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DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

17 novembre 2021 (*)

« Recours en annulation – Surveillance prudentielle des établissements de crédit – Missions spécifiques de surveillance confiées à la BCE – Décision de retrait de l’agrément d’un établissement de crédit – Disparition de l’objet du recours – Disparition de l’intérêt à agir – Non-lieu à statuer »

Dans l’affaire T‑247/16 RENV,

Trasta Komercbanka AS, établie à Riga (Lettonie), représentée par Me O. Behrends, avocat,

partie requérante,

contre

Banque centrale européenne (BCE), représentée par Mmes E. Koupepidou et C. Hernández Saseta, en qualité d’agents, assistées de Mes B. Schneider et M. Petite, avocats,

partie défenderesse,

soutenue par

République de Lettonie, représentée par Mme K. Pommere, en qualité d’agent,

et par

Commission européenne, représentée par M. V. Di Bucci et Mme A. Steiblytė, en qualité d’agents,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision ECB/SSM/2016 – 529900WIP0INFDAWTJ81/1 WOANCA-2016-0005 de la BCE, du 3 mars 2016, adoptée en vertu de l’article 4, paragraphe 1, sous a), et de l’article 14, paragraphe 5, du règlement (UE) no 1024/2013 du Conseil, du 15 octobre 2013, confiant à la BCE des missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de surveillance prudentielle des établissements de crédit (JO 2013, L 287, p. 63),

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de Mmes M. J. Costeira (rapporteure), présidente, M. Kancheva et T. Perišin, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige et faits postérieurs à l’introduction du recours

1        La requérante, JSC Trasta Komercbanka TKB, est un établissement de crédit letton de faible importance et de taille limitée fournissant des services financiers en vertu d’une autorisation qui lui a été accordée par la Finanšu un kapitāla tirgus komisija (Commission des marchés financiers et des capitaux, Lettonie, ci-après la « CMFC ») en septembre 1991.

2        Le 5 février 2016, la Banque centrale européenne (BCE) a reçu une proposition de la CMFC de retirer l’agrément pour l’accès à l’activité d’un établissement de crédit de la requérante en application de l’article 14, paragraphe 5, du règlement (UE) no 1024/2013 du Conseil, du 15 octobre 2013, confiant à la Banque centrale européenne des missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de surveillance prudentielle des établissements de crédit (JO 2013, L 287, p. 63).

3        Après avoir examiné, en coordination avec la CMFC, le respect des critères du droit de l’Union européenne et du droit national susceptibles de justifier le retrait d’un agrément et après avoir recueilli les observations de la requérante à deux reprises, la BCE a adopté, le 3 mars 2016, la décision ECB/SSM/2016 – 529900WIP0INFDAWTJ81/1 WOANCA-2016-0005, par laquelle elle a retiré l’agrément de la requérante et rejeté sa demande visant à obtenir la suspension des effets de la décision pendant un mois (ci-après la « décision attaquée »).

4        Le 3 avril 2016, l’organe administratif de réexamen de la BCE a reçu une demande de réexamen de la décision attaquée. Par une décision du 30 mai 2016, cet organe a considéré que les allégations de violations procédurales et matérielles par la décision attaquée n’étaient pas fondées et que cette décision était suffisamment motivée et proportionnée, tout en recommandant à l’organe de direction de la BCE de clarifier certains éléments.

5        Le 11 juillet 2016, la BCE a adopté la décision ECB/SSM/2016 – 5299WIP0INFDAWTJ81/2 WOANCA-2016-0005 par laquelle elle a décidé de retirer l’agrément pour l’accès aux activités d’établissement de crédit de la requérante (ci-après la « décision du 11 juillet 2016 »). Cette décision a abrogé et remplacé la décision attaquée.

 Procédure et conclusions des parties

6        Le 13 mai 2016, la requérante a introduit le présent recours.

7        Le 23 septembre 2016, la requérante a introduit un recours contre la décision du 11 juillet 2016, enregistré sous le numéro T-698/16.

8        Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 29 septembre 2016, la BCE a soulevé une exception d’irrecevabilité du recours en vertu de l’article 130, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

9        Par acte séparé déposé au greffe le 18 novembre 2016, la requérante a présenté ses observations sur l’exception d’irrecevabilité.

10      Par ordonnance du 12 septembre 2017, Fursin e.a./BCE (T‑247/16, non publiée, ci-après l’« ordonnance initiale », EU:T:2017:623), le Tribunal a, d’une part, jugé qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur le recours de la requérante tendant à l’annulation de la décision attaquée et, d’autre part, rejeté l’exception d’irrecevabilité de la BCE en tant qu’elle concernait le recours formé par les autres parties requérantes dans l’affaire T-247/16, qui étaient des actionnaires de la requérante.

11      La BCE a déposé son mémoire en défense le 25 octobre 2017.

12      La BCE, la Commission et les parties requérantes dans l’affaire T-247/16, dont la requérante, ont formés des pourvois à l’encontre de l’ordonnance initiale, respectivement le 24 novembre, le 27 novembre et le 28 novembre 2017.

13      Le 2 février 2018, sur le fondement de l’article 69, sous d), du règlement de procédure, le président de la deuxième chambre a décidé de suspendre la procédure jusqu’à la décision sur les pourvois contre l’ordonnance initiale.

14      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, en application de l’article 27, paragraphe 5, du règlement de procédure, le juge rapporteur a été affecté à la neuvième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

15      Le 5 novembre 2019, la Cour a rendu son arrêt BCE e.a./Trasta Komercbanka e.a. (C‑663/17 P, C‑665/17 P et C‑669/17 P, ci-après l’« arrêt sur pourvoi », EU:C:2019:923).

16      Par cet arrêt, d’une part, la Cour a jugé, dans le cadre du pourvoi dans l’affaire C‑669/17 P, introduit notamment par la requérante, qu’il y avait lieu de rejeter l’exception d’irrecevabilité soulevée par la BCE en tant qu’elle visait l’absence d’un mandat d’avocat valable aux fins de sa représentation devant le Tribunal comme étant non fondée (arrêt sur pourvoi, points 54 à 61, 70 à 76, 82 et point 3 du dispositif).

17      D’autre part, la Cour a jugé, dans le cadre du pourvoi dans l’affaire C‑669/17 P, introduit notamment par la requérante, qu’il y avait lieu d’accueillir l’exception d’irrecevabilité de la BCE en tant qu’elle visait le recours des autres parties requérantes dans l’affaire T-247/16 et, partant, de rejeter ce recours comme étant irrecevable (arrêt sur pourvoi, points 116, 119 et point 4 du dispositif).

18      La Cour a également renvoyé la présente affaire devant le Tribunal pour statuer sur le recours introduit par la requérante tendant à l’annulation de la décision attaquée (arrêt sur pourvoi, point 5 du dispositif).

19      À la suite de l’arrêt sur pourvoi, le Tribunal a fixé un nouveau délai pour la production du mémoire en défense de la BCE.

20      La BCE a présenté un nouveau mémoire en défense le 27 janvier 2020.

21      Le 14 février 2020, la présidente de la neuvième chambre a autorisé la République de Lettonie et la Commission européenne à intervenir au soutien de la BCE.

22      Le 20 mai 2020, la Commission a déposé son mémoire en intervention.

23      Le 13 août 2020, la requérante a présenté ses observations sur le mémoire en intervention de la Commission.

24      Le 27 août 2020, la requérante a déposé la réplique.

25      Le 26 octobre 2020, la BCE a déposé la duplique.

26      Par mesure d’organisation de la procédure du 2 juillet 2021, le Tribunal a demandé aux parties de se prononcer sur la question de savoir si le présent recours était devenu sans objet à la suite de l’adoption par la BCE de la décision du 11 juillet 2016, par laquelle cette institution aurait abrogé avec effet rétroactif la décision attaquée, étant donné que la Cour, dans l’arrêt sur pourvoi, n’avait pas examiné les conséquences éventuelles de ce remplacement.

27      À la suite du décès de M. le juge Berke survenu le 1er août 2021, par décision du président du Tribunal du 23 août 2021, la présente affaire a été attribuée à une nouvelle juge rapporteure, siégeant dans la neuvième chambre.

28      Par décision de la présidente de la neuvième chambre du 23 août 2021, une nouvelle juge assesseure a été désignée pour compléter la formation de jugement.

29      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours recevable ;

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la BCE aux dépens.

30      La BCE conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours irrecevable ;

–        à titre subsidiaire, déclarer le recours non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens ;

 En droit

31      Il convient de relever que la BCE invoque, aux fins d’établir l’irrecevabilité du recours, différentes fins de non-recevoir, dont celle tirée de l’absence de mandat du représentant de la requérante et celle tirée de l’absence de qualité pour agir des autres parties requérantes dans l’affaire T-247/16, actionnaires de la requérante, qui ont fait l’objet de l’ordonnance initiale et de l’arrêt sur pourvoi.

32      Il convient de constater que ces fins de non-recevoir ont reçu une réponse définitive, la Cour ayant jugé que le recours de la requérante était recevable et que le recours des autres parties requérantes dans l’affaire T-247/16 était irrecevable. La Cour a donc renvoyé l’affaire au Tribunal pour qu’il statue sur le recours introduit par la requérante tendant à l’annulation de la décision attaquée.

33      Outre ces fins de non-recevoir, la BCE soutient que le recours devrait être considéré comme étant devenu sans objet et que la requérante n’aurait plus d’intérêt à agir.

34      En vertu de l’article 130, paragraphes 2 et 7, du règlement de procédure, si une partie le demande, le Tribunal peut constater que le recours est devenu sans objet et qu’il n’y a plus lieu de statuer. En l’espèce, la BCE ayant demandé qu’il soit constaté que le recours est devenu sans objet et qu’il n’y a plus lieu de statuer, le Tribunal, s’estimant suffisamment éclairé par les pièces du dossier, décide de statuer sur cette demande sans poursuivre la procédure.

35      À cet égard, dans son exception d’irrecevabilité, la BCE soutient que le présent recours doit être considéré comme étant devenu sans objet dans la mesure où la décision attaquée avait été abrogée et remplacée par la décision du 11 juillet 2016, qui se fonde sur les mêmes motifs et produit les mêmes effets juridiques. [exception d’irrecevabilité, pts. 80 et 81]

36      Dans ses observations sur l’exception d’irrecevabilité, la requérante soutient que le présent recours n’est pas devenu sans objet, en faisant valoir, premièrement, l’effet ex nunc de la décision du 11 juillet 2016, deuxièmement, le fait que la décision attaquée, qui a pour effet de lui retirer son agrément, n’a pas à être confirmée pour que ses effets soient maintenus, troisièmement, le fait que cette décision constitue la base de sa liquidation, intervenue antérieurement à la seconde décision et, quatrièmement, la possibilité, pour elle de demander un dédommagement. [observations, pts. 8 à 10 et 35 à 39]

37      En outre, en réponse à la mesure d’organisation de la procédure du 2 juillet 2021, la requérante, soutenue par la Commission, maintient qu’elle dispose d’un intérêt à l’annulation de la décision attaquée, en substance, pour les motifs indiqués dans ses observations sur l’exception d’irrecevabilité de la BCE. Elle ajoute que le Tribunal avait jugé, dans l’ordonnance initiale, que le présent recours n’était pas devenu sans objet, que cette partie de l’ordonnance serait devenue définitive, car elle n’a pas fait l’objet d’un pourvoi, et que la Cour aurait jugé que le présent recours n’était pas devenu sans objet [réponse requérante à la MOP, pts. 1 à 11 et 12 à 31].

38      Dans sa réponse à la question posée par le Tribunal, la BCE maintient, en substance, son argumentation. [réponse BCE à la MOP, pts. 6 et 7]

39      À titre liminaire, il convient de préciser que, même si la Cour a jugé, au point 83 de l’arrêt sur pourvoi, que le Tribunal n’avait pas statué quant au fond, renvoyant l’affaire devant ce dernier sans mentionner les autres fins de non-recevoir soulevées par la BCE, force est de constater qu’il appartient au Tribunal de statuer non seulement quant au fond, mais également sur les fins de non-recevoir qui n’ont pas fait l’objet des pourvois devant la Cour (voir, en ce sens, arrêt du 9 juin 2021, Uniwersytet Wrocławski/REA, T‑137/16 RENV, non publié, EU:T:2021:335, point 56). Tel est le cas également lorsque, comme en l’espèce, il s’agit de se prononcer sur un éventuel non-lieu à statuer en raison de la perte d’objet du recours et de l’absence de persistance de l’intérêt à agir, question qui, d’ailleurs, peut être soulevée d’office par les juridictions de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2018, Bank Mellat/Conseil, C‑430/16 P, EU:C:2018:668, point 49).

40      Or, les arguments concernant la persistance de l’objet du litige et de l’intérêt à agir de la requérante n’ont pas fait l’objet des pourvois devant la Cour. Il revient donc au Tribunal, compte tenu des arguments avancés par les parties, de vérifier si l’objet du recours ainsi que l’intérêt à agir de la requérante persistent.

41      À cet égard, il convient de rappeler qu’un recours en annulation intenté par une personne physique ou morale n’est recevable que dans la mesure où cette dernière a un intérêt à voir annuler l’acte attaqué. Un tel intérêt, condition essentielle et première de tout recours en justice, suppose que l’annulation de cet acte soit susceptible, par elle‑même, d’avoir des conséquences juridiques et que le recours puisse ainsi, par son résultat, procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté (voir, en ce sens, arrêt du 17 septembre 2015, Mory e.a./Commission, C‑33/14 P, EU:C:2015:609, points 55 et 58).

42      Cet intérêt doit, au vu de l’objet du recours, exister au stade de l’introduction de celui-ci sous peine d’irrecevabilité. Cet objet du litige doit perdurer, tout comme l’intérêt à agir, jusqu’au prononcé de la décision juridictionnelle sous peine de non-lieu à statuer, ce qui suppose que le recours soit susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté (voir arrêt du 7 juin 2007, Wunenburger/Commission, C‑362/05 P, EU:C:2007:322, point 42 et jurisprudence citée).

43      Ainsi qu’il ressort de l’article 24, paragraphe 1, du règlement 1024/2013, la BCE met en place une commission administrative de réexamen (ci-après la « CAR ») chargée de procéder au réexamen administratif interne des décisions qu’elle prend dans l’exercice des compétences que lui confère ledit règlement. Selon le paragraphe 2 de cet article, la CAR comprend cinq personnes d’une grande honorabilité, qui sont des ressortissants des États membres et dont il est attesté qu’elles ont les connaissances et l’expérience professionnelle requises et qui ne font pas partie du personnel en poste de la BCE, des autorités compétentes ni d’autres institutions, organes, organismes ou agences des États membres ou de l’Union. Par sa décision 2014/360/UE, du 14 avril 2014, concernant la mise en place d’une commission administrative de réexamen et ses règles de fonctionnement (JO 2014, L 175, p. 47), adoptée sur le fondement de l’article 24 du règlement n° 1024/2013, la BCE a institué la CAR.

44      Il ressort, par ailleurs, de l’article 24, paragraphe 7, du règlement n° 1024/2013 que le réexamen administratif interne des décisions de la BCE en matière de surveillance prudentielle comporte trois phases. En premier lieu, la CAR émet un avis à l’attention du conseil de surveillance prudentielle en vue de l’élaboration d’un nouveau projet de décision. En deuxième lieu, le conseil de surveillance prudentielle tient compte de l’avis de la CAR et soumet un nouveau projet de décision au conseil des gouverneurs dans les délais prévus à l’article 17, paragraphe 2, de la décision 2014/360. Le nouveau projet de décision « abroge la décision initiale, la remplace par une décision dont le contenu est identique, ou la remplace par une décision modifiée ». En troisième lieu, le nouveau projet de décision est réputé adopté à moins que le conseil des gouverneurs ne s’y oppose dans un délai maximal de dix jours ouvrables.

45      Enfin, selon l’article 24, paragraphe 1, du règlement n° 1024/2013, le réexamen administratif interne porte sur la conformité formelle et matérielle, audit règlement, des décisions prises par la BCE dans l’exercice des compétences que lui confère ce règlement. Il est vrai que, en vertu de l’article 10, paragraphe 2, de la décision 2014/360, la CAR se limite à l’examen des motifs invoqués par l’auteur de la saisine tels qu’ils sont énoncés dans la demande de réexamen. Toutefois, selon l’article 17, paragraphe 1, de la même décision, l’évaluation du conseil de surveillance prudentielle ne se limite pas à l’examen des motifs invoqués par l’auteur de la saisine tels qu’exposés dans la demande de réexamen, mais elle peut également tenir compte d’autres éléments dans sa proposition d’un nouveau projet de décision.

46      Il ressort d’une lecture combinée des dispositions mentionnées aux points 43 à 45 ci-dessus que le réexamen administratif interne des décisions prises par la BCE dans l’exercice des compétences que lui confère le règlement n° 1024/2013 consiste, pris dans son ensemble, en une nouvelle évaluation complète de l’affaire, qui n’est pas limitée aux motifs invoqués à l’appui de la demande de réexamen. Cette particularité de la procédure de réexamen administratif est reflétée dans le fait que, en vertu de l’article 17, paragraphe 1, de la décision 2014/360, le conseil de surveillance prudentielle, après avoir tenu compte de l’avis de la CAR, mise en place aux fins d’un réexamen des décisions de la BCE dans des conditions accrues d’indépendance et d’expertise (voir point 43 ci‑dessus), est lui-même doté d’une compétence élargie.

47      Dans ce contexte, l’article 24, paragraphe 7, du règlement n° 1024/2013 prévoit que la procédure de réexamen peut aboutir à trois résultats. Le premier consiste en l’abrogation pure et simple de la décision initiale. Le deuxième consiste en un remplacement de la décision initiale par une décision identique. Le troisième consiste en un remplacement de la décision initiale par une décision modifiée.

48      Pour les raisons qui seront exposées aux points 49 à 51 ci-après, l’article 24, paragraphe 7, du règlement n° 1024/2013 établit une obligation pesant sur la BCE de faire rétroagir la décision adoptée à l’issue du réexamen au moment de la prise d’effet de la décision initiale, quel que soit le résultat dudit réexamen.

49      En particulier, si le conseil de surveillance prudentielle et le conseil des gouverneurs estiment que la décision initiale, en vertu de laquelle il a été procédé au retrait de l’agrément de l’établissement de crédit, est valide, le conseil des gouverneurs ne procède pas à un simple rejet de la demande de réexamen au fond, mais, conformément à l’article 24, paragraphe 7, du règlement n° 1024/2013, à l’adoption d’une décision identique à celle faisant l’objet dudit réexamen. Or, dans une telle hypothèse, il n’est pas concevable de procéder à un second retrait du même agrément. La décision ayant un contenu identique à la décision réexaminée ne peut donc remplacer cette dernière qu’avec effet rétroactif au moment de la prise d’effet de la décision ayant fait l’objet du réexamen.

50      Cette interprétation, imposée par la nature des mesures en cause, est également valable lorsque le conseil de surveillance prudentielle et le conseil des gouverneurs estiment que le retrait de l’agrément n’est pas justifié ou qu’il peut être remédié aux défaillances constatées au moyen de mesures moins contraignantes. En effet, dans une telle hypothèse, l’acte abrogeant le retrait de l’agrément ou imposant ces mesures doit obligatoirement rétroagir de sorte à supprimer ex tunc le retrait de l’agrément de l’établissement de crédit et, le cas échéant, à le remplacer par la mesure considérée comme étant la plus appropriée. À défaut d’un tel effet rétroactif, la décision rendue sur réexamen ne pourrait déployer ses effets qu’à condition d’octroyer un nouvel agrément, conformément à la procédure prévue à l’article 14 du règlement n° 1024/2013.

51      Cette appréciation est indirectement, mais nécessairement, confirmée par l’article 24, paragraphe 8, du règlement n° 1024/2013 ainsi que par l’article 9, paragraphe 1, de la décision 2014/360, selon lesquels la demande de réexamen n’a pas d’effet suspensif à l’égard de l’application de la décision contestée. Il s’ensuit que le remplacement de la décision réexaminée par une décision modifiée doit se faire avec effet rétroactif au moment de la prise d’effet de la décision réexaminée, à défaut de quoi la décision finale ne pourrait déployer son effet utile.

52      Il ressort également de l’analyse qui précède que le remplacement de la décision initiale par une décision identique ou modifiée à l’issue de la procédure de réexamen entraîne la disparition définitive de la décision initiale de l’ordre juridique.

53      En l’espèce, d’une part, il ressort du dispositif de la décision attaquée que cette décision a pris effet à 23 heures le jour de sa notification à la requérante, en conformité avec l’article 297, paragraphe 2, troisième alinéa, TFUE. D’autre part, il ressort du dispositif de la décision du 11 juillet 2016 que, par cette décision, la BCE a décidé de remplacer entièrement la décision attaquée, qu’elle a considéré comme abrogée à la date et à l’heure de la notification de la décision du 11 juillet 2016 à son destinataire. De plus, il en ressort que la BCE a décidé que le retrait de l’agrément restait en vigueur sans interruption à partir de 23 heures à la date de la notification de la décision attaquée.

54      Or, de l’ensemble du dispositif de la décision du 11 juillet 2016 résulte que, nonobstant le fait que la décision attaquée était abrogée à la date et à l’heure de la notification de la décision du 11 juillet 2016, cette dernière décision a entièrement remplacé la décision attaquée avec effet à la date de la notification de cette dernière, date à laquelle le retrait de l’agrément de la requérante devait déployer ses effets.

55      En tout état de cause, il convient de relever que la décision du 11 juillet 2016 a été adoptée à l’issue du réexamen administratif intenté contre la décision attaquée et a un contenu identique à cette dernière, au sens de l’article 24, paragraphe 7, du règlement n° 1024/2013.

56      Il s’ensuit que, en vertu de la décision du 11 juillet 2016, la BCE a procédé, en conformité avec le cadre juridique régissant la procédure de réexamen administratif (voir points 43 à 49 ci-dessus), au remplacement de la décision attaquée avec effet rétroactif au moment de la prise d’effet de cette dernière.

57      Or, la disparition de l’objet du litige peut notamment provenir du retrait ou du remplacement de l’acte attaqué en cours d’instance (voir, en ce sens, ordonnance du 12 janvier 2011, Terezakis/Commission, T‑411/09, EU:T:2011:4, point 15 et jurisprudence citée).

58      En effet, un acte qui est retiré et remplacé disparaît complètement et ex tunc de l’ordre juridique de l’Union, de sorte qu’un arrêt qui annulerait l’acte retiré n’entraînerait aucune conséquence juridique supplémentaire par rapport aux conséquences du retrait opéré (voir, en ce sens, ordonnances du 28 mai 1997, Proderec/Commission, T‑145/95, EU:T:1997:74, point 26 ; du 6 décembre 1999, Elder/Commission, T‑178/99, EU:T:1999:307, point 20, et du 9 septembre 2010, Phoenix-Reisen et DRV/Commission, T‑120/09, non publiée, EU:T:2010:381, point 23).

59      Il s’ensuit que, en cas de retrait de l’acte contesté, la partie requérante ne conserve aucun intérêt à en obtenir l’annulation et que le recours contre cet acte devient sans objet, de sorte qu’il n’y a plus lieu de statuer (voir, en ce sens, arrêt du 1er juin 1961, Meroni e.a./Haute Autorité, 5/60, 7/60 et 8/60, EU:C:1961:10, p. 211 à 213 ; ordonnances du 6 décembre 1999, Elder/Commission, T‑178/99, EU:T:1999:307, point 21 et 22 ; et du 9 septembre 2010, Phoenix-Reisen et DRV/Commission, T‑120/09, non publiée, EU:T:2010:381, point 24 à 26).

60      Cette conclusion est d’autant plus évidente lorsque, comme en l’espèce, l’acte attaqué a été remplacé, avec effet rétroactif, par un acte identique, qui ne serait pas affecté par l’éventuelle annulation du premier acte.

61      Par conséquent, dans un contexte juridique qui organise un réexamen administratif donnant lieu à l’adoption d’actes destinés à remplacer, avec effet rétroactif, les actes ayant fait l’objet dudit réexamen, les intérêts des parties affectées sont intégralement protégés grâce à la possibilité de demander l’annulation de l’acte adopté à l’issue du réexamen en question ainsi que la réparation de tout préjudice occasionné par l’adoption de celui-ci.

62      Il s’ensuit que le recours n’a plus d’objet et que, par voie de conséquence, la requérante a perdu son intérêt à poursuivre l’annulation de la décision attaquée. Il n’y a donc plus lieu de statuer sur le présent recours.

 Sur les dépens

63      Aux termes de l’article 137 du règlement de procédure, en cas de non-lieu à statuer, le Tribunal règle librement les dépens.

64      Compte tenu des considérations ayant amené le Tribunal à constater qu’il n’y a plus lieu à statuer, il sera fait une juste appréciation des circonstances de l’espèce en décidant que chaque partie supportera ses propres dépens.

65      Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. Dès lors, la République de Lettonie et la Commission supporteront chacune leurs propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

ordonne :

1)      Il n’y a plus lieu de statuer sur le présent recours.

2)      Trasta Komercbanka AS et la Banque centrale européenne (BCE) supporteront chacune leurs propres dépens.

3)      La République de Lettonie et la Commission européenne supporteront chacune leurs propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 17 novembre 2021.

Le greffier

 

La présidente

E. Coulon

 

M. J. Costeira


*      Langue de procédure : l’anglais