Language of document : ECLI:EU:T:2011:673

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

16 novembre 2011(*)

« Concurrence – Ententes – Secteur des sacs industriels en plastique – Décision constatant une infraction à l’article 81, paragraphe 1, CE – Notion d’entreprise – Imputabilité du comportement infractionnel – Présomption d’innocence »

Dans l’affaire T‑78/06,

Armando Álvarez, SA, établie à Madrid (Espagne), représentée initialement par Mes E. Garayar Gutiérrez et A. García Castillo, puis par Mes Garayar Gutiérrez, M. Troncoso Ferrer et C. Ruixó Claramunt, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. F. Castillo de la Torre, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation partielle de la décision C (2005) 4634 final de la Commission, du 30 novembre 2005, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] (Affaire COMP/F/38.354 – Sacs industriels) concernant une entente sur le marché des sacs industriels en plastique, ainsi que, à titre subsidiaire, une demande tendant à la réduction de l’amende qui a été infligée à la requérante,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de Mmes I. Pelikánová, président, K. Jürimäe et M. M. van der Woude (rapporteur), juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 2 mars 2011,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La requérante, Armando Álvarez, SA, est une société anonyme de droit espagnol, sise à Madrid (Espagne). Elle a développé depuis les années soixante diverses activités industrielles dans les secteurs de la fabrication de bidons métalliques, de la menuiserie industrielle et de la vente de bois. Armando Álvarez possède plusieurs filiales, dont, notamment, la société Plasticos Españoles, SA (ci-après « Aspla »), dont elle détenait 98,6 % du capital en 2002. Aspla fabrique et vend des produits plastiques, dont des sacs industriels.

2        En novembre 2001, la société British Polythene Industries plc a informé la Commission de l’existence d’une entente dans le secteur des sacs industriels (ci-après l’« entente »). Elle a exprimé son souhait de coopérer dans le cadre des dispositions de la communication de la Commission concernant la non-imposition d’amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 1996, C 207, p. 4).

3        Les 26 et 27 juin 2002, la Commission des Communautés européennes a procédé à des vérifications auprès de treize entreprises en application de l’article 14, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81 CE] et [82 CE] (JO 1962, 13, p. 204).

4        Le 29 avril 2004, la Commission a engagé la procédure administrative et a adopté une communication des griefs à l’encontre de plusieurs sociétés dont, notamment, la requérante et Aspla. Une audition s’est tenue du 26 au 28 juillet 2004.

5        Le 30 novembre 2005, la Commission a adopté la décision C (2005) 4634 final, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] (Affaire COMP/F/38.354 – Sacs industriels) (ci-après la « décision attaquée »), dont un résumé est publié au Journal officiel de l’Union européenne du 26 octobre 2007 (JO L 282, p. 41).

6        Le dispositif de la décision attaquée comprend notamment les dispositions suivantes :

« Article premier

1.      Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 81 CE en participant, durant les périodes indiquées, à un ensemble d’accords et de pratiques concertées dans le secteur des sacs industriels en matière plastique, en Belgique, en Allemagne, en Espagne, en France, au Luxembourg et aux Pays-Bas, ayant porté sur la fixation des prix et la mise en place de modèles communs de calcul de prix, le partage des marchés et l’attribution de quotas de vente, l’allocation de clients, d’affaires et de commandes, la soumission concertée à certains appels d’offres et l’échange d’informations individualisées :

[…]

j)       [Aspla] et la [requérante], du 8 mars 1991 au 26 juin 2002 ;

[…]

Article 2

Les amendes suivantes sont infligées pour les infractions visées à l’article 1er :

[…]

h)       [Aspla] et la [requérante], conjointement et solidairement : 42 millions d’euros ;

[…]

Article 3

Les entreprises visées à l’article 1er mettent fin immédiatement aux infractions visées audit article, dans la mesure où elles ne l’ont pas déjà fait.

Elles s’abstiennent à l’avenir de tout acte ou comportement visés à l’article 1er ainsi que de tout acte ou comportement ayant un objet ou un effet identique ou similaire.

[…] »

 Procédure et conclusions des parties

7        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 24 février 2006, la requérante a introduit le présent recours.

8        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée en ce qui concerne l’imputation qui lui a été faite de la responsabilité de l’infraction ;

–        subsidiairement, dans le cadre de l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, décider d’une réduction de l’amende qui lui a été infligée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

9        La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer irrecevables les prétentions et moyens nouvellement introduits au stade de la réplique ;

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

10      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries lors de l’audience du 2 mars 2011.

 En droit

11      Au soutien de ses conclusions, la requérante invoque dans sa requête un seul moyen, tiré d’une erreur d’appréciation des faits et d’une violation de la présomption d’innocence et du principe de respect des droits de la défense. La requérante développe ce moyen de la façon suivante. Elle énonce d’abord les principes que la Commission aurait violés dans le cas d’espèce. Elle articule, ensuite, son moyen en trois branches, qui concernent, respectivement, la présence de représentants de la requérante aux réunions de l’Association européenne des fabricants de sacs à valve en matière plastique (ci-après « Valveplast »), la présence de ces mêmes personnes aux conseils d’administration de la requérante et de sa filiale ainsi que le degré d’adhésion de la requérante au comportement d’Aspla.

12      Dans la réplique, la requérante ne suit plus cette structure de raisonnement, mais commente pour l’essentiel les principes sur lesquels se fonde la Commission pour lui imputer la responsabilité de l’infraction, en précisant qu’elle ne saurait compléter la motivation de la décision attaquée durant la procédure devant le Tribunal. La requérante y modifie également ses conclusions, ajoutant une demande visant à obtenir une réduction de l’amende. Elle se réfère, à cet égard, au pouvoir de pleine juridiction dont le Tribunal dispose en vertu de l’article 229 CE et de l’article 31 du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 2003, L 1, p. 1). Enfin, la requérante développe, à titre subsidiaire, un moyen selon lequel le principe d’individualité des peines exigerait que le degré de participation de la requérante à l’infraction soit établi avant qu’une peine puisse lui être imposée.

13      Selon la Commission, tant le moyen développé à titre principal que celui développé à titre subsidiaire doivent être rejetés. Elle considère, par ailleurs, que le moyen et les arguments soulevés au stade de la réplique sont irrecevables.

14      Le Tribunal abordera ces moyens et arguments dans l’ordre suivant. Il examinera, premièrement, la motivation de la décision attaquée. Deuxièmement, il rappellera les principes que la Commission doit respecter lorsqu’elle impute à une société mère la responsabilité d’une infraction à l’article 81 CE. Troisièmement, le Tribunal examinera, au regard des trois branches du moyen développé dans la requête, si la Commission a respecté lesdits principes dans le cas d’espèce. Quatrièmement, le Tribunal appréciera la recevabilité et le bien-fondé du moyen développé par la requérante au stade de la réplique.

  Sur la motivation de la décision attaquée

15      Bien que la requérante n’allègue pas explicitement que la décision attaquée souffre d’un vice de motivation, elle se plaint de certaines incohérences dans le raisonnement de la Commission. Elle fait valoir notamment que le considérant 584 de la décision attaquée distingue les sociétés dont la participation à l’infraction est manifeste et celles qui sont destinataires de ladite décision parce qu’identifiées comme faisant partie de l’entité économique responsable de l’infraction. Il ressortirait du considérant 586 que, contrairement à celui de sa filiale Aspla, le nom de la requérante n’apparaît pas dans la liste des sociétés qui auraient participé à l’entente. La requérante en conclut que sa responsabilité dépend de son appartenance à la même entité économique que celle d’Aspla. Elle se pose toutefois la question de savoir si la décision attaquée est suffisamment motivée à cet égard.

16      Cette question doit être analysée à la lumière d’une jurisprudence constante selon laquelle la motivation doit faire apparaître de manière claire et non équivoque le raisonnement de l’institution auteur de l’acte, de façon à permettre, d’une part, au juge de l’Union d’exercer un contrôle de légalité et, d’autre part, aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de pouvoir défendre leurs droits et de vérifier si la décision est bien fondée. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 253 CE doit être appréciée non seulement au regard de son libellé, mais aussi au regard de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêts de la Cour du 29 février 1996, Belgique/Commission, C‑56/93, Rec. p. I‑723, point 86, et du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec. p. I‑1719, point 63).

17      Or, en l’espèce, il y a lieu de constater que, aux considérants 669 à 678 de la décision attaquée, la Commission développe les raisons qui l’ont amenée à tenir la requérante et sa filiale Aspla solidairement responsables de l’infraction.

18      Il ressort de ces considérants que la requérante détenait non seulement la quasi-totalité du capital de sa filiale, mais qu’elle était également impliquée de façon très étroite dans sa direction opérationnelle. En effet, les membres du conseil d’administration d’Aspla siégeaient également au conseil d’administration de la requérante. Les deux conseils étaient en outre présidés par la même personne, M. A.

19      De plus, il est précisé au considérant 675 de la décision attaquée que M. J., vice-président de la requérante et d’Aspla, a participé au moins à 22 réunions de Valveplast comme représentant d’Aspla entre 1988 et 1997, que M. A. a participé au moins une fois à une réunion de Valveplast, le 4 décembre 1990, et que les dirigeants de la requérante ont reçu des comptes rendus des réunions de Valveplast établis par M. I. entre 1995 et 2001. Le considérant 676 de ladite décision indique qu’il est donc incontestable que les dirigeants de la requérante agissaient au nom et pour le compte d’Aspla, que la requérante influait de ce fait nécessairement sur la gestion de sa filiale, qu’elle était ainsi parfaitement informée des comportements anticoncurrentiels de sa filiale et qu’elle les a expressément ou tacitement laissés se développer, manifestant ainsi une adhésion sans réserve à l’entente.

20      La décision attaquée contient ainsi un exposé détaillé des raisons qui ont amené la Commission à tenir la requérante et sa filiale solidairement responsables de l’infraction. Il ressort par ailleurs des écrits de la requérante qu’elle a parfaitement compris ces raisons en les critiquant une à une.

21      Il s’ensuit que la décision attaquée répond aux exigences de l’article 253 CE.

 Sur l’imputabilité de la responsabilité d’une infraction à une société mère

22      La requérante souligne l’importance de la présomption d’innocence garantie par l’article 6 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, et la nécessité d’agir avec la plus grande prudence dans l’admission des preuves par présomption. Selon la requérante, cette exigence impliquait en l’espèce que la Commission établisse quel comportement précis elle lui imputait pour conclure qu’elle avait participé aux faits incriminés. Il en découlerait également qu’elle ne saurait être tenue responsable du comportement d’Aspla que si celle-ci appliquait pour l’essentiel les instructions que lui transmettait son groupe et si ce groupe jouait un rôle d’impulsion et de coordination.

23      À cet égard, il convient d’observer, tout d’abord, que le principe du respect des droits de la défense et la présomption d’innocence, tels qu’ils résultent notamment de l’article 6, paragraphe 2, de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, font partie des droits fondamentaux qui, selon la jurisprudence de la Cour et l’article 48 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, proclamée le 7 décembre 2000 à Nice (JO C 364, p. 1), lu en combinaison avec l’article 6 TUE, sont protégés dans l’ordre juridique de l’Union. Eu égard à la nature des infractions en cause ainsi qu’à la nature et au degré de sévérité des sanctions qui s’y rattachent, la présomption d’innocence s’applique notamment aux procédures relatives à des violations des règles de concurrence applicables aux entreprises susceptibles d’aboutir à la prononciation d’amendes ou d’astreintes (arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, JFE Engineering e.a./Commission, T‑67/00, T‑68/00, T‑71/00 et T‑78/00, Rec. p. II‑2501, point 178).

24      Il y a lieu d’observer, ensuite, que le principe de la responsabilité personnelle et individuelle pour les délits et les peines constitue également une garantie fondamentale empêchant qu’une peine soit subie par une personne autre que le coupable et limitant ainsi l’exercice des pouvoirs de répression de la Commission dans les procédures visant à faire respecter les règles de concurrence de l’Union.

25      S’agissant du droit de la concurrence de l’Union, il convient de rappeler que les interdictions visent les activités des entreprises et que la notion d’entreprise désigne toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement. La Cour a également précisé que la notion d’entreprise, placée dans ce contexte, devait être comprise comme désignant une unité économique, même si, du point de vue juridique, cette unité économique était constituée de plusieurs personnes physiques ou morales. Lorsqu’une telle entité économique enfreint les règles de la concurrence, il lui incombe, selon le principe de la responsabilité personnelle, de répondre de cette infraction (arrêt de la Cour du 20 janvier 2011, General Química e.a./Commission, C‑90/09 P, non encore publié au Recueil, points 34 à 36).

26      S’agissant de la question de savoir dans quelles circonstances une personne juridique qui n’est pas l’auteur de l’infraction peut néanmoins être sanctionnée, il résulte d’une jurisprudence constante que le comportement d’une filiale peut être imputé à la société mère notamment lorsque, bien qu’ayant une personnalité juridique distincte, cette filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l’essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère, eu égard en particulier aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent ces deux entités juridiques. En effet, dans une telle situation, la société mère et sa filiale faisant partie d’une même unité économique et formant ainsi une seule entreprise au sens de l’article 81 CE, la Commission peut adresser une décision imposant des amendes à la société mère sans qu’il soit requis d’établir l’implication personnelle de cette dernière dans l’infraction (arrêt General Química e.a./Commission, point 25 supra, points 37 à 38).

27      À cet égard, la Cour a précisé que, dans le cas particulier où une société mère détenait 100 % du capital de sa filiale ayant commis une infraction aux règles de concurrence de l’Union, d’une part, cette société mère pouvait exercer une influence déterminante sur le comportement de cette filiale et, d’autre part, il existait une présomption réfragable selon laquelle ladite société mère exerçait effectivement une telle influence (arrêt General Química e.a./Commission, point 25 supra, points 37 à 39).

28      Dans ces conditions, il suffit que la Commission prouve que la totalité du capital d’une filiale est détenue par sa société mère pour présumer que cette dernière exerce une influence déterminante sur la politique commerciale de cette filiale. La Commission sera en mesure, par la suite, de considérer la société mère comme tenue solidairement au paiement de l’amende infligée à sa filiale, à moins que cette société mère, à laquelle il incombe de renverser cette présomption, n’apporte des éléments de preuve suffisants de nature à démontrer que sa filiale se comporte de façon autonome sur le marché (arrêt General Química e.a./Commission, point 25 supra, point 40).

29      En outre, dès lors qu’il est établi que la société mère et la filiale constituent une unité économique, la Commission a la faculté, selon une jurisprudence constante, d’imputer la responsabilité d’un comportement infractionnel à la société mère, à la filiale ou à la société mère solidairement avec sa filiale.

30      Il résulte de l’ensemble de ces considérations que la Commission peut imputer la responsabilité d’une infraction à l’article 81 CE commise par une filiale à sa société mère, si les deux sociétés appartiennent à la même entité économique, sans qu’elle ait à démontrer l’implication de la société mère elle-même dans les comportements infractionnels en cause.

 Sur l’imputabilité de la responsabilité de l’infraction à la requérante

31      La requérante estime que la Commission a méconnu la présomption d’innocence et le principe de respect des droits de la défense en fondant l’imputation de la responsabilité de l’infraction sur des considérations inexactes ou dépourvues de pertinence. D’abord, le simple fait que ses dirigeants aient participé aux réunions de Valveplast ne signifierait pas que ces personnes aient agi au nom et pour le compte de la requérante.

32      Ensuite, elle fait valoir que la présence de ses dirigeants au conseil d’administration de sa filiale n’est pas un indice de l’exercice de son influence décisive sur le comportement commercial de ladite filiale. En effet, la requérante présiderait un groupe caractérisé par une grande autonomie de ses filiales, dont la gestion commerciale incomberait aux directeurs opérationnels et non au conseil d’administration. De plus, la requérante ne serait pas une société holding, mais exercerait ses propres activités industrielles, distinctes de celles de sa filiale Aspla, dont elle ne détiendrait par ailleurs que 98,6 % du capital.

33      Enfin, la requérante estime que la Commission a non seulement omis de prouver l’exercice, de sa part, d’une influence décisive sur le comportement commercial de sa filiale, mais a également failli à démontrer son adhésion au comportement infractionnel de celle-ci.

34      Ces arguments ne sauraient être accueillis pour les raisons suivantes.

35      Premièrement, il convient de rappeler que la Commission était en droit de présumer que la requérante exerçait une influence déterminante sur le comportement commercial d’Aspla et que les deux sociétés formaient une seule entreprise au sens de l’article 81 CE, dans la mesure où la requérante détenait la quasi-totalité du capital de cette filiale. Il importe peu, à cet égard, que la requérante n’ait pas détenu la totalité des actions de ladite filiale. En effet, la présence d’une influence déterminante peut être également présumée lorsque le degré de contrôle est équivalent à celui d’un contrôle à 100 % . En outre, la Commission a précisé que les 1,4 % de parts restantes étaient détenues par des personnes morales ou physiques liées ou apparentées à la requérante.

36      Deuxièmement, la requérante n’a avancé aucun argument permettant de réfuter la présomption de contrôle effectif découlant des liens capitalistiques existants entre la requérante et sa filiale. La circonstance selon laquelle la requérante avait des activités industrielles propres, différentes de celles d’Aspla et donc de celles visées par l’entente, ne saurait conduire à une conclusion inverse. En effet, la participation à une entente ne nécessitait pas une activité industrielle sur le marché affecté par les comportements infractionnels.

37      Les arguments que la requérante avance pour démontrer l’autonomie d’Aspla sont dépourvus de pertinence et peu plausibles, eu égard à l’identité des plus hauts dirigeants des deux sociétés. En effet, la responsabilité finale du comportement d’Aspla incombait aux mêmes personnes que celles responsables du comportement de la requérante. Les arguments tirés de la nature des activités industrielles des deux sociétés, de leur valeur économique, de l’emploi de cadres externes et du droit des sociétés espagnol ne sauraient remettre en cause ni la responsabilité finale des plus hauts dirigeants pour le fonctionnement des deux sociétés ni les effets pratiques du chevauchement des deux conseils d’administration sur la gestion d’Aspla.

38      Troisièmement, la Commission fait valoir à juste titre que la participation des plus hauts dirigeants de la requérante à plusieurs réunions de Valveplast suffit à établir que la requérante intervenait elle-même dans les décisions en rapport avec l’infraction (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 20 mars 2002, ABB Asea Brown Boveri/Commission, T‑31/99, Rec. p. II‑1881, points 33 à 37). En outre, la requérante était tenue informée des autres réunions par des comptes rendus établis par des représentants d’Aspla. Ainsi, la requérante intervenait directement dans les discussions de l’entente.

39      L’argument de la requérante selon lequel les comportements anticoncurrentiels n’auraient pu lui être imputés que si elle avait agi en son nom et pour son compte doit également être écarté. D’abord, la requérante fait partie de la même entreprise que sa filiale. Ensuite, le fait que les représentants de la requérante n’aient pas été formellement mandatés par la société mère pour participer à l’entente est dépourvu de pertinence. En effet, la participation à des ententes est une activité clandestine, dont la répression ne saurait dépendre de considérations de pure forme. Il suffirait, dans le cas contraire, à une société mère de refuser la délivrance d’un mandat de représentation pour se mettre à l’abri des règles de concurrence, notamment dans des situations telles que celles de l’espèce, où la responsabilité finale de la délivrance d’un tel mandat incombait aux mêmes personnes que celles qui participaient elles-mêmes à l’entente.

40      Quatrièmement, la requérante n’avance aucun argument à l’appui de sa thèse relative à la violation de ses droits de la défense par la Commission. Il n’existe donc pas d’indices permettant de supposer que ses droits auraient été violés en l’espèce.

41      Il découle de ces considérations que la Commission pouvait imputer à bon droit la responsabilité de l’infraction tant à la requérante qu’à sa filiale et, partant, les tenir solidairement responsables du paiement de l’amende infligée.

42      Il convient, dès lors, de rejeter le moyen principal.

 Sur la recevabilité du moyen développé à titre subsidiaire

43      Dans la mesure où le moyen développé à titre subsidiaire repose sur les mêmes arguments que ceux rejetés ci-dessus dans le cadre de l’analyse du moyen principal, la conclusion et le moyen développés au stade de la réplique doivent, en tout état de cause, être rejetés, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur leur recevabilité.

44      Partant, le recours doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur les dépens

45      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête:

1)      Le recours est rejeté.

2)      Armando Álvarez, SA est condamnée aux dépens.

Pelikánová

Jürimäe

Van der Woude

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 novembre 2011.

Signatures


* Langue de procédure : l’espagnol.