Language of document : ECLI:EU:T:2014:129

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

14 mars 2014 (*)

« Marque communautaire – Demande de marque communautaire consistant en l’apposition d’une fleur sur un col – Motif absolu de refus – Absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑131/13,

Lardini Srl, établie à Filottrano (Italie), représentée par Mes P. Roncaglia, G. Lazzeretti, F. Rossi et N. Parrotta, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par MM. P. Bullock et N. Bambara, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 13 décembre 2012 (affaire R 2578/2011‑1), concernant une demande d’enregistrement d’un signe constitué par l’apposition d’une fleur sur un col comme marque communautaire,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de M. M. Prek, président, Mme I. Labucka (rapporteur) et M. V. Kreuschitz, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 1er mars 2013,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 7 mai 2013,

vu la modification de la composition des chambres du Tribunal,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai d’un mois à compter de la signification de la clôture de la procédure écrite et ayant dès lors décidé, sur rapport du juge rapporteur et en application de l’article 135 bis du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 15 mars 2011, la requérante, Lardini Srl, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1).

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé, identifiée par la requérante en tant que marque « autre » est reproduite ci‑après :

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3        Dans la demande d’enregistrement, la marque en cause est décrite de la manière suivante : « La marque consiste en une fleur stylisée tridimensionnelle apposée sur le col du vêtement. Dans l’échantillon de la marque, le contour en pointillé du col n’a pour but que d’indiquer le positionnement de la marque et ne fait pas partie de celle‑ci ».

4        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 25 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Vestes, paletots, manteaux, manteaux courts et imperméables ».

5        Par décision du 11 novembre 2011, l’examinateur a refusé l’enregistrement de la marque demandée pour tous les produits mentionnés au point 4 ci-dessus au motif que ladite marque était dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009. Selon lui, la marque demandée sera perçue comme un ornement et une décoration plutôt que comme une marque. En conséquence, le consommateur moyen ne sera pas en mesure de distinguer les produits de la marque demandée de ceux ayant une autre provenance commerciale.

6        Le 16 décembre 2011, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009, contre la décision de l’examinateur.

7        Par décision du 13 décembre 2012 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours. Elle a considéré, en substance, que la marque demandée n’était pas distinctive au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 dans la mesure où, d’une part, elle était représentée de manière trop imprécise pour être mémorisée et utilisée par le consommateur de référence comme un instrument efficace de différenciation sur le marché et, d’autre part, elle représentait un élément communément employé pour orner les produits en cause. La chambre de recours a, en particulier, constaté que la présence d’une fleur sur les vêtements était fréquente et que le consommateur la percevra comme un simple ornement.

 Conclusions des parties

8        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

9        L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

10      À l’appui de son recours, la requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

11      La requérante estime, en substance, que la marque demandée est propre à revêtir, grâce à sa forme particulière et à son positionnement inhabituel, une fonction distinctive pour les produits couverts par elle.

12      L’OHMI conteste les arguments de la requérante.

13      À titre liminaire, il y a lieu de constater que la marque demandée est une « marque de position ». À cet égard il convient de relever que ni le règlement n° 207/2009 ni le règlement (CE) n° 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil sur la marque communautaire (JO L 303, p. 1) ne mentionnent les « marques de position » en tant que catégorie particulière de marques. Cependant, dans la mesure où l’article 4 du règlement nº 207/2009 ne comporte pas de liste exhaustive des signes susceptibles de constituer des marques communautaires, cette circonstance est sans pertinence s’agissant du caractère enregistrable des « marques de position ». Il apparaît, en outre, que les « marques de position » se rapprochent des catégories des marques figuratives et tridimensionnelles, dès lors qu’elles visent l’application d’éléments figuratifs ou tridimensionnels à la surface d’un produit. Toutefois, la qualification d’une « marque de position » en tant que marque figurative ou tridimensionnelle ou en tant que catégorie spécifique de marques est sans pertinence dans le cadre de l’appréciation de son caractère distinctif [arrêt du Tribunal du 15 juin 2010, X Technology Swiss/OHMI (Coloration orange de la pointe d'une chaussette), T‑547/08, Rec. p. II‑2409, points 19 à 21].

14      En effet, aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif. L’article 7, paragraphe 2, du même règlement énonce que « [l]e paragraphe 1 est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de [l’Union européenne] ».

15      Selon une jurisprudence constante, les marques visées par l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 sont celles qui sont réputées incapables d’exercer la fonction essentielle de la marque, à savoir celle d’identifier l’origine commerciale du produit ou du service en cause afin de permettre ainsi au consommateur qui acquiert le produit ou le service que la marque désigne de faire, lors d’une acquisition ultérieure, le même choix si l’expérience s’avère positive ou de faire un autre choix si elle s’avère négative [arrêts du Tribunal du 20 mai 2009, CFCMCEE/OHMI (P@YWEB CARD et PAYWEB CARD), T‑405/07 et T‑406/07, Rec. p II‑1441, point 33, et du 21 janvier 2011, BSH/OHMI (executive edition), T‑310/08, non publié au Recueil, point 23].

16      Un minimum de caractère distinctif suffit toutefois pour que le motif absolu de refus figurant à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 ne soit pas applicable [arrêts du Tribunal du 19 septembre 2001, Henkel/OHMI (Tablette ronde rouge et blanc), T‑337/99, Rec. p. II‑2597, point 44, et du 29 septembre 2009, The Smiley Company/OHMI (Représentation de la moitié d’un sourire de smiley), T‑139/08, Rec. p. II‑3535, point 16].

17      Le caractère distinctif d’un signe doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent [arrêts de la Cour du 21 janvier 2010, Audi/OHMI, C‑398/08 P, Rec. p. I‑535, point 34, et du 9 septembre 2010, OHMI/Borco-Marken-Import Matthiesen, C‑265/09 P, Rec. p. I‑8265, point 32 ; arrêt du Tribunal du 12 mars 2008, Compagnie générale de diététique/OHMI (GARUM), T‑341/06, non publié au Recueil, point 30].

18      C’est à la lumière des principes susmentionnés qu’il convient d’examiner le présent recours.

19      La marque demandée consiste en l’apposition sur le col des produits visés par ladite marque à la hauteur de la boutonnière d’une fleur constituée de quatre pétales bombés de dimensions différentes, formés à partir de quatre coutures longitudinales cousues sur un seul morceau d’étoffe, et dotée d’une petite boule, toujours en tissu, placée au croisement des coutures, pour créer un pistil. Il s’agit donc d’une marque ayant une position bien précise.

20      Dans la mesure où les produits visés par la marque demandée, à savoir les vestes, les paletots, les manteaux courts et les imperméables, sont des produits de consommation courante, le public à prendre en compte au vue de l’appréciation du caractère distinctif de la marque demandée est constitué, en l’espèce, par le consommateur moyen normalement attentif et avisé.

21      La requérante soutient que la marque demandée est distinctive notamment en raison de sa forme particulière et de son positionnement inhabituel. Selon elle, la forme non conventionnelle de la marque demandée suffirait à lui conférer un caractère distinctif. De même, elle reproche à la chambre de recours d’avoir considéré que la marque demandée n’était pas distinctive dans la mesure où les fleurs ornant le col d’une veste revêtaient une fonction décorative. À cet égard, la requérante estime que la pratique d’apposer une fleur au revers de la veste était, sauf cérémonies particulièrement élégantes, depuis longtemps tombée en désuétude. De surcroît, il s’agirait de fleurs fraîches et non en tissu. Enfin, il serait inhabituel, voire impossible, de trouver dans le commerce un pardessus proposé à la vente dont le col serait orné d’une fleur en tissu.

22      S’agissant de la forme de la fleur constituant la marque demandée, la chambre de recours a considéré qu’elle était trop sommaire pour pouvoir être mémorisée par le consommateur pertinent. En particulier, elle a estimé que les coutures représentant les quatre pétales étaient difficilement distinguables. La chambre de recours a, en substance, conclu qu’il était difficile de reconnaître la fleur dans la représentation proposée de la marque demandée.

23      Les considérations de la chambre de recours rappelées au point 22 ci‑dessus doivent être approuvées. En effet, il y a lieu de considérer que la marque demandée, telle que présentée par la requérante, est très simple et ne présente pas de caractéristiques particulières ou un aspect facilement et immédiatement mémorisable par le public pertinent qui lui permettrait d’être considérée comme une indication de l’origine commerciale des produits en cause. À supposer même que, dans la représentation de la marque demandée, le public puisse reconnaître une fleur, celle‑ci, en tant qu’elle est apposée au niveau de la boutonnière située sur le col d’un vêtement, n’est cependant pas suffisamment distinctive pour pouvoir identifier l’origine commerciale des produits qu’elle désigne.

24      Il convient d’ajouter que, ainsi que l’a également considéré la chambre de recours, le consommateur est habitué à la présence d’un ornement, y compris d’une fleur, sur le col d’une veste. Une fleur ainsi apposée sera considérée comme un simple ornement. Par conséquent, le consommateur lui attribuera une fonction exclusivement décorative et ne le considérera pas comme un signe distinctif capable de distinguer la marchandise d’un fabriquant de celle de ses concurrents.

25      À cet égard il y a lieu de rappeler qu’un signe qui remplit d’autres fonctions que celle d’une marque au sens classique n’est distinctif, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, que s’il peut être perçu d’emblée comme une indication de l’origine commerciale des produits ou des services visés afin de permettre au public pertinent de distinguer sans confusion possible les produits ou les services du titulaire de la marque de ceux qui ont une autre provenance commerciale (voir arrêt Représentation de la moitié d’un sourire de smiley, précité, point 30, et la jurisprudence citée). Ainsi qu’il ressort des considérations ci-dessus, tel n’est manifestement pas le cas en l’espèce.

26      Quant au positionnement de la marque demandée sur les produits en cause, à savoir le col des vestes, des manteaux et des autres produits visés au point 4 ci-dessus, la chambre de recours a expressément constaté, au point 15 de la décision attaquée, qu’une boutonnière était souvent insérée sur cette partie des vêtements et qu’il s’agissait d’une position habituelle pour fixer des broches, des fleurs, des médailles et des insignes, mais pas des marques. Il y a lieu d’approuver ces considérations. En effet, il est notoire qu’une fleur peut orner une boutonnière située sur le col d’un vêtement. Cette circonstance affaiblit d’autant plus la capacité de la marque demandée à servir d’indication d’origine commerciale des produits en cause.

27      La requérante indique que la chambre de recours aurait reconnu que le col des pardessus constituait une position inhabituelle pour apposer la marque de fabrique. Elle en déduit que cette circonstance prouverait que la marque demandée est distinctive.

28      Cet argument ne saurait prospérer. En effet, il y a lieu de constater que, au point 17 de la décision attaquée, la chambre de recours a indiqué que les marques des fabricants des vestes n’étaient pas habituellement apposées sur le col de celles‑ci.

29      Il convient de considérer que le consommateur n’a pas l’habitude de présumer l’origine commerciale des pardessus en se référant à un signe apposé sur le col de ceux-ci. De même, la simple affirmation selon laquelle il serait inhabituel, voire impossible, de trouver dans le commerce des pardessus dont le col serait orné d’une fleur en tissu ne saurait attester que l’origine commerciale d’un vêtement serait déduite à partir d’une fleur apposée sur son col.

30      Par ailleurs, au point 15 de la décision attaquée, la chambre de recours a particulièrement fait référence à la « fleur à la boutonnière » en rappelant la tradition d’insérer une fleur naturelle dans la boutonnière sur le col d’une veste. La requérante fait valoir en vain qu’une telle tradition est tombée en désuétude. En effet, ainsi qu’il a été souligné au point 26 ci‑dessus, il est notoire qu’une fleur peut orner une boutonnière située sur le col d’un vêtement. Le fait que, en l’espèce, la fleur ne soit pas naturelle, mais en tissu, ne change rien dans la mesure où elle sera toujours perçue comme un ornement.

31      De surcroît, il convient de relever que, aux yeux du public pertinent, les ornements présents sur le col d’un pardessus ont tendance à se confondre avec l’aspect visuel de ce vêtement. En l’espèce, cette tendance est accentuée par le fait que l’ornement est fait de la même matière que les vêtements sur le col desquels il est apposé, à savoir le tissu.

32      Il s’ensuit que c’est à bon droit que la chambre de recours a conclu, au point 25 de la décision attaquée, que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif.

33      Cette conclusion n’est pas remise en cause par les autres arguments de la requérante.

34      Selon la requérante, la chambre de recours aurait appliqué un critère d’appréciation du caractère distinctif erroné. Au lieu de rechercher si la marque demandée était distinctive aux yeux du public pertinent pour les produits en cause, elle aurait fondé son examen sur une appréciation purement esthétique, notamment en appréciant le niveau de stylisation du signe. De même, la chambre de recours aurait opéré une appréciation esthétique totalement discrétionnaire dans la mesure où elle aurait comparé la marque demandée à deux autres marques communautaires (nos 9 763 905 et 2 535 813) représentant une fleur stylisée et affirmé que ces deux marques étaient dignes de faire l’objet d’une protection.

35      À cet égard, il y a lieu de constater que la chambre de recours n’a pas considéré que la marque demandée n’était pas apte à distinguer les produits en raison de son esthétique ou de sa simplicité, mais, plus précisément, en raison de l’absence d’éléments pouvant rendre ladite marque distinctive et permettant au public pertinent de la considérer comme indiquant l’origine commerciale des produits qu’elle couvrait. Même si, la chambre de recours, au point 14 de la décision attaquée, a indiqué que la marque demandée ne représentait pas un dessin épuré d’une fleur et qu’elle était rudimentaire du point de vue de la forme, elle n’a aucunement jugé le caractère esthétique de la marque demandée, mais uniquement sa capacité distinctive (voir point 22 ci-dessus). Partant, elle n’a pas imposé de critères d’appréciation discriminatoires et n’a pas commis d’erreur dans l’appréciation du caractère distinctif de la marque demandée.

36      En ce qui concerne la comparaison de la marque demandée avec des exemples de marques invoqués par la requérante elle‑même, la chambre de recours a uniquement mis en exergue le fait que ces marques antérieures comportaient une véritable stylisation d’une fleur dans la mesure où les éléments la composant pouvaient être clairement identifiés. La marque demandée, quant à elle, était notamment caractérisée par une forme insuffisamment définie.

37      Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter le moyen unique ainsi que le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

38      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

39      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens conformément aux conclusions de l’OHMI.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Lardini Srl est condamnée aux dépens.

Prek

Labucka

Kreuschitz

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 mars 2014.

Signatures


* Langue de procédure : l’italien.