Language of document : ECLI:EU:C:2024:397

ORDONNANCE DE LA COUR (chambre d’admission des pourvois)

8 mai 2024 (*)

« Pourvoi – Marque de l’Union européenne – Admission des pourvois – Article 170 ter du règlement de procédure de la Cour – Demande ne démontrant pas l’importance d’une question pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union – Non-admission du pourvoi »

Dans l’affaire C‑689/23 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 16 novembre 2023,

Grzegorz Wyrębski, demeurant à Wróblew (Pologne), représenté par Mme A. Skup, radca prawny,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant :

QC,

QD,

QE,

parties demanderesses en première instance,

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO),

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (chambre d’admission des pourvois)

composée de M. L. Bay Larsen, vice‑président de la Cour, Mmes O. Spineanu-Matei et L. S. Rossi (rapporteure), juges,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la proposition de la juge rapporteure et l’avocat général, M. P. Pikamäe, entendu,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi, M. Grzegorz Wyrębski demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 6 septembre 2023, QC e.a./EUIPO – Wyrębski (BLUE BRAND CHICKEN) (T‑316/22, EU:T:2023:515, ci-après l’« arrêt attaqué »), par lequel celui-ci a annulé la décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 24 mars 2022 (affaire R 1166/2020-2), relative à une procédure de nullité entre M. Wyrębski, d’une part, et QC, QD, et QE, d’autre part.

 Sur la demande d’admission du pourvoi

2        En vertu de l’article 58 bis, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, l’examen des pourvois formés contre les décisions du Tribunal portant sur une décision d’une chambre de recours indépendante de l’EUIPO est subordonné à leur admission préalable par la Cour.

3        Conformément à l’article 58 bis, troisième alinéa, de ce statut, le pourvoi est admis, en tout ou en partie, selon les modalités précisées dans le règlement de procédure de la Cour, lorsqu’il soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

4        Aux termes de l’article 170 bis, paragraphe 1, du règlement de procédure, dans les situations visées à l’article 58 bis, premier alinéa, dudit statut, la partie requérante annexe à sa requête une demande d’admission du pourvoi dans laquelle elle expose la question importante que soulève le pourvoi pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et qui contient tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur cette demande.

5        Conformément à l’article 170 ter, paragraphes 1 et 3, du règlement de procédure, la Cour statue sur la demande d’admission du pourvoi dans les meilleurs délais par voie d’ordonnance motivée.

6        À l’appui de sa demande d’admission du pourvoi, le requérant fait valoir, d’une part, que le premier moyen de son pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence et le développement du droit de l’Union, et, d’autre part, que les deuxième et troisième moyens de son pourvoi soulèvent une question importante pour la cohérence du droit de l’Union.

7        Par son premier moyen, le requérant allègue une première violation de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), en ce que le Tribunal a, à tort, interprété de manière très stricte la notion de « mauvaise foi » au sens de cette disposition, attribuant une grande importance à des circonstances qui n’auraient pas dû prévaloir.

8        Plus précisément, le Tribunal aurait, tout d’abord, considéré que, pour l’appréciation de la mauvaise foi lors du dépôt d’une demande d’enregistrement d’une marque, lorsqu’il existait, entre le demandeur de l’enregistrement de cette marque et le tiers qui réclame l’annulation de celle-ci, une coopération antérieure à cet enregistrement, la forme revêtue par cette coopération présente une importance fondamentale, alors qu’une telle exigence ne résulterait ni de la législation ni de la jurisprudence. Ensuite, le Tribunal aurait assimilé les droits d’auteur sur un signe au droit de demander la protection de ce signe en tant que marque, en contradiction avec la jurisprudence. Enfin, il aurait constaté que ni l’EUIPO ni le requérant n’avaient indiqué la base légale du contrat conclu avec les titulaires, alors que rien n’obligerait à ce que le contrat sur lequel repose ladite coopération mentionne la base légale qui le sous-tend.

9        Selon le requérant, le premier moyen du pourvoi soulève une question importante de droit, visant à déterminer si les circonstances alléguées, à savoir la forme du contrat de coopération, la base légale de sa conclusion ou le simple fait de conclure un contrat de transfert de droits d’auteur, sont réellement susceptibles d’être déterminantes pour l’appréciation de la mauvaise foi lors du dépôt d’une demande d’enregistrement d’une marque.

10      D’une part, cette question serait importante pour le développement du droit de l’Union. En effet, en premier lieu, la Cour ne se serait pas encore expressément prononcée sur la possibilité que lesdites circonstances démontrent l’absence de mauvaise foi. En deuxième lieu, le motif de nullité prévu par l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 serait essentiel. En troisième lieu, ce motif étant très fréquemment invoqué devant l’EUIPO, la prise de position de la Cour à cet égard serait pertinente pour de nombreuses affaires.

11      D’autre part, ladite question serait également importante pour l’unité et la cohérence du droit de l’Union en ce que le Tribunal se serait écarté de la règle de principe qui suppose la constatation de la bonne foi ou non lors du dépôt d’une demande d’enregistrement d’une marque en tenant compte des intérêts légitimes des tiers.

12      Par son deuxième moyen, le requérant fait valoir une seconde violation de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, en ce que le Tribunal n’a pas effectué une appréciation complète de la mauvaise foi lors du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque litigieuse.

13      En particulier, le requérant argue que le Tribunal a omis de prendre en compte le fait que la demande de la marque litigieuse avait été déposée lorsque la coopération avec le requérant était en cours et qu’elle avait été faite à son insu et sans son consentement. En outre, le Tribunal aurait, au point 32 de l’arrêt attaqué, considéré de manière arbitraire et en méconnaissance des preuves collectées que la participation au processus de conception de la marque litigieuse par le requérant n’avait pas été démontrée. Par ailleurs, le Tribunal n’aurait pas dûment apprécié, d’une part, que la coopération entre les parties était fondée sur une relation de confiance dans laquelle le requérant jouait un rôle de premier plan, et, d’autre part, que le requérant avait décidé de manière indépendante de la vente de produits sous la marque litigieuse sans objections de la part des titulaires et qu’il avait engagé des dépenses, mais aussi que les titulaires avaient caché au requérant le fait que l’un des titulaires avait conclu un contrat de transfert des droits d’auteur sur le signe litigieux et qu’ils avaient pris des mesures visant à évincer le requérant du marché, cherchant à s’assurer l’exclusivité de sa clientèle.

14      Selon le requérant, le deuxième moyen du pourvoi soulève une question concernant la cohérence du droit de l’Union. En effet, il appartiendrait à la Cour d’éliminer de l’ordre juridique de l’Union les décisions de justice fondées sur une dénaturation des faits et des preuves présentées, qui sont directement liées au motif de nullité allégué.

15      Par son troisième moyen, le requérant invoque une violation de l’article 36 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, en ce que le Tribunal n’a pas suffisamment motivé l’arrêt attaqué.

16      En particulier, d’une part, le Tribunal aurait introduit, en tant qu’éléments pertinents pour l’appréciation de la mauvaise foi, des questions relatives à la base juridique et à la forme du contrat de coopération ainsi que du contrat de transfert des droits d’auteur, sans toutefois expliquer les raisons pour lesquelles ces éléments devraient être pertinents. D’autre part, le Tribunal n’aurait pas suffisamment motivé son appréciation des preuves produites devant lui.

17      Selon le requérant, outre que le caractère insuffisant de la motivation de l’arrêt attaqué est une question de droit pouvant être soulevée dans le cadre d’un pourvoi, une motivation insuffisante ne serait pas cohérente au regard du droit de l’Union. En effet, seule une motivation suffisante permettrait aux intéressés de prendre connaissance des raisons pour lesquelles leurs arguments n’ont pas été retenus par le Tribunal et fournir des éléments suffisants pour que la Cour puisse exercer son contrôle. Ainsi, l’annulation de l’arrêt attaqué sur cette base mettraient en œuvre l’exigence de cohérence du droit de l’Union.

18      À titre liminaire, il convient de relever que c’est au requérant qu’il incombe de démontrer que les questions soulevées par son pourvoi sont importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnances du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C‑382/21 P, EU:C:2021:1050, point 20, et du 11 juillet 2023, EUIPO/Neoperl, C‑93/23 P, EU:C:2023:601, point 18).

19      En outre, ainsi qu’il ressort de l’article 58 bis, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lu en combinaison avec l’article 170 bis, paragraphe 1, et l’article 170 ter, paragraphe 4, du règlement de procédure, la demande d’admission du pourvoi doit contenir tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur l’admission du pourvoi et de déterminer, en cas d’admission partielle de ce dernier, les moyens ou les branches du pourvoi sur lesquels le mémoire en réponse doit porter. En effet, étant donné que le mécanisme d’admission préalable des pourvois visé à l’article 58 bis de ce statut tend à limiter le contrôle de la Cour aux questions revêtant une importance pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, seuls les moyens soulevant de telles questions et établis par le requérant doivent être examinés par la Cour dans le cadre du pourvoi (ordonnances du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C‑382/21 P, EU:C:2021:1050, point 21, et du 11 juillet 2023, EUIPO/Neoperl, C‑93/23 P, EU:C:2023:601, point 19).

20      Ainsi, une demande d’admission du pourvoi doit, en tout état de cause, énoncer de façon claire et précise les moyens sur lesquels le pourvoi est fondé, identifier avec la même précision et la même clarté la question de droit soulevée par chaque moyen, préciser si cette question est importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et exposer de manière spécifique les raisons pour lesquelles ladite question est importante au regard du critère invoqué. En ce qui concerne, en particulier, les moyens du pourvoi, la demande d’admission du pourvoi doit préciser la disposition du droit de l’Union ou la jurisprudence qui aurait été méconnue par l’arrêt ou l’ordonnance sous pourvoi, exposer de manière succincte en quoi consiste l’erreur de droit prétendument commise par le Tribunal et indiquer dans quelle mesure cette erreur a exercé une influence sur le résultat de l’arrêt ou de l’ordonnance sous pourvoi. Lorsque l’erreur de droit invoquée résulte de la méconnaissance de la jurisprudence, la demande d’admission du pourvoi doit exposer, de façon succincte mais claire et précise, premièrement, où se situe la contradiction alléguée, en identifiant tant les points de l’arrêt ou de l’ordonnance sous pourvoi que le requérant met en cause que ceux de la décision de la Cour ou du Tribunal qui auraient été méconnus, et, deuxièmement, les raisons concrètes pour lesquelles une telle contradiction soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnances du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C‑382/21 P, EU:C:2021:1050, point 22, et du 11 juillet 2023, EUIPO/Neoperl, C‑93/23 P, EU:C:2023:601, point 20).

21      En effet, une demande d’admission du pourvoi ne contenant pas les éléments énoncés au point précédent de la présente ordonnance ne saurait être, d’emblée, susceptible de démontrer que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union justifiant son admission (ordonnances du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C‑613/19 P, EU:C:2019:205, point 16, et du 5 mars 2024, Cayago Tec/EUIPO, C‑700/23 P, EU:C:2024:223, point 17).

22      En l’occurrence, s’agissant, en premier lieu, des arguments résumés aux points 7 à 11 de la présente ordonnance, si le requérant identifie des erreurs de droit prétendument commises par le Tribunal, il n’expose toutefois pas à suffisance de droit, d’une manière respectant l’ensemble des exigences énoncées au point 20 de la présente ordonnance, les raisons pour lesquelles de telles erreurs, à les supposer établies, soulèveraient une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union qui justifierait l’admission du pourvoi.

23      En effet, la circonstance qu’une question de droit n’a pas fait l’objet d’un examen par la Cour ne signifie pas pour autant que cette question revêt nécessairement une importance pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, l’auteur d’une demande d’admission étant toujours tenu de démontrer une telle importance en fournissant des indications précises non seulement sur le caractère nouveau de cette question, mais également sur les raisons pour lesquelles ladite question est importante au regard desdits critères (voir, en ce sens, ordonnance du 15 juin 2022, Chypre/EUIPO, C‑120/22 P, EU:C:2022:493, point 19 et jurisprudence citée). Or, une telle démonstration ne ressort pas de la présente demande, le requérant se bornant à affirmer, de manière générique, que la Cour ne s’est pas encore prononcée expressément sur la question concernée et qu’une décision de la Cour aurait une incidence sur de nombreuses affaires.

24      En deuxième lieu, concernant l’argumentation évoquée aux points 12 à 14 de la présente ordonnance, il convient de constater que le requérant cherche à remettre en cause des appréciations factuelles auxquelles s’est livré le Tribunal relatives aux éléments de preuve produits devant lui. Or, une telle argumentation ne saurait démontrer que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnance du 17 janvier 2022, AM.VI. et Quinam/EUIPO, C‑599/21 P, EU:C:2022:32, point 18 et jurisprudence citée).

25      En troisième lieu, quant à l’argumentation évoquée aux points 15 à 17 de la présente ordonnance, il y a lieu de rappeler que, s’il est vrai que, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour, le défaut ou l’insuffisance de motivation constitue une erreur de droit qui peut être invoquée dans le cadre d’un pourvoi, l’admission d’un pourvoi demeure toutefois subordonnée au respect des conditions spécifiques consistant, pour le requérant au pourvoi, à démontrer, au sens indiqué au point 20 de la présente ordonnance, que ce dernier soulève une ou plusieurs questions importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union. Cette démonstration implique elle-même d’établir tant l’existence que l’importance de telles questions, au moyen d’éléments concrets et propres au cas d’espèce, et non pas simplement d’arguments d’ordre général (voir, par analogie, ordonnance du 8 mars 2023, Hijos de Moisés Rodríguez González/EUIPO, C‑605/22 P, EU:C:2023:199, point 21 et jurisprudence citée). Or, le requérant ne démontre pas à suffisance de droit, en quoi le défaut de motivation de l’arrêt attaqué qu’il allègue soulève une question importante pour la cohérence du droit de l’Union.

26      Dans ces conditions, il convient de constater que la demande présentée par le requérant n’est pas de nature à établir que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

27      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il n’y a pas lieu d’admettre le pourvoi.

 Sur les dépens

28      Aux termes de l’article 137 du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance.

29      La présente ordonnance étant adoptée avant que le pourvoi n’ait été signifié aux autres parties à la procédure et, par conséquent, avant que celles-ci n’aient pu exposer des dépens, il convient de décider que la requérante supportera ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (chambre d’admission des pourvois) ordonne :

1)      Le pourvoi n’est pas admis.

2)      M. Grzergorz Wyrębski supporte ses propres dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : le polonais.