagnole « la posibilidad de acordar expresamente » / « salvo acuerdo expreso en contrario recogido en el contrato », et grecque « δυνατότητα των μερών να συμφωνούν ρητά » / « εκτός εάν ρητά συμφωνήθηκε διαφορετικά στο κείμενο της σύμβασης » (mise en italique par mes soins). Or, selon une jurisprudence constante de la Cour, en cas de disparité entre les diverses versions linguistiques d’un texte du droit de l’Union, la disposition en cause doit être interprétée en fonction de l’économie générale et de la finalité de la réglementation dont elle constitue un élément [arrêt du 14 mai 2019, M e.a. (Révocation du statut de réfugié) (C‑391/16, C‑77/17 et C‑78/17, EU:C:2019:403, point 88 et jurisprudence citée)].


21      Ou encore, quant à la manière dont la clause stipulée a été conclue et sans préciser, notamment, si elle peut figurer dans des conditions contractuelles rédigées à l’avance. Je tiens à noter que, à l’instar de la directive 2000/35/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 juin 2000, concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales (JO 2000, L 200, p. 35), la directive 2011/7 n’était pas conçue pour « affecter les dispositions nationales relatives aux modes de conclusion de contrats » (voir considérant 19 de la directive 2000/35 et considérant 28 de la directive 2011/7).


22      Ainsi que le relève le gouvernement allemand, cette interprétation est corroborée par l’emploi de cette notion dans d’autres actes juridiques de l’Union. Par exemple, l’article 7, paragraphe 4, sous a), l’article 13, paragraphe 1, ainsi que l’article 14, paragraphe 4, sous a), ii), et l’article 22 de la directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2011, relative aux droits des consommateurs, modifiant la directive 93/13/CEE du Conseil et la directive 1999/44/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 85/577/CEE du Conseil et la directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil (JO 2011, L 304, p. 64) subordonnent certaines dérogations au régime général de cette directive à un accord exprès ou un consentement exprès du consommateur. Conformément à l’article 18, paragraphe 2, de la directive (UE) 2019/770 du Parlement européen et du Conseil, du 20 mai 2019, relative à certains aspects concernant les contrats de fourniture de contenus numériques et de services numériques (JO 2019, L 136, p. 1), il convient d’effectuer le remboursement en recourant au même moyen de paiement que celui utilisé pour payer, sauf accord exprès contraire du consommateur. Conformément à l’article 6, paragraphe 5, de la directive 2011/83, certaines informations fournies préalablement à la conclusion du contrat font partie intégrante d’un contrat à distance, à moins que les parties contractantes n’en décident autrement « de manière expresse » (mise en italique par mes soins). L’article 13, paragraphe 1, de la directive 2019/770 est libellé en des termes analogues s’agissant d’un « délai supplémentaire ayant fait l’objet d’un accord exprès entre les parties ». En outre, lorsqu’il souhaite imposer des exigences plus strictes à l’égard d’une clause et exclure une stipulation dans des conditions générales, le législateur de l’Union exprime habituellement cette volonté, comme le montre, par exemple, l’article 8, paragraphe 5, de la directive 2019/770. Cette disposition prévoit que le consommateur doit avoir non seulement expressément mais aussi séparément accepté qu’un produit numérique présente un écart par rapport aux critères objectifs (« expressément et séparément accepté cet écart lorsqu’il a conclu le contrat »). Le terme « séparément » signifie que le consommateur accepte l’écart « séparément des autres déclarations ou accords », ce qui exclut de prévoir un tel écart dans de nombreuses conditions générales rédigées à l’avance (voir considérant 49 de la directive 2019/770).


23      À titre d’illustration, l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO 1993, L 95, p. 29), définit la situation dans laquelle une clause d’un contrat « n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle » est considérée comme abusive (mise en italique par mes soins). Conformément à l’article 3, paragraphe 2, de cette directive, une clause est toujours considérée comme n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle lorsqu’elle a été rédigée préalablement et que le consommateur n’a, de ce fait, pas pu avoir d’influence sur son contenu, notamment dans le cadre d’un contrat d’adhésion.


24      Voir point 52 des présentes conclusions.


25      Par ailleurs, il convient d’observer que la seule présomption que comporte la directive 2011/7 est celle figurant à l’article 7, paragraphe 3, de cette directive, selon laquelle « une clause contractuelle [...] excluant l’indemnisation pour les frais de recouvrement prévue à l’article 6 est présumée être manifestement abusive ».


26      Voir, également, à cet égard, mes conclusions dans l’affaire BFF Finance Iberia (C‑585/20, EU:C:2022:329, point 48).


27      Une prolongation conventionnelle du délai légal serait également justifiée lorsque la procédure de vérification des marchandises ou des services avec les exigences contractuelles est objectivement plus chronophage.


28      Ainsi, les éléments visés à cet article montrent qu’il convient de prendre en considération non seulement l’ampleur du préjudice subi par le créancier, mais également d’autres éléments, notamment, le point de savoir si le délai s’écarte des « bonnes pratiques et usages commerciaux » [article 7, paragraphe 1, sous a), de la directive 2011/7], la nature du produit ou du service faisant l’objet du contrat [article 7, paragraphe 1, sous b), de cette directive] et celui de savoir si le débiteur a une raison objective, c’est-à-dire un intérêt légitime, à bénéficier d’un délai supérieur à 60 jours [article 7, paragraphe 1, sous c), de ladite directive ; voir, à cet égard, l’exemple mentionné au considérant 13 de la même directive].


29      Voir, en ce sens, article 1er, paragraphe 1, de la directive 2011/7.


30      À ce sujet, je tiens à signaler que le cadre de l’actuelle révision de la directive 2011/7 et, notamment, de la proposition de règlement de la Commission du 12 septembre 2023 [COM(2023) 533 final], celle-ci constate que « la cause première des retards de paiement est l’asymétrie du pouvoir de négociation entre un gros client (débiteur) et un fournisseur de plus petite taille (créancier ) » et que « [c]ela conduit souvent le fournisseur à accepter des délais [...] de paiement abusifs ». C’est donc précisément pour éviter ce type d’abus que « parmi les mesures à long terme recommandées figurent la limitation des délais de paiement contractuels à un maximum de 30 jours pour les paiement d’une grande entreprise à une PME ». En effet, le nouvel article 3 de la proposition de règlement de la Commission est « plus strict que les articles 3 et 4 de la directive 2011/7, en limitant le délai de paiement et la durée de la procédure d’acceptation ou de vérification à un maximum de 30 jours, et en supprimant toute référence à la notion de pratiques et de clauses manifestement abusives ».


31      Voir article 6 de la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales mettant en œuvre le Small Business Act [COM(2009) 126 final] qui a remplacé et adapté l’article 3, paragraphes 3, 4 et 5, de la directive 2000/35. Sur ce point, voir également, considérant 18 de la directive 2000/35 qui se limitait à reconnaître « l’existence de certaines catégories de contrats pour lesquels un délai de paiement plus long combiné à une limitation de la liberté contractuelle ou un taux d’intérêt plus élevé peuvent être justifiés ».


32      Voir rapport du Parlement européen du 4 mai 2010 (A7-0136/2010), sur cette proposition, en particulier, les amendements 3 et 24. En effet, la modification proposée prévoyait que le dépassement de la limite maximale de 60 jours était admis à condition que les parties en aient explicitement convenu ainsi (« specifically agree[d] ») et que ce dépassement n’entraîne pas de dommages injustifiés à une quelconque des parties contractantes (« does not lead to unjustified damages »).