Language of document : ECLI:EU:T:2008:550

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

4 décembre 2008 (*)

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises à l’encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme – Gel des fonds – Recours en annulation – Droits de la défense – Contrôle juridictionnel »

Dans l’affaire T‑284/08,

People’s Mojahedin Organization of Iran, établie à Auvers‑sur‑Oise (France), représentée initialement par Me J.-P. Spitzer, avocat, et M. D. Vaughan, QC, puis par Me Spitzer, M. Vaughan et Mme M.‑E. Demetriou, Barrister,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté initialement par MM. G.‑J. Van Hegleson, M. Bishop et Mme E. Finnegan, puis par M. Bishop et Mme Finnegan, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenu par

République française, représentée par M. G. de Bergues et Mme A.‑L. During, en qualité d’agents,

et par

Commission des Communautés européennes, représentée par M. P. Aalto et Mme S. Boelaert, en qualité d’agents,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision 2008/583/CE du Conseil, du 15 juillet 2008, mettant en œuvre l’article 2, paragraphe 3, du règlement (CE) nº 2580/2001 concernant l’adoption de mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, et abrogeant la décision 2007/868/CE (JO L 188, p. 21), pour autant qu’elle concerne la requérante,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (septième chambre),

composé de MM. N. J. Forwood (rapporteur), président, D. Šváby et L. Truchot, juges,

greffier : Mme C. Kantza, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 3 décembre 2008,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Pour un exposé des premiers antécédents du présent litige, il est renvoyé aux arrêts du Tribunal du 12 décembre 2006, Organisation des Modjahedines du peuple d’Iran/Conseil (T‑228/02, Rec. p. II‑4665, ci‑après l’« arrêt OMPI », points 1 à 26), et du 23 octobre 2008, People’s Mojahedin Organization of Iran/Conseil (T‑256/07, non encore publié au Recueil, ci‑après l’« arrêt PMOI », points 1 à 37).

2        Par arrêt du 7 mai 2008, la Court of Appeal (England & Wales) [cour d’appel (Angleterre et pays de Galles), Royaume‑Uni, ci-après la « Court of Appeal »] a rejeté la demande du Secretary of State for the Home Department (ministre de l’Intérieur, Royaume-Uni, ci-après le « Home Secretary ») visant à être autorisé à introduire devant cette juridiction un pourvoi contre la décision de la Proscribed Organisations Appeal Commission (commission d’appel concernant les organisations interdites, Royaume-Uni, ci-après la « POAC ») du 30 novembre 2007, par laquelle cette juridiction avait fait droit à un recours formé contre la décision du Home Secretary du 1er septembre 2006 refusant de lever la proscription de la People’s Mojahedin Organization of Iran (ci‑après la « requérante » ou la « PMOI ») en tant qu’organisation impliquée dans le terrorisme et avait ordonné audit Home Secretary de soumettre au Parlement du Royaume‑Uni un projet d’ordonnance (Order) retirant la requérante de la liste des organisations proscrites au Royaume-Uni en vertu du Terrorism Act 2000 (loi de 2000 sur le terrorisme).

3        Par cette décision, la POAC avait notamment qualifié de « perverse » (perverse) la conclusion du Home Secretary, contenue dans sa décision du 1er septembre 2006 refusant de lever la proscription de la requérante, selon laquelle celle-ci était encore, à cette époque, une organisation « impliquée dans le terrorisme » (concerned in terrorism), au sens du Terrorism Act 2000. Selon l’appréciation de la POAC, la seule conviction qu’un décideur raisonnable aurait pu honnêtement envisager, que ce soit en septembre 2006 ou par la suite, était que la PMOI ne satisfaisait plus à aucun des critères nécessaires pour le maintien de sa proscription. En d’autres termes, sur la base du matériel devant elle, la POAC avait considéré que la PMOI n’était plus impliquée dans le terrorisme en septembre 2006 et qu’elle ne l’était toujours pas à la date de la décision en question (arrêt PMOI, points 168 et 169).

4        Il ressort de la décision de la POAC (point 10) que le matériel en question comprenait certains éléments d’information relatifs à des événements concernant la PMOI survenus en France. À cet égard, la POAC s’est plus particulièrement référée au fait que les bureaux du Conseil national de la résistance iranienne (CNRI) près de Paris avaient été perquisitionnés le 17 juin 2003, qu’un grand nombre de membres du CNRI avaient été interpellés, et certains placés en garde à vue, mais que, bien qu’une importante somme d’argent ait été trouvée, aucune poursuite n’avait été intentée.

5        Par son arrêt précité, la Court of Appeal a confirmé les appréciations de la POAC. Elle a de surcroît indiqué que les éléments d’information confidentiels produits par le Home Secretary renforçaient sa conclusion selon laquelle celui-ci n’aurait pas pu raisonnablement considérer que la PMOI avait l’intention de revenir au terrorisme dans le futur.

6        Par ordonnance du 23 juin 2008, entrée en vigueur le 24 juin, le Home Secretary a dès lors radié le nom de la PMOI de la liste des organisations proscrites au titre du Terrorism Act 2000. Cette radiation a été approuvée par les deux chambres du Parlement du Royaume-Uni.

7        Par la décision 2008/583/CE, du 15 juillet 2008, mettant en œuvre l’article 2, paragraphe 3, du règlement (CE) nº 2580/2001 concernant l’adoption de mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, et abrogeant la décision 2007/868/CE (JO L 188, p. 21, ci‑après la « décision attaquée »), le Conseil a néanmoins maintenu, avec d’autres, le nom de la requérante dans la liste figurant à l’annexe du règlement (CE) n° 2580/2001 du Conseil, du 27 décembre 2001, concernant l’adoption de mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme (JO L 344, p. 70, version française rectifiée au JO 2007, L 164, p. 36) (ci‑après la « liste litigieuse »).

8        Le point 5 des considérants de la décision attaquée, dont il est constant qu’il vise la PMOI, énonce :

« Dans le cas d’un groupe, le Conseil a tenu compte du fait que la décision d’une autorité compétente qui servait de justification pour l’inclusion de ce groupe sur la liste n’était plus en vigueur depuis le 24 juin 2008. Cependant, de nouveaux éléments concernant ce groupe ont été portés à l’attention du Conseil. Le Conseil a considéré que ces nouveaux éléments justifiaient l’inclusion de ce groupe [dans] la liste. »

9        La décision attaquée a été notifiée à la requérante sous couvert d’une lettre du Conseil du 15 juillet 2008 (ci-après la « lettre de notification »). Dans cette lettre, le Conseil a notamment indiqué ce qui suit :

« Le Conseil a de nouveau décidé d’inclure [la PMOI] dans la liste (…) Le Conseil a pris note du fait que la décision de l’autorité compétente qui avait servi de justification pour l’inclusion de [la PMOI] dans la liste n’est plus en vigueur depuis le 24 juin. Toutefois, le Conseil a reçu de nouvelles informations qui sont pertinentes pour cette inclusion. Ayant pris ces informations en considération, le Conseil a décidé que [la PMOI] devait encore être incluse dans la liste susmentionnée. Dès lors, le Conseil a amendé l’exposé des motifs en conséquence. »

10      Dans l’exposé des motifs joint à la lettre de notification (ci-après l’« exposé des motifs »), le Conseil a exposé ce qui suit :

« La [PMOI] est un groupe fondé en 1965 dans l’objectif initial de renverser le régime impérial. Ses membres ont ainsi pris part à l’élimination de plusieurs milliers d’‘agents’ de l’ancien régime et ont compté parmi les responsables de la prise d’otages à l’ambassade des États‑Unis à Téhéran. Alors qu’elle comptait initialement parmi les acteurs les plus radicaux de la révolution islamique, la PMOI, après son interdiction, est entrée dans la clandestinité et a mené de nombreuses actions contre le régime en place à Téhéran. L’organisation a ainsi été à l’origine d’attentats terroristes, par exemple l’attentat contre le siège du parti de la République islamiste, le 28 juin 1981, au cours duquel ont été tués plus d’une centaine de cadres parmi les plus importants du régime (ministres, députés, hauts fonctionnaires), et l’assassinat, le 30 août 1981, du président Rajai et de son Premier ministre Javad Bahonar. En avril 1992, la PMOI a mené des attaques terroristes contre des représentations diplomatiques et des installations iraniennes dans treize pays. Au cours de la campagne présidentielle de 1993, le groupe a ouvertement revendiqué la responsabilité d’un certain nombre d’attaques contre des installations pétrolières, dont la plus grande raffinerie d’Iran. En avril 1999, la PMOI a revendiqué la responsabilité de l’assassinat du chef d’état-major adjoint des forces armées iraniennes, Ali Sayyad Shirazi. En 2000 et 2001, l’organisation a revendiqué la participation de ses membres à de nouvelles opérations de commando contre l’armée et des bâtiments gouvernementaux iraniens, près de la frontière entre l’Iran et l’Irak, et, le 5 février 2000, elle a procédé à une attaque au mortier contre des bâtiments officiels à Téhéran. Par ailleurs, des membres de cette organisation, implantée dans différents États membres de l’Union européenne, font actuellement l’objet de poursuites pour des activités délictueuses visant au financement de leurs activités. Ces actes tombent sous le coup des dispositions de l’article 1er, paragraphe 3, sous a), c), d), f), g), h) et i) de la position commune 2001/931, et ont été commis dans les buts visés à son article 1er, paragraphe 3, [sous] i) et iii).

La [PMOI] tombe sous le coup de l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2580/2001.

En avril 2001, le parquet antiterroriste du tribunal de grande instance de Paris a ouvert une information judiciaire des chefs d’‘association de malfaiteurs en vue de préparer des actes de terrorisme’ dans les conditions prévues en droit français au titre de la loi 96/647, du 22 juillet 1996. Les investigations conduites dans le cadre de cette information judiciaire ont abouti à viser des membres présumés de [la PMOI] pour une série d’infractions toutes en relation, à titre principal ou connexe, avec une entreprise collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur. Outre l’incrimination précédente, cette information vise également le ‘financement d’un groupe terroriste’ dans les conditions prévues en droit français au titre de la loi 2001/1062, du 15 novembre 2001, relative à la sécurité quotidienne.

Les 19 mars 2007 et 13 novembre 2007, le parquet antiterroriste de Paris a pris des réquisitoires supplétifs contre des membres présumés de [la PMOI]. Ces poursuites ont été motivées par la nécessité d’enquêter sur des éléments nouveaux résultant des investigations effectuées entre 2001 et 2007. Elles visent en particulier les chefs de ‘blanchiment du produit direct ou indirect des délits d’escroquerie sur personnes particulièrement vulnérables et escroquerie en bande organisée’ en relation avec une entreprise terroriste dans les conditions prévues en droit français par la loi 2003/706, du 2 août 2003.

Une décision à l’encontre de [la PMOI] a en conséquence été prise par une autorité compétente aux termes de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931.

Le Conseil note que ces poursuites sont encore en cours et ont été élargies en 2007 dans le cadre de la lutte contre les opérations de financement conduites par des groupes terroristes. Le Conseil considère que les raisons pour inclure [la PMOI] sur la liste des personnes et entités sujettes aux mesures prévues au titre de l’article 2, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 2580/2001 restent valides.

Ayant considéré ces éléments, le Conseil a décidé que [la PMOI] doit rester sujette aux mesures prévues au titre de l’article 2, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 2580/2001. »

 Procédure

11      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 21 juillet 2008, la requérante a introduit le présent recours.

12      Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le même jour, la requérante a introduit une demande visant à ce qu’il soit statué selon une procédure accélérée, conformément à l’article 76 bis du règlement de procédure du Tribunal. Le Conseil a présenté ses observations sur cette demande le 30 juillet 2008 et a déposé son mémoire en défense le 10 septembre 2008. Le 22 septembre 2008, le Tribunal (septième chambre) a décidé de faire droit à ladite demande, à la suite de quoi la procédure écrite a été close.

13      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (septième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’instruction prévues à l’article 65 du règlement de procédure, a, par ordonnance du 26 septembre 2008, ordonné au Conseil de produire l’ensemble des documents relatifs à l’adoption de la décision attaquée, pour autant qu’ils concernent la requérante, la communication de ceux-ci à l’intéressée étant toutefois réservée, à ce stade de la procédure, si le Conseil en invoquait le caractère confidentiel.

14      Le Conseil a déféré à cette mesure d’instruction, dans un premier temps, par acte déposé au greffe du Tribunal le 10 octobre 2008. À sa réponse étaient joints huit documents, dont sept, non qualifiés de confidentiels, ont été communiqués à la requérante. Celle-ci a été invitée à faire valoir ses observations écrites sur les sept documents en question ainsi que sur la demande de traitement confidentiel visant le huitième. La requérante a déféré à cette invitation par acte déposé au greffe du Tribunal le 5 novembre 2008.

15      Le Conseil a déféré à cette mesure d’instruction, dans un second temps, par acte déposé au greffe du Tribunal le 6 novembre 2008. À sa réponse étaient joints quatre nouveaux documents, qui ont été communiqués à la requérante.

16      Par ordonnance du 10 novembre 2008, les parties entendues, le président de la septième chambre du Tribunal a admis la République française et la Commission des Communautés européennes à intervenir à l’appui des conclusions du Conseil.

17      Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure, le Tribunal (septième chambre) a, par lettre du greffe du 11 novembre 2008, invité le Conseil, d’une part, à soumettre ses observations écrites sur certaines allégations factuelles et certains arguments juridiques nouveaux contenus dans les observations de la requérante déposées au greffe le 5 novembre 2008, et, d’autre part, à produire tous les documents en sa possession décrivant, ou relatifs à, la procédure de vote ayant mené à l’adoption de la décision attaquée, en ce compris les procès-verbaux de séance et de vote. Le Conseil a déféré à cette demande par acte déposé au greffe du Tribunal le 21 novembre 2008.

18      Dans le cadre des mêmes mesures d’organisation de la procédure ainsi qu’au titre de l’article 24 du statut de la Cour de justice, le Tribunal (septième chambre) a, par lettre du greffe du 11 novembre 2008, invité le Royaume-Uni à soumettre ses observations écrites sur les allégations factuelles relatives à la procédure d’adoption de la décision attaquée, contenues dans les observations de la requérante déposées au greffe le 5 novembre 2008. Le Royaume-Uni a déféré à cette demande par acte déposé au greffe du Tribunal le 20 novembre 2008.

19      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 24 novembre 2008, la requérante a fait valoir certaines observations écrites sur le rapport d’audience. Le Conseil a répliqué à ces observations par acte déposé au greffe le 28 novembre 2008.

20      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal à l’audience du 3 décembre 2008.

 Conclusions des parties

21      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée, pour autant que celle-ci la concerne ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

22      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

23      La République française et la Commission soutiennent le premier chef de conclusions du Conseil.

 En droit

24      La requérante invoque, en substance, cinq moyens au soutien de ses conclusions en annulation de la décision attaquée. Le premier est tiré d’une erreur manifeste d’appréciation. Le deuxième est tiré d’une violation de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931, de l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2580/2001 et de la charge de la preuve. Le troisième est tiré d’une violation du droit à une protection juridictionnelle effective. Le quatrième est tiré d’une violation des droits de la défense et de l’obligation de motivation. Le cinquième est tiré d’un abus ou d’un détournement de pouvoir ou de procédure.

25      Dans ses observations déposées au greffe du Tribunal le 5 novembre 2008, la requérante invoque, par ailleurs, un sixième moyen, tiré de la violation d’une forme substantielle. Le Tribunal considère que ce moyen nouveau est recevable. D’une part, en effet, il est fondé sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure, au sens de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure. D’autre part, et en tout état de cause, ce moyen est d’ordre public et, partant, susceptible d’être relevé d’office, dès lors qu’il est tiré de la violation d’une forme substantielle touchant aux conditions mêmes d’adoption de l’acte communautaire attaqué.

26      Le Tribunal examinera en premier lieu ce sixième moyen, ensuite le quatrième moyen et enfin, ensemble, les deuxième et troisième moyens.

 Sur le sixième moyen, tiré de la violation d’une forme substantielle

27      Dans ses observations écrites sur les sept premiers documents produits par le Conseil en exécution de l’ordonnance portant mesures d’instruction du 26 septembre 2008, déposées au greffe du Tribunal le 5 novembre 2008, la requérante invoque, notamment, un moyen nouveau, tiré de l’irrégularité du processus de vote, au sein du Conseil, sur tous les projets de décisions communautaires de gel des fonds. 

28      Pour étayer ce grief, la requérante se réfère à une déclaration faite devant la House of Lords (chambre des Lords, Royaume-Uni) par Lord Malloch-Brown, Minister of State to the Foreign and Commonwealth Office (secrétaire d’État aux Affaires étrangères et au Commonwealth, ci-après le « Minister of State »), le 22 juillet 2008. Interrogé sur les raisons pour lesquelles le gouvernement du Royaume-Uni s’était simplement abstenu lors du vote au Conseil du 15 juillet 2008 qui a conduit à l’adoption de la décision attaquée, au lieu de s’opposer au maintien de la PMOI dans la liste litigieuse, et ce malgré la décision de la POAC et l’arrêt de la Court of Appeal, le Minister of State a déclaré ce qui suit, d’après la transcription officielle de sa déclaration dans le Hansard :

« Nous étions déterminés à respecter cette décision de la [Court of Appeal], et c’est pourquoi nous n’avons pas été en mesure de soutenir le gouvernement [français], qui a mis sur la table de nouvelles informations, non disponibles antérieurement, sur la base desquelles il a pu persuader de nombreux gouvernements européens de le soutenir. Quant aux raisons pour lesquelles nous nous sommes abstenus plutôt que de nous opposer au maintien [de la PMOI] dans la liste, la difficulté était que c’est une liste globale reprenant toutes les organisations terroristes, et vous devez voter pour ou contre cette liste. Nous étions dès lors confrontés à la situation très désagréable dans laquelle soit l’ancienne liste était maintenue, ce qui n’aurait procuré aucun avantage puisque la PMOI y serait restée incluse, soit il n’y avait plus de liste des organisations terroristes en Europe. Nous avons pensé que cela constituait une menace inacceptable pour le peuple du Royaume-Uni aussi bien que pour le reste du continent. »

29      La requérante soutient que le fait de ne pas accorder aux États membres la possibilité de voter contre le maintien d’une organisation particulière dans la liste litigieuse, à le supposer établi, serait totalement contraire à la réglementation communautaire pertinente et à l’obligation qui incombe au Conseil et aux États membres d’examiner en détail et au cas par cas la question de savoir si le maintien de l’intéressée dans la liste litigieuse reste justifié. Elle ajoute qu’il semble ressortir de la déclaration du Minister of State que, si le Royaume-Uni avait eu la possibilité de voter individuellement à l’égard de chaque organisation, cet État membre (de même, croit-elle savoir, que certains autres États membres) aurait voté contre son maintien dans la liste litigieuse, ce qui, compte tenu de la règle de l’unanimité prévue par le règlement n° 2580/2001, n’aurait pu qu’entraîner son retrait de ladite liste.

30      Par ce moyen, la requérante fait en substance valoir que le recours à une procédure de vote « en bloc » sur une liste globale au sein du Conseil, sans prévoir la possibilité d’un vote individuel à l’égard des personnes ou entités concernées, à l’occasion du réexamen périodique des mesures communautaires de gel des fonds, affecte l’ensemble du processus d’adoption de ces mesures d’un vice d’une gravité telle qu’il doit être qualifié de détournement de pouvoir et de procédure, de violation d’une forme substantielle et de violation de l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2580/2001 et de l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931. Au vu de ces allégations, le Tribunal a adopté les mesures d’organisation de la procédure visées aux points 17 et 18 ci‑dessus.

31      Dans ses observations écrites déposées au greffe du Tribunal le 21 novembre 2008, le Conseil a toutefois fait valoir que, dans le cadre du réexamen à intervalles réguliers, au moins une fois par semestre, des noms des personnes et entités reprises sur la liste figurant à l’annexe du règlement n° 2580/2001, tel que prévu à l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931, chaque membre du Conseil est en droit de s’exprimer sur chacun de ces noms à titre individuel et d’indiquer quelle est sa position à son égard. Le Conseil ajoute que chaque nom repris sur la liste doit être approuvé à l’unanimité, de sorte que, si un État membre s’oppose au maintien dans la liste d’une personne ou d’une entité particulières, l’unanimité requise pour ce maintien n’existe pas. Le Conseil invoque, pour preuve de ses dires, les comptes rendus des réunions du groupe de travail du Conseil relatif à la position commune 2001/931 (ci-après le « groupe de travail PC 2001/931 ») des 2 et 24 juin et 2 juillet 2008, joints en annexes 1, 3 et 4 à sa réponse du 10 octobre 2008 à l’ordonnance portant mesures d’instruction du 26 septembre 2008.

32      Dans ses observations écrites sur les allégations factuelles de la requérante relatives à la procédure d’adoption de la décision attaquée, déposées au greffe du Tribunal le 20 novembre 2008, le Royaume-Uni s’est par ailleurs borné à indiquer que, « étant donné que la demande [du Tribunal] se rapport[ait] à la conduite des membres du Conseil en leur qualité de membres de cette institution, le Conseil lui‑même [était] le mieux placé pour répondre à toute question ayant trait à l’adoption de la législation au sein du Conseil ».

33      Dans ces conditions, et quels que soient le sens et la portée qu’il convient d’attribuer aux déclarations faites par le Minister of State devant la House of Lords le 22 juillet 2008, le Tribunal ne peut que constater, au vu des éléments versés au dossier, qu’il n’existe aucun indice objectif permettant d’accréditer la thèse de la requérante selon laquelle les États membres réunis au sein du Conseil seraient contraints de voter « pour ou contre » une « liste globale », sans avoir la possibilité de se prononcer individuellement et au cas par cas sur la question de savoir si l’inclusion ou le maintien d’une personne ou d’une entité particulière dans la liste en question est ou reste justifié.

34      Au contraire, les documents produits par le Conseil révèlent que de tels examens ou réexamens au cas par cas ont effectivement lieu au sein du groupe de travail PC 2001/931. En particulier, le compte rendu de la réunion dudit groupe de travail PC 2001/931 du 2 juillet 2008 révèle que les délégations des États membres se sont vu accorder un délai supplémentaire, expirant le 4 juillet 2008, pour indiquer si, « à la lumière des éléments d’information additionnels fournis par un État membre et de l’exposé des motifs révisé qui [leur] avait été distribué », elles avaient « une quelconque objection à ce que l’un des groupes soit listé sur la nouvelle base proposée ». Cette mention visant, de toute évidence, le cas particulier de la requérante, force est de constater que les États membres se sont expressément réservé la possibilité de s’opposer à son maintien dans la liste litigieuse, mais qu’en définitive ils ont choisi de ne pas faire usage de cette faculté.

35      Il découle de ce qui précède que le sixième moyen doit être rejeté comme non fondé.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation des droits de la défense

36      À cet égard, il est constant que le Conseil a adopté la décision attaquée sans avoir préalablement communiqué à la requérante les nouvelles informations ou les nouveaux éléments de dossier qui, selon lui, justifiaient son maintien dans la liste litigieuse, à savoir ceux relatifs à l’information judiciaire ouverte par le parquet antiterroriste du tribunal de grande instance de Paris en avril 2001 et aux deux réquisitoires supplétifs de mars et novembre 2007. A fortiori ne l’a-t-il pas mise en mesure de faire valoir utilement son point de vue à ce sujet, préalablement à l’adoption de la décision attaquée.

37      Force est dès lors de constater que la décision attaquée a été adoptée en violation des principes énoncés par le Tribunal dans l’arrêt OMPI, en ce qui concerne le respect des droits de la défense (voir, notamment, points 120, 126 et 131).

38      Le Conseil fait toutefois valoir, en premier lieu, que les considérations exprimées par le Tribunal, dans l’arrêt OMPI, pour ce qui concerne les décisions subséquentes de gel des fonds, ne tiennent pas compte de la situation particulière dans laquelle il se serait trouvé en l’espèce. En effet, le Tribunal y aurait présumé que la décision de l’autorité nationale compétente ayant servi de fondement à la décision initiale de gel des fonds continuerait à être en vigueur, sans envisager la possibilité que cette décision puisse être révoquée ou retirée alors même que le Conseil aurait reçu de nouvelles informations justifiant le maintien de l’intéressé dans la liste litigieuse. Tel aurait été le cas, en juin 2008, pour ce qui concerne la requérante. Dans les circonstances de l’espèce, le Conseil aurait considéré que l’objectif d’intérêt public poursuivi par la Communauté, conformément à la résolution 1373 (2001) du Conseil de sécurité des Nations unies, ne pouvait être atteint que par le remplacement immédiat de la décision alors en vigueur par une nouvelle décision du Conseil, fondée sur les nouvelles informations qu’il venait de prendre d’urgence en considération. Le Conseil estime que, ce faisant, il a réalisé le seul équilibre possible entre la nécessité de prendre dûment en considération le fait que la décision de l’autorité nationale compétente ayant servi de fondement à la décision initiale de gel des fonds de la requérante avait été retirée et la nécessité de veiller à ce que lesdits fonds restent gelés au vu des nouvelles informations qui lui avaient été communiquées et qui justifiaient, selon lui, le maintien en vigueur des mesures restrictives visant la requérante. Il ajoute que toute interruption dans l’application de ces mesures aurait immédiatement permis à la requérante d’accéder à ses fonds, ce qui aurait frappé d’ineffectivité la décision attaquée. Selon le Conseil, rien dans l’arrêt OMPI ne suggère qu’il n’aurait pas été en droit d’agir de la sorte, compte tenu des circonstances particulières de l’espèce.

39      Le Tribunal considère que cette argumentation du Conseil ne justifie en rien la prétendue impossibilité dans laquelle cette institution se serait trouvée d’adopter la décision attaquée selon une procédure respectueuse des droits de la défense de la requérante.

40      Plus spécifiquement, l’urgence alléguée n’est nullement établie. En effet, même en admettant que le Conseil n’ait pas été immédiatement tenu de retirer la requérante de la liste litigieuse à la suite de la décision de la POAC du 30 novembre 2007, c’est en tout cas dès le 7 mai 2008, date du prononcé de l’arrêt de la Court of Appeal, qu’il a été mis définitivement fin à la possibilité pour lui de se fonder encore sur la décision du Home Secretary ayant servi de fondement à la décision initiale de gel des fonds de la requérante. Or, entre cette date du 7 mai 2008 et celle de l’adoption de la décision attaquée, le 15 juillet 2008, plus de deux mois se sont écoulés. À cet égard, le Conseil n’explique pas pourquoi il ne lui était pas possible d’entreprendre aussitôt après le 7 mai 2008 les démarches en vue soit du retrait de la requérante de la liste litigieuse, soit de son maintien dans cette liste sur la base de nouveaux éléments.

41      De plus, même en supposant que les premiers éléments relatifs à l’information judiciaire ouverte à Paris en avril 2001 n’aient été communiqués par les autorités françaises au Conseil qu’en juin 2008, cela n’explique pas pourquoi ces éléments nouveaux ne pouvaient pas être communiqués aussitôt à la requérante, si le Conseil entendait les retenir désormais à sa charge. Il en va d’autant plus ainsi que la procédure orale avait été rouverte dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt PMOI, par ordonnance du Tribunal du 12 juin 2008, et que la date limite pour le dépôt des observations des parties sur l’arrêt de la Court of Appeal et sur les observations sur cet arrêt déposées par la requérante avait été fixée au 7 juillet 2008. Pendant toute cette période, le Conseil était en mesure de communiquer les « nouveaux éléments » à la requérante et, le cas échéant, au Tribunal dans le cadre de la procédure en cours dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt PMOI. À cet égard, il y a lieu de relever que, dans ses observations déposées au greffe du Tribunal le 7 juillet 2008 dans ladite affaire, le Conseil a déclaré expressément son intention de prendre position d’urgence sur de « nouveaux éléments » portés à sa connaissance. Force est toutefois de relever également que le Conseil s’est abstenu de communiquer ces nouveaux éléments à la requérante, sans faire état d’une quelconque impossibilité matérielle ou juridique de ce faire, et ce alors même que le Tribunal avait annulé, par l’arrêt OMPI, l’une de ses précédentes décisions, précisément au motif qu’elle n’avait pas fait l’objet d’une telle communication préalable.

42      Il convient d’ajouter que ni l’arrêt de la Court of Appeal, ni l’ordonnance du Home Secretary du 23 juin 2008 n’ont eu d’effet automatique et immédiat sur la décision 2007/868 de gel des fonds alors en vigueur. Conformément au principe de présomption de validité des actes communautaires, cette décision demeurait en vigueur, avec force de loi, nonobstant la disparition de son « substrat » national, aussi longtemps qu’elle n’était pas retirée, annulée dans le cadre d’un recours en annulation ou déclarée invalide à la suite d’un renvoi préjudiciel ou d’une exception d’illégalité (voir arrêt PMOI, point 55, et la jurisprudence citée).

43      En fait comme en droit, il est donc erroné d’affirmer que, à la suite de l’entrée en vigueur de l’ordonnance du Home Secretary et de la communication plus ou moins concomitante de nouveaux éléments par les autorités françaises, une nouvelle décision de gel des fonds devait être adoptée dans une urgence telle qu’elle ne permettait pas de respecter les droits de la défense de la requérante.

44      Bien plus, le Tribunal estime que l’abstention du Conseil de se conformer en l’espèce à une procédure pourtant clairement définie par l’arrêt OMPI, abstention intervenue en toute connaissance de cause et qui ne peut se fonder sur aucune justification raisonnable, pourrait constituer un indice pertinent dans le cadre de l’examen du cinquième moyen, tiré d’un excès ou d’un détournement de pouvoir.

45      Le Conseil fait valoir, en second lieu, que l’exposé des motifs notifié à la requérante permet à celle‑ci d’exercer son droit de recours juridictionnel et au juge communautaire d’exercer son contrôle. La requérante aurait également eu la possibilité de faire valoir ses observations sur l’exposé des motifs, dans le respect de ses droits de la défense, dès lors que la requête introductive d’instance avait été immédiatement transmise par le Conseil aux délégations des États membres.

46      Cette argumentation, qui procède d’une confusion entre la garantie des droits de la défense dans le cadre de la procédure administrative et celle qui résulte du droit à un recours juridictionnel effectif contre l’acte faisant grief adopté au terme de cette procédure, a déjà été expressément rejetée par le Tribunal dans l’arrêt OMPI (point 94, et la jurisprudence citée).

47      En conclusion, le Tribunal constate que le maintien du gel des fonds de la requérante opéré par la décision attaquée est intervenu à l’issue d’une procédure au cours de laquelle les droits de la défense de la requérante n’ont pas été respectés. Cette considération ne peut qu’entraîner l’annulation de cette décision, pour autant qu’elle concerne la requérante.

48      Bien qu’il ne soit pas nécessaire, dans ces conditions, de se prononcer sur les autres moyens du recours, le Tribunal examinera néanmoins les deuxième et troisième moyens, en raison de leur importance au regard du droit fondamental à une protection juridictionnelle effective.

 Sur les deuxième et troisième moyens, respectivement tirés d’une violation de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931, de l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2580/2001 et de la charge de la preuve ainsi que de la violation du droit à une protection juridictionnelle effective

49      À cet égard, le Tribunal rappelle d’emblée qu’il a, dans les arrêts OMPI et PMOI, précisé quelles sont : a) les conditions de mise en œuvre de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931 et de l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2580/2001 ; b) la charge de la preuve qui incombe dans ce contexte au Conseil ; c) l’étendue du contrôle juridictionnel en la matière.

50      Comme le Tribunal l’a relevé aux points 115 et 116 de l’arrêt OMPI et au point 130 de l’arrêt PMOI, les éléments de fait et de droit susceptibles de conditionner l’application d’une mesure de gel des fonds à une personne, à un groupe ou à une entité sont déterminés par l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2580/2001. Aux termes de cette disposition, le Conseil, statuant à l’unanimité, établit, révise et modifie la liste de personnes, de groupes et d’entités auxquels ledit règlement s’applique, conformément aux dispositions de l’article 1er, paragraphes 4 à 6, de la position commune 2001/931. La liste en question doit donc être établie, conformément aux dispositions de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931, sur la base d’informations précises ou d’éléments de dossier qui montrent qu’une décision a été prise par une autorité compétente à l’égard des personnes, des groupes et des entités visés, qu’il s’agisse de l’ouverture d’enquêtes ou de poursuites pour un acte terroriste, ou la tentative de commettre, ou la participation à, ou la facilitation d’un tel acte, fondée sur des preuves ou des indices sérieux et crédibles, ou qu’il s’agisse de la condamnation pour de tels faits. On entend par « autorité compétente » une autorité judiciaire ou, si les autorités judiciaires n’ont aucune compétence en la matière, une autorité compétente équivalente dans ce domaine. Par ailleurs, les noms des personnes et des entités reprises sur la liste doivent faire l’objet d’un réexamen à intervalles réguliers, au moins une fois par semestre, afin de s’assurer que leur maintien sur la liste reste justifié, conformément aux dispositions de l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931.

51      Aux points 117 de l’arrêt OMPI et 131 de l’arrêt PMOI, le Tribunal a déduit de ces dispositions que la procédure susceptible d’aboutir à une mesure de gel des fonds au titre de la réglementation pertinente se déroule à deux niveaux, l’un national, l’autre communautaire. Dans un premier temps, une autorité nationale compétente, en principe judiciaire, doit prendre à l’égard de l’intéressé une décision répondant à la définition de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931. S’il s’agit d’une décision d’ouverture d’enquêtes ou de poursuites, celle-ci doit être fondée sur des preuves ou des indices sérieux et crédibles. Dans un second temps, le Conseil, statuant à l’unanimité, doit décider d’inclure l’intéressé dans la liste litigieuse, sur la base d’informations précises ou d’éléments de dossier qui montrent qu’une telle décision a été prise. Par la suite, le Conseil doit s’assurer à intervalles réguliers, au moins une fois par semestre, que le maintien de l’intéressé dans la liste litigieuse reste justifié. À cet égard, la vérification de l’existence d’une décision d’une autorité nationale répondant à ladite définition apparaît comme une condition préalable essentielle à l’adoption, par le Conseil, d’une décision initiale de gel des fonds, tandis que la vérification des suites réservées à cette décision au niveau national apparaît indispensable dans le contexte de l’adoption d’une décision subséquente de gel des fonds.

52      Aux points 123 de l’arrêt OMPI et 132 de l’arrêt PMOI, le Tribunal a, par ailleurs, rappelé que, en vertu de l’article 10 CE, les relations entre les États membres et les institutions communautaires sont régies par des devoirs réciproques de coopération loyale (voir arrêt de la Cour du 16 octobre 2003, Irlande/Commission, C‑339/00, Rec. p. I‑11757, points 71 et 72, et la jurisprudence citée). Ce principe est d’application générale et s’impose, notamment, dans le cadre de la coopération policière et judiciaire en matière pénale [communément appelée « justice et affaires intérieures » (JAI)] régie par le titre VI du traité UE, qui est d’ailleurs entièrement fondée sur la coopération entre les États membres et les institutions (arrêt de la Cour du 16 juin 2005, Pupino, C‑105/03, Rec. p. I‑5285, point 42).

53      Aux points 124 de l’arrêt OMPI et 133 de l’arrêt PMOI, le Tribunal a estimé que, dans un cas d’application de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931 et de l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2580/2001, dispositions qui instaurent une forme de coopération spécifique entre le Conseil et les États membres, dans le cadre de la lutte commune contre le terrorisme, ce principe entraîne, pour le Conseil, l’obligation de s’en remettre autant que possible à l’appréciation de l’autorité nationale compétente, à tout le moins s’il s’agit d’une autorité judiciaire, notamment pour ce qui est de l’existence des « preuves ou des indices sérieux et crédibles » sur lesquels la décision de celle-ci est fondée.

54      Ainsi qu’il a été jugé au point 134 de l’arrêt PMOI, il découle de ce qui précède que, si la charge de la preuve de ce que le gel des fonds d’une personne, d’un groupe ou d’une entité est ou reste légalement justifié, au regard de la réglementation pertinente, incombe bien au Conseil, l’objet de cette preuve est relativement limité, au niveau de la procédure communautaire de gel des fonds. Dans le cas d’une décision initiale de gel des fonds, elle porte essentiellement sur l’existence d’informations précises ou d’éléments de dossier qui montrent qu’une décision d’une autorité nationale répondant à la définition de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931 a été prise à l’égard de l’intéressé. Par ailleurs, dans le cas d’une décision subséquente de gel des fonds, après réexamen, la charge de la preuve porte essentiellement sur la question de savoir si le gel des fonds reste justifié eu égard à toutes les circonstances pertinentes de l’espèce et, tout particulièrement, aux suites réservées à ladite décision de l’autorité nationale compétente.

55      Quant au contrôle exercé par le Tribunal, celui-ci a reconnu, aux points 159 de l’arrêt OMPI et 137 de l’arrêt PMOI, que le Conseil dispose d’un large pouvoir d’appréciation quant aux éléments à prendre en considération en vue de l’adoption de sanctions économiques et financières sur la base des articles 60 CE, 301 CE et 308 CE, conformément à une position commune adoptée au titre de la politique étrangère et de sécurité commune. Ce pouvoir d’appréciation concerne, en particulier, les considérations d’opportunité sur lesquelles de telles décisions sont fondées. Cependant (voir point 138 de l’arrêt PMOI), si le Tribunal reconnaît au Conseil une marge d’appréciation en la matière, cela n’implique pas qu’il doit s’abstenir de contrôler l’interprétation, par cette institution, des données pertinentes. En effet, le juge communautaire doit notamment non seulement vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier la situation et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées. Toutefois, dans le cadre de ce contrôle, il ne lui appartient pas de substituer son appréciation en opportunité à celle du Conseil (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 22 novembre 2007, Espagne/Lenzing, C‑525/04 P, Rec. p. I‑9947, point 57, et la jurisprudence citée).

56      En l’espèce, le Tribunal constate que ni les éléments d’information contenus dans la décision attaquée, son exposé des motifs et sa lettre de notification, ni même ceux contenus dans les deux réponses du Conseil à l’ordonnance portant mesures d’instruction du 26 septembre 2008 ne satisfont aux exigences de preuve rappelées ci-dessus, de sorte qu’il n’est pas démontré à suffisance de droit que la décision attaquée a été adoptée en conformité avec les dispositions de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931 et de l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2580/2001.

57      Plus spécifiquement, le Conseil n’a communiqué au Tribunal aucune information précise ni aucun élément de dossier montrant que l’information judiciaire ouverte par le parquet antiterroriste du tribunal de grande instance de Paris en avril 2001 et les deux réquisitoires supplétifs de mars et novembre 2007 constituent à l’égard de la requérante, ainsi qu’il l’affirme sans autrement étayer ses dires, une décision répondant à la définition de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931.

58      À cet égard, il convient de reproduire intégralement les passages les plus pertinents de la première réponse du Conseil à l’ordonnance portant mesures d’instruction du 26 septembre 2008 :

« 3.      Le groupe [de travail PC 2001/931] a tenu quatre réunions préparatoires à l’adoption de la décision en question par le Conseil – dans la mesure où elle concernait la requérante – à savoir les 2 juin, 13 juin, 24 juin et 2 juillet 2008 […]

[…]

6.      Pour les besoins de ces réunions, la République française a aussi distribué aux délégations trois documents décrivant la nouvelle base proposée pour inscrire la requérante sur la liste et expliquant les motifs de sa proposition. Le troisième document comprenait, en partie, le texte qui est devenu l’exposé des motifs adopté par le Conseil et qui est déjà versé au dossier de l’espèce. Au moment de leur diffusion, ces documents ont été classifiés comme confidentiels par la République française. Le Conseil a averti cette dernière de l’ordonnance rendue par le Tribunal, et cet État examine actuellement la possibilité de déclassifier les documents en question. Le Conseil a toutefois été informé que, en raison de la nécessité de respecter des exigences de droit interne, une décision sur ce point ne pourra être prise dans le délai fixé par le greffe. Le Conseil n’est dès lors pas en mesure de donner suite en ce moment à l’ordonnance du Tribunal pour ce qui concerne lesdits documents, puisqu’il n’est pas habilité à transmettre ceux‑ci au Tribunal, même de manière confidentielle. Il demande respectueusement au Tribunal de faire preuve de compréhension à cet égard et s’engage à l’informer aussitôt que la République française aura pris une décision sur les documents en question.

[…]

11.      En particulier, le Conseil tient à souligner qu’il n’a reçu aucun autre élément de preuve relatif à l’information judiciaire menée en France que ceux qui figurent dans l’exposé des motifs. Il croit comprendre que de telles preuves supplémentaires doivent, selon le droit français, rester confidentielles pendant le déroulement de l’information. Il a reproduit tous les éléments essentiels concernant l’enquête dont il a disposé pour élaborer l’exposé des motifs. L’un des documents visé au point 6 contenait une liste plus détaillée des infractions faisant l’objet de l’information, mais celles-ci sont toutes couvertes par la description générale fournie dans l’exposé des motifs (à savoir une série d’infractions toutes en relation, à titre principal ou connexe, avec une entreprise collective dont l’objectif est de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur, ainsi que le financement d’un groupe terroriste et le blanchiment du produit direct ou indirect des délits d’escroquerie sur des personnes particulièrement vulnérables et escroquerie en bande organisée en relation avec une entreprise terroriste).

12.      Le Conseil ne dispose d’aucune autre information concernant l’information que celles qui ont trait à la nature des infractions faisant l’objet de l’information et les précisions sur la date du début de l’information et le moment où les réquisitoires supplétifs ont été ajoutés. Il n’a pas été informé de l’identité précise des personnes sur lesquelles porte l’enquête; il sait simplement que ces personnes sont des membres présumés de la requérante, comme l’indique l’exposé des motifs. Il n’a pas davantage d’informations sur l’évolution possible de l’information. En résumé, lorsque la décision contestée a été adoptée, il ne disposait d’aucune autre preuve ‘invoquée contre la requérante’ dans le cadre de l’information que celles qui sont mentionnées dans l’exposé des motifs. »

59      Or, au vu des contestations de fait et des griefs articulés par la requérante, ni les explications ainsi données par le Conseil, ni les documents produits par lui ne permettent de justifier légalement la décision attaquée, plus particulièrement au regard de l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2580/2001.

60      Il en va ainsi même en tenant compte de la seconde réponse du Conseil à l’ordonnance portant mesures d’instruction du 26 septembre 2008, en annexe à laquelle cette institution a produit la version non confidentielle des trois documents mentionnés au point 58 ci-dessus, à savoir ceux par lesquels les autorités françaises lui avaient communiqué, en juin 2008, des informations relatives à l’information judiciaire ouverte à Paris en avril 2001 et étendue en 2007, sur le fondement desquels la décision attaquée a été adoptée. 

61      À cet égard, la requérante a notamment fait valoir que l’information judiciaire ouverte en France en avril 2001 était une enquête contre « X », qui avait éventuellement pu viser certains de ses membres ou sympathisants, mais pas la PMOI en tant que telle.

62      Force est effectivement de constater que, dans le premier des trois documents mentionnés au point 58 ci-dessus, daté du 9 juin 2008, les autorités françaises se sont bornées à indiquer « qu’une information judiciaire a[vait] été ouverte le 9 avril 2001 contre 17 personnes susceptibles d’appartenir à [la PMOI] », que « cette information [était] toujours en cours » et que, « [à] ce stade, 24 personnes [étaient] mises en examen ». Aucune explication n’a toutefois été donnée des raisons pour lesquelles ces mêmes autorités en avaient tiré la conclusion, dans le même document, que « [c]ette procédure constitu[ait] une décision à l’encontre de [la PMOI] par une autorité compétente aux termes de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931 ».

63      En réponse à cette allégation de la requérante, non contestée en tant que telle, le Conseil soutient qu’une telle circonstance est non seulement concevable, mais même logique et appropriée, dans le contexte du gel des fonds d’une organisation telle que la requérante. D’une part, en effet, des infractions telles que l’association criminelle en vue de préparer des actes terroristes, le financement d’une organisation terroriste et le blanchiment d’argent en lien avec une organisation terroriste ne pourraient être commises par l’organisation elle-même, mais seulement par les individus qui en sont membres. D’autre part, la requérante elle-même ne pourrait faire l’objet de poursuites dès lors qu’elle n’a pas la personnalité juridique.

64      Or, ces explications se heurtent tout d’abord à la lettre de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931, qui prévoit qu’une décision soit prise « à l’égard des personnes, des groupes et des entités visés ».

65      À supposer même qu’il ne faille pas s’en tenir à une interprétation littérale de cette disposition, encore faudrait-il, pour que l’argumentation du Conseil puisse être retenue, que cette institution ou l’autorité nationale compétente concernée s’attache à expliquer les raisons spécifiques et concrètes pour lesquelles, en l’espèce, les actes imputables à des individus prétendument membres ou sympathisants de la PMOI doivent être imputés à la PMOI elle-même. Or, ainsi qu’il a déjà été relevé, une telle explication fait totalement défaut en l’espèce.

66      À défaut d’informations plus précises, il n’est pas non plus possible de vérifier la véracité et la pertinence de l’affirmation, contenue dans l’exposé des motifs, selon laquelle plusieurs des prétendus membres de la requérante feraient actuellement l’objet de poursuites pour activités criminelles en relation avec une entreprise terroriste. À cet égard, la requérante a fait valoir, dans sa requête, que, hormis le cas de l’information judiciaire ouverte en France en 2001, elle n’a pas connaissance qu’un quelconque de ses membres ou sympathisants soit poursuivi dans l’un des États membres pour avoir financé des activités terroristes ou d’autres activités criminelles la concernant, contrairement à ce qui est affirmé dans l’exposé des motifs. Par ailleurs, aucun de ses membres ou sympathisants n’aurait jamais été reconnu coupable d’activités illégales relatives au terrorisme ou à son financement. Le Conseil n’a aucunement réfuté ces affirmations dans son mémoire en défense.

67      S’agissant des réquisitoires supplétifs des 19 mars et 13 novembre 2007, la requérante fait également valoir qu’ils ne la concernent en aucune manière et qu’ils ne font même pas référence à elle. Dans sa première réponse à l’ordonnance portant mesures d’instruction, le Conseil admet qu’il n’a pas été informé de l’identité des individus visés par ces actes et qu’il sait tout au plus que ces personnes sont de prétendus membres de la PMOI. Ici encore, le lien entre les personnes en question et la requérante, de même que les raisons qui pourraient justifier d’imputer à la seconde les actes des premières, ne sont aucunement explicités.

68      Il convient encore de relever qu’aucun élément du dossier ne permet d’établir que l’information judiciaire ouverte en France en avril 2001, à supposer même qu’elle soit le fait d’une « autorité judiciaire », ce que conteste également la requérante, serait fondée, selon l’appréciation de cette autorité, sur des preuves ou des indices sérieux et crédibles, ainsi que le prescrit l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931.

69      À cet égard, il est vrai que, au point 3, sous b), deuxième tiret, du dernier des trois documents mentionnés au point 58 ci-dessus, daté du 26 juin 2008, les autorités françaises au sein du Conseil ont affirmé que l’existence de cette information judiciaire « prouv[ait] que les autorités judiciaires dispos[ai]ent des ‘indices sérieux ou crédibles’ exigés aux termes de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune [2001/931] et reliant [la PMOI] à des activités de terrorisme dans une période récente ».

70      Or, non seulement cette appréciation n’est pas le fait de l’autorité judiciaire nationale compétente, mais, dans une lettre au Conseil du 3 novembre 2008, jointe en annexe 4 à la deuxième réponse du Conseil à l’ordonnance portant mesures d’instruction du 26 septembre 2008, le ministère des Affaires étrangères et européennes français (MAEE) a indiqué, en se référant spécifiquement audit point 3, sous b), deuxième tiret, du dernier des trois documents mentionnés au point 58 ci-dessus, qu’il lui « para[issait] opportun et conforme au droit de préciser qu’il s’agi[ssai]t de conclusions tirées par le MAEE des éléments objectifs de la procédure française communiqués par le parquet du Tribunal de grande instance de Paris, en application de l’article 11, [troisième alinéa,] du code de procédure pénale, et qui n’engage[ai]nt que le MAEE ».

71      Enfin, le Tribunal relève que, à la demande des autorités françaises, le Conseil a refusé de « déclassifier » le point 3, sous a), du dernier des trois documents mentionnés au point 58 ci-dessus, contenant la « synthèse des principaux points justifiant le maintien de [l’OMPI] sur la liste européenne », opérée par ces autorités à l’attention de certaines délégations des États membres. Selon la lettre du MAEE au Conseil du 3 novembre 2008, précitée, les informations en question « revêtent un caractère sécuritaire intéressant la défense nationale et font, de ce fait, l’objet de mesures de protection destinées à restreindre leur diffusion, en application de l’article 413-9 du code pénal », de sorte que « le MAEE n’est pas en mesure d’autoriser leur communication au Tribunal ».

72      Quant à l’allégation du Conseil selon laquelle il serait tenu de respecter le principe de confidentialité invoqué par les autorités françaises, elle ne permet pas de comprendre en quoi ce principe serait violé par la communication des éléments de dossier concernés au juge communautaire, mais ne l’a pas été par la communication des mêmes éléments au Conseil lui-même et, par suite, aux gouvernements des 26 autres États membres.

73      En tout état de cause, le Tribunal considère que le Conseil n’est pas en droit de fonder sa décision de gel des fonds sur des informations ou sur des éléments de dossier communiqués par un État membre, si cet État membre n’est pas disposé à en autoriser la communication à la juridiction communautaire investie du contrôle de la légalité de cette décision.

74      À cet égard, il convient de rappeler que, dans l’arrêt OMPI (point 154), le Tribunal a déjà dit pour droit que le contrôle juridictionnel de la légalité d’une décision de gel des fonds s’étend à l’appréciation des faits et circonstances invoqués comme la justifiant, de même qu’à la vérification des éléments de preuve et d’information sur lesquels est fondée cette appréciation, ainsi que le Conseil l’avait expressément reconnu dans ses écritures dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du Tribunal du 21 septembre 2005, Yusuf et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission (T‑306/01, Rec. p. II‑3533), annulé sur pourvoi par arrêt de la Cour du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission (C‑402/05 P et C‑415/05 P, non encore publié au Recueil). Le Tribunal doit également s’assurer du respect des droits de la défense et de l’exigence de motivation à cet égard ainsi que, le cas échéant, du bien-fondé des considérations impérieuses exceptionnellement invoquées par le Conseil pour s’y soustraire.

75      En l’occurrence, ce contrôle s’avère d’autant plus indispensable qu’il constitue la seule garantie procédurale permettant d’assurer un juste équilibre entre les exigences de la lutte contre le terrorisme international et la protection des droits fondamentaux. Les limitations apportées par le Conseil aux droits de la défense des intéressés devant être contrebalancées par un strict contrôle juridictionnel indépendant et impartial (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 2 mai 2006, Eurofood IFSC, C‑341/04, Rec. p. I‑3813, point 66), le juge communautaire doit pouvoir contrôler la légalité et le bien‑fondé des mesures de gel des fonds, sans que puissent lui être opposés le secret ou la confidentialité des éléments de preuve et d’information utilisés par le Conseil (arrêt OMPI, point 155).

76      En l’espèce, le refus du Conseil et des autorités françaises de communiquer, même au seul Tribunal, les informations contenues au point 3, sous a), du dernier des trois documents mentionnés au point 58 ci-dessus a donc comme conséquence de ne pas permettre à celui-ci d’exercer son contrôle de légalité de la décision attaquée.

77      Il en résulte que, dans les circonstances de l’espèce, telles que décrites ci-dessus, la seule communication des éléments d’information contenus dans les réponses du Conseil à l’ordonnance portant mesures d’instruction du 26 septembre 2008 et dans les annexes à ces réponses ne permet ni à la requérante ni au Tribunal de s’assurer que la décision attaquée a été adoptée conformément à l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2580/2001 et n’est pas entachée d’erreur manifeste d’appréciation.

78      Dans ces circonstances, force est de conclure, d’une part, qu’il n’est pas établi à suffisance de droit que la décision attaquée a été adoptée en conformité avec les dispositions de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931 et de l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2580/2001 et, d’autre part, que les circonstances mêmes de son adoption portent atteinte au droit fondamental de la requérante à un contrôle juridictionnel effectif.

79      Il s’ensuit que les deuxième et troisième moyens sont fondés.

 Sur les dépens

80      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le Conseil ayant succombé, il y a donc lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante.

81      Aux termes de l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement de procédure, les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision 2008/583/CE du Conseil, du 15 juillet 2008, mettant en œuvre l’article 2, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 2580/2001 concernant l’adoption de mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, et abrogeant la décision 2007/868/CE, est annulée pour autant qu’elle concerne la People’s Mojahedin Organization of Iran.

2)      Le Conseil est condamné à supporter, outre ses propres dépens, les dépens de la People’s Mojahedin Organization of Iran.

3)      La République française et la Commission supporteront leurs propres dépens.

Forwood

Šváby

Truchot

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 4 décembre 2008.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.