Language of document : ECLI:EU:T:2016:259

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (troisième chambre)

26 avril 2016 (*)

« Recours en annulation – Aides d’État – Jeux d’argent et de hasard –Aide envisagée par la France en faveur des sociétés de courses – Taxe parafiscale prélevée sur les paris hippiques en ligne – Décision déclarant l’aide compatible avec le marché intérieur – Association – Défaut d’affectation individuelle – Acte réglementaire comportant des mesures d’exécution – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑238/14,

European Gaming and Betting Association (EGBA), établie à Bruxelles (Belgique),

The Remote Gambling Association (RGA), établie à Londres (Royaume-Uni),

représentées par M. S.-P. Brankin, solicitor, MesT. De Meese, E. Wijckmans et M. Mudrony, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par MM. A. Bouchagiar et P.‑J. Loewenthal, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

République française, représentée par M. D. Colas et Mme J. Bousin, en qualité d’agents,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision 2014/19/UE de la Commission, du 19 juin 2013, concernant l’aide d’État SA. 30753 (C 34/10) (ex N 140/10) que la France envisage de mettre à exécution en faveur des Sociétés de courses (JO 2014, L 14, p. 17),

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de MM. S. Papasavvas, président, E. Bieliūnas (rapporteur) et I. S. Forrester, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        European Gaming and Betting Association AISBL (EGBA) est une organisation sans but lucratif dont les membres sont des opérateurs européens dans le domaine des jeux d’argent et de hasard.

2        The Remote Gambling Association (RGA) est également une organisation sans but lucratif qui représente la plupart des grands opérateurs mondiaux de jeux d’argent et de hasard en ligne.

3        Par la loi 2010-476, du 12 mai 2010, relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne, la République française a ouvert à la concurrence le secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne. Trois types de jeux ont été ouverts à la concurrence : les paris hippiques, les paris sportifs et les jeux de poker en ligne.

4        Préalablement à cette ouverture à la concurrence, le monopole des paris hippiques pris hors des hippodromes était détenu par le Pari mutuel urbain (PMU). Le PMU est un groupement d’intérêt économique qui a été constitué par deux sociétés mères de courses, le Cheval Français et France Galop, et quarante-neuf sociétés de courses de province (ci‑après les « Sociétés de courses ») pour les paris en ligne pris par le biais d’Internet, les paris en dur pris dans le réseau de vente du PMU et les paris pris dans les hippodromes. L’intégralité du résultat net du PMU était, et est toujours, reversée aux Sociétés de courses et sert à financer la filière équine.

5        Compte tenu de l’importance du PMU pour le financement de la filière équine, les autorités françaises craignaient que la viabilité de cette filière fût menacée si l’ouverture à la concurrence des jeux d’argent et de hasard en ligne provoquait une baisse significative des revenus du PMU. La République française a alors décidé d’introduire une taxe parafiscale sur les paris hippiques en ligne au profit de la filière équine.

6        Par lettre du 13 avril 2010, la République française a notifié à la Commission européenne un projet de taxe parafiscale sur les paris hippiques en ligne visant à financer une mission de service public confiée aux Sociétés de courses.

7        Par lettre du 17 novembre 2010, la Commission a informé la République française de sa décision d’ouvrir la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE (ci-après la « décision d’ouverture ») à l’égard de la mesure notifiée. Dans la décision d’ouverture, la Commission a invité les parties intéressées à présenter leurs observations sur la mesure notifiée.

8        Le 14 février 2011, l’EGBA a transmis ses observations en tant que partie intéressée opposée à la mesure notifiée.

9        À la suite de nombreux échanges entre la Commission et les autorités françaises, la République française a, le 29 avril 2013, soumis officiellement à la Commission une modification de la notification du 13 avril 2010 reprenant un nouveau dispositif discuté avec les services de la Commission.

10      Le 19 juin 2013, la Commission a adopté la décision 2014/19/UE, concernant l’aide d’État SA 30753 (C 34/10) (ex N 140/10) que la France envisage de mettre à exécution en faveur des Sociétés de courses (JO 2014, L 14, p. 17, ci-après la « décision attaquée »).

11      Par cette décision, la Commission a considéré, dans un premier temps, que la mesure notifiée, telle que modifiée (ci-après la « mesure litigieuse »), constituait une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. En effet, elle a relevé, notamment, qu’il s’agissait d’une aide aux Sociétés de courses. Elle a souligné, d’une part, que, pour financer cette aide, une taxe était prélevée sur toutes les mises de paris hippiques en ligne, y compris celles effectuées sur le site du PMU et, d’autre part, que le produit de cette taxe était reversé intégralement aux sociétés-mères de courses (au prorata des enjeux misés sur chaque spécialité, trot, plat et galop) qui, ensuite, répartissent le montant correspondant entre les différents bénéficiaires. Ces revenus viennent en complément du financement issu des paris réalisés dans le réseau physique de points de vente du PMU. Dans un second temps, la Commission a déclaré cette aide compatible avec le marché intérieur en application de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE au motif qu’elle constituait une aide au secteur équin établie sur la base de l’intérêt commun que le PMU et les opérateurs concurrents de paris hippiques en ligne attachent à l’organisation des courses hippiques sur lesquelles les paris sont pris et qui bénéficie par conséquent à l’ensemble des opérateurs de paris hippiques en ligne soumis à la taxe.

 Procédure et conclusion des parties

12      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 11 avril 2014, les requérantes ont introduit le présent recours.

13      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 22 août 2014, la République française a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la Commission.

14      Par ordonnance du 17 octobre 2014, le président de la quatrième chambre du Tribunal a fait droit à cette demande d’intervention.

15      Par décision du président du Tribunal, la présente affaire a été attribuée à un nouveau juge rapporteur, siégeant dans la troisième chambre.

16      Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, prévues à l’article 89 du règlement de procédure, le Tribunal a, par lettres du 13 novembre 2015, posé des questions écrites aux parties principales et à l’intervenante, lesquelles y ont répondu le 3 décembre 2015.

17      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

18      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ou, à titre subsidiaire, comme non fondé ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

19      La République française conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de rejeter le recours.

 En droit

20      Aux termes de l’article 126 du règlement de procédure du Tribunal, lorsque le recours est manifestement irrecevable, le Tribunal peut décider de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure.

21      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide, en application de cet article, de statuer sans poursuivre la procédure.

22      Sans formellement soulever une exception d’irrecevabilité, la Commission conteste la recevabilité du recours. Elle fait valoir, en substance, que les requérantes n’ont pas de qualité pour agir au motif qu’elles ne sont pas individuellement affectées par la décision attaquée.

23      En premier lieu, elle soutient que la mesure litigieuse en cause ne porte pas une atteinte substantielle à la position sur le marché des membres des requérantes. En deuxième lieu, elle fait valoir que le fait que l’EGBA a transmis des observations lors de la procédure formelle ne peut établir la recevabilité de son recours.

24      Les requérantes avancent, dans la requête, des arguments visant à établir leur qualité pour agir et s’opposent, dans la réplique, à la fin de non-recevoir soulevée par la Commission.

25      À cet égard, il y a lieu de relever que la décision attaquée n’a pas été adressée aux requérantes, mais à la République française.

26      Or, l’article 263, quatrième alinéa, TFUE prévoit deux cas de figure dans lesquels la qualité pour agir est reconnue à une personne physique ou morale pour former un recours contre un acte dont elle n’est pas le destinataire. D’une part, un tel recours peut être formé à condition que cet acte la concerne directement et individuellement. D’autre part, une telle personne peut introduire un recours contre un acte réglementaire ne comportant pas de mesures d’exécution si celui-ci la concerne directement (arrêt du 27 février 2014, Stichting Woonlinie e.a./Commission, C‑133/12 P, Rec, EU:C:2014:105, point 31).

27      En premier lieu, il convient d’analyser si la décision attaquée pourrait être qualifiée d’acte réglementaire ne comportant pas de mesures d’exécution, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

28      La notion d’« acte réglementaire » au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE doit être comprise comme visant tout acte de portée générale à l’exception des actes législatifs (voir, en ce sens, arrêt du 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, C‑583/11 P, Rec, EU:C:2013:625, points 60 et 61).

29      En l’espèce, il est constant que la décision attaquée ne constitue pas un acte législatif. Il convient donc de déterminer si elle a une portée générale.

30      À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’un acte a une portée générale s’il s’applique à des situations déterminées objectivement et s’il produit des effets juridiques à l’égard de catégories de personnes envisagées de manière générale et abstraite (arrêt du 17 mars 2011, AJD Tuna, C‑221/09, Rec, EU:C:2011:153, point 51).

31      Il y a lieu également de rappeler que, en vertu de l’article 288, quatrième alinéa, TFUE, une décision, telle que celle de l’espèce, est obligatoire dans tous ses éléments uniquement pour les destinataires qu’elle désigne. Dès lors, les conditions dans lesquelles la Commission rend compatible avec le marché intérieur, au sens de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, l’aide d’État que la République française envisage de mettre à exécution en faveur des Sociétés de courses, sont les conséquences juridiques obligatoires de la décision attaquée pour cet État membre, qui en est le destinataire (voir, en ce sens, ordonnance du 9 septembre 2013, Altadis/Commission, T‑400/11, Rec, EU:T:2013:490, point 45).

32      Toutefois, selon la jurisprudence, pour déterminer la portée d’un acte, le juge de l’Union ne saurait se contenter de la dénomination officielle de l’acte, mais doit tenir compte en premier lieu de son objet et de son contenu. Ainsi, une décision ayant pour destinataire un État membre revêt une portée générale si elle s’applique à des situations déterminées objectivement et comporte des effets juridiques à l’égard de catégories de personnes envisagées de manière générale et abstraite (voir, en ce sens, arrêt du 14 juin 2012, Vereniging Milieudefensie et Stichting Stop Luchtverontreiniging Utrecht/Commission, T‑396/09, Rec, EU:T:2012:301, point 26).

33      À cet égard, il y a lieu de relever que les bénéficiaires de l’aide déclarée compatible avec le marché intérieur par la décision attaquée ne sont pas envisagés de manière générale et abstraite. En effet, il ressort de cette dernière que les bénéficiaires sont identifiés avec précision, à savoir cinquante-et-une Sociétés de courses (voir le point 4 ci-dessus).

34      Cependant, il convient d’observer que la décision attaquée autorise le mode de financement de l’aide, au moyen d’une taxe parafiscale prélevée sur toutes les mises de paris hippiques en ligne, qui fait partie intégrante de la mesure d’aide en cause.

35      Or, ce mode de financement produit des effets juridiques à l’égard d’une catégorie de personnes générale et abstraite, en particulier les opérateurs de paris hippiques en ligne, et s’applique à des situations déterminées objectivement. En effet, d’une part, cette taxe parafiscale affecte tous les opérateurs de paris hippiques en ligne qui sont présents en France, dont le nombre exact peut varier dans le temps, et qui constituent ainsi un groupe général et abstrait. D’autre part, cette taxe parafiscale est prélevée sur chaque mise de paris hippiques en ligne et elle s’applique ainsi à des situations qui sont déterminées de manière objective.

36      Par conséquent, la décision attaquée constitue un acte réglementaire aux termes de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

37      Il convient dès lors d’apprécier si la décision attaquée comporte des mesures d’exécution. À cet égard, il convient de se référer exclusivement à l’objet du recours (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2013, Telefónica/Commission, C‑274/12 P, Rec, EU:C:2013:852, point 31).

38      En l’espèce, la requérante vise, par son recours, l’annulation de la décision attaquée. L’article 1er de la décision attaquée déclare l’aide en cause compatible avec le marché intérieur et en autorise la mise à exécution. L’article 2 de cette même décision indique que cette dernière est adressée à la République française.

39      Ainsi, le dispositif de la décision attaquée ne définit pas les conséquences spécifiques et concrètes de la déclaration de compatibilité ni pour des bénéficiaires, ni pour toute autre personne, qui pourrait être affectée d’une manière quelconque par la mesure en cause (voir, en ce sens, arrêt du 26 septembre 2014, Royal Scandinavian Casino Århus/Commission, T‑615/11, EU:T:2014:838, point 50).

40      Toutefois, en réponse à une question écrite posée par le Tribunal, la République française a indiqué que, pour mettre en œuvre l’aide déclarée compatible par la Commission, elle avait adopté des mesures nationales d’exécution. En effet, d’une part, les autorités françaises ont adopté l’article 22 de la loi 2013-1279, du 29 décembre 2013, de finances rectificative pour 2013 qui modifie l’article 1609 tertricies du Code général des impôts afin d’établir la taxe dont le produit a été affecté au versement de l’aide en faveur des Sociétés de courses. D’autre part, en application de l’article 1609 tertricies du Code général des impôts, des décrets ont été pris pour fixer le taux annuel de la taxe.

41      Il s’ensuit que les conséquences spécifiques et concrètes de la décision attaquée à l’égard des opérateurs économiques se sont matérialisées par des actes nationaux qui constituent, en tant que tels, des mesures d’exécution de la décision attaquée, au sens du dernier membre de phrase de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. Ces actes devaient intervenir après l’adoption de la décision attaquée afin que l’aide en cause produise des effets à l’égard des requérantes. En outre, il convient de relever que lesdits actes pouvant être contestés devant le juge national, les requérantes pouvaient accéder au juge, et cela sans être contraintes d’enfreindre le droit. En effet, dans le cadre d’un recours devant les juridictions nationales, elles auraient pu faire valoir l’invalidité de la décision attaquée et amener celles-ci à interroger, sur le fondement de l’article 267 TFUE, la Cour par la voie de questions préjudicielles (voir, en ce sens, Royal Scandinavian Casino Århus/Commission, point 39 supra, EU:T:2014:838, point 51 et jurisprudence citée).

42      Par conséquent, il en résulte que la décision attaquée comporte des mesures d’exécution.

43      Ainsi, la décision attaquée ne saurait être qualifiée d’acte réglementaire ne comportant pas de mesures d’exécution au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

44      En second lieu, il convient donc de vérifier si les requérantes sont directement et individuellement concernées par la décision attaquée, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

45      Selon une jurisprudence constante, les sujets autres que les destinataires d’une décision ne sauraient prétendre être individuellement concernés que si cette décision les atteint en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, les individualise d’une manière analogue à celle dont le destinataire d’une telle décision le serait (arrêts du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, Rec, EU:C:1963:17, p. 223 ; du 28 avril 2015, T & L Sugars et Sidul Açúcares/Commission, C‑456/13 P, Rec, EU:C:2015:284, point 63, et du 17 septembre 2015, Mory e.a./Commission, C‑33/14 P, Rec, EU:C:2015:609, point 93).

46      S’agissant d’une décision de la Commission en matière d’aides d’État, il convient de rappeler que, dans le cadre de la procédure de contrôle des aides d’État prévue à l’article 108 TFUE, doivent être distinguées, d’une part, la phase préliminaire d’examen des aides instituée au paragraphe 3 de cet article, qui a seulement pour objet de permettre à la Commission de se former une première opinion sur la compatibilité partielle ou totale de l’aide en cause, et, d’autre part, la phase d’examen visée au paragraphe 2 dudit article. Ce n’est que dans le cadre de celle‑ci, qui est destinée à permettre à la Commission d’avoir une information complète sur l’ensemble des données de l’affaire, que le traité prévoit l’obligation, pour la Commission, de mettre en demeure les intéressés de présenter leurs observations (voir, en ce sens, arrêts du 9 juillet 2009, 3F/Commission, C‑319/07 P, Rec, EU:C:2009:435, point 30, et Mory e.a./Commission, point 45 supra, EU:C:2015:609, point 94).

47      Il en résulte que, lorsque, sans ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, la Commission constate, par une décision prise sur le fondement du paragraphe 3 du même article, qu’une aide est compatible avec le marché intérieur, les bénéficiaires de ces garanties de procédure ne peuvent en obtenir le respect que s’ils ont la possibilité de contester cette décision devant le juge de l’Union. Pour ces motifs, est recevable un recours visant à l’annulation d’une telle décision, introduit par un intéressé au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, lorsque l’auteur de ce recours cherche, par l’introduction de celui-ci, à sauvegarder les droits procéduraux qu’il tire de cette dernière disposition (voir, en ce sens, arrêt Mory e.a./Commission, point 45 supra, EU:C:2015:609, point 95).

48      Il convient de rappeler que de tels intéressés sont les personnes, les entreprises ou les associations éventuellement affectées dans leurs intérêts par l’octroi d’une aide, c’est-à-dire, en particulier, les entreprises concurrentes des bénéficiaires de cette aide et les organisations professionnelles (voir, en ce sens, arrêt Mory e.a./Commission, point 45 supra, EU:C:2015:609, point 96).

49      En revanche, si le requérant met en cause le bien-fondé d’une décision d’appréciation de l’aide prise sur le fondement de l’article 108, paragraphe 3, TFUE ou à l’issue de la procédure formelle d’examen, le simple fait qu’il puisse être considéré comme intéressé au sens du paragraphe 2 de cet article ne saurait suffire pour admettre la recevabilité du recours. Il doit alors démontrer qu’il a un statut particulier au sens de la jurisprudence rappelée au point 45 de la présente ordonnance. Il en est notamment ainsi dans le cas où la position du requérant sur le marché est substantiellement affectée par l’aide faisant l’objet de la décision en cause (voir, en ce sens, arrêt Mory e.a./Commission, point 45 supra, EU:C:2015:609, point 97 et jurisprudence citée).

50      Il convient de rappeler également que, selon la jurisprudence, les recours formés par des associations, telles que les requérantes, sont recevables dans trois situations, à savoir lorsqu’elles représentent les intérêts de leurs membres qui seraient recevables à agir, lorsqu’elles sont individualisées en raison de l’affectation de leurs intérêts propres en tant qu’association, notamment parce que leur position de négociatrice a été affectée par l’acte dont l’annulation est demandée, ou encore lorsqu’une disposition légale leur reconnaît expressément une série de facultés à caractère procédural (voir, en ce sens, ordonnance du 3 avril 2014, ADEAS/Commission, T‑7/13, EU:T:2014:221, point 32 et jurisprudence citée).

51      En l’espèce, la qualité pour agir des requérantes doit être examinée, en premier lieu, au regard de l’affectation individuelle de leurs membres et, en second lieu, au regard de l’affectation de leurs intérêts propres.

 Sur l’affectation individuelle des membres des requérantes

52      Les requérantes fondent principalement leur qualité pour agir sur celle de leurs membres. Elles affirment, en substance, que le recours est recevable, car leurs membres, qui sont actifs en France, auraient qualité pour agir en raison du fait que leur position concurrentielle serait substantiellement affectée par la mesure litigieuse.

53      À titre liminaire, il convient de relever que c’est à tort que la Commission prétend, en invoquant l’article 48, paragraphe 1, du règlement de procédure du 2 mai 1991, que les éléments de preuve fournis par les requérantes au stade de la réplique sont irrecevables, au motif que ces dernières n’auraient pas motivé leur production tardive. En effet, aux termes de l’article 85, paragraphe 2, du règlement de procédure, les parties principales peuvent produire des preuves ou faire des offres de preuves dans la réplique et la duplique à l’appui de leur argumentation, mais à condition que le retard dans la présentation de celles-ci soit justifié. Cependant, selon la jurisprudence, la preuve contraire et l’amplification des offres de preuve fournies à la suite d’une preuve contraire de la partie adverse dans son mémoire en défense ne sont pas visées par la règle de forclusion prévue à l’article 85, paragraphe 2, du règlement de procédure. En effet, cette disposition concerne les offres de preuve nouvelles et doit être lue à la lumière de l’article 92, paragraphe 7, dudit règlement, qui prévoit expressément que la preuve contraire et l’amplification des offres de preuve restent réservées (voir, en ce sens, ordonnance du 7 mars 2013, UOP/Commission, T‑198/09, EU:T:2013:105, point 32 et jurisprudence citée). [Dup. 12, 13]

54      En l’espèce, il y a lieu de considérer que les offres de preuve apportées par les requérantes dans la réplique visent à répondre aux arguments concernant l’irrecevabilité du recours soulevés par la Commission dans la défense et, plus particulièrement, à ceux relatifs à l’affectation individuelle de certains de leurs membres sur le marché concerné par l’aide litigieuse. Partant, la règle de forclusion prévue à l’article 85, paragraphe 2, du règlement de procédure ne trouve pas à s’appliquer à leur égard, de sorte que les éléments de preuve en cause sont recevables.

55      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner si l’un des membres de l’une des requérantes est individuellement concerné par la décision attaquée.

56      Les requérantes font valoir que la situation de leurs membres est substantiellement affectée sur le marché des services de jeux d’argent et de hasard en France, en substance, pour trois raisons. D’abord, la mesure litigieuse affecterait substantiellement la position concurrentielle de leurs membres. Ensuite, les résultats commerciaux de leurs membres évolueraient moins favorablement qu’en l’absence de la mesure litigieuse et donc cette dernière porterait inévitablement atteinte à leurs recettes et bénéfices. Enfin, la mesure litigieuse profiterait à un concurrent dominant et imposerait une charge injustifiée sur leurs activités commerciales.

57      À cet égard, il y a lieu de rappeler, s’agissant de l’étendue du contrôle juridictionnel, qu’il n’appartient pas au juge de l’Union, au stade de l’examen de la recevabilité, de se prononcer de façon définitive sur les rapports de concurrence entre les membres des requérantes et les entreprises bénéficiaires de l’aide en cause. Il incombe seulement aux requérantes d’indiquer de façon pertinente les raisons pour lesquelles l’aide en cause est susceptible de léser les intérêts légitimes d’un ou de plusieurs de leurs membres en affectant substantiellement leur position sur le marché en cause (arrêt du 26 septembre 2014, Dansk Automat Brancheforening/Commission, T‑601/11, Rec, EU:T:2014:839, point 40 et jurisprudence citée).

58      Il convient également de rappeler qu’il ressort d’une jurisprudence constante que la seule circonstance qu’un acte, tel que la décision attaquée, est susceptible d’exercer une certaine influence sur les rapports de concurrence existant dans le marché pertinent et que l’entreprise concernée se trouve dans une quelconque relation de concurrence avec le bénéficiaire de l’aide ne saurait en tout état de cause suffire pour que ladite entreprise puisse être considérée comme individuellement concernée par ledit acte (voir, en ce sens, arrêt Mory e.a./Commission, point 45 supra, EU:C:2015:609, point 99 et jurisprudence citée).

59      Dès lors, une entreprise, telle qu’un membre de l’une des requérantes, ne saurait se prévaloir uniquement de sa qualité de concurrente par rapport à l’entreprise bénéficiaire, mais doit établir, en outre, qu’elle est dans une situation de fait qui l’individualise d’une manière analogue à celle du destinataire (voir, en ce sens, arrêt Mory e.a./Commission, point 45 supra, EU:C:2015:609, point 100 et jurisprudence citée).

60      En premier lieu, et à la lumière de la jurisprudence citée aux points 57 à 59 ci-dessus, il convient de constater que les trois arguments avancés par les requérantes et rappelés au point 56 ne sont ni pertinents ni suffisants pour démontrer l’affectation individuelle de leurs membres. En effet, dans la requête, les requérantes font uniquement état des conséquences générales de la mesure litigieuse sur la situation de leurs membres. Or, de telles conséquences générales concernent les membres des requérantes à l’instar de n’importe quel concurrent actif dans le secteur des paris hippiques en ligne en France. En particulier, il y a d’abord lieu de relever que le renforcement de la position concurrentielle du PMU découle de l’existence même de l’aide. Ensuite, l’influence de la mesure litigieuse sur les marges bénéficiaires des membres des requérantes découle du mode du financement de l’aide. Enfin, le PMU est lui-même soumis à la taxe parafiscale qui finance l’aide.

61      En deuxième lieu, il convient d’observer que les requérantes n’avancent pas d’éléments concrets et suffisants concernant l’affectation de leurs membres, envisagés individuellement.

62      Dans la requête, les requérantes ne citent pas le nom de leurs membres, n’avancent pas de chiffres spécifiques et ne mentionnent pas d’éléments concrets qui prouveraient l’affectation substantielle d’un de leurs membres. En effet, elles se bornent à faire référence à leurs membres de manière abstraite et à fournir des chiffres qui concernent l’ensemble du secteur des paris hippiques et, parfois même, la totalité du secteur des jeux de paris en ligne.

63      Il est vrai que, au stade de la réplique, les requérantes mentionnent pour la première fois le nom de deux de leurs membres. Toutefois, les requérantes indiquent et démontrent uniquement que ces deux entreprises sont actives sur le marché des services de paris hippiques et sont assujetties à la taxe parafiscale, qui est le mode de financement de la mesure litigeuse. C’est ainsi, par exemple, que, en annexe à la réplique, les requérantes se bornent à produire un document qui tend à montrer, sans explication précise, l’incidence de la taxe parafiscale sur le chiffre d’affaires de l’un des membres.

64      Or, de tels éléments ne suffisent pas pour démontrer l’affectation individuelle de l’un des membres des requérantes.

65      Par conséquent, il y a lieu de constater que les requérantes n’ont pas apporté d’éléments concrets et précis de manière à individualiser leurs membres par rapport aux autres concurrents.

66      En troisième lieu, il convient d’observer que la décision attaquée affecte les intérêts de tous les acteurs présents dans le secteur des paris hippiques en ligne en France : ceux qui étaient présents sur ce marché avant l’adoption de la décision attaquée, ceux qui sont entrés sur ce marché après l’adoption de la décision attaquée et ceux qui entreront sur ce marché à l’avenir. Les membres des requérantes font ainsi partie d’un ensemble indéterminé d’opérateurs économiques dont le cercle pourrait s’agrandir après l’adoption de la décision attaquée. Ils ne font pas partie d’un cercle fermé, c’est-à-dire d’un groupe qui ne peut plus s’élargir après l’adoption de l’acte attaqué (voir, en ce sens, ordonnance du 29 mars 2012, Asociación Española de Banca/Commission, T‑236/10, Rec, EU:T:2012:176, point 39).

67      Ainsi, les membres des requérantes ne sont pas atteints par la décision attaquée en raison d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et les individualise d’une manière analogue à celle dont le destinataire d’une telle décision le serait. En effet, les membres des requérantes ne sont concernés qu’en leur qualité objective d’assujettis d’une taxe parafiscale, au même titre que tout autre concurrent dans le secteur en cause (voir, en ce sens, ordonnance du 27 août 2008, Adomex/Commission, T‑315/05, EU:T:2008:300, point 27, et arrêt du 10 décembre 2008, Kronoply et Kronotex/Commission, T‑388/02, EU:T:2008:556, point 66).

68      Une interprétation contraire aboutirait à la situation dans laquelle un nouveau concurrent, qui devient actif dans le secteur des paris hippiques en ligne en France après l’adoption de la décision attaquée, pourrait également prétendre être individuellement affecté par ladite décision. En d’autres termes, dans un cas tel que celui de l’espèce, où l’aide est financée au moyen d’une taxe parafiscale, faire droit aux prétentions des requérantes aboutirait au résultat que chaque entreprise assujettie à une telle taxe, qui se limite à invoquer une perte financière liée à cette taxe, pourrait prétendre être individuellement concernée par l’aide.

69      Par conséquent, les requérantes n’ayant pas démontré, d’une part, que la décision attaquée affecterait leurs membres pour d’autres raisons que leur seule qualité objective d’exploitants de paris hippiques en ligne en France, et, d’autre part, l’importance de l’impact spécifique que pourrait avoir cette décision sur la situation économique de leurs membres, elles n’ont dès lors pas établi que la décision attaquée était susceptible de porter une atteinte substantielle à la position de l’un ou de plusieurs de leurs membres sur le marché concerné. Les membres des requérantes ne sont donc pas individuellement concernés par la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêt Dansk Automat Brancheforening/Commission, point 57 supra, EU:T:2014:839, point 52).

70      Il en résulte que la qualité pour agir des requérantes ne saurait être considérée comme ayant été établie sur la base de la qualité pour agir de leurs membres.

 Sur l’affectation des intérêts propres des requérantes

71      Les requérantes font valoir qu’au moins l’une d’entre elles, et spécifiquement l’EGBA, aurait qualité pour agir compte tenu de l’affectation de ses intérêts propres. En effet, elles soutiennent que l’EGBA a la qualité de partie intéressée, au motif qu’elle a présenté des observations lors de la procédure formelle devant la Commission.

72      Elles soutiennent également, dans la réplique, que, à tout le moins, le premier moyen, tiré de la violation des garanties procédurales prévues à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, ainsi que du principe de bonne administration et des articles 41 et 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, doit être déclaré recevable. Plus précisément, par leur premier moyen, les requérantes font valoir, en substance, que la Commission aurait dû informer l’EGBA et solliciter une deuxième fois ses observations lorsque la mesure initialement notifiée a été modifiée par les autorités françaises.

73      En l’espèce, par leur recours, les requérantes contestent une décision adoptée à l’issue de la procédure formelle d’examen.

74      À cet égard, il faut rappeler que, si une requérante met en cause une décision d’appréciation de l’aide à l’issue de la procédure formelle d’examen, il ne saurait être inféré de la seule participation de celle-ci à la procédure administrative qu’elle a qualité pour agir (voir, en ce sens, la jurisprudence citée au point 49 ci-dessus).

75      Ainsi, l’EGBA s’étant limitée à présenter ses observations lors de la procédure formelle d’examen, comme les autres parties intéressées, son recours, et par conséquent le premier moyen, ne saurait être déclaré recevable sur le fondement de la défense de ses intérêts propres dans le cadre de la procédure ayant abouti à la décision attaquée (voir, en ce sens, ordonnance Asociación Española de Banca/Commission, point 66 supra, EU:T:2012:176, point 46).

76      Il en résulte que la qualité pour agir des requérantes n’est pas établie en l’espèce et que le recours doit donc être rejeté comme manifestement irrecevable.

 Sur les dépens

77      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

78      En l’espèce, les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner à supporter leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.

79      Par ailleurs, en application de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, la République française supporte ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté.

2)      European Gaming and Betting Association (EGBA) et The Remote Gambling Association (RGA) supporteront leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.

3)      La République française supportera ses propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 26 avril 2016.

Le greffier

 

       Le président

E.  Coulon

 

       S. Papasavvas


* Langue de procédure : l’anglais.